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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL LES PRATIQUES DE CONSEILLERS ET DE CONSEILLÈRES D’ORIENTATION AUPRÈS DE PERSONNES EN SITUATION D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION PAR ÉRIC PÉLOQUIN NOVEMBRE 2011

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

LES PRATIQUES DE CONSEILLERS ET DE CONSEILLÈRES

D’ORIENTATION AUPRÈS DE PERSONNES EN SITUATION

D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL

RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE

PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION

PAR

ÉRIC PÉLOQUIN

NOVEMBRE 2011

2

Sommaire

L’épuisement professionnel est un sujet de recherche qui fait l’objet d’une grande

popularité dans les dernières décennies. L’accroissement du nombre d’individus aux

prises avec cette difficulté en est une des raisons majeures. Ces gens, dont les vies

basculent soudainement, se tournent ainsi vers les services de professionnels pour

les aider à surmonter cette dure épreuve. Parmi l’ensemble des professionnels du

Québec, il y a les conseillers d’orientation qui, par des offres de service en lien avec

l’épuisement professionnel et des champs d’expertise ciblés, démontrent posséder

les compétences requises pour accompagner ce type de clientèle. Toutefois, le

mystère entourant leur conception de l’épuisement professionnel, leur rôle et les

stratégies d’intervention déployées demeure entier et nécessite des

éclaircissements. Cet essai a donc pour mission exploratoire la clarification de toute

cette confusion.

La revue des nombreuses recherches scientifiques sur le sujet permet de

comprendre que les causes et les conséquences sont multiples et peuvent être

autant individuelles, organisationnelles que sociales. À leur tour, les approches

conceptuelles sont également multidimensionnelles; elles peuvent influencer par la

suite des stratégies d’intervention préventives autant que curatives, et ce, autant sur

le plan individuel (individu seulement), interactionnel (individu en contexte de

travail), qu’organisationnel (entreprises seulement).

Les entretiens qualitatifs réalisés auprès de huit conseillers d’orientation spécialisés

dans l’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel ont permis

de réaliser qu’effectivement, les causes et les conséquences sont multiples. Les

entretiens ont aussi permis de comparer les approches conceptuelles et les

stratégies d’intervention préconisées par les conseillers d’orientation, et ce, en

comparaison avec les recherches scientifiques à cet égard. Les conseillers

d’orientation utilisent une approche dite éclectique, c’est-à-dire qui s’inspire de

3

plusieurs approches différentes, soit les approches cognitives et comportementales,

systémiques, existentialistes et interpersonnelles. Également, les résultats

démontrent que le rôle des conseillers d’orientation varie en fonction de la clientèle

et du niveau de formation. En effet, lorsque les clients sont référés par des

compagnies d’assurances, des institutions gouvernementales ou des entreprises

privées, le rôle accordé aux conseillers d’orientation se situe principalement sur le

plan de la réadaptation ou de la réorientation à la suite du traitement psychologique

de l’épuisement professionnel. La priorité de référence pour le traitement

psychologique est accordée aux psychologues et aux psychiatres. Toutefois, les

conseillers d’orientation qui possèdent une accréditation en psychothérapie ont un

rôle presque identique à celui des psychologues. Par contre, lorsque l’initiative de

consultation provient du client lui-même, les scénarios sont beaucoup plus variés;

ils peuvent être en pré-épuisement, en épuisement ou en post-épuisement. Le degré

d’accompagnement des conseillers d’orientation dépendra surtout de la sévérité de

l’épuisement professionnel et de la perception de leurs capacités à intervenir. Aussi,

cet essai permet de réaliser que les incapacités d’introspection des clients, leurs

difficultés financières, leurs exigences élevées, leur passivité, la longueur des

processus et le peu de temps accordé par les mandataires sont des difficultés

éprouvées par les conseillers d’orientation avec ce type de clientèle. Enfin, les

résultats démontrent que les conseillers d’orientation souhaitent que leur

spécialisation soit valorisée, que leur rôle de prévention soit plus accru, que la

bonification des connaissances soit favorisée et que des regroupements soient créés

pour mieux répondre aux besoins des clients souffrant d’épuisement professionnel.

4

Remerciements

Au départ, j’aimerais mentionner { quel point je suis reconnaissant envers les huit

conseillers et conseillères d’orientation qui ont accepté, avec une immense

générosité, de participer à cette recherche. Sans aucune hésitation, je peux affirmer

que la richesse de leurs propos influence grandement la qualité des résultats

obtenus et de la recherche dans son ensemble. Leur participation à ce projet

témoigne de leur grande passion pour le développement de la profession. C’est donc

avec beaucoup d’admiration et de gratitude que je prends le temps de vous

remerciez pour votre précieuse collaboration.

De plus, tout ce travail n’aurait été possible sans le soutien et les nombreux

encouragements de mon superviseur Louis Cournoyer qui, tout au long de cette

recherche, m’a constamment appuyé dans mes démarches. La grande considération

que tu portes à ma recherche influence grandement ma motivation et ma

persévérance, et ce, autant durant la production de la recherche que pour son

rayonnement futur. Pour tout cela et encore plus, je tiens à te témoigner ma plus

grande reconnaissance.

Enfin, je tiens aussi à remercier mes parents (Michel, Johanne), mes amis (Erik,

Frédéric, Pascal, Marilyne et Marco), mais aussi mon amoureuse Sonia pour leur

appui inconditionnel et leur compréhension tout au long de la réalisation de cette

recherche. Leur soutien constant m’a toujours permis de persévérer et de croire en

mes habiletés à produire cette recherche, dont je retire une grande fierté

personnelle. Je souhaite aussi qu’elle puisse intéresser et inspirer de nombreux

professionnels aussi passionnés que moi par le thème de l’épuisement

professionnel.

Merci à tous et bonne lecture!

5

Table des matières Sommaire ................................................................................................................................................... 2

Remerciements ........................................................................................................................................ 4

Table des matières ................................................................................................................................. 5

Liste des tableaux ................................................................................................................................... 8

Liste des figures .................................................................................................................................... 11

Introduction ........................................................................................................................................... 12

1. Problématique : épuisement professionnel .............................................................. 13

1.1. Le phénomène .................................................................................................................... 13

1.2. Les causes ............................................................................................................................ 14

1.2.1. Les facteurs individuels ........................................................................................ 14

1.2.2. Les facteurs relationnels et organisationnels .............................................. 17

1.2.3. Les facteurs sociaux................................................................................................ 18

1.3. Les conséquences ............................................................................................................. 21

1.3.1. Sur le plan individuel ............................................................................................. 21

1.3.2. Sur le plan relationnel et organisationnel ..................................................... 24

1.3.3 Sur le plan social .............................................................................................................. 27

1.4. L’intervention ..................................................................................................................... 28

1.4.1. Perspective médico-psychologique .................................................................. 28

1.4.2. Perspective carriérologique ................................................................................ 30

1.4.3. Orientation et épuisement professionnel : mince littérature scientifique .................................................................................................................................... 33

1.5. Question et objectifs de recherche ............................................................................. 34

2. La conception de l’épuisement professionnel .......................................................... 37

2.1. Une notion souvent confondue .......................................................................................... 37

2.1.1. Versus la dépression ..................................................................................................... 37

2.1.2. Versus la détresse psychologique ............................................................................ 38

2.1.3. Versus le surmenage ..................................................................................................... 38

2.2. Une notion à circonscrire ..................................................................................................... 39

2.3. Une variété d’approches conceptuelles .......................................................................... 43

2.3.1. Les approches individuelles ....................................................................................... 45

6

2.3.2. Les approches interactionnelles et organisationnelles ................................... 49

2.4. Une variété d’interventions ................................................................................................ 59

2.4.1. Les interventions de prévention .............................................................................. 62

2.4.2. Les interventions de traitement ............................................................................... 71

3. Méthodologie ............................................................................................................................. 90

3.1 Approche de recherche .......................................................................................................... 90

3.2 Population et échantillonnage ............................................................................................ 91

3.3 Instruments de recherche .................................................................................................... 93

3.4 Démarche d’entretien ............................................................................................................ 94

3.5 Modalités d’analyse des données ...................................................................................... 95

3.6 Éthique de la recherche ......................................................................................................... 96

4. Présentation et analyse des résultats ........................................................................... 98

4.1 Les causes de l’épuisement professionnel ..................................................................... 99

4.1.1 Facteurs individuels en cause ..................................................................................... 99

4.1.2 Facteurs organisationnels en cause ....................................................................... 109

4.1.3 Facteurs sociaux en cause .......................................................................................... 116

4.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel .................................................... 120

4.2.1 Conséquences émotionnelles .................................................................................... 120

4.2.2 Conséquences comportementales .......................................................................... 123

4.2.3 Conséquences cognitives ............................................................................................ 126

4.2.4 Conséquences physiologiques .................................................................................. 133

4.3 La situation générale des clients ...................................................................................... 135

4.4 Accompagnement psychologique des clients ............................................................. 146

4.5 Stratégies d’intervention des conseillers d’orientation .......................................... 151

4.5.1 Stratégies d’intervention lors des premières rencontres .............................. 151

4.5.2 Interventions sur le plan des émotions ................................................................ 160

4.5.3 Interventions sur le plan des cognitions .............................................................. 162

4.5.4 Interventions sur le plan des comportements ................................................... 172

4.5.5 Réintégration ou réorientation ................................................................................ 176

4.5.6 Autres stratégies d’intervention .............................................................................. 181

4.6 Difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation ....................................... 185

4.7 Suggestions d’amélioration de la profession .............................................................. 195

7

5. Discussion .................................................................................................................................. 203

5.1 Les causes de l’épuisement professionnel ............................................................ 203

5.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel ............................................. 205

5.3 Diagnostics et pharmacothérapie ............................................................................. 206

5.4 Le rôle des conseillers d’orientation ....................................................................... 207

5.5 Stratégies d’intervention ............................................................................................. 208

6. Conclusion ................................................................................................................................. 214

6.1 Les apports de cette recherche .................................................................................. 214

6.2 Les limites de cette recherche ................................................................................... 217

6.3 Les retombées de cette recherche ............................................................................ 218

Bibliographie ..................................................................................................................................... 220

ANNEXE I .............................................................................................................................................. 232

ANNEXE II ............................................................................................................................................ 237

ANNEXE III ........................................................................................................................................... 241

8

Liste des tableaux

Tableau 1 Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du

fonctionnement psychologique de la personne

Tableau 2 Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du

fonctionnement psychologique de la personne en relation avec le

milieu de travail

Tableau 3 Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome

d’épuisement professionnel

Tableau 4 Traits de personnalité et leur influence sur le développement de

l’épuisement professionnel

Tableau 5 Facteurs organisationnels en cause dans le développement de

l’épuisement professionnel

Tableau 6 Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en

fonction des différentes catégories d’approche

Tableau 7 Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de

Bernier

Tableau 8 Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur

Tableau 9 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs individuels

en cause dans le développement de l’épuisement professionnel

Tableau 10 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs

organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement

professionnel

Tableau 11 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs sociaux en

cause dans le développement de l’épuisement professionnel

Tableau 12 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences

émotionnelles chez les clients en situation d’épuisement professionnel

Tableau 13 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences

comportementales chez les clients en situation d’épuisement

professionnel

9

Tableau 14 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences

cognitives chez les clients en situation d’épuisement professionnel

Tableau 15 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences

physiologiques chez les clients en situation d’épuisement

professionnel

Tableau 16 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation

générale des clients en lien avec l’environnement

Tableau 17 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation

générale des clients en lien avec l’environnement

Tableau 18 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les

stratégies d’intervention lors des premières rencontres avec les

clients en situation d’épuisement professionnel

Tableau 19 Thème émergeant et définition opératoire concernant l’intervention

sur le plan des émotions avec les clients en situation d’épuisement

professionnel

Tableau 20 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant

l’intervention sur le plan des cognitions avec les clients en situation

d’épuisement professionnel

Tableau 21 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant

l’intervention sur le plan des comportements avec les clients en

situation d’épuisement professionnel

Tableau 22 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la

réintégration ou la réorientation { la suite d’un épuisement

professionnel

Tableau 23 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les autres

stratégies d’interventions possibles avec les clients en situation

d’épuisement professionnel

Tableau 24 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les

difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation avec les clients

en situation d’épuisement professionnel

10

Tableau 25 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les

suggestions d’amélioration de la profession de conseillers

d’orientation en lien avec l’épuisement professionnel

11

Liste des figures

Figure 1 Modèle de l’approche existentialiste de Pines

Figure 2 Processus en trois phases menant { l’épuisement professionnel selon

Cherniss

Figure 3 Conception de l’approche relationnelle de Maslach

Figure 4 Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter

Figure 5 Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle

Figure 6 Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance

Figure 7 Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti

Figure 8 Modèle conceptuel des croyances irrationnelles de Beck

Figure 9 Modèle révisé de l’approche multimodale du stress de Lazarus

Figure 10 Portrait de la situation de la clientèle qui consultent les conseillers

d’orientation

12

Introduction

Selon une étude canadienne, chaque année, environ 50 milliards de dollars

consentis annuellement à la prévention et au traitement en santé mentale sont

directement liés au phénomène de l’épuisement professionnel (Lim et al., 2008).

Cette somme d’argent, qui représente une portion importante du budget canadien,

est un indicateur que le phénomène de l’épuisement professionnel a bel et bien pris

une ampleur considérable au Canada. Devant ce constat pour le moins inquiétant, le

déploiement des ressources pour venir en aide à ces hommes et ces femmes qui

souffrent d’épuisement professionnel demeure ambigu. Parmi l’ensemble des

ressources offertes, il est possible de constater que les conseillers d’orientation font

partie des catégories de professionnels participant { l’accompagnement des clients

en situation d’épuisement professionnel. Toutefois, leur vision, leur rôle ainsi que

leurs stratégies d’intervention demeurent, à ce jour, encore très nébuleux. C’est

donc ces aspects en particulier que cette recherche tente d’élucider. Pour ce faire, le

premier chapitre expliquera la problématique de recherche pour converger vers la

formulation de la question de recherche, de l’objectif général et des sous-objectifs.

Le deuxième chapitre présentera les différentes théories conceptuelles relatives à

l’épuisement professionnel qui serviront ensuite de comparatif avec les résultats

obtenus, mais aussi de bonification { l’analyse des résultats. Le troisième chapitre,

quant à lui, exposera la méthodologie de recherche utilisée pour obtenir les

résultats, et ce, dans le but de répondre précisément à la question de recherche. Le

chapitre suivant, le quatrième, servira de présentation et d’analyse des résultats. Le

cinquième chapitre fera surtout l’objet d’une discussion sur les résultats obtenus en

comparaison avec les théories conceptuelles. Enfin, le sixième et dernier chapitre

conclura cette recherche en présentant ses apports scientifiques, ses limites et ses

retombées futures.

13

1. Problématique : épuisement professionnel

Le phénomène de l’épuisement professionnel est de plus en plus préoccupant.

Plusieurs individus souffrent et plusieurs catégories de professionnels offrent des

services pour leur venir en aide. Toutefois, parmi toutes ces catégories de

professionnels, une certaine confusion existe particulièrement sur le rôle des

conseillers d’orientation en matière d’accompagnement des gens en situation

d’épuisement professionnel. Ainsi, les explications qui suivent, concernant le

phénomène de l’épuisement professionnel, ses causes, ses conséquences ainsi que

les champs de compétences des différents professionnels, ont pour but d’éclaircir

toute cette confusion et de démontrer l’importance de cette recherche.

1.1 Le phénomène

Au Québec, le nombre de citoyens en épuisement professionnel est évalué entre

260 000 et 450 000, ce qui est considérable (Gouvernement du Canada, 2009).

Environ quatre personnes sur dix vivent, à un moment ou à un autre, des épisodes

fréquents de stress au travail (Bordeleau et Traoré, 2007). Plus précisément, de 4 %

à 7 % de toute la population québécoise vit ou vivra au cours de sa vie un

épuisement professionnel (Schaufeli, 2003). Les statistiques démontrent aussi qu’{

tout moment, une proportion d’environ 22 % des Québécois ressentent une

détresse psychologique importante au travail (Camirand, Berneche, Cazale, Dufour,

Baulne, 2010). De plus, un récent rapport produit par la Commission de la Santé et

de la Sécurité au Travail (CSST) mentionne que les lésions acceptées, attribuables au

stress chronique en milieu de travail, entrainent, en moyenne, 271 jours d’absence

du milieu du travail, ce qui représente des coûts d’indemnisation très considérables.

Ces chiffres témoignent donc d’inquiétudes sociales { l’égard des coûts pour la

société, mais aussi des conséquences de l’épuisement professionnel chez les

individus, ainsi que de la détresse psychologique qui l’accompagne.

14

L’épuisement professionnel, souvent mieux connu sous son vocable anglophone

Burnout, est un phénomène sociomédical ayant émergé dans le monde tant

scientifique que littéraire au tournant des années 1970. C’est au psychothérapeute

et psychiatre Herbert Freudenberger que l’on associe les premières études et

pratiques professionnelles spécifiques { l’épuisement professionnel. En

s’intéressant au profil des personnes souffrant d’épuisement professionnel,

Freudenberger (1987) remarque certaines tendances :

Plusieurs des personnes qui viennent me consulter décrivent des sentiments similaires, et pourtant ce ne sont ni des névrosés, ni des psychotiques dans le sens médical de ces termes. […] Ces hommes et ces femmes présentaient tous des signes de dissension entre eux-mêmes et leur environnement. (Freudenberger, 1987, p. 13-14)

En 2003, pas moins de 6 000 publications scientifiques sur l’épuisement

professionnel furent recensées par Schaufeli (2003). Et depuis, nombreuses sont les

disciplines professionnelles s’intéressant { la question sur le plan de la prévention

et de l’intervention : médecins et psychiatres, psychologues, sociologues, conseillers

en ressources humaines, conseillers en relations industrielles, de même que les

conseillers d’orientation.

1.2 Les causes

Les causes de l’épuisement professionnel ont alimenté de nombreuses productions

scientifiques au cours des dernières décennies. Ce phénomène traverse l’ensemble

des sphères de la vie individuelle, relationnelle, organisationnelle ainsi que sociale,

de sorte que les facteurs en cause lors de son apparition sont multiples.

1.2.1 Les facteurs individuels

La présence de certaines caractéristiques individuelles apparaissent intimement

liées { des difficultés d’adaptation de la personne en contexte de travail

15

(Freudenberger, 1987; Schaufeli, 2003). Freudenberger (1987) constate d’ailleurs

que ces personnes sont généralement très performantes, idéalistes, énergiques,

mais inaptes à donner un répit à leurs efforts constants sur le marché du travail :

Leur horaire est toujours plein et quel que soit le travail à faire, on peut être certain qu’ils feront plus que leur part. Ce sont généralement des leaders qui n’admettent pas qu’ils ont des limites et ils se brûlent { force d’exiger trop d’eux-mêmes. Tous ces gens avaient au départ de grands espoirs et n’ont jamais voulu faire de compromis en cours de route. (Freudenberger, 1987, p. 29)

Une des plus récentes et importantes recherches à ce sujet, est probablement celle

d’Alarcon, Eschleman et Bowling (2009) qui démontre, grâce à une méta-analyse,

que plusieurs traits de personnalité, notamment les cinq traits du Big Five, ont une

relation significative avec l’épuisement professionnel. Cette étude, contrairement

aux autres effectuées auparavant, intègre plusieurs traits de personnalité et non

seulement un seul ou deux traits à la fois. Par exemple, une étude sur le locus de

contrôle démontre que les gens dont le locus de contrôle est interne (maître de leur

destin) ont une plus grande motivation, de meilleurs résultats et de meilleures

relations au travail. Par comparaison, ceux dont le locus de contrôle est externe

(dépendant de l’environnement) ont plus de difficultés d’adaptation en milieu de

travail (Ng et al., 2006).

Pour Ahola et al. (2007), les personnes souffrant de dépression sont plus

prédisposées { l’épuisement professionnel. D’abord, elles possèdent moins de

ressources pour faire face aux demandes en milieu de travail. Elles ont également

tendance { percevoir et { évaluer le milieu de travail plus négativement qu’une

personne non dépressive. Childs et Stoeber (2010) soulignent quant à eux que les

gens perfectionnistes sociaux, soit ceux considérant que l’atteinte de niveau de

perfection élevé est un préalable { la considération d’autrui, ont plus de chances de

souffrir d’épuisement professionnel. Au Québec, Vallerand et al. (2010) démontrent

qu’un niveau de passion trop élevé pour le travail peut mener à un épuisement

professionnel. Le fait d’être trop passionné pour son emploi et d’y consacrer trop de

16

temps et d’énergie crée un déséquilibre entre le travail et la vie en dehors du travail

qui est néfaste pour la santé de la personne.

Au-delà des traits de personnalité, des études ont également été effectuées pour

vérifier l’influence des caractéristiques individuelles, notamment l’âge, le genre, le

niveau d’éducation et l’état civil, sur l’épuisement professionnel. Parmi les quatre

caractéristiques individuelles nommées, l’âge est la plus significative. L’épuisement

professionnel est observé plus fréquemment chez les gens dont l’âge est moins de

40 ans (Maslach et Schaufeli, 2001). Une étude récente sur les équipes de travail,

dont la moyenne d’âge est plus élevée, révèle que les membres ont plus de

difficultés à composer avec un rythme de travail très rapide pendant plusieurs

heures, comparativement aux équipes dont la moyenne est plus jeune. Étant donc

moins intéressés à composer avec de fortes tensions, ils vont opter pour une

production plus balancée, mais qui occasionne moins d’absences pour maladie et

moins d’épuisement professionnel en bout de ligne (Gellert et Kuipers, 2008). Les

conclusions de cette étude viennent donc appuyer l’influence de l’âge dans la

vulnérabilité { l’épuisement professionnel. Contrairement { l’âge, une récente méta-

analyse de 183 études effectuée par Purvanova et Muros (2010) démontrait que le

fait d’être un homme ou une femme n’a pas d’influence significative sur

l’épuisement professionnel. De façon générale, les statistiques sont semblables, sauf

pour certains critères plus précis comme le niveau d’éducation et l’état civil. À cet

égard, une étude sur la population finlandaise démontrait récemment qu’un faible

niveau d’éducation influençait l’épuisement professionnel majoritairement chez la

femme (Ahola et al., 2006). Mais en général, comme le mentionne Maslach et

Schaufeli (2001), les recherches démontrent que les gens ayant un niveau

d’éducation plus élevé sont plus susceptibles de se retrouver en épuisement

professionnel. Pour expliquer cette conclusion, ils soulignent que les gens ayant un

niveau d’éducation plus élevé accèdent { des postes comportant plus de

responsabilités et de stress, ce qui entraîne, en bout de ligne, davantage

d’épuisement professionnel. Enfin, concernant l’état civil, les gens qui ne sont pas

mariés, plus spécifiquement les hommes célibataires ou veufs, seraient plus à risque

17

(Ahola et al. 2006, Maslach et Schaufeli, 2001). À la lumière de ces conclusions, il est

donc possible de constater que certaines caractéristiques individuelles peuvent

favoriser plus que d’autres l’apparition du syndrome d’épuisement professionnel.

1.2.2 Les facteurs relationnels et organisationnels

Les connaissances relatives { l’épuisement en contexte organisationnel furent

d’abord celles de recherches effectuées par Christina Maslach. Intéressée plus

particulièrement par l’influence de facteurs environnementaux et psychosociaux,

Maslach est { l’origine du développement de l’un des instruments d’évaluation les

plus utilisés dans ce domaine, soit l’Inventaire d’épuisement professionnel. Dans une

étude menée par Maslach et Leiter (1997), ces derniers situent l’épuisement

professionnel en tant que problème d’ordre professionnel et non pas lié à des

questions de prédisposition génétique, de mauvais caractère, de personnalité

dépressive, de faiblesse générale, de manque d’ambition ou même de quelconque

syndrome clinique.

Maslach et al. (2001) suggèrent la prise en compte de six dimensions de la relation

entre l’individu et son environnement de travail pour comprendre les causes de

l’épuisement professionnel, soit la charge de travail, le faible niveau de contrôle sur

son travail (autonomie), le manque de reconnaissance, le soutien social inadéquat, le

sentiment d’iniquité et les conflits de valeurs. À ce propos, en Suède, les résultats

obtenus par Lindblom (2006) viennent renforcer cette même idée que les facteurs

psychosociaux au travail tels que la charge de travail élevée, le peu de contrôle sur

son travail, le peu de soutien social et l’incompatibilité de valeurs sont fortement

associés { l’épuisement professionnel. Dans le même ordre d’idées, Bakker et

Demerouti (2006) spécifient que l’épuisement professionnel serait causé par les

pressions vécues en milieu de travail, qui elles sont dues au débalancement de

l’équilibre entre les demandes physiques et émotionnelles au travail (charge de

travail, sentiment d’iniquité, faible soutien social, incompatibilité de valeurs, etc.) et

les ressources disponibles des employés, comme par exemple, un bon soutien social,

18

un niveau d’autonomie élevé pour faire face aux demandes ou des moments de

reconnaissance qui valorisent les employés. Cette même idée est également validée

dans les travaux de Lee et Ashforth (1996), démontrant l’impact de ce

débalancement sur l’épuisement physique et émotionnel, l’augmentation du

cynisme et la baisse du sentiment d’efficacité personnelle.

De plus, pour Vinet, Bourbonnais et Brisson, dont les propos sont rapportés par

Audet (2003), les fortes hausses du taux d’épuisement professionnel des dernières

années et les profondes transformations subies par l’organisation du travail durant

la même période sont fortement liées. Ces transformations ont occasionné des

changements dans le contrat psychologique entre l’employé et l’employeur. Ces

dernières années, le pouvoir de négociation semble être un peu plus du côté des

employeurs qui semblent demander davantage et offrir moins à leur employé (Ibid.).

De plus en plus d’employés sont engagés sur une base temporaire, à contrat et à

temps partiel dans une optique d’économie pour les entreprises (Ibid.). On voit de

moins en moins de gens travailler pour la même entreprise toute leur vie (Ibid.).

Cette augmentation du sentiment d’insécurité vécu par les employés combinée {

l’augmentation de la charge de travail entraîne des individus à vouloir en donner

plus, souvent au péril de leur santé (Schaufeli et Enzmann, 1998).

1.2.3 Les facteurs sociaux

Les limites d’explications strictement individuelles ou organisationnelles laissent

ainsi place à une autre catégorie de facteurs explicatifs des causes de l’épuisement

professionnel, soit ceux d’ordre sociologique. Les paragraphes qui suivent exposent

différents sous-facteurs sociologiques associés aux situations d’épuisement

professionnel.

Tout d’abord, il est question de l’émergence du secteur des services publics.

L’augmentation du nombre de gens travaillant dans les services publics combinée à

des exigences plus grandes sur le plan émotif, chez les bénéficiaires de services,

19

seraient liées à l’augmentation de l’épuisement professionnel (Schaufeli et

Enzmann, 1998). Malgré un accès facilité { une masse importante d’informations sur

l’emploi et ses conditions d’exercice, le taux d’épuisement professionnel ne change

pas, tout comme la vulnérabilité personnelle des individus à son égard (Schaufeli,

Leiter et Maslach, 2008). Chaque travailleur représente une victime potentielle de

l’épuisement professionnel (Truchot, 2004). Les professions de relation d’aide

seraient les plus propices { l’épuisement professionnel. En raison du caractère

particulièrement idéaliste et humaniste de ce groupe de travailleurs (Maslach,

2001), ceux-ci sont plus susceptibles de rapidement en venir { vivre de l’épuisement

physique, à manifester une attitude cynique ou à démontrer un découragement

visible { l’égard des systèmes bureaucratiques impersonnels et des demandes

complexes des clients qui leur sont adressées (Schaufeli, Leiter et Maslach, 2008).

Un deuxième sous-facteur relevé pour expliquer la hausse des cas d’épuisement

professionnel est celui de l’étiquetage. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), plusieurs

sont les gens qui tendent { ne pas différencier les notions de stress et d’épuisement

professionnel. Ainsi, une personne souffrant de fatigue pourrait s’étiqueter elle-

même comme souffrante d’épuisement professionnel. La plus grande utilisation du

vocabulaire fournit aussi une partie de l’explication concernant l’augmentation des

gens exprimant souffrir d’épuisement professionnel (Ibid.) Bien avant cette

précision dans le vocabulaire populaire, les gens n’étaient pas en mesure d’identifier

concrètement leurs difficultés et d’y accoler une étiquette comme c’est le cas

présentement.

L’individualisation serait aussi une cause importante puisque cela fait en sorte que

les gens vivent davantage de stress lié à la solitude et au manque de soutien social.

Ils en arrivent également au point de devoir compter uniquement sur eux-mêmes

pour faire face aux difficultés. En d’autres mots, l’individualisation fait en sorte de

réduire les ressources personnelles disponibles des individus utiles { l’adaptation

lors de périodes de stress important. Plus spécifiquement, l’individualisation

occasionne des sentiments généraux d’aliénation et de déconnexion, mais aussi

20

empêche la formation d’un sentiment de collégialité psychologique et de soutien

social qui pourrait réduire les effets du stress et prévenir l’épuisement

professionnel (Farber, 1983).

L’augmentation des nouvelles technologies et la mondialisation des marchés ont eu

un impact sur la charge de travail mentale et émotive. Les gens travaillent de moins

en moins physiquement et davantage intellectuellement, avec des technologies

hautement sophistiquées, qui demandent beaucoup plus de vigilance, de précision

et de rapidité. Ainsi, étant donné que la charge de travail autant qualitative que

quantitative augmente et que le rythme de travail devient de plus en plus accéléré,

plusieurs personnes finissent par manquer de ressources et souffrir d’épuisement

professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998).

L’affaiblissement de l’autorité professionnelle serait également une autre cause

possible. Cela fait référence aux observations sur la population en général qui

démontrent que cette dernière est de plus en plus méfiante envers les

professionnels de la santé et les institutions sociales. Les professionnels furent

accusés d’utiliser les fonds publics en créant plein de nouveaux services, de façon à

maintenir leur propre sécurité professionnelle (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les

clients sont donc plus résistants et plus suspicieux, car ils sont incertains quant à

savoir si les professionnels de la santé et les institutions sont vraiment présents

pour les aider (Cherniss, 1995). Cela a eu une influence sur les attentes de services

qui ont fortement augmenté, créant ainsi des demandes émotives plus élevées chez

ces professionnels qui entraînent, de surcroit, des hausses de cas d’épuisement

professionnel (Ibid.).

Enfin, comme le souligne Massé (2003), l’inaction du ministère de la Santé et des

Services sociaux (MSSS) serait aussi une cause de l’aggravation du nombre de

personnes en situation d’épuisement professionnel. Malgré son pouvoir

d’intervention sur les conditions de travail et sur la relation employés/employeurs,

l’absence d’intervention du ministère de la Santé et des Services sociaux est

21

préoccupante (Ibid.). Toujours selon Massé (2003), cette absence d’intervention est

selon lui due { la croyance que l’épuisement professionnel est une maladie mentale

et non pas la conséquence de facteurs environnementaux.

1.3 Les conséquences

À l’instar des causes de l’épuisement professionnel, les conséquences de ce

phénomène peuvent également être analysées selon des perspectives individuelles,

organisationnelles et sociales. Cela suggère l’importance de dépasser la

compréhension statistique du problème pour s’attarder { ses conséquences plus

concrètes.

1.3.1 Sur le plan individuel

L’augmentation du nombre de cas de dépression est une des conséquences. Une

recherche longitudinale effectuée auprès de dentistes en Finlande vient confirmer

que l’épuisement professionnel entraîne de nouveaux cas de dépression (Ahola et

Hakanen, 2007). Les gens souffrant d’épuisement professionnel ont donc de grandes

chances de faire une dépression par la suite. C’est notamment la corrélation la plus

étudiée et validée sur le plan individuel (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Une augmentation des problèmes de santé est aussi une conséquence de

l’épuisement professionnel. Maslach et Leiter (2008) mentionnent que les

recherches ont démontré que l’épuisement professionnel occasionne chez les

individus des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux, des tensions

musculaires, de l’hypertension, davantage de grippes et de rhumes ainsi que des

problèmes de sommeil. Selon les résultats d’une étude, la précocité des décès à

partir de l’âge de 45 ans pourrait également être en partie imputable à une

augmentation de l’épuisement professionnel (Ahola et al., 2010). Parmi les autres

problèmes de santé observés lors d’entrevues, il y a notamment les nausées, les

22

étourdissements, l’agitation, les tics nerveux, les problèmes sexuels, le gain ou la

perte de poids excessif, la perte d’appétit, le souffle plus court, l’augmentation des

tensions prémenstruelles, les cycles menstruels manqués, la fatigue chronique,

l’épuisement physique, l’hyperventilation, les ulcères, les infarctus, la montée de

troubles préexistants (asthme, diabète, etc.), l’augmentation du rythme cardiaque et

une pression sanguine élevée (Schaufeli et Enzmann, 1998).

L’augmentation de la consommation de substances peut être grandement influencée

par l’épuisement professionnel. Une recherche effectuée à San Francisco aux États-

Unis, auprès d’opérateurs de transits urbains, démontrait un lien entre la

dépendance { l’alcool et l’épuisement professionnel (Cunradi et al., 2003). Ce même

lien, autant pour les hommes que pour les femmes, fut également confirmé par une

recherche effectuée en Finlande (Ahola et al., 2006). Aussi, une étude québécoise

auprès de cols blancs travaillant dans le secteur public démontrait un lien

statistiquement significatif entre la pression vécue au travail et l’utilisation de

psychotropes (Moisan et al.).

La dérégulation de différents modes du fonctionnement psychologique de la

personne peut également être prise en compte en tant que conséquence de

l’épuisement professionnel au plan individuel. Selon Schaufeli et Enzmann (1998),

ces types de symptômes, même s’ils ne sont pas validés empiriquement, furent aussi

constatés lors d’observations cliniques et de recherches qualitatives sur les plans

affectif, cognitif, comportemental et motivationnel.

23

Tableau 1

Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du fonctionnement

psychologique de la personne

Symptômes Illustrations

Affectif Humeur dépressive, larmoyant, épuisement émotionnel,

humeur changeante, baisse de contrôle émotionnel,

peurs irrationnelles, tensions accrues et anxiété.

Cognitif Vulnérabilité, perte de sens et d’espoir, peur de devenir

fou, sentiment d’impuissance et d’incapacité, sentiment

d’être piégé, sentiment d’échec, sentiment d’insuffisance,

faible estime de soi, préoccupations personnelles,

culpabilité, idées suicidaires, incapacité de concentration,

perte de mémoire, difficultés avec des tâches complexes,

rigidité, difficulté à prendre des décisions, rêvasserie et

idées fantaisistes en plein jour, intellectualisation,

solitude et moins de tolérance aux frustrations.

Comportemental Hyperactivité, impulsivité, procrastination, surestimation

et sous-estimation, comportements à risques élevés,

augmentation d’accidents, abandon d’activités

récréatives et complainte compulsive.

Motivationnel Baisse du zèle, perte d’idéalisme, désillusionnement,

résignation, déception, ennui et démoralisation.

Source : Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 21-22.

Ces illustrations démontrent { quel point l’épuisement professionnel peut

occasionner une grande variété d’effets possibles sur le fonctionnement

psychologique d’une personne.

24

1.3.2 Sur le plan relationnel et organisationnel

Selon Maslach, une personne qui souffre d’épuisement professionnel adoptera aussi

des attitudes cyniques au travail (Maslach, 2008). Cette forme de distanciation

cognitive et d’indifférence a des conséquences sur les relations avec les clients, avec

les collègues et avec la direction (Maslach et al., 2001). En bout de ligne, l’entreprise

pourrait perdre des clients insatisfaits du service ou devoir procéder au

congédiement d’une personne parce qu’elle n’entretient plus de bons liens avec ses

collègues et la direction. De plus, une étude effectuée aux Pays-Bas démontrait un

lien statistiquement significatif entre l’épuisement professionnel chez les policiers

et une plus grande utilisation de la violence sur des personnes civiles (Kop et al.,

1999).

Également, { la suite d’une méta-analyse effectuée par Lee et Ashforth (1996), les

conclusions démontrent une forte association entre l’épuisement professionnel et la

réduction de la satisfaction en emploi, la réduction du niveau d’engagement au

travail et l’augmentation de l’intention de quitter. Toutefois, les corrélations sont

faibles entre l’épuisement professionnel et le nombre d’individus ayant

effectivement quitté leur emploi, ce qui suggère que les employés demeurent

involontairement dans cet emploi parce qu’ils sentent qu’ils n’ont pas d’autres choix

(Schaufeli, 2003).

Le lien entre l’épuisement professionnel et l’augmentation de l’absentéisme en

milieu de travail est plus difficile à prouver. Une revue de 27 études, effectuée par

Schaufeli et Enzmann (1998), leur a permis de conclure que malgré la supposition

populaire que l’épuisement professionnel cause un plus grand taux d’absentéisme,

l’effet est relativement faible. Toutefois, les résultats d’une étude récente dans le

domaine des soins aux enfants démontrait que les gens qui ont un niveau

d’épuisement émotionnel élevé seront plus souvent absents du travail, et ce, peu

importe s’il s’agit d’un homme ou d’une femme (Bekker et al., 2005). Une autre

recherche effectuée par Laitinen-Krispijn et Bijl (2000) aux Pays-Bas démontrait

25

quant à elle une association entre les troubles mentaux (trouble dépressif majeur, la

dysthymie, les phobies ainsi que l’abus et la dépendance aux drogues) et

l’absentéisme, particulièrement chez les hommes. Chez les femmes, l’association

était beaucoup plus faible (Ibid.). Même si certaines études sont contradictoires, les

études plus récentes tendent { démontrer qu’il existe réellement un lien entre

l’épuisement professionnel et l’absentéisme.

Les conclusions des recherches mettant en lien l’épuisement professionnel et la

performance au travail vont un peu dans le même sens que l’absentéisme, c'est-à-

dire que les conclusions des différentes recherches sont parfois contradictoires.

L’étude effectuée par Schaufeli (2003), auprès d’infirmières aux soins intensifs,

démontrait que plus elles souffraient d’épuisement professionnel, plus rapidement

les patients sortaient de l’hôpital. Cette observation leur a permis de conclure que

l’épuisement professionnel n’affectait pas nécessairement la performance au travail.

Par contre, une autre étude, plus récente, démontre que lorsque la charge de travail

est trop élevée comparativement aux ressources disponibles, cela contribue à

l’épuisement professionnel et la performance au travail en sera affectée (Demerouti

et al., 2005). Les conclusions de cette même étude démontrent également qu’étant

donné que l’épuisement professionnel entraîne une baisse importante de ressources

énergiques, ces employés deviennent éventuellement les moins productifs de

l’entreprise (Ibid.).

Enfin, mentionnons qu’il est difficile de mesurer exactement les conséquences au

plan organisationnel, notamment les pertes financières occasionnées par

l’épuisement professionnel, parce qu’il est difficile d’obtenir des renseignements

précis à cet égard. Vézina (1992) souligne : « […] il est difficile pour eux (les

chercheurs) d’avoir accès aux renseignements confidentiels des entreprises.

D’ailleurs, lorsqu’on parle d’organisation de travail et de santé mentale, on touche

un champ assez réservé et sensible. Il s’agit souvent de recherches internes aux

entreprises » (Vézina, 1992, cité par Barbeau, 2001, p. 21).

26

La dérégulation des différents modes du fonctionnement psychologique de la

personne peut également être prise en compte comme une conséquence de

l’épuisement professionnel du point de vue des relations en milieu de travail

(Schaufeli et Enzmann, 1998).

Tableau 2

Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du fonctionnement

psychologique de la personne en relation avec le milieu de travail

Symptômes Illustrations

Affectif Irritabilité, hypersensibilité, froideur et moins

d’empathie émotionnelle.

Cognitif Sentiment de ne pas être apprécié, perte de confiance

envers l’organisation, les collègues et les superviseurs,

négativisme, pessimisme, baisse d’empathie cognitive,

stéréotypage de la clientèle, étiquetage négatif,

prétentieux, grande vertu, martyr, hostile, suspicieux,

projection sur les autres et paranoïa.

Comportemental Vols, résistance aux changements, être trop dépendant

des superviseurs, vérification fréquente de l’heure, faire

simplement ce qui est demandé, augmentation des

accidents, incapacité d’organisation, mauvaise gestion du

temps, isolement social et retrait, détachement, réponses

mécaniques, humour mesquin, expression de désespoir

et d’ennui envers la clientèle et utilisation de

communication à distance.

Motivationnel Résistance à se présenter au travail, ralentissement

volontaire des initiatives, moral très bas, perte d’intérêt,

découragement, indifférence, utilisation des clients pour

satisfaire ses besoins personnels et sociaux.

Source : Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 23.

27

Ces nombreuses illustrations démontrent bien que l’épuisement professionnel peut

avoir plusieurs répercussions sur le fonctionnement en entreprise, notamment en

matière de relations de travail, de relations avec l’autorité et même de relations avec

les clients de l’entreprise.

1.3.3 Sur le plan social

Les conséquences sociales de l’épuisement professionnel sont nombreuses. Sous

une perspective macrosocioéconomique, ce phénomène entraîne des coûts sociaux

importants d’absentéisme, de faible productivité, de hausse des frais d’indemnités

professionnelles, ainsi que de services de santé. Récemment, une mise à jour des

données concernant les coûts de l’assurance-salaire au Québec démontrait qu’en

1993-1994, ils représentaient 162,7 millions de dollars pour passer à 283,2 millions

en 2006-2007, soit une augmentation de 74 % une dizaine d’années plus tard

(MSSSQ, 2008). Ces coûts directs ont ensuite des répercussions pour les assureurs,

les assurés, les employeurs, les employés, les syndicats, les programmes sociaux et

les soins de santé (Laurier citée dans Audet, 2003). Certains assureurs ont même

menacé certains clients de diminuer la couverture des problèmes de santé mentale

dans leurs entreprises, au risque de cesser de s’occuper du dossier (Ibid.). Même si

les coûts exacts ne seront probablement jamais connus précisément en raison de la

complexité que le calcul implique et de la difficulté d’obtenir certaines informations,

il n’en demeure pas moins que certains indicateurs démontrent que les problèmes

de santé mentale engendrent bel et bien des coûts sociaux importants. Sous une

perspective plus microsocioéconomique, l’épuisement professionnel peut entraîner

des problèmes importants pour les familles. Dans une étude effectuée par Maslach

et Jackson en 1982, les réponses des épouses des travailleurs souffrant

d’épuisement professionnel démontraient des impacts négatifs sur la famille et des

insatisfactions concernant leurs mariages. Une recherche encore plus complète

effectuée par Zedeck (1988) est venue confirmer encore une fois l’impact de

l’épuisement professionnel sur la vie familiale, mais en spécifiant que les épouses

28

accordaient plus d’importance { l’épuisement émotionnel, { la dépersonnalisation et

aux aspects extrinsèques du travail en général.

1.4 L’intervention

Étant donné que de plus en plus de Québécois souffrent d’épuisement professionnel,

cela fait en sorte qu’un plus grand nombre de personnes consultent des

professionnels pour obtenir de l’aide. Comme le mentionne Lafleur (1999), la

consultation sera presque inévitable à un certain moment :

Le burnout commence au moment où la fatigue est tellement grande qu’elle se transforme en épuisement. Cela signifie que les gens qui en sont rendus à ce point ne pourront plus vaquer à leurs occupations habituelles avant de longs mois. Il est donc fort probable qu’une consultation médicale leur sera nécessaire et, à ce stade, le médecin devra leur imposer un congé de maladie (p. 165).

Ainsi, dans la majorité des cas, le premier professionnel que les clients rencontrent

dans le processus de traitement de l’épuisement professionnel, c’est le médecin.

1.4.1 Perspective médico-psychologique

Pour obtenir le droit légal et l’appui financier relativement au retrait du travail pour

cause d’épuisement professionnel, le diagnostic d’un médecin sur son état de santé

est obligatoire. Au grand regret des psychologues, ce n’est qu’au Québec que ces

derniers ne peuvent pas eux aussi fournir de tels avis à leurs patients (Charest,

2002). Donc, c’est le médecin qui est le seul autorisé à juger du réalisme des

symptômes présents chez la personne et à attribuer un congé pour raison de

maladie, sinon à proposer des analyses supplémentaires des symptômes. En guise

de confirmation, ce document sera ensuite remis { l’employeur, { la compagnie

d’assurance et aux institutions gouvernementales le cas échéant.

29

Comme le mentionne Schaufeli (2003), la croyance chez les médecins, les

psychiatres et les psychologues cliniciens est que l’épuisement professionnel serait

une légère forme de dépression. C’est pourquoi au plan médical principalement, le

traitement de l’épuisement professionnel et de la dépression partage de grandes

similitudes. Il existe donc plusieurs formes de traitement possibles : « […] le

médecin doit expliquer clairement à son patient la nécessité de prendre une

décision, puis lui présenter les avantages et les inconvénients, selon les meilleures

données probantes, de chacune des options offertes, soit la psychothérapie, les

antidépresseurs, les produits naturels et l’absence d’intervention » (Houle et al.,

2009, p. 29).

Tout comme il est jugé le plus apte { diagnostiquer l’épuisement professionnel et à

prescrire les médicaments nécessaires au traitement, notamment les

antidépresseurs, le médecin est également un professionnel qui peut intervenir sur

le plan psychothérapeutique. Cournoyer (2001), psychiatre { l’hôpital Louis-H.-

Lafontaine à Montréal, souligne : « En plus de la pharmacothérapie, la démarche de

soutien qu’il doit mettre en œuvre comporte un ensemble complexe d’interventions

qui sont essentielles au traitement de la dépression » (p. 29). De plus, lors des

récents travaux du Comité d’experts sur la modernisation de la pratique

professionnelle en santé mentale et en relations humaines, la pratique de la

psychothérapie fut d’ailleurs considérée comme un noyau central à leur pratique,

plus particulièrement lorsqu’il s’agit de médecins formés en psychiatrie (OCCOPQ,

2006). Lafleur (1999) apporte toutefois certaines précisions concernant le

traitement psychothérapeutique des gens souffrant d’épuisement professionnel et

de dépression : « Certains omnipraticiens peuvent assurer le suivi en

psychothérapie, mais la plupart d’entre eux préfèrent que leur patient consulte un

psychiatre ou un psychologue » (p. 166). Le traitement psychothérapeutique de la

personne en épuisement professionnel se voit donc souvent confier { d’autres

catégories de professionnels.

30

1.4.2 Perspective carriérologique

Bien que les pratiques professionnelles de traitement de l’épuisement professionnel

puissent le plus souvent impliquer des médecins, des psychiatres et des

psychologues, d’autres professionnels, dont les conseillers d’orientation, peuvent

également jouer un rôle sur le mieux-être de ces personnes. Les conseillers

d’orientation sont ainsi formés et qualifiés pour offrir des services de

(ré)orientation, de (ré)insertion et de (ré)adaptation scolaire et professionnelle

(Limoges, 1989) pour l’ensemble de la population québécoise, ainsi qu’auprès de

celles plus vulnérables au plan de la santé psychologique (Gouvernement du

Québec, 2009).

Une recherche sur le site de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du

Québec (OCCOQ) permet de constater une offre considérable de services de

consultation carriérologique pour des personnes souffrant d’épuisement

professionnel. Les résultats de cette recherche démontrent que sur 272 conseillers

d’orientation œuvrant en cabinet privé et inscrits officiellement sur le site de l’Ordre

professionnel, 114 mentionnent détenir une expertise en intervention auprès de

situations reliées au stress ou { l’épuisement professionnel. Cela représente un

pourcentage de 42 %, soit presque la moitié. En plus de ces derniers, il faut tenir

compte des autres conseillers d’orientation qui, parmi les 2 350 membres de

l’Ordre, ne sont pas formellement recensés, mais qui pourraient offrir de tels

services spécialisés au sein d’organismes, d’institutions, d’agences ou d’autres

organisations. À la lumière de toutes ces informations, il est donc permis de

conclure que le conseiller d’orientation puisse jouer un rôle d’expert dans

l’accompagnement des gens souffrant d’épuisement professionnel.

