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Le seul journal francophone de l’Université McGill

Eldorado en régions depuis 1977.

le délit

Spécial x Régions

Supplément livres: La sélection du Délit PP 14-18

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Où : La clinique la plus près du campus du centre-ville de l’Université McGill se trouve dans la Place Alexis Nihon, située à l’angle des rues Atwater et Sainte-Catherine (station de métro Atwater, ligne verte).

Quand : La clinique est ouverte chaque jour, de 8 h à 20 h. Des coupons déterminant l’heure à laquelle vous serez vacciné sont distribués chaque jour, premier arrivé, premier servi, jusqu’à ce que l’approvisionnement en vaccins soit épuisé.

Quoi apporter : Les résidents du Québec doivent présenter une carte d’assurance maladie ainsi qu’une preuve de résidence; les étudiants d’ailleurs au Canada doivent présenter la carte santé de leur province, une carte étudianteainsi qu’une preuve de résidence; les étudiants de l’extérieur du pays doiventprésenter leur carte étudiante de même qu’une preuve de résidence.

Pourquoi : Les autorités en matière de santé publique recommandent la vaccination comme un moyen efficace de se prémunir contre le virus de la grippe H1N1 (porcine), un virus susceptible de vous rendre très malade pendant plusieurs jours.

Si vous habitez à l’extérieur du campus, il est probablement plus pratique de vous rendre à une clinique située à proximité de votre domicile. Pour savoir où se trouve la clinique la plus près de chez vous, veuillez consulter ce lien :http://vaccination.msss.gouv.qc.ca/index.php

À compter du 7 décembre 2009, le grand public (soit les personnes âgées de plus de 19 ans ne présentant pas de problèmes de santé) pourra recevoir le vaccin. Veuillez cependant prendre note que cette date peut changer selon l’approvisionnement de vaccins. Pour connaître les plus récents renseignements à ce sujet, allez à www.pandemiequebec.gouv.qc.ca

Pour de plus amples renseignements au sujet de la grippe et des mesures à prendre pour l’éviter,veuillez consulter le www.mcgill.ca/health

Si vous êtes âgé de19ans oumoins, vous pouvez maintenantrecevoir le vaccin contre

la grippeH1N1

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Spécial ré[email protected]

3Nouvellesxle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

À McGill, les deux solitudes ca-nadiennes, ça nous connaît! Il y a sûrement peu d’endroits en

ce pays où la ligne de partage entre la nation québécoise et le rest of Canada est aussi manifeste qu’à la frontière entre la bulle du ghetto McGill et le rest of Montreal. Heureusement, la dichotomie Montréal-Toronto, on finit par en revenir quand on se rend compte que oui, c’est possible de se faire des amis torontois franchement chouettes, et que de toute manière, les Canadiens battent toujours les Maple Leafs (l’important étant de gagner les batailles qui comptent vraiment…).

Toujours à l’affût de nouvelles frontières à franchir, votre dévoué Délit s’est donc penché sur une autre dichotomie, pourtant moins visible dans notre vénérable institu-tion: celle entre Montréal et les ré-gions. Et pour ceux qui ne sont pas d’ici, on vous met tout de suite au parfum: toutes les régions ne sont

pas en région. La région de Montréal n’est donc pas une région en région. Nuance importante, puisque dans la réalité québécoise, le terme «région» sert à désigner les contrées rura-les et semi-urbanisées, de manière analogue aux provinces françaises. Certains puristes iront même jusqu’à classifier sous le terme de «région» tout ce qui n’est pas Montréal, in-cluant les banlieues rapprochées et les villes comme Québec, Gatineau, Sherbrooke, etc. (Suggestion d’acti-vité de la semaine: allez dire à un ré-sident de la ville de Québec qu’il vit en région. Reculez de quelques pas et observez sa réaction. Divertissement garanti ou on ne s’appelle plus Le Délit!).

Qu’en est-il, donc, des deux so-litudes québécoises? À entendre la panoplie de clichés qu’entretiennent les uns sur les autres, Montréal et le rest of Quebec semblent se distancier de plus en plus. L’une serait peuplée d’insulaires snobinards et nombri-listes créchant sur l’honni Plateau-Mont-Royal, entourés d’unilin-gues anglophones et de femmes en

burqa, alors que l’autre serait un espèce de trou noir culturel où vivo-tent les villageois béotiens et xéno-phobes que l’on pouvait voir à la télé lors des audiences Bouchard-Taylor! Ces caricatures sont presque grotes-ques, mais elles n’en ont pas moins une résonance de plus en plus forte de part et d’autre. Le «514» serait-il en passe de s’isoler du reste du Québec?

Alors, comment jeter des ponts pour rapprocher nos deux solitu-des puisque l’affrontement mé-tropole vs. régions n’est bénéfique pour personne? De Ferme-Neuve à La Tuque, en passant par Val D’or et Saint-Jean-Port-Joli, ne reculant devant aucun obstacle, l’équipe du Délit a franchi les frontières de son isolement insulaire pour vous faire découvrir l’autre côté de la médaille québécoise: les régions.

Fragments régionauxLe Québec hors Montréal, c’est

un territoire de 1 311 628 km2, di-visé en dix-sept régions administra-tives où vit 75% de la population

québécoise (50% si on exclut les banlieues rapprochées) et 18% des immigrants récents. C’est aussi un PIB de 128$ milliards et 51% des emplois de la province. Et, il faut le dire, c’est également 4 milliards de revenus fiscaux en provenance de la métropole –véritable cœur économi-que de la province– qui y sont inves-tis annuellement selon les calculs de l’économiste Claude Picher.

«Les régions» sont pourtant loin de constituer une entité homogène. Afin de vous permettre de découvrir leurs réalités propres, les modes de vie de leurs habitants, les enjeux qui les préoccupent, leurs problèmes et leurs réussites, Le Délit vous offre une série d’articles qui vous feront faire le tour de la belle province sans avoir à brûler une seule goutte d’es-sence pour parcourir ses loooon-gues autoroutes. On a bien essayé de le cacher derrière notre soi-disant neutralité journalistique, mais c’est un secret de polichinelle: on est en amour avec les régions! Laissez-vous porter, le voyage commence.x

Montréal et le reste du Québec: les nouvelles «deux solitudes»?Envie de vous évader? Nous aussi! Cette semaine, échappez au bitume et franchissez avec nous les ponts de l’île montréalaise. À la découverte de l’autre solitude, celle du reste du Québec.

ÉDITORIAL

Stéphanie DufresneRédactrice en chef

Hautes-Laurentides: Anne-Sophie Doré a rencontré la prési-dente de la commission scolaire locale, qui nous parle d’exode des jeunes et de décrochage. en page 4

CHaudière-appaLaCHes: Julie Turcotte vous présente un aperçu des activités culturelles qui se déroulent dans la petite ville de Saint-Jean-Port-Joli.

en page 12

MauriCie: Vincent Bezault s’arme d’un fusil et d’une chemise à carreaux afin d’explorer les us et coutumes des chasseurs de cervidés à La Tuque. en page 7

CapitaLe natiOnaLe: Julie Côté vous propose un survol du théâtre à Québec, dans son entrevue avec Jessica Thériault, comédienne dans la Capitale. en page 13

eXOde urBain: Tannés de la vie en ville? Éléna Choquette trace le portrait d’une série d’acteurs qui oeuvrent à enjoliver l’image des régions afin qu’on s’y établisse en plus grand nombre.

en page 10 et 11

MOntÉrÉgie: Le maire d’une petite municipalité mène un combat contre une grande multinationale afin de protéger la santé de ses citoyens. Un article de Julie Leroux. en page 5

Centre du QuÉBeC: Vous pensiez que toutes les régions étaient en déclin économique? Victoriaville veut vous prouver le contraire! Un article d’Amélie Lemieux. en page 8

LOngueuiL BeaCH: Pour ceux qui rechignent à s’éloigner trop loin, Rosalie Dion-Picard vous plonge dans le trou noir culturel de la banlieue: concert de tondeuses et soap opera au menu. en page 18

Et biEn plus EncorE...

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Dans la région des Hautes-Laurentides, les enjeux reliés à l’éducation et à l’emploi sont intimement liés. Entrevue avec Martine Loignon, présidente de la commission scolaire Pierre-Neveu.

[email protected]

ÉDUCATION DANS LES HAUTES-LAURENTIDES

Plusieurs sont d’avis que la diversité des régions du Québec devrait transparaitre

dans les politiques québécoises et en particulier en ce qui concerne l’éducation. La commission scolai-re Pierre-Neveu (CSPN), par exem-ple, se distingue nettement d’une commission scolaire montréalaise et doit pouvoir bénéficier de poli-tiques adaptées à sa région. Cette institution doit composer avec dix-neuf municipalités, gérer sept écoles, qui ont chacune plusieurs pavillons, et trouver des solutions à des défis de taille qui sont propres à la région des Hautes-Laurentides. La présidente de la CSPN, Martine Loignon, a partagé avec Le Délit les particularités de l’éducation dans sa région.

Nombre d’élèves en chute libreC’est dans les Hautes-

Laurentides et plus précisément dans la Municipalité régionale de comté (MRC) d’Antoine-Labelle que se situe la CSPN. L’économie de cette région se base principalement sur la mono-industrie du secteur forestier. Malheureusement, depuis quelques années, la crise forestière a causé la fermeture de quelques usines de transformation du bois; conséquemment, de nombreux tra-vailleurs ont perdu leur emploi et le travail est rare dans la région. Cette situation entraîne plusieurs consé-quences importantes au niveau de l’éducation. En effet, Mme Loignon

fait remarquer «qu’il y a un manque d’élèves à tous les niveaux. Les gens quittent la région parce qu’il n’y a plus d’emploi pour eux.»

La présidente de la commis-sion scolaire souligne aussi que «le nombre de naissances a diminué depuis les dernières années». C’est un des principaux problèmes de la CSPN: «Dès l’année prochaine, nous aurons 200 élèves de moins dans nos écoles et [la tendance est] similaire pour toutes les années à venir», remarque Mme Loignon. Bref, la population étudiante est sans cesse en décroissance dans la MRC d’Antoine-Labelle, et cette diminution démographique pour-rait venir compliquer le finance-ment des petites écoles qui ont peu d’élèves: «Le ministère finance à 90% la commission scolaire. Plus le nombre d’élèves est élevé, plus le financement est grand», expli-que Mme Loignon. La commission scolaire n’a d’autre choix que de réorganiser son budget, puisqu’elle doit entretenir le même nombre d’établissements et financer les mêmes projets, mais avec moins de subventions de la part du gouver-nement.

Un taux de décrochage effarantLe décrochage scolaire est

également problématique dans la cette MRC. En effet, comme l’in-dique Mme Loignon, «seulement un garçon sur trois et deux filles sur cinq arrivent à compléter leur formation secondaire en cinq ans». Cependant, les deux écoles de for-mation des adultes situées à Mont-

Laurier et Rivière-Rouge ont des taux d’accès au diplôme supérieurs à ceux des autres régions. Martine Loignon nous explique cet élé-ment statistique par le fait qu’un grand nombre d’élèves entrent à la maternelle avec un certain retard, surtout au niveau de la lecture, la culture du livre étant peu pré-sente chez eux. Ce retard, les jeu-nes n’arriveront pas à le rattraper avant leur entrée au secondaire. La plupart se retrouvent donc avec des difficultés d’apprentissage. De plus, l’éducation n’est pas valorisée par toutes les familles de la région, ce qui complique la tâche de don-ner envie aux jeunes de poursuivre leurs études.

Afin de régler ce problème, la commission scolaire travaille de

concert avec divers organismes comme la Fondation Chagnon et Québec Enfants afin d’encoura-ger la persévérance scolaire. Mme Loignon souligne également que «le Partenaire en réussite éducative des Laurentides (PREL) encourage la CSPN à continuer [son] bon tra-vail puisqu’elle est la plus avancée dans ses démarches pour contrer le décrochage dans les Laurentides.» De nouveaux programmes de for-mation professionnelle –on offre déjà des cours dans sept domai-nes différents dans la région– sont également en développement. Par exemple, un cours en aéronauti-que est sur le point de commencer à Mont-Laurier. C’est une initia-tive très positive pour la région, puisque cela incite les compagnies

étrangères à venir s’y établir, étant assurées de trouver des employés qualifiés. Martine Loignon souli-gne avec fierté que cette initiative de la commission scolaire permet-tra de motiver de nombreux jeu-nes à fréquenter l’école, puisqu’ils auront une perspective d’avenir concrète.

Mais la lutte pour stimuler l’économie régionale –et pour motiver les étudiants à poursui-vre leur formation– est loin d’être terminée: «Les leaders politiques locaux, ainsi que la communauté, doivent se retrousser les manches et s’unifier afin de trouver un axe de développement durable pour la région», nous rappelle Mme Loignon. Car tout cela, c’est à la base de l’éducation! x

La polyvalente Saint-Joseph accueille de moins en moins d’élèves chaque année. Anne-Sophie Doré / Le Délit

Anne-Sophie DoréLe Délit

Quand on vit à Malartic en Abitibi-Témiscamingue, à Chibougamau dans le

Nord du Québec ou à Paspébiac en Gaspésie, et que l’on souhaite poursuivre des études universitaires spécialisées, peu d’options s’offrent à nous dans notre région d’origine. Ainsi, ils sont plusieurs milliers de jeunes à quitter chaque année leur région natale, attirés par le puissant magnétisme de l’aimant montréa-lais. Avec ses douze cégeps et ses quatre grandes universités, il ne fait nul doute que plusieurs étudiants de milieux ruraux trouveront chaus-sure à leur pied dans le réseau d’en-

seignement post-secondaire de l’île. Si plusieurs trouvent à

Montréal le programme académi-que qui leur sied, la transition ne se fait malheureusement pas toujours facilement entre la région et la gran-de ville. «Durant les premiers mois, ou premières années pour certains, l’ennui et la déprime sont le lot de bien des nouveaux migrants» expli-que Darvida Conseil dans une étude sur les migrations interrégionales réalisée pour le compte du Forum jeunesse de l’île de Montréal (FJIM). En effet, poursuit Mme Conseil, bon nombre d’arrivants subissent une perte de repères et d’identité à leur arrivée, alors qu’ils sont confrontés à une réalité bien différente de celle à laquelle ils étaient habitués: «le choc

de la langue (présence de l’anglais), la vitesse de la ville, le multicultu-ralisme, la pauvreté, la vitesse du rythme de vie, etc.» Les difficultés d’adaptation sont d’autant plus am-plifiées que les jeunes se retrouvent souvent isolés des parents, amis et

voisins qui composaient leur réseau de support habituel.

