الجمھوریة الجزائریة الدیمقراطیة الشعبیة وزارة التعلیم العالي و البحث العلمي
République Algérienne Démocratique et PopulaireMinistère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
UNIVERSITE D’ORANFACULTE DES SCIENCES
DEPARTEMENT DE PHYSIQUE
Thèse de MAGISTER
En Biotechnologie
Option : Intérêt des microorganismesEn Agriculture et en Agro-alimentaire
Présentée par
Khadidja BELKHEIRIntitulée
PROTEOLYSE ET AUTOLYSE CHEZ DEUX LACTOBACILLESISOLES DE LAIT CAMELIN.
CARACTERISATION D’UNE AMINOPEPTIDASE
Soutenue le : 19/11/2008Devant le jury :
Président : Pr. Z. FORTAS Université d’OranExaminateur : Pr. H. ZADI KARAM Université d’Oran
Dr. F. DALACHE Université de MostaganemDr. A. MAAROUF Université d’Oran
Rapporteur : Pr. N-E. KARAM Université d’OranCo-Rapporteur : C.C. S. ROUDJ Université d’Oran
Année Universitaire 2007/2008
Introduction
La flore lactique des levains utilisés en industrie fromagère joue, d’un point
de vue technologique, trois grands rôles. Elle est responsable de l’acidification du
lait (fermentation lactique au cours de laquelle le lactose est dégradé en acide
lactique), elle est également à l’origine des modifications de la flaveur,
principalement du fait de son activité protéolytique, enfin elle permet de limiter le
développement des germes indésirables, du fait de la production d’acide(s) et
d’éventuelles substances inhibitrices.
Pour pouvoir jouer tous ces rôles, la flore lactique doit atteindre un niveau de
population important. Dans le lait, le seul facteur susceptible de limiter leur
croissance est leur nutrition azotée. En effet ces bactéries présentent plusieurs
exigences nutritionnelles (Juillard et al., 1996).
Les bactéries lactiques, dont le genre Lactobacillus, nécessitent l’apport exogène
de multiples facteurs de croissances tels que les bases purines et pyrimidines,
vitamines et acides aminés libres comme l’arginine, leucine, isoleucine,
méthionine, lysine, valine, glutamate, aspartate, tyrosine, thréonine, tryptophane
et parfois l’alanine, l’histidine, la proline, la glycine et la sérine (Khalid et Marth,
1990).
Pour pouvoir se développer dans le lait, qui est un milieu riche en protéines et
pauvre en acides aminés libres et peptides (Mills et Thomas, 1981), les
lactobacilles comme les autres bactéries lactiques, déploient un système
protéolytique complexe dégradant la caséine, protéine majoritaire du lait, en
acides aminés et peptides nécessaires à leur croissance.
Les connaissances acquises sur le système protéolytique des bactéries lactiques
concernent surtout la flore starter constituée essentiellement de lactocoques. Les
lactobacilles sont généralement introduits dans le caillé fromager sous forme
d’additifs à de basses densités cellulaires. Chez cette flore la protéolyse est peu
étudiée car les travaux se concentrent surtout sur leur pouvoir autolytique et la
libération des peptidases, deux phénomènes très sollicités lors de la maturation
fromagère (El Soda et al., 2000 ; Swearingen et al., 2001 ; Banks et Williams,
2004).
Notre travail est une contribution aux travaux effectués au laboratoire de biologie
des microorganismes et biotechnologie d’Oran (LBMB) dont le but est la
constitution d’un souchier de bactéries lactiques indigènes performantes. Ces
bactéries ont été isolées à partir d’échantillons de lait de multiples espèces
animales ou de produits artisanaux collectés dans différentes régions du territoire
algérien (Karam, 1995).
Le présent travail porte sur l’activité protéolytique et le pouvoir autolytique des
deux souches CHTD27 et BH14 du genre Lactobacillus, qui ont été isolées de deux
échantillons de lait de chamelle, collectés respectivement dans les régions de
Tindouf et Timimoun.
Pour cela dans un premier temps nous avons confirmé le caractère protéolytique
(Prt+) des souches sélectionnées, en établissant le profil électrophorétique de
dégradation de la caséine (caséinolyse) en fonction du temps. Nous nous sommes
orientés ensuite vers la recherche de variants protéolytiques déficients (Prt-) par
mutagenèse UV.
Dans un deuxième temps, nous avons recherché l’activité L-leucyl aminopeptidase
des deux bactéries. Nous avons alors entamé la purification et la caractérisation
physico-chimique de l’enzyme.
Dans une troisième étape, nous avons étudié le pouvoir autolytique spontané des
deux souches sur milieu MRS puis tenté de l’induire en modifiant les conditions de
milieu.
Les différentes manipulations pratiques et les résultats obtenus sont décrits après
une brève analyse bibliographique.
1.1 Généralités sur les bactéries lactiques :
De nombreux produits alimentaires subissent une fermentation lactique avant leur
consommation ce qui leur assure des caractéristiques bien particulières d’arome et
de texture, mais aussi une bonne sécurité alimentaire grâce aux acides organiques
produits. Les bactéries qui en sont responsables sont regroupées sous l’appellation
de bactéries lactiques. Ce sont des bactéries à Gram positif qui regroupent 12
genres dont les plus étudiés sont Lactobacillus, Lactococcus, Streptococcus,
Leuconostoc, Enterococcus et Pediococcus.
Ces bactéries peuvent avoir des formes de bâtonnet ou de coque, isolés ou en
chaînettes quelque fois très longues. Elles sont très généralement immobiles mais
quelques espèces sont mobiles grâce à des flagelles péritriches et ne sporulent
pas ; elles sont anaérobies facultatives ou microaérotolérantes et ne produisent
pas de catalase. Inaptes à réduire les nitrates et à hydrolyser la gélatine les
bactéries lactiques ont en commun la capacité de fermenter les sucres en acide
lactique : certaines sont dites homofermentaires car elles ne produisent que l’acide
lactique alors que d’autres sont dites hétérofermentaires et produisent en plus de
l’acide lactique d’autres composés tels que l’acétate et l’éthanol (De Roissart in
Luquet, 1986 ; Dronault, 2001).
Les lactobacilles regroupent de nombreuses espèces bactériennes sous forme de
bâtonnet ou coccobacilles, omniprésents dans la nature, rarement pathogènes et
colonisent différentes niches écologiques comme le lait et ses dérivés, les
végétaux, les viandes fermentées, les muqueuses humaines et animales et le
tractus digestif.
Le genre Lactobacillus a été divisé selon des caractéristiques biochimiques et
physiologiques en trois sous genres. La classification revue et développée par les
technique moléculaires subdivise les lactobacilles en trois groupes (Bourgeois et
Leveau, 1980 ; De Roissart et Luquet, 1994) :
• Groupe I : regroupe toutes les espèces thermophiles homofermentaires
strictes.
• Groupe II : comprend des espèces mésophiles hétérofermentaires
facultatives.
• GroupeIII : représenté par des espèces hétérofermentaires strictes.
1.2 Effet des bactéries lactiques sur la santé humaine :
En alimentation humaine les bactéries lactiques sont consommées
quotidiennement et en grande quantité : dans les yaourts par exemple deux
espèces de bactéries lactiques (Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus
thermophilus) sont présentes à une concentration de 108-109germes /gramme
(Desmazeaud, 1996 ; Yildirim et Yildirim, 2001 ; Courtin et al., 2002).
En plus de leur intérêt dans la fabrication et la préservation des produits
alimentaires, les bactéries lactiques jouent un rôle dans l’amélioration de la
digestion du lactose chez les sujets déficients en lactase, ainsi que dans la
prévention et le traitement des diarrhées infectieuses dues à Clostridium difficile
(Bifidobacterium bifidium et Streptococcus thermophilus) ou le traitement des
troubles digestifs liés à l’antibiothérapie (Lactobacillus rhamnosus), dans la
diminution du cholestérol sérique surtout sous l’effet des probiotiques dénommés
«LactoSacc» (Lactobacillus acidophilus, Enterococcus feacium, Saccharomyces
cerevisiae) (Le Loire et al., 2001 ; Dronault et Corthier, 2001 ).
Les bactéries lactiques ont un rôle aussi dans la prévention des cancers : (tumeurs
coliques diminuées par Lactobacillus acidophilus, Bifidobacterium longum et
vésicales diminuées par Lactobacillus casei). L’inhibition de la prolifération des
lignées cancéreuses HT29 est due aux peptides bioactifs issus de l’hydrolyse des
caséines. En effet deux séquences peptidiques dérivées des caséines β (séquence
β 145-155) et αS1 (séquence α 31-48) inhibent in vitro les ‘’matrix
métalloprotéinases’’, protéases qui jouent un rôle essentiel dans la progression des
tumeurs et particulièrement dans la propagation métastastasique du cancer
(Dronault et Corthier, 2001 ; Miclo et al., 2001 ; Robert, 2002.)
Les effets bénéfiques de certaines souches du genre Lactobacillus sont résumés
dans le tableau 1.
Tableau 1: Effets bénéfiques de souches probiotiques de Lactobacillus (Grattepanche, 2005)
Souches Produits Effets observés Références
Yaourts à boire Prévention des allergies Kallliomäki et al., 2001 Rautava et al., 2002
Yaourts Traitement des allergies Majama et al., 1997 Isolauri et al., 2000
Stimulation de la production d’IL-10 Pessi et al., 2000
Diminution de l’incidence des diarrhées
Vanderhoof et al., 1999
Lb. rhamnosus GG
Capsules
Diminution des diarrhées à rotavirus
Majama et al., 1995
Yaourts à boire Inhibition du développement d’Helicobacter pylori
Michetti et al., 1999 Lb. Johnsonii La1 (Lj1)
Yaourts Stimulation de l’activité phagocytaire
Schiffrin et al., 1997
Yaourts à boire Augmentation de l’activité des cellules NK
Nagao et al., 2000 Lb. casei Shirota
Laits fermentés Diminution des diarrhées à rotavirus
Marteau et al., 2001
Stimulation de la production d’IgA Faure et al., 2001 Lb. casei DN-114 001 Yaourts à boire
Diminution de l’incidence des diarrhées
Pedone et al., 2000
Laits fermentés Yaourts
Lb. acidophilus NCFM
Formules infantiles Capsules
Diminution des diarrhées infantiles Facilite la digestion du lactose
Sanders et al., 2001
Lb. plantarum 229v Jus de fruits Prévention des maladies cardiovasculaires
Naruszewicz et al., 2002
Lactobacillus bulgaricus and Streptococcus thermophilus
Yogurt, fermented infant formula
young children with acute watery diarrhea
Boudraa et al., 2001
1.3 Les caséines
Les caséines constituent les protéines majeures du lait, elles représentent environ
80% du total protéique. Elles sont représentées par les caséines αS1, caséine αS2,
caséine β et caséine κ. Ce sont des phosphoprotéines présentes dans le lait sous
forme micellaire. Chacune des caséines se différencie des autres par sa
composition en acides aminés, sa structure et ses propriétés. Le point
isoélectrique des caséines est de 4.6.
Puisqu’elles sont phosphorylées, les caséines précipitent en présence d’ions
calcium, à l'exception de la caséine κ qui ne possède qu'un seul résidu
phosphosérine.
La caséine αS1 est représentée par une chaîne de polypeptidique composée de 199
acides aminés. Son poids moléculaire est de 23 614 Da. La caséine αS1 forme des
interactions hydrophobes pour former l’unité fondamentale de la structure
micellaire. De plus, la caséine αS1 est moins susceptible à l'action de la plasmine
que la caséine β, en raison de son plus fort degré d'association à la structure de la
micelle (Gaumond, 2005).
La caséine αS2 est composée de 207 acides aminés pour un poids moléculaire de
25 230 Da. C'est la moins abondante des caséines majeures du lait. La caséine αS2
est la plus hydrophile de toutes les caséines car la plus phosphorylée (10 à 13
phosphates/mol) et la plus riche en résidus cationiques.
La caséine β est composée de 209 acides aminés et possède un poids moléculaire
de 23 983 Da. C'est la plus hydrophobe de toutes les caséines. L’hydrolyse de la
partie C-terminale de la caséine β sous l’action de la plasmine conduit à la
formation des caséines γ1, γ2 et γ3 (Thivierge, 1999). Une très grande quantité de
résidus prolines caractérise les caséines, particulièrement la caséine β (De
Roissard et Luquet, 1994 ; Gaumond, 2005).
La caséine κ est formée de 169 acides aminés et possède un poids moléculaire de
19 007 Da. En raison de la faible quantité de phosphosérine au niveau de sa
structure primaire (un seul groupement), la caséine k ne fixe que deux moles de
calcium par mole de protéines à pH neutre. Contrairement aux autres caséines, sa
solubilité est peu affectée par la présence de calcium. Par conséquent, la caséine κ
est un agent stabilisateur de la micelle (Léonil et al., 2007).
Les micelles de caséines sont élaborées dans la cellule épithéliale mammaire au
cours d’un processus compartimenté. Celui-ci est initié dans le réticulum
endoplasmique, se poursuit dans l’appareil de Golgi et se termine dans les
vésicules de sécrétion où les micelles sont transportées vers la membrane apicale
des cellules épithéliales mammaires. Les observations morphologiques indiquent
que des structures pré-micellaires semblent déjà exister dans le cis Golgi. Ces
micelles sont des colloïdes édifiés à partir de quatre types de caséines (αs1, αs2,
β et κ) en interaction avec une fraction minérale dont le composant prédominant
est le phosphate de calcium. Elles se présentent sous la forme d'édifices
supramoléculaires polydisperses, de 180nm de diamètre moyen. Cette
organisation propre aux caséines confère au lait des propriétés très spécifiques
tant sur le plan biologique que technologique (Léonil et al., 2007).
Les bactéries lactiques peuvent croître sur le lait grâce à leur système
protéolytique qui permet l’hydrolyse de ces caséines en composés assimilables.
1.3 Croissance des bactéries lactiques dans le lait et protéolyse:
Les bactéries lactiques se caractérisent par des besoins nutritionnels
particulièrement complexes, outre la présence d’une source fermentescible, elles
ont besoin pour croître de plusieurs acides aminés qu’elles ne peuvent pas
synthétiser à partir d’une source azotée simple (Monnet et Grippon in De Roissart
et Luquet, 1994). Ces demandes varient de 4 à14 acides aminés différents (Kunji
et al., 1996). Parmi les bactéries lactiques, les leuconostocs et les lactobacilles
sont connus pour leurs exigences multiples en acides aminés, vitamines, des bases
purines et pyrimidines (Morishita et al., 1974 ; Desmazeaud et al., 1996 ; Hebert
et al.,2000).
Le lait cru tel qu’il sort de la mamelle n’est pas un milieu de culture optimal pour
les bactéries lactiques. Quelle que soit son origine, il contient toujours un excès de
sucres fermentescibles (50mg/ml par rapport aux 5mg/ml nécessaires aux
bactéries pour atteindre une densité cellulaire de 109cellules/ml), par contre il est
pauvre en nutriments azotés assimilables (De Roissart in Luquet, 1986).
Le lait de vache contient environ 37mg/ml de protéines dont la plupart sont de
poids moléculaires élevés (caséines et protéines du lactosérum), mais il ne
renferme que très peu d’acides aminés libres et de peptides (0.04 à 0.01mg/ml,
soit de 8 à 16% de la quantité nécessaire aux bactéries lactiques pour atteindre
une densité cellulaire maximale). Cela signifie que le lait contient généralement
des substances azotées assimilables suffisantes pour assurer le démarrage du
métabolisme bactérien mais un fractionnement des protéines est indispensable
pour que la croissance se poursuive (De Roissart in Luquet ; 1986, Monnet et
Grippon in De Roissart et Luquet, 1994 ; Juillard et al., 1995 et 1996).
Mills et Thomas (1981), ont étudié la croissance de certaines souches de
Lactococcus dans un lait additionné de protéines et peptides marqués au 14C.
Lors de l’introduction des peptides marqués, la radioactivité des protéines
bactériennes d’une souche de Lactococcus lactis ssp cremoris reste identique au
cours des 5 premières générations de croissance, suggérant que les peptides du
lait procurent une proportion constante de l’azote utilisé pour la croissance, la
contribution de la fraction peptidique restant faible par rapport aux besoins azotés
totaux.
Lors de l’introduction des protéines marquées dans le lait, la radioactivité des
protéines bactériennes augmente régulièrement au cours des 5 premières
générations (figure 1), indiquant que les protéines du lait représentent une source
d’azote de plus en plus importante.
Lorsque les protéines radioactives sont ajoutées individuellement au lait, la
radioactivité est incorporée dans les protéines bactériennes, et ceci quelle que soit
la protéine marquée ajoutée. Ceci indique que toutes les protéines du lait (caséine
mais aussi les protéines du lactosérum) sont utilisées comme source d’azote.
Les bactéries lactiques utilisent toutes ces protéines grâce à leur système
protéolytique.
Figure1
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes des souches de Lactococcus cultivées sur lait enrichi en protéines marquées au 14C
(Mills et Thomas, 1981)
1.4 Le système protéolytique des bactéries lactiques :
La protéolyse a été étudiée de façon approfondie chez les lactocoques, surtout
chez Lactococcus lactis (Kunji et al., 1996 ; Thiele, 2003) pour l’importance qu’elle
joue sur le plan industriel (Juillard et al., 1996), cependant peu d’informations sont
disponibles sur le système protéolytique de Lactobacillus (Fira et al., 2001 ;
Courtin et al., 2002 ; Kabadjova-Hristova et al., 2006). Les études génétiques,
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
1 2 3 4 Nombre de générations
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes(1000 dmp/g) Lc lactis ssp cremoris E8
Lc. lactis ssp cremoris AM2
biochimiques et ultrastructurales ont permis de conclure que les systèmes
protéolytiques des lactobacilles et des lactocoques sont remarquablement
similaires, en ce qui concerne leurs composants et leur mode d’action (Kunji et al.,
1996).
Le système protéolytique consiste en une protéase à sérine extracellulaire, un
système de transport pour les di- ou tri- peptides et oligopeptides et une multitude
de peptidases intracellulaires (figure 2) (Kunji et al., 1996).