De plus, le Gouvernement du Québec (2005) reconnaît depuis quelques années la

contribution pouvant être faite par les conseillers d’orientation en matière de

préservation de la santé mentale, ainsi que de l’impact des problèmes liés au travail

dans l’équilibre de la personne. En 2009, à la suite des travaux du Comité d’experts

31

en santé mentale sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé

mentale et en relations humaines, le champ d’exercice des conseillers d’orientation

fut de nouveau modifié au Code des professions. L’article 37 fut donc modifié pour

cette description :

L’exercice de l’orientation consiste { évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, { développer et { maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de faire des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement. (Gouvernement du Québec, 2009, p. 4)

Pour ce qui concerne le traitement de l’épuisement professionnel plus directement,

ce même rapport, adopté à l’Assemblée nationale du Québec, mentionne que les

conseillers d’orientation peuvent aussi évaluer une personne atteinte d’un trouble

mental attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un

professionnel habilité, mais aussi évaluer les troubles mentaux sous réserve d’une

attestation de formation en psychothérapie délivrée par l’Ordre (Gouvernement du

Québec, 2009). Plus précisément, l’évaluation des troubles mentaux consiste { :

[…] porter un jugement clinique, { partir des informations dont le professionnel dispose, sur la nature des affections cliniquement significatives qui se caractérisent par le changement du mode de pensée, de l’humeur (affects), du comportement associé { une détresse psychique ou à une altération des fonctions mentales et à communiquer les conclusions. Cette évaluation s’effectue selon une classification reconnue des troubles mentaux, notamment les deux classifications les plus utilisées actuellement en Amérique du Nord, soit le CIM-10 et le DSM IV. (Gouvernement du Québec, 2005, p. 40)

Considérant que plusieurs des symptômes reliés { l’épuisement professionnel sont

en lien avec certains troubles de santé mentale, les conseillers d’orientation font

donc partie des catégories de professionnels pouvant officiellement, après un

diagnostic du médecin, intervenir dans l’accompagnement d’une démarche

32

d’orientation ou de réorientation { la suite d’un épuisement professionnel. Pour ce

qui est du traitement psychothérapeutique en tant que tel, il a été déterminé

officiellement que la pratique de la psychothérapie était réservée aux membres de

l’Ordre des psychologues ainsi qu’{ ceux du Collège des médecins. Toutefois,

l’évaluation des troubles mentaux et la psychothérapie sera aussi partagée avec les

conseillers d’orientation { condition qu’ils possèdent une formation universitaire de

maitrise, une formation supplémentaire adaptée en psychothérapie et qu’ils aient

les connaissances et les compétences requises pour intervenir sur différents

troubles spécifiques, notamment l’épuisement professionnel dans ce cas-ci. L’article

187.1 de la Loi 21 modifiant le Code des professions mentionne ceci :

À l’exception du médecin et du psychologue, nul ne peut exercer la psychothérapie, ni utiliser le titre de psychothérapeute ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, s’il n’est membre de l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, de l’Ordre professionnel des ergothérapeutes du Québec, de l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers du Québec ou de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et s’il n’est titulaire du permis de psychothérapeute. (Gouvernement du Québec, 2009, p. 9)

Sans toutefois pouvoir émettre un diagnostic sur les troubles mentaux, un acte qui

est réservé aux médecins, les conseillers d’orientation, dument formés, pourront

partager leur jugement professionnel sur la nature des difficultés d’ordre

psychologique des clients, notamment dans le cas de l’épuisement professionnel. Le

comité d’experts considère d’ailleurs que :

Le conseiller d’orientation détient les connaissances portant sur les théories psychologiques (développement normal et psychopathologie) ainsi que sur la psychométrie, l’évaluation des personnes et les instruments requis. Sa formation lui permet d’évaluer les caractéristiques individuelles (aptitudes, intérêts, personnalité, fonctions intellectuelles, cognitives et affectives) et d’établir des liens entre ces caractéristiques et la problématique de l’individu. (Gouvernement du Québec, 2005, p. 41)

33

En résumé, les services offerts en matière d’épuisement professionnel, l’évolution

des compétences et l’officialisation des activités réservées, notamment la possibilité

pour les conseillers d’orientation dument formés d’effectuer des psychothérapies,

démontrent que ceux-ci peuvent intervenir en matière d’accompagnement des gens

souffrant d’épuisement professionnel. De plus, à la suite de la démarche

psychothérapeutique, dans l’optique où le client décide de changer d’emploi, le

conseiller d’orientation possède déj{ l’expertise pour intervenir et effectuer un

processus de réorientation. Enfin, si le client décide d’effectuer un retour { son

emploi actuel, les connaissances du marché du travail du conseiller d’orientation et

son expertise en réadaptation au travail pourront également être utilisées. Il est

donc permis de conclure que le conseiller d’orientation est un acteur qui possède

une expertise ciblée pour accompagner des gens souffrant d’épuisement

professionnel.

1.4.3 Orientation et épuisement professionnel : mince littérature scientifique

Devant le constat que le phénomène de l’épuisement professionnel frappe de plus

en plus de gens, combiné au fait que les conseillers d’orientation possèdent les

compétences et l’autorisation pour intervenir, il est donc surprenant de constater

que l’on retrouve très peu de littérature sur le sujet, rédigée par les conseillers

d’orientation eux-mêmes. En effet, en passant en revue la littérature québécoise sur

le thème de l’épuisement professionnel, il est possible de constater que les

conseillers d’orientation au Québec abordent rarement l’enjeu de l’épuisement

professionnel et encore moins les stratégies d’intervention. Pourtant, il existe une

grande quantité d’articles rédigés sur le sujet par des psychologues, des médecins,

des conseillers en relations industrielles, des sociologues, etc. Certes, il est quand

même possible de trouver quelques écrits expliquant la nature et les

caractéristiques de l’épuisement professionnel en tant que tel (Limoges, 1989) pour

mieux comprendre le phénomène. Toutefois, il est très difficile de trouver des

publications sur le point de vue des conseillers d’orientation concernant plus

34

spécifiquement les techniques d’intervention et de prévention en lien avec

l’épuisement professionnel.

Les principaux écrits abordant le sujet proviennent de Limoges. Dans son livre

Stratégie de maintien au travail (2001), il élabore spécifiquement des moyens

préventifs en milieu de travail pour éviter l’épuisement professionnel et favoriser

un plus grand maintien en emploi. Dans le même ordre d’idées, Amherdt,

psychologue et enseignant au département d’orientation professionnelle de

l’Université de Sherbrooke, propose dans son livre La Santé émotionnelle au travail

(2005), des moyens préventifs individuels et organisationnels pour contrer le

développement de l’épuisement professionnel. Pour ce qui est des revues publiées

par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ), un seul

article semble concerner spécifiquement le sujet, celui de Gagnon (2008) traitant de

l’approche psychocorporelle intégrée (PCI) en lien avec l’épuisement professionnel.

Sous toutes réserves, aucune autre publication concernant précisément les

techniques ou approches d’intervention avec des clients souffrant d’épuisement

professionnel n’a été rédigée par des conseillers d’orientation très précisément.

1.5 Question et objectifs de recherche

Ainsi, à la lumière des recherches effectuées préalablement, il en ressort les cinq

constats suivants :

1. Les conséquences de l’épuisement professionnel sont importantes et le nombre

de personnes qui en souffrent l’est tout autant;

2. Les références de traitement sont majoritairement faites en direction des

médecins, des psychiatres et des psychologues;

3. Un grand nombre de conseillers d’orientation offrent des services et affichent

une expertise en matière d’épuisement professionnel;

35

4. Le champ évocateur de la profession de conseiller d’orientation et les actes

réservés démontrent que le traitement individuel de l’épuisement professionnel

entre dans le champ d’expertise des conseillers d’orientation;

5. On retrouve peu de littérature rédigée par des conseillers d’orientation sur la

problématique de l’épuisement professionnel.

Ces constats démontrent qu’il existe une confusion sur le rôle joué par les

conseillers d’orientation dans le traitement de l’épuisement professionnel au

Québec. En fait, plusieurs chercheurs en orientation vont inférer que leurs modèles

ou leurs approches d’accompagnement scolaire ou professionnel peuvent avoir une

incidence sur l’épuisement professionnel, mais généralement sans cibler

spécifiquement ce sujet. Schaufeli (2003) le souligne : « Plusieurs professionnels

sont confrontés { des cas sévères ou cliniques d’épuisement professionnel, et à ce

jour, ce groupe fait l’objet de très peu de recherches1 » (p. 11). Plus particulièrement

dans le cas des conseillers d’orientation, aucune recherche n’a pu être répertoriée

spécifiquement sur ce sujet. Par conséquent, de tous ces constats émerge la

question : comment les conseillers d’orientation accompagnent-ils les personnes en

situation d’épuisement professionnel?

Cette question permet de préciser l’objectif général de cette recherche, { savoir :

explorer les pratiques professionnelles de conseillers d’orientation en matière

d’accompagnement auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel.

Des objectifs spécifiques permettent d’alimenter l’objectif général :

a) Décrire les types de représentations de conseillers d’orientation sur la nature de

l’épuisement professionnel;

b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers

d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel;

1 Traduction libre

36

c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers

d’orientation;

d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant à leur rôle

dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

Cette recherche est une occasion pouvant permettre d’éclaircir cette ambiguïté qui

existe sur les fondements relatifs aux pratiques professionnelles des conseillers

d’orientation auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel, ainsi

que d’entrevoir les ressources et les limites de ces derniers en matière d’offre de

services spécifiques pour cette clientèle. Elle se veut également une occasion

d’exploration et de partage des réalités vécues par les conseillers d’orientation eux-

mêmes, et ce, spécifiquement en consultation avec des gens qui souffrent

d’épuisement professionnel.

37

2. La conception de l’épuisement professionnel

Cette section vise à définir la nature de l’épuisement professionnel. Différentes

approches conceptuelles sont exposées de manière à décrire les méthodes

d’intervention utilisées. L’épuisement professionnel est un concept faisant l’objet

d’une quantité très importante de recherches scientifiques. Donc, les descriptions

proposées n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Toutefois, elles représentent

tout de même un grand survol des approches conceptuelles et des stratégies

d’intervention développées par des chercheurs et des professionnels très reconnus

dans leur domaine respectif.

2.1 Une notion souvent confondue

De récentes recherches démontrent que l’épuisement professionnel peut être

différencié des autres troubles mentaux. Plus spécifiquement, Schaufeli (2003)

mentionne : « L’épuisement professionnel peut être considéré comme un trouble

mental qui peut être différencié cliniquement et empiriquement des autres troubles

mentaux, plus particulièrement la dépression2 » (p. 5). Selon Freudenberger (1987),

l’épuisement professionnel est « […] généralement temporaire et orienté vers une

situation précise dans la vie d’une personne […]. Une personne dépressive risque de

se sentir coupable de tout ce qui ne va pas, celle qui est en train de se brûler aura

plutôt tendance à éprouver de la colère » (p. 73). De plus, le fait que l’épuisement

professionnel est relié au milieu du travail est un autre élément qui le distingue de la

dépression, dont « l’état dépressif est prolongé et s’étend { tous les aspects de la vie

d’une personne » (Ibid.).

2.1.1 Versus la dépression

Selon Schaufeli et Enzmann (1998), la forte corrélation entre l’épuisement

professionnel et la dépression vient du fait que les deux partagent des symptômes

2 Traduction libre

38

similaires, notamment la perte d’énergie, le manque de motivation au travail et une

attitude négative envers la vie. Malgré quelques similitudes, la distinction fut

officiellement confirmée par les travaux de Bakker et associés (2000), et plus

récemment par les travaux d’Ahola et Hakanen (2007). Pour Schaufeli (2003), cette

différence a des implications pratiques et politiques importantes puisque cela sous-

entend que l’épuisement professionnel devrait avoir un statut officiel et reconnu

comme étant une raison légitime d’absence, de congés de maladie et d’incapacités {

travailler.

2.1.2 Versus la détresse psychologique

Pour ce qui est de la détresse psychologique, le point de vue de Marchand

(2004) nous renseigne un peu plus. Selon lui, la « notion de détresse psychologique

se présente comme la plus générale dans sa définition et sa mesure, car elle

chevauche { la fois les divers signes d’un déséquilibre psychique décrits et mesurés

par les notions de dépression et d’épuisement professionnel » (p. 12). Elle est plus

particulièrement associée à la phase prépathologique. Lorsqu’elle n’est pas traitée,

la détresse psychologique peut entraîner des conséquences plus graves comme

l’épuisement professionnel ou même la dépression sévère et l’alcoolisme par

exemple (Ibid.).

2.1.3 Versus le surmenage

Le surmenage, à la différence de l’épuisement professionnel, n’est pas

nécessairement une conséquence directe du stress. Il est principalement relié à la

quantité de travail effectuée. En fait, le surmenage est défini comme étant un

« ensemble de troubles résultant d’un exercice excessif, d’un excès de travail » (Le

Petit Robert, 2011). Travailler de façon excessive entraîne donc une très grande

fatigue qui mène ainsi au surmenage. Plus précisément, Ahola et al. (2007)

soulignent que le surmenage prédispose { l’épuisement professionnel.

39

2.2 Une notion à circonscrire

Il existe plusieurs définitions, concepts et théories sur l’épuisement professionnel.

Une des définitions les plus générales qu’il est possible de trouver sur l’épuisement

professionnel est la suivante : « L’épuisement professionnel est un syndrome

psychologique en réponse à une exposition chronique et prolongée au stress en

milieu de travail3 » (Maslach et al., 2001, p. 399). Dans cette définition, la notion de

stress est importante.

Selye, dont les concepts théoriques sont présentés par l’ouvrage de Sauvé (1997),

précise que le stress « […] est un ensemble de perturbations organiques, psychiques,

provoquées par des agents stresseurs qui entraînent des perturbations dans

l’organisme » (p. 13). Il existe plusieurs formes de stress; Selye en identifie quatre

catégories, soit les bons stress (eustress), les mauvais stress (détresse), les stress

extrêmement plaisants (hyperstress) et les stress extrêmement déplaisants

(hypostress). Ainsi l’important sera donc de « […] trouver un équilibre entre les

forces destructrices qui sont les extrémités (hyperstress et hypostress) et de

découvrir plus de bons stress que de mauvais stress » (Ibid., p. 18). Selye précise

qu’une personne soumise à plusieurs mauvais stress pendant une période

prolongée va vivre un processus en trois phases, c’est-à-dire une phase de réaction

d’alarme, une phase de résistance et une dernière phase d’épuisement qui « […] par

suite d’une exposition longue et continue au même agent stressant auquel le corps

s’[est] adapté, l’énergie d’adaptation est finalement épuisée » (Ibid., p. 10-11). Ce

processus en trois phases est ce qu’il nomme le syndrome général d’adaptation. Une

personne sera donc stressée « […] quand l’intensité du stress accumulé dépasse son

seuil optimal d’adaptation » (Ibid., p. 11). Lazarus et Folkman (1984) abondent en ce

sens en mentionnant que le stress psychologique résulte d’un déséquilibre entre les

demandes imposées par l’environnement et la capacité de l’individu { s’y adapter en

fonction de ses ressources personnelles. Toutefois, dans leur définition du stress, ils

3 Traduction libre

40

apportent une nuance importante. Le stress peut aussi apparaître lorsqu’une

personne perçoit que les ressources dont elle dispose sont insuffisantes pour faire

face aux demandes. Ainsi, selon cette conception, la perception du manque de

ressources autant que le manque de ressources lui-même peuvent tous les deux

provoquer une réaction de stress chez un individu (Ibid.).

Quelques années plus tard, une nouvelle théorie sur le stress fut également

proposée par Hobfoll (1989). Selon sa conception, le stress provient d’une réaction à

l’environnement particulièrement en lien avec les ressources. Sa théorie comporte

deux aspects importants. D’une part, le stress apparaît chez un individu lorsqu’il y a

une menace de perdre des ressources ou une perte réelle. D’autre part, lorsqu’une

personne perçoit que son investissement en ressources (temps, énergie, etc.) ne lui

rapportera pas beaucoup de gains également en ressources (reconnaissance, statut,

argent, etc.), cela provoque du stress (Ibid.). Par exemple, une personne pourrait

faire preuve de dévouement pendant plusieurs années pour obtenir une promotion

et apprendre un jour que le poste a été offert { un nouvel employé. L’iniquité que

cela provoque et la frustration d’avoir investi autant de ressources pour peu de

récompenses pourraient engendrer une escalade de stress chez cette personne.

Enfin, selon ce même Hobfoll (1989), les individus recherchent activement le plaisir

et le succès dans la vie et selon lui, ce courant psychologique fut ignoré dans les

théories du stress.

Le concept de stress et d’épuisement professionnel peut également être abordé sous

l’angle de l’inhibition de l’action, théorie élaborée par Laborit.

Celle-ci (l’inhibition de l’action) peut être considérée comme adaptative puisque résultant de l’impossibilité de la fuite et de l’insuffisance de la lutte. Si cette dernière était poursuivie, elle aboutirait à la mort de l’individu soit par destruction par l’agresseur, soit par épuisement. Mieux vaut alors l’inhibition et celle-ci, répétons-le, ne peut être que secondaire { l’apprentissage de l’inefficacité de l’action (Laborit, 1986, p. 195).

41

L’inhibition de l’action est donc un moyen d’adaptation pour un individu qui fait face

à des situations stressantes, et tout comme le syndrome général d’adaptation de

Selye, il peut, { la suite d’une longue exposition, entraîner des individus vers

l’épuisement. Dans une situation où un employé vit énormément de stress au travail

et que ce stress dépasse un certain seuil critique, il peut arriver qu’il se sente coincé

entre son insécurité de quitter son travail (obligations financières, peu d’emplois

dans le domaine, etc.) et son incapacité à modifier ses conditions de travail (peu de

pouvoir, peur de congédiement, etc.). Ainsi, comme le mentionne Laborit, quand la

fuite et la lutte sont impossibles ou semblent impossibles, l’employé acceptera de

s’adapter { des niveaux de stress élevé souvent au péril de sa santé et parfois même

jusqu’{ l’épuisement.

Dans une optique plus biologique, une méta-analyse de 147 études sur le sujet

démontrait récemment que le stress relié au travail et le stress de la vie en général

produisent une augmentation de cortisol dans l’organisme (Chida et Steptoe, 2008,

p. 275). Le cortisol est une hormone qui, produite sous l’effet du stress, modifie

certains aspects biologiques (taux de sucre, pression sanguine, etc.) et qui permet à

l’organisme de réagir pour combattre le stress. Cette même recherche démontrait

que les facteurs psychosociaux comme la fatigue et l’épuisement professionnel par

exemple, empêchent la production de cortisol. Ne produisant plus suffisamment de

cortisol pour combattre le stress, les personnes deviennent ainsi vulnérables aux

effets du stress (Ibid.). Une autre étude, celle-ci effectuée par Mommersteeg et al.

(2006), en arrive aux mêmes conclusions, mais en spécifiant que les taux de cortisol

sont particulièrement bas après le réveil matinal.

À ce jour, l’épuisement professionnel n’est pas cliniquement et officiellement

reconnu comme une maladie parce qu’il ne figure toujours pas dans le Diagnostic

and Statistical Manual (DSM IV), le manuel médical des troubles mentaux conçu par

l’American Psychiatric Association (APA) aux États-Unis, ni dans la Classification

internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

C’est pourquoi il est encore considéré comme étant un syndrome qui est défini

42

comme suit : « Un ensemble de plusieurs symptômes ou signes en rapport avec un

état pathologique donné et permettant, par leur groupement, d’orienter le

diagnostic » (Dictionnaire Larousse, 2011). Selon Schaufeli (2003), les expériences

cliniques en Europe démontrent que les employés souffrant d’épuisement

professionnel qui ont reçu un traitement psychothérapeutique, mentionnent avoir

des symptômes qui se rapprochent particulièrement du diagnostic de neurasthénie

du CIM-10 (p. 3). La neurasthénie est définie comme étant une « névrose

caractérisée par une grande fatigabilité, des troubles psychiques et physiques » (Le

Petit Robert, 2011). Ce diagnostic se retrouve dans le cinquième chapitre du CIM-10

concernant les troubles mentaux et comportementaux et précisément dans la

catégorie des troubles neurologiques, somatiques et reliés au stress. L’Organisation

mondiale de la Santé (2007) présente la neurasthénie sous deux formes possibles. La

première forme est associée à une augmentation de la fatigue après un effort mental

et souvent accompagnée d’une diminution de la performance au travail et de la

capacité d’adaptation. L’autre forme met l’accent sur les sentiments de faiblesses

physiques, et ce, après un effort minimal seulement, en plus d’être accompagnée de

douleurs musculaires et d’une incapacité { se détendre.

Au Québec, comme le précise Lafleur (1999), les médecins vont opter pour « […] un

congé pour trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, parce qu’on ne trouve

pas encore le diagnostic d’épuisement professionnel dans les gros livres de

psychiatrie; cette forme de souffrance n’a donc pas encore de numéro de code dans

les formulaires des compagnies d’assurances » (p. 15). Ce diagnostic se retrouve

dans l’axe 1 du DSM IV concernant les troubles psychiatriques. Selon le DSM IV, le

trouble de l’adaptation s’associe au développement de symptômes dans les registres

émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteur(s) de stress

identifiable(s), au cours des trois mois suivant la survenue de celui-ci (ceux-ci). De

plus, ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs s’ils

s’avèrent : 1) une souffrance marquée, plus importante qu’il n’était attendu en

réaction à ce facteur de stress; 2) une altération significative du fonctionnement

social ou professionnel (scolaire); une perturbation liée au stress ne répond pas aux

43

critères d’un autre trouble spécifique de l’axe 1 et n’est pas simplement

l’exacerbation d’un trouble préexistant de l’axe 1 ou de l’axe 2; et 3) les symptômes

doivent également s’associer { autre chose que l’expression d’un deuil et ne pas

persister plus de six mois. Concernant l’humeur dépressive, il est mentionné

que « ce sous-type doit être utilisé lorsque les manifestations prédominantes sont

des symptômes tels qu’une humeur dépressive, des pleurs ou des sentiments de

désespoir » (Mini DSM-IV-TR, 2004, p. 282).

2.3 Une variété d’approches conceptuelles

L’émergence de l’épuisement professionnel et l’intérêt suscité pour la recherche ont

incité plusieurs professionnels à élaborer des approches conceptuelles pour mieux

comprendre et illustrer le phénomène. Il semble toutefois qu’aucune approche ne

puisse rendre compte à elle seule de l’immense complexité de l’épuisement

professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Malgré cette affirmation, les

conceptualisations proposées dans la littérature scientifique peuvent tout de même

être regroupées en deux grandes catégories d’approches distinctes, soit les

approches individuelles et les approches interactionnelles et organisationnelles.

44

Tableau 3

Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome d’épuisement

professionnel

Catégories d’approches Approches conceptuelles

Individuelles

Approche psychologique (idéalisme)

Approche existentialiste

Approche des traits de personnalité

Interactionnelles et

organisationnelles

Approche transactionnelle de Cherniss

Approche relationnelle de Maslach

Approche relationnelle de Leiter

Modèle organisationnel de Maslach et Leiter

Modèle de Karasek

Modèle de Siegrist

Modèle de Bakker et Demerouti

La première catégorie regroupe les approches individuelles aussi appelées

approches cliniques, dont l’attention est portée principalement sur les observations

cliniques, l’analyse des traits de personnalité, des fonctionnements psychologiques,

des comportements, des valeurs de l’individu et autres qui entravent l’adaptation en

milieu de travail. La deuxième catégorie regroupe les approches interactionnelles et

organisationnelles, c’est-à-dire qu’elles priorisent l’analyse de l’interaction entre les

facteurs individuels d’une personne et le contexte de travail en particulier. Ces

approches sont considérées comme étant scientifiques parce qu’étant mieux

supportées par les recherches empiriques (Schaufeli, 2003). Les approches

individuelles sont surtout basées sur des observations qualitatives et expérientielles

qui manquent parfois de support empirique parce que plus difficilement

quantifiables (Ibid.). Le choix d’une approche ou d’une autre dépend

majoritairement des croyances du chercheur et des besoins d’utilisation. Un

psychothérapeute priorisera sûrement le plan individuel tandis qu’un consultant en

45

entreprise sera plus intéressé { comprendre l’épuisement professionnel en contexte

organisationnel (Ibid.).

2.3.1 Les approches individuelles

Freudenberger, par ses observations cliniques, est le premier à avoir inspiré cette

catégorie d’approche. L’emphase est orientée vers le diagnostic, la relation d’aide,

l’accompagnement individuel et la réhabilitation (Schaufeli, 2003). L’analyse des

symptômes et des facteurs individuels reliés { l’épuisement professionnel est

priorisée.

L’approche psychologique (idéalisme)

Freudenberger (1987) dit : « Tous ces gens avaient au départ de grandes espérances

et des visions de réussite éclatante, […] pendant la plus grande partie de leur vie, ils

avaient été pleins d’enthousiasme, d’énergie et d’optimisme » (p. 14). Dans la même

optique que Freudenberger, pour Edelwich et Brodsky (1980), l’épuisement

professionnel représente une perte progressive d’idéalisme, d’énergie et de sens au

travail. Le modèle en quatre phases qu’ils ont proposé (l’enthousiasme, la

stagnation, la frustration et la démoralisation) a contribué { l’avancement des

recherches de l’épuisement professionnel, notamment en tant que processus

graduel.

La phase d’enthousiasme représente l’idéalisme et l’ambition de la personne. Elle

est caractérisée par un très haut degré d’investissement en temps et en énergie pour

l’organisation dont elle fait partie. La phase de stagnation apparaît lorsque la

personne se rend compte que malgré ses efforts constants, les résultats ne sont pas

à la hauteur de ses attentes personnelles ou tout simplement non reconnus. La

personne tentera d’y remédier en redoublant d’efforts, le niveau de stress

augmentant. La phase de frustration est caractérisée par des signes sérieux comme

la fatigue et la déception et beaucoup de difficultés à gérer les tensions (irritabilité,

46

cynisme, colère, etc.). Enfin, la phase de démoralisation représente le sentiment de

vide intérieur, la personne perdant tout intérêt pour son travail. À cette étape,

l’absentéisme et l’évitement des clients, des collègues et des patrons sont plus

présents. La personne n’offre plus aucune résistance (Edelwich et Brodsky, 1980).

L’objectif de cette approche vise donc une modification sur le plan des valeurs et des

besoins des individus. Comme le mentionne Freudenberger (1987), « la perception,

l’image que l’on a de nous, nous empêche de percevoir que nos problèmes sont peut-

être reliés à des facteurs internes » (p. 25). L’idée principale sera donc de remplacer

l’idéalisme problématique par un réalisme mieux adapté et ainsi éviter de revivre

chacune des phases qui mènent { l’épuisement professionnel.

L’approche existentialiste

Pour Pines, l’échec d’une personne dans sa quête pour donner un sens à son

existence constitue l’essence de sa conception de l’épuisement professionnel. Selon

elle, « les gens idéalistes travaillent dur parce qu’ils s’attendent à ce que leur travail

fasse partie d’un tout plus grand et que cela donne un sens à leur existence4 » (Pines,

1996, p. 83). Sa conception est illustrée par la figure suivante :

4 Traduction libre

47

Figure 1

Modèle de l’approche existentialiste de Pines

Source : Schaufeli et Enzmann (1998, p. 112)

Son modèle, inspiré de la psychologie existentialiste, distingue trois types de

motivations au travail. Les motivations universelles (ex. : recherche de succès et

d’appréciation), les motivations spécifiques à la profession (ex. : impact sur les

clients) et les motivations personnelles quant au type de travail (ex. : le fait d’aimer

le métier). Advenant qu’une personne ne réussisse pas { satisfaire ces motivations,

elle vivra des sentiments d’échec qui mèneront progressivement à l’épuisement

professionnel.

L’approche des traits de personnalité

Au-del{ de l’idéalisme et de la quête de sens, certaines approches conceptuelles ont

mis l’accent sur certains traits de personnalité ou fonctionnements psychologiques

pouvant avoir une incidence sur les cognitions, les émotions et les comportements

Buts et attentes Motivations universelles

Motivations spécifiques à la profession Motivations personnelles

Environnement de travail supportant

Environnement de travail stressant

Buts et attentes comblés

Succès

Buts et attentes non comblés

Échec

Sens existentiel Épuisement professionnel

48

en milieu de travail. Selon Alacorn et al. (2009), les traits de personnalité suivants,

incluant les cinq traits du Big Five (névrosisme, extraversion, ouverture à

l’expérience, caractère consciencieux et agréabilité), doivent être considérés :

Tableau 4

Traits de personnalité et leur influence sur le développement de l’épuisement

professionnel

Traits de personnalité favorisant

l’épuisement professionnel

Traits de personnalité ne favorisant pas

l’épuisement professionnel

Faible estime de soi Bonne estime de soi

Sentiment d’efficacité personnelle

faible

Sentiment d’efficacité personnelle élevé

Instabilité émotionnelle Stabilité émotionnelle

Locus de contrôle externe Locus de contrôle interne

Introversion Extraversion

Caractère insouciant Caractère consciencieux

Désagréabilité Agréabilité

Affectivité négative Affectivité positive

Négativisme Optimisme

Personnalité inactive Personnalité proactive

Abdication Résistance

Source : Alacorn et al. (2009)

L’analyse de la personnalité permettra, selon cette approche conceptuelle,

d’identifier des façons de penser (cognitions), des sentiments ou des

comportements qui favorisent l’apparition de l’épuisement professionnel. Par

exemple, une personne dont le locus de contrôle est externe doublé d’une

personnalité inactive risque d’entretenir l’idée que l’employeur est responsable du

problème et qu’il lui revient de procéder { des changements dans sa façon de faire.

49

Au contraire, une personne dont le locus de contrôle est interne et dotée d’une

personnalité proactive prendra probablement l’initiative de provoquer lui-même

des changements pour retrouver une situation plus convenable. En terminant,

comme le mentionnent Alacorn et al. (2009), même si des interventions

organisationnelles sont effectuées pour modifier l’environnement de travail, il

restera toujours quelques individus qui vivront de l’épuisement professionnel en

raison de leurs traits de personnalité.

2.3.2 Les approches interactionnelles et organisationnelles

L’analyse de l’interaction entre l’individu et l’environnement constitue l’objectif de

recherche et de conception de ces approches. Elles furent grandement inspirées par

de Maslach. Tel que mentionné plus tôt, elles sont influencées par un mélange des

facteurs relationnels, sociaux et organisationnels (Schaufeli, 2003).

L’approche relationnelle de Maslach

Maslach considère l’épuisement professionnel comme étant « une expérience

individuelle négative incorporée dans un contexte de relations interpersonnelles au

travail qui implique la conception professionnelle de soi-même et des autres5 »

(Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 115). Cette expérience individuelle négative, en

réaction aux différents stresseurs en milieu de travail, comporte trois composantes,

soit l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la réduction du sentiment

d’efficacité personnelle. Cette dernière composante n’était pas incluse dans la

conception de Cherniss (1980). Sa conception de l’épuisement professionnel

représente un continuum qui peut être illustrée de la façon suivante :

5 Traduction libre

50

VS

VS

VS

Figure 3

Conception de l’approche relationnelle de Maslach

Source : Maslach, 2008, p. 498

L’épuisement émotionnel et physique est la composante reliée aux effets du

stress sur l’énergie de la personne. Elle réfère { la réduction des ressources

personnelles physiques et émotionnelles (Maslach, 2008). La dépersonnalisation,

quant à elle, fait référence { l’attitude et aux relations interpersonnelles en milieu de

travail. C’est une forme de réponse détachée et négative envers plusieurs aspects du

travail (Ibid.). Enfin, la réduction du sentiment d’efficacité personnelle représente la

dimension évaluative de la personne; elle réfère aux sentiments d’incompétence, au

faible degré d’accomplissement et de productivité au travail (Ibid.).

Ainsi, selon Maslach, une personne soumise à de mauvais stress pendant une longue

période de temps commencera par vivre un épuisement physique et émotionnel.

Dans le cas contraire, la personne sera pleine d’énergie. En conséquence à

l’épuisement émotionnel et physique, des comportements de dépersonnalisation

commenceront à apparaître envers la clientèle, les collègues et la direction de

l’entreprise. Dans le cas contraire, la personne démontrera un bon niveau

d’engagement pour l’entreprise. Finalement, après un certain temps, l’épuisement

Épuisement émotionnel et physique

Énergie

Dépersonnalisation Engagement

Réduction du sentiment d’efficacité personnelle

Sentiment d’efficacité personnelle

Stresseurs

51

émotionnel et la dépersonnalisation entraîneront une réduction du sentiment

d’efficacité personnelle. En général, les recherches sur l’épuisement professionnel

ont établi la séquence entre l’épuisement émotionnel et physique et la

dépersonnalisation. Toutefois, le lien avec la réduction du sentiment d’efficacité

personnelle est moins clair; les données actuelles soutiennent le développement

simultané de la troisième dimension plutôt que sous forme de séquence (Maslach et

al., 2001). Les conclusions des travaux de Lee et Ashforth (1996) vont aussi en ce

sens. Leurs résultats démontrent que la réduction du sentiment d’efficacité

personnelle se développe très indépendamment de l’épuisement émotionnel et de la

dépersonnalisation.

Cette conceptualisation de l’épuisement professionnel fut tout de même l’inspiration

majeure dans la construction du Maslach Burnout Inventory : Human Services

Survey (MBI-HSS) et du Maslach Burnout Inventory : Educators Survey (MBI-ES).

Étant donné la croyance de départ voulant que l’épuisement professionnel soit relié

aux professions aidantes, les outils étaient orientés en ce sens (Maslach, 2001).

Toutefois, depuis que certaines recherches ont démontré que l’épuisement

professionnel n’était pas uniquement relié aux professions aidantes, le Maslach

Burnout Inventory : General Survey (MBI-GS) fut également créé. Il est adapté pour

être utilisé dans l’ensemble des professions. La structure des trois composantes est

similaire à la version originale (Schaufeli, 2003). Il existe également une version

française du premier inventaire qui fut traduit et validé au Québec (Dion et Tessier,

1994).

Conception de Leiter

Toujours selon l’approche relationnelle et basée principalement sur les travaux de

Maslach, la conception de l’épuisement professionnel de Leiter rassemble différents

concepts. Sa conception intègre de nouveaux éléments découverts par la recherche

notamment la distinction entre les demandes qualitatives et quantitatives et leur

52

influence sur les composantes de l’épuisement professionnel. Voici une

représentation graphique de sa conception :

Figure 4

Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter

Source : Schaufeli et Enzmann, 1998 p. 118

Selon cette conception, les demandes interpersonnelles (ex. : conflits avec un

collègue) et les demandes sur la charge de travail (ex. : temps supplémentaire) ont

un impact sur l’épuisement émotionnel et physique. Le fait de manquer de

ressources pour faire face aux demandes aurait plutôt un impact sur la

dépersonnalisation et sur la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Les

conclusions de Lee et Ashforth (1996) sont venues confirmer cette

conceptualisation. Leur méta-analyse confirme deux choses en particulier. La

première est que les individus sont plus sensibles aux demandes imposées qu’aux

ressources obtenues pour faire face à ces demandes (Ibid.). La deuxième est que les

associations entre les demandes et les ressources et les trois dimensions sont

concordantes avec les explications de l’épuisement professionnel (Ibid.)

Demandes interpersonnelles (qualitatives)

Demandes sur charge de travail (quantitatives)

Épuisement émotionnel et physique

Dépersonnalisation

Réduction du sentiment d’efficacité personnelle

Manque de ressources

53

Modèle organisationnel de Maslach et Leiter

Toujours suivant l’idée que l’épuisement professionnel résulte de l’interaction entre

les individus et leur environnement de travail, les recherches ont conduit Maslach et

Leiter à vouloir identifier, plus en profondeur, les facteurs organisationnels qui en

seraient responsables. Les conclusions des recherches ont permis l’identification de

ces six facteurs organisationnels :

Tableau 5

Facteurs organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement

professionnel

Facteurs organisationnels Explications

Charge de travail Fait référence à la quantité élevée de travail

exigée par l’entreprise.

Peu de contrôle sur son travail Fait référence { l’incapacité de modifier les

conditions de travail.

Manque de reconnaissance Fait référence au manque d’appréciation pour

le travail effectué.

Sentiment d’iniquité Fait référence aux injustices vécues en milieu

de travail.

Faible soutien social Fait référence aux conflits relationnels non

résolus en milieu de travail.

Conflits de valeurs Fait référence { l’incompatibilité des valeurs

de l’entreprise et de l’individu.

Source : Maslach (2008)

La charge de travail, lorsqu’elle excède les limites personnelles d’un individu,

contribue { l’épuisement physique et émotionnel. Une augmentation de la charge de

travail quantitative autant que qualitative diminue la capacité d’une personne pour

y faire face. Lorsque la charge de travail est trop élevée, qu’elle devient une

54

condition chronique en entreprise et que les occasions de repos et de récupération

se font plus rares, les ressources d’un individu finiront par se consumer

tranquillement pour entraîner éventuellement une fatigue extrême.

Le peu de contrôle sur son travail, aussi appelé le manque d’autonomie, contribue

également { l’épuisement professionnel. Avoir l’occasion et un certain pouvoir

d’organiser son travail permet { un individu, en entreprise, de trouver un meilleur

équilibre personnel, et ce, spécifiquement lorsque des situations stressantes

surgissent. Dans le cas contraire, l’incapacité de modifier certaines conditions de

travail, d’avoir accès { des ressources ou tout simplement de ne pas avoir l’autorité

suffisante pour prendre des décisions rendent la personne impuissante et

vulnérable aux événements. C’est le cas notamment lorsque les pouvoirs

décisionnels sont confus dans l’entreprise, ce qui donne lieu à des conflits de rôle.

Le manque de reconnaissance en milieu de travail est aussi lié { l’épuisement

professionnel. Le fait de ne pas se sentir reconnu (financièrement, socialement et

institutionnellement) contribue particulièrement à la réduction du sentiment

d’efficacité personnelle. Au contraire, une personne qui reçoit suffisamment de

reconnaissance pour le travail qu’elle accomplit ressentira une satisfaction

intrinsèque plus grande, ce qui lui fournit des ressources supplémentaires pour

faire face à des périodes de stress importantes.

Le sentiment d’iniquité peut aussi être source d’épuisement professionnel.

Lorsqu’une personne perçoit des injustices sur le plan des conditions salariales, des

charges de travail, des privilèges et promotions accordés ou même des évaluations,

elle aura le sentiment de ne pas être respectée et estimée { sa juste valeur. L’équité

est essentielle pour favoriser un sentiment de collégialité entre les individus

travaillant pour une même entreprise. Dans le cas contraire, le sentiment d’iniquité

provoque une colère et une frustration qui mènent { l’épuisement émotionnel et au

cynisme envers les collègues avantagés, la direction et en bout de ligne, envers les

clients dans certains milieux.

55

Le faible soutien social est aussi un facteur { considérer en lien avec l’épuisement

professionnel. Parfois, c’est l’organisation du travail comme telle qui ne favorise pas

les relations. Mais généralement, ce sont des conflits non résolus entre des

personnes qui entraînent de l’épuisement émotionnel. Le soutien social est une

ressource importante pour faire face { des situations stressantes. En l’absence de

soutien social, une personne se sentira isolée et beaucoup plus vulnérable aux effets

psychologiques du stress.

Enfin, le dernier facteur organisationnel qui contribue { l’épuisement professionnel

est le conflit de valeurs. Dans certains milieux, des gens peuvent se sentir contraints

d’effectuer des tâches qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs ou leur niveau

d’éthique personnel. Devoir mentir pourrait être un exemple. Le conflit de valeur

peut également émerger d’une différence entre les aspirations professionnelles

d’une personne et la mission de l’entreprise. Une personne qui demeure dans un

environnement dont les valeurs sont différentes des siennes, ressentira de la

frustration, ce qui la rendra plus vulnérable aux effets du stress.

Le modèle de Karasek

Il est important de noter que certains facteurs furent en partie influencés par les

modèles de Karasek et de Siegrist principalement utilisés en gestion des ressources

humaines. Le modèle de Karasek propose une relation directe entre la charge de

travail et le degré de contrôle (autonomie) comme prédicateur de satisfaction au

travail. Une personne dont la charge de travail est élevée et qui possède peu de

contrôle sur son travail est plus à risque de souffrir de pression psychologique et de

problèmes de santé. Contrairement à une personne qui jouit d’une bonne latitude au

travail, une charge de travail élevée engendrera plutôt chez elle une motivation

d’apprentissage et de développement (Theorell et Karasek, 1996).

56

Demandes psychologiques

Faibles Élevées

Co

ntr

ôle

Fai

ble

Éle

Peu de pression

Actif

Passif

Beaucoup de pression

Figure 5

Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle

Source : Theorell et Karasek, 1996, p. 11.

Le modèle de Siegrist

Ce modèle met en relation les efforts fournis au travail et le niveau de

reconnaissance obtenu. Selon sa conception, un débalancement entre les coûts

(temps, énergie, efforts, etc.) et les gains (argent, estime et statut) engendre une

détresse émotionnelle chez les individus (Siegrist, 1996). Les efforts fournis sont

une combinaison des demandes extrinsèques (obligations de faire son travail) et des

implications intrinsèques (besoins d’accomplissement, d’adaptation, etc.). Son

modèle se présente sous la forme suivante :

Figure 6

Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance

Source : Siegrist, 1996, p. 30.

Beaucoup d’efforts Peu de reconnaissance Argent Estime Statut

Extrinsèques Intrinsèques

57

Les modèles de Karasek et de Siegrist font toutefois l’objet de certaines critiques.

Premièrement, malgré leur simplicité, ils ne tiennent compte que de quelques

facteurs. Les plus récentes recherches, notamment celles de Maslach, ont démontré

qu’il y avait d’autres facteurs pouvant provoquer du stress en milieu de travail.

Deuxièmement, comme le mentionne Bakker et Demerouti (2006), ils ne sont pas

adaptés pour tous les types d’emploi et d’entreprise. Dans certains milieux, des

facteurs comme l’iniquité ou le manque de soutien social seront plus importants à

considérer. Ainsi, dans le but de développer une approche conceptuelle plus

intégrative, ces derniers ont également développé leur propre modèle.

Le modèle de Bakker et Demerouti

Ce modèle intègre différentes approches conceptuelles. Il inclut notamment le

concept de demandes et de ressources en milieu de travail. Il fait également un lien

entre les six facteurs organisationnels de Maslach et Leiter présentés

précédemment et leur catégorisation en tant que demandes ou ressources. Il inclut

aussi le modèle de l’approche relationnelle de Maslach. Ainsi, en combinant tous ces

éléments, cela donne le modèle suivant :

58

BURNOUT

Figure 7

Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti

Source : Bakker et al., 2003, p. 19

Plus précisément, la charge de travail élevée, les sentiments d’iniquité et les conflits

de valeurs sont notamment des demandes en emploi qui ont un impact sur les plans

mental, émotionnel et physique. Le soutien social, l’autonomie et la reconnaissance

sont quant à eux présentés davantage comme des ressources pour faire face aux

stress en milieu de travail. Ces facteurs viennent ensuite influencer la dynamique

entre les demandes et les ressources disponibles. Si les demandes sont trop élevées

mais que les ressources sont suffisantes, c’est l’épuisement physique et émotionnel

qui sera influencé. Si les ressources sont insuffisantes pour faire face aux demandes,

des attitudes cyniques et une réduction du sentiment d’efficacité personnel

apparaîtront.

En conclusion, chacune des approches interactionnelles et organisationnelles

présentées procurent un éclairage sur les différents facteurs et processus qui

Mental

Émotionnel

Physique

Etc.

Soutien

Autonomie

Reconnaissance

Etc.

Demandes

Ressources

Épuisement

Dépersonnalisation

Réduction du sentiment d’efficacité personnel

59

contribuent à l’épuisement professionnel. Essentiellement, l’objectif est d’examiner

attentivement le contexte de travail d’une personne pour mieux comprendre les

raisons qui ont contribué au développement de l’épuisement professionnel

(Maslach, 2001).

2.4 Une variété d’interventions

Les interventions en matière d’épuisement professionnel peuvent aussi être

regroupées selon les trois grandes catégories d’approches conceptuelles :

individuelles, interactionnelles et organisationnelles. Intervenir au plan individuel

signifie que l’attention sera portée sur les stratégies individuelles qu’un conseiller

d’orientation et son client conviennent d’utiliser, et ce, indépendamment du

contexte (Schaufeli et Enzmann, 1998). Par exemple, un client pourrait choisir de

démarrer un programme d’exercices physiques pour réduire les effets du stress ou

se renseigner davantage en achetant quelques livres pertinents. Ainsi, en modifiant

certaines cognitions et quelques comportements personnels qui augmentent ses

résistances, la personne se donne des moyens pour être moins vulnérable aux effets

psychologiques négatifs qu’occasionne le stress en milieu de travail (Ibid.). De plus,

ces stratégies peuvent être initiées en dehors du contexte du travail et dans un

cadre de counseling individuel entre le conseiller d’orientation et son client.

Contrairement aux stratégies individuelles, les stratégies d’intervention au plan

interactionnel vont tenir compte du contexte, car elles sont orientées vers

l’interaction entre les individus et leur environnement de travail. Ce sont des

stratégies qu’une personne peut entreprendre pour favoriser une meilleure

interaction au plan des relations et de l’organisation du travail en général. Par

exemple, la gestion du temps en milieu de travail est une stratégie possible pour

réduire la charge de travail psychologique, un des facteurs qui mènent à

l’épuisement professionnel. Encore une fois, ce sont des stratégies qui peuvent être

développées en contexte de counseling individuel entre le conseiller d’orientation et

son client, mais adaptées pour la réalisation en milieu de travail. Enfin, les stratégies

60

d’intervention au plan organisationnel sont celles que les entreprises seules ont le

pouvoir d’entreprendre. Parfois ces stratégies émanent de leur propre initiative,

parfois elles engageront des consultants organisationnels pour s’en occuper plus

particulièrement. Le conseiller d’orientation pourrait agir { titre de consultant pour

aider { mettre en place des stratégies d’intervention adaptées afin de réduire les

effets psychologiques négatifs et l’épuisement professionnel. Contrairement aux

deux autres, ce sont des stratégies qui ne peuvent pas être développées en contexte

de counseling individuel. Le client dans ce cas-ci, c’est l’entreprise.

En plus des approches d’intervention (individuelles, interactionnelles et

organisationnelles), il est possible de distinguer deux grandes stratégies

d’intervention, soit les stratégies de prévention et les stratégies de traitement. Et

comme le mentionnent Schaufeli et Enzmann (1998), « […] il existe une distinction

relativement claire entre prévenir parmi ceux qui sont à risque et traiter ceux qui

sont déjà en épuisement professionnel. Typiquement, les premiers sont au travail

tandis que les autres sont en congé de maladie et souffrent d’un épuisement

professionnel sévère6 » (p. 144).

Le tableau suivant fait d’ailleurs le lien entre les catégories d’approches et les

stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel :

6 Traduction libre

61

Tableau 6

Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en fonction des

différentes catégories d’approches

Stratégies d’intervention

Catégories

d’approches

Prévention

Traitement

Individuelles Auto-évaluation Utilisation de matériels

didactiques Promotion d’une vie saine Relaxation Équilibre entre le travail et

la vie privée Planification de carrière

Pharmacothérapie Traitements

complémentaires Réorientation de carrière

Interactionnelles Auto-observation en situation de travail

Gestion du temps Entraînement des habiletés

sociales Intervention cognitive et

comportementale

Psychothérapies cognitives et comportementales

Autres psychothérapies et processus de traitement

Approches organisationnelles

Soutien individuel et de groupe

Mentorat Utilisation de sondages et

tests Planification de carrière des

employés Vérification psychosociale Amélioration de la nature du

travail Amélioration de

l’environnement physique Gestion du

temps/ressources Embauche et formation de

gestionnaires efficaces Socialisation anticipatoire Programmes de bien-être

Programme d’aide aux employés (PAE)

Procédures de retour au travail et réhabilitation

Transferts/réaffectations

62

Les stratégies préventives seront abordées en premier pour ensuite terminer avec

les stratégies de traitement qui, il est important de le préciser, seront tous abordées

en fonction de chacune des approches individuelles, interactionnelles et

organisationnelles.

2.4.1 Les interventions de prévention

Ce sont des stratégies qui sont adaptées pour des personnes qui concrètement, sont

encore présentes dans leur milieu de travail. Opter pour ces stratégies se veut une

façon de réduire ou d’éviter les effets négatifs du stress ainsi que l’épuisement

professionnel dans son ensemble. Au plan individuel, on retrouve l’auto-évaluation,

l’utilisation de matériels didactiques, la promotion d’une vie saine, la relaxation,

l’équilibre entre la vie privée et le travail ainsi que la planification de carrière. Au

plan interactionnel, on retrouve l’auto-observation, la gestion du temps,

l’entraînement des habiletés interpersonnelles et l’intervention cognitive-

comportementale. Enfin, au plan organisationnel, on retrouve le soutien individuel

et de groupe, le mentorat, l’utilisation de sondages et de tests, la planification de

carrière en entreprise, la vérification psychosociale, l’amélioration de la nature du

travail et de l’environnement physique, la gestion du temps, l’embauche et la

formation de gestionnaires efficaces, la socialisation anticipatoire et finalement, les

programmes de bien-être.