À McGill, on estime que 453 jeunes des régions rurales du Québec ont été admis à un pro-gramme d’études en 2009, bien qu’il soit difficile d’obtenir un chif-

fre exact –la statistique exclut les étudiants aux cycles supérieurs et à la Faculté d’éducation permanente, mais inclut ceux en provenance de la Montérégie rapprochée. À chaque année, l’équipe de recrute-ment de McGill, pilotée par Lindsay

Wilmot, parcourt les cégeps de la province afin d’attirer les étudiants. Les intervenants sont témoins des nombreuses inquiétudes –notam-ment liées à l’usage de l’anglais– ex-primées par les candidats potentiels: «On essaie de les rassurer, mais

aussi d’être honnêtes dans le mes-sage qu’on leur donne, car oui, c’est une grosse transition, et notre but, c’est de trouver des étudiants qui vont être heureux ici, qui vont bien s’adapter» explique Mme Wilmot. À cet égard, bien qu’il n’existe aucune mesure de soutien visant spécifi-quement cette population, les jeu-nes migrants peuvent faire usage des nombreuses ressources mises à la disposition des nouveaux étu-diants: «il y a le First Year Office, qui a une assistante exclusivement dédiée aux francophones, le Buddy program, le counselling…» énumère Mme Wilmot. Et si la transition est parfois ardue, beaucoup arrivent à s’intégrer et réussissent très bien par la suite, conclut-elle. x

4 Nouvelles xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Contrer l’exode des jeunes

Les régions débarquent à McGillQuitter un village où tout le monde se connaît pour la grande ville peut être une transition difficile pour les étudiants qui choisissent Montréal.

CAMPUS

Stéphanie DufresneLe Délit

«Durant les premiers mois ou les premières années pour certains, l’ennui et la déprime sont le lot de bien des nouveaux migrants.»

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Non à l’eau contaminéeLe Délit a rencontré le maire de Roxton Pond, Raymond Loignon, réélu pour un troisième mandat après son combat contre le géant américain Stanley Works. Portrait des luttes passées et des projets actuels de la municipalité des Cantons-de-l’Est.

ROXTON POND: ENJEUX

Né à Roxton Pond, Raymond Loignon s’est toujours impliqué dans

sa communauté, notamment en tant que chef pompier et direc-teur général de la municipalité. Cependant, lorsqu’il a pris sa re-traite, devenir maire n’était «pas dans [ses] plans». C’est lorsque des analyses faites en 2001 ont démontré que l’eau des puits avait été contaminée par les activités de la multinationale américaine Stanley Works que M. Loignon a senti qu’il devait se porter à la défense de ses concitoyens. Élu maire en 2002, il a mené une lutte courageuse contre le géant améri-cain et a remporté sa cause. Le Délit a rencontré Raymond Loignon pour discuter de ce dossier majeur dans l’histoire de Roxton Pond, ainsi que de la situation actuelle de cette municipalité qui compte 3586 habitants.

L’héritage de la StanleyC’est l’arrivée de la compa-

gnie d’outillage Stanley Works, en 1907, qui a en quelque sorte «créé le village» ses opportuni-tés d’emploi ayant incité davan-tage de travailleurs à habiter la région. Bénéfique pour le village aux points de vue démographi-que et économique, la succursale roxtonnaise de la multinationale américaine, en activité jusqu’en 1984, a cependant laissé des tra-ces nocives pour la santé des ha-bitants de la région. Et c’est seu-lement en 2001, lorsque l’école primaire des Grands Pins a voulu se doter d’un deuxième puits –la municipalité n’ayant pas, à ce mo-ment-là, de système d’aqueduc– que des analyses de la qualité de l’eau ont révélé l’héritage à long terme de la Stanley: la contamina-tion de la nappe phréatique et des puits artésiens par le rejet de mé-langes de peintures, de solvants et autres déchets dangereux. Selon les documents d’analyse consul-tés par le Délit, des tests dans plu-sieurs secteurs de la municipalité ont confirmé la présence de com-posés organiques volatils (C.O.V.) hautement dangereux, en quanti-té excédant considérablement les normes réglementaires.

«Dans le secteur de la Stanley, 650 personnes –cinquan-te familles, en plus [des enfants et adultes fréquentant] l’école des Grands Pins et le Centre de la petite enfance– étaient privés d’eau potable», raconte le maire Loignon. «Il était défendu de boire l’eau, de se brosser les dents avec cette eau, de laver ses légu-mes ou d’arroser son jardin. Dans les salles de bain sans ventilation, il fallait faire installer des systèmes

de ventilation, à cause des vapeurs cancérigènes [qui pouvaient se dégager]», poursuit-il. Le maire raconte également qu’entre 2000 et 2006, durant toute la durée du combat contre la Stanley, de l’eau en cruche arrivait par camions pour fournir les villageois en eau potable.

L’appel du devoirInterrogé sur l’ampleur du

combat qu’il avait à mener à son arrivée à la mairie, Raymond Loignon explique qu’il n’a pas du tout été intimidé, mais qu’il s’est plutôt senti guidé par son sen-timent du devoir: «J’avais laissé mon poste de directeur général de la municipalité en 1998; je connaissais bien les rouages de la municipalité. J’ai vu qu’aucune démarche n’avait été entreprise par le maire précédent. J’ai voulu agir», explique-t-il. Le combat n’a pas été de tout repos. Les sommes à investir dans les différentes pro-cédures judiciaires auraient pu en décourager plus d’un: «En 2003, on a rencontré des aviseurs légaux de la firme Hébert, Dufresne et Comeau de Montréal qui nous ont expliqué les implications [fi-nancières] de la poursuite: on par-lait de 700 000$ à 800 000$ pour payer les experts, les études, la poursuite» Cependant, pour le maire de Roxton Pond, la santé de ses concitoyens n’avait pas de prix.

Il n’a toutefois pas été fa-cile de rallier tous les roxtonnais à la cause. «[Au départ], les gens ne trouvaient pas cela correct de poursuivre la Stanley, qui était [auparavant] le gagne-pain du vil-lage. Mais quand on regarde l’hé-ritage qu’ils nous ont laissé, ils ont contaminé notre sol!», s’indi-gne le maire. Mis à part quelques anciens travailleurs de la Stanley plutôt réticents, M. Loignon a réussi à convaincre la majorité des citoyens qu’il était temps d’agir, et plusieurs témoignages contre les pratiques de la Stanley ont été recueillis. «On avait le soutien des citoyens. On était préparés pour le procès.»

«David contre Goliath»Cependant, le soutien supplé-

mentaire recherché au niveau pro-vincial a plutôt pris la forme de né-gociations ardues. «On a rencontré les représentants du Ministère de l’environnement, ainsi que Jean-Marc Fournier, [alors Ministre des Affaires municipales], pour savoir si le gouvernement et la municipalité pouvaient se mettre ensemble pour poursuivre la Stanley. Le gouver-nement a refusé et la municipalité a poursuivi [Stanley Works] sans l’aide du gouvernement, avec un recours des citoyens», raconte M. Loignon. Mais le Ministère a rapi-

dement changé son fusil d’épaule lorsqu’il a vu le déroulement des négociations entre la multinatio-nale et le maire de la municipa-lité de Roxton Pond –un combat souvent surnommé «David contre Goliath» par les médias qui cou-vraient le dossier. «Quand ils ont vu qu’on était en train de s’enten-dre, ils ont dit que dans leur pro-tocole, ils avaient droit à un pour-centage du montant reçu. Mais la Stanley ne voulait pas donner d’ar-gent au gouvernement», rappelle M. Loignon. Le ministre Fournier a d’ailleurs très mal paru en impo-sant cette clause spéciale voulant que la ville cède un pourcentage de ses gains au gouvernement: le 21 décembre 2004, des accusations d’illégalité et d’abus de pouvoir faisaient la une du journal régional La Voix de l’Est.

C’est in extremis que la mu-nicipalité a pu déposer sa pour-suite de 30M$ dans les délais requis. La multinationale s’est finalement inclinée devant la municipalité de Roxton Pond, défendue par Me Patrice Guay, «un avocat réellement intéressé par la cause», selon M. Loignon. Le résultat? «Les citoyens situés dans la zone la plus affectée on eu droit à un dédommagement, et la municipalité a pu investir dans un projet d’aqueduc de 12M$, payé [aux deux tiers] par des subventions du Ministère et [au tiers] par Stanley Works. Les rues ont dû être défaites et refaites; en tout, ça a coûté 20M$. Mais on n’a aucune det-te en ce qui concerne le réseau d’aqueducs», précise fièrement le maire.

Pour le troisième mandatÉlu en 2002 et en 2005,

Raymond Loignon a été réélu sans opposition aux élections du 1er novembre dernier. Outre son leadership et son courage dans le règlement du dossier de la Stanley de 2002 à 2006, M. Loignon s’est efforcé de procurer davantage de services aux citoyens de la municipa-lité: en janvier 2009, par exem-ple, la Coopérative de santé de Roxton Pond ouvrait ses portes. Moyennant l’achat d’un «passe social» de 10$ et une contribu-tion annuelle de 100$ (il existe un fond permettant l’accès aux services aux familles à revenu plus faible), ce sont 2500 pa-tients qui devraient pouvoir être servis par la coopérative d’ici la fin de l’année.

Cette initiative était néces-saire pour assurer des services de santé de qualité pour les roxtonnais; sans cet investisse-ment, le médecin, surchargé de travail, aurait plié bagages. «J’ai eu l’idée en faisait de la recher-che sur Internet et en regardant La Grande Séduction», avoue M. Loignon, sourire en coin. La coopérative sans but lucratif offre donc aux roxtonnais une clinique avec les services d’un médecin, d’infirmières et d’em-ployés de soutien, ainsi qu’une pharmacie et des locaux pou-vant accueillir d’autres services de santé, notamment des clini-ques de médecine douce.

Autre élément majeur au programme: la complétion des services d’aqueducs et d’égouts. Ces travaux, prévus au prin-

temps 2010, sont rendus né-cessaires par la présence d’al-gues bleues dans le lac Roxton, alimentées entre autres par le phosphore des fosses sceptiques des chalets.

De bonnes relations avec ses voisins

Questionné sur les rela-tions existant entre la muni-cipalité de Roxton Pond et la ville de Granby, chef-lieu de la MRC de la Haute-Yamaska avec ses 60 000 habitants, Raymond Loignon se dit totalement sa-tisfait. Des ententes inter-mu-nicipales existent entre plu-sieurs municipalités et la ville de Granby, notamment en ce qui concerne les services des incendies et des loisirs. «On ne peut pas se payer un aréna ou d’autres structures de loisirs qu’une ville peut se payer», ex-plique-t-il.

Selon M. Loignon, le maire de Granby est «très régional: il aide les petites municipalités; il ne les écrase pas». Il consi-dère aussi que le fait d’être si-tué près de la ville est une force pour la municipalité, car ses habitants ont accès à un hôpi-tal et des centres commerciaux à dix minutes de chez-eux. De plus, beaucoup de gens habi-tent Roxton Pond, travaillent à Granby et sont bien servis par l’économie locale: «Dans la Haute-Yamaska, il n’y a pas vraiment de récession», estime M. Loignon.

Le 3e mandat du maire de Roxton Pond s’amorce donc avec un constat assez optimiste. x

À votre santé! Pour le maire Raymond Loignon, l’eau dans ce verre a une histoire loin d’être banale. Guillaume Doré / Le Délit

5Nouvellesxle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Julie LerouxLe Délit

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World AIDS week à McGill

La prévention avant la contraventionL’agent Charles Doré nous parle de son programme «Sécurisons nos routes», une initiative visant à rendre les routes plus sécuritaires pour les agriculteurs et les automobilistes qui s’y côtoient.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE EN RÉGION

À Montréal, les agents de police peinent souvent à établir des liens avec les

citoyens de la métropole: pour les Montréalais, ce sont des fantômes invisibles qui laissent des contra-ventions sous leurs essuie-glace, ou des constables anonymes qui assurent le maintien de l’ordre dans les stations de métro et aux intersections majeures. Est-ce un modèle unique? Certainement pas! Dans le cadre de son numé-ro spécial portant sur les régions du Québec, Le Délit a rencontré l’agent Charles Doré, un policier qui s’est penché sur les besoins de sa communauté dans la région de Beauharnois-Salaberry et qui a misé sur la prévention avant toute chose. Patrouilleur pour la Sureté du Québec (SQ), M. Doré est lau-réat 2007 du prix Intersection en

police communautaire, attribué par le Ministère de la sécurité pu-blique du Québec, et du Prix na-tional de la sécurité routière volet Service de police, pour sa création du programme «Sécurisons nos routes». Le but du programme? Rendre plus sécuritaires les dé-placements des agriculteurs et des automobilistes en transit dans les secteurs agricoles.

Dès lors qu’il était étudiant, Charles Doré savait qu’il n’allait pas se contenter d’appliquer les lois une fois son badge obtenu: «Quand j’étais au cégep [en tech-nique policière], j’ai travaillé sur quelques problématiques et j’ai vu qu’il n’y avait rien qui se faisait en matière de sécurité routière pour les agriculteurs. Je me suis dit qu’il y avait peut-être moyen de faire quelque chose, d’innover». À son arrivée en poste à Salaberry-de-Valleyfield, il a senti que beaucoup d’agriculteurs avaient un certain sentiment d’insécurité quant aux routes et aux lois les régissant, et cela l’a poussé à agir. M. Doré a opté pour une approche plus communautaire, axée sur l’éduca-tion plutôt que la répression: «Je voulais donner l’heure juste aux gens qui n’avaient pas les infor-mations exactes et [qui poursui-vaient leurs activités] sans avoir la certitude que c’était la bonne manière de faire», affirme-t-il. Le but: éliminer les accidents mortels trop fréquents et réduire le nom-bre de collisions entre automobi-les et tracteurs.

«Les méthodes de travail des agriculteurs ne correspondaient pas nécessairement aux normes établies, explique l’agent Doré, [notamment en ce qui concerne] les panneaux de marche lente (les triangles oranges), les chaînes de sécurité, les feux de position, les règles d’arrimage, etc.» De plus,

le matériel utilisé ne fonctionnait pas toujours de manière adéquate et bon nombre d’agriculteurs ne veillaient pas à éviter les déver-sements de terre sur la chaussée, négligence qui rendait la conduite plus difficile pour les automobi-listes.

M. Doré s’est donc associé au syndicat local de l’Union des producteurs agricoles (UPA), en-tre autres, qui s’impliquait déjà au niveau de la sécurité routière dans la région, notamment dans le suivi des dossiers et la préven-tion. Une fois les partenaires trou-vés, le plan était de «rencontrer le plus de gens possible durant des journées de prévention. Ensuite, on passait aux interceptions de courtoisie, [pendant lesquelles] on remettait des dépliants aux gens en infraction», explique M. Doré. La répression à coup de contra-ventions était l’ultime moyen uti-lisé. L’agent Doré précise que le

programme veille autant à la sé-curité des agriculteurs qu’à celle des automobilistes en transit en milieu rural.

Du côté des agriculteurs, M. Doré a remarqué une apprécia-tion et une collaboration mar-quées. «On a aussi vu une bonne amélioration [de la sécurité rou-tière] en étudiant les bilans sta-tistiques», ajoute-t-il. Bien sûr, les conditions routières et l’équi-pement utilisé par les agriculteurs changent selon les saisons, et il est difficile d’évaluer la progression du niveau de sécurité sur une pé-riode de douze mois, selon l’agent Doré. Toutefois, «durant l’été, on a remarqué une amélioration conti-nue», et ce, malgré «les méthodes de travail bien ancrées chez cer-tains».