Paroi Membrane
cytoplasme
Caséines
Oligopeptides
Dipeptides
Dipeptides
Acides aminés
Figure 2
Schéma récapitulatif de la protéolyse du lait par les bactéries lactiques (Exterkate, 1976 ; Law et al., 1978 in Novel,1993)
1.4.1 Les protéases de paroi :
Protéase
Perméase
Perméase
Perméase
Dipeptidase
peptides protéases peptidases protéines intracellulaires Acides aminés
Les caséines du lait représentent la principale source d’azote pour les
lactocoques : en effet 90% de la croissance bactérienne lui est imputable et son
utilisation met en œuvre un système complexe qui fait intervenir plusieurs
enzymes agissant séquentiellement. Les protéases de paroi assurent la première
étape dans la cascade des réactions permettant la dégradation des caséines du
lait (Juillard et al., 1996).
1.4.1.1 Propriétés biochimiques et génétiques des protéases de paroi:
Due à leur importance dans le processus de fermentation, les protéases des
lactocoques ont fait l’objet de nombreuses études biochimiques (Buist et al.,
1998 ; Drouault et al., 1998). Ce sont des enzymes monomériques à sérine
ressemblent aux subtilases de paroi, ayant des poids moléculaires élevés, entre
180 et 190 kDa (Kunji et al., 1996), assez différents du poids moléculaire de 145
kDa estimé pour une protéase de paroi purifiée à partir de Lactobacillus
acidophilus (Kojic et al., 1991).
Leur maximum d’activité est obtenu dans un spectre de pH allant de 5.5 jusqu’à
6.5 ; la température optimale pour l’activité diffère pour chaque protéase, elle se
situe généralement entre 30°C et 40°C (Kok et al., 1990). Cependant une
protéase de paroi de Lactobacillus casei a montré un maximum d’activité à pH8.0
et à température 50°C (Sharmin et al., 2004). Certaines souches de Lactobacillus
delbruekii ssp bulgaricus possède une métalloenzyme de paroi insensible au PMSF
(Gobbeti et al., 1996).
La majorité des protéases de paroi des bactéries lactiques sont Ca+2 dépendantes
(Kok, 1990) ; ces ions jouent un rôle dans l’attachement des protéases à la paroi
et dans la stabilisation des sites catalytiques (Exterkate et Alting, 1999). Ces
enzymes sont libérées dans le milieu à la suite d’un traitement des cellules par le
lysozyme ou la glycine ou par un lavage par un tampon contenant des ions Ca+2
(Espla et al., 2000).
Les gènes codant pour les protéases de paroi sont généralement plasmidiques
chez les lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996 ; Espla et al., 2000) et sont
chromosomiques chez les lactobacilles (Kojic et al., 1991 ; De Palencia et al.,
1997).
Les protéases de paroi des lactocoques sont produites sous forme de pré-
protéines de poids moléculaire voisin de 200 kDa. Elles subissent une maturation
par libération d’un peptide de 18 kDa résultant de l’hydrolyse de la partie N
terminale sous l’action de la lipoprotéine PrtM dont le gène se trouve juste en
amont du gène prtP. (Espla et al., 2000 ; Savijoki et al., 2006).
Aucune protéine homologue à PrtM n’a été détectée chez les lactobacilles. Chez ce
genre, les protéases ne sont pas libérées par autoprotéolyse mais après un
traitement des cellules par une muramidase (lysozyme) suivi d’un choc osmotique.
(Kok, 1990 ; Atlan, 1996).
Quatre gènes codant pour des protéases de paroi ont été décrits chez les
lactobacilles , les gènes prtB et prtH chez Lactobacillus delbrueckii ssp bulgaricus
NCDO1489 et Lactobacillus heveticus CNRZ32 respectivement, le gène prtR chez
Lactobacillus rhamnosus, et le gène prtP chez Lactobacillus paracasei (figure 3).
Le gène prtP code pour une protéase identique à celle des lactocoques. Les gènes
prtH, prtB et prtR codent pour des protéases non solubilisées par les ions Ca+2
ayant des propriétés ressemblant à celles observées chez les subtilases de paroi
(Courtin et al., 2002 ; Pastar et al., 2006 ; Savijoki et al., 2006).
CW M C
Lc lactis Lb paracasei PrtP
Lb helveticus PrtH
Lb bulgaricus PrtB
Lb rhamnosus PrtR
Figure 3
W
W
W
AN H
H
A B Pr
B A
B A
Pr
Pr PP
PP
PP
B A Pr PP W AN
I
I
I
I
Protéases de paroi de quelques souches de bactéries lactiques (Savijoki et al., 2006)
CW : paroi cellulaire ; H : domaine en hélice ; M : membrane ; B : domaine B ; C : cytoplasme ; A : domaine A ; I : domaine d’insertion ; W : domaine inter membranaire ; PP : pré domaine ; AN: domaine d’attachement ; Pr : domaine catalytique ; : signal court
La transcription des gènes prtP est influencée par la composition du milieu : la
production de la protéase de paroi est induite par la présence de caséine dans le
milieu et est réprimée par une concentration élevée de peptides (Ohmiya et Sato,
1975 ; Hebert et al., 2000). Cette répression n’est possible qu’après diffusion des
peptides dans la cellule et leur dégradation dans le cytoplasme (Meijer et al.,
1996 ; Kok et al., 2005 ; Larsen et al., 2006).
Guedon et al. (2001) ont proposé un modèle simple de régulation des gènes
pepN, pepC, prtP et l’opéron opp-pepO1 chez Lactococcus lactis, faisant intervenir
la protéine répresseur CodY. Ce modèle a été établi en étudiant des mutants
déprimés obtenus par mutagenèse aléatoire par transposition. L’expression des
gènes est réprimée par CodY en fonction de la concentration des trois acides
aminés leucine, isoleucine et valine (ILV) (figure 4).
Peptides contenant Caséines des ILV PrtP Peptides contenant ILV Peptidases Concentration élevée en ILV ou d’un produit de dégradation
Figure4
Opp DtpTp
Dtpp
CodY
Régulation protéolytique Opp-PepO1 PepN PepC PrtP
Activation Répression
Modèle représentant la régulation de l’expression des gènes du régulon protéolytique de Lactococcus lactis
(Drouault et al., 1998 ; Guédon et al., 2001)
ILV : isoleucine, leucine et valine
1.4.1.2 Classification des protéases de paroi
Deux classes de protéases de paroi ont été décrites chez les lactocoques selon
leur spécificité pour le substrat : les protéases de type PI ayant une préférence
pour la β caséine et les protéases de type PIII qui dégradent les 3 types de
caséine : αs1caséine, β caséine et κ caséine, (Kok, 1990, Reid et al., 1995, Kunji et
al., 1996).
Chez les lactobacilles, un troisième type de protéase de paroi a été décrit. Ce sont
des protéases intermédiaires appartenant au type P1 tout en ayant une activité
sur la caséine αS1 (Juillard et al., 1995 ; Kabadjova-Hristova et al.,2006).
1.4.2 Protéinases intracellulaires :
Les bactéries lactiques possèdent aussi un équipement protéolytique intracellulaire
important. Différentes protéases intracellulaires ont été décrites chez des souches
du genre Lactobacillus. Ces protéases semblent avoir un rôle important dans la
production fromagère (Masuda et al., 2005).
D’autres rôles ont été décrits pour ces protéases : en plus de leur rôle strictement
nutritionnel qui permet aux bactéries d’utiliser les peptides ayant franchi les
enveloppes microbiennes, les enzymes protéolytiques intracellulaires interviennent
dans l’hydrolyse de peptides éventuellement toxiques (résistance aux
antibiotiques) ainsi que dans la maturation des protéines intracellulaires (Ohmiya
et Sato, 1975 ; Desmazeaud, 1983).
1.4.3 Impact technologique de la protéolyse :
La dégradation progressive des protéines du lait constitue l’un des trois
évènements biochimiques principaux de la maturation et l’affinage des fromages
(Mc Sweeney et Sousa, 2000). La protéolyse contribue en grande partie au
changement de la texture via l’hydrolyse du réseau protéinique, contribue
directement à la saveur (peptides libérés) dont l’amertume (défaut redouté en
fabrication, due à des peptides hydrophobes), et enfin permet la libération
d’acides aminés précurseurs d’aromes (Thivierge, 2001).
1.4.4 Systèmes de transport des acides aminés et peptides chez les bactéries lactiques :
1.4.4.1 Systèmes de transport des acides aminés :
Trois systèmes de transport des acides aminés ont été isolés et décrits chez les
lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996) :
• Transport couplé à une force promotrice : c’est un système utilisant une
force promotrice générée par un potentiel électrique et un gradient
chimique de proton (H+) à travers la membrane ; il est spécifique au
transport des acides aminés leucine, thréonine, isoleucine, alanine, valine,
glycine et méthionine.
• Transport par échange (type antiport) : ce type de transport est décrit
surtout pour le couple d’acides aminés ornithine/arginine ; ce mécanisme
dépend de la concentration de l’un des deux acides aminés dans le milieu.
• Transport ATP dépendant : l’énergie nécessaire pour ce type de transport
est fournie par hydrolyse de liaisons phosphates de l’ATP ; il catalyse le
transport spécifique des acides aminés glutamate, glutamine, aspartate,
proline et glycine-bétaine.
Aucun résultat n’a rapporté une éventuelle similitude entre le système de
transport chez les lactocoques et celui des lactobacilles (Kunji et al., 1996).
1.4.4.2 Transport des di- et tri- peptides (DtpT) :
En général, il s’agit d’un transport lié à une force promotrice ; c’est un système
spécifique aux di- et tri- peptides hydrophiles (Hagting et al., 1997).
Un second système de transport spécifique aux di- et tri- peptides hydrophobes a
été mis en évidence chez des mutants de Lc. lactis (Focaud et al., 1995).
1.4.4.3 Transport des oligopeptides (Opp) :
Il s’agit d’un système transportant des peptides comportant de 4 à 8 résidus et
plus ; c’est un système ATP dépendant. Le gène de l’Opp comporte cinq cadres de
lecture ouverts (ORFs) dont les produits correspondent aux protéines de fixation
de l’ATP (figure 5) (Kunji et al., 1995 ; Kunji et al., 1996).
P P P
Figure5
Organisation des Opp et di/tripeptides systèmes de transport chez Lc lactis (Kunji et al., 1996)
D, F, B, C et A : ORFs P : promoteurs
1.4.5 Les peptidases des bactéries lactiques :
1.4.5.1 Définition et propriétés des peptidases
Les peptides issus de l’hydrolyse des caséines par les protéases de paroi sont
dégradés grâce aux peptidases en acides aminés et oligopeptides capables d’être
transportés à l’intérieur de la cellule via le système de transport membranaire actif
(Monnet et al., 1993).
D F B C A DtpT
D F B C A
Les peptidases des bactéries lactiques sont divisées en deux groupes majeurs, les
endopeptidases, qui coupent à l’intérieur des chaînes peptidiques, et les
exopeptidases, qui dégradent les extrémités du peptide.
Les exopeptidases sont représentées généralement chez les bactéries lactiques
par les aminopeptidases car aucune carboxypeptidase n’a été identifiée chez les
lactocoques (Mierau et al., 1996) ni chez les lactobacilles (El Soda et al., 1983 ;
Atlan et al., 1989 ; Khalid et Marth, 1990a).
Les aminopeptidases regroupent les enzymes hydrolysant les liaisons peptidiques
du coté N-terminal de plusieurs oligopeptides, di et tripeptides. Elles sont divisées
selon le degré de spécificité envers leurs substrats en aminopeptidases générales
et aminopeptidases de spécificité restreinte.
La leucyl-aminopeptidase appartient au groupe des aminopeptidases N (PepN), qui
sont des peptidases à spécificité large jouant un rôle physiologique très important
(Mierau et al., 1996 ; Christensen et Steele, 2003). Leur détection est facilitée par
l’emploi de substrats chromogènes (acide aminé p-nitroanilide ou β-
naphtylamide).
Les enzymes appartenant à ce groupe sont généralement des métalloenzymes
inhibées par l’EDTA ; cependant certaines peptidases isolées chez le genre
Lactobacillus montrent une sensibilité à d’autres agents tels que le
paraméthylsulfonate (PMSF) et le phénanthroline (Tsakalidou et al., 1993 ;
Magboul et Mc Sweeney, 1999). L’activité des peptidases de type N est liée à la
présence de cations métalliques divalents ; le cation Zn+2 est le plus fréquemment
associé à ces enzymes.
Différentes localisations ont été décrites pour ce type d’enzymes, elles sont
généralement intracellulaires ou membranaires (Altan et al., 1989 ; Atlan et al.,
1990 ;Van Alen Boerrigter et al., 1991). Les chercheurs ne rapportent aucune
localisation extracellulaire de ces enzymes en se basant sur le fait que la bactérie
utiliserait plutôt les peptides se trouvant dans le milieu et jamais les caséines. De
plus, leur instabilité très élevée conduit à leur dénaturation lors de leur relargage
dans le milieu extracellulaire. (Monnet et al., 1993).
1.4.5.2 Intérêt technologique des peptidases :
Outre leur rôle dans la nutrition azotée, les peptidases des bactéries lactiques
permettent l’hydrolyse des peptides amers dans les fromages et la libération
d’acides aminés et peptides précurseurs de composés d’aromes (figure 6) (Monnet
et al., 1993 ; Jakob et Piccinali, 2006).
1.1 Généralités sur les bactéries lactiques :
De nombreux produits alimentaires subissent une fermentation lactique avant leur
consommation ce qui leur assure des caractéristiques bien particulières d’arome et
de texture, mais aussi une bonne sécurité alimentaire grâce aux acides organiques
produits. Les bactéries qui en sont responsables sont regroupées sous l’appellation
de bactéries lactiques. Ce sont des bactéries à Gram positif qui regroupent 12
genres dont les plus étudiés sont Lactobacillus, Lactococcus, Streptococcus,
Leuconostoc, Enterococcus et Pediococcus.
Ces bactéries peuvent avoir des formes de bâtonnet ou de coque, isolés ou en
chaînettes quelque fois très longues. Elles sont très généralement immobiles mais
quelques espèces sont mobiles grâce à des flagelles péritriches et ne sporulent
pas ; elles sont anaérobies facultatives ou microaérotolérantes et ne produisent
pas de catalase. Inaptes à réduire les nitrates et à hydrolyser la gélatine les
bactéries lactiques ont en commun la capacité de fermenter les sucres en acide
Caséine Protéase
Polypeptide Endopeptidases Oligopeptide Exopeptidases Di et tripeptidases Exopeptidases Acides aminés
lactique : certaines sont dites homofermentaires car elles ne produisent que l’acide
lactique alors que d’autres sont dites hétérofermentaires et produisent en plus de
l’acide lactique d’autres composés tels que l’acétate et l’éthanol (De Roissart in
Luquet, 1986 ; Dronault, 2001).
Les lactobacilles regroupent de nombreuses espèces bactériennes sous forme de
bâtonnet ou coccobacilles, omniprésents dans la nature, rarement pathogènes et
colonisent différentes niches écologiques comme le lait et ses dérivés, les
végétaux, les viandes fermentées, les muqueuses humaines et animales et le
tractus digestif.
Le genre Lactobacillus a été divisé selon des caractéristiques biochimiques et
physiologiques en trois sous genres. La classification revue et développée par les
technique moléculaires subdivise les lactobacilles en trois groupes (Bourgeois et
Leveau, 1980 ; De Roissart et Luquet, 1994) :
• Groupe I : regroupe toutes les espèces thermophiles homofermentaires
strictes.
• Groupe II : comprend des espèces mésophiles hétérofermentaires
facultatives.
• GroupeIII : représenté par des espèces hétérofermentaires strictes.
1.2 Effet des bactéries lactiques sur la santé humaine :
En alimentation humaine les bactéries lactiques sont consommées
quotidiennement et en grande quantité : dans les yaourts par exemple deux
espèces de bactéries lactiques (Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus
thermophilus) sont présentes à une concentration de 108-109germes /gramme
(Desmazeaud, 1996 ; Yildirim et Yildirim, 2001 ; Courtin et al., 2002).
En plus de leur intérêt dans la fabrication et la préservation des produits
alimentaires, les bactéries lactiques jouent un rôle dans l’amélioration de la
digestion du lactose chez les sujets déficients en lactase, ainsi que dans la
prévention et le traitement des diarrhées infectieuses dues à Clostridium difficile
(Bifidobacterium bifidium et Streptococcus thermophilus) ou le traitement des
troubles digestifs liés à l’antibiothérapie (Lactobacillus rhamnosus), dans la
diminution du cholestérol sérique surtout sous l’effet des probiotiques dénommés
«LactoSacc» (Lactobacillus acidophilus, Enterococcus feacium, Saccharomyces
cerevisiae) (Le Loire et al., 2001 ; Dronault et Corthier, 2001 ).
Les bactéries lactiques ont un rôle aussi dans la prévention des cancers : (tumeurs
coliques diminuées par Lactobacillus acidophilus, Bifidobacterium longum et
vésicales diminuées par Lactobacillus casei). L’inhibition de la prolifération des
lignées cancéreuses HT29 est due aux peptides bioactifs issus de l’hydrolyse des
caséines. En effet deux séquences peptidiques dérivées des caséines β (séquence
β 145-155) et αS1 (séquence α 31-48) inhibent in vitro les ‘’matrix
métalloprotéinases’’, protéases qui jouent un rôle essentiel dans la progression des
tumeurs et particulièrement dans la propagation métastastasique du cancer
(Dronault et Corthier, 2001 ; Miclo et al., 2001 ; Robert, 2002.)
Les effets bénéfiques de certaines souches du genre Lactobacillus sont résumés
dans le tableau 1.