Les stratégies de prévention individuelles

L’auto-évaluation est un des moyens pour prévenir l’épuisement professionnel.

L’utilisation d’un test comme le Maslach Burnout Inventory (MBI) par exemple, peut

permettre à des individus de vérifier dans quelle mesure ils peuvent souffrir

d’épuisement professionnel. Ces outils peuvent également permettre { une

personne de se comparer avec d’autres groupes d’individus comparables. L’idée

derrière cette méthode repose sur la prise de conscience et la croyance que la

connaissance de soi favorise la prévention.

63

La gestion du stress par l’utilisation de matériels didactiques est aussi une méthode

de prévention de l’épuisement professionnel. Les livres, les journaux, les articles de

magazines, les dépliants, les émissions de télévision, les films, les lectures, et plus

récemment, les sites Internet peuvent tous servir (Schaufeli et Enzmann, 1998). Le

fait pour une personne d’être plus informée sur le stress, sur ses causes et ses

conséquences augmente sa vigilance et sa capacité de prendre soin d’elle-même.

La promotion d’une vie saine est aussi reconnue comme un bon moyen de réduire

les effets du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’expression « un esprit sain dans

un corps sain » reflète bien l’idée de base de cette méthode. Un style de vie sain

inclut des exercices physiques réguliers, une nutrition convenable, un contrôle de

poids santé, ne pas fumer, avoir suffisamment de sommeil et prévoir des périodes

de repos pour se détendre et recharger les énergies pendant les journées de travail

et après ces dernières (Ibid.). Plus particulièrement au plan de l’alimentation,

Chicoine (2008) mentionne que « la littérature cible de nombreux minéraux ainsi

que des vitamines pouvant avoir un effet sur les symptômes dépressifs, mais [que]

les preuves scientifiques manquent » (p. 68). Pour ce qui est de l’exercice physique,

une étude récente effectuée au Danemark conclut que les employés qui sont actifs

physiquement perçoivent moins de stress et plus d’énergie que les employés qui ne

le sont pas (Hansen et al., 2010). Les conclusions de l’étude effectuée par Rook et

Zijlstra vont aussi en ce sens. Ainsi, plus le temps investi à faire une activité

physique est grand, plus la récupération sera efficace (Rook et Zijlstra, 2006).

Également, cette même étude démontrait que contrairement aux prédictions et aux

récentes découvertes, les activités qui demandent peu d’efforts et les activités

sociales n’étaient pas nécessairement favorables { la récupération après le travail.

En fait, les activités qui demandent peu d’efforts étaient même associées { une

augmentation de la fatigue émotionnelle. Ainsi, les activités qui demandent peu

d’efforts peuvent être bénéfiques au recouvrement de la fatigue physique, mais les

activités physiques sont beaucoup plus bénéfiques pour surmonter la fatigue

émotionnelle (Ibid.). De plus, les résultats d’une recherche effectuée sur les effets de

l’activité physique démontrent que les exercices physiques produisent une

64

amélioration générale immédiate dans l’humeur des gens, soit une amélioration de

l’humeur positive ou dans l’autre sens, une réduction immédiate de l’humeur

négative (Steinberg et al., 1998).

La relaxation peut également être utile comme technique de prévention. Selon les

résultats obtenus par Higgins (1986), son programme de relaxation comprenant

sept sessions s’avère d’une bonne efficacité dans la réduction des effets du stress.

Fondamentalement, la relaxation comprend quatre techniques spécifiques, soit la

relaxation des muscles, la respiration profonde, la méditation (yoga, imagerie,

autohypnose, etc.) et la rétroaction biologique, qui consiste à visualiser les réactions

biologiques internes (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Également, comme le mentionnent Vallerand et al. (2010), un trop grand

déséquilibre entre l’énergie investie au travail et dans la vie privée s’avère néfaste

pour la santé d’une personne. Ainsi, trouver l’équilibre entre le travail et la vie

privée est un autre moyen préventif pour réduire les effets de l’épuisement et du

stress. Les gens qui travaillent dans des environnements stressants ont besoin de

décompresser pour être ensuite capables de s’adapter aux stress normaux de la vie

privée. La décompression peut se faire par plusieurs moyens, par exemple : lire un

livre, faire du jardinage, rêvasser, prendre une marche ou se reposer tout

simplement. De plus, la décompression est souvent une activité qui fait contraste à

la routine au travail (Maslach, 1982). Par exemple, une personne qui travaille

majoritairement au plan intellectuel bénéficiera davantage des effets positifs d’un

exercice physique pour décompresser. En bout de ligne, l’idée derrière ces différents

moyens de déconnexion psychologique du milieu de travail est la conservation des

énergies pour la vie privée (Schaufeli et Enzmann, 1998).

La planification de carrière constitue également un moyen préventif individuel pour

éviter le sentiment d’être emprisonné dans une carrière et d’accepter des conditions

impossibles qui entraînent l’épuisement professionnel. Elle vise principalement

deux objectifs : la connaissance de soi (forces, faiblesses, intérêts, habiletés, bilan de

65

compétences, etc.) et l’analyse des occasions sur le marché du travail (Schaufeli et

Enzmann, 1998). Elle se veut une stratégie pour préparer des plans de rechange

advenant des changements majeurs (réduction des effectifs, changement

d’orientation, etc.) qui entraîneraient des augmentations importantes du stress vécu

en milieu de travail. Elle se veut aussi une stratégie pour quitter un milieu de travail

dont les conditions sont nocives pour la personne.

Les stratégies de prévention interactionnelles

L’auto-observation est un des moyens utilisés pour mieux comprendre les situations

stressantes en milieu de travail qui provoquent des réactions chez la personne. Elle

consiste à noter, pendant la journée, les événements provoquant du stress et à

identifier les symptômes ressentis, les pensées, les émotions et les comportements

que cela a provoqués. L’idée derrière cette méthode est que la compréhension de soi

débute par l’observation de soi. L’auto-observation peut servir de point de départ à

des démarches subséquentes (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Les employés à risque d’épuisement professionnel ressentent souvent une forte

pression associée au manque de temps pour effectuer le travail demandé, ce qui

peut parfois dépasser la capacité de l’individu d’y répondre. Les techniques de

gestion du temps peuvent aussi être un moyen de prévention permettant à un

individu de travailler plus efficacement pour se donner du temps de relaxation au

travail. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un entraînement en gestion du temps

devrait considérer la clarification des tâches et des responsabilités associées à

l’emploi, la priorisation de celles-ci en fonction des demandes de l’entreprise et des

aspirations professionnelles de la personne et enfin, l’identification des capteurs de

temps comme les réunions, les relations interpersonnelles, les appels téléphoniques,

etc. La personne est encouragée { réduire l’impact des capteurs de temps.

L’entraînement des habiletés sociales peut également être un moyen de prévention

de l’épuisement professionnel. Lorsque les individus ont de mauvaises relations en

66

milieu de travail, cela augmente la charge de travail qualitative et réduit

considérablement la possibilité d’obtenir du soutien social pour mieux s’adapter

(Schaufeli et Enzmann, 1998). En aidant les gens à développer leurs habiletés

interpersonnelles, ils seront mieux outillés pour faire face à des situations

potentiellement stressantes, comme devoir briser la glace, devoir s’affirmer face {

un collègue ou un supérieur ou même s’adapter aux gens selon leur personnalité,

leur culture, leurs valeurs ou leurs attitudes. Parmi les habiletés sociales, Maslach

(1982) mentionne que l’humour est une technique d’adaptation qui s’avère

intéressante lorsque bien utilisée.

Finalement, les techniques cognitives-comportementales peuvent également être un

moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Selon cette philosophie

d’intervention, les réponses émotives ne sont pas provoquées par les situations,

mais plutôt par la conception cognitive des situations selon chaque personne

(Schaufeli et Enzmann, 1998). L’évaluation cognitive est une technique utilisée pour

enseigner aux individus à mieux analyser la gravité des stresseurs et à remettre les

choses en perspective selon le contexte (Ibid.). Cette technique aide à prévenir un

débordement des cognitions, des émotions et des comportements qui pourraient

aggraver encore plus la situation. L’anticipation de scénarios est une autre

technique cognitive-comportementale pouvant être appliquée. Elle consiste à aider

les individus à anticiper les stress avant même leur apparition. Cette technique est

souvent accompagnée d’un exercice de visualisation (Ibid.). En conclusion, ces deux

techniques sont des exemples d’exercices possibles pouvant être effectués avec les

clients pour améliorer leur façon d’interagir avec leur environnement de travail

dans une optique de prévention.

Les stratégies de prévention organisationnelle

Le soutien individuel et les groupes de soutien en milieu de travail peuvent être de

bons moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. Selon Schaufeli et Enzmann

(1998), les réunions d’équipe, lorsque bien organisées, peuvent être un moment

67

pour donner et recevoir du soutien des autres collègues. Les groupes de soutien

devraient engendrer cinq fonctions, soit la reconnaissance des autres, le confort,

l’aide, les prises de conscience et la camaraderie (Ibid.). Une étude récente effectuée

par Peterson (2008) auprès de travailleurs dans le milieu de la santé, démontre que

les groupes du soutien utilisant une méthode basée sur la résolution de problèmes

s’avèrent efficaces dans la réduction du stress et des symptômes d’épuisement

professionnel. Pour être plus précis, les groupes de soutien ont procuré aux

participants la possibilité d’échanger avec les autres sur des situations similaires, de

nouvelles connaissances, un plus grand sentiment d’appartenance, une

augmentation de la confiance en soi, une meilleure structure de travail, un

soulagement des symptômes et des changements comportementaux (Ibid.)

Le mentorat peut aussi être un moyen de prévention utilisé pour tenter de réduire

les effets du stress chez les employés. À la différence du soutien individuel, le

mentorat implique la participation d’un employé plus expérimenté qui possède une

expertise dans un domaine précis et qui offre du soutien à une personne moins

expérimentée (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les rencontres de mentorat sont

orientées davantage vers la résolution de problèmes reliés aux tâches plutôt que

vers les problèmes interpersonnels (Ibid.). La force du mentorat est qu’il permet de

réduire le stress relié aux charges de travail et de prévenir les conflits de rôles

(Ibid.). Une étude de Biswas-Diener (2009), basée sur des expériences personnelles

de mentorat auprès de psychothérapeutes, conclut que le mentorat peut aider à

protéger les cliniciens de l’épuisement professionnel. Il observe que les séances de

mentorat ont notamment contribué à remettre l’accent sur les forces des clients et

sur la motivation à progresser en tant que professionnels. Toutefois, comme le

mentionne Biswas-Diener (2009), les recherches dans ce domaine sont relativement

récentes; des preuves empiriques restent encore à confirmer.

L’utilisation de sondages et de tests est aussi un moyen préventif pour évaluer les

effets du stress en milieu de travail. C’est une façon pour les entreprises d’obtenir

des informations sur le climat de travail, le niveau de stress, les attitudes, les

68

réactions et les opinions des employés. Ces informations influenceront à leur tour le

développement de stratégies pour améliorer le bien-être des employés et l’efficacité

organisationnelle en général (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les travaux de

recherche d’Amherdt (2005), au Québec, ont contribué au développement d’un outil

(Bilan InterQualia) qui répond { l’objectif de mesurer la santé émotionnelle des

employés dans l’entreprise. Il existe toutefois plusieurs autres outils développés par

différentes équipes de travail œuvrant dans ce domaine.

La planification de carrière en entreprise est un moyen de prévention pour lequel

certaines organisations optent afin de s’assurer que les employés demeurent en

bonne santé émotionnelle et physique. Cette initiative de prévention des entreprises

a pour but de stimuler la planification stratégique des employés pour qu’ils réalisent

leurs projets de carrière au sein même de l’entreprise et par-dessus tout, qu’ils

maintiennent un équilibre de vie et une satisfaction au travail pour éviter les

conséquences de l’épuisement professionnel. En d’autres mots, c’est une façon de

soutenir les employés dans leur projet de carrière en leur permettant de découvrir

et d’analyser les différentes occasions de développement ou rôles disponibles au

sein de l’entreprise (Schaufeli et Enzmann, 1998). Certaines entreprises offriront

des possibilités de formation à leurs employés pour leur permettre d’accéder { de

nouveaux postes, tandis que d’autres instaureront un système de promotion interne.

La vérification psychosociale est un moyen de prévention qui fut également

proposé. Tout comme les gens font une vérification de leur santé physique chez le

médecin, Maslach (1982) propose que les entreprises fournissent l’occasion aux

employés de rencontrer un professionnel pour vérifier leur santé psychologique

suivant un intervalle d’environ six mois. Parmi les employés qui présentent des

symptômes d’épuisement professionnel, certains pourront être référés pour des

traitements et d’autres pourront participer { des ateliers de prévention dans le but

d’éviter que les conséquences prennent une trop grande ampleur.

69

L’amélioration de la nature du travail est également un moyen pour réduire le stress

en milieu de travail. Elle consiste à réagencer le travail lui-même pour le rendre plus

agréable et moins stressant. Ces changements peuvent notamment se faire en

ajoutant ou en divisant les tâches, en ajoutant des ressources (employés, formations,

etc.), en réduisant les responsabilités, en effectuant des rotations ou même en

modifiant la façon de faire les tâches (Schaufeli et Enzmann, 1998).

L’amélioration de l’environnement physique vise aussi { empêcher l’aggravation des

symptômes de l’épuisement professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Un bureau

sans fenêtre, un manque de luminosité, une mauvaise aération des lieux, des

équipements désuets, peuvent tous être des éléments contribuant à l’aggravation

des maux de tête, de l’irritabilité ou de la mauvaise humeur par exemple.

La gestion du temps peut aussi être un moyen utilisé par les entreprises pour

prévenir l’épuisement professionnel chez ses employés (Maslach, 1982). Les

entreprises possèdent le pouvoir de réorganiser la planification du temps de travail

des employés. Des moyens comme les congés sabbatiques, les journées de repos

libres, la réduction du nombre d’heures de travail, l’augmentation des pauses et le

travail à temps partiel peuvent tous faire partie d’une stratégie organisationnelle de

réduction du stress et de prévention de l’épuisement professionnel. Son objectif est

la réduction de la charge de travail physique et émotionnelle.

L’embauche et le perfectionnement de gestionnaires efficaces s’avèrent avoir une

influence considérable dans le développement d’un environnement de travail sain et

moins stressant. Selon Quick (2007), les gestionnaires efficaces ont une influence

positive sur la santé des employés. Tous ces gens sont en interrelations en milieu de

travail. Plusieurs recherches ont été effectuées pour mieux comprendre les styles de

gestion, les types de leadership, les caractéristiques des gestionnaires efficaces dans

le but d’améliorer la santé des employés et la santé organisationnelle de l’entreprise

dans sa globalité. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un gestionnaire qui démontre

une grande ouverture d’esprit, une pensée systémique, de la créativité, une efficacité

70

personnelle et une empathie envers ses employés peut lui-même prévenir

l’épuisement professionnel de ceux-ci. Le développement de programmes pour

l’amélioration des compétences des gestionnaires est de plus en plus fréquent sur le

marché du travail.

La socialisation anticipatoire, selon Schaufeli et Enzmann (1998), serait un autre

moyen de prévention possible pour les entreprises. Ce moyen préventif consiste à

présenter aux futurs employés potentiels une image réaliste de l’environnement de

travail pendant les procédures de recrutement (Ibid.). Cette façon de fonctionner a

pour but d’éviter d’engager des employés qui seront malheureux et qui seront plus

susceptibles de souffrir d’épuisement professionnel une fois { l’intérieur de

l’entreprise.

L’instauration de programmes de bien-être pour les employés est aussi utilisée par

certaines entreprises dans un but de renforcement contre les effets du stress et de

l’épuisement professionnel. Certaines entreprises optent pour des abonnements à

des centres de conditionnement physique offerts aux employés. D’autres vont tout

simplement aménager, directement sur les lieux du travail, un endroit qui contient

l’équipement nécessaire pour le conditionnement physique, la relaxation et autres.

Les programmes de bien-être ciblent habituellement un contrôle de la pression

sanguine, l’arrêt de fumer, la perte de poids, l’augmentation de la forme physique, la

réduction des maux de dos, l’éducation { la santé, la réduction de la consommation

d’alcool et la gestion du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998).

En conclusion, toutes ces stratégies de prévention organisationnelle peuvent être

utilisées. Elles peuvent également faire partie d’une stratégie d’ensemble intégrée

dans un programme organisationnel qui inclurait plusieurs de ces moyens de

prévention.

71

2.4.2 Les interventions de traitement

Lorsque qu’un professionnel rencontre une personne souffrant d’épuisement

professionnel sévère qui nécessite un arrêt de travail pour une longue période de

temps, les stratégies préventives ne seront plus suffisantes. Pour Van Schaik et al.

(2004), il existe essentiellement deux options de traitement de premiers soins en

matière de dépression majeure et d’épuisement professionnel, qui ont prouvé

chacune une efficacité comparable, soit les psychothérapies et la pharmacothérapie.

Toutefois, des études récentes en matière d’efficacité de traitement démontraient

que la combinaison de la psychothérapie et de la pharmacothérapie s’avère plus

efficace (Cuijpers et al., 2009; Scott, 2001). Dans la pratique, les personnes atteintes

de dépression et d’épuisement professionnel préfèrent généralement la

psychothérapie, alors que les médecins favorisent plutôt les antidépresseurs (Van

Schaik et al., 2004). Le traitement par les antidépresseurs est celui le plus offert

parce que la psychothérapie est souvent moins accessible (Ibid.). Comme le

mentionnent Houle et al. (2009), « les psychothérapies n’étant pas couvertes par

l’assurance maladie, il est important de vérifier avec le patient sa capacité à en payer

les coûts. Bien que les hôpitaux et les CLSC offrent gratuitement les services de

psychologues, les listes d’attente en entravent souvent l’accessibilité » (p. 29).

Toutefois, les employés qui détiennent une assurance privée peuvent bénéficier

d’un remboursement partiel ou en totalité dans certains cas, dépendamment du

régime d’assurance.

Les sections suivantes seront encore une fois divisées en trois catégories, soit les

stratégies de traitement individuel, interactionnel et organisationnel. La première

catégorie (individuelle) concerne toutes les stratégies qui ne nécessitent pas de se

pencher spécifiquement sur les conditions du milieu de travail, notamment la

pharmacothérapie et les traitements complémentaires comme les produits naturels,

l’alimentation, l’exercice physique, etc. La deuxième catégorie, quant à elle, tient

compte de l’individu dans son contexte de travail et regroupe les différents types de

psychothérapies. Le positionnement des psychothérapies dans les stratégies de

72

traitement interactionnel vient du fait que selon Lowman (1993), pour traiter

l’épuisement professionnel, les psychothérapies doivent être ajustées en fonction

des problèmes du contexte du travail. Enfin, la dernière catégorie

(organisationnelle) fait référence aux stratégies employées par les entreprises elles-

mêmes pour traiter les employés en épuisement professionnel. Seules les stratégies

provenant de la direction même, et dont elle seule a le pouvoir de les entreprendre,

seront incluses dans cette catégorie.

Les stratégies de traitement individuel

La pharmacothérapie, plus particulièrement la prescription d’antidépresseurs, est

un moyen de traitement qui a prouvé son efficacité dans le traitement de la

dépression légère, modérée ou grave (Houle et al., 2009). L’avantage lié { cette

forme de traitement est que les coûts sont remboursés totalement ou partiellement

par des assurances privées ou gouvernementales, contrairement aux

psychothérapies qui nécessitent majoritairement des assurances privées (Ibid.). Le

traitement pharmacothérapeutique peut durer entre 6 et 9 mois et nécessite un

suivi médical régulier pour s’assurer que le traitement entraîne des résultats

satisfaisants et peu d’effets secondaires comme les vertiges, les maux de tête,

l’insomnie, les nausées et le gain de poids (Ibid.). Il existe deux générations

d’antidépresseurs, mais comme le précisent Qaseem et al. (2008), la deuxième

génération d’antidépresseurs est plus souvent utilisée parce qu’ayant une efficacité

similaire et contenant moins de toxicité. Également, le choix d’un antidépresseur en

particulier dépend seulement des effets secondaires parce que les études

démontrent que leur efficacité dans le cas de dépressions sévères est comparable

(Ibid.). Ainsi les médicaments comme le Zyban (bupropion), le Seropram

(citalopram), le Cymbalta (duloxetine), le Seroplex (escitalopram), le Prozac

(fluoxétine), le Floxyfral (fluvoxamine), le Norset (mirtazapine), le Nefazodone

(serzone), Deroxat/Seroxat/Paxil (paroxetine), Zoloft (sertraline), Desyrel

(trazadone) et Effexor (venlafaxine) peuvent tous être prescrits par le médecin dans

le traitement d’une dépression ou d’un épuisement professionnel sévère. Chicoine

73

(2008) apporte toutefois une précision quant { l’utilisation des antidépresseurs :

« Évidemment les psychotropes demeurent utiles dans le traitement de l’anxiété et

de la dépression. Cependant, en ne faisant reposer notre intervention que sur ces

agents, nous risquons de nuire au patient, de ne pas venir à bout de ses symptômes

et de lui laisser le message que la réponse à sa souffrance se trouve uniquement

dans sa pilule » (p. 72).

Il existe donc plusieurs autres stratégies de traitements individuels

complémentaires pouvant être utilisées pour le traitement de l’épuisement

professionnel. Chicoine (2008) précise : « […] pour éviter une augmentation du

nombre de médicaments ou pour venir à bout de certains effets indésirables,

plusieurs approches complémentaires se révèlent être des options efficaces et dont

les bienfaits sont durables » (p. 67). Les stratégies complémentaires sont :

l’alimentation, l’exercice physique, les habitudes de sommeil, l’utilisation de

matériels didactiques, la relaxation, la luminothérapie et l’utilisation de produits

naturels (Ibid.). Comme mentionné précédemment, plusieurs de ces stratégies

peuvent aussi être utilisées de façon préventive. Dans l’optique d’un traitement,

elles sont utilisées en complément lorsqu’une personne est déj{ en épuisement

professionnel et qu’elle tente de reprendre des forces tranquillement. Concernant

plus particulièrement la luminothérapie, Golden et al. (2005) ont effectué une méta-

analyse de 173 études sur le sujet, dont 20 seulement rencontraient les bons

critères d’inclusion. Ils en arrivent tout de même à la conclusion que la

luminothérapie contribue à la réduction de la sévérité des symptômes de la

dépression (Ibid.). Pour ce qui est de l’utilisation des produits naturels, « […] ils sont

plus « doux », donc en général mieux tolérés, mais moins puissants, bien qu’on

puisse en augmenter l’efficacité en recherchant les produits contenant des extraits

normalisés (extrait actif du produit) » (Chicoine, 2008, p. 69). Selon Houle et al.

(2009), le millepertuis est un produit naturel qui peut s’avérer une option

intéressante : « En effet, il est d’une efficacité comparable aux antidépresseurs, tout

en ayant moins d’effets indésirables » (p. 30). Par contre, malgré le fait que les

produits naturels entraînent moins d’effets indésirables, le manque de contrôle de la

74

qualité de ces produits demeure un de ses principaux désavantages (Chicoine,

2008).

Enfin, la réorientation de carrière peut également s’avérer une stratégie de

traitement individuel de l’épuisement professionnel. Toutefois, comme le mentionne

Maslach (1982), changer d’emploi peut être coûteux financièrement et

psychologiquement; la décision doit donc être prise consciencieusement en évaluant

bien les raisons qui motivent le changement. Si le changement est superficiel, le

risque de retrouver le même genre de situation de travail et de reproduire les

mêmes comportements est toujours présent, ce qui ne réduit pas les chances de

revivre de l’épuisement professionnel (Ibid.).

Les stratégies de traitement interactionnel

Il existe plusieurs types d’interventions psychologiques pouvant être utilisées

autant dans le traitement de l’épuisement professionnel que de la dépression.

Évidemment, le regard présenté ici demeure encore une fois non exhaustif si l’on

prend en compte toutes les formes de traitement qui pourraient exister. Au départ,

il est reconnu que les thérapies cognitives-comportementales s’avèrent des

traitements efficaces pour les personnes en dépression ou souffrant d’un trouble de

l’anxiété (Scott, 2001). Il est également considéré que l’efficacité de ces traitements

est applicable au traitement de l’épuisement professionnel et du stress lié au travail

(Blonk et al., 2006). De plus, une méta-analyse effectuée par Van der Klink (2001)

démontre que les approches cognitives et comportementales sont plus efficaces sur

le plan de l’intervention sur le stress comparativement aux techniques de relaxation,

aux approches multimodales et aux interventions organisationnelles. Parmi les

thérapies cognitives et comportementales qui seront détaillées, il y a la thérapie

cognitive de Beck, la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis et le programme

néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel.

75

La thérapie cognitive de Beck est une approche utilisée en matière de traitement de

la dépression et de l’épuisement professionnel. Selon Chambless et al. (1998), la

thérapie cognitive est un traitement validé empiriquement qui répond aux critères

d’efficacité particulièrement dans le traitement de la dépression. Cette thérapie,

développée dans les années 1960 par Aaron T. Beck, repose sur dix principes (Beck,

1995) : est basée sur une formulation du problème en termes cognitifs; nécessite

une bonne alliance thérapeutique; mise sur la collaboration et la participation

active; est orientée vers l’atteinte d’objectifs et la résolution de problèmes; porte

surtout sur le présent de la personne; privilégie un cadre d’intervention éducatif

comportant des enseignements pour que les clients soient leur propre thérapeute

(prévention); est limitée dans le temps; fonctionne avec des sessions qui sont

structurées; aide les clients à identifier, à évaluer et à réagir à leurs croyances

irrationnelles, tout en nécessitant l’utilisation d’une variété de techniques pour

changer les pensées et les comportements. Plus spécifiquement, elle consiste à

effectuer des modifications de raisonnement chez le client afin de produire une

amélioration des pensées, des émotions et des comportements (Beck, 1995). En lien

avec l’épuisement professionnel, la thérapie cognitive postule que les individus en

sont vulnérables à cause des croyances irrationnelles et dysfonctionnelles qui

résultent des expériences d’apprentissage (Scott, 2001). Le modèle suivant illustre

un exemple de croyance irrationnelle en lien avec l’épuisement professionnel :

76

Figure 8

Modèle conceptuel des croyances irrationnelles de Beck

Source : Beck, 1995, p. 18

L’approfondissement des croyances principales et intermédiaires et des pensées

automatiques permettra au thérapeute et à son client de mieux comprendre les liens

avec les réactions émotives, comportementales et physiologiques. Toujours selon

Beck (1995), une fois que les croyances principales et intermédiaires sont

identifiées, les pensées automatiques deviennent relativement assez prévisibles.

Ainsi, l’évaluation de la validité et de l’utilité des pensées automatiques et

l’apprentissage de nouvelles techniques d’adaptation produisent donc un

changement chez l’individu en général. En terminant, il est important de mentionner

que plusieurs techniques sont employées en lien avec la thérapie cognitive, par

exemple les devoirs entre les sessions, des techniques de questionnement,

l’enseignement, la gradation des émotions ou même des expérimentations pour

tester les croyances, etc.

Croyance principale : Je suis incompétent

Croyance intermédiaire :

J’effectue mon travail trop lentement

Situation : Je suis en retard dans

mes dossiers

Pensée automatique : Je n’arriverai jamais {

terminer à temps

Réaction émotive : Colère

Réaction comportementale : Je travaille deux fois

plus rapidement

Réaction physiologique : Raideurs au cou

77

La thérapie rationnelle-émotive d’Ellis est une autre forme de thérapie cognitive et

comportementale qui peut également servir en matière de traitement de

l’épuisement professionnel. L’étude de Malkinson (1997) auprès de femmes cols

bleus en démontre notamment l’efficacité. Comparativement au groupe témoin, les

femmes qui avaient eu droit aux séances affichaient des niveaux d’épuisement

professionnel plus bas immédiatement après les séances, mais également un an plus

tard (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive, tout comme la thérapie cognitive de

Beck, partage la vision que les pensées et les croyances irrationnelles mènent au

stress. La restructuration des cognitions permettra donc de réduire le stress

(Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, pour Ellis (1987), le développement des

difficultés psychologiques n’est pas tant lié { l’impact des événements de la vie sur la

personne, mais plutôt à des tendances biologiques à penser de façon irrationnelle.

Pour prouver son point de vue, il apporte quelques arguments, par exemple : même

les gens les plus brillants et compétents démontrent des irrationalités; plusieurs des

comportements irrationnels vont { l’encontre des apprentissages de nos parents, de

la société, etc.; les psychothérapeutes eux-mêmes, supposément des modèles de

rationalité, agissent de façon irrationnelle dans leur vie privée. Ainsi, selon sa

conception, aucune personne n’est { l’abri de pensées irrationnelles et

dysfonctionnelles. Toutefois, chaque être humain possède une capacité à faire des

choix et à changer ses pensées nocives (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive est

décrite selon une structure A-B-C-D-E (Beck, 2005; Schaufeli et Enzmann, 1998) :

A – Activating : ce sont des événements qui aident ou entravent l’atteinte

d’objectifs personnels. Les individus chercheront { répondre { ces événements

activateurs.

B – Beliefs : les événements activateurs provoqueront donc un effet sur les

croyances de l’individu.

78

C – Consequences : ces croyances entraîneront à leur tour des conséquences

émotionnelles et comportementales chez l’individu. Les croyances sont donc les

médiateurs entre les événements activateurs et les conséquences émotionnelles

et comportementales.

D – Disputing, Debating, Discriminating, Defining : l’utilisation de techniques

permettra de remettre en question les croyances irrationnelles qui ont mené aux

conséquences.

E – Effect : les techniques utilisées auront des effets, à leur tour, sur la philosophie

de la personne, dans le but de favoriser des réflexions plus rationnelles et

constructives.

Pour intervenir sur l’épuisement professionnel, le conseiller mettra l’accent sur les

événements qui ont activé les croyances dysfonctionnelles. Il tentera par la suite,

grâce à certaines techniques cognitives, émotionnelles et comportementales, de

modifier les croyances qui viennent entraver l’atteinte des objectifs de la personne.

Parmi les techniques utilisées, il y a notamment l’utilisation de l’humour, l’imagerie,

les jeux de rôles, la socialisation en groupe, le discours avec soi-même, l’acceptation

inconditionnelle, l’entraînement des habiletés, etc. (Beck, 2005).

Selon l’étude de Jenkins et Palmer (2003), l’approche multimodale de Lazarus,

combinée avec la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis, peut également être une

approche psychothérapeutique qui s’avère efficace dans le traitement des difficultés

liées au stress. L’approche multimodale est basée sur la croyance que peu de ces

problèmes sont causés par un seul facteur à la fois (Ibid.). Ainsi, selon cette

conception, la détresse psychologique doit être abordée de façon

multidimensionnelle.

Voici une représentation visuelle des dimensions à explorer selon cette conception :

79

Étape 1 Étape 5

Étape 2

Étape 4

Figure 9

Modèle révisé de l’approche multimodale du stress de Lazarus

Source : Jenkins et Palmer, 2003, p. 267

L’approche multimodale fournit principalement un cadre d’exploration et de

compréhension de la problématique liée au stress en fonction de plusieurs

dimensions (comportementale, affective, interpersonnelle, biologique, sensorielle,

cognitive et imaginale). Cette approche est considérée comme étant systémique par

sa nature. L’ajout de la thérapie rationnelle et émotive d’Ellis dans le processus

thérapeutique est principalement lié à l’intervention avec les clients. Les différentes

techniques cognitives, émotionnelles et comportementales viennent s’ajouter en

fonction des difficultés identifiées par l’approche multimodale.

Pressions Pressions externes internes

Techniques d’adaptation et ressources

Évaluation et réévaluation cognitives et imaginales

Étape 3

Réponses comportementales

Réponses affectives

Réponses interpersonnelles

Réponses biologiques

Réponses sensorielles

Réponses cognitives

Réponses imaginales

80

Le programme néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel est

également basé sur les principes de la thérapie cognitive et comportementale et

repose fortement sur des procédures d’auto-observation et d’auto-évaluation. Le

programme est composé de quatre étapes distinctes : réduction des symptômes;

compréhension de la personnalité; identification des problèmes liés au travail;

anticipation du futur.

La première étape consiste à réduire immédiatement les symptômes ciblés par le

client, notamment l’épuisement émotionnel et physique, l’incapacité de relaxer, les

problèmes de sommeil, l’irritabilité et autres symptômes physiques. Ces symptômes

sont traités grâce à des techniques cognitives et comportementales connues comme

la relaxation ou l’activation graduelle par exemple. La deuxième étape consiste {

bien comprendre la personnalité distincte de la personne en consultation. En

utilisant des techniques comme l’évaluation cognitive ou la thérapie rationnelle-

émotive de Ellis, les clients apprennent à mieux se connaître et à identifier les traits

de personnalité qui peuvent causer des problèmes. La troisième étape consiste à

élaborer un plan détaillé de retour au travail avec les personnes responsables dans

l’entreprise. Une fois dans l’entreprise, le client est encouragé { effectuer des auto-

observations en utilisant un carnet dans lequel il doit noter les problématiques

rencontrées, notamment les charges de travail, les conflits interpersonnels, les

conflits de rôles ou même le manque de soutien social. Il est aussi encouragé à

discuter des difficultés directement avec son superviseur. La dernière étape, quant à

elle, consiste { discuter de techniques de prévention avec le client. L’anticipation des

situations qui pourraient réactiver l’épuisement professionnel chez le client et

l’élaboration d’un plan pour une vie plus saine et équilibrée sont des sujets abordés.

Les questions sur le rôle du travail et son importance sont soulevées selon une

perspective existentielle (Schaufeli et Enzmann, 1998).

81

Autres types d’intervention de traitement interactionnel

La thérapie interpersonnelle a aussi prouvé son efficacité en matière de traitement

de la dépression (Weissman et al., 2000). Selon Blatt (2000), les thérapies

interpersonnelles sont aussi efficaces que les thérapies cognitives et

comportementales après un suivi sur 18 mois. De plus, les individus interrogés,

après avoir expérimenté la thérapie interpersonnelle, mentionnent avoir ressenti

davantage de satisfaction générale par rapport au traitement que ceux ayant suivi

une thérapie cognitive et comportementale (Ibid.). L’emphase de cette thérapie est

axée sur le lien entre les réactions et les relations interpersonnelles du client, tout

en tenant compte du rôle des facteurs génétiques, biochimiques, développementales

et de la personnalité comme causes ou vulnérabilités à la dépression (Weissman et

al., 2000). La thérapie interpersonnelle comporte essentiellement trois

phases (Ibid.).

La première phase (de 1 à 3 sessions) consiste à effectuer une évaluation

diagnostique qui servira d’assise pour le traitement et les formalités importantes,

comme le droit de s’absenter du milieu de travail par exemple. Elle consiste

également à examiner en détail les relations interpersonnelles du client et son

fonctionnement social en général. Elle inclut aussi un temps pour expliquer au client

ce qu’est une dépression ou un épuisement professionnel. Enfin, l’intervenant

conclut avec une formulation du problème qui lie la dépression du client à une des

quatre situations de relations interpersonnelles problématiques suivantes : le deuil

à la suite de la mort d’un proche; les disputes de rôles tels que les conflits avec la

conjointe, les collègues, les amis proches ou les autres connaissances; les rôles

transitoires tels que le début d’une nouvelle carrière, une promotion, la retraite ou

même à la suite d’un diagnostic médical; enfin, les déficits interpersonnels tels que

le manque d’habiletés sociales occasionnant des difficultés à démarrer et à

conserver des relations.

82

La deuxième phase consiste à développer des stratégies adaptées en fonction de la

problématique selon les quatre situations de relations interpersonnelles nommées

ci-haut. Parmi les stratégies utilisées dans la thérapie interpersonnelle, il y a

notamment l’exploration des sentiments sans jugement, la reconstruction des

relations, le développement de la vigilance, la facilitation de l’expression des affects,

les stratégies de communication, l’évaluation des anciens rôles et l’établissement de

soutiens sociaux. La dernière phase, quant à elle, consiste à encourager le client à

reconnaître et à consolider les gains thérapeutiques obtenus lors des sessions

préalables. Elle vise également le développement des habiletés à prévoir, à identifier

et à contrer les symptômes dépressifs qui pourraient survenir dans le futur.

Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel réside dans la perte de sens d’une

personne face à son existence. L’approche psychoanalytique-existentielle qu’elle

propose implique entre 12 et 24 sessions de 50 minutes qui incluent l’exploration

de l’enfance, des expériences de jeunesse traumatisantes, des métiers des parents,

de la relation avec les parents et la famille, des rêves de métiers, de la relation entre

le métier choisi et les origines enfantines, de l’historique d’emploi, des buts

professionnels et des liens entre l’enfance, l’emploi actuel et l’épuisement

professionnel vécu (Pines, 2002). Plus précisément, elle précise que les choix de

carrière qui mènent certains individus à une perte de sens existentiel sont

influencés par des forces inconscientes qui sont liées à des difficultés remontant à

l’enfance et qui ont un effet sur le présent. Son approche vise donc principalement

un retour dans les expériences traumatisantes de l’enfance pour mieux comprendre

leurs influences au présent (Ibid.). Des besoins d’admiration, de reconnaissance et

de contrôle, par exemple, influencent grandement le développement de

l’épuisement professionnel. Elle cite notamment l’exemple de l’enseignante qui

devant l’indiscipline et l’insouciance de ses élèves, souffre profondément du manque

de reconnaissance à son travail (Ibid.). Les trois étapes du traitement sont les

suivantes (Pines, 2002) : 1) identifier les raisons conscientes et inconscientes qui

ont influencé le choix de carrière des individus et préciser ce que le choix de carrière

était supposé leur procurer en termes de signification existentielle; 2) identifier les

83

raisons de l’échec des individus { donner un sens { leur existence et spécifier la

relation avec l’épuisement professionnel; finalement 3) identifier les changements

possibles qui permettraient de retrouver un sens existentiel dans le travail. En

terminant, elle précise que son approche, qui est un croisement entre les théories

psychanalytiques et existentialistes, devrait faire l’objet de nouvelles études

d’efficacité comparatives avec les autres approches.

À la suite d’une recherche qualitative auprès de 36 travailleurs québécois

rencontrant les critères adéquats du trouble de l’adaptation du DSM IV, Bernier

(1998) propose un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement

professionnel sévère comportant six phases. Le processus de recouvrement est long

et peut durer de 1 à 3 ans. Il peut être illustré de la façon suivante :

Tableau 7

Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de Bernier

Phases Stratégies d’adaptation

1 Admettre le problème

2 Se distancier du travail

3 Rétablir la santé

4 Questionner les valeurs

5 Explorer les possibilités d’emploi

6 Provoquer un changement

Source : Bernier (1998), p. 56, 57, 58 et 59.

La première phase consiste à aider le client à admettre le problème. Les personnes

interviewées ont admis avoir eu de la difficulté { simplement reconnaître qu’il y

avait bel et bien un problème qui nécessitait un arrêt de travail. La reconnaissance

du problème est graduelle et le déni peut durer quelques semaines, voire quelques

mois. La deuxième phase consiste à convaincre la personne de quitter la source de

84

stress pendant un moment pour reprendre des forces. La difficulté de prendre cette

décision est souvent liée à la diminution du revenu pendant la période de

convalescence. Elle dépend de beaucoup de facteurs, comme les niveaux

d’endettement, les programmes d’assurance, etc. Une fois que la distanciation de la

source de stress est effectuée, une troisième phase de recouvrement de la santé sera

entreprise. Elle vise deux objectifs distincts, soit la réduction des tensions

(relaxation physique, émotionnelle et intellectuelle) et un regain de joie de vivre

grâce à des activités graduelles et surtout stimulantes pour la personne. La

quatrième phase sera plutôt axée sur le questionnement des valeurs. C’est un temps

pour réfléchir et revoir en profondeur l’interaction entre le fonctionnement

psychologique de la personne (cognitions, émotions, comportements) et son

environnement. Le conseiller tentera de comprendre les anciennes valeurs qui, pour

certaines d’entre elles, seront remplacées par de nouvelles valeurs. Selon Bernier

(1998), le temps accordé à cette phase est le plus difficile à prévoir. Elle est souvent

difficile et provoque des incertitudes et des doutes chez la personne. La cinquième

phase, quant { elle, visera l’exploration des nouvelles possibilités d’emploi en

fonction des nouvelles valeurs de la phase précédente. Dans certains cas, ce sera

l’exploration des possibilités au sein de la même entreprise (modification de tâches,

de rôles, etc.), et pour d’autres, ce sera l’exploration de nouvelles possibilités de

carrière dans une nouvelle entreprise. Finalement, la sixième et dernière phase

consiste à prendre une décision et à provoquer un changement. Pour les personnes

qui décident de retourner à leur ancien emploi, elles devront s’assurer de créer un

changement à leur retour afin d’éviter de revivre les stress déjà vécus. Les

personnes pourront par exemple demander à travailler à temps partiel, à se faire

enlever certaines tâches, demander de la formation supplémentaire, etc. Pour celles

qui décident de changer d’emploi, l’important sera de s’assurer d’éviter des

conditions similaires { l’ancien emploi. Ceci étant dit, Bernier (1998) observe que

ceux dont les obligations financières sont plus importantes auront tendance à

retourner pour leur employeur actuel et ceux qui ont plus de flexibilité changeront

majoritairement d’emploi.

85

Dans le même ordre d’idées, Lafleur (1999) propose également un processus de

traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel. Toutefois,

contrairement à Bernier (1998), Lafleur distingue deux formes de traitement, soit

les convertis et les invertis. La première forme (convertis) est axée sur la résolution

objective des problèmes. Comme le mentionne Lafleur (1999), « les épuisés qui

recherchent cette voie de traitement sont habituellement des êtres très rationnels »

(p. 184). Ce sont des gens qui accepteront beaucoup plus difficilement de creuser à

l’intérieur d’eux-mêmes et de prendre contact avec leurs émotions. Ils vont plutôt

opter pour des changements logiques, de nouvelles règles de conduite et se

centreront essentiellement sur l’action (Ibid.). Comme le précise Lafleur, cette

stratégie est efficace à court terme, mais elle comporte le risque de ne pas être

suffisante : « Le danger, c’est que les convertis continuent souvent d’être rigides.

Même s’ils endossent un autre mode, une autre culture, ils se basent encore sur des

principes et adoptent de nouveaux stéréotypes. Jusqu’{ un certain point, cela les

limite encore » (p. 185). C’est pourquoi il y a une deuxième forme de traitement

(invertis) qui vise la recherche intérieure. Lafleur (1999) mentionne :

C’est une démarche plus personnelle et plus profonde que la précédente, mais elle est plus longue et, souvent aussi, plus douloureuse, car elle est faite de remises en question et de contacts avec de vieilles blessures. Les gens qui acceptent de s’y engager feront leurs nouveaux choix de vie non pas à partir de nouvelles normes extérieures, mais plutôt en se basant sur leur désir de développement personnel, parfois aussi sur leur désir de développement spirituel; mais dans tous les cas, ils s’appuieront sur des conclusions intérieures (p. 187).

Cette deuxième forme de traitement n’est toutefois pas convenable pour tout le

monde, car certaines personnes se sentent « […] souvent angoissées quand elles

explorent leurs émotions et elles ne voient pas trop où ça pourrait les mener. Elles

s’opposent donc assez rapidement à ce traitement. » Ceci fait dire à Lafleur (1999)

que les deux formes de traitement peuvent être efficaces. Toutefois, la combinaison

des deux formes de traitement s’avère plus optimale.

86

À la suite de la logique des deux formes de traitement (convertis et invertis), Lafleur

propose une démarche de traitement des gens souffrant d’épuisement professionnel

qui comporte neuf étapes, dont un tronc commun au départ. Voici un tableau qui

présente le processus de traitement des gens souffrant d’épuisement professionnel :

Tableau 8

Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur

Accepter la convalescence (1)

Accepter l’échec (2)

Accepter l’affront (3)

Convertis Invertis

Réprimer sa douleur (4) Exprimer sa douleur (4)

Comprendre (5) Comprendre (5)

Travailler ses dépendances (6) Travailler ses dépendances (6)

Se préparer à un retour au travail (7) Intégrer les différents morceaux

de sa vie (7)

Reprendre le travail (8) Reprendre le travail (8)

Maintenir ses résolutions (9) Poursuivre le développement

personnel (9)

Source : Lafleur (1999), p. 191 à 199.

La première étape consiste à lâcher prise par rapport au travail et à accepter de

prendre du temps de repos. La deuxième étape vise l’acceptation pour la personne

de son incapacité à faire face aux tâches qui étaient demandées. La troisième étape

fait plutôt référence aux sentiments de colère envers la direction et les collègues qui

émaneront dans le processus et à leur apaisement. Ensuite, c’est à ce moment que la

direction du traitement (convertis ou invertis) sera influencée en fonction des

caractéristiques du client.

87

Si la forme de traitement converti est privilégiée, l’étape suivante sera de se servir

de la douleur pour entrevoir de nouvelles résolutions afin d’éviter que cela ne se

reproduise. La compréhension logique des événements et des causes initiera ensuite

le développement de nouvelles stratégies d’adaptation en milieu de travail.

Finalement, les dernières étapes seront axées sur la préparation, la mise { l’essai de

ces nouvelles stratégies d’adaptation en milieu de travail et leur maintien au

quotidien pour éviter à nouveau les conséquences possibles. Par contre, si la forme

de traitement inverti est privilégiée, les étapes suivantes seront différentes.

L’expression de la douleur sera encouragée { ce moment du processus. La

compréhension des souffrances du passé sera aussi explorée pour faciliter les liens

avec les difficultés actuelles du client. Cette compréhension va provoquer un

changement immédiat dans la vie de la personne qui cherchera à modifier son

contact avec la vie, avec les autres et développera de nouvelles perspectives,

notamment dans l’optique d’un éventuel retour au travail. Les dernières étapes

concernent surtout le retour au travail, le cas échéant, mais surtout le maintien des

nouvelles valeurs dans le temps.

En conclusion, ce processus de traitement proposé par Lafleur pourrait également

être un outil employé dans le traitement des gens souffrant d’épuisement

professionnel. Il a la particularité de faire la différence entre servir des gens qui

acceptent l’introspection et des gens qui souhaitent un processus plus rationnel et

moins émotionnel.

Les stratégies d’intervention de traitement organisationnel

Au-delà des stratégies préventives, les entreprises ont également des moyens à leur

disposition pour intervenir en matière de traitement d’une personne qui souffre

d’épuisement professionnel sévère et qui nécessite malencontreusement un arrêt de

travail.

88

L’instauration d’un programme d’aide aux employés (PAE) est un de ces moyens. Il

est défini comme étant :

[…] un programme systématique et planifié en vue d’assurer une assistance professionnelle aux employés qui éprouvent des problèmes reliés { l’abus d’alcool ou de drogues, qui sont affectés par des troubles d’ordre émotif ou qui traversent une période de crise (matrimoniale, familiale, financière ou légale) dont l’effet est de perturber leur rendement au travail (Savoie, 1989, p. 113).

À l’origine, les programmes d’aide aux employés avaient été conçus pour venir en

aide aux gens avec des problèmes de consommation d’alcool (Rhéaume, 1996).

Toutefois, l’augmentation des problèmes liés { la santé mentale a provoqué des

ajustements sur le plan des services offerts afin d’inclure les difficultés

psychologiques liées au travail et à la vie privée (Ibid.). Il existe essentiellement trois

formes de programme d’aide aux employés (Ibid.) :

a) Les P.A.E. internes/externes : reçoivent les demandes d’aide { l’interne au

départ pour ensuite référer { des ressources contractuelles. C’est la forme la

plus répandue au Québec.

b) Les P.A.E. externes/externes : toutes les demandes sont traitées { l’externe par

des ressources contractuelles.

c) Les P.A.E. internes/internes : toutes les demandes sont traitées { l’interne

seulement. C’est la forme la moins utilisée présentement dans les entreprises

québécoises.

Ces programmes d’aide aux employés peuvent donc être des moyens pour les

entreprises pour venir en aide à leurs employés et s’assurer de leur rétablissement.

Toutefois, ce ne sont pas toutes les entreprises qui se prémunissent d’un tel

programme; ce sont majoritairement les grandes entreprises (Ibid.).