Le programme «Sécurisons nos routes» a également été dif-fusé ailleurs en Montérégie, ainsi qu’à Lacolle et à Joliette, par le

biais de conférences et d’assem-blées générales. Cependant, suite à son changement de poste de Salaberry-de-Valleyfield à St-Lin, près de St-Jérôme, M. Doré a ob-servé que le programme a perdu un peu de son ampleur: «À St-Lin, il y a des intérêts différents, une approche différente», expli-que-t-il.

Cela dit, l’agent Doré a aussi d’autres projets en vue. Toujours passionné par la sécurité routiè-re, il prévoit s’impliquer à nou-veau dans le programme «Le pouvoir de tout changer» de la Société de l’assurance automo-bile du Québec (SAAQ), une initiative qui vise à sensibiliser les jeunes de 5e secondaire aux dangers de la conduite avec ca-pacités affaiblies, au printemps 2010. M. Doré s’était déjà impli-qué dans ce programme auprès des jeunes de Salaberry-de-Valleyfield en 2008. x

Julie LerouxLe Délit

La sécurité routière touche autant les agriculteurs que les automobilistesGuillaume Doré / Le Délit

Du 16 au 20 novembre 2009, une foule d’activités auront lieu dans le cadre de la World Aids Week à l’Université McGill. Selon l’organisatrice de l’événement, Joane Nakamura, l’établissement accueillera «des experts de renommée mondiale à des tables rondes sur des sujets très controversés au Canada (par exemple, sur la criminalisation de la transmission du VIH).» Des étudiants de McGill protesteront également contre une politique actuelle de l’université «qui entrave l’accès équitable aux produits des recherches en santé et en médecine.» Pour plus d’informations sur l’horaire des activités, Le Délit vous invite à consulter son site Internet, ainsi que le site de l’événement, http://treatthepeople.com/. Trop débordé pour y assister? Qu’à cela ne tienne, puisque notre journaliste Geneviève Lavoie-Mathieu vous offrira un compte-rendu de l’événement la semaine prochaine dans Le Délit.

***Une autre bonne raison d’aller visiter notre site internet: vous y trouverez en exclusivité l’article d’Anthony Lecossois, qui a assisté à la manifestation contre la venue de la famille royale à Montréal, ainsi que de nombreuses photos de l’événement.x

À NE PAS MANQUER

httP://dElitfRANcAiS.coM/cAtEgoRy/ExclUSif-wEb/

6 Nouvelles xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Page 7: ledelit_20091117

Le Festival de chasse de La Tuque est peu connu en de-hors de la Mauricie. Il faut

dire que la petite ville industrielle vit surtout de la pâte à papier et n’est pas très prisée des touristes. Pourtant, cet événement dégage toujours une ambiance de convi-vialité authentique qui manque à plus d’un festival Montréalais. La 37e édition du festival, qui avait lieu du 27 octobre au 1er novem-bre dernier, n’a pas dérogé à la règle.

Comptant 12 000 âmes sur un territoire plus grand que la Bretagne, La Tuque offre de vas-tes étendues boisées aux amateurs de chasse à l’orignal. En Mauricie, cette passion compte de nom-breux adeptes qui se retrouvent à la fin de la saison de la chasse pour comparer leurs trophées. C’est ainsi qu’est né le festival de chasse de La Tuque, organisé autour du traditionnel concours de panache.

Plusieurs prix sont décernés, le plus convoité étant bien sûr ce-lui du plus grand panache. Un prix est aussi décerné aux panaches se rapprochant le plus d’une des deux tailles arbitrairement déter-minées. Dans le passé, ces tailles étaient annoncées à l’avance et des chasseurs avaient trafiqué leurs prises pour arriver exactement aux tailles désirées. C’est pourquoi les deux tailles sont désormais tirées au sort le jour même.

La mesure des panaches est une scène peu banale. Depuis le début de la période de la chasse, les têtes d’orignaux fleurissent fiè-rement sur les voitures latuquoi-ses. Chaque trophée est exposé sur la boîte du 4x4 ou, à défaut, sur le coffre de la voiture. Parfois, quelques branches sont ajou-tées en guise de décoration. Pour procéder à la mesure, les voitures passent successivement devant un jury qui prend le diamètre du pa-nache qui y est attaché.

Arborant chemises à carreaux et habits de camouflage pour l’oc-casion, une petite foule est amas-

sée autour des juges. Chaque fois qu’une voiture exhibe un panache de belle taille, les discussions in-formelles cessent et tous s’attrou-pent pour connaître la mesure. Le conducteur sort de l’auto pour s’informer lui aussi du diamètre et récolter fièrement les commentai-res des spectateurs.

Les activités du festival ne sont pas seulement destinées aux chasseurs, bien au contraire. Tous les ans, un grand chapiteau de près de 3000 places est aussi planté au cœur de la ville pour faire oublier le ciel gris de la fin octobre. Ce chapiteau permet d’organiser des festivités en tous genres: specta-cles pour enfants, repas chaleu-reux, soirées à thèmes... Mais le clou du festival 2009 était sans aucun doute le concert du groupe Kaïn organisé dans ce même cha-piteau. «Le contact humain et so-cial demeure, selon moi, l’attrait principal du festival» a résumé Dany Doré, président du comité d’organisation du festival.

Le billet d’accès au festival, au prix de 15$, permet de par-

ticiper à toutes les activités du chapiteau, y compris les déjeu-ners et les concerts. Malgré tout, certains trouvent que cet évène-ment est déjà «trop commercial», considérant que le billet coû-

tait seulement 12$ l’an dernier avec un programme comparable. Espérons que le festival de chasse de La Tuque saura conserver tou-te sa saveur sans devenir victime de son succès. x

7Nouvellesxle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Au tournant du millénaire, une nouvelle tendance s’est imposée dans l’in-

dustrie agroalimentaire: l’utili-sation d’organismes génétique-ment modifiés (OGM). Depuis, les OGM ont été inclus à notre régime alimentaire quotidien, à un point tel qu’il semble dif-

ficile d’éviter d’en consommer. En réaction à ces changements controversés, grand nombre de consommateurs se sont tournés vers les produits authentiques et naturels. Propulsée par la forte demande, l’industrie de produc-tion biologique a ainsi connu un essor fulgurant, et il est mainte-nant en vogue de manger bio. Afin de faire la lumière sur l’envers de l’assiette bio, Le Délit a rencontré

Mario Doré, président du groupe de relance de l’agriculture et de l’innovation (GRAIN) et produc-teur de céréales biologiques à Ferme-Neuve, dans les Hautes-Laurentides.

Mario Doré a travaillé à la Ferme Aventure, fondée par son père à la fin des années 50, pen-dant pratiquement toute sa vie. «Dès l’âge de 13 ans, je me le-vais tous les jours à cinq heures du matin pour aller faire le train [traire les vaches, NDLR]», se rap-pelle-t-il. Quelques années après ses études en zootechnologie à l’Institut de technologie agroali-mentaire à Saint-Hyacinthe, il est retourné à la ferme familiale, où il travaille à temps plein depuis 1983. Depuis trois ans, il participe activement au GRAIN, un regrou-pement d’agriculteurs mis sur pied par le centre local de développe-ment à la suite d’une période de perturbation qu’a connu l’indus-trie agroalimentaire en 2005. Les membres du comité s’étaient alors donné pour mandat de réfléchir à un moyen de relancer l’industrie agroalimentaire régionale en se spécialisant dans un créneau qui permettrait de les différencier des autres producteurs québécois. La solution fixée afin de rétablir la rentabilité est novatrice: «On a dé-cidé de produire des céréales bio dans la région».

S’enclenche alors un proces-sus s’échelonnant sur quelques années afin d’obtenir les certifi-cations bio, ce qui nécessite entre autres l’apprentissage de nouvel-

les techniques de travail. En effet, produire bio exige beaucoup de temps et d’efforts supplémentai-res. Le principe, lui, est assez sim-ple: n’utiliser aucun intrant [l’en-semble des produits incorporés aux terres et aux cultures, NDLR] chimique lors du traitement des semences. Les herbicides, pesti-cides, fongicides, engrais chimi-ques et OGM sont donc proscrits. Certaines des méthodes alterna-tives employées pour le travail du sol rappellent des techniques traditionnelles en agriculture: il n’y a qu’à penser au sarclage, aux champs en jachère, à la rotation des terres exploitées et à l’utili-sation d’engrais verts. Selon M. Doré, «ces techniques sont clai-rement moins efficaces, particu-lièrement concernant le contrôle des mauvaises herbes, mais el-les en valent la peine». Il ajoute d’ailleurs que même s’il n’était pas impliqué dans le GRAIN, il se serait éventuellement converti à ce type d’agriculture respectueux des cycles naturels de la terre. «C’est sûrement meilleur pour la santé de manger bio, mais je le fais aussi pour ma propre santé. Je ne suis plus exposé à toutes sortes de substances chimiques possiblement cancérigènes», af-firme-t-il. Le passage de l’agricul-ture conventionnelle au bio n’est pourtant pas si simple. En effet, c’est seulement dans quelques semaines que M. Doré devrait vendre son premier lot de céréales certifiées bio, ce qu’il a très hâte de faire!

Si la production de céréa-les naturelles va bon train, le GRAIN songe à un autre projet: fonder une petite meunerie dans la région. Cette initiative réduirait l’empreinte écologique des pro-duits du groupe d’agriculteurs en éliminant presque le transport des céréales pour la transformation. Ce serait incontestablement une belle manière de conjuguer les as-pects «bio et écolo». M. Doré est d’ailleurs conscient des critiques adressées à l’industrie agroali-mentaire provenant de certains écologistes. Toutefois, il souligne que «les effets néfastes sont ha-bituellement causés par la densité de population qui est trop élevée par rapport à ce que le sol peut supporter» et que «dans la région [des Hautes-Laurentides], on est bien moins pires qu’ailleurs; on respecte largement les normes en-vironnementales ».

S’il est fier du virage bio de la Ferme Aventure, M. Doré est clai-rement animé par une autre pas-sion: les animaux. À l’étable, son troupeau de vaches laitières comp-te plus d’une centaine de têtes et, parallèlement à cela, il élève une cinquantaine de chèvres angoras. À sa retraite, il projette d’ailleurs d’exploiter la laine de ses chèvres et de se lancer dans le marché du mohair, une fibre de luxe permet-tant de concevoir des vêtements de qualité supérieure chauds et résistants. Plus que toute chose, ce projet unique lui permettra de préserver le plaisir du contact avec les animaux. x

Récolter ce que l’on sème: le bio vu par un agriculteurCurieux de connaître l’effet de la vague bio du point de vue des agriculteurs, Le Délit s’est entretenu avec Mario Doré, président du groupe de relance de l’agriculture et de l’innovation (GRAIN) et producteur de céréales biologiques.

AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Samuel Pagé-PlouffeLe Délit

Plus qu’un concours de panacheLe Festival de chasse de La Tuque, vous connaissez? Le Délit vous propose une visite guidée de l’événement prisé par les habitants de la Mauricie.

CHASSE ET CULTURE

Vincent BezaultLe Délit

La Ferme Aventure se situe sur la route 309, à Ferme-Neuve, QC

Guillaume Doré / Le Délit

Quand les orignaux domineront le monde, nos têtes seront sur leurs autos et au-dessus de leurs cheminées

Vincent Bezault/Le Délit

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L’Université d’Ottawa innove constamment par des programmes répondant aux besoins des étudiants et à ceux de la société. Les programmes de maîtrise et de doctorat suivants témoignent de cet engagement :

- Affaires publiques et internationales (M)- Bio-informatique (M)- Droit notarial (M)- Ergothérapie (M)- Physiothérapie (M)

- Matériaux avancés et fabrication (M/D)- Sciences de l’information (M)- Systèmes de santé (M)- Neuroscience (M/D)- Et bien d’autres . . .

Pour des détails sur nos programmes de maîtrise et de doctorat, visitez :www.etudesup.uOttawa.ca

Des maîtrises et des doctorats qui conjuguent savoir et action

8Nouvellesxle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

La semaine dernière, le jour-nal Les Affaires présentait un dossier spécial sur les

villes les plus entrepreneuriales au Québec. Selon la publication, Victoriaville occupe la troisième place à l’échelle provinciale et la septième au Canada. Dans le but de dresser un portrait économi-que de cette ville méconnue des Montréalais, Le Délit a interrogé quelques intervenants de la cor-poration de développement éco-nomique des Bois-Francs.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

Avec 1868 compagnies issues de cinq secteurs différents, la mu-nicipalité de Victoriaville affiche le taux d’entreprises en activité par habitant le plus élevé de la provin-ce: 5,3 entreprises pour 100 habi-tants. Ce pourcentage élevé peut laisser croire que la ville constitue un modèle à suivre en termes de lancement de commerce. Selon René Thivierge, directeur géné-

ral de la Communauté Locale de Développement (CLD), ces sta-tistiques s’expliquent par la colla-boration proactive qui existe entre le conseil municipal et les diffé-rents intervenants économiques de la municipalité. «Les affaires sont réglées rapidement, les en-treprises entrent directement en contact avec les fonctionnaires», explique-t-il.

Sonia Saint-Pierre, agente de communications pour la CLD, ajoute que Victoriaville adopte également une stratégie payante en termes de coopération indus-trielle. «Nous avons tout pour réussir: les outils, les questions à se poser et les moyens pour y ré-pondre. Nos tables rondes ont lieu sur une base régulière, en petits groupes, pour mieux satisfaire les demandes.» C’est avec ces échan-

ges prolifiques que Victoriaville va de l’avant.

Conjointement, l’efficacité des rendements économiques de la ville relève de la flexibilité de sa structu-re. En plus d’une nouvelle zone in-dustrielle, la municipalité s’occupe du traitement de l’hydroélectricité et des gaz naturels, ressources dé-terminantes de l’économie québé-coise. Reste que la clef du succès entrepreneurial de Victoriaville ne date pas d’hier. «En 1980, envi-ron 38% de la main d’œuvre tra-vaillait dans l’industrie du textile ou du bois», selon René Thivierge. Depuis, Victoriaville a fait du che-min pour diversifier son économie. Les requêtes de projets de dévelop-pement et d’expansion en sont la preuve: elles continuent d’affluer malgré la récession.

Quand l’économique se heurte à l’écologique

M. Thivierge couronne la réussite de Victoriaville par un des moteurs importants de sa sphère économique: le déve-loppement durable. Plusieurs industries comme Gaudreau

Environnement, Fournitures Funéraires Victoriaville, Canlac, Soteck ou Industek en témoi-gnent: ils investissent tous dans la récupération des énergies de leur entreprise. Soteck, par exemple, permet aux industries québécoi-ses de diminuer leurs dépenses annuelles grâce à des stratégies d’efficacité énergétique impres-sionnantes.

Fidèle aux stratégies de déve-loppement, Victoriaville souhaite également élargir la portée de son économie avec l’extension de l’aéroport régional André-Fortin. Pour Richard Janda, professeur de droit à l’Université McGill et chercheur au Centre de droit in-ternational du développement durable, ce projet aide certaine-ment les intérêts économiques de Victoriaville, mais pas ceux du développement durable: «il existe une incompatibilité entre le dé-veloppement durable et le projet d’élargissement de l’aéroport. Il va à l’encontre du rapport Stern (2006) et du protocole de Kyoto: aucun substitut n’existe pour remplacer les combustibles fossi-

les des avions. C’est l’environne-ment qui en paie le prix.»