Tableau 1: Effets bénéfiques de souches probiotiques de Lactobacillus (Grattepanche, 2005)
Souches Produits Effets observés Références Yaourts à boire Prévention des allergies Kallliomäki et al., 2001
Rautava et al., 2002
Yaourts Traitement des allergies Majama et al., 1997 Isolauri et al., 2000
Stimulation de la production d’IL-10 Pessi et al., 2000
Diminution de l’incidence des diarrhées
Vanderhoof et al., 1999
Lb. rhamnosus GG
Capsules
Diminution des diarrhées à rotavirus
Majama et al., 1995
Yaourts à boire Inhibition du développement d’Helicobacter pylori
Michetti et al., 1999 Lb. Johnsonii La1 (Lj1)
Yaourts Stimulation de l’activité phagocytaire
Schiffrin et al., 1997
Yaourts à boire Augmentation de l’activité des cellules NK
Nagao et al., 2000 Lb. casei Shirota
Laits fermentés Diminution des diarrhées à rotavirus
Marteau et al., 2001
Stimulation de la production d’IgA Faure et al., 2001 Lb. casei DN-114 001 Yaourts à boire
Diminution de l’incidence des diarrhées
Pedone et al., 2000
Laits fermentés Yaourts
Lb. acidophilus NCFM
Formules infantiles Capsules
Diminution des diarrhées infantiles Facilite la digestion du lactose
Sanders et al., 2001
Lb. plantarum 229v Jus de fruits Prévention des maladies cardiovasculaires
Naruszewicz et al., 2002
Lactobacillus bulgaricus and Streptococcus thermophilus
Yogurt, fermented infant formula
young children with acute watery diarrhea
Boudraa et al., 2001
1.3 Les caséines
Les caséines constituent les protéines majeures du lait, elles représentent environ
80% du total protéique. Elles sont représentées par les caséines αS1, caséine αS2,
caséine β et caséine κ. Ce sont des phosphoprotéines présentes dans le lait sous
forme micellaire. Chacune des caséines se différencie des autres par sa
composition en acides aminés, sa structure et ses propriétés. Le point
isoélectrique des caséines est de 4.6.
Puisqu’elles sont phosphorylées, les caséines précipitent en présence d’ions
calcium, à l'exception de la caséine κ qui ne possède qu'un seul résidu
phosphosérine.
La caséine αS1 est représentée par une chaîne de polypeptidique composée de 199
acides aminés. Son poids moléculaire est de 23 614 Da. La caséine αS1 forme des
interactions hydrophobes pour former l’unité fondamentale de la structure
micellaire. De plus, la caséine αS1 est moins susceptible à l'action de la plasmine
que la caséine β, en raison de son plus fort degré d'association à la structure de la
micelle (Gaumond, 2005).
La caséine αS2 est composée de 207 acides aminés pour un poids moléculaire de
25 230 Da. C'est la moins abondante des caséines majeures du lait. La caséine αS2
est la plus hydrophile de toutes les caséines car la plus phosphorylée (10 à 13
phosphates/mol) et la plus riche en résidus cationiques.
La caséine β est composée de 209 acides aminés et possède un poids moléculaire
de 23 983 Da. C'est la plus hydrophobe de toutes les caséines. L’hydrolyse de la
partie C-terminale de la caséine β sous l’action de la plasmine conduit à la
formation des caséines γ1, γ2 et γ3 (Thivierge, 1999). Une très grande quantité de
résidus prolines caractérise les caséines, particulièrement la caséine β (De
Roissard et Luquet, 1994 ; Gaumond, 2005).
La caséine κ est formée de 169 acides aminés et possède un poids moléculaire de
19 007 Da. En raison de la faible quantité de phosphosérine au niveau de sa
structure primaire (un seul groupement), la caséine k ne fixe que deux moles de
calcium par mole de protéines à pH neutre. Contrairement aux autres caséines, sa
solubilité est peu affectée par la présence de calcium. Par conséquent, la caséine κ
est un agent stabilisateur de la micelle (Léonil et al., 2007).
Les micelles de caséines sont élaborées dans la cellule épithéliale mammaire au
cours d’un processus compartimenté. Celui-ci est initié dans le réticulum
endoplasmique, se poursuit dans l’appareil de Golgi et se termine dans les
vésicules de sécrétion où les micelles sont transportées vers la membrane apicale
des cellules épithéliales mammaires. Les observations morphologiques indiquent
que des structures pré-micellaires semblent déjà exister dans le cis Golgi. Ces
micelles sont des colloïdes édifiés à partir de quatre types de caséines (αs1, αs2,
β et κ) en interaction avec une fraction minérale dont le composant prédominant
est le phosphate de calcium. Elles se présentent sous la forme d'édifices
supramoléculaires polydisperses, de 180nm de diamètre moyen. Cette
organisation propre aux caséines confère au lait des propriétés très spécifiques
tant sur le plan biologique que technologique (Léonil et al., 2007).
Les bactéries lactiques peuvent croître sur le lait grâce à leur système
protéolytique qui permet l’hydrolyse de ces caséines en composés assimilables.
1.3 Croissance des bactéries lactiques dans le lait et protéolyse:
Les bactéries lactiques se caractérisent par des besoins nutritionnels
particulièrement complexes, outre la présence d’une source fermentescible, elles
ont besoin pour croître de plusieurs acides aminés qu’elles ne peuvent pas
synthétiser à partir d’une source azotée simple (Monnet et Grippon in De Roissart
et Luquet, 1994). Ces demandes varient de 4 à14 acides aminés différents (Kunji
et al., 1996). Parmi les bactéries lactiques, les leuconostocs et les lactobacilles
sont connus pour leurs exigences multiples en acides aminés, vitamines, des bases
purines et pyrimidines (Morishita et al., 1974 ; Desmazeaud et al., 1996 ; Hebert
et al.,2000).
Le lait cru tel qu’il sort de la mamelle n’est pas un milieu de culture optimal pour
les bactéries lactiques. Quelle que soit son origine, il contient toujours un excès de
sucres fermentescibles (50mg/ml par rapport aux 5mg/ml nécessaires aux
bactéries pour atteindre une densité cellulaire de 109cellules/ml), par contre il est
pauvre en nutriments azotés assimilables (De Roissart in Luquet, 1986).
Le lait de vache contient environ 37mg/ml de protéines dont la plupart sont de
poids moléculaires élevés (caséines et protéines du lactosérum), mais il ne
renferme que très peu d’acides aminés libres et de peptides (0.04 à 0.01mg/ml,
soit de 8 à 16% de la quantité nécessaire aux bactéries lactiques pour atteindre
une densité cellulaire maximale). Cela signifie que le lait contient généralement
des substances azotées assimilables suffisantes pour assurer le démarrage du
métabolisme bactérien mais un fractionnement des protéines est indispensable
pour que la croissance se poursuive (De Roissart in Luquet ; 1986, Monnet et
Grippon in De Roissart et Luquet, 1994 ; Juillard et al., 1995 et 1996).
Mills et Thomas (1981), ont étudié la croissance de certaines souches de
Lactococcus dans un lait additionné de protéines et peptides marqués au 14C.
Lors de l’introduction des peptides marqués, la radioactivité des protéines
bactériennes d’une souche de Lactococcus lactis ssp cremoris reste identique au
cours des 5 premières générations de croissance, suggérant que les peptides du
lait procurent une proportion constante de l’azote utilisé pour la croissance, la
contribution de la fraction peptidique restant faible par rapport aux besoins azotés
totaux.
Lors de l’introduction des protéines marquées dans le lait, la radioactivité des
protéines bactériennes augmente régulièrement au cours des 5 premières
générations (figure 1), indiquant que les protéines du lait représentent une source
d’azote de plus en plus importante.
Lorsque les protéines radioactives sont ajoutées individuellement au lait, la
radioactivité est incorporée dans les protéines bactériennes, et ceci quelle que soit
la protéine marquée ajoutée. Ceci indique que toutes les protéines du lait (caséine
mais aussi les protéines du lactosérum) sont utilisées comme source d’azote.
Les bactéries lactiques utilisent toutes ces protéines grâce à leur système
protéolytique.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
1 2 3 4 Nombre de générations
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes(1000 dmp/g) Lc lactis ssp cremoris E8
Lc. lactis ssp cremoris AM2
Figure1
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes des souches de Lactococcus cultivées sur lait enrichi en protéines marquées au 14C
(Mills et Thomas, 1981)
1.4 Le système protéolytique des bactéries lactiques :
La protéolyse a été étudiée de façon approfondie chez les lactocoques, surtout
chez Lactococcus lactis (Kunji et al., 1996 ; Thiele, 2003) pour l’importance qu’elle
joue sur le plan industriel (Juillard et al., 1996), cependant peu d’informations sont
disponibles sur le système protéolytique de Lactobacillus (Fira et al., 2001 ;
Courtin et al., 2002 ; Kabadjova-Hristova et al., 2006). Les études génétiques,
biochimiques et ultrastructurales ont permis de conclure que les systèmes
protéolytiques des lactobacilles et des lactocoques sont remarquablement
similaires, en ce qui concerne leurs composants et leur mode d’action (Kunji et al.,
1996).
Le système protéolytique consiste en une protéase à sérine extracellulaire, un
système de transport pour les di- ou tri- peptides et oligopeptides et une multitude
de peptidases intracellulaires (figure 2) (Kunji et al., 1996).
Paroi Membrane
cytoplasme
Caséines
Oligopeptides
Dipeptides
Protéase
Perméase
Perméase peptides protéases peptidases protéines intracellulaires Acides aminés
Dipeptides
Acides aminés
Figure 2
Schéma récapitulatif de la protéolyse du lait par les bactéries lactiques (Exterkate, 1976 ; Law et al., 1978 in Novel,1993)
1.4.1 Les protéases de paroi :
Les caséines du lait représentent la principale source d’azote pour les
lactocoques : en effet 90% de la croissance bactérienne lui est imputable et son
utilisation met en œuvre un système complexe qui fait intervenir plusieurs
enzymes agissant séquentiellement. Les protéases de paroi assurent la première
étape dans la cascade des réactions permettant la dégradation des caséines du
lait (Juillard et al., 1996).
1.4.1.1 Propriétés biochimiques et génétiques des protéases de paroi:
Due à leur importance dans le processus de fermentation, les protéases des
lactocoques ont fait l’objet de nombreuses études biochimiques (Buist et al.,
1998 ; Drouault et al., 1998). Ce sont des enzymes monomériques à sérine
ressemblent aux subtilases de paroi, ayant des poids moléculaires élevés, entre
180 et 190 kDa (Kunji et al., 1996), assez différents du poids moléculaire de 145
kDa estimé pour une protéase de paroi purifiée à partir de Lactobacillus
acidophilus (Kojic et al., 1991).
Leur maximum d’activité est obtenu dans un spectre de pH allant de 5.5 jusqu’à
6.5 ; la température optimale pour l’activité diffère pour chaque protéase, elle se
situe généralement entre 30°C et 40°C (Kok et al., 1990). Cependant une
protéase de paroi de Lactobacillus casei a montré un maximum d’activité à pH8.0
et à température 50°C (Sharmin et al., 2004). Certaines souches de Lactobacillus
delbruekii ssp bulgaricus possède une métalloenzyme de paroi insensible au PMSF
(Gobbeti et al., 1996).
La majorité des protéases de paroi des bactéries lactiques sont Ca+2 dépendantes
(Kok, 1990) ; ces ions jouent un rôle dans l’attachement des protéases à la paroi
et dans la stabilisation des sites catalytiques (Exterkate et Alting, 1999). Ces
enzymes sont libérées dans le milieu à la suite d’un traitement des cellules par le
lysozyme ou la glycine ou par un lavage par un tampon contenant des ions Ca+2
(Espla et al., 2000).
Les gènes codant pour les protéases de paroi sont généralement plasmidiques
chez les lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996 ; Espla et al., 2000) et sont
chromosomiques chez les lactobacilles (Kojic et al., 1991 ; De Palencia et al.,
1997).
Les protéases de paroi des lactocoques sont produites sous forme de pré-
protéines de poids moléculaire voisin de 200 kDa. Elles subissent une maturation
par libération d’un peptide de 18 kDa résultant de l’hydrolyse de la partie N
terminale sous l’action de la lipoprotéine PrtM dont le gène se trouve juste en
amont du gène prtP. (Espla et al., 2000 ; Savijoki et al., 2006).
Aucune protéine homologue à PrtM n’a été détectée chez les lactobacilles. Chez ce
genre, les protéases ne sont pas libérées par autoprotéolyse mais après un
traitement des cellules par une muramidase (lysozyme) suivi d’un choc osmotique.
(Kok, 1990 ; Atlan, 1996).
Quatre gènes codant pour des protéases de paroi ont été décrits chez les
lactobacilles , les gènes prtB et prtH chez Lactobacillus delbrueckii ssp bulgaricus
NCDO1489 et Lactobacillus heveticus CNRZ32 respectivement, le gène prtR chez
Lactobacillus rhamnosus, et le gène prtP chez Lactobacillus paracasei (figure 3).
Le gène prtP code pour une protéase identique à celle des lactocoques. Les gènes
prtH, prtB et prtR codent pour des protéases non solubilisées par les ions Ca+2
ayant des propriétés ressemblant à celles observées chez les subtilases de paroi
(Courtin et al., 2002 ; Pastar et al., 2006 ; Savijoki et al., 2006).
CW M C
Lc lactis Lb paracasei PrtP
Lb helveticus PrtH
Lb bulgaricus PrtB
Lb rhamnosus PrtR
Figure 3 Protéases de paroi de quelques souches de bactéries lactiques
(Savijoki et al., 2006) CW : paroi cellulaire ; H : domaine en hélice ; M : membrane ; B : domaine B ; C : cytoplasme ; A : domaine A ; I : domaine d’insertion ; W : domaine inter membranaire ; PP : pré domaine ; AN: domaine d’attachement ; Pr : domaine catalytique ; : signal court
La transcription des gènes prtP est influencée par la composition du milieu : la
production de la protéase de paroi est induite par la présence de caséine dans le
milieu et est réprimée par une concentration élevée de peptides (Ohmiya et Sato,
1975 ; Hebert et al., 2000). Cette répression n’est possible qu’après diffusion des
peptides dans la cellule et leur dégradation dans le cytoplasme (Meijer et al.,
1996 ; Kok et al., 2005 ; Larsen et al., 2006).
Guedon et al. (2001) ont proposé un modèle simple de régulation des gènes
pepN, pepC, prtP et l’opéron opp-pepO1 chez Lactococcus lactis, faisant intervenir
la protéine répresseur CodY. Ce modèle a été établi en étudiant des mutants
déprimés obtenus par mutagenèse aléatoire par transposition. L’expression des
gènes est réprimée par CodY en fonction de la concentration des trois acides
aminés leucine, isoleucine et valine (ILV) (figure 4).
Peptides contenant Caséines
W
W
W
AN H
H
A B Pr
B A
B A
Pr
Pr PP
PP
PP
B A Pr PP W AN
I
I
I
I
des ILV PrtP Peptides contenant ILV Peptidases Concentration élevée en ILV ou d’un produit de dégradation
Figure4 Modèle représentant la régulation de l’expression des gènes du régulon
protéolytique de Lactococcus lactis (Drouault et al., 1998 ; Guédon et al., 2001)
ILV : isoleucine, leucine et valine
1.4.1.2 Classification des protéases de paroi
Deux classes de protéases de paroi ont été décrites chez les lactocoques selon
leur spécificité pour le substrat : les protéases de type PI ayant une préférence
pour la β caséine et les protéases de type PIII qui dégradent les 3 types de
caséine : αs1caséine, β caséine et κ caséine, (Kok, 1990, Reid et al., 1995, Kunji et
al., 1996).
Chez les lactobacilles, un troisième type de protéase de paroi a été décrit. Ce sont
des protéases intermédiaires appartenant au type P1 tout en ayant une activité
sur la caséine αS1 (Juillard et al., 1995 ; Kabadjova-Hristova et al.,2006).
1.4.2 Protéinases intracellulaires :
Opp DtpTp
Dtpp
CodY
Régulation protéolytique Opp-PepO1 PepN PepC PrtP
Activation Répression
Les bactéries lactiques possèdent aussi un équipement protéolytique intracellulaire
important. Différentes protéases intracellulaires ont été décrites chez des souches
du genre Lactobacillus. Ces protéases semblent avoir un rôle important dans la
production fromagère (Masuda et al., 2005).
D’autres rôles ont été décrits pour ces protéases : en plus de leur rôle strictement
nutritionnel qui permet aux bactéries d’utiliser les peptides ayant franchi les
enveloppes microbiennes, les enzymes protéolytiques intracellulaires interviennent
dans l’hydrolyse de peptides éventuellement toxiques (résistance aux
antibiotiques) ainsi que dans la maturation des protéines intracellulaires (Ohmiya
et Sato, 1975 ; Desmazeaud, 1983).
1.4.3 Impact technologique de la protéolyse :
La dégradation progressive des protéines du lait constitue l’un des trois
évènements biochimiques principaux de la maturation et l’affinage des fromages
(Mc Sweeney et Sousa, 2000). La protéolyse contribue en grande partie au
changement de la texture via l’hydrolyse du réseau protéinique, contribue
directement à la saveur (peptides libérés) dont l’amertume (défaut redouté en
fabrication, due à des peptides hydrophobes), et enfin permet la libération
d’acides aminés précurseurs d’aromes (Thivierge, 2001).
1.4.4 Systèmes de transport des acides aminés et peptides chez les bactéries lactiques :
1.4.4.1 Systèmes de transport des acides aminés :
Trois systèmes de transport des acides aminés ont été isolés et décrits chez les
lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996) :
• Transport couplé à une force promotrice : c’est un système utilisant une
force promotrice générée par un potentiel électrique et un gradient
chimique de proton (H+) à travers la membrane ; il est spécifique au
transport des acides aminés leucine, thréonine, isoleucine, alanine, valine,
glycine et méthionine.
• Transport par échange (type antiport) : ce type de transport est décrit
surtout pour le couple d’acides aminés ornithine/arginine ; ce mécanisme
dépend de la concentration de l’un des deux acides aminés dans le milieu.
• Transport ATP dépendant : l’énergie nécessaire pour ce type de transport
est fournie par hydrolyse de liaisons phosphates de l’ATP ; il catalyse le
transport spécifique des acides aminés glutamate, glutamine, aspartate,
proline et glycine-bétaine.
Aucun résultat n’a rapporté une éventuelle similitude entre le système de
transport chez les lactocoques et celui des lactobacilles (Kunji et al., 1996).