Idéalement, une procédure de retour au travail d’un employé ayant souffert

d’épuisement professionnel devrait faire partie intégrante de chaque programme de

89

traitement (Schaufeli et Enzmann, 1998). La réhabilitation est cruciale puisque,

selon les résultats de certaines recherches, la plupart des employés qui ont souffert

d’épuisement professionnel ne retournent pas à leur ancien emploi ou ne restent

que quelque temps pour quitter par la suite (Ibid.). Tous les professionnels

impliqués devraient s’entendre sur un plan de réhabilitation qui inclut une

exposition graduelle aux charges de travail, une réduction du nombre d’heures

(temps partiel) et une adaptation de certaines tâches (Ibid.). Pour Blonk et al.

(2006), le retour à temps partiel devrait se faire assez rapidement puisque selon les

résultats de son étude, il contribue davantage à un éventuel retour à temps complet.

Toutefois, ce retour doit être effectué en combinant des interventions individuelles

et organisationnelles en même temps que le retour à temps partiel (Ibid.).

Dans certains contextes de travail, les entreprises peuvent offrir aux employés qui

reviennent au travail { la suite d’un épuisement professionnel, de changer

complètement de poste ou même d’organisation, ce qu’on appelle aussi des

transferts et des réaffectations (Schaufeli et Enzmann, 1998). Un changement

d’organisation signifie plus particulièrement un transfert vers une autre succursale

affiliée { l’entreprise qui peut se trouver dans une autre ville par exemple. Ces

stratégies de transfert et de réaffectation sont habituellement offertes lorsque la

réhabilitation s’avère très difficile, voire impossible dans l’ancien poste de l’employé

(Ibid.). Elles ont une visée curative puisque qu’elles visent l’éloignement de la source

du stress et le nouveau départ dans une autre organisation qui peut présenter des

conditions parfois différentes (meilleures relations de travail, avec le supérieur

immédiat, etc.).

En conclusion, ces multiples explications concernant la notion d’épuisement

professionnel, les approches conceptuelles et les stratégies d’intervention, autant

préventives que curatives, serviront de comparaison et de bonification aux résultats

obtenus. La section suivante porte d’ailleurs sur la réalisation de la recherche, c’est-

à-dire sa méthodologie.

90

3. Méthodologie

La problématique de recherche et le cadre conceptuel ayant été présentés en détail,

cette section se veut une continuité afin de présenter le processus qui a mené plus

spécifiquement à la réalisation de cette recherche. La méthodologie de recherche

inclut le choix de l’approche de recherche, la population et l’échantillonnage, les

instruments de recherche utilisés, la démarche d’entretien, les modalités d’analyse

des données ainsi que les règles d’éthique.

3.1 Approche de recherche

Dans le cadre de cet essai, c’est une approche de recherche qualitative et descriptive

qui est privilégiée. Pour Legendre (2005), « ce type de recherche porte sur l’étude

de phénomènes sociaux ou de situations dans leur contexte naturel, dans laquelle

est engagé le chercheur, et visant à la découverte et à la compréhension de données

qualitatives, et au traitement de celles-ci » (p. 1 154). Et comme le précise Fortin

(1996), « un des buts essentiels de la recherche qualitative est de mieux

comprendre des faits ou des phénomènes sociaux encore mal élucidés » (p. 232).

Étant donné que le rôle des conseillers d’orientation en matière d’accompagnement

de personnes en situation d’épuisement professionnel est peu exploré jusqu’{

maintenant dans la recherche scientifique, le choix d’une recherche qualitative

s’avérait pertinent. Cette recherche qualitative vise donc à répondre à la question

exploratoire suivante : comment les conseillers ou conseillères d’orientation au

Québec accompagnent-ils les personnes en situation d’épuisement professionnel?

L’objectif général de cette recherche vise ainsi l’exploration des pratiques

professionnelles de conseillers d’orientation en matière d’accompagnement auprès

des personnes en situation d’épuisement professionnel.

91

3.2 Population et échantillonnage

Pour être en mesure de répondre adéquatement à la question et aux objectifs de

recherche, la population se devait d’être des conseillers ou des conseillères

d’orientation dont les activités professionnelles les amènent { être en contact avec

des gens souffrant d’épuisement professionnel. Ainsi, pour être certain de

sélectionner les bonnes personnes, une recherche sur le site Internet de l’Ordre des

conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) fut effectuée. Les trois

critères de sélection de la population étaient les suivants : œuvrer dans un cabinet

privé; habiter dans la région de Montréal ou de la Montérégie; et mentionner avoir

une expertise en matière d’intervention lors de situations reliées { l’épuisement

professionnel. Le choix des conseillers ou conseillères œuvrant en cabinet privé est

justifié par le fait qu’ils sont les plus susceptibles de rencontrer, et ce, en plus grande

quantité, des gens souffrant d’épuisement professionnel par la nature de leurs

fonctions. Pour ce qui est du choix des régions de Montréal et de la Montérégie

seulement, il a essentiellement pour but de s’assurer d’avoir certaines

caractéristiques minimales de comparaison entre les participants. De cette première

recherche de participants potentiels, est ressorti un nombre de cinquante

conseillers et conseillères d’orientation constituant la population de cette recherche.

L’objectif, par la suite, fut de sélectionner un échantillon de huit participants parmi

cette liste et de s’assurer que les personnes sélectionnées rencontrent

régulièrement des clients en situation d’épuisement professionnel. Comme le

mentionne Fortin (2006), « la recherche qualitative recourt à un échantillon non

probabiliste, c’est-à-dire un échantillon non aléatoire répondant à des

caractéristiques précises » (p. 240). Parmi la population de cinquante conseillers et

conseillères d’orientation, certains mentionnaient détenir une expérience

professionnelle de plusieurs années en matière d’intervention auprès de gens en

situation d’épuisement professionnel. Ce sont ces personnes qui furent priorisées

lors de la sélection finale des participants. Toutefois, lors du contact téléphonique,

92

une dernière vérification fut effectuée pour s’assurer que les répondants

rencontrent fréquemment des clients en situation d’épuisement professionnel.

Ainsi, il est possible de spécifier que le type d’échantillon privilégié pour cette

recherche est non probabiliste et par choix raisonné ou intentionnel. L’idée derrière

ce choix d’échantillon est de cibler les personnes les plus aptes { parler du

phénomène en question, soit l’intervention en matière d’épuisement professionnel

dans ce cas-ci. L’objectif visé n’est pas la généralisation des résultats, mais « […] bien

d’avoir accès aux catégories culturelles et aux hypothèses { partir desquelles les

personnes interviewées se représentent et construisent le monde » (Boutin, 2000,

p. 17). En d’autres mots, l’objectif de cette recherche qualitative est l’exploration de

la réalité subjective des conseillers ou conseillères d’orientation en situation

d’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel.

Une fois l’échantillon constitué, les huit conseillers d’orientation furent joints par

courrier électronique d’après l’adresse fournie sur le site Internet de l’Ordre des

conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ). Dans ce courrier

électronique, était inclus, en pièce jointe, un exemplaire du formulaire d’information

et de consentement, qui explique en détail les fondements du projet de recherche,

ainsi qu’un exemplaire du questionnaire d’entretien. Le formulaire d’information et

de consentement est présenté { l’Annexe I. Dans ce même courrier électronique, il

fut mentionné qu’un contact téléphonique suivrait sous peu pour discuter plus en

détail du projet de recherche et de la détermination d’un moment de rencontre

approprié pour réaliser l’entretien de recherche. Sur les huit conseillers ou

conseillères d’orientation joints au départ, six ont accepté volontiers de participer

au projet et deux ont refusé. Ces derniers ont mentionné le fait qu’ils ne

rencontraient que très rarement des gens en situation d’épuisement professionnel.

Deux autres personnes parmi la population déterminée se sont ajoutées en cours de

route pour constituer l’échantillon final de huit participants.

93

3.3 Instruments de recherche

Pour procéder { la collecte des données, l’entretien de recherche, également appelé

l’entrevue de recherche, fut sélectionné. Legendre (2005) définit l’entrevue de

recherche comme étant « une méthode de cueillette d’informations dans laquelle

l’enquêteur et la personne interrogée sont en entretien de face { face » (p. 598). Les

conseillers et conseillères d’orientation ont donc été rencontrés en personne pour

participer { un entretien de recherche d’une durée d’une heure. Plus

spécifiquement, l’entretien de recherche était semi-structuré, c’est-à-dire que les

thèmes étaient choisis d’avance, mais que les questions étaient très générales pour

permettre aux répondants de s’exprimer librement sur les thèmes en question. Le

questionnaire d’entretien a donc été bâti spécifiquement en fonction de cet objectif,

soit de donner la possibilité aux participants d’avoir une grande latitude

d’expression sur les thèmes visés. Pour ce qui est des questions, elles ont été

déterminées en fonction des objectifs spécifiques de recherche suivants :

a) Décrire les types de représentations de conseillers d’orientation sur la nature de

l’épuisement professionnel.

b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers

d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel.

c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers

d’orientation.

d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant { leur rôle

dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

Le questionnaire d’entretien est présenté { l’Annexe II. Il comprend quatre sections

qui correspondent à chacun des objectifs spécifiques de recherche mentionnés ci-

haut. La première section concerne les représentations des conseillers d’orientation

sur la nature de l’épuisement professionnel, le but étant de mieux comprendre

comment ceux-ci perçoivent l’épuisement professionnel et ses principales causes.

94

En connaissant mieux leurs perceptions à cet égard, il est possible de mieux

comprendre, par la suite, l’emphase en matière d’intervention. La deuxième section,

quant à elle, vise à établir un portrait des gens qui consultent les conseillers et

conseillères d’orientation en situation d’épuisement professionnel. En ayant une

meilleure connaissance des caractéristiques spécifiques des clients, il est ainsi

possible de mieux saisir la direction des interventions préconisées. La troisième, la

plus volumineuse en proportion, comparativement aux trois autres sections, vise

l’exploration en profondeur des méthodes d’intervention privilégiée en matière

d’accompagnement des gens souffrant d’épuisement professionnel. Les questions

incitent les répondants à discuter des outils et des moyens utilisés, des effets

attendus et des difficultés rencontrées. Le but est aussi d’avoir une très bonne idée

du processus d’accompagnement dans son ensemble. Enfin, la quatrième section

dirige la discussion vers les opinions des conseillers et conseillères d’orientation

quant aux rôles qu’ils devraient jouer en matière d’accompagnement des gens

souffrant d’épuisement professionnel. Le but est de permettre aux participants de

porter un regard sur leur profession de conseillers d’orientation et sur son

positionnement au sein de l’ensemble des professions. Les réponses pour chacune

des questions aux quatre sections, furent captées avec l’aide d’un dictaphone

numérique.

3.4 Démarche d’entretien

Lors de la rencontre officielle avec les participants, un protocole d’entretien fut

utilisé pour s’assurer de couvrir toutes les informations essentielles avant de

débuter l’entretien de recherche. Le protocole d’entretien est présenté { l’Annexe III.

Il était important de réviser avec les participants le but de l’entretien, les avantages,

les inconvénients possibles, les moyens pour préserver la confidentialité et

l’anonymat, le déroulement avant et après l’entretien ainsi que de faire un rappel

sur la possibilité de retirer leur consentement libre et éclairé en tout temps. C’était

aussi un moment important afin de répondre aux interrogations possibles des

95

participants avant de débuter l’entretien officiellement. Ainsi, une fois toutes les

informations révisées et les questions répondues, la signature du consentement

libre et éclairé était complétée et l’entretien de recherche pouvait débuter.

Également, pour être certain d’avoir une bonne préparation avant de rencontrer ces

huit participants, une révision des règles de déroulement d’un entretien qualitatif

selon Boutin (2000) fut effectuée. Comme le mentionne ce dernier, « la connaissance

de ces règles, somme toute assez simples, mais dont l’impact sur le déroulement de

l’entretien est réel, se révèle extrêmement importante » (p. 113). Ces règles sont les

suivantes :

S’assurer de ne pas trop parler (intervieweur) et tolérer les silences;

Savoir questionner pour obtenir des réponses complètes et détaillées;

Savoir reconnaître les résistances s’il y a lieu;

S’assurer d’éviter l’influence de ses propres systèmes de codage;

Savoir faire un résumé après chaque thème pour faciliter le passage { l’autre

thème;

Savoir conclure l’entretien sur les plans cognitif et interrelationnel.

Ces règles, mises en pratique lors des entretiens, ont favorisé un meilleur

déroulement et ont contribué à la richesse des réponses obtenues de la part des

conseillers d’orientation interviewés.

3.5 Modalités d’analyse des données

Une fois les propos recueillis, la méthode d’analyse des données retenue pour cette

recherche est celle décrite par Boutin (2000) concernant les recherches qualitatives.

Elle contient essentiellement six étapes. La première étape consiste à retranscrire

par écrit le contenu des entretiens. Il mentionne particulièrement « […] la nécessité

de conserver l’expression initiale des sujets, afin de pouvoir y avoir recours dès que

96

le besoin s’en fait sentir » (p. 131). Une fois les retranscriptions (verbatim)

effectuées, la recommandation pour la deuxième étape est d’effectuer une lecture

globale de tous les entretiens avant même de commencer à les décortiquer. Ensuite,

il est possible de débuter la condensation et la réduction des données. Pour cette

troisième étape, Boutin (2000) recommande de « […] souligner les passages les plus

intéressants ou les plus porteurs d’idées » (p. 133). La prochaine étape consistera,

quant à elle, à fixer des étiquettes non définitives aux passages retenus et de les

classer en catégories. Une fois le classement complété, « le chercheur tente de

dégager des modèles et d’établir des liens entre les extraits qu’il se prépare {

analyser plus en profondeur. Les liens ainsi établis entre les catégories prennent le

nom de thèmes » (Ibid., p. 136). Cette catégorisation en thèmes et sous-thèmes

représente la cinquième étape. Enfin, la dernière étape consiste à interpréter les

thèmes et le sens des propos inclus dans les passages de chacun de ces thèmes.

L’idée est de réussir { transposer les données sous une forme différente et

simplifiée tout en faisant ressortir les éléments importants en lien avec les objectifs

de recherche.

3.6 Éthique de la recherche

Dans le but de respecter les règles éthiques concernant la recherche sur des êtres

humains, certaines procédures ont été mises de l’avant. Avant même de débuter la

conception de la stratégie de recherche, la formation par didacticiel offerte par le

Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche7 fut complétée pour

prendre connaissance des règles spécifiques en matière de recherche sur des êtres

humains notamment incluses dans L’énoncé de politique des trois conseils (EPTC).

À la suite de cette formation, une procédure a été mise en place pour préserver la

confidentialité et l’anonymat des participants. Les enregistrements ont d’abord été

transférés sur deux clés USB, une officiellement et une deuxième par sécurité.

7 http://www.pre.ethics.gc.ca/francais/tutorial/

97

Aussitôt les enregistrements transférés sur clés USB, ils furent effacés du dictaphone

numérique. Les deux clés USB ainsi que les formulaires d’information et de

consentement dument signés par les participants ont été conservés dans un classeur

fermé sous clé. Les fichiers correspondant aux enregistrements numériques ont été

identifiés par des numéros d’entrevue pour éviter l’identification des participants.

De plus, il est important de mentionner que lors de la présentation des résultats, le

nom des conseillers d’orientation n’est dévoilé en aucun temps. Enfin, tous ont été

joints directement par courrier électronique et par téléphone, sans intermédiaire, et

ce, toujours dans le but de préserver leur anonymat.

98

4. Présentation et analyse des résultats

Cette section porte sur la présentation et l’analyse des résultats à la suite des propos

recueillis auprès des huit conseillers d’orientation qui ont participé aux entretiens

de recherche qualitative, et ce, tels que présentés dans la méthodologie de recherche

de la section précédente. Pour distinguer les propos de ces conseillers d’orientation

et pour conserver leur anonymat, ils seront présentés de la façon suivante : C.O. no 1,

C.O. no 2, C.O. no 3, C.O. no 4, C.O. no 5, C.O. no 6, C.O. no 7, et C.O. no 8. L’abréviation

C.O. signifie « conseiller d’orientation ». De plus, la présentation et l’analyse des

résultats sont divisées en sept sections distinctes qui présentent à tour de rôle le

point de vue des conseillers d’orientation sur :

1) Les causes de l’épuisement professionnel;

2) Les conséquences de l’épuisement professionnel;

3) La situation générale des clients;

4) L’accompagnement psychologique;

5) Les stratégies d’intervention effectuées;

6) Les difficultés rencontrées;

7) Les suggestions d’amélioration de la profession.

Chacune des sections est en lien avec la problématique de l’épuisement

professionnel et vise à répondre précisément aux quatre sous-objectifs de cette

recherche qualitative qui étaient de :

a) Décrire les types de représentation de conseillers d’orientation sur la nature de

l’épuisement professionnel;

b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers

d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel;

c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers

d’orientation;

99

d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant { leur rôle

dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

4.1 Les causes de l’épuisement professionnel

Les conseillers d’orientation interviewés ont observé différentes causes pouvant

mener au développement de l’épuisement professionnel. Pour faciliter leur

distinction, ces causes ont été subdivisées en trois sous-sections, c’est-à-dire les

facteurs individuels, les facteurs organisationnels et les facteurs sociaux.

4.1.1 Facteurs individuels en cause

D’après les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs facteurs individuels sont

en cause dans l’apparition de l’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues

permet de faire ressortir particulièrement les huit thèmes présentés dans le tableau

suivant :

100

Tableau 9

Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs individuels en cause

dans le développement de l’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Manque de confiance Perception négative que la personne entretient

d’elle-même et de ses capacités à reprendre un

contrôle sur les événements.

Influences externes Éléments en dehors du milieu de travail qui forcent

indirectement une personne à demeurer dans une

situation néfaste pour sa santé.

Standards trop élevés Besoins qui entraînent l’individu vers des niveaux

d’engagement trop élevés au travail et { l’extérieur,

et ce, au péril de sa santé.

Peur de l’affirmation Incapacité de l’individu { exprimer ses

insatisfactions, ses limites et ses besoins en milieu

de travail.

Incongruence de sens Difficultés éprouvées par un individu qui se

retrouve dans une profession qui ne fait plus de

sens pour lui en fonction de ses besoins, de ses

valeurs, de ses compétences ou de sa personnalité

en général.

Importance accordée au

travail

Ampleur que prend la sphère du travail dans la vie

d’un individu et ses conséquences possibles.

Difficultés relationnelles

en entreprise

Incapacité de créer et de maintenir des relations

interpersonnelles avec les gens { l’intérieur de

l’entreprise (collègues, patrons, etc.), ce qui

occasionne des conflits relationnels.

101

Manque de confiance

Le manque de confiance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la

perception négative que la personne entretient à propos d’elle-même et de ses

capacités à reprendre un contrôle sur les événements. Pour la C.O. no 2, le manque

de confiance en soi de la personne est un facteur à considérer :

[...] souvent une faible estime de soi, faible confiance en soi […] ce qui fait que la personne, comme elle a une image d’elle-même qui n’est pas tout { fait valorisante { ses yeux, elle va avoir l’impression d’être obligée d’en faire beaucoup plus que tout le monde pour apparaître, pour être là. (C.O. no 2)

En d’autres mots, le manque de confiance incite les individus { vouloir

impressionner pour obtenir des rétroactions positives des autres. Le C.O. no 1

mentionne, { titre d’exemple, avoir rencontré « […] un individu avec une faible

estime de lui-même qui doit, pour se confirmer dans sa valeur, pour avoir de la

valeur dans ses propres yeux, afficher un certain niveau d’excellence, un certain

niveau de performance dans son travail ». Il précise par la suite : « […] je dis de la

valeur dans ses propres yeux, ça peut vouloir dire avoir de la valeur dans les yeux

des autres pour confirmer sa valeur, donc à travers les yeux des autres, elle se

regarde ». Par manque de confiance, les conseillers d’orientation font également

référence { l’incapacité de la personne { percevoir qu’elle possède les ressources

pour se sortir d’une situation nocive pour sa santé. La C.O. no 2 souligne : « Si j’ai une

personne de motivation externe, très peu intégrée sur le plan intérieur, elle ne

croira pas qu’elle a ce qu’il faut pour effectuer ce changement-là ». Le C.O. no 6

abonde en ce sens en mentionnant que les personnes en épuisement

professionnel « […] sont beaucoup dans le locus de contrôle externe ». Le concept de

locus de contrôle externe, provenant des travaux de Julian Rotter, fait référence à la

croyance chez l’individu que l’issu des événements est en majeure partie influencé

par des facteurs externes, hors de leur contrôle, par exemple les décisions prises par

102

les gestionnaires. Son manque de confiance en ses capacités l’empêche donc

d’activer une prise en charge personnelle. Comme le mentionne le C.O. no 4, « […]

l’autonomisation, ils ne l’ont pas activée ». La C.O. no 5 ajoute que l’épuisement

professionnel, « c’est la perte de contrôle. La perte de contrôle de son

environnement et l’incapacité pour la personne { retrouver et { utiliser ses

ressources pour y faire face ».

Donc, en résumé, selon ces cinq conseillers d’orientation, le manque de confiance de

la personne entraîne une incapacité à faire preuve d’autonomie pour surmonter les

difficultés rencontrées, ce qui contribue directement au développement de

l’épuisement professionnel.

Influences externes

Les influences externes font référence, dans le cadre de cette analyse, à des éléments

en dehors du milieu de travail qui forcent indirectement une personne à demeurer

dans une situation néfaste pour sa santé. Parmi les influences externes mentionnées,

les obligations financières sont celles que les conseillers d’orientation interviewés

ont identifiées le plus souvent. Le C.O. no 1 mentionne : « Si le revenu familial

dépend de la paie que tu fais pour payer l’hypothèque et tout le reste, tu n’es pas

prêt { laisser tomber ton emploi même s’il ne répond plus { tes standards

personnels ». Pour le C.O. no 6, certains de ses clients ont « […] négligé les choses

qu’ils devraient faire, mais maintenant ils ne les font plus, ils se sont acheté une

maison et là, il faut qu’il la paye, une logique de survie matérielle qui les aliène, qui

les éloigne ». Dans le même ordre d’idées, le C.O. no 4 mentionne que lorsque la

situation de crédit familial est importante, cela influence aussi la réaction du

conjoint ou de la conjointe : « […] étant donné qu’ils sont { crédit puisqu’ils

bénéficient de ces revenus-là, ils (conjoints) ne sont pas prêts ou ils ne savent pas

comment faire pour aider ». De plus, toujours pour des raisons financières et pour

maintenir un certain rythme de vie, certaines personnes sont influencées à

demeurer dans leur emploi actuel, et ce, au péril de leur santé. Par exemple, le C.O.

no 1 mentionne « […]qu’il y a des gens qui sont peu scolarisés, qui ont des emplois à

103

25 $ de l’heure, puis ils savent que s’ils sortent de cet emploi, ils n’auront jamais ce

genre de conditions ailleurs ». Le risque de perdre certains acquis financiers devient

donc plus important que la nature du travail elle-même. Toujours parmi les

influences externes, la C.O. no 3, mentionne que parfois, ce n’est pas tant ce qui se

passe au travail, mais « […] ce qui se passe autour du travail qui déclenche un

épuisement ». Elle précise : « […] beaucoup de clients, quand ils ont leur épuisement

professionnel dans la quarantaine, c’est la difficulté de composer avec toutes les

responsabilités familiales, personnelles et les responsabilités du travail puis

l’ensemble de tout ça ». Sur le plan des responsabilités familiales plus

particulièrement, la C.O. no 7 ajoute « […] qu’il y a des gens qui font ce qu’ils peuvent

au travail, mais qui sont tellement investis auprès d’un conjoint malade, de parents

malades, des enfants, donc eux aussi ont des risques de se perdre ». L’opinion du

C.O. no 6 va dans le même sens lorsqu’il mentionne observer des facteurs de réalité

qui sont sérieux et qui doivent être pris en considération : « Ce sont de bonnes

raisons parfois : je suis monoparental, je suis le soutien familial, il faut ceci, il faut

cela. »

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, toutes ces influences

externes, uniques à chaque individu, viennent fournir des explications

supplémentaires concernant les causes de l’inaction des gens { se sortir d’une

situation qui mène éventuellement { l’épuisement professionnel.

Standards trop élevés

Les standards trop élevés font référence, dans le cadre de cette analyse, à des

besoins qui entraînent l’individu vers des niveaux d’engagement trop élevés au

travail et { l’extérieur, et ce, au péril de sa santé. Pour le C.O. no 1, lorsque la

personne tente de maintenir des niveaux d’excellence trop élevés pour prouver sa

valeur, les difficultés finissent par surgir à un moment donné. En fait, « […] quand

elle ne peut plus maintenir ça puis que son régime baisse, c’est l{ que les problèmes

commencent ». Il ajoute également que « […] s’ils ne font pas quelque chose en vertu

104

de leurs standards personnels, ce sont des gens qui se brûlent très vite ». De plus, la

C.O. no 7 ajoute :

[…] si l’individu n’est pas réflexif, qu’il est toujours en réaction { ce qu’on lui demande, en réaction dans le sens d’essayer de faire plus, de donner plus, de se rendre irréprochable puis qu’il s’use malgré tout, bien l{ c’est souvent des cas qui mènent { l’épuisement […] il met tout en place pour satisfaire l’employeur mais s’impose des exigences qui ne sont pas réalistes. (C.O. # 7)

Toujours selon la C.O. no 7, « il se peut aussi que la personne soit dans un poste de

spécialiste et qu’elle soit responsable de ses dossiers, qu’elle ait des personnes à

gérer et qu’elle aborde son poste de façon irréaliste, compte tenu du niveau

d’exigence qu’elle s’impose ». Elle ajoute que les standards sont parfois tellement

élevés qu’elle aura même de la difficulté à déléguer des tâches aux collègues. La C.O.

no 2 ajoute, quant à elle, que ces exigences personnelles élevées des clients, qui

entraînent des comportements de surinvestissement, sont aussi dues à la

méconnaissance de leurs limites : « […] souvent cette personne-là ne connaît pas

ses limites, a des limites assez transparentes, assez floues… ». Ce surinvestissement

peut aussi être très présent dans les autres sphères de vie du client. Comme le

mentionne la C.O. no 7, parfois c’est pour être un parent irréprochable, pour fuir une

intimité familiale qui la rebute ou l’engouffrement dans les activités (voyages,

études, etc.) : « […] ils sont dans une forme d’hyperengagement face à leur famille,

face à leur conjoint, face à leur travail ». Enfin, la C.O. no 8 complète en mentionnant :

[…] je ne t’apprendrai rien en disant que les gens qui sont perfectionnistes, qui sont consciencieux, qui sont responsables, qui sont concernés, qui ont des valeurs humanitaires, qui sont sensibles aux autres, c’est plus propice { un burnout. Il faut aujourd’hui prendre une distance un peu affective par rapport à tout ce qui se passe. (C.O. no 8)

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, lorsque les clients se fixent des

standards de performance trop élevés, autant au travail que dans leur vie

105

personnelle, ils finissent par éventuellement consumer leur énergie vitale et

développer un épuisement professionnel.

Peur de l’affirmation

La peur de l’affirmation fait référence, dans le cadre de cette analyse, { l’incapacité

d’un individu { exprimer ses insatisfactions, ses limites et ses besoins en milieu de

travail et aux effets néfastes que cela occasionne sur sa santé. Dans certaines

situations qui menacent sa santé, l’individu doit être en mesure de s’affirmer auprès

de ses collègues et de ses patrons. Ce serait même l’aspect le plus important pour le

C.O. no 6 : « La plus grande difficulté que j’observe, c’est savoir affirmer ses besoins

et ses limites. C’est tout simplement central, savoir négocier son mieux-être ». La

C.O. no 7 ajoute :

Quelqu’un qui est toujours en réaction { ce qu’on lui demande, dans le sens que le patron va être autoritaire, il va avoir des exigences envers lui, puis lui sera toujours dans la situation d’essayer de se rendre irréprochable, de répondre aux attentes, mais ne prendra jamais position, n’exprimera jamais que c’est trop pour lui compte tenu d’autres facteurs, n’allumera jamais la lumière à son patron, bien il a une responsabilité là-dedans. (C.O. no 7)

Cette incapacité d’affirmation est aussi fortement liée { des peurs chez la personne,

comme le souligne la C.O. no 5 : « Les gens qui ne s’affirment pas, c’est qu’ils

craignent au moment où ils vont s’affirmer qu’ils vont se mettre { crier, ils vont

sortir des choses qu’ils ne veulent pas dire ». Certains, même, ne savent tout

simplement pas comment s’affirmer : « Je ne suis pas capable de dire non; comment

on dit non ? ». Pour d’autres, c’est aussi très lié { la peur de perdre leur emploi

advenant une affirmation : « Quand ils vont s’affirmer, ils ont peur de déplaire, ils

ont peur de se faire mettre dehors ou qu’on dise qu’on ne veut plus les voir ». Et

comme le souligne le C.O. no 6, ces peurs viennent grandement influencer le rapport

que la personne entretient avec l’autorité en bout de ligne. Pour illustrer son propos,

il fait référence { l’expérience de Stanley Milgram, au début des années 1960, dont

106

les résultats démontraient un haut degré d’obéissance des individus face { l’autorité,

et ce, même si les tâches posaient des problèmes de conscience. Ainsi, selon ce

même conseiller, « il y a un rapport avec l’autorité tout le temps et la nature de ce

rapport d’autorité peut faire toute la différence ». Parfois même, comme le souligne

le C.O. no 4, l’individu a tellement peur de s’affirmer que le rapport { l’autorité peut

aussi s’installer avec un collègue de travail : « Parfois, ça peut être une seule

personne, un seul collègue, puis c’est un peu weird puisque fondamentalement, si

cette personne n’a pas de pouvoir décisionnel sur elle … ». Il précise également que

« […] ça revient tout le temps à la perception. Parfois, ça peut provoquer un manque

de perspective, d’impowerment puis une exagération, une hallucination du pouvoir

de ce collègue-là sur la personne qui est en train de vivre des symptômes

d’épuisement professionnel ».

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la peur de l’affirmation

engendre une obéissance { l’autorité (formelle et informelle) qui augmente la

frustration chez la personne. Elle accepte de faire des tâches parfois contraires à ses

besoins et à ses limites et éventuellement nocives pour sa santé physique et

psychologique.

L’incongruence de sens

L’incongruence de sens fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés

éprouvées par un individu qui se retrouve dans une profession qui ne fait plus de

sens pour lui en fonction de ses besoins, de ses valeurs, de ses compétences ou de sa

personnalité en général. Comme le mentionne le C.O. no 1, lorsque les tâches ne sont

pas en accord avec les valeurs de la personne, elle aura tendance à puiser beaucoup

plus d’énergie pour réaliser ces mêmes tâches comparativement { une autre

personne pour le même travail. Plus précisément, ces gens :

[...] font quelque chose qui ne va pas dans le sens de qui ils sont. Puis cela fait en sorte qu’{ force de ne pas être { leur place, l’énergie baisse

107

beaucoup. […] On peut prendre deux individus dans la même situation, un va se brûler et l’autre ne se brûlera pas. […] Ils sont plutôt dynamisés parce que d’exercer ce qu’ils font les stimule, ça fait circuler l’énergie. (C.O. no 1)

La C.O. no 2 formule cette difficulté comme un problème de pairage entre la

personne, les exigences du poste et le milieu de travail en général :

[...] c’est aussi un problème de pairage entre la personne, sa constitution, sa personnalité, son histoire personnelle et ce que je viens de te décrire (surcharge de travail, manque de soutien, etc.) parce sinon, tout le monde tomberait en épuisement professionnel dans l’équipe. (C.O. no 2)

Les propos du C.O. no 6 vont dans le même sens lorsqu’il mentionne le moment où

l’épuisement professionnel peut survenir : « […] Je m’adonne { un travail et les

tâches que j’effectue ne connectent pas avec mes forces, mes intérêts et mon

potentiel ». Il précise d’ailleurs que la majorité des gens ont le mauvais réflexe de

choisir des emplois en fonction de la sécurité et des conditions de travail, et non pas

suffisamment en fonction de leurs champs d’intérêt et leur personnalité en général.

Il ajoute : « Le fléau de l’épuisement professionnel est dû justement au fait que

l’insécurité oriente, c’est-à-dire que je vais tolérer un emploi que je n’aime pas parce

que j’ai un bon salaire ». Et comme il le précise, certains emplois sont aliénants « […]

parce qu’ils ne rejoignent pas qui je suis ».

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incongruence de sens est

due { l’incompatibilité de la personne et de son travail, entraînant ainsi une baisse

de motivation qui contribue aussi au développement de l’épuisement professionnel.

Importance accordée au travail

L’importance accordée au travail fait référence, dans le cadre de cette analyse, {

l’ampleur que prend la sphère du travail dans la vie d’un individu et ses

conséquences possibles. Pour certaines personnes, la seule source de satisfaction se

108

situe sur le plan du travail. La C.O. no 2 mentionne : « Ils ont tout misé sur ce ballon-

là pour jouer, mais le jour où ça crève, il ne reste plus rien d’autre ». La C.O. no 7

partage ce point de vue :

En fait, il y a des gens qui vivent seuls puis qui travaillent, travaillent, travaillent, puis ils se rendent jusqu’{ l’épuisement. Parce que l{ toutes leurs sources de satisfaction sont concentrées sur le travail. C’est des gens qui font des 80-90 heures par semaine, qui rentrent les fins de semaine, qui se rendent irréprochables pour leur patron. Dès qu’il y a du travail supplémentaire, ils l’endossent. (C.O. no 7)

Les propos de la C.O. no 8 vont aussi en ce sens : « Quelqu’un qui se surmène, qui

travaille tellement, qui a tout le temps la tête au travail, c’est une cause

psychologique de l’épuisement professionnel ».

En résumé, selon ces trois conseillères d’orientation, lorsque le travail devient

l’unique source de valorisation de l’individu, cela peut également occasionner le

développement de l’épuisement professionnel.

Difficultés relationnelles

Les difficultés relationnelles font référence, dans le cadre de cette analyse, à

l’incapacité de créer et de maintenir des relations interpersonnelles avec les gens {

l’intérieur de l’entreprise (collègues, patrons, etc.), ce qui occasionne des conflits et

en bout de ligne, l’épuisement professionnel. À la question qui portait sur

l’observation de tendances marquées concernant les causes de l’épuisement

professionnel, le C.O. no 6 a répondu : « Des problématiques relationnelles avec les

collègues et les patrons ». Pour la C.O. no 8, cette incapacité de créer et maintenir de

bonnes relations interpersonnelles avec les gens en milieu de travail (collègues,

patrons, etc.) joue également un rôle dans le développement de l’épuisement

professionnel. Pour appuyer ses dires, elle propose cette analogie :

109

On est comme des loups, on vit en meute et si tu n’as pas d’habiletés sociales dans ce monde-là, puis dans ce marché du travail là, tu es un loup en dehors de la meute, tu risques donc la mort. […] Nous avons donc besoin des autres et les autres ont besoin de nous, c’est une interdépendance. (C.O. no 8)

Les difficultés de communication engendrent donc certains conflits relationnels

comme le précise le C.O. no 4 :

[…] tous ont eu des signaux qu’ils fallaient qu’ils changent quelque chose, que ce soit une relation avec un collègue avec lequel ils auraient eu un conflit, un employeur, un patron avec lequel ils auraient eu un conflit, un ensemble, un mélange de ces différents joueurs là, de ces personnages-là. […] Il y a donc un élément de communication de la victime, de la personne qui souffre d’épuisement professionnel. (C.O. no 4)

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incapacité des clients {

éviter des conflits relationnels en milieu de travail a un impact véritable sur le

développement de l’épuisement professionnel.

4.1.2 Facteurs organisationnels en cause

Selon les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs facteurs organisationnels

sont aussi en cause dans l’apparition de l’épuisement professionnel. L’analyse des

entrevues permet de faire ressortir particulièrement les quatre thèmes présentés

dans le tableau suivant :

110

Tableau 10

Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs organisationnels en

cause dans le développement de l’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Exigences élevées Façons d’organiser les tâches et les nombreuses

exigences qui créent des surcharges et qui

contribuent au développement de l’épuisement

professionnel.

Gestion des ressources

humaines inadéquate

Incapacité de certains gestionnaires à intervenir

adéquatement en matière de gestion des ressources

humaines.

Gestion des changements

inefficace

Incapacité de prévenir ou de régler les difficultés

qui surviennent lors de changements ou de

restructurations dans l’entreprise.

Manque de reconnaissance Incapacité des entreprises à combler les besoins de

reconnaissance des employés qui souhaitent que

leur travail ait un impact positif.

Exigences élevées

Les exigences élevées font référence, dans le cadre de cette analyse, aux façons

d’organiser les tâches et aux nombreuses exigences qui créent des surcharges et qui

contribuent au développement de l’épuisement professionnel. Comme le mentionne

le C.O. no 1, certains milieux de travail imposent des standards tellement élevés qu’il

est difficile pour un employé de maintenir une telle cadence de performance : « […]

cela se peut que ce soit le milieu qui t’use beaucoup, c’est-à-dire qu’il t’impose des

standards qui ne sont pas les tiens ». Certains milieux peuvent même

demander « […] de faire des heures de fou, puis des échéanciers de l’enfer et ils

mettent toujours des gros enjeux autour des échéanciers ». Dans certains cas, c’est la

111

nature du travail, comme le souligne la C.O. no 7 : « […] elle apporte du travail chez

elle depuis 10 ou 15 ans puisque c’est ça la réalité du travail ». Ces exigences élevées

créent donc des surcharges de travail chez l’individu, comme le souligne la C.O. no 3 :

« La surcharge de travail, ça c’est une grosse chose que je vois ». Et comme le rajoute

la C.O. no 7, « les demandes qui sont faites aux subalternes ne sont pas réalistes, elles

ne tiennent pas compte des individus. Il y a une gestion à sens unique, donc c’est

l’individu qui se doit { la gestion et non un partage des responsabilités ». La C.O. no 8

partage aussi cette idée que les demandes irréalistes sont en cause dans le

développement de l’épuisement professionnel. Elle mentionne plus spécifiquement

que :

Les systèmes de gestion sont lourds et oui, ils mettent de la pression parce qu’ils veulent du contrôle, ils veulent chiffrer ça, ils veulent calculer, ils veulent avoir des résultats tangibles […] puis, ce que ça donne au bout, c’est qu’on déshumanise beaucoup. (C.O. no 8)

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, les exigences élevées en

matière de rendement au travail provoquent des situations de surcharge et une

déshumanisation du milieu de travail. À son tour, cela engendre le développement

de l’épuisement professionnel chez les employés.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 2 propose la lecture de deux livres inspirants de l’auteur Vincent de

Gaulejac, un sociologue parisien. Les deux livres sont les suivants : Travail, les

raisons de la colère et La société malade de la gestion. Elle mentionne ceci : « Il met

en lumière la maladie des gestionnaires, que c’est finalement les employés qui

écopent; c’est fournir plus, mieux et plus vite. Je trouve que c’est intéressant; moi, je

les fais lire à mes clients ».

112

Gestion des ressources humaines inadéquate

Les problèmes en matière de gestion des ressources humaines font référence, dans

le cadre de cette analyse, aux incapacités de certains gestionnaires à intervenir

adéquatement en matière de gestion des ressources humaines. Comme le soulignent

certains des conseillers d’orientation participant { cette recherche, parfois ce sont

les gestionnaires eux-mêmes qui en sont la cause. Le C.O. no 6 mentionne ceci : « Je

pense que les gestionnaires en place, qui sont un peu le trait d’union entre la loi

économique et la gestion du personnel, sont aussi un peu dépassés là-dedans ».

Certains gestionnaires ne vont pas bien, comme le souligne la C.O. no 8 : « Au niveau

des gestionnaires, il y a beaucoup de présentéisme. Les gestionnaires, eux autres, ils

se présentent. Maintenant quelles décisions ils prennent quand ils sont en situation

de présentéisme…? ». Également, en citant un exemple, le C.O. no 4 mentionne que

certains patrons ont des personnalités qui occasionnent aussi des problèmes

relationnels : « Le patron de ma cliente est connu par toute la boîte comme étant

celui qui est complètement paranoïaque […] Il doute tout, il veut tout regarder, il

veut tout superviser, un moment donné, elle se sent coincée dans cette relation-là ».

Certains patrons vont même jusqu’{ faire du harcèlement psychologique auprès de

leurs employés, comme le précise le C.O. no 6 : « Si moi, comme gestionnaire, je

prends bien au sérieux mon trip d’autorité, je me permets de faire du harcèlement

psychologique quand ça me tente, parce que je veux que les choses se fassent de

cette façon […] Bien il y a de quoi faire un burnout ». La C.O. no 7 va même jusqu’{

mentionner que « certains gestionnaires ne devraient pas être des gestionnaires ».

Un mauvais choix de gestionnaire entraîne donc des conséquences dans l’entreprise,

notamment des inactions qui contribuent { l’aggravation du problème. Comme le

mentionne le C.O. no 4, parfois les gestionnaires savent très bien que quelque chose

se passe chez un individu mais décident de ne pas intervenir : « Il y a aussi une part

de la communication de l’employeur { ne pas être proactif face { son employé ». Il

mentionne d’ailleurs l’exemple d’un ingénieur en informatique :

113

[…] il était tout le temps devant son poste, concentré { 100 %, ce qui veut dire qu’il oublie de manger et ce qui veut dire que lui (le gestionnaire), il a donné le mandat { une personne dans l’équipe de lui apporter de la bouffe sur son clavier parce qu’il ne se lèvera pas pour se nourrir. Ça, c’est un exemple comment un employeur peut se plier à gauche et { droite pour répondre { l’employé mais fondamentalement, le risque est encore là; l’épuisement professionnel pourrait être déclenché parce que la personne travaille trop. (C.O. no 4)

De plus, son inaction à titre de médiateur dans certaines situations de conflits entre

les employés contribue également { l’aggravation des conséquences. Certains

témoignages provenant de ses clients incitent le C.O. no 4 à parler du harcèlement

des collègues en milieu de travail :

Il y a comme un phénomène d’isolation de la personne et l’entourage, pour se protéger entre eux ou individuellement ou une combinaison des deux, passe { l’attaque de cette personne-là, puis lui fait sentir de la honte, de l’incompétence, la blâme pour des choses qui n’ont rien à voir. (C.O. no 4)

Pour le C.O. no 6, ce phénomène cache aussi ce qu’il nomme des « imposteurs »,

c’est-à-dire des gens qui « pour maintenir une sécurité » dans l’entreprise, iront

jusqu'à harceler une personne qui, par ses compétences ou ses idées par exemple,

représente une menace directe ou indirecte à leur travail. Il mentionne aussi : « Tu

comprends pourquoi il y a tant de politicailleries parce qu’{ quelque part, il y a

beaucoup d’impostures et on s’arrange pour sauver les apparences ».

En bout de ligne, l’incapacité des gestionnaires { prendre soin de leur propre santé,

{ prévenir les situations d’harcèlement et { régler des conflits relationnels qui

surviennent entre les employés eux-mêmes dans l’entreprise contribuent aussi à

l’aggravation des symptômes vécus chez certains employés. Ces difficultés en

matière de gestion des ressources humaines sont considérées, par ces quatre

conseillers d’orientation interviewés, comme étant des causes organisationnelles de

l’épuisement professionnel.

114

Gestion des changements inefficace

La gestion des changements inefficaces fait référence, dans le cadre de cette analyse,

{ l’incapacité de prévenir ou de régler les difficultés qui surviennent lors de

changements ou de restructurations dans l’entreprise. Pour plusieurs des

conseillers d’orientation rencontrés, lorsque surviennent des changements dans une

entreprise, cela provoque souvent des situations qui contribuent au développement

de l’épuisement professionnel chez plusieurs de leurs clients. Comme le spécifie la

C.O. no 3 :

[…] jadis tout allait bien, puis quand il y a des restructurations, les attentes, les tâches de travail puis les objectifs à atteindre deviennent différents. Et quand les objectifs sont différents, il y en a qui sont incapables d’atteindre les objectifs, ce qui cause des problèmes. (C.O. no 3)

Par restructurations, elle entend les changements de direction, les changements de

direction de premier niveau, les changements de philosophie, les acquisitions et

fusions d’entreprises, etc. Et souvent, les employés ne sont pas consultés avant que

les changements se réalisent : « Il y a souvent des changements et on ne leur

demande pas leur avis », souligne la C.O. no 5. Il se peut que la personne, à la suite

des changements, se retrouvent moins qualifiée pour effectuer les tâches, ce qui

occasionne beaucoup de stress. Le C.O. no 1 mentionne : « […] ça aussi, c’est une

autre occasion d’épuisement quand on te change de tâches puis que tu as le

sentiment que tu n’es pas compétent pour faire cette tâche-là ». En plus de la

diminution du sentiment de compétence, les changements peuvent également

générer des conflits de valeurs. Comme le mentionne la C.O. no 3, « […] l’adaptation

aux nouvelles technologies, c’est moins problématique que des problèmes de

conflits, conflits de valeurs avec le supérieur, avec la direction, avec la

restructuration ».

115

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, les changements et les

restructurations dans les entreprises sont des facteurs en cause puisqu’ils créent

des conflits de valeurs et des remaniements de tâches pour lesquelles certains

employés ne sont pas qualifiés, ce qui entraîne des situations d’épuisement

professionnel { l’interne.

Manque de reconnaissance

Le manque de reconnaissance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à

l’incapacité des entreprises { combler les besoins de reconnaissance des employés

qui souhaitent que leur travail ait un impact positif. La C.O. no 2 souligne : « Ce qui a

trait { l’organisation, souvent c’est une surcharge de travail, souvent c’est un

manque de soutien, un manque de reconnaissance également. Je te dirais que ce

sont ces trois facteurs-là qui reviennent assez souvent ». Ainsi, lorsque les besoins

de reconnaissance sont non comblés, cela peut contribuer au développement de

l’épuisement professionnel, comme le souligne le C.O. no 1 :

Supposons que la reconnaissance, c’est bien important pour eux, puis ils sont dans un lieu où ils se défoncent et ils ont zéro reconnaissance; il n’y a pas de retour qui se fait. Alors peut-être que la tâche a du sens pour eux, mais ils ont d’autres types de besoins qui ne sont pas répondus { l’intérieur du travail. Ils ont besoin de sentir que ça a de l’impact ou le travail qu’ils font, ils ne voient jamais le résultat au bout de ça. Donc il y a un besoin important qui n’est pas répondu en relation avec leur profession, alors ça, c’est un autre type, donc ça use; la personne consomme ses batteries. (C.O. no 1)

À l’aide d’un exemple, la C.O. no 5 partage le même avis concernant la relation entre

le manque de reconnaissance et l’épuisement professionnel :

Je pense { une qui a un peu les caractéristiques de l’épuisement professionnel parce qu’on lui a enlevé comme ça toute reconnaissance et tout ce qu’elle faisait lui était enlevé. On ne reconnaissait pas ce qu’elle faisait. Et elle restait quand même. Elle ne réagissait pas. […] Elle a organisé je ne sais pas quoi, un événement et son nom n’est apparu

116

nulle part. Elle ne réagissait plus. […] C’est l{ que je pense qu’il y a de quoi de l’ordre de l’épuisement professionnel et d’un milieu qui ne reconnaît pas, qui enlève le pouvoir que la personne a sur sa vie, sur son environnement. (C.O. no 5)

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, certaines entreprises ont des

difficultés à combler les besoins de reconnaissance de leurs employés. Cela

provoque une perte de sens et de pouvoir chez l’individu, ce qui contribue aussi au

développement de l’épuisement professionnel.

4.1.3 Facteurs sociaux en cause

Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques facteurs sociaux peuvent

également avoir des effets sur le développement de l’épuisement professionnel.

L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les deux thèmes

présentés dans le tableau suivant :

Tableau 11

Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs sociaux en cause dans le

développement de l’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Adhésion à des codes

sociaux normatifs

Courants de pensée collectifs qui influencent les

décisions des gens et qui contribuent à

l’épuisement professionnel.

Influences

macroéconomiques

Postulats sur lesquels repose l’organisation des

activités économiques visant la rentabilité des

entreprises et la création de richesse dans son

ensemble.