Si le projet aéroportuaire rompt clairement avec le mandat de développement durable que s’est fixé la ville en plein essor, une question vaut la peine d’être posée: y a-t-il lieu de triompher si on sacri-fie l’espace vert au nom de la bonne expansion de l’industrie? Selon le professeur Janda, la réponse est claire: «Il faudrait limiter la crois-sance de ces industries, parce que ce n’est pas en [dépouillant] la ville de ses arbres qu’on contribue à l’es-sence du développement durable.»

Ceci dit, Victoriaville reste reine en matière d’essor écono-mique industriel. Seulement, il ne faut pas que la ville perde de vue la protection de l’environnement: d’après M. Janda, investir dans une série d’infrastructures déjà existan-tes, par exemple, reste une solution beaucoup plus durable. x

Victoriaville: la victoire économique à tout prixAlors que la vitalité économique des régions semble en déclin, Victoriaville fait bande à part. Le Délit a discuté avec des intervenants économiques de ce coin de pays pour en savoir plus sur les raisons de son succès.

BOIS-FRANCS: ESSOR ÉCONOMIQUE

Amélie LemieuxLe Délit

«Victoriaville affiche le taux d’entreprises en activité le plus élevé de la province: 5,3 entreprises pour 100 habitants.» «... il ne faut pas que la

ville perde de vue la protec-tion de l’environnement.»

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En écrivant ma chroniquE, j’adopte bien sûr le thème de cette édition spéciale du journal, à savoir les régions. À la lumière de la récente décision de la Cour suprême qui a qualifié la Loi 104 d’incons-titutionnelle, il convient de s’arrêter sur la «région» qu’est le Québec au sein du Canada pour pouvoir commenter ce ren-versement législatif.

Au Québec, un enfant peut recevoir une éducation dans une école publique anglophone s’il a reçu au minimum un an d’éducation dans cette langue. Plusieurs parents envoyaient donc leurs enfants dans un établissement privé pour une année scolaire afin de satisfaire le critère pour le transfert dans une école publique. La Loi 104 prohibait cette manœuvre. La Cour suprême a déterminé que la Loi 104 allait à l’encontre de la Constitution canadienne

qui protège le droit à l’enseignement dans la langue minoritaire, quelle qu’elle soit, se-lon les circonstances.

La loi visait surtout les enfants nou-vellement immigrés dans la province qué-bécoise. Le gouvernement québécois vou-lait assurer que ces enfants reçoivent sans conteste une éducation en français pour qu’ils puissent, je suppose, mieux s’intégrer dans la société québécoise. Je me pose une question fondamentale à cet égard: la Loi 104 était-elle le meilleur mécanisme pour assurer une intégration efficace des nou-veaux arrivants dans la société québécoise et la survie même de cette société, si dis-tincte soit-elle. À mon avis, il faut répondre négativement.

Il faut commencer à questionner la va-leur des mesures qui visent la protection de la société et de la culture québécoise quand celles-ci nécessitent la renonciation aux droits linguistiques minoritaires. La der-nière fois que j’ai regardé les statistiques, les Québécois francophones étaient en majorité. Alors pourquoi susciter un sen-timent d’urgence en adoptant la Loi 104? Lorsqu’un enfant nouvellement immigré arrive au Québec, ne serait-il pas naturelle-ment une bonne idée de choisir de recevoir une éducation en français pour pouvoir communiquer dans la communauté?

L’argument qui veut que la société et la culture québécoises soient menacées ne tient pas la route. Il convient de regarder la situation historique des francophones qui vivent en Ontario, désormais des Franco-Ontariens. Ils sont 0,5 millions sur 10,5 millions d’habitants non francophones. Ils

ont pu surmonter une prohibition de l’en-seignement du français au début du 20e siècle tout en bâtissant une culture et des institutions qui appuient la communauté. De nos jours, la communauté francophone en Ontario est en toute effervescence mal-gré sa moindre représentation en termes de population.

Alors pourquoi ce sentiment de gran-de panique au Québec? S’il faut vivre sa culture, il ne faut pas le faire en limitant les droits des autres par le biais de lois res-trictives. Vivre sa culture veut dire être bien dans sa peau et démontrer à tous par un programme culturel bien développé qu’il fait bon vivre au Québec. Ceux qui choisis-sent de n’apprendre que l’anglais ne seront que désavantagés par la suite. À cet égard, il faut se rappeler que la langue française pour un immigrant nouvellement arrivé ne le relie pas à la culture québécoise. La lan-gue française est un outil de communica-tion pour lui et la culture québécoise n’est qu’étrangère.

Dans mes prochaines chroniques, je vous proposerai d’autres commentaires sur la question de la langue française à l’exté-rieur du Québec afin d’éclairer la situation de la langue française au Canada. x

Vous êtes de ceux qui paniquez ou vous trouvez que ce sont les autres qui ne paniquent pas assez? Le Délit aime-rait connaître votre opinion sur ce su-jet polémique. Faites-nous part de vos réactions à cette chronique via notre site web ou en écrivant à

[email protected]

JurisimprudenceDaniel Mayer

Loi 104: la grosse panique...CHRONIQUE

Lors dE mEs bELLEs annéEs à McGill, j’ai eu la chance de faire ma thèse avec le professeur Donald Von Eschen. Grâce à lui, j’ai appris deux grandes choses sur la vie.

Premièrement, un rétroprojecteur, ça peut être compliqué à manipuler.

Deuxièmement, nous vivons dans une société stratifiée en classes sociales.

Pour résumer, la société se divise en-tre ceux qui peuvent avoir des billets du Canadiens et les autres. Il y a les bourgeois qui se payent des billets à 263$ et les méga-bourgeois qui ont des billets payés par «la compagnie». On sait jamais quelle exacte-ment est cette compagnie, mais c’est préci-sément le flou donné au terme qui symbo-lise la puissance de ces individus.

Méfiez-vous toujours de celui qui pré-

tend être capable de vous avoir des billets de hockey. C’est comme le jeune Ricardo dans le film 1981. Vous ne l’avez pas vu? Tant pis, je ne connais pas d’exemple avec Twilight. En tout cas, celui qui vous dit qu’il peut vous avoir des billets de hockey, croyez-moi, c’est un menteur. Ou bien un frais-chié. Avez-vous vraiment le goût de passer trois heures de votre vie à boire de la bière à 10$ aux côtés d’une telle personne?

Le but n’est évidemment pas de voir le match. On voit mieux à la TV. C’est de pou-voir crier des insultes à Hall «grand flanc mou» Gill ou à Carey «adolescent attardé-Judas» Price et espérer de manière tout à fait irrationnelle qu’ils nous entendent. Le but est aussi, quelques jours plus tard, d’aller voir nos chums et d’attendre qu’ils parlent de la dernière game et de dire: «Ouin, en tout cas, Latendresse quand je l’ai vu mardi passé, il ne patinait pas aussi vite qu’à la TV.» Vous êtes la star de la soirée.

Pour les prolétaires que nous sommes, il existe deux moyens d’accéder au pitt du Centre Bell.

Premier moyen: les scalpers, le lumpen-proletariat du hockey, ces traîtres sans foi ni loi qui vendent des billets sur le trottoir. La rumeur veut que les scalpers de Montréal mangent des bébés de prolétaires (comme Bob) et aiment mieux jeter leurs billets dans l’égoût plutôt que de les vendre à seulement vingt fois le prix coûtant. Une race pire que ceux qui vous font croire qu’ils peuvent vous avoir des billets. Contre-révolutionnaires.

L’autre moyen est plus laborieux. C’est aussi dur que de s’inscrire au bon séminai-

re sur Minerva. Le 15 de chaque mois, le Canadiens met en vente 200 billets. Deux cents! Il y a 21 273 places. Donc, vous vous placez devant votre ordi, vous ouvrez vingt fenêtres de Firefox et vous vous faites aller la souris. Le 8 novembre dernier, La Presse titrait: «20 000 fans assistent à une pratique du CH». Vingt mille. Une pratique! Deux cents billets pour un match. C’est rire du monde. Révolution!

* * *Pour ce numéro spécial «Régions» je

passe aux aveux. Je suis un humble expatrié de la région de Québec. Non, Québec n’est pas une région. C’est la Capitale nationale. Le centre du monde. Et tout compte fait, deux choses distinguent le 418 du 438-514: une équipe de la LNH et le Rouge et Or de l’Université Laval. L’équipe de football de Québec a gagné son 7e championnat de sui-te samedi dernier. Haha. Pauvre Université de Montréal. Mais surtout, pauvre McGill. Dans les années 80, les Redmen régnaient en rois et maîtres sur le football universi-taire québécois. Mais hélas, un balai dans un anus a compliqué les choses et McGill a perdu TOUS ses matchs pendant trois ans. Maintenant que le balai est loin derrière, on peut espérer recommencer à gagner.x

Personne n’écrit de courriels à [email protected]. C’est cor-rect. Vous pouvez quand même écou-ter Philippe tous les jeudis de 7h à 9h lors de l’émission Le Lendemain de la veille, à l’antenne de CKUT 90,3 FM.

Billet de scalperPhilippe Morin

Bob Gainey, ce mangeur de bébésCHRONIQUE

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

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Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité pa-raît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 99 Numéro 10

le délit

9Controversesxle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

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Chaque année, autant d’immigrants qu’il y a d’habitants dans la ville de Val-d’Or s’ajoutent à la population

québécoise. De ce nombre, une proportion grandissante s’installe hors de la grande ré-gion de Montréal; dans celle de la Capitale-Nationale mais aussi dans les autres régions du Québec. Si c’est le cas, pourtant, ce n’est pas le fruit du laissez-faire. Plusieurs y tra-vaillent avec ardeur, à coup de subventions et de brochures, pour parvenir à contreba-lancer la force des pôles d’attraction que représentent les centres urbains. «On tra-vaille à contre-tendance», indique Claude Fradette, directeur des affaires publiques et des communications du ministère de l’Im-migration et des Communautés culturelles du Québec (MICC), «mais c’est nécessaire».

L’attraction inhérente des agglomérations

«On est conscient du fait que les plus grandes villes sont les mieux connues, et c’est une des raisons pour lesquelles les immigrants s’y installent davantage», com-mente M. Fradette. Ce n’est pas un phé-nomène propre au Québec pour autant. Le mouvement vers les centres urbains est une tendance mondiale, notamment parce qu’on croit trouver plus facilement du tra-vail dans les villes. Les nouveaux arrivants croient également y trouver plus de gens qui y soient passés avant, qui leur ressem-blent et qui pourront les aider.

Mme Spomenka Adzic, citoyenne de la municipalité de Piopolis, dans la région des Cantons-de-l’Est, en sait quelque chose. Elle a étudié et vécu en Serbie, où elle a no-tamment lu sur la géographie et l’histoire du Québec. De façon générale, pourtant, elle connaissait «Montréal parce qu’on y avait tenu les Jeux Olympiques, et la ville de Québec de par son caractère historique». Outre ces deux centres urbains, presque rien; et cette situation est un problème, se-lon le MICC. Il faudra mieux faire connaî-tre les régions pour notamment mieux les (re)peupler.

Ce n’est généralement pas un problème pour Montréal de recevoir beaucoup d’im-migrants. Le problème réside plutôt dans le fait qu’un Montréal accueillant un nombre trop grand de nouveaux Québécois créerait «deux Québec» selon M. Fradette. D’un côté, le Québec de Montréal, cosmopolite et multiculturel, et de l’autre, le Québec des régions, homogène et vieillissant. «Et cette dualité est hautement indésirable»; c’est pourquoi il y a urgence de dynamiser nos régions.

Petites et moyennes séductions

Comment fait-on, donc, pour inciter les immigrants à habiter les régions, sans les contraindre à le faire? Quoique ce ne soit pas une mince affaire, il s’avère néanmoins nécessaire, d’abord et avant tout, de les faire connaître. Selon le MICC, «il faut s’adresser aux immigrants potentiels, et ce, alors qu’ils sont encore à l’étranger.» D’ailleurs, on leur offre présentement la possibilité d’entrer en communication avec des habitants des ré-gions québécoises et d’échanger avec eux sur une foule de sujets. «On cherche à les intéresser», commente le porte-parole du MICC.

En 1996, Mme Adzic faisait partie de ces citoyens potentiels. Considérant les besoins et intérêts de sa famille, on lui avait suggéré de s’établir dans la ville de Sherbrooke au moment où elle s’était adres-sée à l’ambassade du Canada à Belgrade. «Ma famille et moi ne connaissions pas cette ville au départ, on a même dû prendre une carte pour la repérer.» On l’avait informé qu’il s’agissait d’une ville universitaire, et qu’il y avait des parcs. «Ça a suffit pour nous enthousiasmer.»

Il s’agit également pour le MICC de poursuivre la promotion des régions auprès des immigrants une fois qu’ils sont installés au Québec, surtout lorsqu’ils choisissent de s’établir à Montréal. M. Fradette souligne

qu’un petit pourcentage d’entre eux font un «deuxième saut» et déménagent en région après leur arrivée dans la grande ville. C’est pourquoi sont organisées toutes les semai-nes, à la Grande Bibliothèque, des séances d’information sur les différentes régions du Québec en collaboration avec les services Immigration-Québec des régions concer-nées. Dans ces rencontres d’information ou ailleurs, les Québécois fraîchement arri-vés ont la possibilité de consulter des offres d’emploi, ce qui constitue un des incitatifs les plus forts pour le déménagement en région. Ça a d’ailleurs été le cas pour Mme Adzic. «Dès qu’on a vu une offre d’emploi s’affi-cher pour Bestar, une entreprise installée à Lac-Mégantic dans les Cantons-de-l’est, on a voulu y déménager.» Et finalement, la ré-gion a plu à la famille. «Je préférais le calme par dessus tout, et c’est pourquoi j’ai aimé Lac-Mégantic dès que j’y ai mis les pieds. Les gens s’y promènent tranquillement et se saluent.»

Tous les immigrants ne se persuadent pas aussi facilement de déménager hors des grands centres pour y rester. Dans cette optique, il faut aussi miser sur autre chose que l’emploi. Il est nécessaire d’amener les municipalités à préparer l’arrivée des im-migrants pour qu’elles constituent un mi-lieu propice à l’établissement permanent de nouveaux citoyens pas nécessairement francophones. M. Fradette explique que tra-ditionnellement, le Ministère adoptait des mesures uniformes d’une région à l’autre et celles-ci avaient conséquemment «l’im-pression de recevoir des immigrants de la part de la ville de Montréal». Maintenant, le ministère signe plutôt des ententes initiées et élaborées avec ces mêmes municipalités: elles rendent notamment compte du nom-bre d’immigrants qu’elles peuvent accueillir chaque année, jusqu’au nombre de places qu’elles offriront dans leurs écoles. «De

cette façon, les régions se responsabilisent par rapport à l’accueil et l’intégration des nouveaux Québécois. Ça fonctionne beau-coup mieux.» Selon lui, les villes ont une meilleure rétention.