1.4.4.2 Transport des di- et tri- peptides (DtpT) :
En général, il s’agit d’un transport lié à une force promotrice ; c’est un système
spécifique aux di- et tri- peptides hydrophiles (Hagting et al., 1997).
Un second système de transport spécifique aux di- et tri- peptides hydrophobes a
été mis en évidence chez des mutants de Lc. lactis (Focaud et al., 1995).
1.4.4.3 Transport des oligopeptides (Opp) :
Il s’agit d’un système transportant des peptides comportant de 4 à 8 résidus et
plus ; c’est un système ATP dépendant. Le gène de l’Opp comporte cinq cadres de
lecture ouverts (ORFs) dont les produits correspondent aux protéines de fixation
de l’ATP (figure 5) (Kunji et al., 1995 ; Kunji et al., 1996).
P P P
D F B C A DtpT
D F B C A
Figure5 Organisation des Opp et di/tripeptides systèmes de transport chez Lc lactis
(Kunji et al., 1996)
D, F, B, C et A : ORFs P : promoteurs
1.4.5 Les peptidases des bactéries lactiques :
1.4.5.1 Définition et propriétés des peptidases
Les peptides issus de l’hydrolyse des caséines par les protéases de paroi sont
dégradés grâce aux peptidases en acides aminés et oligopeptides capables d’être
transportés à l’intérieur de la cellule via le système de transport membranaire actif
(Monnet et al., 1993).
Les peptidases des bactéries lactiques sont divisées en deux groupes majeurs, les
endopeptidases, qui coupent à l’intérieur des chaînes peptidiques, et les
exopeptidases, qui dégradent les extrémités du peptide.
Les exopeptidases sont représentées généralement chez les bactéries lactiques
par les aminopeptidases car aucune carboxypeptidase n’a été identifiée chez les
lactocoques (Mierau et al., 1996) ni chez les lactobacilles (El Soda et al., 1983 ;
Atlan et al., 1989 ; Khalid et Marth, 1990a).
Les aminopeptidases regroupent les enzymes hydrolysant les liaisons peptidiques
du coté N-terminal de plusieurs oligopeptides, di et tripeptides. Elles sont divisées
selon le degré de spécificité envers leurs substrats en aminopeptidases générales
et aminopeptidases de spécificité restreinte.
La leucyl-aminopeptidase appartient au groupe des aminopeptidases N (PepN), qui
sont des peptidases à spécificité large jouant un rôle physiologique très important
(Mierau et al., 1996 ; Christensen et Steele, 2003). Leur détection est facilitée par
l’emploi de substrats chromogènes (acide aminé p-nitroanilide ou β-
naphtylamide).
Les enzymes appartenant à ce groupe sont généralement des métalloenzymes
inhibées par l’EDTA ; cependant certaines peptidases isolées chez le genre
Lactobacillus montrent une sensibilité à d’autres agents tels que le
paraméthylsulfonate (PMSF) et le phénanthroline (Tsakalidou et al., 1993 ;
Magboul et Mc Sweeney, 1999). L’activité des peptidases de type N est liée à la
présence de cations métalliques divalents ; le cation Zn+2 est le plus fréquemment
associé à ces enzymes.
Différentes localisations ont été décrites pour ce type d’enzymes, elles sont
généralement intracellulaires ou membranaires (Altan et al., 1989 ; Atlan et al.,
1990 ;Van Alen Boerrigter et al., 1991). Les chercheurs ne rapportent aucune
localisation extracellulaire de ces enzymes en se basant sur le fait que la bactérie
utiliserait plutôt les peptides se trouvant dans le milieu et jamais les caséines. De
plus, leur instabilité très élevée conduit à leur dénaturation lors de leur relargage
dans le milieu extracellulaire. (Monnet et al., 1993).
1.4.5.2 Intérêt technologique des peptidases :
Outre leur rôle dans la nutrition azotée, les peptidases des bactéries lactiques
permettent l’hydrolyse des peptides amers dans les fromages et la libération
d’acides aminés et peptides précurseurs de composés d’aromes (figure 6) (Monnet
et al., 1993 ; Jakob et Piccinali, 2006).
Figure6 Enzymes impliquées dans la protéolyse dans le fromage.
(Jakob et Piccinali, 2006).
Caséine Protéase
Polypeptide Endopeptidases Oligopeptide Exopeptidases Di et tripeptidases Exopeptidases Acides aminés
Quelques peptidases du genre Lactobacillus ainsi que leurs propriétés sont
résumés dans le tableau 2. La figure7 représente les différentes étapes de la
dégradation des caséines et le système de régulation de l’activité des différentes
enzymes qui y interviennent.
Tableau 2 Peptidases de Lactobacillus
Peptidase Souche Propriétés Références T°C pH Substrat PM Classe
d’enzyme
Pep N
Lb lactis 47.5°C
6.2 Large spécificité
78kDa monomère
Métallo
Eggimann et Bachmann, 1980
Lb helveticus 45°C 6.5 // - Métallo
Chollete et Mc Kellar, 1990
Lb plantarum ESB5004
37°C 6.5 // 70kDa dimérique
Métallo Macedo et al., 2003
Lb helveticus JCM 1004
40°C 7.0 // 129kDa trimérique
Métallo Pan et Tanokura, 2004
Lb curvatus DPC2024
40°C 7.0 // 70kDa dimérique
Métallo Magboul et Mc Sweeney, 1999a
Lb delbrueckii ssp bulgarius ACADC233
40°C 6.0 // 98kDa monomère
Métallo
Tsakalidou et al., 1993
Lb helveticus LHE 511
37°C 7.0 // 92kDa monomère
Métallo Miyakawa et al., 1992
Lb sanfrancisco CB1
30°C
7.5
// 75kDa monomère
Métallo
Gobbetti et al., 1996
Lb sake 37°C 5.0 // 180kDa trimérique
Enzyme à cystéine
Sanz et Toldra, 2002
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 6.0 X-Pro di peptide
82kDa monomère
Métallo Morel et al., 1999
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 7.0 Dipeptide 50kDa monomère
Enzyme à cystéine
Atlan et al., 1990
Pep C
Lb sake 40°C 7.6 Large spécificité
50kDa monomère
Métallo Montel et al., 1995
Pep Q Lb helveticu SBT 2171
55°C 8.0 // 160kDa monomère
Métallo Tan et al., 1995
Lb casei ssp casei IFPL731
60 à 70°C
7.5 // 65kDa monomère
Métallo Espla et Hernandez, 1997
Lb sanfrancisco CB1
30 ° 7.5 // 72kDa monomère
Métallo Gobetti et al., 1996
Dipeptidase
Lb helveticus CNRZ 32
40°C
7.0
Spécificité restreinte
140kDa tétramérique
Métallo Khalid et Marth, 1990b
Oligo- peptidase
Lb paracasei LC01
40°C 8.0 Oligo- peptide
Métallo Tobassen et al., 1997
Acides aminés libres
Dpp : transporteur de peptides de 2 à 9 acides aminés ; CodY : gène répresseur ; PepI : proline iminopeptidase ; PepD, PepV : dipeptidase ; PepX : Xprolyl dipeptidyl aminopeptidase ; PepN, PepC, PepP : aminopeptidases générales ; PepO, PepF : endopeptidases.
PrtM PrtP Opp Dpp DTpt
A Paroi Membrane cellulaire B Cytoplasme C
PepO PepF
PepN
PepC PepX
PepL
PepQ
PepR PepI
PepT
PepP
PepV
PepD
Ile Val Leuu
Caséine
Oligopeptide Dipeptide tripeptide
CodY
CodY PrtM PrtP OppO1 DTpt PepN
1.4.6 Souches protéases négatives ou prtP- définition et intérêt technologique :
Les systèmes protéolytiques des bactéries lactiques sont complexes de par leur
nombre et la nature des protéases et peptidases présentes mais aussi de par leur
localisation cellulaire. Les protéases sont localisées pour l’essentiel au niveau de la
paroi, une faible activité intracellulaire est toute fois détectable (Monnet et Gripon
in De Roissart et Luquet, 1994).
La production de protéases est un caractère indispensable à la croissance des
bactéries lactiques (Juillard et al., 1996) ; cependant des variants négatifs
apparaissent parfois spontanément et avec des fréquences considérables, surtout
chez les lactocoques (Kok, 1990). Il s’agit de souches qui ont perdu généralement
le gène codant pour la synthèse de la protéase de paroi (PrtP-) tout en gardant
une activité peptidasique et un système de transport des acides aminés et
peptides semblable à celui des souches normales c'est-à-dire (PrtP+) (Thivierge,
1999).
Les variants PrtP- se développent dans le lait avec la même vitesse initiale que les
souches mères PrtP+ lors des premières générations, mais elles n’atteignent que
10 à 25% des densités cellulaires de ces dernières. La croissance devient
semblable à celle des souches PrtP+ sur un milieu de culture synthétique riche tel
que le milieu MRS (de Palencia et al., 1997) ou sur un lait additionné d’hydrolysats
de caséine (figure8). Ceci indique que ces acides aminés et peptides proviennent
de l’hydrolyse de la caséine du lait par la protéase de paroi (Monnet et Gripon in
De Roissart et Luquet , 1994 ; Christensen et Steele, 2003).
L’étude des variants protéolytiques déficients permet de comprendre le rôle
physiologique, technologique et la régulation de la synthèse de chaque composant
de ce système complexe (Mierau et al., 1996 ; de Palencia et al., 1997 ;
Christensen et Steele, 2003 ; Savijoki et al., 2006).
En production fromagère, l’utilisation de cultures mixtes de souches PrtP- et PrtP+
présente plusieurs avantages : tout d’abord l’utilisation des souches PrtP- réduit le
problème d’amertume dû à l’hydrolyse des caséines β ou αs1 par la protéase de la
paroi en peptides hydrophobes amers. En outre ce sont des souches qui semblent
être moins acidifiantes et moins sensibles à l’attaque des phages car elles se
développent très lentement (Juillart et al., 1996 ; Thivierge, 1999).
0
2
4
6
8
10
12
1 2 3 4 5 6
Heures
dens
ité c
ellu
laire
DO
480n
m
Prt-Prt+Prt- ou Prt+
Figure8 Croissance de variants Prt+ et Prt- de Lactococcus lactis
ssp cremoris à 30°C dans le lait (Monnet et Gripon in De Roissart et Luquet, 1994)
La dégradation successive des caséines du lait constitue l’un des phénomènes
majeurs de développement des aromes et l’affinage des fromages. En effet le
catabolisme des acides aminés, issus de la dégradation des caséines du lait,
conduit à la production d’une large gamme de composés aromatiques. Les voies
menant de la dégradation des caséines au catabolisme des acides aminés sont
présentées sur la figure 9.
Les oligopeptides générés après action de la protéinase sont susceptibles d’être
dégradés en di- et tri- peptides ainsi qu’en acides aminés à l’extérieur de la cellule.
5 1 0.5 0.1
Lait + hydrolysats de caséines prt+ prt-
1 3 5 7 9 11
Cependant, la synthèse de peptidases extracellulaires n'a pas été démontrée. Un
système de transport, Opp, assure le passage des oligopeptides d’une taille
maximale de 10 résidus d’acides aminés à travers la membrane plasmique. Les
oligopeptides sont ensuite dégradés dans le cytoplasme en di- et tri-peptides puis
en acides aminés par des mécanismes faisant intervenir de nombreuses
enzymes (Figure 9). Une partie de ces acides aminés, notamment ceux pour
lesquels les bactéries lactiques sont auxotrophes, servira à la synthèse de
nouvelles protéines, et l’autre partie participera à la formation des arômes (Figure
9).
La protéolyse est parfois à l’origine d’un défaut de saveur: l’amertume. Ce défaut
résulte de l’accumulation de peptides de petite taille, ayant une hydrophobicité
élevée et dont la partie C terminale est constituée soit de leucine, de
phénylalanine ou de tyrosine. Le choix des souches est particulièrement important
pour éviter ce défaut. Les variants lents de lactocoques déficients en protéinase de
paroi (Prt-) ne produisent pas d’amertume. De plus, ces souches dites «non
amères» possèdent des activités enzymatiques capables de dégrader les peptides
amers en peptides non amers et acides aminés libres. La spécificité des
protéinases de paroi pour les caséines joue également un rôle sur le
développement de l’amertume, car la majorité des peptides amers sont issus de
l’hydrolyse de la caséine β.
Acide aminés caséine di- et tri-peptides
Oligopeptides Oligopeptides (> 10aa) (<10 aa et > 3aa)
Acides aminés di- et tripeptides
Dipeptidase V Endopeptidases O, F1 et F2 Proline iminopeptidase XPDAP Prolidase Q Aminopeptidases A, C et N Tripeptidase T (non classée) Prolinase P -Transamination -Déshydrogénation -Décarboxylation -Dégradation -Réduction -Désamination
Figure 9 Catabolisme des acides aminés par Lc. lactis sp.
Aat, Dpp et Opp représentent respectivement les systèmes de transport des acides aminés, di- et tri- peptides et oligopeptides (Grattepanche, 2005).
Lait
Protéinase
Peptidases extracellulaires ?
Paroi cellulaire
Aat Dpp Opp
Acides aminés Di et Tripeptides Oligopeptides (<10 aa et > 3aa)
Membrane
Aldéhydes Alcools Acides organiques volatils Composées aromatiques Composés soufrés Amines Ammoniac
Cytoplasme
1.5 Autolyse bactérienne :
Durant la phase de déclin, après l’épuisement des réserves énergiques et
accumulation de déchets toxiques les cellules se lysent et libèrent leur contenu
cytoplasmique dans le milieu : c’est l’autolyse bactérienne spontanée (De Roissart
in Luquet, 1986 ; Thivierge, 1999).
L’autolyse cellulaire est un phénomène, induit ou spontané, qui résulte en la perte
de l’intégrité de la paroi bactérienne par hydrolyse du peptidoglycane sous l’action
d’enzymes endogènes appelées de part cette particularité les autolysines (Chapot
Chartier, 1996 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005). Elle est étudiée chez de
nombreuses espèces bactériennes lactiques et non lactiques telles que les
propinibactéries (Lortal et al., 1997 ; Gagnaire et al., 1999), les lactocoques
(Thivierge, 1999 ; Huard et al., 2004 ; Hannon et al., 2006), les lactobacilles (El
Sallami et al., 1987 ; Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Kang, 1998 ;
Lazure Demers, 2000 ; Weinrichter et al., 2001), les entérocoques (El Dina et al.,
2002 ; Deutsch et al., 2002 ; El Soda et al., 2003 ; Deutsch et al., 2003), les
oenocoques et les pediocoques (Garbay et Lonvaud Funel, 1990 ; Leroy et al.,
1990).
1.5.1 Les autolysines
Les autolysines sont des enzymes localisées dans la paroi bactérienne, elles jouent
un rôle positif au sein de la cellule en lui permettant de s’allonger et se diviser en
deux cellules filles en effectuant des coupures limitées en certains sites du
peptidoglycane. Ces enzymes sont impliquées aussi dans la formation des
flagelles, la sporulation (Lortal et al., 1989) et la tolérance à certains antibiotiques
(Kim et al., 1982,). Cependant sous l’effet de certains facteurs, les autolysines
hydrolysent d’une manière inadéquate le peptidoglycane ce qui provoque la
désintégration des membranes et la déstabilisation de la structure cellulaire : les
bactéries s’autolysent (Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Thieverge,
1999).
1.5.2 Classification des autolysines :
Trois classes d’autolysines ont été décrites selon leurs sites d’action sur le
peptidoglycane (figure 10) (Valence et Lortal, 1995 ; Chapot Chartier, 1996 ;
Kang, 1998 ; Lazure Demers, 2000 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005):
• les glycosidases qui exercent une activité lytique sur la chaîne
polysaccharidique,
• les amidases qui agissent sur le lien amide entre les ponts peptidiques et
l’acide N-acétyl muramique du polysaccharide
• les peptidases qui sont actives sur les chaînes peptidiques agissant comme
ponts entre les chaînes polysaccharidiques.
1.5.2.1 Les glycosidases :
Elles représentent un ensemble d’enzymes ayant pour substrat la chaîne
polysaccharidique du peptidoglycane. Cette chaîne est toujours composée d’une
alternance entre résidus d’acide N-acétylmuramique et de N-acétylglycosamine.
Les autolysines de type glycosidases se trouvent dans l’une ou l’autre des deux
classes suivantes :
• N-acétylmuramidases (muramidasesI) : elles hydrolysent la liaison β1-4
entre l’acide N-acétylmuramique et le N- acétylglycosamine, déstabilisant
ainsi la paroi bactérienne.
• N-acétylglycosaminases : elles hydrolysent les liaisons β1-4 entre le N-
acétylglycosamine et l’acide N-acétylmuramique. L’activité de ces enzymes
complète celle des N-acétylmuramidases puisque les deux types d’enzymes
hydrolysent les deux liaisons possibles qui unissent les résidus entre eux à
l’intérieur des chaînes polysaccharidiques. Ces enzymes sont aussi appelées
les muramidases II.
1.5.2.2 Les amidases :
Elles font partie du groupe enzymatique à fonction très spécifique qui consiste à
couper le lien amide entre le groupement carboxyle de l’acide N-acétylmuramique
et le groupement α amine de la L-alanine, premier acide aminé des chaînes
peptidiques formant les ponts entre les chaînes polysaccharidiques adjacentes.
1.5.2.3 Les peptidases :
Elles regroupent les carboxypeptidases qui ont une action exopeptidasique
hydrolysant le lien entre la D-alanyl-D-alanine terminale des chaînes peptidiques
du peptidoglycane et les endopeptidases qui exercent une action lytique sur les
liens D-D peptidiques reliant les différentes chaînes peptidiques entre elles.
Figure10 Schéma représentant les sites d’action des différentes
autolysines sur le peptidoglycane (Kang, 1998)
N-actéylglucosaminidases
Amidases
N-acétylglucosaminidases
Peptidases
N-acétylmuramidases
N-acétylmuramidases
L-Ala
D-Glu D-Ala
L-Lys
D-Glu
L-Lys
L-Ala
D-Ala
GlcNAc---------MurNAc-----------GlcNAc
---GlcNAc-------MurNAc-------GlcNAc----
D-Asp NH2
NH2
1.5.3 Les facteurs induisant l’activité autolytique :
Des facteurs physiques, chimiques, enzymatiques ou autres peuvent induire
l’autolyse des bactéries lactiques.