117

Adhésion à des codes sociaux normatifs

L’adhésion { des codes sociaux normatifs fait référence, dans le cadre de cette

analyse, aux courants de pensée de la collectivité qui viennent influencer les

comportements des gens et en bout de ligne, l’épuisement professionnel. Parmi les

courants de pensée véhiculés dans la société, la C.O. no 5 fait référence à

l’importance du travail et de l’argent : « C’est valorisé d’en faire beaucoup, de

travailler beaucoup, de gagner beaucoup d’argent. J’imagine qu’on peut facilement

entrer dans l’épuisement professionnel juste { essayer d’atteindre ça ». Pour

d’autres, comme le souligne la C.O. no 7, ce sera la valorisation des postes de gestion

en entreprise : « Ça se peut aussi qu’elle se soit embarquée dans un poste, on parle

ici d’un poste de gestion, mais ça peut être autre chose, qu’elle se soit embarquée

dans un poste de gestion parce que c’est ce qui était valorisé. Mais ce n’est pas

nécessairement ce qui lui convient ». Enfin, pour le C.O. no 4, la pression sociale est

parfois très forte au point d’avoir de la difficulté { quitter une profession. Il

mentionne :

Ça fait cinq ans qu’on reçoit des carrières plus { caractère vocationnel, infirmière, avocat, médecin, psychiatre, enseignant, puis étant donné qu’ils ont un caractère vocationnel […] ça ne se fait pas changer de carrière quand tu es rendu là. Et le fait que ça ne se fait pas, imaginez-vous la pression sociale, et de l’entourage, mais surtout des collègues de remettre ça en question, donc ça se fait en cachette. Ils viennent ici, ils le font en cachette, ils le font seuls, mais cette lourdeur sociale là existe aussi. (C.O. no 4)

Comme le précise la C.O. no 8, la pression sociale peut aussi se transformer en

questionnements qui camouflent des jugements : « Tu sais, des fois, il y en a qui se

font juger : tu ne travailles pas encore? Les parents : tu ne travailles pas encore!

Qu’est-ce que tu fais, maudit? Qu’est-ce que tu as? Est-ce que c’est grave? ».

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, certains codes sociaux

normatifs dans la société, comme la valorisation de l’argent ou la valorisation des

118

postes de gestion par exemple, créent chez certaines personnes une pression

indirecte qui vient influencer leurs comportements et parfois même, le

développement de l’épuisement professionnel.

Influences macroéconomiques

Les influences macroéconomiques font référence, dans le cadre de cette analyse, aux

postulats sur lesquels repose l’organisation des activités économiques visant la

rentabilité des entreprises et la création de richesse dans son ensemble. Comme le

mentionne le C.O. no 6, la valorisation du capitalisme dans la société actuelle joue un

rôle dans le développement de l’épuisement professionnel :

Pour moi, il y a une cause sociale, on est dans une société où la productivité, l’efficacité sont de plus en plus exigées. Donc il y a une logique de toujours en avoir plus qui vient jouer là-dedans. […] Il y a un courant néolibéral qui nous amène à toujours être dans l’argent, l’argent, l’argent ! On en veut toujours plus. (C.O. no 6)

Ce même conseiller d’orientation ajoute : « […] il y a des attentes qui sont moins

réalistes de la loi économique, qui est une loi de toujours plus, dans la croissance.

[…] Il y a pour moi un gros paradigme qui est dans le mode de fonctionnement social

qui est très très pernicieux, dangereux ». Il précise un peu plus loin :

Ils obéissent (les gestionnaires d’entreprise) juste naïvement à une loi toujours prise pour acquis qui est la croissance, comme si c’était une loi de la nature. C’est une loi humaine, la loi économique, ce n’est pas une loi de la nature. (C.O. no 6)

L’importance de générer des profits devient tellement forte qu’elle influence

également la compétition, comme le mentionne la C.O. no 8 { l’aide cet exemple :

C’est comme une compétition féroce dans tous les domaines. Puis on parle même des CLSC, des écoles, où les revenus vont à la même place. On les met en compétition quand même, par exemple les SAQ. […] Les gestionnaires de la SAQ mettent les SAQ entre elles en compétition […]

119

puis, (certaines succursales) vont chercher les meilleurs vendeurs, les meilleurs conseillers pour aller d’une succursale { l’autre pour gonfler les chiffres de cette SAQ l{. C’est des affaires comme ça qui se passent. (C.O. no 8)

De plus, l’objectif de générer toujours plus de profits devient souvent l’ultime

mission de l’entreprise aux dépens des coûts sociaux que cela peut engendrer,

comme le mentionne le C.O. no 4 :

Puis les employeurs aussi, le rapport coûts-bénéfices est souvent orienté vers les bénéfices de se maintenir tel quel. Puis les coûts, ce qui va devenir l’épuisement professionnel, sont souvent minimisés. Et ça, c’est comme un réflexe que je vois souvent, très très souvent. Mieux vaut rester comme ça, ne pas faire de changement et puis, boum! un moment donné, on se ramasse dans la zone de l’épuisement professionnel. (C.O. no 4)

Ainsi, comme le souligne à nouveau le C.O. no 6, cela a eu un impact sur

l’organisation du travail :

Et dans ce sens-l{, l’exigence de productivité accrue, je veux bien croire qu’il y a 40 ans, on avait quatre personnes pour un job, et aujourd’hui, on a une personne pour 4 jobs. Il y a eu comme un déséquilibre. Il y avait de l’abus { l’époque, mais là, le néolibéralisme a tellement embarqué dans cette espèce d’efficience l{ que l{ c’est rendu trop de l’autre côté. Alors, il y a comme un déséquilibre à ce niveau-là. (C.O. no 6)

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, les grandes influences

macroéconomiques ont un impact sur la façon dont les entreprises priorisent la

valorisation des bénéfices, la compétition et la productivité, et ce, aux dépens des

coûts sociaux dont l’épuisement professionnel.

120

4.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel

Les conseillers d’orientation interviewés ont présenté, selon eux, les différentes

conséquences engendrées par l’épuisement professionnel, et ce, d’après leurs

observations auprès de leurs clients respectifs. Pour faciliter leurs distinctions, ces

conséquences ont été subdivisées en quatre sous-sections, soit les conséquences

émotionnelles, comportementales, cognitives et physiologiques de l’épuisement

professionnel.

4.2.1 Conséquences émotionnelles

Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques conséquences

émotionnelles sont observables chez les clients en situation d’épuisement

professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement

les deux thèmes suivants :

Tableau 12

Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences émotionnelles chez

les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Sentiments de honte et de

culpabilité

Conséquences émotionnelles de l’épuisement

professionnel en réaction à l’incapacité de

surmonter les difficultés qui surviennent dans

l’entreprise.

Sentiments d’inquiétude et

d’anxiété

Conséquences émotionnelles vécues par certains

clients soucieux des conséquences de l’épuisement

professionnel.

121

Sentiments de honte et de culpabilité

Les sentiments de honte et de culpabilité font référence, dans le cadre de cette

analyse, { des conséquences émotionnelles de l’épuisement professionnel chez les

clients en réaction à leur incapacité de surmonter les difficultés qui surviennent

dans l’entreprise. Pour la C.O. no 3, ses clients ressentent de la honte d’être en

épuisement professionnel : « Il y a quelque chose qui reste quand même honteux de

faire un burnout malgré que c’est mieux vu, mieux compris ». Pour le C.O. no 4,

« […] ça les déstabilise en maudit, pour plusieurs d’entre eux c’est un échec profond,

ils s’en veulent de ne pas avoir reconnu les signes, mais surtout d’agir sur les

signes ». Pour la C.O. no 7, les sentiments de honte et de culpabilité ne sont pas

seulement liés { l’incapacité de la personne, mais ils sont aussi en lien avec

l’entourage : « Ils sont beaucoup dans le fait de se reprocher ce qu’ils ne font pas

pour leurs collègues, pour leur famille ». Elle mentionne aussi que certains

ressentiront « […] la culpabilité de surcharger des confrères qui, eux aussi, ont

beaucoup de travail ». De plus, certains auront la tendance à porter le regard sur ce

qui a échoué, comme le spécifie la C.O. no 2 : « Souvent cette personne-là va avoir des

yeux ouverts sur ce qu’elle n’a pas, sur ce qu’elle a raté ». Et pour certains, « […] cela

va les atteindre beaucoup dans leur orgueil d’être fatigués », comme le mentionne le

C.O. no 1.

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel

occasionne des sentiments de honte et de culpabilité autant envers eux-mêmes et

leurs incapacités qu’envers les gens de leur entourage pour qui leur retrait crée un

impact.

Sentiments d’inquiétude et d’anxiété

Les sentiments d’inquiétude et d’anxiété font référence, dans le cadre de cette

analyse, à des conséquences émotionnelles vécues par certains clients soucieux des

conséquences de l’épuisement professionnel. Le C.O. no 4 souligne : « On les voit

122

beaucoup ça, les anxieux ». Les processus sont d’ailleurs plus longs avec les gens

anxieux, comme le fait remarquer la C.O. no 8 : « […] quand l’anxiété est au

paroxysme, quand il y a beaucoup beaucoup d’anxiété, c’est plus long ». Certains

clients sont tellement anxieux qu’ils veulent rapidement des réponses, comme le

mentionne la C.O. no 5 :

Si je sens que la personne a tendance à poser la question : qu’est-ce que je vais faire?, je dois arriver { maintenir le client dans le fait qu’il faut d’abord définir ça, qu’on va voir ça et après seulement on va voir ce que tu vas faire avec ça. Mais ceux qui sont anxieux vont toujours vouloir être en avant : qu’est-ce que ça va faire plus tard. (C.O. no 5)

Comme elle le précise un peu plus loin, « […] il y a comme une urgence, une

inquiétude et ils sont envahis par ça ». Comme le souligne également la C.O. no 7,

« […] ils sont beaucoup dans l’angoisse de ce qui va arriver ». D’autres sont encore

en emploi et ressentent aussi beaucoup d’angoisse et d’anxiété, comme le

mentionne à nouveau la C.O. no 7 :

Il y en a qui sont encore en emploi mais qui se rendent compte qu’ils ne fonctionnent plus bien, leur rendement diminue, ils commencent à recevoir des reproches de leur patron : il faudrait que tu te ressaisisses. Ces remarques-l{ suscitent de l’angoisse mais aussi de l’anxiété. (C.O. no 7)

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, des sentiments d’inquiétude,

d’anxiété et d’angoisse sont observables chez plusieurs clients en situation

d’épuisement professionnel. En plus de rallonger les processus, cela provoque une

pression de répondre aux questions multiples des clients pour soulager leur anxiété.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 2 mentionne utiliser la visualisation et le focusing pour travailler cette

dimension : « Si par exemple elle me parle d’une anxiété quelconque, bien je vais lui

faire rencontrer cette anxiété-là, je vais lui demander de la décrire, je vais lui

123

demander ce qu’elle pourrait avoir envie de dire à cette anxiété-là et ce qu’elle

pourrait lui répondre. »

La C.O. no 8, quant { elle, propose, lorsque l’anxiété est très élevée, de faire des

activités différentes pour canaliser l’énergie du client autrement : « […] ça m’arrive

des fois de ne pas travailler l’anxiété du tout : bon on va faire le CV. Ça la calme […]

elle va canaliser son anxiété, tu lui donnes des devoirs, un CV à faire, un modèle de

lettre de présentation, tu la mets dans l’action, elle s’en va avec ça puis l{ elle revient

et elle est plus calme ».

4.2.2 Conséquences comportementales

Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques conséquences

comportementales sont également observables chez les clients en situation

d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir

particulièrement les deux thèmes suivants :

Tableau 13

Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences comportementales

chez les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Isolement et discrétion Conséquences comportementales observées chez

certains clients qui, pour faire face à la souffrance

d’un épuisement professionnel, auront le réflexe

d’éviter les contacts sociaux ou autres activités

sociales.

Léthargie et passivité Conséquences comportementales observées chez

certains clients provenant de leur incapacité à

réagir aux difficultés qui surviennent dans

l’entreprise.

124

Isolement et discrétion

L’isolement et la discrétion font référence, dans le cadre de cette analyse, { des

conséquences comportementales observées chez certains clients qui, pour faire face

{ la souffrance d’un épuisement professionnel, auront le réflexe d’éviter les contacts

sociaux ou autres activités sociales. Comme mentionné plus tôt, les conseillers

d’orientation interrogés ont observé que l’épuisement professionnel occasionne des

sentiments de honte et de culpabilité chez plusieurs de leurs clients. Ces sentiments

influencent, { leur tour, certains comportements dont l’isolement : « […] parce qu’il

y a beaucoup de honte autour de ça, de ne pas avoir été capable de passer au travers,

beaucoup de culpabilité de ne pas avoir été capable de passer au travers, donc ils

sont portés { s’isoler », souligne la C.O. no 2. La C.O. no 5 partage le même point de

vue : « Oui, ils sont tout seuls et ils s’isolent ». Il y a aussi une diminution des

contacts sociaux : « Beaucoup moins de contacts, c’est sûr; j’entends beaucoup au

niveau social, au niveau d’activités qu’ils faisaient en couple, en famille, beaucoup

moins d’activités, isolement », précise la C.O. no 3. Elle raconte même que « […] chez

les hommes aussi, des fois, il pouvait y avoir des partys dans la maison et eux sont

couchés, ils veulent éviter carrément les fêtes, […] ils n’ont plus le goût de recevoir,

plus le goût de faire grand-chose ». Les propos du C.O. no 4 vont dans le même sens :

Ils se mettent parfois en retrait du réseau social qui était là, des activités qu’ils avaient. Tout { coup, ils ne vont plus jouer au hockey, cela fait un bout qu’ils n’ont pas vu des filles, peut-être une sortie avec des filles, toutes des activités qui étaient en place et tout à coup, ils se sont isolés de ces activités-là, ils en ont moins. (C.O. no 4)

Même que selon la C.O. no 8, pour certains clients, l’heure passée en consultation est

la seule communication de la semaine : « J’ai des gens qui viennent ici une heure par

semaine et c’est juste { moi qu’ils parlent pendant la semaine. Ce sont des gens qui

sont isolés ». Cette observation est aussi partagée par la C.O. no 7 qui mentionne :

« Il y a en a que les premières séances, la seule activité de la semaine, c’est de se

rendre ici au rendez-vous ». Les comportements d’isolement sont aussi observables

125

chez certains clients en milieu de travail ou qui retournent après un temps d’arrêt.

La C.O. no 3 souligne : « Au niveau du travail, je crois qu’ils ont tendance aussi {

s’isoler, ils essaient de le cacher ». Certains clients veulent donc éviter d’en parler

aux autres. Comme le précise la C.O. no 8, « il y a de plus en plus de gens qui le disent,

mais il y a encore beaucoup de gens qui ne le disent pas qu’ils sont en épuisement

professionnel ». Elle ajoute : « Ce n’est pas vrai qu’on est sensibilisés à la

problématique tant que ça; l’épuisement professionnel, c’est réel, puis les gens, ils

ne le voient pas encore tout { fait […] quand ils reviennent au travail, c’est pas

comme si tu revenais d’un diagnostic de cancer l{, c’est pas pareil ». C’est donc dans

ces circonstances que certains clients choisissent de s’isoler et d’éviter de discuter

de leur situation avec les gens autour d’eux (conjoint(e), amis, collègues de travail,

etc.). La C.O. no 3 précise : « Mais c’est la honte, il y en a qui veulent cacher, ne pas le

dire, qui veulent que ça passe inaperçu, ça c’est sûr ».

En conclusion, selon ces six conseillers d’orientation, leurs clients en situation

d’épuisement professionnel ont tendance { s’isoler et { éviter les contacts sociaux

pour ne pas avoir { parler des difficultés qu’ils vivent.

Léthargie et passivité

La léthargie et la passivité font référence, dans le cadre de cette analyse, à des

conséquences comportementales observées chez certains clients provenant de leur

incapacité { réagir aux difficultés qui surviennent dans l’entreprise, c’est-à-dire une

combinaison des causes individuelles, organisationnelles et sociales. Pour plusieurs

clients, l’incapacité { modifier une situation problématique qui les mène tout droit

vers l’épuisement professionnel va provoquer ce que le C.O. no 4 nomme un

« sentiment de léthargie ». Par léthargie, on entend « un état de torpeur, d’apathie et

d’extrême affaiblissement » (Dictionnaire Larousse, 2011). Comme le souligne le C.O.

no 1, chez certains clients, « […] il y en a qui le savent, mais qui se laissent tout

simplement glisser ». La C.O. no 5 considère cet aspect comme de la passivité chez

l’individu : « Donc au fur et à mesure que la personne perd le contrôle de son travail

126

ou de son environnement, il n’y pas de réaction de sa part, il y a une passivité qui

s’installe qui fait qu’elle se laisse complètement engloutir par la situation ». Et

comme le spécifie le C.O. no 4, « […] tous ont eu des signaux qu’il fallait qu’ils

changent quelque chose […] mais ils ne l’ont pas fait, ils n’ont pas passé { l’action, ils

ont laissé le temps passer, la frustration est devenue plus complexe. » Le C.O.

no 6 ajoute : « On a enduré une situation qui ne correspondait pas à nos besoins

pour être bien donc, que j’ai tolérée. […] J’endure une situation qui me rend de plus

en plus près du burnout ou du présentéisme ».

Ainsi, à la lumière des propos recueillis par ces quatre conseillers d’orientation,

l’épuisement professionnel entraîne des comportements léthargiques et une

passivité chez certains clients, et parallèlement, une négligence de leurs propres

besoins.

4.2.3 Conséquences cognitives

Selon les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs conséquences cognitives

sont aussi observables chez les clients en situation d’épuisement professionnel.

L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les cinq thèmes

suivants :

127

Tableau 14

Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences cognitives chez les

clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Incapacité de projection et

méfiance

Difficultés pour les clients d’entrevoir et de prendre

des décisions concernant leur avenir.

Incapacités cognitives Difficultés intellectuelles comme la concentration,

la prise de décision et l’organisation mentale du

client, qui provoquent un effet négatif sur la

performance et contribuent à augmenter le niveau

d’inquiétude chez le client.

Volonté de changement

importante

La pensée, chez certains clients, qu’un changement

d’emploi ou de carrière serait la solution aux

difficultés rencontrées.

Diminution de la confiance Réévaluation négative qu’un individu fait de ses

capacités, { la suite d’un épuisement professionnel.

Inquiétude face à l’opinion

d’autrui

Souci des individus en épuisement professionnel

quant { l’opinion des autres (famille, amis,

collègues, etc.) à leur égard.

Incapacité de projection et méfiance

L’incapacité de projection et la méfiance font référence, dans le cadre de cette

analyse, { des difficultés, chez les clients en situation d’épuisement professionnel,

d’entrevoir et de prendre des décisions concernant leur avenir. Comme le souligne

le C.O. no 4, le jugement des clients en épuisement professionnel devient aussi altéré

par leurs craintes : « Alors là, leur capacité de se projeter dans l’avenir devient

affectée, contaminée par leurs peurs qui n’étaient peut-être pas là avant ». Cette

incapacité de projection dans l’avenir est appuyée par les propos du C.O. no 1

128

lorsqu’il mentionne que les clients en situation d’épuisement professionnel ont « […]

de la misère à se projeter à long terme ». Comme le précise aussi la C.O. no 7,

« […] lorsqu’on est épuisé, c’est difficile d’envisager un changement. C’est un gros

changement parce que là, on perçoit ça { travers tout son niveau d’exigence qui nous

suit ». Pour le C.O. no 6, cela provoque une impasse décisionnelle : « Il y a impasse,

impasse dans ce qui se passe, impasse dans ce qui est à venir. Mon processus de

décision est en panne. Je ne sais plus comment prendre les variables de l’avenir ».

Comme le précise la C.O. no 8, une méfiance du marché du travail s’installe aussi :

« Je les prends bien souvent désabusés, désillusionnés, avec une anticipation du

marché du travail ». À cet égard, le C.O. no 4 mentionne : « Parfois, il y a une

tendance à exagérer ce qui peut arriver dans le futur ». Enfin, comme le souligne la

C.O. no 5, « il y a une méfiance. Le risque des gens qui se sont surengagés un moment

donné, c’est de ne plus s’engager. Et le problème, c’est d’arriver { leur faire

retourner sur le marché du travail en étant plus équilibrés ».

Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, il est difficile pour leurs clients en

situation d’épuisement professionnel d’envisager l’avenir positivement, ce qui

affecte leur capacité à prendre des décisions et augmente leur méfiance par rapport

au marché du travail.

Incapacités cognitives

Les incapacités cognitives font référence, dans le cadre de cette analyse, à des

difficultés intellectuelles comme la concentration, la prise de décision et

l’organisation mentale du client, ce qui provoque un effet négatif sur la performance

et contribue { augmenter le niveau d’inquiétude chez le client. Pour le C.O. no 4,

plusieurs de ses clients, particulièrement lors du retour au travail, vivent des

incapacités cognitives en conséquence de l’épuisement professionnel :

Il y a un petit pourcentage des gens qui disent : ils me semblent que je ne suis pas capable de me concentrer puis de performer à la même

129

capacité que j’étais capable de le faire. Et cela vient vraiment les affecter, spécifiquement des gens où les calculs mathématiques avancés sont nécessaires, comme dans le domaine du génie ou des finances. Cela vient vraiment les affecter parce qu’ils savent très bien qu’ils viennent juste de toucher une fibre centrale à leur compétence. (C.O. no 4)

Dans le même ordre d’idées, la C.O. no 7 ajoute : « Ils ne fonctionnent plus bien,

difficultés de concentration. On pose des questions : qu’est-ce que c’était ta

question? Difficulté d’attention, c’est des idées récurrentes qui tourbillonnent, c’est

incessant ». Pour la C.O. no 3, ces incapacités cognitives viennent aussi affecter les

gens travaillant dans des postes de haut niveau : « Il y en a qui ont des gros postes

ou des bons postes et puis, une difficulté à prendre des décisions, plus capables de

voir clair dans leur situation ». Ce sentiment de confusion est partagé par la C.O.

no 2 : « […] c’est des personnes qui souvent sont confuses, complètement mélangées,

à terre, désorganisées avec un grand vide intérieur, souffrantes ». Également, en

réaction { l’augmentation du niveau de cortisol, ils perdent aussi, selon la C.O. no 8,

le sens des priorités :

Donc l{ ce qui arrive, c’est qu’il sort du cortisol au bout, mais le cortisol sert à focuser sur une affaire, donc j’arrive avec une autre tâche, une autre tâche, une autre tâche, bien qu’est-ce qui arrive? Tu perds le sens des priorités. En perdant le sens des priorités, tu te sens incompétent, tu te dis ayoye, je ne suis plus capable, je ne suis plus capable de gérer mon temps, moi qui avais le sens de l’organisation; tu te dévalorises. (C.O. no 8)

Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel

occasionne, chez leurs clients, des incapacités cognitives, notamment la perte de

concentration, la confusion et la diminution du sens des priorités.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 8 propose de consulter le site Internet suivant : http://lecerveau.mcgill.ca

de l’Université McGill pour mieux comprendre les effets du stress sur le cerveau

humain : « Il y a des explications de débutant, intermédiaire et expert, puis là tu as

130

tout, le cerveau, les émotions, le stress, tout ». Elle propose aussi l’exploration des

travaux de recherche de Sonia Lupien, neuropsychologue au Centre de recherche de

l’hôpital Douglas de Montréal. Elle souligne : « J’aime beaucoup ses travaux à elle.

C’est son approche biologique qui est incontestable, c’est physique, c’est

biologique ».

Volonté de changement importante

La volonté de changement importante fait référence, dans le cadre de cette analyse,

{ la pensée, chez certains clients, qu’un changement d’emploi ou de carrière serait la

solution aux difficultés rencontrées qui ont mené { l’épuisement professionnel. Dès

leur arrivée en consultation, plusieurs clients mentionnent vouloir changer

d’emploi, comme le souligne la C.O. no 5 : « Ils viennent nous voir en disant : je veux

changer d’emploi. C’est la réaction spontanée : je ne veux plus y retourner, ni dans

ce domaine où je travaillais avant ». La C.O. no 3 partage cet avis : « Ils n’ont plus de

motivation, ils n’ont plus d’intérêts, ils veulent tout changer, l’employeur, le métier,

la carrière, changer, ils veulent tout changer, oui ». La C.O. no 7 abonde en ce sens :

« Bien disons une personne qui nous arrive, qui est fatiguée, qui n’en peut plus, elle

veut changer d’emploi, c’est souvent ça ». Comme le précise la C.O. no 5 en citant un

exemple, certains individus vont vouloir opter pour des postes comportant moins de

responsabilités : « […] je me souviens d’une en particulier. Elle avait dirigé des

organismes communautaires et me disait qu’elle voulait être secrétaire ». Pour

d’autres, comme le mentionne le C.O. no 1, la volonté de changer de métier est plus

drastique :

Souvent, les gens retombent dans des stades de développement qui sont propres { l’adolescence. […] Ils retournent dans des choix fantaisistes. Ils se mettent à fantasmer à complètement autre chose, les fantasmes apparaissent, ils se sont tellement collés sur le rond chaud que là, ils veulent se décoller et aller dans autre chose. Donc tu peux avoir l’infirmière qui l{, tout { coup, va rêver de partir sa maison d’édition ou même un photographe qui va penser être trucker. (C.O. no 1)

131

Selon lui, ce genre de pensée est observable en consultation avec des gens en

épuisement professionnel. Le C.O. no 1 explique : « […] pour rétablir un équilibre, ils

vont renverser dans le contraire ». Mais comme le précise la C.O. no 7, il faut faire

attention à cette volonté de changement drastique :

[…] parce que ce n’est pas en cherchant un autre emploi ou une autre profession qu’on règle le problème. La perception, elle nous suit. Donc oui, si on est gestionnaire d’une équipe de vingt personnes puis qu’on décide de s’en aller chauffeur d’autobus, il y a de bonnes chances qu’on ne soit plus sollicité de la même façon, puis qu’on règle par l’extérieur ce qu’on ne veut pas affronter par l’intérieur. (C.O. no 7)

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel

amène certains individus à exprimer une volonté de changement importante en

consultation, et ce, dans le but d’éviter de ne pas revivre les mêmes symptômes dans

le futur. Il faut toutefois être prudent avec cette volonté de changement.

Diminution de la confiance

La diminution de la confiance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la

réévaluation négative qu’un individu fait de ses capacités, { la suite d’un épuisement

professionnel. Comme le mentionne le C.O. no 4, « [...] tout ça donne une résonance

d’échec auprès de la personne, cela a des conséquences sur sa perception d’elle-

même au niveau de son estime et de sa confiance en soi, et de ses capacités aussi. Il y

a beaucoup de gens qui vont remettre en question leur capacité à refaire le même

travail ». La peur de revivre le même scénario est très présente : « […] ça remet en

question leur capacité d’agir donc tout { coup, ils ont peur d’être dans une situation

semblable et comment vont-ils réagir dans une situation semblable? », précise à

nouveau le C.O. no 4. La confiance en leur capacité est aussi touchée selon la C.O.

no 3 : « […] mais l{, c’est toute la confiance en eux, l’estime d’eux-mêmes, l’assurance

en eux-mêmes, ça c’est plus l{; autant ils étaient capable de défoncer des murs que

là, l’estime et leurs capacités ont beaucoup diminué ». Enfin, pour ce qui est de la

C.O. no 5, elle remarque, lors des consultations avec ses clients, une tendance à la

132

sous-estimation : « Souvent, c’est des gens qui considèrent qu’ils ne sont pas bons;

[…] ils se sous-estiment bien souvent ».

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, le fait d’avoir vécu un

épuisement professionnel provoque une diminution de la confiance en ses capacités

chez la personne.

Inquiétude face à l’opinion d’autrui

L’inquiétude face à l’opinion des autres fait référence, dans le cadre de cette analyse,

aux soucis des individus, en épuisement professionnel, quant { l’opinion des autres

(famille, amis, collègues, etc.) à leur égard. Comme le mentionne la C.O. no 3, certains

se posent la question suivante : « Qu’est-ce que les autres vont penser de moi? » Elle

ajoute également : « Ils ont peur de l’image, ils ont peur de ce que les employeurs

vont penser. […] Il n’y pas un employeur qui va vouloir de moi ». Pour le C.O. no 4,

certaines personnes tombent dans une forme de paranoïa :

La paranoïa des fois s’installe; est-ce que je vais toujours avoir ça, est-ce que tout le monde va me considérer maintenant comme un loser? Ils marchent dans la rue et là, ils pensent que les gens voient que c’est un loser, qu’ils voient que c’est une personne qui a un épuisement professionnel. (C.O. no 4)

Par souci de l’opinion des autres, certains clients iront même jusqu’{ demander,

pendant les rencontres, comment formuler des explications à leur entourage sur ce

qui leur arrive : « Ils me demandent : qu’est-ce que je peux dire? », précise la C.O.

no 8. Elle ajoute que « […] c’est vrai que, des fois, ils ne savent pas quoi dire ni aux

amis qu’ils rencontrent { l’épicerie, ni à un futur employeur, ni à leur monde

autour ».

En conclusion, selon ces trois conseillers, l’inquiétude face { l’opinion d’autrui est

une conséquence cognitive de l’épuisement professionnel chez certains individus et

incite à plusieurs soucis et questionnements lors des consultations.

133

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 3 explique l’exemple d’une cliente qui a utilisé un moyen utile pour

dissiper ses inquiétudes par rapport { l’opinion des autres en lien avec son

épuisement professionnel. Elle a pris la décision d’écrire des lettres aux gens

importants de ses réseaux social et professionnel : « Déjà avant Noël, elle a envoyé

des lettres, des cartes et tout. En janvier, elle a reçu un feedback positif, elle s’est

rendu compte que les gens ne l’avaient pas mise out of the spot après 15 mois. Moi,

je suis plus du côté d’une approche téléphonique, mais la cliente, elle, n’était pas {

l’aise avec le téléphone; elle aimait mieux écrire des lettres ».

4.2.4 Conséquences physiologiques

Selon les conseillers d’orientation interviewés, des conséquences physiologiques

sont aussi observables chez les clients en situation d’épuisement professionnel.

L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les deux thèmes

suivants :

Tableau 15

Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences physiologiques

chez les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Problèmes reliés au

sommeil

Dérèglements en matière de sommeil en réaction

aux symptômes de l’épuisement professionnel chez

les clients.

Problèmes reliés à

l’alimentation

Dérèglements en matière de nutrition en réaction à

la médication et aux symptômes de l’épuisement

professionnel chez les clients.

134

Problèmes liés au sommeil

Les problèmes liés au sommeil font référence, dans le cadre de cette analyse, aux

dérèglements en matière de sommeil en réaction aux symptômes de l’épuisement

professionnel chez les clients. Comme le souligne la C.O. no 3, chez plusieurs de ses

clients, il s’installe une grande fatigue : « Une fatigue physique, émotionnelle mais

physique aussi; pas capables de se lever, dorment des 12 heures, des 14 heures […]

incapables de passer au travers de leur fatigue ». La même observation est constatée

par la C.O. no 2 : « Physique, c’est souvent des difficultés reliées au sommeil, soit ça

dort beaucoup ou ça dort pas ». Le C.O. no 4 fait le même constat lorsqu’il

mentionne : « […] il y en a certains qui ont des difficultés de sommeil ». Comme le

spécifie la C.O. no 3, leur cycle de sommeil est souvent affecté : « Il y en a que leur

cycle, ils dorment trop le jour, ils ne dorment plus la nuit ». La C.O. no 7 observe

également des difficultés sur le plan du sommeil : « L’individu, on le reçoit en

entrevue, il arrive ici épuisé, souvent le mot qui sort c’est : je suis vidé, […] j’arrive

plus { me lever, j’arrive plus { fonctionner ». Pour certains, c’est le contraire, des

difficultés { s’endormir apparaîtront et la prise de médication sera plus fréquente :

« Il y a beaucoup de monde là-dedans qui prend des pilules pour dormir parce qu’ils

ne sont plus capables de dormir », souligne la C.O. no 3.

En conclusion, selon ces quatre conseillers, leurs clients en situation d’épuisement

professionnel vivent des problèmes liés au sommeil; soit ils dorment trop, soit ils

sont incapables de dormir.

Problèmes liés à l’alimentation

Les problèmes liés { l’alimentation font référence, dans le cadre de cette analyse,

aux dérèglements en matière de nutrition en réaction à la médication et aux

symptômes de l’épuisement professionnel chez les clients. Concernant les effets

physiologiques de l’épuisement professionnel auprès de ses clients, la C.O.

no 2 mentionne : « Alimentaires aussi; mange beaucoup ou mange pas » La C.O. no 3

135

observe aussi des difficultés à ce niveau, particulièrement chez les femmes : « […]

mais les femmes, ce qu’elles n’aiment pas, cela joue beaucoup sur leur image, à cause

qu’elles prennent de la médication, elles engraissent ». Et elle précise : « La première

chose qu’elles disent dès qu’elles se sentent mieux, c’est qu’elles veulent faire des

régimes, ça j’entends beaucoup ça ». Les observations du C.O. no 4 vont dans le

même sens :

Il y a un gain de poids, souvent cela vient les brusquer un peu, pas tout le monde, mais ça vient les affecter au niveau de l’estime de soi un petit peu. Ça crée un cercle vicieux au niveau de ne pas brûler des calories davantage, une passivité qui a tendance { s’installer, la nutrition des fois prend le bord. Ils ont besoin de se nourrir émotivement donc ils mangent des choses que peut-être ils ne mangeaient pas avant ou mangeaient moins avant. Ça augmente leur niveau calorique, avec la passivité, ça augmente le poids puis là, il y a un cercle vicieux qui s’installe. (C.O. no 4)

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, des problèmes sur le plan de

l’alimentation sont observables avec les clients en situation d’épuisement

professionnel; soit ils mangent beaucoup ou pas du tout.

4.3 La situation générale des clients

Les conseillers d’orientation interrogés ont présenté certaines caractéristiques

concernant la situation générale des clients qui viennent consulter pour des motifs

d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir

particulièrement les six thèmes suivants :

136

Tableau 16

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation générale des

clients en lien avec l’environnement

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Hétérogénéité de la

clientèle

Observations des conseillers d’orientation quant {

la variété de situations possibles dans lesquelles se

retrouvent les clients en situation d’épuisement

professionnel se présentant en consultation.

Accompagnement médical Observations des conseillers d’orientation quant au

suivi médical des clients en situation d’épuisement

professionnel.

Types de diagnostic Observations des conseillers d’orientation quant au

choix de diagnostic priorisé par les médecins avec

des clients en situation d’épuisement professionnel.

Médication Observations des conseillers d’orientation quant {

la prescription de médication par les médecins,

pour soigner les symptômes de l’épuisement

professionnel chez les clients.

Médecines alternatives Observations des conseillers d’orientation quant {

l’utilisation de certaines médecines alternatives

chez les clients pour traiter les symptômes de

l’épuisement professionnel.

Soutien familial Observations des conseillers d’orientation quant au

type de soutien offert par les familles.

Hétérogénéité de la clientèle

L’hétérogénéité de la clientèle fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux

observations des conseillers d’orientation quant { la variété de situations possibles

137

dans lesquelles se retrouvent les clients en situation d’épuisement professionnel se

présentant en consultation. Au départ, il y a une distinction importante à faire entre

les clients qui viennent par eux-mêmes et ceux dont la référence provient des

instances gouvernementales, des compagnies d’assurances et des entreprises

privées majoritairement par le biais d’un programme d’aide aux employés. Comme

la figure suivante l’illustre, les clients se retrouvent majoritairement dans ce genre

de situation :

Figure 10

Portrait de la situation de la clientèle qui consulte les conseillers d’orientation

Au sujet des clients qui, de leur propre initiative, consultent un conseiller

d’orientation pour des questions d’épuisement professionnel, le C.O.

no 1 mentionne : « […] je n’ai pas de normes, c’est-à-dire que je n’ai pas de

tangente. […] Je te dirais qu’ils sont dans toutes les situations, je n’ai pas remarqué

de dominance. […] Quand est-ce que les gens viennent le plus souvent consulter, est-

ce avant, pendant ou après? Moi, je te dis qu’ils viennent à tous les moments ». Cette

observation est aussi partagée par la C.O. no 7 : « Donc, ils nous arrivent ici à

différents stades puis il n’y a pas de constante, il y en a de tout ordre ». Comme le

précise à nouveau le C.O. no 1, certains clients vont consulter à titre préventif, tandis

que d’autres vont vouloir évaluer de nouvelles options { la suite d’un épuisement

professionnel :

Initiative du client (clientèle privée)

En emploi, en arrêt de travail ou chômage

Références (EQ, CSST, Assurances et PAE) (clientèle référée) En arrêt de travail

Prévention Épuisement professionnel

Retour ou réorientation

Arrêt de travail pour épuisement

Arrêt de travail : retour ou

réorientation

Conscient Non conscient

138

[…] il y a des personnes qui viennent consulter par elles-mêmes avant parce qu’elles sentent que ça ne va plus. Puis après, c’est parce qu’elles savent que le retour au travail s’en vient et ne se voient tout simplement pas retourner là. Elles sont catastrophées de sentir qu’elles doivent retourner là, elles veulent vraiment une alternative. (C.O. no 1)

Pour le C.O. no 4, la clientèle privée et non référée vient particulièrement consulter à

titre préventif :

[…] la plupart des gens qui nous consultent sont justement de la catégorie un peu plus proactive, ils savent que quelque chose va mal, leur entourage leur a dit pourquoi tu ne vas pas consulter? […] Parmi cette clientèle-là, il y a un pourcentage quand même faible qui est vraiment proche d’un burnout. (C.O. no 4)

Pour le C.O. no 6, la majorité de sa clientèle privée est aussi à l’étape de la

prévention : « Mais la clientèle au niveau du burnout, je dirais que la majorité, c’est

du pré-burnout : je sens qu’il faut que je change mais je ne sais pas trop quoi. […] La

majorité de ma clientèle, ce sont des gens sans diagnostic qui font juste se remettre

en question ». Toutefois, il ajoute, un peu plus loin, qu’il rencontre aussi des clients

qui sont en épuisement ou qui viennent de sortir d’un épuisement et qui ne veulent

pas revivre les mêmes difficultés :

Mais je vais aussi avoir des gens qui ont été en burnout, qui ont eu un diagnostic de burnout, soit qu’ils sont en pause, en tant d’arrêt présentement, ça j’en ai. Des gens qui ont eu des burnouts et qui sont retournés sur le marché du travail ou d’autres qui n’ont pas pu, car ils sentent qu’ils vont retomber. (C.O. no 6)

Concernant la clientèle privée, la C.O. no 3 ajoute : « Mais j’ai des gens qui viennent

en consultation privée, c’est une petite partie mais c’est… ce n’est pas vrai qu’ils sont

tous en pré-burnout. Mais en écoeurite aiguë, en insatisfaction totale, en

requestionnement professionnel, personnel et tout y passe, oui ». Elle ajoute

également : « Mes clients qui sont encore en emploi, c’est qu’ils sentent que la soupe

est chaude; ils ont vu les autres tomber, ils ne veulent pas, ils veulent essayer de

139

faire attention […] puis, ils viennent consulter pour dire : qu’est-ce que je peux faire

avant que je tombe? ».

Il y a également une distinction à faire entre les clients conscients de leur

épuisement professionnel et ceux qui n’en sont pas encore conscients. Comme le

souligne le C.O. no 1, « […] il y a des gens qui affichent des signes avant-coureurs et

qui consultent, et il y en a d’autres que je leur fais réaliser qu’ils manifestent des

signes avant-coureurs, mais qu’ils n’en ont pas conscience ». La C.O. no 7 partage

aussi cet avis :

Il y a des fois que eux-mêmes se voient aller et se disent : non, moi j’arrête ça, il faut que je consulte, ça se peut pas. Puis il y a des fois qu’ils ne se voient même pas aller, mais tout ce qu’ils veulent, c’est changer. […] On identifie qu’ils peuvent être épuisés et qu’ils ne le savent pas. (C.O. no 7)

Pour ce qui est de la clientèle référée maintenant, le C.O. no 4 mentionne que « la

majorité sont complètement en arrêt de travail. La grosse majorité parce que ce sont

des références des compagnies d’assurances. Donc 90 % et plus ». Le C.O. no 1

mentionne également :

[…] j’ai déj{ travaillé dans un organisme où je faisais juste de l’épuisement professionnel, c’était ça mon mandat, je ne faisais que ça. Alors quand ils arrivaient, c’était des gens qui étaient avancés dans leur processus, qui étaient en arrêt de travail par épuisement. (C.O. no 1)

La C.O. no 7 ajoute que les gens référés n’en sont pas toujours à leur premier arrêt

de travail : « Il y a en a que c’est leur quatrième, cinquième, sixième épisode de

fatigue extrême. J’ai des gens des fois qui arrivent ici en arrêt de travail, puis ils

viennent me voir en disant : je pense que je ne suis pas dans la bonne job. Souvent,

ils nous sont référés par des programmes d’aide ». Pour la C.O. no 8 qui travaille avec

une clientèle uniquement référée par le Gouvernement du Québec, elle mentionne :

« Tous sont en arrêt de travail ».

140

Donc, en résumé, la clientèle en privée peut être très variée, les clients peuvent être

en pré-épuisement, en épuisement professionnel ou en post-épuisement et

manifester une volonté de planifier leur retour sur le marché du travail. Et pour ce

qui est de la clientèle référée, elle est majoritairement en arrêt de travail.

Accompagnement médical

L’accompagnement médical fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux

observations des conseillers d’orientation quant au suivi médical des clients en

situation d’épuisement professionnel. Comme le spécifie le C.O. no 1, « […] si c’est

quelqu’un qui vient du grand public, s’il est médicamenté ou s’il est en arrêt de

travail, il y a un médecin dans le décor ». La C.O. no 7 aborde aussi la question de

l’accompagnement médical : « Donc oui, des fois quand les gens viennent nous voir

justement pour dire : là, je pense qu’il faut que je change d’emploi, […] ils sont déj{

vus par leur médecin ». Le C.O. no 4 ajoute des spécifications concernant la clientèle

référée par les compagnies d’assurances publiques ou privées :

Ils ont vu leur médecin, 100 % du temps, ils ont vu leur médecin déjà, alors ils sont déjà dans une relation thérapeutique avec leur médecin. […] En fait, ceux qui nous sont référés finalement dans le cheminement et le suivi qu’ils ont avec leur compagnie d’assurance publique ou privée, c’est toujours l’aspect médical qui passe avant. (C.O. no 4)

Il précise par la suite que, seulement parmi la clientèle privée, celle qui décide de

venir consulter par elle-même, certains n’ont pas de suivi médical pour le moment.

Enfin, pour la C.O. no 8, étant donné qu’elle rencontre les clients seulement sur

référence, l’accompagnement médical est obligatoire : « Moi, pour venir me voir, ça

prend un papier médical ».

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, l’accompagnement médical

pour les clients en situation d’épuisement professionnel est toujours présent, sauf

quelques exceptions parmi la clientèle non référée.

141

Types de diagnostic

Les types de diagnostics font référence, dans le cadre de cette analyse, aux

observations des conseillers d’orientation quant aux choix de diagnostic priorisés

par les médecins avec des clients en situation d’épuisement professionnel. Ce qui

ressort des propos des conseillers d’orientation, c’est qu’il y a plusieurs types de

diagnostic possibles choisis par les médecins. La C.O. no 8 souligne : « Dépression,

trouble anxieux, dépression avec humeur anxieuse, trouble d’adaptation, c’est tout,

c’est les diagnostics que j’ai dans mon bureau ». Pour le C.O. no 4, c’est aussi très

varié comme types de diagnostic : « […] anxiété, dépression, beaucoup de

dépression, […] il y a certains troubles de comportement de l’adaptation qui peuvent

se mélanger là-dedans. Des fois, des TOC (troubles obsessifs compulsifs) aussi ». La

C.O. no 3 remarque surtout des diagnostics de dépression : « Mais là, je trouve

qu’épuisement professionnel, on ne le voit pas souvent; dépression, dépression,

dépression ». Également, elle précise que pour des raisons plus pratiques pour les

clients, il y a une tendance, chez certains médecins, à inscrire un diagnostic de

dépression, comme le mentionne la C.O. no 3 :

[…] il y a des gens qui font des épuisements professionnels, mais l’étiquette qui est mise, c’est dépression. Les médecins font ça parce qu’ils savent très bien que pour une compagnie d’assurances, si je te mets épuisement professionnel ou burnout, dans trois mois, je vais t’appeler, je vais t’achaler : go go go! retourne travailler. Si je mets dépression ou même dépression majeure, au moins tu vas pouvoir rester chez vous minimum 6 mois, 9 mois sans que la compagnie d’assurances t’appelle et t’achale. (C.O. no 3)

Les propos de la C.O. no 8 vont dans le même sens lorsqu’elle mentionne avoir

beaucoup de diagnostics de dépression pas nécessairement fondés :

[…] bien effectivement, j’ai beaucoup de diagnostics de dépression puis clairement, ce n‘est pas de la dépression, c’est de l’épuisement professionnel. Sauf que l’épuisement professionnel, il n’est pas un diagnostic dans le DSM IV, donc ils ne peuvent pas payer des assurances. Pour ça donc, ils vont dire dépression. (C.O. no 8)

142

Elle ajoute : « […] trouble de l’adaptation, il est moins populaire, quoique je dirais

que c’est plus approprié comme diagnostic. Mais lorsqu’on a des troubles

d’adaptation, c’est dur de se faire payer par les assurances, donc ils disent

dépression ». Enfin, contrairement aux autres, la C.O. no 2 mentionne : « Quand ils

arrivent chez moi, ils ont été diagnostiqués; habituellement ce qui revient

constamment, c’est le trouble de l’adaptation avec humeur dépressive pour tout le

monde ».

Ainsi, { la lumière des propos de ces quatre conseillers d’orientation, les diagnostics

sont très variés, mais ce qui revient le plus souvent, c’est celui de la dépression pour

faciliter les démarches avec les compagnies d’assurances, les institutions

gouvernementales et les entreprises privées.

Médication

La médication fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux observations des

conseillers d’orientation quant { la prescription de médication par les médecins,

pour soigner les symptômes de l’épuisement professionnel chez les clients. Comme

le mentionne la C.O. no 3, pour la majorité des clients, la médication est prescrite :

La plupart de mes clients qui ont fait un épuisement professionnel, premièrement, prennent de la médication. Souvent chez mes clients, il y a une période, c’est la médication, il y a un changement, ils augmentent, ils descendent, en tout cas c’est une méchante concoction de médication. (C.O. no 3)

Mais elle le précise quelques instants plus tard : « […] la plupart des gens, ça fait au

moins 9 mois ou 1 an qu’ils sont en thérapie. Puis l{, la médication pour certains a

diminué, a commencé à diminuer ». Pour le C.O. no 4, la médication est aussi

prescrite à plusieurs de ses clients : « Une très grande partie ont droit à des

médicaments, sont médicamentés ». Parfois, la médication devient même

obligatoire, comme le souligne la C.O. no 2 :

143

La plupart sinon tous arrivent avec une médication parce que les compagnies d’assurances obligent les personnes { prendre la médication, sinon elles ne sont pas couvertes par l’assurance. Donc ils arrivent avec un diagnostic du médecin avec une obligation de prendre des antidépresseurs. (C.O. no 2)

Par contre, comme le souligne la C.O. no 5, une fois que la prescription de médication

est complétée, le suivi par la suite est plutôt absent :

Ils vont voir leur médecin, là certains vont se faire prescrire des antidépresseurs mais après, ils sont laissées à eux-mêmes. L’épuisement professionnel, ce n’est pas un trouble de la personnalité comme la folie. Il n’y a pas de suivi avec un psychiatre pour l’épuisement professionnel. Médicalement parlant, je n’ai pas l’impression que les gens sont beaucoup supportés. (C.O. no 5)

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la majorité des clients se

sont fait prescrire des antidépresseurs et sont encore médicamentés lorsqu’ils

arrivent en consultation.

Médecines alternatives

Les médecines alternatives font référence, dans le cadre de cette analyse, aux

observations des conseillers d’orientation quant { l’utilisation de certaines

médecines alternatives chez les clients pour traiter les symptômes de l’épuisement

professionnel. Comme le mentionne la C.O. no 2, « […] il y a des personnes qui

utilisent la médecine alternative, ostéopathie, naturopathe, tout ça ». Selon la C.O.

no 3, certains opteront pour le « yoga, la méditation, […] quelques-uns font des

massages, de l’acuponcture ». Pour la C.O. no 8, les observations sont similaires :

« Donc ils vont recourir à des médecins, des ostéopathes, acuponcteurs,

psychologues, c’est ce que je connais ». Le C.O. no 4 ajoute également de nouveaux

éléments en mentionnant :

[…] j’ai déj{ vu des ergothérapeutes aussi, c’est plus rare les ergothérapeutes. Il y a des gens qui ont une association, une préférence

144

pour des services à caractère alternatif; j’ai mentionné massothérapie mais il y a en d’autres, l’acuponcture, des phytothérapeutes, […] des nutritionnistes mais ça dépend de ce qu’ils ont décidé préalablement pour eux, pour les aider. Les coachs personnels de vie, ça j’ai déj{ vu ça aussi. (C.O. no 4)

En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, plusieurs clients optent pour

des traitements de médecines alternatives. Les types de traitement sont variés et

dépendent essentiellement des préférences des clients.