En tout, ce sont vingt-deux de ces en-tentes qui ont été signées entre le Ministère et les municipalités ou les Conférences ré-gionales des élus (regroupements de quel-ques municipalités trop petites pour conclu-re indépendamment des ententes).

Ces nouvelles mesures ont permis une progression du pourcentage de nouveaux immigrants qui s’installent hors de la région métropolitaine, comprenant non seulement la ville de Montréal, mais celle de Longueuil et de Laval. S’il y a eu une nette progression entre les années 2001 et 2006, le taux s’élève maintenant à 18,5%, et connaîtra une aug-mentation faible mais constante dans un avenir proche, assure le MICC.

La communauté immigrante n’est pas la seule clientèle potentielle pour les régions québécoises qui connaissent trop bien ce qu’est l’exode rural. On mise aussi sur l’en-semble des Québécois, qu’ils soient étu-diants, diplômés, ou professionnels.

Les études exo-montréalaisesPour contrer la force d’attraction

qu’exercent les grandes villes universitaires sur les étudiants, le Québec met sur pied

Société[email protected]

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Montréal est-elle trop densément peuplée? Certainement pas autant que nos régions sont vides. En réaction à l’exode rural auquel as-siste le Québec, plusieurs acteurs clés opèrent à contre-tendance. Il reste encore beaucoup de Montréalais à convaincre de plier bagages pour ne les déplier qu’une fois hors de la métropole.

«On travaille à contre-tendance, mais c’est né-cessaire.» -Claude Fradette, Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec

«J’ai aimé Lac-Mégantic dès que j’y ai mis les pieds. Les gens s’y promènent tranquillement et se sa-luent.» -Spomenka Adzic, Méganticoise

La Grande séduction

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l’Université du Québec (UQ) en 1968, à la suite des recommandations du rapport Parent sur la démocratisation de l’édu-cation. Depuis sa création, le réseau UQ s’emploie notamment à «retenir la jeunesse dans les régions et [à] l’empêcher de s’exiler dans les grandes villes d’où elle ne revenait pas», indique le Dr. André Lemieux, pro-fesseur en organisation scolaire à l’UQAM. En effet, le «développement des régions» demeure encore aujourd’hui l’un des trois volets de sa raison d’être.

L’UQ compte maintenant neuf éta-blissements, dont huit hors de la région de Montréal et veut «attirer et retenir des mas-ses critiques de chercheurs, de professeurs et d’étudiants dans des domaines diversi-fiés correspondant [aux meilleurs atouts des régions québécoises]», comme le dicte sa mission constitutionnelle.

Dans le but de remplir cette mission pas si évidente, le réseau universitaire a d’abord pris corps avec les Universités de Chicoutimi et de Trois-Rivières en septem-bre 1969, suivi par Rimouski quatre années plus tard.

L’Université du Québec à Chicoutimi, au Saguenay, exploite ses atouts régionaux par l’entremise de ses ressources naturelles, l’aluminium et la production d’hydroélec-tricité. Si son centre de recherche est ar-ticulé autour de ces ressources, c’est aussi dû à la présence d’Alcan dans la région, un géant de l’industrie de l’aluminium au Québec qui a, à Chicoutimi, plusieurs de ses installations énergivores.

L’Université du Québec à Rimouski est connue «pour ses travaux de recherche sur l’océanographie et ses composantes parce qu’elle est situé près du fleuve», indique M. Lemieux. C’est ainsi que les sciences de la mer participent au développement régio-nal.

Les 65 000 kilomètres carrés du terri-toire boréal sur lequel est établie l’Univer-sité du Québec en Abitimi-Témiscamingue font partie des raisons qui expliquent le do-maine de recherche de ses chercheurs: les mines et la foresterie. Pareillement, l’Uni-versité du Québec à Trois-Rivières mise sur ses avantages comparatifs que sont les arbres pour approfondir ses recherches no-tamment en matière de pâtes et papiers.

Le bon exode ruralTout n’est pourtant pas rose avec le

réseau UQ. Le jeune réseau qui navigue entre la centralisation et la décentralisation depuis sa création se fait pointer du doigt par sa plus grosse constituante, l’Université du Québec à Montréal. «L’UQAM, avec la moitié de ses programmes et la moitié de ses étudiants, subventionne les universités en région à 50%», souligne M. Lemieux. Les coûts élevés du maintien des installa-tions des établissements hors de la région de Montréal sont en grande partie assumés par l’Université de la métropole et ses étu-diants plus nombreux. Cette situation est injuste, d’après le professeur de l’UQAM, essentiellement parce que l’établissement pour lequel il enseigne n’a pas accès à la totalité du montant amassé par ses propres étudiants. Ce montant «est partagé avec les autres établissements du réseau, alors que ce devrait être assumé par toutes les uni-versités du Québec, pas seulement l’UQ.»

C’est pourquoi il indique qu’avec la dernière grève de l’UQAM, en mars dernier, l’Université a tenté d’appliquer un principe analogue à celui de souveraineté-association pensé par René Lévesque pour le Québec au sein du Canada, mais cette fois pour l’UQAM au sein du réseau universitaire. Au lieu de faire partie intégrante d’une seule et même Université du Québec, l’UQAM sou-haite plutôt une personnalité juridique et financière autonome.

Une fois le diplôme en pocheNon seulement faut-il offrir aux étu-

diants de la province d’entreprendre leurs études à l’extérieur de l’îlot montréalais, mais il importe d’autant plus de les informer sur la possibilité d’y utiliser les compéten-ces que leurs diplômes leur confèrent. Et ce, pour une autre bonne raison: il existe un danger supplémentaire à l’exode rural. M. Benjamin Bussière, directeur général de Place aux Jeunes du Québec, pointe celui de l’étalement urbain et de ses conséquen-ces désastreuses en termes écologiques. Les écologistes sont nombreux, en effet, à croire qu’une dilatation croissante des ag-glomérations conduit à une disparition des terres agricoles, une raréfaction de certaines espèces animales, une augmentation de la dépendance envers l’automobile et une aug-mentation des dépenses énergétiques en rai-son de la faible densité de la population de ces quartiers.

Comment devrait-on s’y prendre pour ramener les cerveaux à la maison? Selon M. Bussière, la solution passe irrémédiablement par la dynamisation des régions, et donc, par le retour des jeunes. Il ne s’agit pourtant pas pour lui de les empêcher de quitter, mais plutôt de «faciliter leur retour». Pour la moi-tié de ces jeunes qui s’établissent en région, il ne s’agit pas tellement d’un retour, pré-cise-t-il, mais plutôt d’une migration; 50% d’entre eux n’y sont pas nés, et n’y ont pas grandi.

Pour arriver à convaincre la jeunesse du bien-fondé de l’exode urbain, il faudra d’abord procéder à l’embellissement de l’image des régions québécoises. Si l’on croit généralement que l’économie des régions repose sur les secteurs primaires, il en est

tout autrement. «On trouve plusieurs entre-prises de technologie avancée qui sont aussi loin que la Gaspésie. Les entreprises qui ef-fectuent des troisièmes et quatrièmes trans-formations y sont monnaie courante,» rap-porte M. Bussière. L’immobilier en région est également plus accessible, l’embauche y est plus facile, le trafic et le stress, quasi-ab-sents et les perspectives familiales, meilleu-res. Voilà le message qu’il faudrait diffuser par l’entremise des journaux.

Bien entendu, «les petites municipali-tés ne pourront jamais offrir la même qua-lité de services en termes de transport en commun, ou de programmation culturelle, par exemple. Il faut se rendre à l’évidence. Pourtant, plus il y aura de jeunes, plus il y aura de projets et plus les régions seront dy-namiques, créatrices. Bref, attirantes». C’est précisément cette logique qu’il importe de construire et de maintenir dans les régions québécoises, selon M. Bussière.

À défaut de discréditer les régions sur de mauvaises bases, il faut plutôt miser sur les avantages comparatifs des milieux ru-raux, c’est à dire la qualité de vie propice à la famille, l’emploi abondant et le faible coût de la vie. C’est d’ailleurs ce qu’il entend donner comme mission à Place aux Jeunes du Québec. Effectivement, M. Bussière coordonne l’organisme québécois qui ad-ministre chaque année 17 millions de dol-lars provenant essentiellement des coffres du gouvernement du Québec dans le cadre de sa stratégie d’action jeunesse. Des quatre mandats de Place aux Jeunes, le plus ambi-tieux prévoit l’exploration de soixante-dix régions par quelques quinze jeunes diplô-més pour leur permettre de développer un réseau de contact, de rencontrer des élus, etc. La formule est tellement bien structu-rée, souligne le directeur, que «les autres provinces canadiennes, la France et, tout ré-cemment l’Espagne, s’inspirent du modèle proposé par le Québec.»

Le Service de planification de car-rière de McGill (CaPS) offre le service d’inscription à ces séjours exploratoires. Quoique «peu d’étudiants mcgillois y par-ticipent», selon Janice Tester, conseillère en carrière au CaPS, cette possibilité est offerte aux étudiants année après année. Elle re-connaît pourtant que l’Université pourrait en faire plus. «Certains étudiants tiennent à faire carrière en région. Pour chacun de ces étudiants, en fait, il y a toujours une raison en lien avec la famille. Soit il veut y retour-ner parce que sa famille s’y trouve, soit il veut y aller parce qu’il a l’intention d’y en fonder une.»

Les régions sont présentement dépein-tes, injustement, dans des couleurs quelque peu ternes. Elles gagneraient beaucoup à avoir une image enjolivée, ne serait-ce qu’à hauteur de ce qu’elles sont vraiment. Reste à espérer qu’elles sauront charmer ceux parmi nous, immigrants, étudiants et profession-nels, qui ont tant apprendre du terroir. x

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Par Éléna Choquette

«Plus il y aura de jeunes en région, plus il y aura de projets et plus régions se-ront dynamiques.» -Benjamin Bussière, directeur général de Place aux Jeunes du Québec

«L’Université du Québec s’emploie à retenir la jeu-nesse dans les régions et à l’empêcher de s’exiler dans les grandes villes d’où elle ne revenait pas.» -André Lemieux, professeur à l’UQAM

La Grande séduction

Guillaume Doré / Le Délit

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12 Arts & Culture xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Arts&[email protected]

Lorsqu’on me demande d’où je viens et que je nomme mon village natal,

neuf fois sur dix j’ai droit à la réponse à laquelle je m’attends. «Saint-Eugène? Non, connais pas.» C’est alors que j’ajoute : «C’est juste à côté de Saint-Jean-Port-Joli...» Et là, parfois, une petite lumière s’allume dans le regard de mon interlocuteur. «Ouais, ça me dit quelque cho-se.»

Ça vous dit quelque chose? C’est fort possible, car Saint-Jean-Port-Joli figure parmi les incontournables de la carte tou-ristique et culturelle du Québec. Depuis plusieurs dizaines d’an-nées, ce village fait mentir ceux qui soutiennent que la culture, ce n’est qu’en ville –pour ne pas dire qu’à Montréal– que ça se passe. Printemps, été, automne ou hiver, Saint-Jean-Port-Joli a toujours quelque chose à offrir à ses habitants et aux visiteurs qui s’y arrêtent.

La capitale de la sculptureEn 2005, Saint-Jean-Port-

Joli a été désignée Capitale culturelle du Canada. On souli-gnait ainsi le dynamisme de cet-te petite communauté, hôte de nombreux artistes et artisans qui

contribuent à faire de la région un pôle culturel important.

La spécialité du coin –s’il faut n’en nommer qu’une– c’est certainement la sculpture sur bois. Les origines de ce métier d’art remontent ici au début du siècle, lorsque les trois frères de la famille Bourgault (Médard, André et Jean-Julien) ont, grâce à leur talent, contribué à faire de ce petit village un haut-lieu de la sculptu-re. Cette tradition est encore bien vivante, et la réputation de Saint-Jean-Port-Joli en tant que capitale de la sculpture dépasse largement les frontières du Québec.

De fait, chaque année depuis un quart de siècle a lieu l’Inter-nationale de sculpture (qui de-viendra en 2010 la Biennale de sculpture), un événement qui rassemble des sculpteurs de tous les coins du monde pendant une dizaine de jours d’activités. Cette rencontre est l’occasion pour les artistes d’échanger sur leur art, et pour le public de voir ces artistes à l’œuvre; certaines des sculptu-res sont ensuite exposées tout au long de la saison estivale dans le Parc des Trois Bérets, un joli site en bordure du fleuve.

L’héritage maritime de la ré-gion... en chansons

Saint-Jean-Port-Joli est un village côtier: le fleuve fait partie de la vie de ses habitants, passés,

présents et futurs. Cet héritage a laissé des traces dans la mémoi-re collective, notamment sous la forme de légendes (celle, par exemple, de la Coureuse des grè-ves attendant les marins sur les berges du fleuve), mais également sous la forme de ces chansons fredonnées par les marins lors de leurs longs voyages en mer… C’est dans cet esprit qu’a été créé, il y a près de douze ans, le Festival des chants de marins, qui fait re-vivre chaque année la tradition musicale maritime de la région et d’ailleurs.

En plus des nombreux spec-tacles de musique et de danse folkloriques au programme, le Festival donne lieu à des activités variées, allant des ateliers d’his-toire au repas gastronomique mettant en vedette les produits du terroir maritime. Cinq jours de fête bien remplis, c’est garanti!

Les saisons en fêteQui a dit que l’hiver était

une saison ennuyante? Québec possède son Carnaval, Montréal sa Nuit Blanche et son Festival en Lumières. À Saint-Jean-Port-Joli, on célèbre la Fête d’hiver: en février, la sculpture sur bois fait place à la sculpture sur neige. Encore une fois, l’événement atti-re des sculpteurs locaux et étran-gers, qui s’affrontent dans des compétions –amicales, bien sûr.

Le parc des Trois Bérets se couvre alors de monuments blancs, et le visiteur qui s’y promène a de quoi oublier le froid pendant quelques heures...

L’automne et le printemps voient eux aussi défiler leur lot d’activités culturelles. Les violons d’automne, notamment, invitent les spectateurs à (re)découvrir cet instrument qu’est le violon, à travers une série de concerts et d’ateliers destinés au grand pu-blic. Les Printemps enchantés, quant à eux, sont l’occasion d’as-sister à une série de spectacles donnés par les ensembles vocaux Solaré (jeunes) et La Marée chan-te (adultes) au cours de la premiè-re fin de semaine de mai.

Et le reste du temps…Pour tous ces jours où Saint-

Jean-Port-Joli n’est pas «en fête»,

reste toujours de quoi se divertir en visitant l’un des nombreux musées ou boutiques d’artisa-nat dont regorge le village... ou encore en découvrant les bons petits restos du coin, tout aussi nombreux! Les amoureux de lit-térature de la Nouvelle-France parmi vous ne manqueront pas non plus d’aller visiter l’église du village, où repose, inhumé sous le banc seigneurial, notre cher Philippe Aubert De Gaspé, der-nier seigneur de Saint-Jean-Port-Joli.