1.5.3.1 Facteurs physiques et chimiques :
Parmi les facteurs non enzymatiques favorisant l’autolyse bactérienne on trouve
une multitude de combinaisons ayant trait à la température et le choc osmotique
(El Dine et al., 2002), la force ionique (Lortal et al., 1989 ; Weinrichter et al.,
2001), le pH (Lortal et al., 1997) ou la mise en présence de différents agents
chimiques tels que les détergents ioniques, agents chélateurs et Triton X100
(Kang et al., 1998). D’une manière générale ces facteurs stimulent l’autolyse
bactérienne en déstabilisant le métabolisme et/ou la structure de la paroi
bactérienne.
1.5.3.2 Facteurs enzymatiques :
Le lysozyme est l’une des enzymes ayant une action hydrolytique envers les
membranes de plusieurs espèces bactériennes car elle possède à la fois une
activité gluconohydrolase semblable à celle des autolysines de type N-
acétylglycosaminidases (Kang, 1998) et une activité chitinase (Neujhar et al.,
1973).
1.5.3.3 Autres facteurs :
D’autres facteurs peuvent largement influencer sur l’activité autolytique
bactérienne. L’âge de la culture est l’un des facteurs les plus étudiés : il a été
montré que la lyse cellulaire est généralement maximale pendant la phase
exponentielle de croissance. Ceci confirme l’implication des autolysines dans la
séparation des deux cellules filles lors de la division cellulaire (Lortal et al., 1997).
Le travail de Buist et al. (1998) a montré l’effet de la protéase extracellulaire PI de
Lc lactis sur son activité autolytique.
L’effet de la bactériocine nisine Z de Lc. diacetylactis sur l’induction de l’activité
autolytique de Lb. casei sup casei IFPL731 a été démontré par El Sallami et al.,
1987.
1.5.4 Impact industriel de l’autolyse :
La rupture de l’enveloppe cellulaire (membrane et paroi) avec libération
du contenu cytoplasmique dans le milieu extracellulaire présente un
intérêt particulier quant à son utilisation potentielle dans la fabrication
des produits laitiers fermentés. En effet le contenu enzymatique
intracellulaire des bactéries du levain joue un rôle important dans le
développement de la flaveur et la texture des fromages (Hannon et al.,
2006). Parmi ces enzymes, les plus caractérisées sont les peptidases qui
libèrent des petits peptides et des acides aminés libres qui sont des
précurseurs d’aromes. L’action des peptidases contribue également à
diminuer l’amertume. Les connaissances acquises sur le système
peptidasique des bactéries lactiques (lactocoques, streptocoques
thermophiles et lactobacilles) suggèrent que les peptidases sont
généralement intracellulaires (Lortal et al., 1997) et ne sont mises au
contact du substrat qu’après autolyse cellulaire (Gagnaire et al., 1999).
L’action d’autres enzymes intracellulaires intervenant dans le
développement de la flaveur telles que les estérases, lipases et les
enzymes de dégradation des acides aminés pourrait être amplifiée dans
le caillé fromager par lyse bactérienne (El Sallami et al., 1987 ; Lortal et
al., 1988 ; Chapot Chartier, 1996 ; Zambonelli et al., 2002 ; Huard et al.,
2004).
Figure6 Enzymes impliquées dans la protéolyse dans le fromage.
(Jakob et Piccinali, 2006).
Quelques peptidases du genre Lactobacillus ainsi que leurs propriétés sont
résumés dans le tableau 2. La figure7 représente les différentes étapes de la
dégradation des caséines et le système de régulation de l’activité des différentes
enzymes qui y interviennent.
Tableau 2 Peptidases de Lactobacillus
Peptidase Souche Propriétés Références T°C pH Substrat PM Classe
d’enzyme
Pep N
Lb lactis 47.5°C
6.2 Large spécificité
78kDa monomère
Métallo
Eggimann et Bachmann, 1980
Lb helveticus 45°C 6.5 // - Métallo
Chollete et Mc Kellar, 1990
Lb plantarum ESB5004
37°C 6.5 // 70kDa dimérique
Métallo Macedo et al., 2003
Lb helveticus JCM 1004
40°C 7.0 // 129kDa trimérique
Métallo Pan et Tanokura, 2004
Lb curvatus DPC2024
40°C 7.0 // 70kDa dimérique
Métallo Magboul et Mc Sweeney, 1999a
Lb delbrueckii ssp bulgarius ACADC233
40°C 6.0 // 98kDa monomère
Métallo
Tsakalidou et al., 1993
Lb helveticus LHE 511
37°C 7.0 // 92kDa monomère
Métallo Miyakawa et al., 1992
Lb sanfrancisco CB1
30°C
7.5
// 75kDa monomère
Métallo
Gobbetti et al., 1996
Lb sake 37°C 5.0 // 180kDa trimérique
Enzyme à cystéine
Sanz et Toldra, 2002
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 6.0 X-Pro di peptide
82kDa monomère
Métallo Morel et al., 1999
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 7.0 Dipeptide 50kDa monomère
Enzyme à cystéine
Atlan et al., 1990
Pep C
Lb sake 40°C 7.6 Large spécificité
50kDa monomère
Métallo Montel et al., 1995
Pep Q Lb helveticu SBT 2171
55°C 8.0 // 160kDa monomère
Métallo Tan et al., 1995
Lb casei ssp casei IFPL731
60 à 70°C
7.5 // 65kDa monomère
Métallo Espla et Hernandez, 1997
Lb sanfrancisco CB1
30 ° 7.5 // 72kDa monomère
Métallo Gobetti et al., 1996
Dipeptidase
Lb helveticus CNRZ 32
40°C
7.0
Spécificité restreinte
140kDa tétramérique
Métallo Khalid et Marth, 1990b
Oligo- peptidase
Lb paracasei LC01
40°C 8.0 Oligo- peptide
Métallo Tobassen et al., 1997
Acides aminés libres
Dpp : transporteur de peptides de 2 à 9 acides aminés ; CodY : gène répresseur ; PepI : proline iminopeptidase ; PepD, PepV : dipeptidase ; PepX : Xprolyl dipeptidyl aminopeptidase ; PepN, PepC, PepP : aminopeptidases générales ; PepO, PepF : endopeptidases.
PrtM PrtP Opp Dpp DTpt
A Paroi Membrane cellulaire B Cytoplasme C
PepO PepF
PepN
PepC PepX
PepL
PepQ
PepR PepI
PepT
PepP
PepV
PepD
Ile Val Leuu
Caséine
Oligopeptide Dipeptide tripeptide
CodY
CodY PrtM PrtP OppO1 DTpt PepN
1.4.6 Souches protéases négatives ou prtP- définition et intérêt technologique :
Les systèmes protéolytiques des bactéries lactiques sont complexes de par leur
nombre et la nature des protéases et peptidases présentes mais aussi de par leur
localisation cellulaire. Les protéases sont localisées pour l’essentiel au niveau de la
paroi, une faible activité intracellulaire est toute fois détectable (Monnet et Gripon
in De Roissart et Luquet, 1994).
La production de protéases est un caractère indispensable à la croissance des
bactéries lactiques (Juillard et al., 1996) ; cependant des variants négatifs
apparaissent parfois spontanément et avec des fréquences considérables, surtout
chez les lactocoques (Kok, 1990). Il s’agit de souches qui ont perdu généralement
le gène codant pour la synthèse de la protéase de paroi (PrtP-) tout en gardant
une activité peptidasique et un système de transport des acides aminés et
peptides semblable à celui des souches normales c'est-à-dire (PrtP+) (Thivierge,
1999).
Les variants PrtP- se développent dans le lait avec la même vitesse initiale que les
souches mères PrtP+ lors des premières générations, mais elles n’atteignent que
10 à 25% des densités cellulaires de ces dernières. La croissance devient
semblable à celle des souches PrtP+ sur un milieu de culture synthétique riche tel
que le milieu MRS (de Palencia et al., 1997) ou sur un lait additionné d’hydrolysats
de caséine (figure8). Ceci indique que ces acides aminés et peptides proviennent
de l’hydrolyse de la caséine du lait par la protéase de paroi (Monnet et Gripon in
De Roissart et Luquet , 1994 ; Christensen et Steele, 2003).
L’étude des variants protéolytiques déficients permet de comprendre le rôle
physiologique, technologique et la régulation de la synthèse de chaque composant
de ce système complexe (Mierau et al., 1996 ; de Palencia et al., 1997 ;
Christensen et Steele, 2003 ; Savijoki et al., 2006).
En production fromagère, l’utilisation de cultures mixtes de souches PrtP- et PrtP+
présente plusieurs avantages : tout d’abord l’utilisation des souches PrtP- réduit le
problème d’amertume dû à l’hydrolyse des caséines β ou αs1 par la protéase de la
paroi en peptides hydrophobes amers. En outre ce sont des souches qui semblent
être moins acidifiantes et moins sensibles à l’attaque des phages car elles se
développent très lentement (Juillart et al., 1996 ; Thivierge, 1999).
0
2
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Heures
dens
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480n
m
Prt-Prt+Prt- ou Prt+
Figure8 Croissance de variants Prt+ et Prt- de Lactococcus lactis
ssp cremoris à 30°C dans le lait (Monnet et Gripon in De Roissart et Luquet, 1994)
La dégradation successive des caséines du lait constitue l’un des phénomènes
majeurs de développement des aromes et l’affinage des fromages. En effet le
catabolisme des acides aminés, issus de la dégradation des caséines du lait,
conduit à la production d’une large gamme de composés aromatiques. Les voies
menant de la dégradation des caséines au catabolisme des acides aminés sont
présentées sur la figure 9.
Les oligopeptides générés après action de la protéinase sont susceptibles d’être
dégradés en di- et tri- peptides ainsi qu’en acides aminés à l’extérieur de la cellule.
5 1 0.5 0.1
Lait + hydrolysats de caséines prt+ prt-
1 3 5 7 9 11
Cependant, la synthèse de peptidases extracellulaires n'a pas été démontrée. Un
système de transport, Opp, assure le passage des oligopeptides d’une taille
maximale de 10 résidus d’acides aminés à travers la membrane plasmique. Les
oligopeptides sont ensuite dégradés dans le cytoplasme en di- et tri-peptides puis
en acides aminés par des mécanismes faisant intervenir de nombreuses
enzymes (Figure 9). Une partie de ces acides aminés, notamment ceux pour
lesquels les bactéries lactiques sont auxotrophes, servira à la synthèse de
nouvelles protéines, et l’autre partie participera à la formation des arômes (Figure
9).
La protéolyse est parfois à l’origine d’un défaut de saveur: l’amertume. Ce défaut
résulte de l’accumulation de peptides de petite taille, ayant une hydrophobicité
élevée et dont la partie C terminale est constituée soit de leucine, de
phénylalanine ou de tyrosine. Le choix des souches est particulièrement important
pour éviter ce défaut. Les variants lents de lactocoques déficients en protéinase de
paroi (Prt-) ne produisent pas d’amertume. De plus, ces souches dites «non
amères» possèdent des activités enzymatiques capables de dégrader les peptides
amers en peptides non amers et acides aminés libres. La spécificité des
protéinases de paroi pour les caséines joue également un rôle sur le
développement de l’amertume, car la majorité des peptides amers sont issus de
l’hydrolyse de la caséine β.
Acide aminés caséine di- et tri-peptides
Oligopeptides Oligopeptides (> 10aa) (<10 aa et > 3aa)
Acides aminés di- et tripeptides
Dipeptidase V Endopeptidases O, F1 et F2 Proline iminopeptidase XPDAP Prolidase Q Aminopeptidases A, C et N Tripeptidase T (non classée) Prolinase P -Transamination -Déshydrogénation -Décarboxylation -Dégradation -Réduction -Désamination
Figure 9 Catabolisme des acides aminés par Lc. lactis sp.
Aat, Dpp et Opp représentent respectivement les systèmes de transport des acides aminés, di- et tri- peptides et oligopeptides (Grattepanche, 2005).
Lait
Protéinase
Peptidases extracellulaires ?
Paroi cellulaire
Aat Dpp Opp
Acides aminés Di et Tripeptides Oligopeptides (<10 aa et > 3aa)
Membrane
Aldéhydes Alcools Acides organiques volatils Composées aromatiques Composés soufrés Amines Ammoniac
Cytoplasme
1.5 Autolyse bactérienne :
Durant la phase de déclin, après l’épuisement des réserves énergiques et
accumulation de déchets toxiques les cellules se lysent et libèrent leur contenu
cytoplasmique dans le milieu : c’est l’autolyse bactérienne spontanée (De Roissart
in Luquet, 1986 ; Thivierge, 1999).
L’autolyse cellulaire est un phénomène, induit ou spontané, qui résulte en la perte
de l’intégrité de la paroi bactérienne par hydrolyse du peptidoglycane sous l’action
d’enzymes endogènes appelées de part cette particularité les autolysines (Chapot
Chartier, 1996 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005). Elle est étudiée chez de
nombreuses espèces bactériennes lactiques et non lactiques telles que les
propinibactéries (Lortal et al., 1997 ; Gagnaire et al., 1999), les lactocoques
(Thivierge, 1999 ; Huard et al., 2004 ; Hannon et al., 2006), les lactobacilles (El
Sallami et al., 1987 ; Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Kang, 1998 ;
Lazure Demers, 2000 ; Weinrichter et al., 2001), les entérocoques (El Dina et al.,
2002 ; Deutsch et al., 2002 ; El Soda et al., 2003 ; Deutsch et al., 2003), les
oenocoques et les pediocoques (Garbay et Lonvaud Funel, 1990 ; Leroy et al.,
1990).
1.5.1 Les autolysines
Les autolysines sont des enzymes localisées dans la paroi bactérienne, elles jouent
un rôle positif au sein de la cellule en lui permettant de s’allonger et se diviser en
deux cellules filles en effectuant des coupures limitées en certains sites du
peptidoglycane. Ces enzymes sont impliquées aussi dans la formation des
flagelles, la sporulation (Lortal et al., 1989) et la tolérance à certains antibiotiques
(Kim et al., 1982,). Cependant sous l’effet de certains facteurs, les autolysines
hydrolysent d’une manière inadéquate le peptidoglycane ce qui provoque la
désintégration des membranes et la déstabilisation de la structure cellulaire : les
bactéries s’autolysent (Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Thieverge,
1999).
1.5.2 Classification des autolysines :
Trois classes d’autolysines ont été décrites selon leurs sites d’action sur le
peptidoglycane (figure 10) (Valence et Lortal, 1995 ; Chapot Chartier, 1996 ;
Kang, 1998 ; Lazure Demers, 2000 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005):
• les glycosidases qui exercent une activité lytique sur la chaîne
polysaccharidique,
• les amidases qui agissent sur le lien amide entre les ponts peptidiques et
l’acide N-acétyl muramique du polysaccharide
• les peptidases qui sont actives sur les chaînes peptidiques agissant comme
ponts entre les chaînes polysaccharidiques.
1.5.2.1 Les glycosidases :
Elles représentent un ensemble d’enzymes ayant pour substrat la chaîne
polysaccharidique du peptidoglycane. Cette chaîne est toujours composée d’une
alternance entre résidus d’acide N-acétylmuramique et de N-acétylglycosamine.
Les autolysines de type glycosidases se trouvent dans l’une ou l’autre des deux
classes suivantes :
• N-acétylmuramidases (muramidasesI) : elles hydrolysent la liaison β1-4
entre l’acide N-acétylmuramique et le N- acétylglycosamine, déstabilisant
ainsi la paroi bactérienne.
• N-acétylglycosaminases : elles hydrolysent les liaisons β1-4 entre le N-
acétylglycosamine et l’acide N-acétylmuramique. L’activité de ces enzymes
complète celle des N-acétylmuramidases puisque les deux types d’enzymes
hydrolysent les deux liaisons possibles qui unissent les résidus entre eux à
l’intérieur des chaînes polysaccharidiques. Ces enzymes sont aussi appelées
les muramidases II.
1.5.2.2 Les amidases :
Elles font partie du groupe enzymatique à fonction très spécifique qui consiste à
couper le lien amide entre le groupement carboxyle de l’acide N-acétylmuramique
et le groupement α amine de la L-alanine, premier acide aminé des chaînes
peptidiques formant les ponts entre les chaînes polysaccharidiques adjacentes.
1.5.2.3 Les peptidases :1.1 Généralités sur les bactéries lactiques :
De nombreux produits alimentaires subissent une fermentation lactique avant leur
consommation ce qui leur assure des caractéristiques bien particulières d’arome et
de texture, mais aussi une bonne sécurité alimentaire grâce aux acides organiques
produits. Les bactéries qui en sont responsables sont regroupées sous l’appellation
de bactéries lactiques. Ce sont des bactéries à Gram positif qui regroupent 12
genres dont les plus étudiés sont Lactobacillus, Lactococcus, Streptococcus,
Leuconostoc, Enterococcus et Pediococcus.
Ces bactéries peuvent avoir des formes de bâtonnet ou de coque, isolés ou en
chaînettes quelque fois très longues. Elles sont très généralement immobiles mais
quelques espèces sont mobiles grâce à des flagelles péritriches et ne sporulent
pas ; elles sont anaérobies facultatives ou microaérotolérantes et ne produisent
pas de catalase. Inaptes à réduire les nitrates et à hydrolyser la gélatine les
bactéries lactiques ont en commun la capacité de fermenter les sucres en acide
lactique : certaines sont dites homofermentaires car elles ne produisent que l’acide
lactique alors que d’autres sont dites hétérofermentaires et produisent en plus de
l’acide lactique d’autres composés tels que l’acétate et l’éthanol (De Roissart in
Luquet, 1986 ; Dronault, 2001).