Soutien familial

Le soutien familial fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux observations

des conseillers d’orientation quant au type de soutien offert par les familles des

clients en situation d’épuisement professionnel. À la lumière des réponses obtenues

des conseillers d’orientation interviewés, il y a deux réactions possibles de

l’entourage familial. Dans certains cas, la famille sera en soutien à la personne en

épuisement professionnel et parfois, elle réagira négativement et passivement face à

la situation. Le C.O. no 4 souligne :

Parfois l’entourage réagit mal au lieu de les supporter, au lieu de les accompagner, dans la phase de guérison, d’amélioration et donc ultimement de résilience, ils les abandonnent, ils les blâment, ils les isolent. Alors ça ne contribue vraiment pas à leur amélioration. Au contraire, ça devient un double échec; l{ c’est plus professionnel, c’est rendu familial et personnel. (C.O. no 4)

La C.O. no 5 partage cet avis concernant les réactions négatives de l’entourage :

Il y a des fois où on a l’impression que d’une rencontre { l’autre, ça bouge bien et il y a des fois, l’extérieur défait tout ce qu’on a fait. L’environnement extérieur fournit je ne sais trop quoi, il y a des gens qui envoient des messages contraires à ce que moi, je vais envoyer. (C.O. no 5)

145

De plus, il arrive aussi que certains membres de la famille ne savent tout

simplement pas comment réagir, comme le précise le C.O. no 4 : « […] parfois on voit

des gens qui sont en sideline, ils sont sur la ligne, ils observent mais ils n’ont pas

l’interactivité pour proposer d’être en support ou aider concrètement, ils ne savent

pas comment parfois ». Également, l’épuisement professionnel provoque parfois des

questionnements importants, comme le souligne la C.O. no 3 : « Ça crée des conflits

par contre, je sais qu’il y en a qui se requestionnent sur leur mariage, mais dans ma

pratique, vite comme ça, il n’y a pas eu beaucoup de divorces en tant que tel ». À ce

sujet, la C.O. no 8 ajoute : « Oui, il y a eu des ruptures amoureuses que j’ai vues quand

ça ne fait pas longtemps que les personnes sont ensemble, mais à part ça… ».

Comme mentionné plus tôt, dans d’autres circonstances l’entourage réagit bien.

Comme le souligne la C.O. no 7, « quand il y a des enfants, quand il y a une famille,

c’est le conjoint qui prend la relève ». La C.O. no 3 ajoute également :

[…] les maris laissent beaucoup de place { leurs femmes d’être capables de se remettre debout. Je ne peux pas dire qu’ils sont compréhensifs, mais on dirait que c’est comme prend le temps qu’il te faut pour te remettre sur tes deux pieds, mais il y a comme une entente. J’imagine qu’ils s’attendent { ce qu’elle retombe sur ses deux pieds parce que c’est souvent un élément central dans la famille pour toute l’organisation, la coordination, l’école puis toutes ces affaires-là, […] ils semblent beaucoup s’adapter. (C.O. no 3)

L’aide peut aussi provenir d’autres membres de la famille, comme le souligne le C.O.

no 4 : « Il y a l’entourage qui vient au support, qui est vraiment l{, il y a même une

réorganisation des tâches de travail. Des fois, les grands-parents se mettent de la

partie, un oncle, une tante, ils collaborent, on voit vraiment le tissu familial venir

aider ». Enfin, pour la C.O. no 3, l’arrêt de travail, pour certaines femmes, est même

salutaire :

[…] je disais que les gens qui font un épuisement, quand c’est des femmes, il faut qu’elles s’occupent des enfants, de l’école, des activités, le mari qui n’est pas là, qui fait une job alors c’est bien, je suis { la

146

maison, j’ai 80 % de mon salaire puis j’ai moins de problèmes avec la gardienne, amener mes enfants { l’école, j’ai moins de tâches { faire et tout ça, puis j’ai un salaire qui rentre. C’est comme finalement être femme à la maison mais avec un salaire. (C.O. no 3)

Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, lorsqu’un client est en situation

d’épuisement professionnel, la réaction de la famille sera différente d’une personne

{ l’autre. Certains auront beaucoup de soutien familial, tandis que d’autres feront

face à certains jugements.

4.4 Accompagnement psychologique des clients

Les conseillers d’orientation interviewés ont aussi présenté les distinctions, selon

eux, entre le rôle des psychologues et le rôle des conseillers d’orientation dans

l’accompagnement psychologique des clients en situation d’épuisement

professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement

les deux thèmes présentés dans le tableau suivant :

Tableau 17

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation générale des

clients en lien avec l’environnement

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Priorité accordée aux

psychologues

Observations des conseillers d’orientation quant {

la priorisation de référence offerte aux

psychologues en matière de traitement de

l’épuisement professionnel.

Rôle des conseillers

d’orientation

Observations des conseillers d’orientation quant

aux rôles accordés aux conseillers d’orientation et

aux rôles réels exercés par ces derniers dans

l’accompagnement des gens en situation

d’épuisement professionnel.

147

Priorité accordée aux psychologues

La priorité accordée aux psychologues fait référence, dans le cadre de cette analyse,

aux observations des conseillers d’orientation quant { la priorisation de référence

offerte aux psychologues en matière de traitement de l’épuisement professionnel. La

C.O. no 3 souligne : « La plupart de mes clients sont en thérapie, ont fait de la

thérapie avec un psychologue. Généralement, c’est des psychologues, certaines fois

des psychothérapeutes, mais beaucoup des psychologues ». La C.O. no 7 partage

aussi cet avis : « Donc oui, des fois quand les gens viennent nous voir justement pour

là je pense qu’il faut que je change d’emploi, ils sont déjà vus en psychologie ». Et

comme le précise cette même conseillère d’orientation, les deux processus se font

parfois simultanément. À la question portant sur le processus avec un psychologue,

elle mentionne : « Il est souvent suivi en parallèle, mais ça arrive des fois que les

gens y mettent un terme puisqu’ils continuent avec moi, compte tenu de mon

approche ». La C.O. no 3 est du même avis concernant le suivi en parallèle :

[…] ceux qui viennent en privé, j’en ai des clients qui voient leur psychologue et qui me voit aussi. Alors il y a des choses au niveau personnel qui brassent, puis ils ont fait un bout, mais ils savent que le travail, c’est une autre problématique. Mais la plupart ont consulté, la majorité ont consulté chez moi. (C.O. no 3)

La priorité de référence est donc accordée aux psychologues, comme le précise le

C.O. no 1, et ce, particulièrement pour des programmes d’aide aux employés :

Puis des fois, je les reçois parce qu’ils sont référés par leur programme d’aide aux employés. Souvent donc, mais c’est sûr qu’il y a d’autres intervenants dans le dossier, mais aussitôt qu’on deale avec un programme d’aide aux employés, c’est sûr que s’il y a un épuisement, ils mettent un psychologue dans le décor. (C.O. no 1)

En conclusion, selon les observations de ces trois conseillers d’orientation, dans un

cas d’épuisement professionnel, la majorité des clients ont été suivis par un

148

psychologue avant de faire la rencontre d’un conseiller d’orientation, et ce,

particulièrement lorsque le client est référé par un programme d’aide aux employés.

Rôle des conseillers d’orientation

Le rôle des conseillers d’orientation fait référence, dans le cadre de cette analyse,

aux observations des conseillers d’orientation quant aux rôles accordés aux

conseillers d’orientation et aux rôles réels exercés par ces derniers dans

l’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel. Le C.O. no 4

souligne que la référence aux conseillers d’orientation se fait principalement après

la phase de guérison : « En fait, quand ils nous sont référés, ils sont quand même

dans la phase de guérison, ils sont plus fonctionnels ». L’accompagnement en

psychologie est déjà bien entamé, comme le précise la C.O. no 3 : « […] moi,

habituellement quand ils me rencontrent, le psychologue ils ne le voient plus à

toutes les semaines. Je te dirais que la majorité c’est au mois, quelques-uns aux deux

semaines, mais jamais aux semaines ». La C.O. no 5 spécifie également: « Quand je les

vois, ils ont passé la phase de dormir souvent, tout le temps, ils ont passé cette

phase-là, car ils sont capables de venir ». Et pour ce qui est de la clientèle référée par

les programmes d’aide aux employés, le C.O. no 1 spécifie :

[…] les conseillers d’orientation, on leur confie un mandat d’orientation, […] même quand tu es accrédité en psychothérapie, ils veulent le titre de psychologue, […] ils vont référer { un psychologue et toi, ton mandat est très circonscrit. On te donne 4 heures, 5 heures, 6 heures pour intervenir avec la personne et pour ce qui est des états d’âme ou de ce qui fait que la personne est tombée, ça c’est le psychologue qui s’en occupe. Nous autres, on a juste le bout opérationnel et c’est un peu vexant. (C.O. no 1)

Pour expliquer ce phénomène, le C.O. no 1 ajoute que la profession est victime d’un

préjugé défavorable : « C’est l{ qu’on a l’effet d’un préjugé défavorable dans notre

profession qui est de dire : le conseiller d’orientation, tu vas le voir juste pour t’aider

à choisir, puis tu lui dis tes intérêts et il te matche tout de suite avec une job ». La

149

C.O. no 5 partage également ce point de vue et ajoute que le motif de consultation

des clients n’est pas le traitement de l’épuisement professionnel, mais le

changement de carrière ou d’emploi :

On va soigner, on va plus penser à aller voir un psychologue. Si on vient voir un conseiller d’orientation, c’est qu’on veut changer de travail. Il me semble que c’est souvent ça que j’entends. […] Malheureusement dans l’image populaire, on passe des tests et on dit aux personnes quoi faire. (C.O. no 5)

Concernant la perception de la population sur le rôle des conseillers d’orientation en

matière d’accompagnement de clients en situation d’épuisement professionnel, le

C.O. no 1 ajoute : « C’est parce qu’il y a une vision assez hermétique de notre

profession qui cantonne notre mandat en se disant lui, il est juste ça pour ça, puis il a

juste les compétences pour faire ça, donc c’est juste pour ça que je vais le voir ».

Toutefois, dans certains autres contextes, il semble y avoir plus de liberté

d’intervention sur le plan psychologique accordée aux conseillers d’orientation,

particulièrement ceux qui détiennent une accréditation en psychothérapie. Comme

le souligne la C.O. no 2, elle fait surtout de la psychothérapie avec les clients en

épuisement professionnel : « Comme je te disais tantôt dans la première partie, me

semble que ça tient plus de la psychothérapie que du conseiller d’orientation ce que

je fais ». Ce point de vue est partagé par la C.O no 7 qui souligne :

Bien habituellement, moi, j’ai la double compétence, conseillère d’orientation et psychothérapeute. Ma façon d’aborder cette problématique-l{, les gens me consultent en orientation parce qu’ils veulent identifier un autre objectif professionnel, parce qu’ils veulent se sauver en courant de leur travail ou que ce soit en psychothérapie, c’est la même. (C.O. no 7)

Pour d’autres, la liberté d’action se manifeste surtout dans l’accompagnement après

le traitement effectué par le psychologue ou en parallèle, comme le souligne la C.O.

no 3 : « Moi, avec les burnout, j’ai entre 3 mois et 6 mois que les compagnies

d’assurances me donnent ». La C.O. no 8 mentionne que dans les organismes

150

communautaires, « c’est une douzaine de rencontres avec possibilité de

prolongation jusqu’{ 24 mois ». La même réalité a été observée par le C.O. no 1 : « Là

où j’ai travaillé, un organisme communautaire, où on prenait le temps, bien l{, j’avais

de la marge de manœuvre, puis l{, je pouvais y aller avec 10-12 rencontres qui me

permettaient de faire la job adéquatement ».

Le C.O. no 6 mentionne aussi avoir la capacité d’accompagner les clients dans

plusieurs aspects psychologiques, mais préfère favoriser la référence aux

psychologues :

C’est sûr que pendant le burnout, il y a des dimensions psychologiques qui sont peut-être mieux répondues par des psychologues, des psychothérapeutes alors que moi, comme je te disais tantôt, je me sens quand même { l’aise d’en faire un minimum de défrichage avec le client, quitte à ce qu’il aille consulter après. (C.O. no 6)

La référence en psychologie est aussi partagée par la C.O. no 8 malgré la compétence

à intervenir :

Ah! moi, je n’ai pas de problèmes { entrer dans le problème psychologique pareil. S’il y a quelque chose qui dérange le niveau psychologique, je le nomme puis je leur dis va voir ça avec ton psychologue, […] s’il y a un problème de fond et un traumatisme et qui fait que l{ … oui, je pourrais le faire mais si elle a un psychologue, je vais lui laisser pour travailler les grosses affaires. Quand c’est les petites affaires, pas pour me vanter, mais souvent ils vont rester ici. (C.O. no 8)

En résumé, malgré le fait que certains conseillers d’orientation sont accrédités en

psychothérapie, la majorité réfère les clients au moment où l’accompagnement

psychologique est déjà bien entamé avec le psychologue, et ce, avec un mandat

d’orientation, c’est-à-dire un objectif de réintégration au travail ou de réorientation

de carrière. Malgré ces observations, plusieurs des conseillers d’orientation

interviewés, qui ne sont pas accrédités en psychothérapie, affirment posséder les

outils nécessaires pour intervenir sur le plan psychologique dans le traitement de

l’épuisement professionnel. Ils vont effectuer une référence aux psychologues

151

lorsque les troubles psychologiques seront trop sévères, lorsqu’ils dépassent un

certain seuil d’expertise.

4.5 Stratégies d’intervention des conseillers d’orientation

Lors des entretiens, les conseillers d’orientation interviewés ont également souligné

de multiples stratégies d’intervention qu’ils utilisent avec la clientèle en situation

d’épuisement professionnel. Pour faciliter la présentation des différentes stratégies

d’intervention utilisées, cette section sera subdivisée en six sous-sections, soit les

stratégies lors des premières rencontres, les interventions sur le plan des émotions,

les interventions sur le plan des comportements, les interventions sur le plan des

cognitions, la réintégration et la réorientation de carrière et enfin, d’autres types de

stratégie utilisés dans le processus d’accompagnement des clients en situation

d’épuisement professionnel.

4.5.1 Stratégies d’intervention lors des premières rencontres

L’importance de bien évaluer la situation des clients et d’ajuster les interventions en

début de processus a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation

interviewés. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les

cinq thèmes suivants :

152

Tableau 18

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les stratégies

d’intervention lors des premières rencontres avec les clients en situation

d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Évaluation de la demande

initiale

Importance de bien analyser les motivations, les

objectifs du client lors de la première rencontre et

de s’assurer de réajuster la demande au besoin.

Priorisation de la relation

d’aide

Importance de soigner la souffrance du client avant

de procéder à des activités d’orientation dites plus

classiques.

Exploration de l’historique Importance de discuter du passé du client pour

mieux comprendre ce qui peut avoir eu une

incidence sur sa situation présente.

Exploration des sphères de

vie

Importance de bien comprendre l’environnement

immédiat du client, que ce soit la dynamique

familiale (parent, conjoint(e)), la dynamique avec

les amis, la dynamique personnelle (loisirs,

alimentation, etc.) et particulièrement la

dynamique en milieu de travail, et tenter de faire

des liens entre chacune.

Analyse des dynamiques

relationnelles

Importance de comprendre comment la personne

entre en relation avec les autres et ses perceptions

par rapport à cette dimension.

Évaluation de la demande initiale

L’évaluation de la demande initiale fait référence, dans le cadre de cette analyse, à

l’importance de bien analyser les motivations, les objectifs du client lors de la

153

première rencontre et de s’assurer de réajuster la demande au besoin. Au départ, la

C.O. no 3 spécifie qu’il est important de bien déterminer la réelle motivation du client

lors de la première rencontre : « […] j’ai beaucoup de clients qui sont référés, alors

d’où vient la motivation, quelle est la motivation, la vraie motivation du client? Est-

ce d’avoir un cours, d’extensionner ses assurances, sa CSST? ». L’importance

d’identifier les véritables objectifs du client est partagée par la C.O. no 8 qui ajoute :

« […] c’est sûr que d’emblée, la première rencontre, on établit un objectif de travail

ensemble : toi, tu t’attends { quoi de moi? Ça, je veux que ce soit vérifiable à la fin de

notre processus ». De plus, comme le mentionnait préalablement le C.O. no 1,

certains clients arrivent avec des volontés de changement importantes lors de la

première rencontre. Pour lui, « l’intervention, c’est de mesurer le degré de sévérité

de la réorientation […] pour éviter qu’elle fasse un choix fantaisiste et qu’elle se

garoche dans un emploi plaster qui en apparence va tout régler, mais qui va créer un

autre type de débalancement ». Ainsi, selon lui, « il faut recadrer ça pour voir si

effectivement, ça va dans son sens, quel sens que ça prend pour elle ce type de

projet-là? » Pour la C.O. no 2, il faut exprimer rapidement ses doutes : « La personne

arrive avec sa demande de faire une démarche d’orientation et plus je lui parle, plus

je m’aperçois que c’est tellement fragile et je mets la personne au courant de mes

doutes ». Même que pour la C.O. no 7, dans certains cas le début du processus peut

être retardé de quelques semaines :

[…] ceux qui ne fonctionnent plus au plan physique, bien souvent, on leur dit : tu attends quelques semaines puis tu te reposes et on va reprendre le processus dans quelques semaines quand les antidépresseurs vont commencer à faire effet, puis que tu vas être en mesure d’avoir un peu plus de concentration. (C.O. no 7)

Pour les individus qui n’auraient pas de bilan médical et qui arrivent dans un état de

grande fatigue et de stress, la C.O. no 7 mentionne : « […] tout de suite on demande

un bilan médical, on l’incite { consulter au niveau médical pour avoir un bilan parce

qu’il peut y avoir d’autres composantes physiques associées { ça ».

154

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il faut être vigilant lors des

premières rencontres pour bien recadrer les motivations du client, ses attentes, les

projets de réorientation majeurs et exprimer ses doutes quant au début du

processus lorsque nécessaire.

Priorisation de la relation d’aide

La priorisation de la relation d’aide fait référence, dans le cadre de cette analyse, à

l’importance de soigner la souffrance du client avant de procéder { des activités

d’orientation dites plus classiques. Pour plusieurs des conseillers d’orientation

rencontrés, leurs expériences avec les clients en situation d’épuisement

professionnel les amènent { observer qu’il est préférable, particulièrement lorsque

l’épuisement professionnel est sévère, de ne pas recourir à des activités

d’orientation trop rapidement. Le C.O. no 1 précise : « Pour quelqu’un qui est en gros

épuisement, je ne suis pas beaucoup en réflexion, je suis plutôt dans le : on soigne le

présent, […] je suis juste dans de la relation d’aide, on n’est même pas dans

l’orientation, la pure relation d’aide, l’écoute active, reflets, empathie pure ». Il

ajoute aussi que « c’est l{ qu’un moment donné, tu dois te rendre compte que la

personne, elle a un bout à faire en psychothérapie ». La C.O. no 2 partage le même

point de vue :

[…] dans un premier temps, ce n’est pas du counseling d’orientation qu’il faut faire; la personne est complètement désorientée, elle est complètement cassée. Ce n’est pas le temps de travailler avec elle sur le plan de l’orientation parce que l’orientation comme telle, on projette dans l’avenir alors que la personne a de la difficulté à être dans son présent. Elle est dans un présent qui est tellement souffrant que c’est impossible pour elle à ce moment-là de pouvoir se projeter. (C.O. no 2)

La C.O. no 7 précise aussi : « On est juste au début de l’intervention dans le fait

d’enlever de la pression, dans le fait de l’amener { se concentrer sur le moment

présent, dans le fait de lui faire réaliser qu’il y a des étapes; on ne peut pas encore

trop intervenir parce que c’est trop fragile ». D’ailleurs, pour la C.O. no 8, les

155

premières questions concernent la santé du client en général : « Fais-tu de

l’exercice? Manges-tu bien? Dors-tu bien? Consommes-tu? Ça, je veux savoir ça, c’est

de base, c’est les premières questions que je pose ». Même point de vue pour la C.O.

no 2 qui mentionne : « […] je travaille sur ces trois aspects l{ (le corps, le cœur et la

tête), je vais travailler d’abord sur le corps ». Toujours selon la C.O. no 2, c’est

lorsque le présent sera moins souffrant que les activités d’orientation pourront

prendre place dans le processus :

Il y a une étape où c’est plus d’accompagner la désorganisation presque complète d’un individu pour tranquillement l’amener { se requestionner, se redéfinir, identifier davantage de besoins et tranquillement, en arriver à une autre voie professionnelle pour certains ou une autre façon d’habiter le rôle qu’il avait déj{. (C.O. no 2)

Dans le fond, « […] l’orientation classique s’amalgame { des interventions plus

propres { l’épuisement », mentionne le C.O. no 1.

En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, particulièrement lorsque les

clients font face à un épuisement sévère, il est préférable de débuter le processus

avec des interventions plus psychothérapeutiques qui ciblent le fait de soigner les

souffrances physiques et psychologiques des clients avant même de faire des

activités d’orientation plus classiques.

Exploration de l’historique

L’exploration de l’historique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à

l’importance de discuter du passé du client pour mieux comprendre ce qui peut

avoir eu une incidence sur sa situation présente. Le C.O. no 1 mentionne : « Pour moi,

c’est important de savoir comment ça s’est installé, c’est quoi son historique : est-ce

que c’est son premier, deuxième, troisième épuisement? Y a-t-il des liens à faire

entre chacun? ». Et comme le souligne la C.O. no 5, « […] des fois, il faut repartir bien

avant l’épuisement. Justement il faut voir quand est-ce que tout ça a commencé à

156

dérailler? ». Pour le C.O. no 6, la rétrospective du parcours de vie est également

importante :

Première rencontre : rétrospective du parcours. Comment la personne a pris ses décisions? Quand les a-t-elle prises? Du primaire { aujourd’hui. Donc en faisant le parcours de vie, puis en m’arrêtant plus particulièrement quand elle a fait des choix, puis des décisions, […] puis tranquillement pas vite, je suis en train de découvrir des patterns, juste par ce récit de vie là. (C.O. no 6)

Ce point de vue est aussi partagé par le C.O. no 2 qui utilise même une approche

spécifique pour favoriser ce type d’intervention :

[…] il y a aussi une autre approche qui est le récit de vie. La relecture de vie, ça fait un petit moment que je travaille avec ça. Ça aussi, c’est intéressant, travailler avec les individus à relire un moment de leur vie, relire une situation, relire une période de vie et y apposer à ce moment-là une nouvelle interprétation, une nouvelle compréhension. (C.O. no 2)

Donc, selon ces quatre conseillers d’orientation, pour faciliter la compréhension, il

est recommandé de dresser un historique avec le client pour mieux comprendre

l’évolution de sa situation, les moments de décision et revoir l’interprétation de ce

qui a mené à son épuisement professionnel.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Comme souligné précédemment, pour faciliter les interventions concernant

l’historique du client, la C.O. no 2 propose d’utiliser le récit de vie.

Le C.O. no 6, quant à lui, propose un exercice de dissociation des tâches et des

conditions en lien avec l’historique des expériences de travail : « C’est un gros

exercice; la personne doit inscrire les tâches que j’aime faire dans la job, celles que je

n’ai pas aimées, les conditions que j’ai aimé vivre, celles que je n’ai pas aimées. Pour

chaque job de sa carrière, elle doit décanter ».

157

Exploration des sphères de vie

L’exploration des sphères de vie fait référence, dans le cadre de cette analyse, {

l’importance de bien évaluer l’environnement immédiat du client, que ce soit la

dynamique familiale (parent, conjoint(e)), la dynamique avec les amis, la dynamique

personnelle (loisirs, alimentation, etc.) et particulièrement la dynamique en milieu

de travail, et tenter de faire des liens. Comme le mentionne la C.O. no 5, le passage en

revue des événements est important : « Il y a vraiment lieu d’aller voir ce qui s’est

passé au moment de l’épuisement. C’était quoi les conditions de travail?

L’environnement, c’était quoi les caractéristiques? C’est quoi les caractéristiques de

la personne au moment où c’est arrivé? Donc il y a tout le bilan à faire ». Cette façon

d’intervenir est partagée par la C.O. no 7 qui mentionne regarder chacune des

composantes : « […] on regarde quelles sont les composantes parce que ce n’est pas

seulement une personne au travail, il y a une vie familiale, il y a un conjoint, il y a des

enfants, une famille, il a des parents peut-être malades, il y a toutes ces

composantes-là ». Du même coup, comme le mentionne la C.O. no 7, c’est une façon

de vérifier le niveau d’investissement dans chacune des sphères de vie du client :

On regarde quel est le degré d’investissement de la personne. Est-ce qu’elle fuit des responsabilités familiales en tassant ça sur son conjoint pour s’investir au travail et s’y perdre […] ou bien elle veut être une mère irréprochable? Donc on va voir des gens qui sont investis dans des fonctions, ils voyagent pour leur travail, ils font partie des comités de parents, ils suivent les enfants dans les activités sportives, ils suivent des cours { l’université en même temps que ça, etc. (C.O. no 7)

Le but est de tenter de comprendre ce qui s’est passé dans son ensemble, sans

négliger aucun aspect important. Parmi les sphères de vie à analyser, celle du milieu

de travail en fait partie, comme le souligne le C.O. no 4 :

Bien au début, ça va ressembler beaucoup à quels sont les facteurs d’insatisfaction que tu vivais au travail. Sincèrement, dans mon intervention de base, il va y avoir beaucoup de : quoi d’autre? Quoi d’autres? Parce qu’il faut vraiment vider le sac. Ce n’est pas les

158

premières réponses qui sont les plus importantes, c’est souvent celles qui viendront après. (C.O. no 4)

Pour le C.O. no 1, il est aussi important d’amener le client à avoir une meilleure

compréhension des événements : « […] nos interventions, c’est sûr que c’est

d’amener la personne { comprendre ce qui lui est arrivé et ce qui fait qu’elle s’est

ramassée là ». Comme le souligne à nouveau le C.O. no 4, il faut aussi remettre

l’événement en contexte pour éviter certaines généralisations des clients : « […] on

va contextualiser l’événement qui s’est passé, l’heure, la date, le nombre de

personnes, le département pour diminuer l’aspect de contamination sur tous les

employeurs et la carrière ». L’important est aussi de vérifier les différents liens

entre la situation vécue au travail et les autres sphères de vie, comme le précise le

C.O. no 1 : « […] puis j’essaie de vérifier aussi si ce qui s’est passé est en lien avec des

enjeux personnels, c’est ça que j’ai { vérifier ». La C.O. no 2 partage aussi cette façon

d’intervenir : « […] c’est sûr que je vais faire des liens avec ce qui se passe dans ton

équipe de travail versus le rôle que tu avais chez toi, la première famille puis celle-là,

et les interactions qu’il peut y avoir ». La C.O. no 7 propose même un exemple : « […]

oui, on va lui faire faire des liens. Admettons qu’elle a de la difficulté avec son

patron, on va essayer d’aller voir comment elle perçoit l’autorité dans toutes les

sphères de sa vie ».

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, faire une bonne évaluation

des sphères de vie du client est un aspect important à intégrer dans la pratique avec

les clients en épuisement professionnel puisqu’elle favorise la compréhension des

enjeux importants, mais aussi les liens entre chacune des sphères autant pour le

conseiller que pour le client.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Les C.O. nos 2, 5, 6 et 7 mentionnent utiliser une approche qui est en partie

systémique pour favoriser l’exploration des sphères de vie du client et

l’intervention avec les clients en situation d’épuisement professionnel.

159

Analyse des dynamiques relationnelles

L’analyse des dynamiques relationnelles fait référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’importance de comprendre comment la personne entre en relation avec

les autres et ses perceptions par rapport à cette dimension. Comme mentionné plus

tôt, selon les conseillers d’orientation interviewés, les conflits relationnels seraient

une des causes possibles du développement de l’épuisement professionnel. Pour la

C.O. no 8, « c’est d’être en mesure d’entrer en lien avec les autres, souvent c’est dans

le lien que c’est difficile. Dire non { un patron, comment on fait ça, mettre ses limites

ou avoir un espèce d’attitude politically correct ». Ainsi pour la C.O. no 5, « il va falloir

que la personne voit ses relations avec l’autorité différemment ». L’analyse des

dynamiques relationnelles et particulièrement les relations { l’autorité deviennent

donc importantes en consultation. Comme le souligne la C.O. no 7, c’est « […] amener

la personne { percevoir qu’il y a une constante dans sa façon de percevoir sa

relation { l’autre, qu’il soit patron, qu’il soit conjoint, elle comme parent, etc. La

façon de voir, percevoir l’autorité et la façon de percevoir une relation, il y a des

constantes ». Elle amène donc ses clients à faire des liens avec des interventions qui

parfois peuvent ressembler à ceci : « Réalises-tu que tu t’irrites dans la relation avec

ton conjoint de la même façon que tu t’irrites avec ton patron? ». Pour illustrer son

propos, elle propose l’exemple suivant :

[…] on a vu des changements avec la personne que je te disais qui me consultait au privé. Bien sa façon d’aborder sa réalité au travail était très imprégnée de sa perception de l’autorité. Son patron semblait être un patron autoritaire. Donc sa façon de céder à toutes les demandes de son patron, { réagir { la moindre erreur qu’il fait parce que son patron réagit, { se sentir coupable, responsable puis tout ça, c’est aussi très imbriqué dans la relation avec son propre père, dont sa perception de l’autorité de son père, la nécessité de se rendre irréprochable aux yeux de son père, etc. (C.O. no 7)

Pour la C.O. no 8, il est même intéressant de retourner dans le passé de la personne

pour mieux comprendre les dynamiques relationnelles, notamment en milieu

scolaire :

160

[…] c’est gros comme ça : quelqu’un qui a vécu le rejet dans son enfance, { l’école […] parce que le marché du travail, c’est la même maudite patente sauf qu’on est dans le monde des grands. Mais toi, tu es petit de même encore dans ton cœur face au marché du travail, puis l’employeur, ce n’est pas ton professeur, c’est toute une analogie. (C.O. no 8)

Ainsi, selon ces trois conseillères d’orientation, l’analyse des dynamiques

relationnelles permet de mieux comprendre les difficultés des clients en situation

d’épuisement professionnel et leurs incapacités { s’affirmer.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 8 propose l’utilisation de l’approche interpersonnelle de la dépression

pour travailler cette dimension. Elle mentionne : « Ça va travailler sur les relations

que tu as avec les gens. Par exemple, on va se poser tout le temps la question : est-ce

que tu sens que je te comprends? Qu’est-ce que tu penses que je comprends de toi?

C’est des reformulations comme ça pour se comprendre parce que c’est

extrêmement difficile, on peut se parler puis se raboutiner des affaires, mais se

comprendre réellement, ce n’est vraiment pas évident ».

4.5.2 Interventions sur le plan des émotions

L’importance d’intervenir sur le plan des émotions des clients a été soulignée par

plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet

de faire ressortir particulièrement le thème suivant :

161

Tableau 19

Thème émergeant et définition opératoire concernant l’intervention sur le plan des

émotions avec les clients en situation d’épuisement professionnel

Thème émergeant Définition opératoire

Favoriser l’expression des

émotions

Importance d’encourager et de laisser les clients

exprimer les émotions ressenties en lien avec

l’épuisement professionnel.

Favoriser l’expression des émotions

Favoriser l’expression des émotions fait référence, dans le cadre de cette analyse, {

l’importance, lors des consultations, d’encourager et de laisser les clients exprimer

les émotions ressenties en lien avec l’épuisement professionnel. Pour la C.O. no 2, il

ne fait aucun doute « […] qu’il y a une expression des émotions aussi, { encourager

la personne à en parler, à faire sortir l’émotion qui est en-dessous ». Pour la C.O.

no 7, dont l’approche psychogénétique oriente la pratique, l’importance d’accéder {

l’émotion est aussi présente : « […] on l’amène { faire des liens qui font en sorte que

ça touche le cerveau droit, cette intervention-là. Ça touche le ressenti, ça touche le

sens et c’est ce qui permet le changement. Ce n’est pas une approche qui est

rationnelle, c’est une approche qui touche l’émotion ». Cet avis est également

partagé par le C.O. no 6 qui mentionne :

[…] pour s’orienter et prendre des décisions éclairées, il faut accéder au ressenti. […] Quand tu n’as pas accès { la dimension émotionnelle, émotive, pour toutes sortes de raisons, ton processus de prise de décisions ne peut être efficace. Tu as besoin de tes émotions pour prendre des décisions, c’est fondamental. (C.O. no 6)

Également, pour la C.O. no 3, l’accompagnement se fait aussi dans les deuils : « […]

dans l’épuisement, il y a une partie de deuil { faire de l’homme ou de la femme que

tu étais avant […] alors pour moi, c’est de l’amener { faire des deuils ». La C.O. no 7

162

partage aussi cette opinion en soulignant « […] qu’il y a un deuil, un lâcher prise qui

doit se faire ».

Donc en résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, étant donné que les

clients en situation d’épuisement vivent beaucoup de souffrances, il est donc

important de favoriser l’expression des émotions pour favoriser les deuils et la prise

de décision par la suite.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Pour le C.O. no 6, l’utilisation de l’approche émotivo-rationnelle est privilégiée : « Je

mise beaucoup sur les émotions et les rationnaliser ». Pour la C.O. no 3, l’utilisation

des cycles du deuil est également utile dans sa pratique avec les clients en

épuisement professionnel, particulièrement pour cette dimension.

4.5.3 Interventions sur le plan des cognitions

L’importance d’intervenir sur le plan des cognitions a également été soulignée par

plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet

de faire ressortir particulièrement les cinq thèmes présentés dans le tableau

suivant :

163

Tableau 20

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant l’intervention sur le plan

des cognitions avec les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Distinction des

responsabilités

Importance d’analyser les événements qui se sont

produits pour bien départager la responsabilité de

l’individu et celle de l’environnement.

Recherche de sens Importance de donner une nouvelle signification

aux événements et de reconnecter la personne avec

ses passions, pour réduire le sentiment de

culpabilité des clients et augmenter le niveau

d’énergie.

Connaissance de soi Importance d’amener le client à mieux se connaître

pour favoriser certains changements de perception

et mieux envisager ses besoins futurs.

Valorisation des forces et

des compétences

Importance de refléter aux clients ses capacités et

ses compétences pour lui permettre de reprendre

un peu plus de confiance en lui-même.

Amélioration des capacités

d’affirmation

Importance d’aider le client { améliorer ses

habiletés et sa confiance à exprimer ses besoins et

ses limites en contexte de travail.

Distinction des responsabilités

Les interventions visant la distinction des responsabilités font référence, dans le

cadre de cette analyse, { l’importance d’analyser les événements qui se sont

produits pour bien départager la responsabilité de l’individu et celle de

l’environnement. Pour ce faire, le C.O. no 4 propose de discuter des facteurs

d’insatisfaction dans le but de départager les responsabilités : « […] d’essayer de

164

démêler un petit peu qui est le client et qui est l’expérience, puis c’est quoi les

responsabilités de chacun. Il faut qu’ils aient une perspective un petit peu plus

ouverte sur les événements ». L’importance de faire cette distinction de

responsabilités est également abordée par la C.O. no 2 lorsqu’elle mentionne :

Est-ce que je m’attribue ce qui se passe { moi-même ou est-ce que j’attribue ça { l’environnement ? C’est souvent d’ailleurs la première question qu’on va me poser : je viens te voir parce je sais pas ce qui se passe, je sais pas où est le problème, qui a le problème ? Quel est le problème ? Donc on a beaucoup à faire cette distinction là. (C.O. # 2)

Plus précisément, la C.O. no 5 propose de répondre de cette façon aux clients : « […]

on va regarder ce qui s’est passé, par rapport { toi. C’est quoi ta responsabilité, la

responsabilité de ton environnement et ça se peut que ça ne soit pas le travail en lui-

même mais l’environnement. Donc tu pourrais faire le même travail mais ailleurs ».

Dans certains cas, le client réalisera ses propres responsabilités, comme le souligne

le C.O. no 6 : « La plupart des gens, le travail qu’on fait, les amène { revoir ce qu’ils

ont fait et de le voir de différents angles, puis ils sont en mesure de dire : oui, j’avais

peut-être une part finalement face à mon malheur professionnel ou académique ».

Pour le C.O. no 1, cela fait aussi partie du rôle du conseiller d’orientation, lorsque

pertinent, que de refléter à la personne ses mauvais fonctionnements qui

contribuent { l’aggravation du problème : « […] refléter à la personne ses mauvais

fonctionnements ou ses croyances non fonctionnelles. C’est toujours de tabler là-

dessus, puis faire du recadrage, puis se donner un plan de match pour dire comment

tu pourrais vivre de façon saine ton travail ». En d’autres circonstances, le fait de

rejeter en grande partie la responsabilité sur l’entreprise, selon la C.O. no 8, aide à la

déculpabilisation des clients : « […] le milieu dans le burnout est selon moi à 70 %

important, on touche à quelque chose là. Puis ils en sortent déculpabilisés et c’est

mon objectif de les déculpabiliser : voil{ c’est le meilleur employé que j’ai ici. Ils

sortent, puis ils sont plus légers ».

165

En résumé, selon ces six conseillers d’orientation, il est important de revenir sur les

événements pour bien distinguer les responsabilités de chacun et au besoin, faire

certaines interventions par rapport aux mauvais fonctionnements du client.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Pour favoriser l’intervention auprès de cette dimension, la C.O. no 2 et le C.O. no 6

utilisent les concepts de Julian Rotter sur les systèmes d’attribution, soit les locus de

contrôle interne et externe.

Recherche de sens

Les interventions visant la recherche de sens font référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’importance de donner une nouvelle signification aux événements et de

reconnecter la personne avec ses passions, pour réduire le sentiment de culpabilité

des clients et augmenter le niveau d’énergie. Comme le mentionne la C.O. no 5, le but

de cette intervention est « […] d’enlever toute la culpabilité aussi que les gens

vivent : j’ai pas été capable de faire ça, je ne suis pas bon. […] Comment on peut

donner un sens à ce qui est arrivé : le fameux un mal pour un bien? ». Avec l’aide

d’un exemple, elle précise { nouveau l’importance de réinterpréter les événements

et une façon d’y donner un nouveau sens :

[…] si on perd quelqu’un de cher, bien ceux qui s’en sortent le mieux, c’est ceux qui vont donner un sens { ça, qui vont en faire quelque chose. C’est un peu ça que j’essaie de dire aussi aux clients finalement, qu’ils arrivent à trouver un sens à ce qui leur est arrivé. Ce n’est pas juste une catastrophe. Sur le moment, c’était une catastrophe, […] au contraire, ça pourrait bien améliorer ta situation par rapport à avant. (C.O. no 5)

La C.O. no 7 aborde aussi l’importance de donner un nouveau sens { l’expérience :

« On l’amène à restructurer sa pensée pour aborder sa réalité différemment. Mais

c’est une approche qui touche beaucoup le sens, […] on va toucher le sens { travers

166

les liens qu’on va faire avec la personne dans l’ensemble de son expérience ». Le C.O.

no 1 partage le même point de vue concernant la recherche d’un nouveau sens :

C’est permettre { la personne de revisiter les nouvelles significations, c’est-à-dire où est-ce qu’elle donne des nouvelles significations? Où est-ce que sa job avait une signification qui est rendue une ancienne signification? Puis, elle a besoin de donner une nouvelle signification à la suite de sa carrière. (C.O. no 1)

La C.O. no 8 propose quant { elle d’aborder la question de l’épuisement

professionnel sous l’angle de la transition de carrière parce que cela procure du sens

à ses clients : « […] parce que toutes les personnes que je rencontre sont en

transition. Quand je leur parle de transition, ca résonne beaucoup ». La recherche de

sens, c’est aussi d’essayer de reconnecter la personne { ses passions les plus

importantes, comme le souligne de nouveau la C.O. no 3 : « Alors pour moi,

quelqu’un qui a un épuisement, c’est toujours de trouver c’est quoi ses passions,

c’est quoi ses vibrations, qu’est-ce qui le fait vibrer pour le raccrocher à ca ». À ce

sujet, le C.O. no 1 ajoute :

[…] moi, l’approche que j’ai, c’est d’aller vers ce qui vitalise la personne, ce qui la dynamise. C’est comme ça que je remets en piste la personne. Il est où le plaisir? Où il était dans ta vie? Est-ce qu’il y en a encore dans le présent? […] J’essaie de me servir de toutes les pistes dynamisantes pour ressusciter la vie chez cette personne-là. (C.O. no 1)

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, il y a lieu de faire des

interventions pour aider les clients { trouver un nouveau sens { l’expérience vécue

et à leur vie en général, et ce, en lien avec ce qui les passionne et les vitalise. Cela

favorise la déculpabilisation du client et la transition vers des pensées plus positives

qui leur redonnent plus d’énergie.

167

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Le C.O. no 1 mentionne utiliser l’approche de la psychosynthèse de Roberto

Assagioli. Il propose aussi l’utilisation de l’approche par la santé d’Yvon St-Arnaud :

« C’est une approche par la santé, ce n’est pas une approche par la blessure, donc on

se sert du plaisir qui pousse en arrière pour favoriser la guérison ».

La C.O. no 8 propose quant à elle la lecture du livre Tant d’hiver au cœur du

changement de Michèle Roberge, qui est un essai sur la nature des transitions de vie.

La C.O. no 2 propose de son côté la lecture de quelques livres de Boris Cyrulnik sur le

concept de la résilience : « […] je trouve que Cyrulnik écrit tellement bien là-dessus,

sur la force intérieure que l’on possède mais souvent insoupçonnée ». Elle propose

aussi, pour travailler cette dimension, l’exercice suivant : « […] sur une feuille, au

centre, identifie-moi quels sont les stresseurs dans ta vie présentement et autour,

quelles sont les sources d’énergie que tu peux aller chercher dans ta vie ».

Enfin, la C.O. no 3 propose un exercice d’écriture pour faire réaliser aux clients que

tout n’est pas noir dans leurs journées, dans leurs semaines : « Alors je leur

demande d’écrire, qu’ils expliquent un peu c’est quoi la journée, c’est quoi les points

positifs de la journée et c’est quoi les points qu’ils auraient aimé qui soient

différents, et qu’est-ce qu’ils auraient pu faire de façon différente, […] pour leur

permettre de voir qu’ils peuvent avoir du contrôle et qu’{ la fin de la semaine, ce

n’est pas aussi noir qu’ils pensent »

Connaissance de soi

Favoriser la connaissance de soi du client fait référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’importance en intervention d’amener le client { mieux se connaître pour

favoriser certains changements de perception et mieux envisager ses besoins futurs.

168

Pour le C.O. no 6, la connaissance de soi est un aspect de l’intervention qui est

important avec les clients en situation d’épuisement professionnel :

Les 4-5 premières rencontres, on va décortiquer un peu au microscope, morceau par morceau ta personnalité, tes valeurs, tes aptitudes, tes défis personnels, tes angles morts. Le but, c’est de bien décortiquer ta personnalité; […] les morceaux, ils se résument dans une synthèse d’ensemble que lui-même (le client) crée. […] Et l{, on part et on revient, et dans un cas de burnout, vois-tu en quoi dans ton travail qu’il y a des choses qui s’y retrouvent l{-dedans ou pas, qui manquaient. (C.O. no 6)

À cela, le C.O. no 1 ajoute qu’il « […] essaie d’amener la personne { prendre

conscience de ses différents besoins, puis à dire que chaque besoin a sa place ». Pour

la C.O. no 5, l’utilisation de l’Épreuve Groupement, en lien avec l’approche

psychogénétique, fournit de grandes indications sur l’aspect identitaire de la

personne, ce qui favorise ses interventions sur la connaissance de soi des clients :

« […] je vais m’en servir pour aller voir dans l’aspect identitaire ce qui a provoqué

ou qui fait que la personne aujourd’hui est en épuisement professionnel ou qu’elle

est en train de s’en sortir. » L’importance de clarifier la structure identitaire du

client est également soulignée par la C.O. no 7 :

[…] si on ne se construit pas au niveau identitaire différemment, bien la problématique va rester sur d’autres plans de la vie, […] c’est donc d’intervenir sur la perception des choses pour amener la personne à changer sa structure identitaire, { la modifier pour qu’elle aborde sa réalité autrement. (C.O. no 7)

La C.O. no 5 aborde aussi la notion de changement. Elle estime qu’une modification

psychologique doit se faire pour aider le client { ne pas revivre d’autres situations

d’épuisement professionnel dans le futur : « C’est de trouver ce que tu as à faire pour

que ça ne recommence pas dans un an, deux ans, dix ans. Alors, on est plus en

profondeur, psychologiquement. Finalement, c’est essayer de modifier des choses

pour la personne ». Pour la C.O. no 3, ce changement se fait surtout sur le plan des

valeurs :

169

C’est que les valeurs changent, […] il y en a que c’est le prestige, la reconnaissance, l’argent, l’ambition, puis là, les valeurs changent. En tout cas moi, je vois beaucoup de transformation au niveau des valeurs. La super workaholic, celle qui est partout, qui dit oui partout, c’est plus ça, les valeurs, la classification, l’ordre d’importance qui prennent un rôle différent. (C.O. no 3)

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, favoriser la connaissance de

soi du client est un moyen d’intervention utile qui permet aux clients de mieux

comprendre les événements et d’éviter que cela se reproduise de nouveau.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Comme mentionné plus tôt, les C.O. nos 5 et 7 proposent l’utilisation de l’approche

psychogénétique élaborée par Luc Bégin.

Aussi, la C.O. no 3 mentionne utiliser les travaux de Danielle Riverin-Simard sur les

trajectoires de carrière pour mieux comprendre les changements sur le plan des

valeurs.

Valorisation des forces et des compétences

La valorisation des forces et des compétences du client fait référence, dans le cadre

de cette analyse, { l’importance de refléter aux clients ses capacités et ses

compétences pour lui permettre de reprendre un peu plus de confiance en lui-

même. Étant donné que les clients en situation d’épuisement professionnel ont

tendance à perdre confiance, la valorisation des forces devient importante, comme

le souligne la C.O. no 2 : « Mettre l’accent davantage sur ce qu’elle a réussi parce que

souvent cette personne-l{ va avoir des yeux ouverts sur ce qu’elle n’a pas, sur ce

qu’elle a raté, et les yeux fermés sur ce qu’elle a ». Pour la C.O. no 3, c’est aussi un

aspect important de son intervention :

170

Bien c’est sûr que les premières rencontres, je travaille beaucoup sur l’estime, la confiance, la réappropriation de ses forces, de ses qualités, de ses bons coups, […] je leur demande beaucoup d’écrire, puis de se rappeler dans quoi elles étaient bonnes, qu’est-ce que les gens ont dit d’elles et tout ça. Les réalisations, les accomplissements, les fiertés, alors je travaille beaucoup sur la réappropriation de leur propre estime. (C.O. no 3)

Elle ajoute également qu’elle fait des liens avec l’historique de la personne : « […] le

ramener à voir ça et ce que tu vis présentement en lien avec toutes les forces du

client dans son histoire de vie ». Mais souvent, comme le souligne de nouveau la C.O.

no 3, les clients ont l’impression d’avoir perdu leurs compétences, ce qui nécessite

un recadrage, donc de les « […] ramener { dire : regarde ça, c’est l{, c’est encore l{

(ta compétence), personne ne te l’a enlevée. Ce n’est pas parce que tu as tombé que

c’est perdu, que c’est parti et inexistant ». Les clients ont parfois même l’impression

qu’ils ne seront plus capables de travailler pour une autre entreprise : « Il n’y a pas

un employeur qui va vouloir de moi ». Le but est donc « […] de travailler sur leurs

croyances erronées, leurs perceptions erronées, sur comment ils voient les choses »,

comme le souligne encore une fois la C.O. no 3. Les propos de la C.O. no 5 vont aussi

dans le même sens lorsqu’elle mentionne qu’il s’agit « d’arriver { leur faire

retrouver un niveau d’estime de soi acceptable ou suffisant pour partir. Donc ça,

c’est plus moi souvent qui travaille quand je leur dis qu’ils sont bons dans quelque

chose, que ce sont de belles personnes, qu’ils sont biens ». Ainsi, pour cette même

conseillère d’orientation, il faut éviter « […] d’appuyer constamment sur ce qui n’a

pas fonctionné ou ce qui ne fonctionne pas chez eux ». Enfin, pour le C.O. no 1, il peut

même être intéressant d’amener une personne { se donner une valeur

indépendamment de sa performance : « […] c’est de belles interventions en

orientation, d’amener la personne { se donner une valeur sur d’autres bases que son

rendement ».