Alors, prêts à parcourir les quelque trois heures et demie de route qui séparent Montréal de ce charmant petit coin du Québec? Vous allez voir, ça passe vite, sur-tout en ayant un bon livre sous la main (ce pourrait être l’occa-sion de lire ou de relire les Anciens Canadiens, pourquoi pas?). x

Saint-Jean aux mille sculpturesÀ mi-chemin entre Québec et Rivière-du-Loup, sur la rive sud du fleuve, la petite ville de Saint-Jean-Port-Joli a beaucoup à offrir aux amateurs d’activités culturelles. Coup d’œil sur ce petit coin de Chaudières-Appalaches.

UNE CAPITALE CULTURELLE EN RÉGION

Julie TurcotteLe Délit

L’une des sculptures exposées dans le parc des Trois -Bérets Julie Turcotte/Le Délit

La Fête d’hiver accueille des sculpteurs en provenance de plusieurs pays.Cofec

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13Arts & Culture xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

On le sait: Québec n’est pas une région. Mais nous, petits Montréalais

que nous sommes, oublions sou-vent que le théâtre, ça ne se passe pas que dans la métropole.

Mais la réalité étant ce qu’el-le est, les comédiens et les dra-maturges de la Capitale doivent mettre de l’ardeur au travail s’ils veulent faire du théâtre leur ga-gne-pain.

L’initiative est la clef de la survie à Québec. Comme nous le dit Jessica Thériault, «Il n’y a pas à Québec de télévision ou de cinéma, il y a un peu de voix et de publicité, mais on vit surtout de théâtre. Donc si tu n’es pas engagé dans un grand théâtre, il faut y aller de ta propre initiative». C’est sans doute ce qui explique que la ville possède un nombre impressionnant de compagnies théâtrales. «Il y a énormément de compagnies de théâtre, soit entre trente et quarante compagnies enregistrées. Il y a aussi le Théâtre Premier Acte qui encourage beau-coup la relève; tous ceux qui ont de l’initiative peuvent monter leur projet et le proposer à Premier Acte, qui réalise quelque huit piè-ces par année», poursuit-elle.

Un autre aspect fondamen-tal du théâtre à Québec, c’est la polyvalence: «L’idéal, c’est d’être polyvalent. Qu’il s’agisse de fai-re des spectacles pour enfants, de faire de la mise en scène au Cégep, de donner des cours de théâtre, de faire de l’animation ou de faire des voix, plus tu es

capable de réaliser des choses dif-férentes, plus tu es capable de te débrouiller. Comme ça, même en ayant moins de contrats dans les théâtres, tu réussis tout de même à travailler.»

Rentabilité oblige, certai-nes compagnies de théâtre –cela dit, autant dans la Capitale que dans la métropole– organisent des tournées si l’une de leur piè-ce obtient du succès. Le théâtre pour enfants, notamment, en est un qui fait beaucoup de tournées. Il est donc fréquent de voir des pièces de théâtre de compagnies montréalaises jouées à Québec, et vice-versa.

Métropole versus CapitaleComme l’explique Jessica

Thériault, le choix de faire car-rière à Québec n’a rien de facile pour les artistes de théâtre. Pour

les comédiens qui souhaitent se réaliser ailleurs que sur les planches, que ce soit à la télévi-sion ou au cinéma, le choix de déménager à Montréal s’impose bien souvent: «À Montréal, c’est sûr qu’il y a plus de comédiens, mais il y a plus de contrats aussi. C’est très difficile comme choix.» Bien que la scène montréalaise puisse sembler alléchante de par sa plus grande échelle, le choix de rester à Québec une fois leur

carrière lancée s’avère beaucoup plus judicieux pour les artistes du théâtre de la Capitale: «Tous ceux qui font le passage à Montréal le disent: quand tu pars à Montréal, tu repars à zéro. Même si tu as dix ans d’expérience dans le domaine, tu dois refaire tous tes contacts. C’est assez difficile.»

Vous allez à Québec dans les semaines à venir? Voici quelques pièces à sur-veiller :

Premier Acte est le théâtre de l’émergence théâtrale à Québec. Jusqu’au 28 novembre prochain sera présentée La réforme Pinocchio, une production de la compa-gnie Les Fleurs mise en scène par Jean-Michel Déry. Pour plus amples informations, voir le site www.premieracte.ca.

Jusqu’au 28 novembre pro-chain, le Trident présente le Macbett d’Eugène Ionesco, le tout mis en scène par le dramaturge bolivien Diego Aramburo. Pour plus d’informations, consultez le site www.letrident.com.

Pour ceux qui auraient raté Coma Unplugged à Montréal, la pièce sera de passage à Québec sur les planches du Périscope du 17 au 28 novembre prochains: www.theatreperiscope.qc.ca

Si vous êtes assez rapides pour vous rendre à Québec d’ici le 21 novembre, le Théâtre de la Bordée y présente jusqu’à cette date la pièce Apocalypse à Kamloops: visitez le www.bordee.qc.ca. x

Sur les planches de QuébecAvec ses quelque 500 000 habitants, la capitale québécoise peut se targuer d’avoir une scène théâtrale bien active. Jessica Thériault, comédienne à Québec, nous parle des réalités de son métier.

THÉÂTRE

Julie CôtéLe Délit

Depuis le Début De la session, et donc depuis que j’écris cette chronique, il y a une facette de ma personne que je tente de garder secrète. Toutefois, amis lecteurs, comme c’est le «spécial région» et que de toute façon je quitterai l’univers mcgillois dans moins d’un mois, je sens la sou-daine envie de me confier à vous. Je fais donc de vous mes confi-dents –le temps d’une chronique, du moins– dans cette affaire des plus scabreuses.

Le fait est que, à chaque se-maine, je vous entretiens de la beauté de l’art, de sa finesse et des bonheurs qu’il occasionne. Nous aimerions tant clamer haut et fort que nous sommes des artistes avec la même conviction que Christian Bégin. Si seulement. Mais bon, l’histoire n’est pas là.

Disons plutôt que derrière toutes ces propositions de sorties hautement culturelles et urbaines que je vous fais, je tente de dissi-muler un lourd passé: celui d’être fondamentalement une «fille de la campagne». Et quand je dis cam-pagne, prenez le mot dans son sens le plus rural possible (voir la définition de «trou» en annexe). J’entends déjà vos exclamations,

vos cris de désarroi. Je sais, je sais.Je n’ai d’autre choix que de

vous affirmer que votre chroni-queuse culture préférée a grandi en buvant de la Molson Ex et en écoutant du AC/DC.

J’entends vos accusations, mes enfants, je les entends: ré-gion ne veut pas dire manque de culture et de raffinement. C’est bien vrai la plupart du temps, mais je dois avouer que ce n’est pas l’image qui me reste de mon patelin natal.

J’aimerais tant vous dresser le portrait d’une région stimulante, où l’air est pur et bon, où l’herbe est tellement verte que vos yeux ne peuvent le supporter et où le ciel est tellement plus lumineux que nulle part ailleurs. Toutefois, j’ai grandi au Centre-du-Québec. C’est où ça? C’est la question à la-quelle je dois répondre constam-ment; vous chercherez par vous-mêmes.

Le fait est qu’il ne se passe pas grand chose au Centre-du-Québec et que le bar du coin est le divertissement le plus culturel qui soit (ben quoi, y’a un juke box) et le casse-croûte le seul restaurant.

Mais bon, j’ai bien beau rire de mon villâââge natal, reste que je porte en moi des marques in-délébiles de cette éducâââtion. Lesquelles? Celle de courir pour traverser la rue entre deux feux de circulation, celle de toujours avoir peur quand j’entends plusieurs si-rènes d’ambulance et de camions de pompiers et celle de pogner les nerfs quand les Montréalais se décident à faire des concertos de klaxon. Sentez-vous bien libre de rire. Mais pour le moment, je préfère être ridicule en ville que de m’ennuyer en campagne.

Réagissez à cette chronique: [email protected]

La pause culturelleJulie Côté

Sortir la campa-gne de la fille

CHRONIQUE

Vivre du théâtre à Québec peut se révéler périlleuxVincent Bezault/ Le Délit. Photos de Bernard Gagnon et Réné Ehrhard

«À Montréal, c’est sûr qu’il y a plus de comé-diens, mais il y a plus de contrats aussi. C’est très difficile comme choix.»

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14 Arts & Culture xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Spécial LivresAlors que le Salon du Livre ouvrira ses portes du 18 au 23 novembre prochains, Le Délit en profite pour vous faire part de ses suggestions de lecture.

«Bon, ben, ouais, tout s’est déglingué.»

Hattie, expatriée à Paris et fraîchement abandonnée par son petit ami, reçoit un appel d’alerte en provenance de l’autre côté de l’océan. Au bout du fil est Thebes, sa nièce aux cheveux vio-lets et aux tendances verbomotri-ces, qui n’arrive plus à tenir seule avec une mère à la dérive. Min ne sort plus du lit et avale pilule après pilule. Les flacons vides s’em-pilent alors que Logan, le frère de Thebes, sèche les cours et se construit une carapace à l’aide de ses écouteurs et de son capuchon extra-large.

Hattie arrive juste à temps dans son Manitoba natal pour voir Min emportée à l’hôpital psy-chiatrique. Cette fois-ci plus que les autres, sa sœur semble avoir atteint le fond. Que faire quand rien ne va plus? Hattie décide de prendre la route avec Thebes

et Logan dans la vieille fourgon-nette Ford Aerostar. Destination Murdo, dans le Dakota du Sud, un «grain de poussière» sur la carte. Le trio mal assorti part ainsi sillonner l’Amérique, uni par le vague espoir de retrouver Cherkis, le père des enfants.

Les Troutman volants est le quatrième roman de l’écrivaine manitobaine Miriam Toews, paru l’an dernier en version originale anglaise et traduit tout récem-ment à la maison Boréal. À des miles du road novel traditionnel, Les Troutman volants nous em-porte de Winnipeg à la frontière du Mexique, dans les hauts et les bas de cette petite famille toujours prête à se démanteler malgré les efforts de Hattie.

Miriam Toews livre ici un conte inusité sur l’enfance, os-cillant sans cesse entre le déses-poir et la légèreté, le côté amer et le côté sucré de ces années où tout se joue. Où tout s’est joué, du moins, pour Hattie, qui plonge dans ses souvenirs de jeunesse avec Min

alors qu’elle regarde Thebes et Logan dans le rétroviseur de la Ford Aerostar. Sur la route, Hattie, Thebes et Logan trouveront beau-coup plus que ce père disparu des années plus tôt: c’est leur difficile relation à Min qu’ils parviendront enfin à explorer.

L’équilibre précaire entre le sujet sombre qu’est la dépression et l’éclat de vie qu’est l’enfance est maintenu tout au long du roman par une plume bien maniée, plei-ne d’humour. Dans Les Troutman volants, Miriam Toews fait la juste part aux dialogues savoureux, tou-jours surprenants, parfois tendres, qui font le quotidien de Thebes et Logan. L’univers de l’écrivaine nous happe complètement. Car, comme ses personnages, nous ne savons jamais vraiment vers quoi nous volons. x

Dans un vieux manoir «tout ce qu’il y a de plus ma-gni-fi-que» trans-

formé en auberge luxueuse, une drôle de créature déambule d’un étage à un autre, scrutant quo-tidiennement les moindres faits et gestes des gens qui l’entou-rent mais qui ne la voient pas. Se transportant tour à tour dans les cuisines, sous le bureau de la directrice aux talons pointus et dans sa cachette surnommée le «trou», prenant bien soin que nul ne l’aperçoive, le petit être narre en long et en large la rou-tine au manoir, derrière laquelle se cachent des réalités beaucoup plus sombres que ce que les ap-parences ne laissent croire; mal-gré les paysages bucoliques du domaine, des histoires d’adul-tère, de viols et d’autres crimes scrupuleux font surface. De ses différents postes d’observation,

la créature commente et vit à travers les actions des autres, allant jusqu’à s’amouracher, en secret toujours, de la plus belle femme de chambre du manoir.

Dans ce premier roman, Nicolas Chalifour parvient à transporter ses lecteurs dans l’univers tout à fait décousu et quasi fantastique de ce petit être obscur. Dès les premières pages de Vu d’ici tout est petit, c’est la langue enfantine et naïve de ce narrateur qui frappe, surprend et amuse. On ne peut s’empê-cher de se demander qui se ca-che derrière ces interminables phrases, une question qui reste pourtant sans réponse, même à la fin du roman. L’effet d’amu-sement se perd, malheureuse-ment, au fil des pages, allant jusqu’à lasser et irriter le lecteur qui se sent prisonnier de cet étrange narrateur qui l’empê-che de pousser l’intrigue plus loin. Entre le début et la fin de l’histoire, tous deux assez intri-

gants, on se sent obligé de lire les moindres pensées –souvent répétitives– du narrateur, ce qui a pour effet de rendre la lecture du roman quelque peu lourdau-de et morne en dépit du langage coloré. Or, comme le dit le titre du livre, du point de vue du pe-tit être à la langue bien pendue, tout est petit et, malheureuse-ment pour le lecteur, l’intrigue n’y échappe pas. Si dans son premier roman Chalifour réus-sit à nous transporter à plu-sieurs lieues du conforme et du commun, on aurait souhaité trouver dans Vu d’ici tout est petit une intrigue un peu mieux fice-lée qui aurait rendu la lecture plus fluide. x

À la dériveDans Les Troutman volants, Miriam Toews nous entraîne sur la route en compagnie d’une tante et de deux enfants peu conventionnels.

Tout petit tout petitNicolas Chalifour signe chez Héliotrope Vu d’ici tout est petit, un

premier roman tantôt sucré, tantôt acidulé.

LITTÉRATURE

Véronique SamsonLe Délit

Julie CôtéLe Délit

Vu d’ici tout est petitPar Nicolas ChalifourÉditions Héliotrope21,95$

Les Troutman volantsPar Miriam ToewsÉditions du Boréal25,95$

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15Arts & Culturexle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Le titre du premier roman de Guillaume Corbeil, Pleurer comme dans les

films, laisse présager une sensi-bilité volontairement exagérée et kitsch, celle d’un personnage se complaisant dans sa douleur pour mieux se mettre en scène. La surprise n’en est que plus grande en découvrant l’univers insolite mais tendre des deux principaux protagonistes, un garçon hydrocéphale et une pe-tite fille aux orbites vides. Ces figures enfantines monstrueu-ses, franchement bizarres mais pas trop conscientes de l’être, n’ont rien de cynique. Dans leur candeur, tous deux peuvent rê-ver aux destinées les plus fan-tasques, poussés en cela par des parents aussi éloignés du monde pratique que leur progéniture.

Le conte des habits neufs de l’empereur, qui revient à quel-ques reprises dans le récit sous

une forme remaniée, résume presque à lui seul les thèmes centraux du roman. Et si l’empe-reur n’avait pas été la proie de fi-lous ayant abusé de sa crédulité, mais avait bel et bien porté des habits, invisibles au plus grand nombre mais magnifiques aux yeux de quelques privilégiés? Délibérément choisir de s’illu-sionner, faire «comme si», trou-ver refuge dans la fiction: autant de manières d’exister, de dépas-ser les limites trop restreintes qu’impose un réel qui, de toute manière, apparaît déjà surréaliste à travers le regard du narrateur. Le petit hydrocéphale, que sa mère prépare depuis toujours à une carrière de grand écrivain, modèle ses actions et ses pen-sées en fonction des biographies lues dans une série de revues in-titulée La grande revue des grands écrivains. Cette comédie de l’exis-tence, ce choix de jouer une vie écrite d’avance plutôt que de la livrer à la contingence des jours, offre aux personnages un destin

à habiter en même temps qu’elle les emprisonne.