Les lactobacilles regroupent de nombreuses espèces bactériennes sous forme de
bâtonnet ou coccobacilles, omniprésents dans la nature, rarement pathogènes et
colonisent différentes niches écologiques comme le lait et ses dérivés, les
végétaux, les viandes fermentées, les muqueuses humaines et animales et le
tractus digestif.
Le genre Lactobacillus a été divisé selon des caractéristiques biochimiques et
physiologiques en trois sous genres. La classification revue et développée par les
technique moléculaires subdivise les lactobacilles en trois groupes (Bourgeois et
Leveau, 1980 ; De Roissart et Luquet, 1994) :
• Groupe I : regroupe toutes les espèces thermophiles homofermentaires
strictes.
• Groupe II : comprend des espèces mésophiles hétérofermentaires
facultatives.
• GroupeIII : représenté par des espèces hétérofermentaires strictes.
1.2 Effet des bactéries lactiques sur la santé humaine :
En alimentation humaine les bactéries lactiques sont consommées
quotidiennement et en grande quantité : dans les yaourts par exemple deux
espèces de bactéries lactiques (Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus
thermophilus) sont présentes à une concentration de 108-109germes /gramme
(Desmazeaud, 1996 ; Yildirim et Yildirim, 2001 ; Courtin et al., 2002).
En plus de leur intérêt dans la fabrication et la préservation des produits
alimentaires, les bactéries lactiques jouent un rôle dans l’amélioration de la
digestion du lactose chez les sujets déficients en lactase, ainsi que dans la
prévention et le traitement des diarrhées infectieuses dues à Clostridium difficile
(Bifidobacterium bifidium et Streptococcus thermophilus) ou le traitement des
troubles digestifs liés à l’antibiothérapie (Lactobacillus rhamnosus), dans la
diminution du cholestérol sérique surtout sous l’effet des probiotiques dénommés
«LactoSacc» (Lactobacillus acidophilus, Enterococcus feacium, Saccharomyces
cerevisiae) (Le Loire et al., 2001 ; Dronault et Corthier, 2001 ).
Les bactéries lactiques ont un rôle aussi dans la prévention des cancers : (tumeurs
coliques diminuées par Lactobacillus acidophilus, Bifidobacterium longum et
vésicales diminuées par Lactobacillus casei). L’inhibition de la prolifération des
lignées cancéreuses HT29 est due aux peptides bioactifs issus de l’hydrolyse des
caséines. En effet deux séquences peptidiques dérivées des caséines β (séquence
β 145-155) et αS1 (séquence α 31-48) inhibent in vitro les ‘’matrix
métalloprotéinases’’, protéases qui jouent un rôle essentiel dans la progression des
tumeurs et particulièrement dans la propagation métastastasique du cancer
(Dronault et Corthier, 2001 ; Miclo et al., 2001 ; Robert, 2002.)
Les effets bénéfiques de certaines souches du genre Lactobacillus sont résumés
dans le tableau 1.
Tableau 1: Effets bénéfiques de souches probiotiques de Lactobacillus (Grattepanche, 2005)
Souches Produits Effets observés Références Yaourts à boire Prévention des allergies Kallliomäki et al., 2001
Rautava et al., 2002
Yaourts Traitement des allergies Majama et al., 1997 Isolauri et al., 2000
Stimulation de la production d’IL-10 Pessi et al., 2000
Diminution de l’incidence des diarrhées
Vanderhoof et al., 1999
Lb. rhamnosus GG
Capsules
Diminution des diarrhées à rotavirus
Majama et al., 1995
Yaourts à boire Inhibition du développement d’Helicobacter pylori
Michetti et al., 1999 Lb. Johnsonii La1 (Lj1)
Yaourts Stimulation de l’activité phagocytaire
Schiffrin et al., 1997
Yaourts à boire Augmentation de l’activité des cellules NK
Nagao et al., 2000 Lb. casei Shirota
Laits fermentés Diminution des diarrhées à rotavirus
Marteau et al., 2001
Stimulation de la production d’IgA Faure et al., 2001 Lb. casei DN-114 001 Yaourts à boire
Diminution de l’incidence des diarrhées
Pedone et al., 2000
Laits fermentés Yaourts
Lb. acidophilus NCFM
Formules infantiles Capsules
Diminution des diarrhées infantiles Facilite la digestion du lactose
Sanders et al., 2001
Lb. plantarum 229v Jus de fruits Prévention des maladies cardiovasculaires
Naruszewicz et al., 2002
Lactobacillus bulgaricus and Streptococcus thermophilus
Yogurt, fermented infant formula
young children with acute watery diarrhea
Boudraa et al., 2001
1.3 Les caséines
Les caséines constituent les protéines majeures du lait, elles représentent environ
80% du total protéique. Elles sont représentées par les caséines αS1, caséine αS2,
caséine β et caséine κ. Ce sont des phosphoprotéines présentes dans le lait sous
forme micellaire. Chacune des caséines se différencie des autres par sa
composition en acides aminés, sa structure et ses propriétés. Le point
isoélectrique des caséines est de 4.6.
Puisqu’elles sont phosphorylées, les caséines précipitent en présence d’ions
calcium, à l'exception de la caséine κ qui ne possède qu'un seul résidu
phosphosérine.
La caséine αS1 est représentée par une chaîne de polypeptidique composée de 199
acides aminés. Son poids moléculaire est de 23 614 Da. La caséine αS1 forme des
interactions hydrophobes pour former l’unité fondamentale de la structure
micellaire. De plus, la caséine αS1 est moins susceptible à l'action de la plasmine
que la caséine β, en raison de son plus fort degré d'association à la structure de la
micelle (Gaumond, 2005).
La caséine αS2 est composée de 207 acides aminés pour un poids moléculaire de
25 230 Da. C'est la moins abondante des caséines majeures du lait. La caséine αS2
est la plus hydrophile de toutes les caséines car la plus phosphorylée (10 à 13
phosphates/mol) et la plus riche en résidus cationiques.
La caséine β est composée de 209 acides aminés et possède un poids moléculaire
de 23 983 Da. C'est la plus hydrophobe de toutes les caséines. L’hydrolyse de la
partie C-terminale de la caséine β sous l’action de la plasmine conduit à la
formation des caséines γ1, γ2 et γ3 (Thivierge, 1999). Une très grande quantité de
résidus prolines caractérise les caséines, particulièrement la caséine β (De
Roissard et Luquet, 1994 ; Gaumond, 2005).
La caséine κ est formée de 169 acides aminés et possède un poids moléculaire de
19 007 Da. En raison de la faible quantité de phosphosérine au niveau de sa
structure primaire (un seul groupement), la caséine k ne fixe que deux moles de
calcium par mole de protéines à pH neutre. Contrairement aux autres caséines, sa
solubilité est peu affectée par la présence de calcium. Par conséquent, la caséine κ
est un agent stabilisateur de la micelle (Léonil et al., 2007).
Les micelles de caséines sont élaborées dans la cellule épithéliale mammaire au
cours d’un processus compartimenté. Celui-ci est initié dans le réticulum
endoplasmique, se poursuit dans l’appareil de Golgi et se termine dans les
vésicules de sécrétion où les micelles sont transportées vers la membrane apicale
des cellules épithéliales mammaires. Les observations morphologiques indiquent
que des structures pré-micellaires semblent déjà exister dans le cis Golgi. Ces
micelles sont des colloïdes édifiés à partir de quatre types de caséines (αs1, αs2,
β et κ) en interaction avec une fraction minérale dont le composant prédominant
est le phosphate de calcium. Elles se présentent sous la forme d'édifices
supramoléculaires polydisperses, de 180nm de diamètre moyen. Cette
organisation propre aux caséines confère au lait des propriétés très spécifiques
tant sur le plan biologique que technologique (Léonil et al., 2007).
Les bactéries lactiques peuvent croître sur le lait grâce à leur système
protéolytique qui permet l’hydrolyse de ces caséines en composés assimilables.
1.3 Croissance des bactéries lactiques dans le lait et protéolyse:
Les bactéries lactiques se caractérisent par des besoins nutritionnels
particulièrement complexes, outre la présence d’une source fermentescible, elles
ont besoin pour croître de plusieurs acides aminés qu’elles ne peuvent pas
synthétiser à partir d’une source azotée simple (Monnet et Grippon in De Roissart
et Luquet, 1994). Ces demandes varient de 4 à14 acides aminés différents (Kunji
et al., 1996). Parmi les bactéries lactiques, les leuconostocs et les lactobacilles
sont connus pour leurs exigences multiples en acides aminés, vitamines, des bases
purines et pyrimidines (Morishita et al., 1974 ; Desmazeaud et al., 1996 ; Hebert
et al.,2000).
Le lait cru tel qu’il sort de la mamelle n’est pas un milieu de culture optimal pour
les bactéries lactiques. Quelle que soit son origine, il contient toujours un excès de
sucres fermentescibles (50mg/ml par rapport aux 5mg/ml nécessaires aux
bactéries pour atteindre une densité cellulaire de 109cellules/ml), par contre il est
pauvre en nutriments azotés assimilables (De Roissart in Luquet, 1986).
Le lait de vache contient environ 37mg/ml de protéines dont la plupart sont de
poids moléculaires élevés (caséines et protéines du lactosérum), mais il ne
renferme que très peu d’acides aminés libres et de peptides (0.04 à 0.01mg/ml,
soit de 8 à 16% de la quantité nécessaire aux bactéries lactiques pour atteindre
une densité cellulaire maximale). Cela signifie que le lait contient généralement
des substances azotées assimilables suffisantes pour assurer le démarrage du
métabolisme bactérien mais un fractionnement des protéines est indispensable
pour que la croissance se poursuive (De Roissart in Luquet ; 1986, Monnet et
Grippon in De Roissart et Luquet, 1994 ; Juillard et al., 1995 et 1996).
Mills et Thomas (1981), ont étudié la croissance de certaines souches de
Lactococcus dans un lait additionné de protéines et peptides marqués au 14C.
Lors de l’introduction des peptides marqués, la radioactivité des protéines
bactériennes d’une souche de Lactococcus lactis ssp cremoris reste identique au
cours des 5 premières générations de croissance, suggérant que les peptides du
lait procurent une proportion constante de l’azote utilisé pour la croissance, la
contribution de la fraction peptidique restant faible par rapport aux besoins azotés
totaux.
Lors de l’introduction des protéines marquées dans le lait, la radioactivité des
protéines bactériennes augmente régulièrement au cours des 5 premières
générations (figure 1), indiquant que les protéines du lait représentent une source
d’azote de plus en plus importante.
Lorsque les protéines radioactives sont ajoutées individuellement au lait, la
radioactivité est incorporée dans les protéines bactériennes, et ceci quelle que soit
la protéine marquée ajoutée. Ceci indique que toutes les protéines du lait (caséine
mais aussi les protéines du lactosérum) sont utilisées comme source d’azote.
Les bactéries lactiques utilisent toutes ces protéines grâce à leur système
protéolytique.
Figure1
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes des souches de Lactococcus cultivées sur lait enrichi en protéines marquées au 14C
(Mills et Thomas, 1981)
1.4 Le système protéolytique des bactéries lactiques :
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
1 2 3 4 Nombre de générations
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes(1000 dmp/g) Lc lactis ssp cremoris E8
Lc. lactis ssp cremoris AM2
La protéolyse a été étudiée de façon approfondie chez les lactocoques, surtout
chez Lactococcus lactis (Kunji et al., 1996 ; Thiele, 2003) pour l’importance qu’elle
joue sur le plan industriel (Juillard et al., 1996), cependant peu d’informations sont
disponibles sur le système protéolytique de Lactobacillus (Fira et al., 2001 ;
Courtin et al., 2002 ; Kabadjova-Hristova et al., 2006). Les études génétiques,
biochimiques et ultrastructurales ont permis de conclure que les systèmes
protéolytiques des lactobacilles et des lactocoques sont remarquablement
similaires, en ce qui concerne leurs composants et leur mode d’action (Kunji et al.,
1996).
Le système protéolytique consiste en une protéase à sérine extracellulaire, un
système de transport pour les di- ou tri- peptides et oligopeptides et une multitude
de peptidases intracellulaires (figure 2) (Kunji et al., 1996).
Paroi Membrane
cytoplasme
Caséines
Oligopeptides
Dipeptides
Dipeptides
Acides aminés
Figure 2
Schéma récapitulatif de la protéolyse du lait par les bactéries lactiques
Protéase
Perméase
Perméase
Perméase
Dipeptidase
peptides protéases peptidases protéines intracellulaires Acides aminés
(Exterkate, 1976 ; Law et al., 1978 in Novel,1993)
1.4.1 Les protéases de paroi :
Les caséines du lait représentent la principale source d’azote pour les
lactocoques : en effet 90% de la croissance bactérienne lui est imputable et son
utilisation met en œuvre un système complexe qui fait intervenir plusieurs
enzymes agissant séquentiellement. Les protéases de paroi assurent la première
étape dans la cascade des réactions permettant la dégradation des caséines du
lait (Juillard et al., 1996).
1.4.1.1 Propriétés biochimiques et génétiques des protéases de paroi:
Due à leur importance dans le processus de fermentation, les protéases des
lactocoques ont fait l’objet de nombreuses études biochimiques (Buist et al.,
1998 ; Drouault et al., 1998). Ce sont des enzymes monomériques à sérine
ressemblent aux subtilases de paroi, ayant des poids moléculaires élevés, entre
180 et 190 kDa (Kunji et al., 1996), assez différents du poids moléculaire de 145
kDa estimé pour une protéase de paroi purifiée à partir de Lactobacillus
acidophilus (Kojic et al., 1991).
Leur maximum d’activité est obtenu dans un spectre de pH allant de 5.5 jusqu’à
6.5 ; la température optimale pour l’activité diffère pour chaque protéase, elle se
situe généralement entre 30°C et 40°C (Kok et al., 1990). Cependant une
protéase de paroi de Lactobacillus casei a montré un maximum d’activité à pH8.0
et à température 50°C (Sharmin et al., 2004). Certaines souches de Lactobacillus
delbruekii ssp bulgaricus possède une métalloenzyme de paroi insensible au PMSF
(Gobbeti et al., 1996).
La majorité des protéases de paroi des bactéries lactiques sont Ca+2 dépendantes
(Kok, 1990) ; ces ions jouent un rôle dans l’attachement des protéases à la paroi
et dans la stabilisation des sites catalytiques (Exterkate et Alting, 1999). Ces
enzymes sont libérées dans le milieu à la suite d’un traitement des cellules par le
lysozyme ou la glycine ou par un lavage par un tampon contenant des ions Ca+2
(Espla et al., 2000).
Les gènes codant pour les protéases de paroi sont généralement plasmidiques
chez les lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996 ; Espla et al., 2000) et sont
chromosomiques chez les lactobacilles (Kojic et al., 1991 ; De Palencia et al.,
1997).
Les protéases de paroi des lactocoques sont produites sous forme de pré-
protéines de poids moléculaire voisin de 200 kDa. Elles subissent une maturation
par libération d’un peptide de 18 kDa résultant de l’hydrolyse de la partie N
terminale sous l’action de la lipoprotéine PrtM dont le gène se trouve juste en
amont du gène prtP. (Espla et al., 2000 ; Savijoki et al., 2006).
Aucune protéine homologue à PrtM n’a été détectée chez les lactobacilles. Chez ce
genre, les protéases ne sont pas libérées par autoprotéolyse mais après un
traitement des cellules par une muramidase (lysozyme) suivi d’un choc osmotique.
(Kok, 1990 ; Atlan, 1996).
Quatre gènes codant pour des protéases de paroi ont été décrits chez les
lactobacilles , les gènes prtB et prtH chez Lactobacillus delbrueckii ssp bulgaricus
NCDO1489 et Lactobacillus heveticus CNRZ32 respectivement, le gène prtR chez
Lactobacillus rhamnosus, et le gène prtP chez Lactobacillus paracasei (figure 3).
Le gène prtP code pour une protéase identique à celle des lactocoques. Les gènes
prtH, prtB et prtR codent pour des protéases non solubilisées par les ions Ca+2
ayant des propriétés ressemblant à celles observées chez les subtilases de paroi
(Courtin et al., 2002 ; Pastar et al., 2006 ; Savijoki et al., 2006).
CW M C
Lc lactis Lb paracasei PrtP
Lb helveticus PrtH
W
W
W
AN H
H
A B Pr
B A
B A
Pr
Pr PP
PP
PP
AN
I
I
I
I
Lb bulgaricus PrtB
Lb rhamnosus PrtR
Figure 3 Protéases de paroi de quelques souches de bactéries lactiques
(Savijoki et al., 2006) CW : paroi cellulaire ; H : domaine en hélice ; M : membrane ; B : domaine B ; C : cytoplasme ; A : domaine A ; I : domaine d’insertion ; W : domaine inter membranaire ; PP : pré domaine ; AN: domaine d’attachement ; Pr : domaine catalytique ; : signal court
La transcription des gènes prtP est influencée par la composition du milieu : la
production de la protéase de paroi est induite par la présence de caséine dans le
milieu et est réprimée par une concentration élevée de peptides (Ohmiya et Sato,
1975 ; Hebert et al., 2000). Cette répression n’est possible qu’après diffusion des
peptides dans la cellule et leur dégradation dans le cytoplasme (Meijer et al.,
1996 ; Kok et al., 2005 ; Larsen et al., 2006).
Guedon et al. (2001) ont proposé un modèle simple de régulation des gènes
pepN, pepC, prtP et l’opéron opp-pepO1 chez Lactococcus lactis, faisant intervenir
la protéine répresseur CodY. Ce modèle a été établi en étudiant des mutants
déprimés obtenus par mutagenèse aléatoire par transposition. L’expression des
gènes est réprimée par CodY en fonction de la concentration des trois acides
aminés leucine, isoleucine et valine (ILV) (figure 4).