Donc, { la teneur des propos de ces quatre conseillers d’orientation, le fait de

reconnecter le client avec ses forces et ses compétences favorise une

171

réappropriation de sa confiance et de son estime de soi et facilite le rétablissement

de la personne.

Amélioration des capacités d’affirmation

L’amélioration des capacités d’affirmation fait référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’importance d’aider le client { améliorer ses habiletés et sa confiance

dans l’expression de ses besoins et de ses limites en contexte de travail. Comme le

mentionne la C.O. no 7, il est important d’aider les clients { prendre leur place en

entreprise et à exprimer leurs besoins :

C’est sûr que l’entreprise peut être exigeante en terme de rendement, en terme de performance, mais si l’individu ne prend pas sa place face { l’entreprise, si l’individu ne se perçoit pas en situation de pouvoir prendre sa place, d’exprimer des besoins, bien à ce moment-là, nous on va travailler sur cette portion-l{. Parce que l’entreprise, on n’y a pas accès, on va travailler avec l’individu. (C.O. no 7)

La C.O. no 2 partage également cet avis. Elle accompagne aussi ses clients sur le plan

de l’affirmation de soi : « Et un gros travail à faire sur le plan de l’affirmation de soi.

Comme je te disais tantôt, aller demander de l’aide, poser des limites parce souvent

ces personnes-là sont très en demande ». Comme le précise la C.O. no 3, pour

certains clients, c’est un gros changement que d’être capables d’exprimer leurs

besoins et leurs limites : « Pour eux, apprendre à dire non, à se mettre des limites, à

clarifier leurs objectifs, { clarifier les attentes de l’employeur, { s’occuper de leur

carré de sable et de dire moi, je vais travailler ça, ils apprennent beaucoup, ça c’est

un gros changement ». Pour le C.O. no 6, son intervention vise aussi l’autonomie et

l’affirmation du client :

[…] alors je fais beaucoup plus un travail de responsabilisation face { mon savoir, s’affirmer dans ce qui va, dans ce qui ne va pas, négocier des compromis, etc. […] Il y a un grand pan de mon travail que je fais avec mes clients là-dessus, la plupart de mes outils orientent le client

172

vers une responsabilisation accrue de son mieux-être au travail. (C.O. no 6)

Également, la C.O. no 5 souligne que les difficultés d’affirmation peuvent se travailler

à même la relation avec le client. Elle mentionne d’ailleurs que « c’est l{ (dans le

bureau) où il y a le plus d’impacts ». Elle ajoute : « Quand je leur dis : arrête d’être

gentil et de dire oui, oui; c’est plein de petites affaires et ça finit par rentrer dans

leur tête. C’est comme ça, le travail d’affirmation ».

En résumé, selon ces cinq conseillers d’orientation, il est important d’aider les

clients à renforcer leurs capacités d’exprimer leurs besoins et leurs limites pour

favoriser une meilleure adaptation en général.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Pour la C.O. no 8, l’utilisation du modèle de Jacques Salomé sur l’affirmation de soi

dans le livre Comment ne plus vivre sur la planète taire influence sa pratique. Elle

mentionne : « J’utilise beaucoup son modèle pour s’affirmer puis pour parler aux

autres ». Elle propose également la lecture du livre Des jeux et des hommes d’Eric

Berne sur l’analyse transactionnelle et la théorie des rapports sociaux.

4.5.4 Interventions sur le plan des comportements

L’importance d’intervenir sur le plan des comportements a aussi été soulignée par

plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet

de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau

suivant :

173

Tableau 21

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant l’intervention sur le plan

des comportements avec les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Favoriser les activités

physiques et les loisirs

Importance d’inciter le client { reprendre des

activités qui lui procurent du bien-être physique et

psychologique pour améliorer sa santé.

Favoriser les relations

sociales

Importance d’encourager les clients { entrer en

contact avec des gens afin de briser l’isolement et la

solitude.

Favoriser les activités physiques et les loisirs

L’incitation { faire des activités physiques et des loisirs fait référence, dans le cadre

de cette analyse, { l’importance d’inciter le client { reprendre des activités qui lui

procurent du bien-être physique et psychologique pour améliorer sa santé.

Certaines personnes, en raison de l’épuisement professionnel, ont arrêté de faire des

activités qui leur apportaient du bonheur. Pour le C.O. no 4, il faut poser la question :

« Est-ce que ça te manque? Oui, à quel degré? Donc si cela a un sens pour eux,

puisqu’ils reconnaissent que c’est important, je vais l’introduire dans ma

démarche ». La C.O. no 5 intègre aussi cet aspect à sa démarche avec certains clients.

Elle mentionne :

Il y en a à qui je vais faire faire des devoirs et il y en a à qui au contraire, je vais dire : pas de devoirs, tu ne penses à rien, t’arrêtes de penser tout le temps, va t’amuser. Même la notion de plaisir, il faut souvent la réintégrer dans leur vie. Alors ça peut être des prescriptions de plaisir. (C.O. no 5)

174

Également, elle mentionne : « Souvent, je vais leur dire : il faut bouger, n’importe

quoi. Si vous n’avez pas d’argent, bien allez marcher, l’hiver, allez faire du patin ».

Même chose pour la C.O. no 2 qui mentionne :

[…] ce que je vais souvent leur dire : n’attends pas d’avoir le goût d’aller dehors pour y aller, n’attends pas d’avoir le goût d’aller prendre une marche parce que tu n’auras pas le goût de le faire. Tu n’as pas le goût de prendre une marche : t’en prends une pareil, […] le corps va tranquillement avoir le goût d’aller dehors, il y a une activation au niveau du corps. (C.O. no 2)

Toutefois, comme le précise à nouveau la C.O. no 2, certains clients sont réticents au

départ, il faut donc procéder graduellement : « Souvent des loisirs qui

tranquillement émergent tout d’un coup, mais ça, ce n’est pas du premier coup par

exemple. On travaille fort pour en arriver là, pour aller identifier ce qui te ferait du

bien […] et c’est vraiment, par moment, 24 heures { la fois ». La C.O. no 3 favorise elle

aussi une activation du client : « Je peux les laisser mais un moment donné, c’est : on

va recommencer à marcher, je ne te demande pas de faire un marathon là, mais on

va apprendre au moins à recommencer à marcher et après, on va faire du pas un peu

plus rapide […], surtout ceux qui n’arrêtent pas de dormir ». Pour d’autres clients,

principalement ceux en pré-épuisement, ce n’est pas tant de les inciter que de les

encourager à continuer, comme le souligne le C.O. no 1 :

Il y a des gens qui spontanément vont quand même faire de l’exercice physique, puis ils vont se maintenir parce qu’ils savent que s’ils arrêtent de faire de l’exercice, le fond du baril les attend à vitesse grand V et il n’en est pas question. Ils vont nager, ils vont au gym, ils vont courir, ils vont faire du vélo, ils savent que même s’ils sont fatigués, ils savent que justement le physique empêche le psychologique de chuter trop bas. (C.O. no 1)

Enfin, comme le souligne le C.O. no 4, certains clients ont même la perception qu’ils

ne peuvent plus se permettre de partir en vacances, étant donné qu’ils sont en arrêt

de travail :

175

Bien c’est bizarre, mais il y en a plusieurs qui pensent que le fait d’être sur une police d’assurance invalidité, privée ou publique, qu’ils n’ont pas le droit d’aller en vacances. Alors tout { coup, ils ont éliminé les vacances de leur vécu alors que c’est nulle part comme ça. Mais eux autres, ils ont vraiment cru que c’était comme ça. (C.O. no 4)

En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, pour favoriser un regain sur

le plan de la santé physique et psychologique des clients, il est important, pour eux,

d’inciter les clients { reprendre des activités qui leur procurent un bien-être.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

Le C.O. no 4 propose l’utilisation de l’approche centrée sur les solutions : « Donc

pour moi, la dynamique de l’épuisement professionnel, c’est une problématique qui

a besoin d’être approchée avec cette perspective-là pour augmenter justement les

facteurs de proactivité chez mes clients ».

Favoriser les relations sociales

Le fait de favoriser les relations sociales fait référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’importance d’encourager les clients { entrer en contact avec des gens

afin de briser l’isolement et la solitude. Comme le souligne la C.O. no 2, le fait

d’inciter les clients à rester en contact avec leur entourage aide à contrer l’isolement

et le silence : « […] je vais travailler sur l’isolement et le silence de la personne parce

que souvent, cette personne-là va être portée { s’isoler, par honte, par culpabilité

parce qu’elle ne se trouve pas intéressante, elle n’a rien à dire. Donc, on travaille là-

dessus, sur l’importance de rester en relation significative avec les gens ». Pour ce

faire, elle ajoute qu’il est important « […] d’identifier les personnes avec qui tu

pourrais entrouvrir là-dessus. Donc il y a beaucoup à travailler sur le plan

relationnel ». L’incitation { entrer en relation avec les autres est une intervention

effectuée également par la C.O. no 3 : « […] je les ramène { entrer en relation avec

des amis qu’ils ont mis de côté, des collègues de travail qu’ils aiment et qu’ils veulent

176

reprendre ». Toutefois, pour ce qui est de l’incitation { faire du bénévolat pour

briser l’isolement, la C.O. no 5 exprime une mise en garde :

Le bénévolat aussi. Mais généralement, le bénévolat, les gens n’aiment pas trop ça. Non, il y a encore un côté : je vais donner pour rien, je vais encore me faire avoir. Ils sont encore trop là-dedans. Ça, c’est plus tard. Il faut avoir la capacité de voir le bénévolat comme étant une façon de s’investir dans la vie, mais sur le moment, ça fait trop. (C.O. no 5)

En résumé, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incitation { conserver des

relations sociales aide { contrer la tendance { l’isolement et { la solitude des clients

en situation d’épuisement professionnel.

4.5.5 Réintégration ou réorientation

Selon les conseillers d’orientation interviewés, lorsque l’état de santé du client en

épuisement professionnel va s’améliorer et le permettra, des interventions seront

nécessaires pour préparer la suite des événements. L’analyse des entrevues permet

de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau

suivant :

Tableau 22

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la réintégration ou la

réorientation { la suite d’un épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Planification et soutien :

retour au travail

Accompagnement offert aux clients qui décident de

retourner à leur ancien milieu de travail à la suite

d’un épuisement professionnel.

Planification et soutien :

réorientation

Accompagnement offert aux clients qui décident de

ne pas retourner à leur ancien milieu de travail à la

suite d’un épuisement professionnel.

177

Planification et soutien : retour au travail

La planification et le soutien quant au retour au travail fait référence, dans le cadre

de cette analyse, { l’accompagnement offert aux clients qui décident de retourner {

leur ancien milieu de travail { la suite d’un épuisement professionnel. Pour

plusieurs des conseillers d’orientation interviewés, après avoir identifié ce qui ne

fonctionnait pas, il faut aussi envisager la réadaptation lors du retour au travail. Le

C.O. no 4 souligne :

Tous ces facteurs-là de base, satisfaction et insatisfaction, positionnement face à chacun, recontextualisation, quelle est la stratégie maintenant par rapport à telle personne, tel collègue, tel emploi et tout, c’est ce qu’on va retravailler ensemble. […] Comment vont-ils s’intégrer finalement, est-ce le même mandat? A-t-il été modifié? Est-ce du temps partiel? Est-ce du temps plein? […] Le boss, c’est quoi l’ouverture par rapport { ça? Toi, comment tu vas réagir si ton boss ne change pas? Comment ça va t’affecter la prochaine fois qu’il va lever son ton de voix? (C.O. no 4)

On parle donc d’aide { la réintégration et au maintien, comme le souligne ce même

conseiller :

Parfois aussi, l’aspect de l’intégration et du maintien, comment tu vas faire pour te préparer? Assure-toi que c’est le même mandat. Y a-t-il quelque chose qui a changé là? Les relations de travail? Ça fait trois mois que les gens ne te voient pas, comment tu vas faire pour aller les saluer, qu’est-ce que tu vas leur dire? (C.O. no 4)

De plus, comme le précise la C.O. no 7, il y a deux côtés à la médaille : « Il faut soit

que tu prennes ta place face { ton employeur pour l’inciter { des changements ou

toi, tu changes ta façon d’aborder ton travail. Il faut que tu laisses tomber. Donc l{, tu

prends le risque de ne plus être irréprochable, c’est l{ qu’on situe l’intervention ». La

C.O. no 8 partage cette idée que parfois, les clients doivent eux-mêmes modifier leurs

comportements. Elle cite en exemple la situation d’une de ses clientes face { un

patron exigeant :

178

Là, elle a pris sa distance émotive, elle est retournée au travail, ça va bien, mais elle est détachée. Elle ferme la porte de son bureau, elle donne de bons services aux clients, mais elle se préoccupe de juste donner le petit os au boss, donc les statistiques nécessaires, puis après ça, elle ferme sa porte et elle fait ses affaires. (C.O. no 8)

Également, pour faciliter l’adaptation en milieu de travail, la C.O. no 7 propose même

d’accompagner les clients durant la période de retour au travail afin que le travail

effectué lors des rencontres individuelles prenne tout son sens :

[…] quand je vois des gens en intervention durant une période d’épuisement professionnel, ce que je leur suggère, c’est un accompagnement au moment où ils retournent au travail; […] c’est important, c’est même nécessaire que l’intervention se fasse au moment du retour au travail. […] C’est l{ que l’expérience prend du sens parce que là, ils se revoient dans le pattern d’aborder le travail. (C.O. no 7)

Le C.O. no 1 propose même d’accompagner le client en médiation avec l’employeur :

« J’ai déj{ fait de la médiation avec un employeur; c’est arrivé une fois que j’ai été

avec le client rencontrer l’employeur. Nous étions les trois assis, puis je leur ai

permis les deux de se parler parce qu’il voulait revenir chez son employeur, mais

pas configurer la job de la même façon ». Le C.O. no 6 intègre quant à lui la notion de

coaching :

[…] par exemple, lorsqu’ils arrivent { l’évaluation annuelle du rendement, le patron arrive avec sa grille, souvent c’est { sens unique vers la grille. Mais moi, je coache mes clients dorénavant; lors de tes évaluations annuelles, tu vas arriver avec ça et tu vas aussi avoir ton mot { dire sur ce qui fait ton affaire, ce qui ne le fait pas et voir s’il peut y avoir des compromis possibles. (C.O. no 6)

Le C.O. no 4 aussi intervient sous forme de coaching : « Plus on va avancer, plus ça va

devenir du coaching qui va avoir tendance à dire : tu dis que tu veux réaliser ça,

comment on va s’y prendre? Qu’est-ce que tu vas faire? C’est quoi le délai que tu te

donnes pour réaliser cet objectif-là? Carrément du plan d’action { ce moment-là ».

179

Ainsi, { la lumière des propos de ces cinq conseillers d’orientation, la préparation et

le soutien lors du retour au travail est une intervention importante dans le

processus d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

Le coaching et la médiation sont des moyens proposés pour faciliter la réadaptation

du client en milieu de travail.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 8 propose, pour faciliter le retour au travail, l’utilisation de techniques

d’hypnose. Elle mentionne : « Je vais faire l’hypnose par exemple dans des cas où la

personne va se sentir reject dans un milieu de travail. On va utiliser l’imaginaire, le

cerveau droit pour travailler sur la perception de ce qui se passe autour, changer la

perception des choses pour qu’elle ait une réponse différente ».

Planification et soutien : réorientation

La planification et le soutien à la réorientation fait référence, dans le cadre de cette

analyse, { l’accompagnement offert aux clients qui décident de ne pas retourner {

leur ancien milieu de travail { la suite d’un épuisement professionnel. Comme le

souligne la C.O. no 3, parfois l’environnement de travail ne convient tout simplement

plus : « J’ai des gens, qui font beaucoup de burnouts, qui viennent de compagnies où

les présidents font des millions et des milliards { cause que c’est des compagnies

d’actionnaires et tout ça l{. Il y en a pas mal qui disent : je suis tanné de travailler

pour que lui fasse des millions et il n’est jamais satisfait ». Comme le mentionne le

C.O. no 4, parfois la meilleure solution pour le client, c’est de changer

d’environnement de travail : « Si c’est vraiment non, il y a tellement de facteurs

d’insatisfaction, on sait très bien que ça vient avec le terrain, comme par exemple le

droit corporatif, les heures de fou, typologie A, tout le monde se défonce. […] Bien là

change de domaine à ce moment-là, ça devient plus facile ». Et comme le précise la

C.O. no 3, une fois que la décision est prise de changer d’environnement de travail,

180

« alors ça demande de réidentifier des environnements de travail qui peuvent mieux

leur correspondre ». Il y a aura donc des distinctions à faire :

[…] au niveau du type d’organisation, type de secteurs d’activité puis après, au niveau du type de poste de travail, […] le type de responsabilités qu’ils veulent faire, c’est quoi les compétences qu’ils veulent actualiser, qu’ils veulent mettre plus de l’avant, puis certaines qui ne peuvent plus exercer. (C.O. no 3)

Dans cette même optique, le C.O. no 4 mentionne qu’il incite les clients { se préparer

des questions pour s’assurer de ne pas retrouver des facteurs d’insatisfaction dans

le prochain milieu de travail :

[…] si la personne ne réintègre pas le travail, elle a tendance à se faire une liste de facteurs non négociables pour le futur. Donc elle va littéralement se préparer pour aller en entrevue, puis littéralement sortir des questions qu’elle aura préalablement préparées pour analyser quel type d’environnement de travail. Comment ça fonctionne les collègues? C’est quoi la philosophie de l’entreprise au niveau des ressources humaines? (C.O. no 4)

La C.O. no 8 ajoute qu’elle discute de plusieurs questions concernant la recherche

d’emploi et ses particularités : « […] on décortique une offre d’emploi pour ne pas se

faire prendre pour un autre panier de crabes. Comment on justifie un arrêt de

travail dans un CV, dans une entrevue d’embauche? » La C.O. no 3 propose même

d’inciter les clients à entrer en contact avec des futurs employeurs : « Je les amène

aussi des fois, tout dépendamment d’où ils sont rendus, je les amène à contacter les

employeurs pour poser des questions sur le métier et le travail pour voir s’ils se

verraient vraiment dans ça, […] pour leur permettre d’être en contact avec la

réalité ».

Donc en résumé, selon ces trois conseillers d’orientation, il est aussi important

d’accompagner les clients dans leurs démarches de réorientation et de recherche

d’un environnement de travail plus propice, compte tenu de leurs critères

importants.

181

4.5.6 Autres stratégies d’intervention

Parmi l’ensemble des propos recueillis par les conseillers d’orientation interviewés,

il ressort aussi d’autres stratégies d’interventions possibles pour aider les clients en

situation d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire

ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau suivant :

Tableau 23

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les autres stratégies

d’interventions possibles avec les clients en situation d’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Interventions de groupe Formes différentes d’intervention pouvant être

utilisées et qui aident à briser l’isolement et la

solitude des clients en situation d’épuisement

professionnel.

Références et coopération

entre professionnels

Possibilité de travailler en collaboration avec

d’autres professionnels pour mieux servir les

clients en situation d’épuisement professionnel.

Interventions de groupe

Les interventions de groupe font référence, dans le cadre de cette analyse, à des

formes différentes d’intervention pouvant être utilisées avec les clients en situation

d’épuisement professionnel qui aident à briser l’isolement et la solitude. Deux des

huit conseillers d’orientation interviewés ont mentionné utiliser cette forme

d’intervention avec des clients en situation d’épuisement professionnel. La C.O.

no 2 souligne :

Je crois beaucoup aux groupes, […] particulièrement pour des personnes qui sont en épuisement. Comme je te disais tantôt, comme ils

182

souffrent beaucoup de solitude, souffrent beaucoup de rester en silence, la honte, la culpabilité, je trouve que c’est intéressant de faire rencontrer ces personnes-là, de travailler ensemble. (C.O. no 2)

Pour la C.O. no 8, les interventions de groupe sont aussi des occasions d’observer les

clients en interaction avec les autres :

[…] c’est que tu vois les gens interagir, donc là tu vois des fois quelque chose, parce que tant que le client te parle dans ton bureau, disons un tel c’est un maudit, mais là quand tu le vois interagir avec le groupe, tu fais ah ok, là je le vois le bug, tu peux le rattraper, c’est drôle j’ai vu ta dynamique. Tu peux reprendre ça en individuel après parce que c’est important le comportement social. (C.O. no 8)

Pour elle, c’est aussi une occasion de ne pas répéter constamment les mêmes

informations pertinentes pour des clients en épuisement professionnel. Elle

mentionne à ce sujet :

[…] j’ai monté les groupes parce que je trouvais que gestion du stress, les effets du changement, qu’est-ce qu’on dit { un employeur après un burnout et tout ça, fallait que je le vois, c’était quelque chose que je répétais d’une personne { l’autre. Puis tiens, je vais le dire en groupe un moment donné, il va se dire plus d’affaires, puis tout le monde va avoir la même information, puis de toute façon, tout le monde a besoin de ces informations-là quand on est en burnout. (C.O. no 8)

Ainsi, selon ces deux conseillères d’orientation, les interventions de groupe peuvent

être des moyens efficaces pour briser l’isolement des clients, observer leurs façons

d’interagir avec les autres et augmenter la quantité d’informations partagées avec

les clients.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 8 propose l’utilisation du MBTI (Myers-Briggs Type Indicator) en atelier

de groupe : « Je fais passer le MBTI et puis dans le MBTI, je mets les I et les E d’un

bord. Puis là, je les confronte, je leur demande : qu’est-ce que vous n’aimez pas des

183

I? Comment que c’est un E et qu’est-ce que ça fait? Votre ancien patron, vous pensiez

que c’était quoi? […] Quand ils se confrontent comme ça, ça les aide { se connaître, {

se voir et à voir la différence des autres ».

La C.O. no 2 mentionne utiliser le dessin automatique comme activité de groupe. Elle

précise : « Je travaille beaucoup comme ça, à questionner le dessin, je travaille

beaucoup avec l’abstrait ». Elle mentionne également : « […] il y a une partie où je

vais mettre les personnes en atelier, c’est-à-dire qu’ils vont travailler { partir d’eux-

mêmes, donc soit une visualisation, soit une mise en situation, puis ensuite il va y

avoir un échange en sous-groupes, un échange en grand groupe. À ça, je vais

accrocher des notions, par exemple l’attribution interne ou externe; les gens aiment

bien ça quand on parle de ça ».

Références et coopération entre professionnels

Favoriser la référence et la coopération entre professionnels fait référence, dans le

cadre de cette analyse, { la possibilité de travailler en collaboration avec d’autres

professionnels pour mieux servir les clients en situation d’épuisement

professionnel. Pour des clients en situation d’épuisement professionnel, cela débute

souvent par l’incitation à consulter un médecin, particulièrement pour des clients

qui ont pris, eux-mêmes, l’initiative de consulter. Le C.O. no 4 souligne :

Parmi cette clientèle-là, il y a un pourcentage quand même faible qui est vraiment proche d’un burnout. Et là, dans ce pourcentage-là, peut-être qu’ils sont en épuisement professionnel ou en dépression, et nous, on pose la question : est-ce que tu es suivi par un médecin? S’ils ne le sont pas, bien à ce moment-là, on leur dit : selon moi, ce que tu essayes de faire en ce moment, ça semble déjà ardu, […] peut-être que le timing n’est pas bon pour l’instant si tu exclus l’aspect de voir ton médecin, pour que tu aies une autre perspective en même temps. (C.O. no 4)

L’incitation { consulter un médecin est également partagée par la C.O. no 7 qui

mentionne : « Un, quand quelqu’un nous arrive dans un état de grande fatigue puis

184

de stress, tout de suite on demande un bilan médical. On l’incite { consulter au

niveau médical pour avoir un bilan parce qu’il peut y avoir d’autres composantes

physiques qui sont associées à ça ». Et dans certaines situations, lorsque l’anxiété est

très élevée, la prise de médication, sous forme d’antidépresseurs, peut être

encouragée : « […] on l’incite { suivre les recommandations du médecin, leur dire

qu’on va les suivre, que ce n’est pas une situation qui est permanente, que ça va être

temporaire, que ça se peut que ça s’échelonne sur un an mais après ça, il va y avoir

un sevrage graduel ». Mais comme le précise cette même conseillère, les gens ont

parfois peur des antidépresseurs malgré leur nécessité :

Souvent, ça fait plusieurs fois que leur médecin leur parle d’antidépresseurs puis qu’ils refusent. […] Les gens ont peur d’embarquer sur les antidépresseurs, mais on sent très bien que s’ils n’ont pas un support pharmacologique, ils vont glisser; […] si cette pression-là ne baisse pas après quelques rencontres, bien là il faut passer { l’intervention d’une médication qui va faire en sorte de stabiliser l’anxiété. (C.O. no 7)

Pour le C.O. no 4, la rencontre avec le médecin peut même faire l’objet de

questionnements et de préparation avec le client :

Puis aussi le médical, s’il y a des symptômes secondaires de la médication qui viennent les empêcher d’avancer, bien comment tu vas gérer ta prochaine rencontre à ce moment-là? Est-ce que tu vois que ton dosage doit augmenter? Est-ce que tu parles de ça? Des fois, il y a des gens qui ne parlent pas, ils sont très obéissants. (C.O. no 4)

Également, la référence peut également se faire auprès d’un psychologue. Comme le

mentionne le C.O. no 6, si le problème est lié à une problématique de personnalité

trop importante, « […] ils ont la consigne d’aller voir un psy, puis c’est l{ que mon

mandat entre counseling et psychothérapie est très clair pour moi ». La collaboration

avec les psychologues est aussi encouragée par la C.O. no 8 : « Des fois le

psychologue va travailler un trouble particulier, un trouble anxieux, l’anxiété

généralisée intense; […] je pourrais le faire mais si elle a un psychologue, je vais lui

laisser. […] Au pire on s’appelle la psychologue et moi, on peut travailler de

185

concert ». En matière de collaboration, elle mentionne aussi travailler { l’occasion

avec des travailleurs sociaux :

Je travaille avec des travailleurs sociaux aussi; moi, je n’ai pas de problèmes avec ça. Travailleur social, c’est plus social, ils vont travailler sur le réseau, ils vont travailler pour faire sortir la personne de son cocon puis tout ça, et moi, je suis la correspondance avec le marché du travail. (C.O. no 8)

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, pour s’assurer de servir le

mieux possible les clients, les références aux médecins, aux psychologues et aux

autres professionnels pertinents peuvent être complémentaires et favoriser le

rétablissement.

4.6 Difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation

Les conseillers d’orientation interviewés ont fait part de certaines difficultés

rencontrées avec les clients en situation d’épuisement professionnel. L’analyse des

entrevues permet de faire ressortir particulièrement les six thèmes présentés dans

le tableau suivant :

186

Tableau 24

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les difficultés rencontrées

par les conseillers d’orientation avec les clients en situation d’épuisement

professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Incapacité d’introspection

des clients

Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation en lien avec des clients qui présentent

une fermeture sur les plans psychologique et

émotif.

Difficultés financières des

clients

Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation en lien avec l’incapacité des clients {

débourser les frais de consultation due à une

situation financière précaire.

Exigences élevées des

clients

Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation en lien avec des clients exigeants sur

les plans de la rapidité du processus et des

solutions possibles.

Passivité des clients Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation en lien avec des clients inactifs.

Longueur des processus Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation en lien avec la durée des processus

avec des clients en situation d’épuisement

professionnel.

Temps accordé Difficultés éprouvées par les conseillers

d’orientation dues au manque de temps pour

intervenir avec les clients en situation

d’épuisement professionnel.

187

Incapacité d’introspection des clients

L’incapacité d’introspection des clients fait référence, dans le cadre de cette analyse,

aux difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients qui

présentent une fermeture sur les plans psychologique et émotif. Le C.O. no 6

mentionne la difficulté de discuter de certains aspects plus douloureux pour le

client : « C’est des gens qui sont tellement dans leur malaise que le retour à soi est

difficile : je ne peux pas aller là, ça fait trop mal. […] Alors ça va être difficile dans le

sens où il faut que je les gagne à ce travail-là, et je suis sûr que ça va les aider, donc

ça demande une finesse plus grande ». Certains clients vont même tenter de nier les

événements pour ne pas aborder la souffrance intérieure, comme le souligne la C.O.

no 2 :

L{ où j’ai de la difficulté, ce n’est pas juste en épuisement, mais c’est notable en épuisement : la négation. Quand pour moi ça pète l’écran que c’est ça et que la personne dit non, non, non. La négation des événements ou la négation des choses, ça, j’avoue que ça me fait travailler beaucoup. C’est sûr qu’au tout début, c’est pour moi souvent une période de résistance énorme, il y a beaucoup de résistance à ce moment-là, donc entrer dans un passage où ça résiste, ça demande beaucoup, pour moi, beaucoup d’énergie d’entrer là. (C.O. no 2)

La C.O. no 8 partage aussi ce point de vue concernant le déni de la part des clients :

« Bien, les difficultés rencontrées sont quand les personnes ne se voient pas, qu’elles

n’ont pas de regard sur elles, puis quand tu leur retournes leur miroir, tu leur dis

des affaires, elles ne le prennent pas ou elles le prennent mal. Ça c’est difficile, ça

n’arrive pas souvent, mais ça arrive ». La négation des événements devient aussi un

frein { l’intervention et { la relation thérapeutique, comme le précise la C.O. no 7 :

[…] une personne qui est dans l’hyperengagement au travail est beaucoup, aussi, dans une dynamique de trouver difficile d’établir une relation d’intimité. Donc de nous laisser approcher, de nous laisser démontrer notre appréciation, notre affection envers elle, c’est toujours des gens qui vont bloquer; c’est souvent, pas toujours, c’est souvent des

188

gens qui vont bloquer, qui vont mettre une distance; puis c’est percer ces petits filtres l{ qui s’installent qui est souvent difficile. (C.O. no 7)

Mais comme le précise la C.O. no 5, parfois, le client ne permet tout simplement pas

d’entrer vers une introspection plus profonde : « C’est sûr que des fois, les clients ne

rentrent pas là-dedans, ils ne veulent rien savoir de ça. Ça, c’est mes limites ». La C.O.

no 7 précise également que l’accent doit malgré tout être mis sur la relation et que le

succès de l’intervention en dépend : « […] le succès d’une intervention, le succès

d’une psychothérapie, c’est la relation plus que l’approche. Moi, c’est comme ça que

je le vois. Il y a des gens qui ne sont pas prêts à permettre à cette relation-là de

s’installer. C’est l{ que sont nos limites malgré toute la bonne volonté qu’on a ».

Ainsi, devant l’incapacité de certains clients { faire une introspection sur le plan des

émotions, et les difficultés que cela crée en intervention, les approches cognitives

seront mieux adaptées, selon la C.O. no 5 :

On va utiliser le cognitif avec des personnes qui sont très rationnelles. Il y a des gens, si je leur parle de relations, d’eux, de moi, ils paniquent un peu. Ça ne marche pas, il y a quelque chose, ils vont rationnaliser, me demandent : mais qu’est-ce que je fais? Qu’est-ce que je veux? Les gens inquiets, anxieux et rationnels, si je les approche par quelque chose de psychogénétique, établir le lien de confiance et y aller avec ses relations supposons, il ne me suivra pas. Il va paniquer même. Ça peut faire paniquer. Alors, le cognitif, c’est plus j’ai un argument, tu as un argument et on s’explique nos arguments. (C.O. no 5)

Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, lorsque le client ne permet pas la

relation et évite l’introspection, cela vient nuire { la qualité des interventions, ce qui

devient parfois une difficulté dans le processus d’accompagnement des clients en

situation d’épuisement professionnel.

Difficultés financières des clients

Les difficultés financières des clients font référence, dans le cadre de cette analyse,

aux difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec l’incapacité

189

des clients à débourser les frais de consultation, incapacité due à une situation

financière précaire. Comme le souligne le C.O. no 1, le client n’a pas toujours les

moyens de payer pour plusieurs rencontres avec un conseiller d’orientation :

Mais la réponse, c’est que c’est dur de faire une job adéquate, c’est toujours une limitation par les finances; […] le client qui vient te voir des fois, lui selon ses finances, il va te dire : je suis capable de me payer cinq rencontres avec toi. […] Lorsque les personnes viennent me voir, le psy et le conseiller d’orientation combinés, ça fait des sous. (C.O. no 1)

La réalité financière est un enjeu difficile en consultation, comme le précise aussi la

C.O. no 2 :

L’autre chose que je te dirais, c’est qu’un moment donné, on touche { de l’impuissance, je suis face { quelqu’un qui est insécure financièrement, puis elle a raison. Elle a raison. Des personnes qui arrivent, notamment la plupart de ceux qui arrivent du secteur privé, ils n’ont rien, ils n’ont pas de filets de sécurité, […] travailleurs autonomes, ils n’ont rien, aucune sécurité financière s’ils n’ont pas un petit bas de laine. Et puis l{, on ne sait pas combien de temps la personne va être dysfonctionnelle, on ne sait pas. Puis là, c’est sûr que la pression, c’est : sors-moi vite de là, sors-moi vite de là parce que moi, je n’ai plus de sous. (C.O. no 2)

De plus, dans certains milieux, comme pour ce qui est de la clientèle des organismes

communautaires par exemple, les clients ont peu d’argent, comme le précise la C.O.

no 5 : « Parce que souvent, je vois des clients ici qui n’ont pas d’argent. Dans le privé,

ils en ont plus mais ici, ils n’en ont pas beaucoup ». Enfin, la C.O. no 7 ajoute qu’il

serait aussi intéressant dans certains cas, d’accompagner les clients pendant la

phase de retour au travail, mais souvent l’aspect financier influence aussi la

décision : « […] s’ils veulent poursuivre la démarche, oui. Il y en a que c’est une

question monétaire, il y en a que c’est une question de programme d’aide, ce n’est

pas toujours permis ».

190

En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, le manque d’argent des clients

devient parfois un frein au processus d’accompagnement et en bout de ligne, cela

influence l’efficacité de l’intervention.

Exigences élevées des clients

Les exigences élevées des clients font référence, dans le cadre de cette analyse, aux

difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients

exigeants sur les plans de la rapidité du processus et des solutions possibles. Comme

le mentionnent plusieurs des conseillers d’orientation interviewés, certains clients

en situation d’épuisement professionnel entretiennent des idées irréalistes en

matière d’accompagnement. La C.O. no 7 souligne : « Il y a des gens qui envisagent

difficilement le fait de s’arrêter, donc pour eux c’est : guéris-moi dans une semaine

parce que dans deux semaines, il faut que je sois retourné au travail. Ils sont dans

cette forme d’irréalisme l{ ». Le même point de vue est exprimé par le C.O. no 1

concernant les processus d’orientation : « […] il y a des gens pour qui ça devrait se

faire en une rencontre, peut-être deux ». Cela entraîne une impatience chez certains

clients qui souhaitent des résultats rapides, comme le mentionne la C.O. no 7 :

[…] il faut prendre le temps; des gens qui sont performants, ils vont te dire : ça fait trois fois que je viens te voir puis je ne vois pas de changements. Donc de freiner cette impatience-là de résultats; […] il y a des gens qui ne réagissent pas très bien à cette approche-là, puis qui vont vouloir aller vers quelqu’un qui va leur dire quoi faire, parce que c’est plus insécurisant. (C.O. no 7)

Comme le mentionne le C.O. no 1, certains clients s’attendent { des réponses sans

ambiguïté :

Des fois, ça n’arrive pas souvent, mais les personnes peuvent être exigeantes dans le sens qu’elles viennent ici et elles s’attendent { avoir des réponses qu’eux-mêmes devraient fournir. Puis comme on ne fait pas de miracles, on accompagne la personne, mais il y a des gens qui s’attendent { avoir des réponses très précises, très claires. (C.O. no 1)

191

Toujours selon le C.O. no 1, parfois ils veulent même carrément être pris en charge :

« C’est bien beau faire des interventions pour leur redonner leur pouvoir, mais des

fois ils n’en veulent pas de pouvoir, ils sont à terre. Ils n’ont pas envie que je leur

dise comment se relever. Ils ne sont pas capables, ils veulent quelqu’un pour les

lever ». La situation des clients vient même exercer une pression qui est difficile à

soutenir, comme le souligne la C.O. no 2 :

[…] quand la personne tombe dans une insécurité financière et particulièrement si elle a des enfants à charge, ça je ne trouve pas ça évident. Ça met de la pression. Je suis portée à vouloir lui trouver une job vite et là, c’est toute la difficulté aussi comme conseiller en orientation; c’est comme si on a des fois la mission, on nous donne la mission de retrouver une job, une job très convenable, alors que ce n’est pas à moi de trouver. (C.O. no 2)

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, certains clients vont espérer

que les processus et les résultats soient rapides et que la prise en charge du

conseiller d’orientation soit complète. Ces pressions sont parfois difficiles { gérer

lors des rencontres avec ces clients.

Passivité des clients

La passivité des clients fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés

éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients inactifs. Pour

certains conseillers d’orientation, la passivité des clients est décevante lors des

consultations. Comme le mentionne le C.O. no 4, « c’est plate de voir que certains

clients ne s’activent pas; pas nécessairement difficile ». Il souligne : « De savoir que

j’ai quelqu’un qui a du potentiel devant moi, mais de voir qu’il est pris un petit peu

dans la perception qu’il ne sera pas capable ». Enfin, il précise :

Finalement, c’est quand c’est de la précontemplation, quand la précontemplation s’éternise, la personne ne veut rien savoir; ça c’est tough parce qu’ils sont assis dans la chaise, il n’y a rien qui les oblige à

192

être ici, donc il y a une action qui semble suggérer : je veux avancer, mais peut-être que c’est un masque aussi. (C.O. no 4)

La C.O. no 3 partage aussi cette opinion concernant la passivité des clients :

Mais moi, je trouve que la plupart de mes clients sont toujours dans le stade de contemplation ou de précontemplation. En contemplation, c’est oui, oui, je veux pour me faire plaisir, mais après quand tu regardes tous les non, pourquoi ils ne veulent pas passer { l’action, il y a tellement d’éléments qui leur font peur, qui sont souvent irréalistes, qui ne sont pas fondés. (C.O. no 3)

Comme elle le précise, « […] c’est plus confortable de rester sous la tutelle de la

compagnie d’assurances, alors ils ne veulent pas, alors ils essaient d’étirer la sauce

pour retarder ce retour sur le marché du travail ». Enfin, la passivité des clients est

aussi un élément souligné par la C.O. no 5. En réponse à la question concernant les

difficultés rencontrées avec la clientèle en épuisement professionnel, elle répond :

« Bien, leur passivité des fois est assez… (moment de silence), leur négativisme et

leur passivité ».

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, le fait que certains clients ne

s’activent pas, malgré une présence en consultation qui suggère une volonté de

changement, est pour eux décevant et demande un peu plus d’énergie que pour

d’autres clients plus proactifs.

Suggestions d’approches et d’outils d’intervention

La C.O. no 2 mentionne utiliser la théorie portant sur les motivations intrinsèques et

extrinsèques des clients selon Decy et Ryan.

Pour la C.O. no 3 et le C.O. no 4, l’utilisation du modèle de Prochaska inspire leur

pratique. Il offre des explications sur les étapes du changement de comportement

des clients. Il fournit également des explications sur le type de motivation du client.

193

Longueur des processus

La longueur des processus fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux

difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec la durée des

processus avec des clients en situation d’épuisement professionnel. Les processus

peuvent être assez longs, comme le souligne la C.O. no 5 : « […] c’est la longueur des

fois, la longueur de temps que ça peut prendre. Il faut être patient, reprendre chaque

chose, des fois c’est un peu long ». La C.O. no 8 précise que la durée des processus est

plus longue surtout quand le client ressent beaucoup d’anxiété : « […] quand

l’anxiété est au paroxysme, quand il y a beaucoup d’anxiété, c’est plus long; 9 mois,

mes processus durent en moyenne 6 mois, entre 3 et 6 mois, là quand je dépasse 6

mois, c’est long ». Enfin, la C.O. no 7 mentionne qu’il faut être patient avec ce type de

clientèle : « Il faut prendre le temps, il ne faut pas être avide de résultats. Donc

souvent avant de noter des progrès, avant de noter un changement, avant que la

personne lâche prise sur sa perception, il faut prendre le temps ».

Ainsi, { la lumière des propos de ces trois conseillères d’orientation, il faut être

patient parce que les processus avec les clients en situation d’épuisement

professionnel peuvent être plus longs.

Temps accordé

Le temps accordé fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés

éprouvées par les conseillers d’orientation et qui sont dues au manque de temps

pour intervenir avec les clients en situation d’épuisement professionnel. La difficulté

liée au manque de temps force les conseillers d’orientation { travailler plus

rapidement, comme le souligne la C.O. no 3 : « Mais c’est toujours le temps, parce que

nous, en orientation, on n’est pas comme les psychologues, eux peuvent prendre

sept ans à travailler; moi, je sais toujours que nous avons un temps restreint avec

nos clients, alors il faut que ça enclenche un moment donné ». Comme le mentionne

aussi le C.O. no 1, les conseillers d’orientation sont souvent limités par le temps qui

194

est accordé par les entreprises, particulièrement dans les programmes d’aide aux

employés :

[…] si c’est un programme d’aide aux employés, eux autres ils te limitent dans le temps. Certaines fois, exceptionnellement, tu peux extensionner mais habituellement, ils ne sont pas très chauds { l’idée, de façon générale. Pour un dossier d’assuré, je ne sais pas, supposons que le programme d’aide aux employés donne 20 heures de services, mais il y a quelqu’un qui fait l’évaluation des besoins et qui va dire : je donne huit heures au psychologue, six heures au conseiller d’orientation et trois heures en réadaptation. Ils jouent avec leur banque de temps, sinon si la personne veut prendre plus de temps, c’est à ses frais. (C.O. no 1)

Pour la C.O. no 3, le manque de temps devient parfois une préoccupation malgré

quelques exceptions : « […] moi, vu que je travaille beaucoup avec des références,

c’est toujours : vont-ils me laisser du temps? Mais là, ils me connaissent, ça fait

longtemps que je travaille avec les gens des assurances, la CSST, ils me connaissent,

ça fait 15 ans, ils me donnent carte blanche ». La difficulté, comme elle le mentionne,

est surtout liée aux références provenant des instances gouvernementales, en

l’occurrence Emploi-Québec :

Mais quand j’ai des dossiers Emploi-Québec, on est vraiment pris. Si moi, je ne suis pas capable de faire ma job en un mois et demi, bien c’est tout de suite j’alerte l’agent, il faut que tu le réfères à des ressources parce que moi, pour mon mandat, je manque de temps. (C.O. no 3)

En conclusion, selon ces deux conseillers d’orientation, le manque de temps est une

difficulté à laquelle ils font face avec la clientèle en épuisement professionnel, et ce,

particulièrement lorsque le client est référé par des programmes d’aide aux

employés et par Emploi-Québec.

195

4.7 Suggestions d’amélioration de la profession

Les conseillers d’orientation interviewés ont fait part de certaines suggestions en

matière d’amélioration de la profession de conseillers d’orientation, et ce, en lien

avec la problématique de l’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues

permet de faire ressortir particulièrement les quatre thèmes présentés dans le

tableau suivant :

Tableau 25

Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les suggestions

d’amélioration de la profession de conseillers d’orientation en lien avec

l’épuisement professionnel

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Valorisation de notre

spécialisation

Proposition de faire reconnaître les compétences

spécifiques des conseillers d’orientation en matière

d’intervention avec des gens en situation

d’épuisement professionnel.

Rôle de prévention Proposition d’augmenter les activités effectuées par

les conseillers d’orientation en matière de

prévention de l’épuisement professionnel.

Bonification des

connaissances

Proposition d’augmenter et de parfaire les

connaissances des conseillers d’orientation en

matière d’intervention avec des gens en situation

d’épuisement professionnel.

Favorisation de

regroupements

Proposition d’augmenter les échanges entre les

conseillers d’orientation concernant l’épuisement

professionnel, et ce, par le biais d’activités ou de

regroupements qui améliorent la concertation.

196

Valorisation de notre spécialisation

La valorisation de notre spécialisation fait référence, dans le cadre de cette analyse,

à la proposition de faire valoir les compétences spécifiques des conseillers

d’orientation en matière d’intervention avec des gens en situation d’épuisement

professionnel. Comme le mentionne la C.O. no 8, l’accompagnement des gens en

situation d’épuisement professionnel devrait être notre expertise :

Ça devrait être notre expertise parce qu’on est les spécialistes du milieu-personne; […] j’ai déj{ travaillé avec une psychologue, elle était compétente et c’était vraiment une bonne personne, [...] mais elle était individu-individu. Elle n’avait pas autant de placement que moi, pas parce que j’étais meilleure qu’elle, non, parce que moi, j’ai le marché du travail tout le temps en background, je pense toujours à ça, moi. (C.O. no 8)

Elle ajoute également un peu plus loin : « […] c’est notre créneau aux conseillers

d’orientation, absolument. On devrait être les spécialistes de l’épuisement

professionnel, les conseillers d’orientation ». Le C.O. no 1 croit aussi que les

conseillers d’orientation possèdent une expertise { faire valoir :

On est supposés être les spécialistes de la relation entre l’individu et l’environnement. Puis, si eux autres (psychologues) sont focalisés sur l’individu, les travailleurs sociaux sont focalisés sur l’environnement, nous autres on fait le merge entre les deux. Puis, le médecin, c’est plus l’environnement biologique de la personne. Donc nous autres, on est plus, on a plus une vision d’ensemble, il y a la personne mais il y a aussi l’environnement dans lequel la personne doit fonctionner; […] Je pense qu’elle est là notre spécificité. (C.O. no 1)

Et comme l’ajoute le C.O. no 4, « […] on est équipés pour ça, on a l’interface parfaite

entre le monde du travail et la psychologie ». De plus, la C.O. no 5 mentionne : « Il me

semble qu’on pourrait être des psychologues, mais reliés vraiment à des problèmes

de travail ». La C.O. no 3 va même jusqu’{ mentionner une certaine déception en lien

avec le manque d’affirmation des compétences des conseillers d’orientation :

197

[…] je ne peux pas croire qu’on se questionne encore sur le rôle du conseiller d’orientation pour les compagnies d’assurances. Mais voyons! On est aussi importants que dans les écoles. […] Ce que je déplore un peu de ma profession, c’est de prendre, d’être plus audacieux et d’affirmer dans quoi on est bons, […] et je crois que les conseillers d’orientation devraient être beaucoup plus présents et affirmatifs dans ce qu’ils peuvent faire. (C.O. no 3)

Également, comme le souligne la C.O. no 2, le conseiller d’orientation est le mieux

placé pour l’accompagnement lors de la réintégration sur le marché du travail :

[…] c’est eux qui vont aider une personne à se redéfinir éventuellement. C’est eux qui vont aider la personne aussi { identifier la place, le rôle qu’elle a le goût de jouer sur l’échiquier professionnel. C’est eux, je vois pas d’autres personnes que les conseillers d’orientation pour faire ça. […] L’épuisement, tu ne peux pas juste, comme je te disais tantôt, accompagner la personne dans son marasme primaire au tout début. Puis il y a tout le reste ensuite, la renaissance, c’est le conseiller d’orientation qui va accompagner ça, il n’y a personne d’autre. (C.O. no 2)

Il y a donc un travail de reconnaissance de la profession à faire particulièrement en

entreprise, comme le souligne le C.O. no 4 :

[…] oui, il y a déj{ certains conseillers d’orientation qui sont déj{ l{, mais c’est très limité en termes de reconnaissance de ce que les conseillers d’orientation peuvent faire dans le cadre d’un programme d’aide aux employés. On peut couvrir beaucoup plus large que les simples problèmes de gambling, d’alcoolisme, des troubles de santé mentale, ça peut aller beaucoup plus de l’avant. (C.O. no 4)

Selon lui, les conseillers d’orientation devraient bonifier les offres de services { la

population pour faire valoir leurs compétences :

Ils devraient arrêter d’être dans une chaise et attendre que le client vienne et eux trouver la façon d’aller dans le milieu de travail, faire des séminaires, de la communication, offrir des ressources puis at large, on est beaucoup trop dans notre petit bureau en train d’attendre que quelqu’un arrive. Ça, ce serait vraiment quelque chose d’extraordinaire. (C.O. no 4)

198

Toujours selon le C.O. no 4, l’affirmation de notre positionnement en matière

d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel devrait être

plus directe :

[…] c’est l’aspect d’être justement plus entreprenant, d’aller vers l’avant, vers les autres, dans la face des autres pour utiliser l’anglicisme in your face; on existe, voici ce qu’on est, voici le marché du travail, voici des ressources pour vous puis tout simplement maintenir un positionnement social utile comme ça, proactif envers les autres. (C.O. no 4)

Plus précisément, la C.O. no 3 propose de […] faire des démarches de gestion de

carrière { l’interne en entreprise. Moi, je trouve qu’un peu comme en France où tous

les employeurs font des bilans de compétences annuels, qu’on fasse des bilans de

compétences ». Le C.O. no 4 ajoute quant à lui :

Les gens sont isolés au travail, selon mon expérience à moi en tout cas; si j’ai déj{ entendu qu’un employé était capable d’aller cogner à la porte d’une personne des ressources humaines, de s’asseoir et de parler des vraies choses, ça remonte à très loin. La plupart des employés sont assez intelligents pour savoir qu’il y a un conflit d’intérêts quand tu vas aux ressources humaines; […] je pense que le terrain est l{ mais malheureusement peut-être, ce que je vois beaucoup pour nous, les conseillers d’orientation, on a tendance { toujours regarder l’Ordre […] alors c’est pour ça que ça ne fonctionne pas. (C.O. no 4)

Ainsi, à la lumière des suggestions de ces six conseillers d’orientation, les conseillers

d’orientation devraient développer des moyens pour faire valoir leurs compétences

spécifiques et leur expertise en matière d’accompagnement auprès de gens en

situation d’épuisement professionnel.