La langue qu’emploie Guillaume Corbeil, musicale et rythmée sans être ostentatoire, sert bien son texte. L’auteur a su créer une voix singulièrement forte pour son jeune narrateur, où derrière une immense naï-veté perce une fragilité que met à mal la cruauté du monde qui l’entoure. Toutefois, malgré la brièveté du roman, quelques ré-pétitions dans les propos et les péripéties alourdissent le texte. Ce défaut n’est cependant pas suffisamment problématique pour enlever au plaisir de suivre la quête malencontreuse de ces petits monstres aux allures de Don Quichotte. x

Dans Le cafard, l’auteur ca-nadien d’origine libanaise nous transporte dans le

quotidien médiocre d’un immi-grant venu chercher dans ce pays de neige non pas une vie meilleure, mais une meilleure mort. Dans la froideur montréalaise, il déambule d’une rue à l’autre, anonyme, sans autre but que de fuir son apparte-ment infesté de cafards, un animal auquel il s’identifie néanmoins. Rien ne réussit à celui qui se dit mi-humain, mi-blatte; pas même son suicide, qui rate quand la branche de l’arbre auquel il vou-lait se pendre cède. Cet événement lui vaut par la suite de fréquentes rencontres avec la psy, Geneviève, rencontres qui font la lumière sur le passé de l’homme. Ainsi le lec-teur découvre les problèmes fa-miliaux de celui-ci, ses tentatives d’assassinat sur son beau-frère violent et les multiples vols qu’il commet avec son complice Abou-Roro. Entre ces rétrospectives et le récit du quotidien de l’homme-cafard, le lecteur est également confronté à ses noires pensées et à ses pulsions sexuelles, lesquelles sont canalisées sur les quelques femmes qu’il côtoie. À mi-chemin entre le réel et l’hallucination, l’homme sans nom se mute en ca-fard, cet insecte aussi méprisable que dégoûtant. Sous cette forme, il infiltre la demeure d’autrui pour y

prendre ce qui lui plait et acquiert une liberté que le corps humain ne lui permet pas. L’entourage de l’homme, loin d’être plus joyeux, présente différents visages de l’immigration: la belle Iranienne en quête d’émancipation, l’ancien journaliste devenu chauffeur de taxi ou le musicien qui vend de la drogue aux petits bourgeois de la métropole. Tout est échec et dé-sillusion dans ce livre et pourtant, tout est étrangement réel.

Avec ce deuxième roman plu-tôt sombre, Hage captive son lec-teur dès la première page. Malgré la noirceur des propos du livre, la plume de l’auteur fascine par sa richesse. Les divers éléments de l’histoire s’enchaînent avec une fluidité impressionnante qui gar-de le lecteur en haleine à chaque instant. La traduction en français, signée Sophie Voillot, parvient tout à fait à rendre la puissance du style de l’auteur. Vraiment, rien dans Le cafard ne peut ar-rêter le lecteur. Ce roman est la confirmation du talent de Hage qui, espérons-le, nous réservera d’autres belles surprises dans le futur. Si vous n’avez qu’un seul livre à lire cette saison, assurez-vous de choisir Le cafard. x

L’illusion tragiquePleurer comme dans les films, ou le parti pris de la fiction selon

Guillaume Corbeil.

InfestéAprès s’être mérité tous les prix pour son premier roman Parfum de poussières (De Niro’s Game), Rawi Hage revient à la charge avec Le cafard.

Le cafardPar Rawi HageTraduction de Sophie VoillotÉditions Alto385 pages25,95$

Laurence Côté-FournierLe Délit

Julie CôtéLe Délit

Pleurer comme dans les filmsPar Guillaume CorbeilLeméac Éditeur18,95$

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16 Arts & Culture xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Si Yves Meynard est bien connu et bien récompensé par les amateurs de science-

fiction, il apparait évident, après la lecture de son tout dernier recueil de nouvelles, que son lectorat de-vrait dépasser largement la com-munauté SF.

L’Enfant des Mondes Assoupis regroupe huit nouvelles écrites entre 1989 et 1999, dont certaines ont été récompensées par les prix Boréal et Aurora. L’histoire qui ouvre le recueil, «La Rose du dé-sert», est une réflexion fascinante sur les origines et le destin de l’homme. On hésite entre la relire encore et encore, ou passer à l’autre nouvelle. Les fictions qui suivent étonnent par leur variété, autant dans leur contenu et leurs thèmes que dans leur structure narra-tive et leur contexte. «Équinoxe» fait appel à la morale et à la reli-gion, alors que «Une princesse de Serendip» nous plonge directe-ment dans un univers cyberpunk

(pour les novices: ayant comme thèmes l’intelligence artificielle, la drogue, la technologie et les virus informatiques, les bandits, etc.). Dans «Les Hommes-Écailles», Jorn se mesure à Léviathan, alors que dans «Le Vol du Bourdon», un émissaire de la Terre tente de convaincre la Reine des Ruches du danger qui la guette. «Chasseur et Proie» nous fait suivre les pas d’Andersen, qui scrute la foule présente à l’Exposition universelle à la recherche de celle qu’il doit tuer. Dans «L’Enfant des Mondes Assoupis», la curiosité du Prince mène ce dernier vers Merre, un monde totalement différent de ses attentes. Enfin, «Soldats de sucre» clôt le recueil en offrant au lecteur un traitement original, étrange, presque grotesque du thème de la guerre.

Dire que l’écriture de Meynard est imagée, intelligente et originale parait insuffisant; ce serait là employer des euphémis-mes. Son récent recueil est un de ces rares livres qu’il est tout simplement impossible de dépo-ser. Chaque nouvelle de l’inven-

tif écrivain est une découverte savoureuse qui plonge le lecteur dans un univers merveilleusement bien décrit, peuplé de personna-ges d’une authenticité palpable. Ces nouvelles nous parlent, évo-quent cette imagination qu’on a depuis longtemps repoussée dans les tiroirs lointains de notre mé-moire. Le style de l’auteur est sim-ple, précis et accessible sans pour autant manquer de poésie. Si la fin de chaque nouvelle laisse au lecteur un sentiment ambivalent, c’est bien celui de ressentir à la fois la grande satisfaction d’avoir lu une fiction écrite avec justesse et la tristesse d’être déjà arrivé à son dernier mot.

Une petite note à ceux qui sont curieux envers la science-fiction et qui ont soif de littéra-ture audacieuse et originale: à lire absolument.x

«Régulièrement, Mara retournait en Abitibi; Hubert, au Lac-Saint

Jean. Tout ce temps sans se voir, c’était impensable. (…) Un chemin de fer existerait avant leur mort, c’était assuré. (…) Entre eux, de vastes territoires sauvages.»

Des premiers passages du roman de Mylène Bouchard se dégage le désir irréaliste de voir s’unir deux personnages que tout semble éloigner. Derrière ce dé-sir, qui deviendra besoin, se pro-file une œuvre qui part littérale-ment dans toutes les directions. La Garçonnière raconte la relation de Mara et Hubert, deux passion-nés d’art et de littérature qui, dès leur première rencontre au Cégep du Vieux-Montréal, s’embarquent dans un amour impossible qui sera vécu textuellement, «comme une parenthèse», et qui les mènera au bout du monde. Ainsi se dessine une histoire d’amour simple, vécue principalement dans un Montréal méticuleusement décrit et où se succèdent les rencontres dans les cafés du Mile-End, les visites de ga-leries d’art et les tournées de bars. À cause de l’étiquette d’artistes/intellectuels sensibles et tourmen-tés qui leur est trop rapidement apposée, ces personnages peuvent d’abord sembler incomplets, voire convenus, d’autant plus que leurs pensées et propos se teintent d’in-

nombrables citations tirées des classiques sur lesquels se construit leur relation (L’Immortalité de Milan Kundera, le Refus Global, Tu m’aimes-tu de Richard Desjardins, pour n’en nommer que quelques uns). Une progression un peu tardive se fait finalement sentir dans le récit et lève alors le voile sur des images et des fixations des plus poétiques; celles-ci prennent tout leur sens vers la fin du roman, quand Mara et Hubert se retrouvent à Beyrouth puis à Prague, vingt ans après leur rupture, transportant toujours avec eux les séquelles de leur amour inassouvi et toutes les hantises que la fatalité finit par dévoiler. Le style de Mylène Bouchard, dénué d’arti-fices, est à la fois éclaté et authen-tique, mélangeant points de vue, lieux et temps de façon tout à fait fluide. Son écriture, dans laquelle transparaît certainement un grand amour pour l’art et la littérature, fait du roman lui-même un ressort de l’existence des deux protagonis-tes, tant les recours qu’ils ont aux mots et aux expressions est précis, sensible et déterminant. D’une his-toire plutôt simple et d’une mise en situation un peu maladroite découlent alors une œuvre fort in-téressante, qui vaut certainement que l’on s’y arrête.x

L’amour impossible et toutes ses parenthèsesLa Garçonnière, second roman de Mylène Bouchard, dissèque le sentiment amoureux de deux passionnés des mots.

Émilie BombardierLe Délit

La GarçonnièrePar Mylène BouchardÉditions la Peuplade20,95 $

Un joyau de la SFDans son nouveau recueil L’Enfant des Mondes Assoupis, l’auteur de science-fiction Yves Meynard nous livre d’excellentes nouvelles imagées qui stimulent l’intellect autant que l’imagination.

Julie LerouxLe Délit

L’Enfant des Mondes AssoupisPar Yves MeynardÉditions Alire 15,95$

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Tout au long de ses vingt-quatre nouvelles, Dany Tremblay plonge le lecteur

dans de multiples univers qui se distinguent tant par leur ton que par leur point de vue narratif; en effet, on y explore tout à la fois la narration au «je», à la troisiè-me personne et même au «tu» et au «vous» – pari périlleux que l’auteur réussit à tenir. La plupart des nouvelles plongent au cœur du déséquilibre avéré, passé ou en devenir qui saisit les femmes

et les quelques hommes du re-cueil. Parfois, ce sont les specta-teurs du désespoir d’un ami ou d’un inconnu qui jouent le rôle de narrateur, mêlant toujours une part d’empathie au récit de l’incompréhensible folie. La part sombre de l’âme, jamais nommée ou étiquetée, est décrite autant du point de vue de ceux qui la vi-vent que de ceux qui en sont les témoins. Inévitable, le glissement vers l’irréparable se produit. On meurt beaucoup, dans Tous les chemins mènent à l’ombre, on viole aussi. Pourtant, pas de mélodra-me: Dany Tremblay réussit à faire

sentir l’intensité de la souffrance de ses personnage sans tomber dans l’exagération larmoyante.

Certains pourront trouver à redire sur la disparité des tons et des niveaux de langue qui se succèdent dans les nouvelles. La plupart du temps simple et juste à la fois, la langue semble parfois assise entre deux chaises, no-tamment lorsque les expressions typiquement québécoises sont écrites en italiques (pit de sable), brisant ostensiblement le rythme du texte. Tout se passe comme si l’auteur avait du mal à trouver sa voix et à l’assumer. Aussi, le

choix de séparer le recueil en six parties semble discutable: alors que cinq parties font référence à différents degrés de lumière («Brunante», «Black-out», …), la sixième partie se nomme «Autres espaces-temps», et rassemble deux nouvelles qui ne sont pour-tant pas si différentes des autres. Pour ajouter à l’incompréhen-sion du lecteur, certaines nou-velles reprennent les intrigues et les personnages des autres, et font croire à une manière de roman aux perspectives multi-ples... mais non. Généralement courtes, les nouvelles décrivent le

plus souvent un moment, et sa-vent le rendre avec précision. Le format du livre gagnerait certes à être remanié pour plus de cohé-rence. En somme, Dany Tremblay offre un recueil intéressant, fruit de nombreuses expérimentations qui, si elles peuvent parfois lais-ser sceptique, ont presque toutes le mérite de viser juste.x

Spéléologie de l’âmeDans Tous les chemins mènent à l’ombre, Dany Tremblay explore les milles facettes de la folie et du désespoir.

Rosalie Dion-PicardLe Délit

L’histoire commence dans le présent intemporel et indéfini de Gabriel, un

jeune artiste incapable d’affron-ter les fantômes de son passé. Afin de comprendre sa propre histoire et de s’en exorciser, Gabriel décide d’écrire ses «mé-moires libérateurs». Ainsi, il re-visite l’érotisme et la spiritualité qui ont teinté sa relation avec Monique, une femme tellement belle qu’elle en trouble jusqu’au lecteur. Celle-ci incarne non seulement le nirvana mais aussi le blues de Gabriel, son déchire-ment entre la vérité, inaccessible, et le mensonge, inévitable. Parce que Monique l’a aimé, lui a men-ti, l’a trompé et l’a quitté, Gabriel ne peut l’oublier. Le désespoir qui l’habite, malgré le temps qui passe –un temps ponctué par les

retours de Monique–, le pousse à revisiter son histoire, celle d’un homme laissé seul face à sa soif d’idéal et d’absolu, l’histoire d’un homme qui n’a pas tué l’amant de sa femme, et qui n’est pas le père de leur enfant.

Cette histoire est aussi celle de Joyce, l’enfant de Monique, dont Gabriel s’occupe pendant de longs mois avant de découvrir sa véritable paternité. Joyce, à travers l’histoire de la princesse Mérime inventée par Gabriel, ap-porte un peu de magie, de dou-ceur et de rêve dans ce monde brutal et hypocrite. Et le lecteur est pris d’envie pour cette petite fille innocente et naïve, loin de la violence et de l’érotisme du quo-tidien des autres personnages.

Le personnage de Joyce et la possible transfiguration finale de Gabriel ne réussissent pourtant pas à alléger le ton du roman qui, dans sa volonté de toucher

à la profondeur de l’humain dans ses recoins les plus obs-curs, semble aussi explorer les recoins les plus obscurs de la lit-térature. Malgré le rythme flui-de de la narration, les passages concernant la quête métaphysi-que et spirituelle de Gabriel sont confus et apparaissent comme des parenthèses inutiles au ré-cit. Seule la fin du roman, qui entremêle l’histoire de Mérime à celle de Gabriel, sort le lecteur de l’ennui des deux cents pages précédentes. Ainsi, si Frédéric Gagnon réussit en effet à nous faire connaître «la vie réelle», il échoue par contre à nous faire rêver.x

Avez-vous perdu votre innocence d’enfant? Avez-vous cherché des

réponses dans tous les mauvais endroits? Avez-vous laissé le stress prendre le dessus sur votre vie? Avec Ombres sereines, Michel Samson propose un interlude littéraire, le temps de poser les vraies questions, de revenir à ce qu’il y a de fondamental dans la vie, de chercher la Voie. Ses récits nous transportent dans

un instant lointain, comme un voyage oublié. Les courts tex-tes sont comme rythmés par les coups de pinceau d’un moine vietnamien qui se voue à l’art de la calligraphie.