Peptides contenant Caséines des ILV PrtP Peptides contenant ILV Peptidases
Opp DtpTp
Dtpp
CodY
Régulation protéolytique Opp-PepO1 PepN PepC PrtP
Activation Répression
Concentration élevée en ILV ou d’un produit de dégradation
Figure4 Modèle représentant la régulation de l’expression des gènes du régulon
protéolytique de Lactococcus lactis (Drouault et al., 1998 ; Guédon et al., 2001)
ILV : isoleucine, leucine et valine
1.4.1.2 Classification des protéases de paroi
Deux classes de protéases de paroi ont été décrites chez les lactocoques selon
leur spécificité pour le substrat : les protéases de type PI ayant une préférence
pour la β caséine et les protéases de type PIII qui dégradent les 3 types de
caséine : αs1caséine, β caséine et κ caséine, (Kok, 1990, Reid et al., 1995, Kunji et
al., 1996).
Chez les lactobacilles, un troisième type de protéase de paroi a été décrit. Ce sont
des protéases intermédiaires appartenant au type P1 tout en ayant une activité
sur la caséine αS1 (Juillard et al., 1995 ; Kabadjova-Hristova et al.,2006).
1.4.2 Protéinases intracellulaires :
Les bactéries lactiques possèdent aussi un équipement protéolytique intracellulaire
important. Différentes protéases intracellulaires ont été décrites chez des souches
du genre Lactobacillus. Ces protéases semblent avoir un rôle important dans la
production fromagère (Masuda et al., 2005).
D’autres rôles ont été décrits pour ces protéases : en plus de leur rôle strictement
nutritionnel qui permet aux bactéries d’utiliser les peptides ayant franchi les
enveloppes microbiennes, les enzymes protéolytiques intracellulaires interviennent
dans l’hydrolyse de peptides éventuellement toxiques (résistance aux
antibiotiques) ainsi que dans la maturation des protéines intracellulaires (Ohmiya
et Sato, 1975 ; Desmazeaud, 1983).
1.4.3 Impact technologique de la protéolyse :
La dégradation progressive des protéines du lait constitue l’un des trois
évènements biochimiques principaux de la maturation et l’affinage des fromages
(Mc Sweeney et Sousa, 2000). La protéolyse contribue en grande partie au
changement de la texture via l’hydrolyse du réseau protéinique, contribue
directement à la saveur (peptides libérés) dont l’amertume (défaut redouté en
fabrication, due à des peptides hydrophobes), et enfin permet la libération
d’acides aminés précurseurs d’aromes (Thivierge, 2001).
1.4.4 Systèmes de transport des acides aminés et peptides chez les bactéries lactiques :
1.4.4.1 Systèmes de transport des acides aminés :
Trois systèmes de transport des acides aminés ont été isolés et décrits chez les
lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996) :
• Transport couplé à une force promotrice : c’est un système utilisant une
force promotrice générée par un potentiel électrique et un gradient
chimique de proton (H+) à travers la membrane ; il est spécifique au
transport des acides aminés leucine, thréonine, isoleucine, alanine, valine,
glycine et méthionine.
• Transport par échange (type antiport) : ce type de transport est décrit
surtout pour le couple d’acides aminés ornithine/arginine ; ce mécanisme
dépend de la concentration de l’un des deux acides aminés dans le milieu.
• Transport ATP dépendant : l’énergie nécessaire pour ce type de transport
est fournie par hydrolyse de liaisons phosphates de l’ATP ; il catalyse le
transport spécifique des acides aminés glutamate, glutamine, aspartate,
proline et glycine-bétaine.
Aucun résultat n’a rapporté une éventuelle similitude entre le système de
transport chez les lactocoques et celui des lactobacilles (Kunji et al., 1996).
1.4.4.2 Transport des di- et tri- peptides (DtpT) :
En général, il s’agit d’un transport lié à une force promotrice ; c’est un système
spécifique aux di- et tri- peptides hydrophiles (Hagting et al., 1997).
Un second système de transport spécifique aux di- et tri- peptides hydrophobes a
été mis en évidence chez des mutants de Lc. lactis (Focaud et al., 1995).
1.4.4.3 Transport des oligopeptides (Opp) :
Il s’agit d’un système transportant des peptides comportant de 4 à 8 résidus et
plus ; c’est un système ATP dépendant. Le gène de l’Opp comporte cinq cadres de
lecture ouverts (ORFs) dont les produits correspondent aux protéines de fixation
de l’ATP (figure 5) (Kunji et al., 1995 ; Kunji et al., 1996).
P P P
Figure5
Organisation des Opp et di/tripeptides systèmes de transport chez Lc lactis (Kunji et al., 1996)
D, F, B, C et A : ORFs P : promoteurs
1.4.5 Les peptidases des bactéries lactiques :
1.4.5.1 Définition et propriétés des peptidases
D F B C A DtpT
D F B C A
Les peptides issus de l’hydrolyse des caséines par les protéases de paroi sont
dégradés grâce aux peptidases en acides aminés et oligopeptides capables d’être
transportés à l’intérieur de la cellule via le système de transport membranaire actif
(Monnet et al., 1993).
Les peptidases des bactéries lactiques sont divisées en deux groupes majeurs, les
endopeptidases, qui coupent à l’intérieur des chaînes peptidiques, et les
exopeptidases, qui dégradent les extrémités du peptide.
Les exopeptidases sont représentées généralement chez les bactéries lactiques
par les aminopeptidases car aucune carboxypeptidase n’a été identifiée chez les
lactocoques (Mierau et al., 1996) ni chez les lactobacilles (El Soda et al., 1983 ;
Atlan et al., 1989 ; Khalid et Marth, 1990a).
Les aminopeptidases regroupent les enzymes hydrolysant les liaisons peptidiques
du coté N-terminal de plusieurs oligopeptides, di et tripeptides. Elles sont divisées
selon le degré de spécificité envers leurs substrats en aminopeptidases générales
et aminopeptidases de spécificité restreinte.
La leucyl-aminopeptidase appartient au groupe des aminopeptidases N (PepN), qui
sont des peptidases à spécificité large jouant un rôle physiologique très important
(Mierau et al., 1996 ; Christensen et Steele, 2003). Leur détection est facilitée par
l’emploi de substrats chromogènes (acide aminé p-nitroanilide ou β-
naphtylamide).
Les enzymes appartenant à ce groupe sont généralement des métalloenzymes
inhibées par l’EDTA ; cependant certaines peptidases isolées chez le genre
Lactobacillus montrent une sensibilité à d’autres agents tels que le
paraméthylsulfonate (PMSF) et le phénanthroline (Tsakalidou et al., 1993 ;
Magboul et Mc Sweeney, 1999). L’activité des peptidases de type N est liée à la
présence de cations métalliques divalents ; le cation Zn+2 est le plus fréquemment
associé à ces enzymes.
Différentes localisations ont été décrites pour ce type d’enzymes, elles sont
généralement intracellulaires ou membranaires (Altan et al., 1989 ; Atlan et al.,
1990 ;Van Alen Boerrigter et al., 1991). Les chercheurs ne rapportent aucune
localisation extracellulaire de ces enzymes en se basant sur le fait que la bactérie
utiliserait plutôt les peptides se trouvant dans le milieu et jamais les caséines. De
plus, leur instabilité très élevée conduit à leur dénaturation lors de leur relargage
dans le milieu extracellulaire. (Monnet et al., 1993).
1.4.5.2 Intérêt technologique des peptidases :
Outre leur rôle dans la nutrition azotée, les peptidases des bactéries lactiques
permettent l’hydrolyse des peptides amers dans les fromages et la libération
d’acides aminés et peptides précurseurs de composés d’aromes (figure 6) (Monnet
et al., 1993 ; Jakob et Piccinali, 2006).
Figure6 Enzymes impliquées dans la protéolyse dans le fromage.
(Jakob et Piccinali, 2006).
Quelques peptidases du genre Lactobacillus ainsi que leurs propriétés sont
résumés dans le tableau 2. La figure7 représente les différentes étapes de la
dégradation des caséines et le système de régulation de l’activité des différentes
enzymes qui y interviennent.
Caséine Protéase
Polypeptide Endopeptidases Oligopeptide Exopeptidases Di et tripeptidases Exopeptidases Acides aminés
Tableau 2 Peptidases de Lactobacillus
Peptidase Souche Propriétés Références T°C pH Substrat PM Classe
d’enzyme
Pep N
Lb lactis 47.5°C
6.2 Large spécificité
78kDa monomère
Métallo
Eggimann et Bachmann, 1980
Lb helveticus 45°C 6.5 // - Métallo
Chollete et Mc Kellar, 1990
Lb plantarum ESB5004
37°C 6.5 // 70kDa dimérique
Métallo Macedo et al., 2003
Lb helveticus JCM 1004
40°C 7.0 // 129kDa trimérique
Métallo Pan et Tanokura, 2004
Lb curvatus DPC2024
40°C 7.0 // 70kDa dimérique
Métallo Magboul et Mc Sweeney, 1999a
Lb delbrueckii ssp bulgarius ACADC233
40°C 6.0 // 98kDa monomère
Métallo
Tsakalidou et al., 1993
Lb helveticus LHE 511
37°C 7.0 // 92kDa monomère
Métallo Miyakawa et al., 1992
Lb sanfrancisco CB1
30°C
7.5
// 75kDa monomère
Métallo
Gobbetti et al., 1996
Lb sake 37°C 5.0 // 180kDa trimérique
Enzyme à cystéine
Sanz et Toldra, 2002
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 6.0 X-Pro di peptide
82kDa monomère
Métallo Morel et al., 1999
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 7.0 Dipeptide 50kDa monomère
Enzyme à cystéine
Atlan et al., 1990
Pep C
Lb sake 40°C 7.6 Large spécificité
50kDa monomère
Métallo Montel et al., 1995
Pep Q Lb helveticu SBT 2171
55°C 8.0 // 160kDa monomère
Métallo Tan et al., 1995
Lb casei ssp casei IFPL731
60 à 70°C
7.5 // 65kDa monomère
Métallo Espla et Hernandez, 1997
Lb sanfrancisco CB1
30 ° 7.5 // 72kDa monomère
Métallo Gobetti et al., 1996
Dipeptidase
Lb helveticus CNRZ 32
40°C
7.0
Spécificité restreinte
140kDa tétramérique
Métallo Khalid et Marth, 1990b
Oligo- peptidase
Lb paracasei LC01
40°C 8.0 Oligo- peptide
Métallo Tobassen et al., 1997
Acides aminés libres
Dpp : transporteur de peptides de 2 à 9 acides aminés ; CodY : gène répresseur ; PepI : proline iminopeptidase ; PepD, PepV : dipeptidase ; PepX : Xprolyl dipeptidyl aminopeptidase ; PepN, PepC, PepP : aminopeptidases générales ; PepO, PepF : endopeptidases.
PrtM PrtP Opp Dpp DTpt
A Paroi Membrane cellulaire B Cytoplasme C
PepO PepF
PepN
PepC PepX
PepL
PepQ
PepR PepI
PepT
PepP
PepV
PepD
Ile Val Leuu
Caséine
Oligopeptide Dipeptide tripeptide
CodY
CodY PrtM PrtP OppO1 DTpt PepN
1.4.6 Souches protéases négatives ou prtP- définition et intérêt technologique :
Les systèmes protéolytiques des bactéries lactiques sont complexes de par leur
nombre et la nature des protéases et peptidases présentes mais aussi de par leur
localisation cellulaire. Les protéases sont localisées pour l’essentiel au niveau de la
paroi, une faible activité intracellulaire est toute fois détectable (Monnet et Gripon
in De Roissart et Luquet, 1994).
La production de protéases est un caractère indispensable à la croissance des
bactéries lactiques (Juillard et al., 1996) ; cependant des variants négatifs
apparaissent parfois spontanément et avec des fréquences considérables, surtout
chez les lactocoques (Kok, 1990). Il s’agit de souches qui ont perdu généralement
le gène codant pour la synthèse de la protéase de paroi (PrtP-) tout en gardant
une activité peptidasique et un système de transport des acides aminés et
peptides semblable à celui des souches normales c'est-à-dire (PrtP+) (Thivierge,
1999).
Les variants PrtP- se développent dans le lait avec la même vitesse initiale que les
souches mères PrtP+ lors des premières générations, mais elles n’atteignent que
10 à 25% des densités cellulaires de ces dernières. La croissance devient
semblable à celle des souches PrtP+ sur un milieu de culture synthétique riche tel
que le milieu MRS (de Palencia et al., 1997) ou sur un lait additionné d’hydrolysats
de caséine (figure8). Ceci indique que ces acides aminés et peptides proviennent
de l’hydrolyse de la caséine du lait par la protéase de paroi (Monnet et Gripon in
De Roissart et Luquet , 1994 ; Christensen et Steele, 2003).
L’étude des variants protéolytiques déficients permet de comprendre le rôle
physiologique, technologique et la régulation de la synthèse de chaque composant
de ce système complexe (Mierau et al., 1996 ; de Palencia et al., 1997 ;
Christensen et Steele, 2003 ; Savijoki et al., 2006).
En production fromagère, l’utilisation de cultures mixtes de souches PrtP- et PrtP+
présente plusieurs avantages : tout d’abord l’utilisation des souches PrtP- réduit le
problème d’amertume dû à l’hydrolyse des caséines β ou αs1 par la protéase de la
paroi en peptides hydrophobes amers. En outre ce sont des souches qui semblent
être moins acidifiantes et moins sensibles à l’attaque des phages car elles se
développent très lentement (Juillart et al., 1996 ; Thivierge, 1999).
0
2
4
6
8
10
12
1 2 3 4 5 6
Heures
dens
ité c
ellu
laire
DO
480n
m
Prt-Prt+Prt- ou Prt+
Figure8 Croissance de variants Prt+ et Prt- de Lactococcus lactis
ssp cremoris à 30°C dans le lait (Monnet et Gripon in De Roissart et Luquet, 1994)
La dégradation successive des caséines du lait constitue l’un des phénomènes
majeurs de développement des aromes et l’affinage des fromages. En effet le
catabolisme des acides aminés, issus de la dégradation des caséines du lait,
conduit à la production d’une large gamme de composés aromatiques. Les voies
menant de la dégradation des caséines au catabolisme des acides aminés sont
présentées sur la figure 9.
Les oligopeptides générés après action de la protéinase sont susceptibles d’être
dégradés en di- et tri- peptides ainsi qu’en acides aminés à l’extérieur de la cellule.
5 1 0.5 0.1
Lait + hydrolysats de caséines prt+ prt-
1 3 5 7 9 11
Cependant, la synthèse de peptidases extracellulaires n'a pas été démontrée. Un
système de transport, Opp, assure le passage des oligopeptides d’une taille
maximale de 10 résidus d’acides aminés à travers la membrane plasmique. Les
oligopeptides sont ensuite dégradés dans le cytoplasme en di- et tri-peptides puis
en acides aminés par des mécanismes faisant intervenir de nombreuses
enzymes (Figure 9). Une partie de ces acides aminés, notamment ceux pour
lesquels les bactéries lactiques sont auxotrophes, servira à la synthèse de
nouvelles protéines, et l’autre partie participera à la formation des arômes (Figure
9).
La protéolyse est parfois à l’origine d’un défaut de saveur: l’amertume. Ce défaut
résulte de l’accumulation de peptides de petite taille, ayant une hydrophobicité
élevée et dont la partie C terminale est constituée soit de leucine, de
phénylalanine ou de tyrosine. Le choix des souches est particulièrement important
pour éviter ce défaut. Les variants lents de lactocoques déficients en protéinase de
paroi (Prt-) ne produisent pas d’amertume. De plus, ces souches dites «non
amères» possèdent des activités enzymatiques capables de dégrader les peptides
amers en peptides non amers et acides aminés libres. La spécificité des
protéinases de paroi pour les caséines joue également un rôle sur le
développement de l’amertume, car la majorité des peptides amers sont issus de
l’hydrolyse de la caséine β.
Acide aminés caséine di- et tri-peptides
Oligopeptides Oligopeptides (> 10aa) (<10 aa et > 3aa)
Acides aminés di- et tripeptides
Dipeptidase V Endopeptidases O, F1 et F2 Proline iminopeptidase XPDAP Prolidase Q Aminopeptidases A, C et N Tripeptidase T (non classée) Prolinase P -Transamination -Déshydrogénation -Décarboxylation -Dégradation -Réduction -Désamination
Figure 9 Catabolisme des acides aminés par Lc. lactis sp.
Aat, Dpp et Opp représentent respectivement les systèmes de transport des acides aminés, di- et tri- peptides et oligopeptides (Grattepanche, 2005).
Lait
Protéinase
Peptidases extracellulaires ?
Paroi cellulaire
Aat Dpp Opp
Acides aminés Di et Tripeptides Oligopeptides (<10 aa et > 3aa)
Membrane
Aldéhydes Alcools Acides organiques volatils Composées aromatiques Composés soufrés Amines Ammoniac
Cytoplasme
1.5 Autolyse bactérienne :
Durant la phase de déclin, après l’épuisement des réserves énergiques et
accumulation de déchets toxiques les cellules se lysent et libèrent leur contenu
cytoplasmique dans le milieu : c’est l’autolyse bactérienne spontanée (De Roissart
in Luquet, 1986 ; Thivierge, 1999).
L’autolyse cellulaire est un phénomène, induit ou spontané, qui résulte en la perte
de l’intégrité de la paroi bactérienne par hydrolyse du peptidoglycane sous l’action
d’enzymes endogènes appelées de part cette particularité les autolysines (Chapot
Chartier, 1996 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005). Elle est étudiée chez de
nombreuses espèces bactériennes lactiques et non lactiques telles que les
propinibactéries (Lortal et al., 1997 ; Gagnaire et al., 1999), les lactocoques
(Thivierge, 1999 ; Huard et al., 2004 ; Hannon et al., 2006), les lactobacilles (El
Sallami et al., 1987 ; Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Kang, 1998 ;
Lazure Demers, 2000 ; Weinrichter et al., 2001), les entérocoques (El Dina et al.,
2002 ; Deutsch et al., 2002 ; El Soda et al., 2003 ; Deutsch et al., 2003), les
oenocoques et les pediocoques (Garbay et Lonvaud Funel, 1990 ; Leroy et al.,
1990).