Rôle de prévention

Le rôle de prévention fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la proposition

d’augmenter les activités effectuées par les conseillers d’orientation en matière de

prévention de l’épuisement professionnel. Comme le souligne le C.O. no 6, le rôle des

199

conseillers d’orientation est important en matière de prévention de l’épuisement

professionnel :

[…] en termes de prévention du burnout, notre rôle est fondamental; […] ce n’est pas vrai que c’est juste les conseillers d’orientation qui vont sauver la situation, mais en guise de culture préventive, depuis qu’on est inscrits dans les professions de la santé au Québec, on est maintenant inscrits dans ce sous-chapeau là. (C.O. no 6)

La prévention de l’épuisement professionnel devrait se faire dans les entreprises,

comme le souligne le C.O. no 4, grâce à cette analogie :

Fondamentalement, un rôle de prévention; […] j’allais au secondaire, il y avait une infirmière qui était là quand les élèves avaient des bobos. Déjà, ils avaient prévu quelque chose pour un accident ou quelque chose qui se passait. On peut avoir un scénario semblable à ça dans les entreprises. (C.O. no 4)

Et comme le précise la C.O. no 3, c’est « […] essayer de travailler avec des

compagnies d’assurances puis rencontrer des entreprises privées, des employeurs,

c’est de travailler sur la prévention ». Enfin la C.O. no 2 propose elle aussi de faire

des activités de prévention sous forme de groupes dans les entreprises : « […] des

groupes pour des personnes qui souffrent d’épuisement et de prévention dans les

entreprises ». Elle ajoute également que « la prévention, ça pourrait se faire dans les

écoles. Je trouve que c’est une manière; les relations de travail, comment on installe

dans sa vie une relation de travail saine, me semble que ça s’enseigne { l’école, dans

une entreprise ».

En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la prévention de

l’épuisement professionnel est un rôle qui devrait être également assumé par les

conseillers d’orientation, et ce, particulièrement en milieu de travail.

200

Bonification des connaissances

La bonification des connaissances fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la

proposition d’augmenter et de parfaire les connaissances des conseillers

d’orientation en matière d’intervention avec des gens en situation d’épuisement

professionnel. Comme le soulèvent quelques-uns des conseillers d’orientation

interviewés, pour être certain que les conseillers d’orientation possèdent toutes les

connaissances nécessaires pour intervenir auprès de la clientèle en épuisement

professionnel, on devrait s’assurer de parfaire les connaissances de tous et chacun.

Pour le C.O. no 1, cela devrait faire partie des apprentissages en milieu scolaire :

« Seule chose que je peux dire, c’est que moi, j’insisterais pour ça fasse partie de la

formation de base, que ça fasse partie des cours de counseling de carrière. […] Me

semble que c’est quelque chose qui fait partie du kit de base. » Le C.O. no 6 suggère

quant à lui une révision des formations de base en fonction de la réalité du marché

du travail : « Je pense que nos formations de base ont un énorme et gros rôle à jouer

de refonte pour mieux arrimer la formation en fonction de la réalité de la pratique

de l’orientation, avec tout ce que cela implique, dont les problématiques clés. Pas

clés, mais fondamentales, cruciales ». Pour la C.O. no 2, l’acquisition de certaines

connaissances spécifiques doit être aussi favorisée :

Je me dis que ce serait intéressant et important que la personne connaisse un peu le DSM IV. […] Je te dirais de l’axe II et de l’axe I aussi. Quelqu’un qui se développe { travers ça une dépression majeure, il faut aussi accompagner ça. Et quelqu’un aussi qui a des troubles d’anxiété importants, il faut aussi accompagner ça. […] Sans nécessairement suivre une formation en psychothérapie complète, du moins aller chercher des perfectionnements pointus sur différentes notions d’accompagnement, notamment des combinaisons d’épuisement et de troubles pouvant survenir. (C.O. no 2)

Dans le même ordre d’idées, la C.O. no 5 propose aux conseillers d’orientation qui le

souhaitent, de suivre une formation en psychothérapie : « Bien ce serait à lui (le

conseiller d’orientation) de développer l’aspect psychothérapeutique si vraiment il

201

le souhaite, […] mais il y en a qui ne veulent rien savoir d’avoir une approche plus

psychologique ».

En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, il serait intéressant de

favoriser l’apprentissage des connaissances nécessaires pour accompagner des

clients en situation d’épuisement professionnel, autant pour les étudiants que pour

les conseillers d’orientation sur le marché du travail.

Favorisation de regroupements

La favorisation de regroupements fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la

proposition d’augmenter les échanges entre les conseillers d’orientation concernant

l’épuisement professionnel, et ce, par le biais d’activités ou de regroupements qui

améliorent la concertation. Pour le C.O. no 6, une proposition est d’augmenter le

nombre d’activités de codéveloppement : « Donc le partage, d’instaurer beaucoup

plus une culture d’échanges, plus de vase communiquant de nos pratiques ». La C.O.

no 8 partage le même point de vue : « C’est sûr que je prône le social, la solidarité, la

concertation et tout ça; mettre nos idées ensemble ». Et tout ça en mettant l’accent

sur la façon d’intégrer toutes ces connaissances dans la pratique, comme le souligne

le C.O. no 6 :

[…] on n’arrête pas de prendre des outils, on accumule des techniques oui, mais comment je fais sens de tout ça dans ma pratique? C’est ça que les conseillers d’orientation ont beaucoup besoin d’entendre aussi. […] Comment tu l’intègres dans ta pratique? Comment tu travailles avec tes clients? Dans nos colloques, il faudrait plus se parler entre nous de comment on travaille, de ce qu’on fait. (C.O. no 6)

Pour le C.O. no 4, on devrait même fonder une association professionnelle :

La fondation d’une association professionnelle des conseillers d’orientation. Puis pour les problèmes d’épuisement professionnel ou une proactivité au niveau du marché du travail, d’être très clairs. Ici, c’est des conseillers d’orientation qui se spécialisent pour le travail, pas

202

le scolaire. Pour le professionnel; puis vraiment agressifs avec une planification à long terme, 10 ans, parce qu’il faut changer les perceptions sociales. (C.O. no 4)

La C.O. no 8 partage cette idée : « C’est sûr que ça prendrait une association de

conseillers d’orientation. Un moment donné, il était question d’avoir une association

de tous les conseillers d’orientation puis finalement, l’idée est tombée { l’eau ».

En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, la concertation entre

conseillers d’orientation au sujet de la thématique de l’épuisement professionnel

devrait être augmentée. Ils suggèrent que cette concertation se fasse sous forme de

codéveloppement ou par la création d’une association professionnelle.

203

5. Discussion

L’analyse des huit entretiens qualitatifs a permis de dégager plusieurs observations

quant aux perceptions des conseillers d’orientation relativement { l’épuisement

professionnel. En comparaison avec les connaissances scientifiques contenues dans

le cadre conceptuel et la problématique de cette recherche, certaines similitudes et

divergences se dégagent des propos recueillis par les conseillers d’orientation

œuvrant auprès d’une clientèle en situation d’épuisement professionnel.

5.1 Les causes de l’épuisement professionnel

Le premier constat concerne la variété de causes observées par les conseillers

d’orientation influençant le développement de l’épuisement professionnel. Les

causes sont multiples et peuvent être autant individuelles, organisationnelles que

sociales. Ce constat de variété est identique aux conclusions de multiples recherches

scientifiques à ce sujet, conclusions présentées dans le premier chapitre de cette

recherche.

Facteurs individuels

Parmi les facteurs individuels les plus observés, le manque de confiance est celui qui

ressort le plus. Il est directement en lien avec les conclusions d’Alacorn et al. (2009)

et le faible niveau d’estime de soi comme trait de personnalité pouvant être

responsable du développement de l’épuisement professionnel. Les standards trop

élevés chez les clients en épuisement professionnel ont aussi été soulignés. Ces

observations soutiennent notamment les conclusions de Freudenberger (1987) et

son approche psychologique. Comme le souligne ce dernier, les gens les plus

idéalistes et perfectionnistes sont plus susceptibles de souffrir d’épuisement

professionnel (Ibid.). L’incongruence de sens entre la personne et son milieu de

travail fait également écho { l’approche existentialiste de Pines (1996). Comme elle

204

le souligne, l’échec d’une personne dans la quête visant à donner un sens à son

existence contribue au développement de l’épuisement professionnel (Ibid.). Les

conseillers d’orientation ont fait le même constat auprès de leurs clients. Ces

derniers se retrouvent souvent dans des milieux de travail qui ne rejoignent pas qui

ils sont, ce qui occasionne de la souffrance en bout de ligne. Les observations

concernant les influences externes et la peur de l’affirmation sont également très en

lien avec les conclusions de Laborit (1986) et son concept d’inhibition de l’action.

Plus précisément, les clients se sentent coincés entre l’insécurité de quitter leur

travail (fuite) à cause de certaines influences externes et l’incapacité de modifier

leurs conditions de travail (combattre) par peur de l’affirmation. Dans ces

conditions difficiles, ils vont prendre la décision d’endurer la situation nocive pour

leur santé. En d’autres mots, cela entraîne des comportements de passivité chez les

clients que Laborit (1986) nomme le concept de l’inhibition de l’action. Enfin,

l’importance qu’un individu accorde au travail a également été soulignée. Cette

observation soutient les conclusions de Vallerand (2010) concernant le surplus de

passion au travail comme étant une cause de l’épuisement professionnel. Ainsi,

quand le travail devient presque l’unique source de valorisation du client et que tout

s’écroule, les impacts sont bien réels selon les conseillers d’orientation interrogés.

Facteurs organisationnels

Les facteurs organisationnels observés chez les conseillers d’orientation interrogés

vont tous dans le même sens que les conclusions de Maslach (2008). Comme le

précise cette dernière, lorsque la charge de travail est trop élevée, les employés vont

ressentir de l’épuisement émotionnel et physique après un certain temps, ce qui

contribue directement au développement de l’épuisement professionnel (Ibid.) Les

conseillers d’orientation interviewés ont fait le même constat chez leurs clients sur

le plan des exigences élevées. Ils ont aussi observé que lorsque la gestion des

ressources humaines est inadéquate à l’intérieur de l’entreprise, cela contribue à

l’augmentation des situations problématiques, comme les conflits relationnels par

exemple, ou comme le mentionne Maslach (2008), le faible soutien social. La

205

mauvaise gestion des changements dans l’entreprise contribue également au

développement de l’épuisement professionnel, selon les conseillers d’orientation

interviewés. Cette mauvaise gestion des changements crée notamment des pertes de

contrôle sur le travail, des sentiments d’iniquité et des conflits de valeurs. Enfin,

toujours selon les conclusions de Maslach (2008), le manque de reconnaissance est

aussi un facteur organisationnel observé par les conseillers d’orientation

interviewés et ayant un lien avec l’épuisement professionnel.

Facteurs sociaux

Les influences macroéconomiques ont aussi été soulignées par les conseillers

d’orientation et vont dans le même sens que les conclusions de Schaufeli et

Enzmann (1998) concernant l’augmentation de la charge de travail dans la société

d’aujourd’hui. Toutefois, les conseillers d’orientation ont également souligné un

élément qui se distingue du cadre conceptuel, soit l’influence des codes sociaux

normatifs dans le développement de l’épuisement professionnel. Parmi les codes

sociaux normatifs, la valorisation de l’argent et la valorisation des postes de haut

niveau s’y retrouvent et seraient aussi des causes de l’épuisement professionnel.

Selon les conseillers d’orientation interviewés, ils influencent la prise de décision

des gens et les entraînent dans des professions inadaptées pour eux, ce qui favorise

l’augmentation de la détresse psychologique.

5.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel

Tout comme les conclusions des recherches scientifiques exposées plus tôt dans le

premier chapitre de cette recherche, les conseillers d’orientation ont observé de

nombreuses conséquences vécues par les clients en épuisement professionnel. En

comparaison avec les conséquences citées plus tôt, aucune n’est vraiment différente

de celles observées par Schaufeli et Enzmann (1998). Les incapacités cognitives, les

conséquences physiologiques (sommeil, alimentation), la perte de confiance en soi

206

ou même la passivité sont très présentes. Toutefois, selon les conseillers

d’orientation interviewés, certaines conséquences sont plus prédominantes que

d’autres. Selon eux, les sentiments de honte et de culpabilité, mais aussi les

sentiments d’inquiétude, d’angoisse et d’anxiété sont particulièrement présents

chez les clients en situation d’épuisement. Le phénomène de l’isolation a également

été très souvent observé par la majorité des conseillers d’orientation. De plus, ces

derniers attirent également l’attention sur la difficulté des clients à se projeter dans

l’avenir et sur une grande volonté de réorientation lors des consultations avec ces

clients, ce qui est relativement nouveau comme aspect.

Concernant la réaction de l’entourage familial, les résultats obtenus divergent

légèrement des conclusions de Maslach et Leiter (2008) qui soulignaient l’impact

négatif de l’épuisement professionnel sur la famille. En fait, selon plusieurs des

conseillers d’orientation interrogés, le noyau familial (conjoint(e), parents, grands-

parents, etc.) réagit relativement bien pour soutenir la personne en détresse

psychologique. Même que dans certaines situations, le congé pour invalidité est

salutaire et procure du temps supplémentaire pour vaquer à certaines tâches

familiales. Cette question pourrait { elle seule faire l’objet d’une autre recherche

pour vérifier l’impact réel de l’épuisement professionnel sur le noyau familial.

5.3 Diagnostics et pharmacothérapie

Contrairement à ce qui était énoncé au départ dans le cadre conceptuel, selon les

conseillers d’orientation interviewés, ce n’est pas tant le diagnostic du trouble de

l’adaptation avec humeur dépressive qui est majoritairement émis par les médecins

québécois. Le diagnostic qui semble le plus fréquemment observé est celui de la

dépression. Le trouble de l’adaptation, contrairement à la dépression, est une

réaction à un ou plusieurs facteurs de stress qui survient dans les trois derniers

mois de la vie du client (Mini DSM-IV-TR, 2004). Dans le cas de la dépression, la

durée est plus importante et les facteurs de stress, moins soudains. Lorsque

207

l’extension humeur dépressive est ajoutée, c’est pour rendre compte des sentiments

de désespoir du client dans certains cas (Ibid.). Mais comme le soulignent les

conseillers d’orientation interrogés, pour des raisons plus pratiques, permettant

notamment aux clients de rester plus longtemps en arrêt de travail et pour faciliter

les démarches auprès des compagnies d’assurances, des entreprises privées et des

instances gouvernementales, le diagnostic de dépression est le plus souvent

employé présentement par les médecins québécois.

Pour ce qui est de la prescription de médication pour traiter les symptômes de

l’épuisement professionnel, les observations des conseillers d’orientation

interviewés vont dans le même sens que les conclusions de Van Schaik et al. (2004),

c’est-à-dire que les médecins favorisent plutôt la prise d’antidépresseurs pour le

traitement de l’épuisement professionnel. Les conseillers d’orientation interrogés

ont observé que la majorité de leurs clients étaient sous médication lors des

consultations.

5.4 Le rôle des conseillers d’orientation

Les résultats obtenus soutiennent les propos suivants de Lafleur (1999) : « Certains

omnipraticiens peuvent assurer le suivi en psychothérapie, mais la plupart d’entre

eux préfèrent que leur patient consulte un psychiatre ou un psychologue » (p. 166).

Plus précisément, ce qui ressort des résultats, c’est effectivement la priorité de

référence qui est accordée aux psychologues pour le traitement de l’épuisement

professionnel au Québec. Les propos des conseillers d’orientation interviewés

soutiennent que les médecins, les compagnies d’assurances, les instances

gouvernementales et les entreprises privées vont préalablement référer la personne

en psychologie pour le traitement de l’épuisement professionnel. Le mandat qui est

accordé aux conseillers d’orientation en est un d’orientation, seulement après les

traitements psychologique et médical effectués par les psychologues, les psychiatres

et les médecins. C’est donc dire que le conseiller d’orientation se voit confier la

208

planification du retour au travail ou la réorientation, selon la décision que prendra

le client à la suite de son arrêt de travail. Seuls les conseillers d’orientation

accrédités en psychothérapie se voient confier des mandats de traitement. Ce

résultat est aussi en lien avec les autorisations gouvernementales concernant

l’évaluation des troubles mentaux, c’est-à-dire que seuls les conseillers d’orientation

possédant une formation supplémentaire en psychothérapie peuvent évaluer les

troubles mentaux, comme l’épuisement professionnel par exemple (Gouvernement

du Québec, 2009). Toutefois, lorsque les clients viennent consulter de leur propre

initiative, le constat est différent. Premièrement, ils peuvent être à différents stades

de l’épuisement professionnel, c’est-à-dire en pré-épuisement, en épuisement ou en

post-épuisement. Deuxièmement, les résultats obtenus démontrent que les

conseillers d’orientation ont développé un nombre considérable d’outils nécessaires

à l’accompagnement des gens en épuisement professionnel. La différence se situe

sur le plan de l’accréditation en psychothérapie; ceux qui possèdent l’accréditation

peuvent tout faire (psychothérapie, orientation, etc.), tandis que les autres

conseillers d’orientation vont référer, { l’occasion, les clients en psychologie, lorsque

les troubles psychologiques sont trop sévères. Toutefois, les résultats obtenus

démontrent que la majorité estime avoir les compétences spécifiques pour

intervenir sur le plan psychologique.

5.5 Stratégies d’intervention

Malgré le fait que la priorité de référence soit majoritairement accordée aux

psychologues, la présentation des résultats obtenus démontre que les conseillers

d’orientation ont développé plusieurs stratégies d’intervention adaptées aux gens

souffrant d’épuisement professionnel, et ce, autant en ce qui concerne ceux qui sont

accrédités en psychothérapie que ceux qui ne le sont pas. Sans aucune hésitation, les

conseillers d’orientation interviewés ont présenté les stratégies et les approches

qu’ils utilisent pour favoriser le rétablissement des clients épuisés. Le nombre

considérable de moyens présentés démontre que ces conseillers d’orientation sont

209

outillés pour ce genre de problématique. Ainsi, en comparaison avec les différentes

approches d’intervention individuelles, interactionnelles et organisationnelles

présentées dans le cadre conceptuel, il est possible de constater que les conseillers

d’orientation favorisent particulièrement les approches individuelles et

interactionnelles. En d’autres mots, les conseillers d’orientation rencontrés sont très

peu présents dans les entreprises. Les principales stratégies d’intervention vont se

faire en consultation individuelle avec les clients et de façon interactionnelle, c’est-à-

dire en considérant l’interaction de l’individu avec son milieu de travail, sans

toutefois se déplacer directement dans l’entreprise avec le client. Un seul des

conseillers d’orientation interviewés a mentionné avoir effectué un processus de

médiation avec l’employeur et le client, ce qui est très peu.

Stratégies d’intervention individuelles

Parmi les stratégies d’intervention individuelles détaillées dans le cadre conceptuel,

les conseillers d’orientation qui ont participé { cette recherche utilisent

principalement les stratégies suivantes : l’équilibre entre le travail et la vie privée, la

promotion d’une vie saine, la planification de carrière et la référence à des

traitements en pharmacothérapie au besoin. Plus précisément, en procédant à

l’évaluation des différentes sphères de vie du client, le conseiller d’orientation a

pour objectif de s’assurer que le client en épuisement professionnel n’est pas en

situation de surinvestissement, qu’il réussit { décompresser du stress au travail et

qu’il maintient, en bout de ligne, un équilibre entre le travail et la vie privée. Aussi,

en favorisant la reprise de loisirs et d’activités physiques et sociales, les conseillers

d’orientation visent la promotion d’une vie saine chez leurs clients. L’alimentation et

l’activité physique par exemple, sont de bons moyens, selon eux, pour faciliter le

sommeil et contrer l’isolement chez les clients en épuisement professionnel. La

planification de carrière est aussi une stratégie utilisée par les conseillers

d’orientation avec ce type de clientèle. Elle se fait de deux façons, soit par la

planification du retour au travail ou par la planification d’un changement d’emploi

ou de carrière. Le choix d’une stratégie ou d’une autre dépendra de ce que le client

210

prendra comme décision. Enfin, certains des conseillers interviewés n’hésitent pas {

référer aux médecins lorsque leurs clients ressentent tellement d’anxiété qu’un

traitement en pharmacothérapie s’avère complémentaire dans le processus

d’accompagnement. Ils reconnaissent que dans certaines situations, la

pharmacothérapie est utile et facilite tout le reste de la démarche avec des clients en

situation d’épuisement professionnel sévère.

Stratégies d’intervention interactionnelles

Pour ce qui est des stratégies d’intervention interactionnelles, c’est-à-dire les

stratégies qui tiennent compte de l’interaction entre l’individu et son

environnement de travail, les conseillers d’orientation interviewés mentionnent

utiliser l’entraînement des habiletés sociales, les techniques cognitives-

comportementales ainsi que certains éléments basés sur plusieurs approches

thérapeutiques différentes. L’analyse des dynamiques relationnelles, l’augmentation

des capacités d’affirmation des clients en milieu de travail et la planification du

retour au travail sont des moyens utilisés par les conseillers d’orientation pour

améliorer les habiletés sociales des clients. Selon eux, en étant en mesure de mieux

affirmer leurs besoins et leurs limites en milieu de travail, et ce, d’une façon plus

adaptée, les clients seront donc capables de créer et de maintenir des liens

professionnels plus significatifs avec les collègues et l’équipe de direction en

général. Également, les techniques cognitives-comportementales sont aussi utilisées

avec ce type de clientèle. Comme le spécifient Schaufeli et Enzmann (1998), cette

philosophie d’intervention est basée sur la modification de la perception cognitive

des stresseurs. Ainsi, en ciblant la distinction des responsabilités, la recherche de

sens et la planification du retour au travail, les conseillers d’orientation ont pour

objectifs de remettre les choses en perspective pour les clients et de modifier leurs

perceptions des événements stressants en milieu de travail. Enfin, les conseillers

d’orientation mentionnent aussi s’inspirer de plusieurs types de thérapies

différentes, mais sans jamais en mentionner une en particulier. En fait, selon les

résultats obtenus, les conseillers d’orientation interrogés utilisent plusieurs

211

éléments de différentes approches thérapeutiques, ce qui crée en bout de ligne une

approche éclectique.

Approche cognitive et comportementale

Plusieurs des techniques utilisées par les conseillers d’orientation sont cognitives et

peuvent être associées à différents éléments de la thérapie cognitive de Beck. La

réévaluation des croyances, des pensées et des comportements fait partie des

stratégies mises de l’avant par ces derniers pour accompagner les clients en

situation d’épuisement professionnel. L’exploration de l’historique de la personne et

des sphères de vie, les interventions visant la distinction des responsabilités, la

connaissance de soi, la valorisation des forces et des compétences et les

interventions de groupe sont tous des exemples de techniques cognitives visant à

aider les clients à modifier leurs perceptions des choses et des événements.

Approche systémique

Les conseillers d’orientation interviewés utilisent aussi une approche systémique

dans le traitement de l’épuisement professionnel, qui ressemble { l’approche

multimodale de Lazarus présentée par Jenkins et Palmer (2003). La ressemblance

vient du fait qu’ils partagent la croyance qu’une analyse de toutes les dimensions

doit être réalisée pour bien comprendre les causes et les conséquences de

l’épuisement professionnel chez les clients. En mettant l’accent sur l’exploration des

différentes sphères de vie du client et des liens entre chacune, les conseillers

d’orientation adoptent ainsi une approche systémique multidimensionnelle.

Approche existentialiste

Également, les propos recueillis auprès des conseillers d’orientation suggèrent une

prise en compte d’éléments en lien avec l’approche psychoanalytique-existentielle

proposée par Pines. L’aspect plus psychoanalytique, comme l’analyse des

212

expériences de jeunesse traumatisantes par exemple, n’est toutefois pas pris en

compte. En fait, c’est surtout l’approche existentialiste qui est mise de l’avant par les

conseillers d’orientation. Par l’exploration de l’historique du client (moments de

décision, expériences de travail, etc.) et grâce à des interventions visant la recherche

de sens, les conseillers d’orientation tentent de comprendre d’où provient la rupture

de sens chez le client en épuisement professionnel et comment le raccrocher de

nouveau { quelque chose d’énergisant et de stimulant.

Approche interpersonnelle

Aussi, les résultats démontrent l’utilisation d’une approche interpersonnelle qui

ressemble beaucoup à celle proposée par Weissman et al. (2000). L’analyse des

dynamiques relationnelles, l’amélioration des capacités d’affirmation, les

interventions de groupe et la planification du retour au travail sont des stratégies

d’intervention utilisées qui mettent l’accent sur l’analyse et l’ajustement sur le plan

des relations interpersonnelles.

Processus d’intervention

De plus, les résultats obtenus sont également en lien avec les conclusions du

programme néerlandais et de Bernier (1998) quant aux étapes du processus de

traitement des gens en situation d’épuisement professionnel. Plus précisément, la

relation d’aide et la réduction des symptômes physiques et émotionnels sont

également priorisées dans le traitement de l’épuisement professionnel. En

favorisant l’expression des émotions des clients, en priorisant la relation d’aide et en

effectuant des références aux médecins pour soulager les symptômes physiques de

l’épuisement professionnel, les conseillers d’orientation interviewés démontrent

l’importance qu’ils accordent au rétablissement de la santé du client avant même de

planifier le futur. Toutefois, contrairement au programme néerlandais,

l’accompagnement des clients, dans la majorité des cas, ne se fait pas lors du retour

au travail. Il est aussi possible de constater que les propos des conseillers

213

d’orientation interviewés vont dans le même sens que les conclusions de Lafleur

(1999). Comme le spécifie ce dernier, il faut prévoir deux processus de traitement

différents en fonction de l’ouverture des clients { prendre contact avec leur

souffrance. Les conseillers d’orientation ont mentionné avoir vécu de plus grandes

difficultés avec des clients qui avaient une incapacité d’introspection. Les approches

cognitives semblent donc être mieux adaptées lors de la rencontre avec ce type de

clients en situation d’épuisement professionnel.

Pour conclure, l’analyse des résultats obtenus, en comparaison avec les stratégies

d’intervention contenues dans le cadre conceptuel, démontre que les conseillers

d’orientation interviewés ont une approche éclectique en matière

d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel. Ils utilisent

plusieurs des éléments contenus dans les approches suivantes : cognitive-

comportementale, systémique, existentialiste et interpersonnelle. Les résultats

obtenus ont également démontré que les conseillers d’orientation interrogés visent

préalablement le rétablissement de la santé et s’ajustent en fonction de la capacité

d’introspection du client, ce qui est en lien avec les conclusions du programme

néerlandais, de Bernier (1998) et de Lafleur (1999) respectivement.

214

6. Conclusion

Pour bien conclure cette recherche qualitative, il est important de se rappeler la

question de recherche de départ, soit : comment les conseillers d’orientation

accompagnent les personnes en situation d’épuisement professionnel? Plus

spécifiquement, les objectifs de cette recherche consistaient en l’exploration du

point de vue subjectif des conseillers d’orientation quant à la nature de

l’épuisement professionnel (causes), au portrait de la clientèle (conséquences et

situation générale), aux stratégies d’intervention privilégiées et au rôle de ceux-ci

dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

6.1 Les apports de cette recherche

La réalisation de cette recherche a permis de fournir beaucoup d’éclaircissements

sur le point de vue des conseillers d’orientation quant au phénomène de

l’épuisement professionnel et particulièrement sur leur rôle et les stratégies

d’intervention privilégiées dans l’accompagnement des gens en situation

d’épuisement professionnel.

Éclaircissement des causes et des conséquences

Tout d’abord, le fait que les conseillers d’orientation interrogés aient observé que

les causes et les conséquences de l’épuisement professionnel sont multiples permet

de réaliser que l’épuisement professionnel n’est pas simplement la conséquence

d’un mauvais choix de carrière par exemple. Il peut être occasionné par de multiples

facteurs individuels, organisationnels et sociaux qui s’entrecroisent. Donc, le fait de

mieux comprendre les différentes causes et conséquences de l’épuisement

professionnel permet aussi de mieux comprendre les enjeux et les difficultés

possibles mais surtout, cela permet de mieux orienter les stratégies d’intervention

pour tenir compte de cette multiplicité.

215

Éclaircissement du rôle des conseillers d’orientation

Les résultats obtenus fournissent également un éclairage sur le rôle que jouent

présentement les conseillers d’orientation en lien avec la problématique de

l’épuisement professionnel. Tout d’abord, ils permettent d’appuyer les propos de

Lafleur (1999), c’est-à-dire qu’effectivement, les références pour le traitement de

l’épuisement professionnel se font majoritairement aux psychologues. Les résultats

obtenus permettent aussi de comprendre qu’il y a une distinction { faire entre les

conseillers d’orientation accrédités en psychothérapie et ceux qui ne le sont pas. Les

premiers se voient référer des mandats de traitement et d’orientation et les seconds,

seulement des mandats d’orientation. Donc effectivement, cela crée une confusion

dans la population quant au rôle des conseillers d’orientation dans

l’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel. Et pour ce qui

est des clients qui prennent eux-mêmes l’initiative de consulter, le constat est

sensiblement le même, c’est-à-dire que les conseillers d’orientation accrédités en

psychothérapie peuvent tout faire et les autres conseillers d’orientation vont parfois

référer en psychologie les gens ayant des troubles plus sévères. Toutefois,

accréditation en psychothérapie ou pas, les différentes techniques et approches

d’intervention décrites dans la présentation des résultats démontrent que les

conseillers d’orientation sont outillés pour l’accompagnement des clients en

situation d’épuisement professionnel. Ainsi, dans la pratique, les conseillers

d’orientation non accrédités accompagnent déjà, en grande partie, les clients qui

consultent par eux-mêmes pour un traitement psychologique de l’épuisement

professionnel, et ce, même si auprès des médecins, des compagnies d’assurances,

des entreprises privées et des institutions gouvernementales, leur rôle n’est pas

complètement reconnu à ce titre. Comme le soulignent les conseillers d’orientation

interviewés, beaucoup de travail reste à faire pour faire valoir auprès de l’opinion

publique les compétences spécifiques des conseillers d’orientation quant au

traitement de l’épuisement professionnel. Le réflexe dans la population demeure

préalablement la consultation d’un psychologue.

216

Exploration des stratégies d’intervention

Les résultats obtenus permettent également de comprendre que les conseillers

d’orientation interrogés ont développé de nombreux outils pour accompagner les

gens en situation d’épuisement professionnel. Cette recherche permet aussi de

réaliser qu’ils utilisent une approche éclectique, c’est-à-dire qu’ils utilisent plusieurs

éléments propres à différentes approches (cognitive-comportementale, systémique,

existentialiste et interpersonnelle). Mais par-dessus tout, cette recherche permet de

dresser un portrait somme toute assez exhaustif des stratégies d’intervention

utilisées par les conseillers d’orientation pour favoriser le rétablissement des

personnes en situation d’épuisement professionnel, ce qui est, en soi, un de ses plus

grands apports.

Difficultés rencontrées

Cette recherche a également permis d’explorer les différentes difficultés qui peuvent

survenir avec ce type de clientèle en épuisement professionnel. À cet égard, les

résultats démontrent que les incapacités d’introspection des clients, leurs difficultés

financières, leurs exigences élevées, leur passivité, la longueur des processus et le

peu de temps accordé par certains mandataires sont des difficultés que les

conseillers d’orientation rencontrent avec ce type de clientèle. La connaissance de

ces difficultés peut être un bon moyen, pour tous les professionnels qui souhaitent

œuvrer avec des clients en épuisement professionnel, d’ajuster les stratégies

d’intervention.

Volonté de développement

Les confusions observées concernant le rôle des conseillers d’orientation en lien

avec l’épuisement professionnel ont fait ressortir une volonté de développement. En

d’autres mots, les conseillers d’orientation interviewés ont exprimé le souhait que la

profession se dote de moyens pour changer les perceptions de la population quant à

217

leur rôle dans le traitement de l’épuisement professionnel. Les suggestions

proposées concernent la valorisation de la spécialisation, l’augmentation des

activités de prévention, la bonification des connaissances et la création de

regroupements professionnels.

6.2 Les limites de cette recherche

Une des plus grandes limites de cette recherche est le nombre de conseillers

d’orientation ayant été sélectionnés. Le fait d’avoir recueilli les propos de seulement

huit conseillers d’orientation fait en sorte que la saturation des données n’a pas été

totalement obtenue. Ce manque de données a des répercussions à certains endroits

dans la présentation des résultats. Pour certains thèmes, seulement trois conseillers

d’orientation, sur une possibilité de huit, convergent vers la même idée, ce qui

diminue la force des résultats. Étant donné que cette recherche est de nature

qualitative, la généralisation des résultats { l’ensemble des conseillers d’orientation

n’était toutefois pas un objectif. Ainsi, des recherches quantitatives supplémentaires

seraient nécessaires pour valider certains des résultats obtenus dans cette

recherche.

L’inexpérience de l’enquêteur dans le processus de collecte de données peut aussi

avoir joué un rôle sur la rigueur des informations recueillies et sur la qualité du

questionnaire d’entretien. Des pertes d’informations significatives et le manque

d’uniformité des réponses d’un entretien { l’autre peuvent en être les principales

conséquences. Par exemple, ce ne sont pas tous les conseillers d’orientation qui ont

abordé la question du diagnostic émis par les médecins. Dans un souci d’uniformité,

la question aurait dû être posée systématiquement à chacun des conseillers

d’orientation.

Enfin, le nombre élevé de sous-objectifs a permis de couvrir de nombreux sujets.

Toutefois, ce nombre élevé est aussi un inconvénient. Chacun des sous-objectifs

218

auraient pu, en soi, faire l’objet d’un entretien de recherche d’une durée d’une heure

pour aller davantage en profondeur dans les propos obtenus des conseillers

d’orientation interrogés. En d’autres mots, la volonté de couvrir plusieurs aspects

distincts concernant l’épuisement professionnel, lors de la détermination des

objectifs et de la conception du questionnaire d’entretien, a fait en sorte de diluer

quelque peu la consistance des réponses obtenues pour chacun des aspects.

6.3 Les retombées de cette recherche

La première retombée de cette recherche concerne spécifiquement les suggestions

d’approches et de stratégies d’intervention. Celles-ci peuvent très bien servir

d’inspiration pour la pratique de toutes les catégories de professionnels en relation

avec des clients en situation d’épuisement professionnel, et tout particulièrement

les conseillers d’orientation. En d’autres mots, les résultats obtenus permettent une

bonification des connaissances en matière d’accompagnement des clients en

situation d’épuisement professionnel. Ils fournissent aussi des pistes intéressantes

d’exploration supplémentaire dans le perfectionnement des connaissances et des

compétences en lien avec l’épuisement professionnel.

Également, cette recherche pourrait inspirer de nouvelles recherches plus

approfondies sur certains aspects en particulier. Par exemple, d’après les résultats

obtenus, l’impact négatif de l’épuisement professionnel sur le noyau familial

demeure incertain. Des recherches quantitatives supplémentaires permettraient

aussi de généraliser les résultats concernant la perception des causes et des

conséquences de l’épuisement, la situation générale des clients, le rôle des

conseillers d’orientation ainsi que les stratégies et les approches d’intervention

qu’ils utilisent en matière d’accompagnement de clients en situation d’épuisement

professionnel.

219

Enfin, l’éclaircissement du double rôle des conseillers d’orientation (accrédités en

psychothérapie ou non) dans l’accompagnement des gens en situation d’épuisement

professionnel suscite aussi des questionnements sur le plan du développement de la

profession. En fait, si le but est de clairement faire valoir les compétences et le rôle

des conseillers d’orientation dans le traitement du trouble de santé mentale qu’est

l’épuisement professionnel, tout en respectant les exigences gouvernementales à cet

égard, il faudrait concrètement que l’ensemble des conseillers d’orientation soit

accrédité en psychothérapie. Dans le cas où le statu quo est privilégié, les conseillers

d’orientation continueront de se voir confier majoritairement des mandats

d’orientation et de réorientation à la suite du traitement de l’épuisement

professionnel par les médecins et les psychologues, { l’exception de ceux accrédités

en psychothérapie, comme c’est le cas présentement. Considérant la volonté de

reconnaissance des compétences exprimée par la majorité des conseillers

d’orientation interrogés, il y a lieu de se demander comment les membres de la

profession souhaiteraient se positionner dans le futur et quels seraient les moyens

pour y parvenir, maintenant que la confusion entourant leur rôle est davantage

dissipée.

220

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232

ANNEXE I

233

FFOORRMMUULLAAIIRREE DD’’IINNFFOORRMMAATTIIOONN EETT DDEE CCOONNSSEENNTTEEMMEENNTT ((ssuujjeett mmaajjeeuurr))

LLeess pprraattiiqquueess pprrooffeessssiioonnnneelllleess ddee ccoonnsseeiilllleerrss eett ddee ccoonnsseeiillllèèrreess dd’’oorriieennttaattiioonn

aauupprrèèss ddee ppeerrssoonnnneess eenn ssiittuuaattiioonn dd’’ééppuuiisseemmeenntt pprrooffeessssiioonnnneell.. ÉTUDIANT RESPONSABLE DE LA RECHERCHE Responsable du projet : ÉÉrriicc PPééllooqquuiinn Programme d’enseignement : Maîtrise en carriérologie Adresse courriel : [email protected] Téléphone : 450 881-0679 SUPERVISION DE LA RECHERCHE Responsable de la supervision : LLoouuiiss CCoouurrnnooyyeerr Programme d’enseignement : Enseignant à la maîtrise en carriérologie (UQÀM) Adresse courriel : [email protected] Téléphone : 514 987-3000, poste 3994 BBUUTT GGÉÉNNÉÉRRAALL DDUU PPRROOJJEETT EETT DDIIRREECCTTIIOONN Vous êtes invité à prendre part à un projet de recherche visant à explorer les pratiques professionnelles relatives au phénomène de l’épuisement professionnel. Plus spécifiquement, le projet vise à : 1) Décrire les représentations de conseillers d’orientation sur la nature de

l’épuisement professionnel. 2) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent certains conseillers

d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel. 3) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par certains conseillers

d’orientation spécifiquement au syndrome d’épuisement professionnel. 4) Mieux comprendre les perceptions de certains conseillers d’orientation quant {

leur rôle dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.

Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la production d’un rapport d’activité dirigée du programme de maîtrise en carriérologie de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Louis Cournoyer, professeur au département d’éducation et de pédagogie, en assure la direction.

234

PPRROOCCÉÉDDUURREE((SS)) Votre participation implique de réserver un moment (1 heure 15 minutes) pour répondre { des questions d’entrevue. La répartition du temps est la suivante : 15 minutes pour discuter des questions d’éthique relatives au consentement libre et éclairé, du respect de la confidentialité et de l’anonymat et du fonctionnement en général. L’heure suivante sera consacrée { l’entretien qui sera enregistré sur dictaphone numérique. Une fois les entretiens terminés, l’analyse de contenu effectuée et le rapport final complété, une copie de ce dernier vous sera envoyée en priorité. AAVVAANNTTAAGGEESS

Accès privilégié aux informations et aux résultats de recherche à la suite de la finalisation du rapport final;

Occasion de faire le point sur la pratique professionnelle en matière d’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel;

Contribution { l’enrichissement de votre pratique professionnelle; Libre espace de parole et d’expression de vos représentations personnelles, en raison de l’anonymat et de la confidentialité;

Sentiment de contribution à la recherche scientifique en général; Contact privilégié pour toute activité de diffusion des résultats de recherche au sein de votre milieu de travail dans le cadre d’une journée de formation continue, de colloque ou de conférence.

RRIISSQQUUEESS DD’’IINNCCOONNFFOORRTT Les seuls risques potentiels apparaissent être ceux que vous pourriez vous-même entraîner en divulguant des renseignements concernant votre milieu de travail selon la teneur des réponses que vous avez fournies. Nous vous suggérons donc d’éviter de telles divulgations, ainsi que de garder confidentielles les informations vous concernant et concernant l’identification de votre organisme, le cas échéant. AANNOONNYYMMAATT EETT CCOONNFFIIDDEENNTTIIAALLIITTÉÉ Les renseignements recueillis durant l’entrevue sont confidentiels. Seuls le chercheur étudiant et le directeur de recherche auront accès à ces informations. Les enregistrements audio, une fois transférés sur clés USB, seront immédiatement effacés du dictaphone numérique. Les formulaires d’information et de consentement ainsi que les enregistrements audio (sur clés USB) seront conservés dans un classeur fermé sous clé tout au long de la recherche et même par la suite. Le matériel sera détruit après deux ans suivant la diffusion des dernières publications.

235

PPAARRTTIICCIIPPAATTIIOONN VVOOLLOONNTTAAIIRREE Votre participation à ce projet est volontaire. À tout moment, vous êtes libre d’arrêter votre participation ou de retirer votre consentement, sans justification ou pénalité de quelque sorte. Votre accord à participer implique également que vous acceptiez que le responsable du projet puisse utiliser aux fins de la présente recherche (articles, conférences et communications scientifiques) les renseignements recueillis { la condition qu’aucune information permettant de vous identifier ne soit divulguée publiquement. CCOOMMPPEENNSSAATTIIOONN Aucune compensation ou rémunération financière n’est prévue. Cependant, une copie du rapport final de recherche vous sera communiquée, en priorité, une fois complété. DDEESS QQUUEESSTTIIOONNSS SSUURR LLEE PPRROOJJEETT OOUU SSUURR VVOOSS DDRROOIITTSS?? Si vous avez des questions ou des commentaires concernant votre participation ou le déroulement de la recherche, vous pouvez aussi communiquer avec M. Louis Cournoyer au 514 987-3000, poste 3994 ou par courriel { l’adresse suivante : [email protected]. Ce projet et son déroulement au plan éthique sont aussi approuvés par le directeur de la maîtrise en carriérologie, M. Juan Wood. Si vous souhaitez communiquer avec celui-ci pour des informations ou pour formuler une plainte { l’égard de la conduite de la démarche, vous pouvez le joindre au numéro suivant : 514 987-3000, poste 3883 ou par courriel { l’adresse suivante : [email protected]. RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS Votre collaboration est essentielle à la réalisation de ce projet et nous tenons à vous en remercier.

236

CCOONNSSEENNTTEEMMEENNTT LLIIBBRREE EETT ÉÉCCLLAAIIRRÉÉ

Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillères d’orientation

auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel. Je, __________________________________________, reconnais avoir reçu toute l’information

nécessaire concernant ce projet de recherche et consens volontairement à y

participer. Je reconnais aussi que le responsable du projet a répondu à mes

questions de manière satisfaisante et que j’ai disposé de suffisamment de temps

pour réfléchir à ma décision de participer. Je comprends que ma participation à

cette recherche est totalement volontaire et que je peux y mettre fin en tout temps,

sans pénalité d'aucune forme, ni justification à donner. Il me suffit d’en informer le

responsable du projet.

Signature du participant : Date :

Nom (lettres moulées) et coordonnées :

Signature du responsable du projet : Date :

237

ANNEXE II

238

Questionnaire d’entretien

1. Représentations de conseillers d’orientation sur la nature de l’épuisement professionnel

Question # 1 (définition) : Dans vos propres mots, comment décrivez-vous l’épuisement professionnel? Si relance : si vous aviez à le définir? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 2 (causes) : Selon vous, quelles sont les causes de l’épuisement professionnel qui vous apparaissent les plus importantes? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?

2. Portrait de la clientèle Question # 3 (situation) : Quelle est la situation, en général, de vos clients souffrant d’épuisement professionnel sur les plans médical, personnel, familial et en milieu de travail? Si relance : Font-ils appel durant cette même période { d’autres types de service professionnel ou de traitements particuliers (ex. : pharmacothérapie)? Si oui, lesquels par exemple? Si relance : Majoritairement, s’agit-il de personnes en emploi ou en arrêt de travail au moment de vous consulter? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 4 (difficultés rencontrées) : Qu’est-ce qui vous apparait le plus marquant comme difficultés rencontrées chez vos clients sur les plans personnel, interpersonnel ou professionnel? Si relance : Diriez-vous que ce sont davantage des difficultés personnelles ou des difficultés reliées aux caractéristiques du milieu de travail? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?

239

Question # 5 (effets) : À la suite des difficultés rencontrées chez vos clients, quelles sont les principaux effets observés sur leur manière de fonctionner physiquement et psychologiquement? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? 3. Approches et interventions privilégiées

Question # 6 (approches) : Sur quelle(s) approche(s) conceptuelle(s) vous basez-vous pour mieux comprendre le phénomène de l’épuisement professionnel et la réalité de vos clients qui en souffre? Si relance : Quelle(s) théorie(s), conception(s) ou auteur(s) inspire(nt) votre pratique professionnelle auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel? De quelle manière vous inspirent-ils? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 7 (courants) : Parmi l’ensemble des courants de la psychologie, lequel ou lesquels vous inspirent le plus dans votre travail auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel? Si relance : Par exemple, diriez-vous que vous êtes davantage d’inspiration psychanalytique, humaniste/existentialiste, cognitivo-comportementale ou systémique? Qu’est-ce qui vous amène à dire cela? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 8 (processus) : Si l’on part du moment de la première rencontre jusqu’{ la finalisation du dossier, { quoi ressemble l’évolution de vos processus d’accompagnement avec des clients souffrant d’épuisement professionnel? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?

240

Question # 9 (stratégies d’intervention) Pourriez-vous me donner des exemples concrets de stratégies d’intervention ou encore d’activités pratiques que vous faites ou privilégiez avec vos clients en situation d’épuisement professionnel? (Faire dégager : l’objectif visé, les moyens mis en place, les effets attendus). Qu’est-ce qui motive ce ou ces choix? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 10 (difficultés d’intervention) : Lorsque vous intervenez auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel, qu’est-ce que vous-même pouvez rencontrer comme difficultés? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?

4. Rôle des conseillers d’orientation

Question # 11 : Selon vous, quel rôle les conseillers d’orientation ont-ils à jouer en matière d’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel? Si relance : En quoi peuvent-ils jouer un rôle si l’on compare avec l’ensemble des professionnels déjà présents auprès de cette clientèle? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 12 : Que suggéreriez-vous aux conseillers d’orientation qui souhaiteraient travailler davantage auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel? Si relance : Y aurait-il des démarches à faire, des compétences à acquérir ou autre chose qui leur serait plus profitable de faire ou d’acquérir selon vous? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?

241

ANNEXE III

242

Protocole d’entretien

1. Accueillir chaleureusement le répondant et faire les présentations _________

2. Expliquer au répondant

a) Le but de l’entretien _________

b) Les avantages _________

c) Les inconvénients possibles _________

d) Le caractère confidentiel et les moyens de préservation _________

e) L’anonymat et les moyens de préservation _________

f) Le déroulement de l’entretien _________

g) La possibilité de retirer son consentement à tout moment _________

h) Le déroulement après l’entretien (rapport final) _________

3. Demander au répondant s’il a des questions et y répondre _________

4. Faire signer le formulaire de consentement libre et éclairé _________

5. Remplir les informations générales (âge, formation, etc.) _________

6. Installer le dictaphone numérique pour enregistrement _________

7. Demander au répondant s’il est prêt pour la suite; si oui, débuter _________

Une fois l’entrevue terminée

8. Cesser l’enregistrement _________

9. Demander au répondant comment il se sent à la suite de l’entrevue _________

10. Remercier chaleureusement le répondant _________