Ne craignez pas d’avoir af-faire ici un discours bouddhiste et shintoïste hautain. Michel Samson entame le dialogue entre maître et disciple avec une énig-me qui s’étire sur toute la lon-gueur du recueil: «Une ombre en mouvement, un sentier difficile, une destination inconnue. Peux-tu maintenant mesurer le poids des ombres?» Ponctués des frus-

trations du disciple qui essaie de contrôler les détours sinueux de sa pensée, les courts récits du maître ont tous un lien plus ou moins évident avec l’énigme principale. Le lecteur, devenu disciple, se plie à la méthode du maître, et se sent dans l’obliga-tion de se questionner.

Le recueil est parsemé d’anecdotes amusantes, de réa-lités touchantes et de vérités à apprivoiser. Impossible de rete-nir les rires quand l’auteur pré-sente un homme d’affaires affolé qui vient chercher «l’illumina-tion sublime» dans un temple du

Japon, et qui repart convaincu de l’avoir enfin trouvé… alors que le moine n’a fait que répéter le mot «chat», pour lui faire remarquer qu’il avait pris le tapis du chat plutôt qu’un zafu, un coussin de méditation.

L’auteur aborde des sujets difficiles, comme la pauvreté et l’impact du redoutable agent orange (un herbicide toxique utilisé pendant la guerre de Viêt Nam pour brûler les forêts et les récoltes) sur le paysage humain et naturel du Viêt Nam; mais il dépeint aussi les sourires des villageois des montagnes, les

traits de caractères de ceux-ci, et il le fait avec une habileté qui laisse présager un deuxième re-cueil. L’auteur parvient à éclairer l’énigme du poids de l’ombre sans que nous, lecteurs, n’ayons le désir d’en lever les yeux, sauf peut-être pour mieux réfléchir à ses propos.x

Le Blues du lecteurNirvana Blues, le deuxième ouvrage de Frédéric Gagnon, est une fiction témoignant de la vie intérieure tourmentée et violente des êtres, reflet de nos propres tourments amoureux, spirituels et politiques.

Trouvé, le temps perduDans Ombres sereines, un récit au style anecdotique évoquant ses propres expériences de voyage en Asie, Michel Samson explore les questionnements existentiels auxquels nous cherchons tous des réponses.

Marie-France GuénetteLe Délit

Ombres sereinesPar Michel SamsonLa Grenouille Bleue22,95 $

Nirvana BluesPar Frederic GagnonLa Grenouille Bleue 22,95 $

Tous les chemins mènent à l’ombrePar Dany TremblayLa Grenouille Bleue22,95 $

17Arts & Culturexle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Annick LagoviezLe Délit

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Née à MoNtréal, déracinée à l’aube de l’adoles-cence, forcée de suivre la cellule familiale jusqu’à des endroits ter-ribles, gris, le bout du monde, le royaume des thermopompes et des semi-détachés, j’ai souffert de mon déménagement. En banlieue. La vraie: le dépanneur le plus pro-che à vingt-cinq minutes de mar-che, les autobus qui passent une fois l’heure la fin de semaine, le concert ininterrompu des tondeu-ses, les autobus scolaires...

Ma maman était contente, il y avait des chardonnerets dans les mangeoires, et un grand jardin à aménager. En plus, un immense parc tout près, des pistes de ski de fond, des sentiers, des kilomètres de plaisir et d’ornithologie.

Pour moi, seule amélioration -discutable-, le câble. Des heures de zapping, quelques bons films de répertoire, une quantité infinie de mauvaises traductions, quelques matchs de curling. Beaucoup de msn -les amis étaient trop loins pour que je puisse les voir en per-sonne- et de coups de fil intermi-nables.

Ce qu’il y de bien, en banlieue, c’est qu’il y toujours un voisin sans enfants avec une grande pis-cine creusée, chauffée à 80 degrés

(en banlieue, on parle en degrés Farhenheit pour l’eau de piscine, et en pieds pour toutes les mesures). Durant mes sept ans de vie en ban-lieue, j’ai dû emprunter au moins cinq réseaux d’autobus différents, dont le tarif étudiant, lorsqu’il y en avait un, allait de 2,50$ à 5,00$, et parfois on avait de la chance parce que les autobus étaient conduits par des collecteurs d’argent préhis-toriques qui ne comptaient même pas les pièces. Pardon, société des transports de Saint-Bruno.

Ah, la Rive-Sud, ses autobus voyageurs, ses longs, longs trajets. Et les derniers bus, ah! Ces derniers bus... À 1h21, le vendredi soir, titu-bant de l’abreuvoir à l’arrêt de bus, errant dans le terminal suréclairé aux néons à la recherche de quel-que chose pour tuer le temps, qui s’est présenté quelque fois, sou-vent en la personne d’un garçon qui jonglait avec des balles trans-parentes, en acrylique. Si transpa-rentes qu’on ne peut pas les voir tourner, on dirait que la balle glisse le long du bras, de la main -je ne sais pas pourquoi, ça m’a toujours fait penser à Labyrinthe. En plus, on était dans le même bus.

J’ai aussi rencontré ce garçon, presque mon voisin, jeune cégé-pien à l’époque, qui avait des che-veux noirs frisés encadrant un visa-ge doux, un peu joufflu, un sourire rêveur et des grands cils. On parlait à chaque fois qu’on se croisait, il étudiait en informatique, il avait eu un stage chez Pratt & Whitney, et finalement ils l’avaient engagé. On a commencé à faire semblant de ne pas se reconnaître, il s’est coupé les cheveux, il a pris une bedaine, et son sourire a disparu.

C’est la vie, y parait. xVous aussi vous avez grandi

à Longueuil? Écrivez à Rosalie à [email protected]

l’été derNier, alors que je travaillais à temps plein dans un magasin de records, il m’est venu à l’idée d’écrire Les carnets d’un accoté, une histoire las-sante sur les banalités hyper sub-jectives de mon quotidien derrière un comptoir. Malgré l’avortement presque immédiat de mon projet, j’ai cru pertinent de vous faire part d’une anecdote assez récente qui aurait pu se retrouver parmi les pages de mes carnets; une pause style collation-santé meets bouillon de poulet pour l’âme.

Remettons-nous en contex-te. Il est 18h, il fait encore assez chaud pour espérer ne pas avoir à contracter les muscles de son cou lorsqu’on marche face au vent, et Falardeau est encore parmi nous. Je porte des jeans bleus percés à la hauteur hum…correcte, juste as-sez pratique pour jouer des parties de pocket pool dans les moments d’ennui endémique. Non, c’est une blague…je suis incorrigible…je suis aux bonnes manières ce que Jacques Demers est à la lec-ture (rires en boîte et serpentins).

N’empêche qu’un peu d’action ne pouvait me faire de mal à trois heures de la fermeture de la voûte aux gros disques noirs.

Surgissent alors deux in-dividus arborant une dégaine nocturne inopportune dans un contexte si diurne –la descrip-tion la plus réaliste que je puisse en faire est sans doute qu’ils of-fraient un tableau digne de Laurel et Hardy, mais version qui sent le Adidas Move et qui se tient au Saint-Sulpice depuis que la der-nière coupe Stanley est passée par Montréal. Appelons-les Lycra et Hardcore Gamer. Bon, les deux guenilles entrent dans le magasin, Lycra transpire à grosses goûtes sa pizza (cri***ment) classe de la Piazzetta et Gamer touche à tout d’une manière professionnelle-ment saumâtre.

Je remarque que les deux sont d’une humeur assez sanguine, ce qui transparait dans leur body language qui m’épelle en caractère gras: «Chaque fois qu’on boit, on tente de ramener des filles, mais on finit toujours ensemble même si on n’est trop pas feuf ». J’ai sou-dainement un haut-le-cœur car Gamer vient de m’apostropher en me disant: «Man, t’as-tu de l’électro, mais tsé plus du dance…tsé, pour danser.» Moi de répon-dre avec mon index: «Par là, pis fais donc pas tes besoins dans le magasin.» Tout content de l’at-tention qu’il reçoit de la part du mâle alpha de la place (j’étais seul), Gamer insiste pour que je lui choisisse sa bébelle et accentue le fait qu’il se sacre de la musique, qu’il n’a pas de table tournante

et qu’il veut juste entendre du beat car c’est comme une drogue pour lui –moi, je pense à ma mère et je me souviens que j’étais si à l’aise en position fœtale. Je prends n’importe quel objet circulaire et je le pose sur la platine du maga-sin, car fiston (alias Gamer alias Je porte encore un bracelet Lance Armstrong) veut danser.

Lycra sort alors une liasse de billets et m’offre de me payer pour entertainer son ti-nami avec qui il s’adonne aux plaisirs du pocket pool, je décline poliment pendant que Gamer s’excite –et que je l’imagine en train de se secouer le bandit à bâbord et à tribord pour faire rire l’autre. Gamer décide d’acheter le maxi, même si son copain lui explique qu’il ne pos-sède même pas de platine.

J’entame le processus de facturation et j’entends snifffffffffffffffffff sniffffffffffffffffff. Je lève la tête et je vois les deux énergumènes en plein plongeon dans un petit sac rempli de sucre qui empêche de dormir.

Je n’ai même pas le temps de m’écrier the horror, the horror, qu’ils sont déjà en route vers le Saint-Sulpice pour une autre nuit qui finira à grands coups de je t’aime dans le ça pue. x

Et vous, vous êtes plutôt Lycra ou Hardcore Gamer ? Réagissez [email protected]

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Le BâtonRalph Elawani

Y’a un fou qui sniffe ta ligne de vie

CHRONIQUE

La tête en fricheRosalie Dion-Picard

Longueuil by the beach

CHRONIQUE

18 Arts & Culture xle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Vu à Sherbrooke par Jimmy Lu

Le reste de cet essai photo est disponible en exclusivité et en couleurs sur le site internet du Délit: www.delitfrancais.com

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ÉPISODE 10Résumé de l’épisode précédent:

Une manifestation populaire a creusé un fossé inattendu entre Lui, cousin influençable d’un militant syn-dicalo-révolutionnaire et Elle, membre de la bourgeoise capitaliste anglopho-ne… Un retour en force des deux soli-tudes dans l’existence des deux amants est-il à craindre?

Elle sortit de la chambre, l’air hagard. Serrant la ceinture de sa vieille robe de cham-

bre en velours vert, elle retira du feu la bouilloire sifflante, oubliée là par Emma. Cette dernière fit irruption dans la cuisine, les yeux maniaques et l’air surexcité. Elle, hébétée par les événements de

la veille, continuait à verser l’eau chaude sur les poches de thé. Une forte odeur de myrrhe mê-lée de musc attaqua vivement ses muqueuses olfactives. Elle se re-dressa et vit alors une enveloppe fort travaillée, scellée à l’ancienne avec de la cire, adressée en lettres gothiques qu’elle ne connaissait que trop bien. Elle attrapa la lettre qu’Emma agitait sous son nez en lui lançant un regard sans équivo-que. Son bol de thé à la main, elle s’effondra sur le canapé et lança la lettre toujours cachetée sur le gué-ridon style Queen Anne. Histoire de se changer les idées, elle alluma la télévision, où passaient en boucle des images de la manifestation de la veille, avec un close-up sur Lui et son ignoble acolyte en train de scander «Fuck la bourgeoisie!». Elle éteignit l’appareil brusque-ment, se pencha et reprit la lettre.

Elle inspira profondément, s’im-prégna du lourd parfum que dé-gageait l’enveloppe, et l’ouvrit.

My dear, I have truly missed thee ever

since you left me. I know we somehow grew apart; however, my feelings, they never changed. I have just submit-ted my Master’s thesis in Byzantine Studies and have now a lot of time on my hands. ’Tis why I dearly wish that thou willst meet me on the steps of the Birks building, at sundown, in a fort-night.

Richard Wilde III

«In a fortnight?!» En se fiant à la date écrite en entête, cela voulait dire… le lendemain. Perplexe, elle examina l’enveloppe et constata qu’il n’y avait pas de cachet de la poste, mais remarqua quelques petites marques de pinces et une plume minuscule coincée entre la cire et le papier. Il se servait donc

toujours de son vieux pigeon voyageur! Ah… Richard… soupi-ra-t-elle.

***

La pluie battait contre les car-reaux de la fenêtre du bureau froid et sombre des T.A., au sous-sol du pavillon des Arts. Elle triturait de rage l’ourlet de sa jupe, l’œil fixé sur la pendule. Il ne s’était pas présenté au rendez-vous qu’il avait lui-même quémandé il y a deux semaines, sous prétexte de discuter de son travail final. Dans sa tête alternaient, de façon stro-boscopique, l’image captée par le journaliste de CTV qui montrait son jeune loup condamnant la bourgeoisie, et celle de son direc-teur de maîtrise, le visage fendu par un sourire pervers, faisant allusion à ses petites indiscré-tions. Elle ignorait qu’à ce mo-ment même, il ne pouvait venir au rendez-vous; il était à la merci de Steeve, qui lui faisait découper le restant des rideaux rouges de la cuisine depuis l’aube.

***

Elle suivait avec appréhen-sion dans le corridor de l’hôtel ce-lui qui venait de réapparaître sou-dainement dans sa vie. Il y avait à présent chez lui quelque chose de changé. Elle n’arrivait pas tout à fait à mettre le doigt dessus –

était-ce sa démarche, l’ondulation de ses cheveux, un certain négligé dans sa tenue? Il ouvrit la porte de la chambre: «Apwrès vous mad-mezelle». Les chandelles, l’effluve de myrrhe, la musique baroque… il la renversa sur le lit sans effort. Torturée par la culpabilité qu’elle ressentait envers Lui mais cour-roucée de ce qu’elle percevait comme une trahison de sa part, elle laissa Richard lui enlever sa blouse. Les yeux clos, elle se dé-lassait à ses caresses, ses mains qui s’inséraient sous son soutien-gorge couleur chair, sa bouche qui l’embrassait à perdre haleine. Elle le sentait étonnamment vigoureux contre elle et, elle, sentait le désir monter d’entre ses cuisses. Elle succomba.

Les sirènes d’une ambulance troublèrent son doux sommeil, bercé par la respiration virile de Richard. Elle se leva discrètement, enroulée dans le couvre-lit, et alla à la salle de bain. Sur le bord de l’évier, elle vit une bouteille de comprimés, sur laquelle était clai-rement écrit : VIAGRA 25 MG DE 1 À 2 COMPRIMÉS POUR DIFFICULTÉS ÉRECTILES.

« That’s why he felt so young… »

Retrouvez tous les épi-sodes du roman-feuilleton sur notre site internet:

www.delitfrancais.com x

19Arts & Culturexle délit · le mardi 17 novembre 2009 · delitfrancais.com

Emmanuelle Jacques / Le Délit

Flagrant délit de tendresse

LE ROMAN-FEUILLETON DU DÉLIT

Catherine RenaudLe Délit

Et si on vous donnait carte blanche pour refaire McGill de A à Z, vous commenceriez par où?

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Numéro spécial l’Université Rêvéele 30 novembre

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AU CINÉMA DÈS LE 13 NOVEMBRE

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