1.5.1 Les autolysines
Les autolysines sont des enzymes localisées dans la paroi bactérienne, elles jouent
un rôle positif au sein de la cellule en lui permettant de s’allonger et se diviser en
deux cellules filles en effectuant des coupures limitées en certains sites du
peptidoglycane. Ces enzymes sont impliquées aussi dans la formation des
flagelles, la sporulation (Lortal et al., 1989) et la tolérance à certains antibiotiques
(Kim et al., 1982,). Cependant sous l’effet de certains facteurs, les autolysines
hydrolysent d’une manière inadéquate le peptidoglycane ce qui provoque la
désintégration des membranes et la déstabilisation de la structure cellulaire : les
bactéries s’autolysent (Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Thieverge,
1999).
1.5.2 Classification des autolysines :
Trois classes d’autolysines ont été décrites selon leurs sites d’action sur le
peptidoglycane (figure 10) (Valence et Lortal, 1995 ; Chapot Chartier, 1996 ;
Kang, 1998 ; Lazure Demers, 2000 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005):
• les glycosidases qui exercent une activité lytique sur la chaîne
polysaccharidique,
• les amidases qui agissent sur le lien amide entre les ponts peptidiques et
l’acide N-acétyl muramique du polysaccharide
• les peptidases qui sont actives sur les chaînes peptidiques agissant comme
ponts entre les chaînes polysaccharidiques.
1.5.2.1 Les glycosidases :
Elles représentent un ensemble d’enzymes ayant pour substrat la chaîne
polysaccharidique du peptidoglycane. Cette chaîne est toujours composée d’une
alternance entre résidus d’acide N-acétylmuramique et de N-acétylglycosamine.
Les autolysines de type glycosidases se trouvent dans l’une ou l’autre des deux
classes suivantes :
• N-acétylmuramidases (muramidasesI) : elles hydrolysent la liaison β1-4
entre l’acide N-acétylmuramique et le N- acétylglycosamine, déstabilisant
ainsi la paroi bactérienne.
• N-acétylglycosaminases : elles hydrolysent les liaisons β1-4 entre le N-
acétylglycosamine et l’acide N-acétylmuramique. L’activité de ces enzymes
complète celle des N-acétylmuramidases puisque les deux types d’enzymes
hydrolysent les deux liaisons possibles qui unissent les résidus entre eux à
l’intérieur des chaînes polysaccharidiques. Ces enzymes sont aussi appelées
les muramidases II.
1.5.2.2 Les amidases :
Elles font partie du groupe enzymatique à fonction très spécifique qui consiste à
couper le lien amide entre le groupement carboxyle de l’acide N-acétylmuramique
et le groupement α amine de la L-alanine, premier acide aminé des chaînes
peptidiques formant les ponts entre les chaînes polysaccharidiques adjacentes.
1.5.2.3 Les peptidases :
Elles regroupent les carboxypeptidases qui ont une action exopeptidasique
hydrolysant le lien entre la D-alanyl-D-alanine terminale des chaînes peptidiques
du peptidoglycane et les endopeptidases qui exercent une action lytique sur les
liens D-D peptidiques reliant les différentes chaînes peptidiques entre elles.
Figure10 Schéma représentant les sites d’action des différentes
autolysines sur le peptidoglycane (Kang, 1998)
N-actéylglucosaminidases
Amidases
N-acétylglucosaminidases
Peptidases
N-acétylmuramidases
N-acétylmuramidases
L-Ala
D-Glu D-Ala
L-Lys
D-Glu
L-Lys
L-Ala
D-Ala
GlcNAc---------MurNAc-----------GlcNAc
---GlcNAc-------MurNAc-------GlcNAc----
D-Asp NH2
NH2
1.5.3 Les facteurs induisant l’activité autolytique :
Des facteurs physiques, chimiques, enzymatiques ou autres peuvent induire
l’autolyse des bactéries lactiques.
1.5.3.1 Facteurs physiques et chimiques :
Parmi les facteurs non enzymatiques favorisant l’autolyse bactérienne on trouve
une multitude de combinaisons ayant trait à la température et le choc osmotique
(El Dine et al., 2002), la force ionique (Lortal et al., 1989 ; Weinrichter et al.,
2001), le pH (Lortal et al., 1997) ou la mise en présence de différents agents
chimiques tels que les détergents ioniques, agents chélateurs et Triton X100
(Kang et al., 1998). D’une manière générale ces facteurs stimulent l’autolyse
bactérienne en déstabilisant le métabolisme et/ou la structure de la paroi
bactérienne.
1.5.3.2 Facteurs enzymatiques :
Le lysozyme est l’une des enzymes ayant une action hydrolytique envers les
membranes de plusieurs espèces bactériennes car elle possède à la fois une
activité gluconohydrolase semblable à celle des autolysines de type N-
acétylglycosaminidases (Kang, 1998) et une activité chitinase (Neujhar et al.,
1973).
1.5.3.3 Autres facteurs :
D’autres facteurs peuvent largement influencer sur l’activité autolytique
bactérienne. L’âge de la culture est l’un des facteurs les plus étudiés : il a été
montré que la lyse cellulaire est généralement maximale pendant la phase
exponentielle de croissance. Ceci confirme l’implication des autolysines dans la
séparation des deux cellules filles lors de la division cellulaire (Lortal et al., 1997).
Le travail de Buist et al. (1998) a montré l’effet de la protéase extracellulaire PI de
Lc lactis sur son activité autolytique.
L’effet de la bactériocine nisine Z de Lc. diacetylactis sur l’induction de l’activité
autolytique de Lb. casei sup casei IFPL731 a été démontré par El Sallami et al.,
1987.
1.5.4 Impact industriel de l’autolyse :
La rupture de l’enveloppe cellulaire (membrane et paroi) avec libération
du contenu cytoplasmique dans le milieu extracellulaire présente un
intérêt particulier quant à son utilisation potentielle dans la fabrication
des produits laitiers fermentés. En effet le contenu enzymatique
intracellulaire des bactéries du levain joue un rôle important dans le
développement de la flaveur et la texture des fromages (Hannon et al.,
2006). Parmi ces enzymes, les plus caractérisées sont les peptidases qui
libèrent des petits peptides et des acides aminés libres qui sont des
précurseurs d’aromes. L’action des peptidases contribue également à
diminuer l’amertume. Les connaissances acquises sur le système
peptidasique des bactéries lactiques (lactocoques, streptocoques
thermophiles et lactobacilles) suggèrent que les peptidases sont
généralement intracellulaires (Lortal et al., 1997) et ne sont mises au
contact du substrat qu’après autolyse cellulaire (Gagnaire et al., 1999).
L’action d’autres enzymes intracellulaires intervenant dans le
développement de la flaveur telles que les estérases, lipases et les
enzymes de dégradation des acides aminés pourrait être amplifiée dans
le caillé fromager par lyse bactérienne (El Sallami et al., 1987 ; Lortal et
al., 1988 ; Chapot Chartier, 1996 ; Zambonelli et al., 2002 ; Huard et al.,
2004).
Elles regroupent les carboxypeptidases qui ont une action exopeptidasique
hydrolysant le lien entre la D-alanyl-D-alanine terminale des chaînes peptidiques
du peptidoglycane et les endopeptidases qui exercent une action lytique sur les
liens D-D peptidiques reliant les différentes chaînes peptidiques entre elles.
Figure10 Schéma représentant les sites d’action des différentes
autolysines sur le peptidoglycane (Kang, 1998)
1.5.3 Les facteurs induisant l’activité autolytique :
Des facteurs physiques, chimiques, enzymatiques ou autres peuvent induire
l’autolyse des bactéries lactiques.
1.5.3.1 Facteurs physiques et chimiques :
Parmi les facteurs non enzymatiques favorisant l’autolyse bactérienne on trouve
une multitude de combinaisons ayant trait à la température et le choc osmotique
(El Dine et al., 2002), la force ionique (Lortal et al., 1989 ; Weinrichter et al.,
N-actéylglucosaminidases
Amidases
N-acétylglucosaminidases
Peptidases
N-acétylmuramidases
N-acétylmuramidases
L-Ala
D-Glu D-Ala
L-Lys
D-Glu
L-Lys
L-Ala
D-Ala
GlcNAc---------MurNAc-----------GlcNAc
---GlcNAc-------MurNAc-------GlcNAc----
D-Asp NH2
NH2
2001), le pH (Lortal et al., 1997) ou la mise en présence de différents agents
chimiques tels que les détergents ioniques, agents chélateurs et Triton X100
(Kang et al., 1998). D’une manière générale ces facteurs stimulent l’autolyse
bactérienne en déstabilisant le métabolisme et/ou la structure de la paroi
bactérienne.
1.5.3.2 Facteurs enzymatiques :
Le lysozyme est l’une des enzymes ayant une action hydrolytique envers les
membranes de plusieurs espèces bactériennes car elle possède à la fois une
activité gluconohydrolase semblable à celle des autolysines de type N-
acétylglycosaminidases (Kang, 1998) et une activité chitinase (Neujhar et al.,
1973).
1.5.3.3 Autres facteurs :
D’autres facteurs peuvent largem1.1 Généralités sur les bactéries lactiques :
De nombreux produits alimentaires subissent une fermentation lactique avant leur
consommation ce qui leur assure des caractéristiques bien particulières d’arome et
de texture, mais aussi une bonne sécurité alimentaire grâce aux acides organiques
produits. Les bactéries qui en sont responsables sont regroupées sous l’appellation
de bactéries lactiques. Ce sont des bactéries à Gram positif qui regroupent 12
genres dont les plus étudiés sont Lactobacillus, Lactococcus, Streptococcus,
Leuconostoc, Enterococcus et Pediococcus.
Ces bactéries peuvent avoir des formes de bâtonnet ou de coque, isolés ou en
chaînettes quelque fois très longues. Elles sont très généralement immobiles mais
quelques espèces sont mobiles grâce à des flagelles péritriches et ne sporulent
pas ; elles sont anaérobies facultatives ou microaérotolérantes et ne produisent
pas de catalase. Inaptes à réduire les nitrates et à hydrolyser la gélatine les
bactéries lactiques ont en commun la capacité de fermenter les sucres en acide
lactique : certaines sont dites homofermentaires car elles ne produisent que l’acide
lactique alors que d’autres sont dites hétérofermentaires et produisent en plus de
l’acide lactique d’autres composés tels que l’acétate et l’éthanol (De Roissart in
Luquet, 1986 ; Dronault, 2001).
Les lactobacilles regroupent de nombreuses espèces bactériennes sous forme de
bâtonnet ou coccobacilles, omniprésents dans la nature, rarement pathogènes et
colonisent différentes niches écologiques comme le lait et ses dérivés, les
végétaux, les viandes fermentées, les muqueuses humaines et animales et le
tractus digestif.
Le genre Lactobacillus a été divisé selon des caractéristiques biochimiques et
physiologiques en trois sous genres. La classification revue et développée par les
technique moléculaires subdivise les lactobacilles en trois groupes (Bourgeois et
Leveau, 1980 ; De Roissart et Luquet, 1994) :
• Groupe I : regroupe toutes les espèces thermophiles homofermentaires
strictes.
• Groupe II : comprend des espèces mésophiles hétérofermentaires
facultatives.
• GroupeIII : représenté par des espèces hétérofermentaires strictes.
1.2 Effet des bactéries lactiques sur la santé humaine :
En alimentation humaine les bactéries lactiques sont consommées
quotidiennement et en grande quantité : dans les yaourts par exemple deux
espèces de bactéries lactiques (Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus
thermophilus) sont présentes à une concentration de 108-109germes /gramme
(Desmazeaud, 1996 ; Yildirim et Yildirim, 2001 ; Courtin et al., 2002).
En plus de leur intérêt dans la fabrication et la préservation des produits
alimentaires, les bactéries lactiques jouent un rôle dans l’amélioration de la
digestion du lactose chez les sujets déficients en lactase, ainsi que dans la
prévention et le traitement des diarrhées infectieuses dues à Clostridium difficile
(Bifidobacterium bifidium et Streptococcus thermophilus) ou le traitement des
troubles digestifs liés à l’antibiothérapie (Lactobacillus rhamnosus), dans la
diminution du cholestérol sérique surtout sous l’effet des probiotiques dénommés
«LactoSacc» (Lactobacillus acidophilus, Enterococcus feacium, Saccharomyces
cerevisiae) (Le Loire et al., 2001 ; Dronault et Corthier, 2001 ).
Les bactéries lactiques ont un rôle aussi dans la prévention des cancers : (tumeurs
coliques diminuées par Lactobacillus acidophilus, Bifidobacterium longum et
vésicales diminuées par Lactobacillus casei). L’inhibition de la prolifération des
lignées cancéreuses HT29 est due aux peptides bioactifs issus de l’hydrolyse des
caséines. En effet deux séquences peptidiques dérivées des caséines β (séquence
β 145-155) et αS1 (séquence α 31-48) inhibent in vitro les ‘’matrix
métalloprotéinases’’, protéases qui jouent un rôle essentiel dans la progression des
tumeurs et particulièrement dans la propagation métastastasique du cancer
(Dronault et Corthier, 2001 ; Miclo et al., 2001 ; Robert, 2002.)
Les effets bénéfiques de certaines souches du genre Lactobacillus sont résumés
dans le tableau 1.
Tableau 1: Effets bénéfiques de souches probiotiques de Lactobacillus (Grattepanche, 2005)
Souches Produits Effets observés Références Yaourts à boire Prévention des allergies Kallliomäki et al., 2001
Rautava et al., 2002
Yaourts Traitement des allergies Majama et al., 1997 Isolauri et al., 2000
Stimulation de la production d’IL-10 Pessi et al., 2000
Diminution de l’incidence des diarrhées
Vanderhoof et al., 1999
Lb. rhamnosus GG
Capsules
Diminution des diarrhées à rotavirus
Majama et al., 1995
Yaourts à boire Inhibition du développement d’Helicobacter pylori
Michetti et al., 1999 Lb. Johnsonii La1 (Lj1)
Yaourts Stimulation de l’activité phagocytaire
Schiffrin et al., 1997
Yaourts à boire Augmentation de l’activité des cellules NK
Nagao et al., 2000 Lb. casei Shirota
Laits fermentés Diminution des diarrhées à rotavirus
Marteau et al., 2001
Lb. casei DN-114 001 Yaourts à boire Stimulation de la production d’IgA Faure et al., 2001
Diminution de l’incidence des diarrhées
Pedone et al., 2000
Laits fermentés Yaourts
Lb. acidophilus NCFM
Formules infantiles Capsules
Diminution des diarrhées infantiles Facilite la digestion du lactose
Sanders et al., 2001
Lb. plantarum 229v Jus de fruits Prévention des maladies cardiovasculaires
Naruszewicz et al., 2002
Lactobacillus bulgaricus and Streptococcus thermophilus
Yogurt, fermented infant formula
young children with acute watery diarrhea
Boudraa et al., 2001
1.3 Les caséines
Les caséines constituent les protéines majeures du lait, elles représentent environ
80% du total protéique. Elles sont représentées par les caséines αS1, caséine αS2,
caséine β et caséine κ. Ce sont des phosphoprotéines présentes dans le lait sous
forme micellaire. Chacune des caséines se différencie des autres par sa
composition en acides aminés, sa structure et ses propriétés. Le point
isoélectrique des caséines est de 4.6.
Puisqu’elles sont phosphorylées, les caséines précipitent en présence d’ions
calcium, à l'exception de la caséine κ qui ne possède qu'un seul résidu
phosphosérine.
La caséine αS1 est représentée par une chaîne de polypeptidique composée de 199
acides aminés. Son poids moléculaire est de 23 614 Da. La caséine αS1 forme des
interactions hydrophobes pour former l’unité fondamentale de la structure
micellaire. De plus, la caséine αS1 est moins susceptible à l'action de la plasmine
que la caséine β, en raison de son plus fort degré d'association à la structure de la
micelle (Gaumond, 2005).
La caséine αS2 est composée de 207 acides aminés pour un poids moléculaire de
25 230 Da. C'est la moins abondante des caséines majeures du lait. La caséine αS2
est la plus hydrophile de toutes les caséines car la plus phosphorylée (10 à 13
phosphates/mol) et la plus riche en résidus cationiques.
La caséine β est composée de 209 acides aminés et possède un poids moléculaire
de 23 983 Da. C'est la plus hydrophobe de toutes les caséines. L’hydrolyse de la
partie C-terminale de la caséine β sous l’action de la plasmine conduit à la
formation des caséines γ1, γ2 et γ3 (Thivierge, 1999). Une très grande quantité de
résidus prolines caractérise les caséines, particulièrement la caséine β (De
Roissard et Luquet, 1994 ; Gaumond, 2005).
La caséine κ est formée de 169 acides aminés et possède un poids moléculaire de
19 007 Da. En raison de la faible quantité de phosphosérine au niveau de sa
structure primaire (un seul groupement), la caséine k ne fixe que deux moles de
calcium par mole de protéines à pH neutre. Contrairement aux autres caséines, sa
solubilité est peu affectée par la présence de calcium. Par conséquent, la caséine κ
est un agent stabilisateur de la micelle (Léonil et al., 2007).
Les micelles de caséines sont élaborées dans la cellule épithéliale mammaire au
cours d’un processus compartimenté. Celui-ci est initié dans le réticulum
endoplasmique, se poursuit dans l’appareil de Golgi et se termine dans les
vésicules de sécrétion où les micelles sont transportées vers la membrane apicale
des cellules épithéliales mammaires. Les observations morphologiques indiquent
que des structures pré-micellaires semblent déjà exister dans le cis Golgi. Ces
micelles sont des colloïdes édifiés à partir de quatre types de caséines (αs1, αs2,
β et κ) en interaction avec une fraction minérale dont le composant prédominant
est le phosphate de calcium. Elles se présentent sous la forme d'édifices
supramoléculaires polydisperses, de 180nm de diamètre moyen. Cette
organisation propre aux caséines confère au lait des propriétés très spécifiques
tant sur le plan biologique que technologique (Léonil et al., 2007).
Les bactéries lactiques peuvent croître sur le lait grâce à leur système
protéolytique qui permet l’hydrolyse de ces caséines en composés assimilables.
1.3 Croissance des bactéries lactiques dans le lait et protéolyse:
Les bactéries lactiques se caractérisent par des besoins nutritionnels
particulièrement complexes, outre la présence d’une source fermentescible, elles
ont besoin pour croître de plusieurs acides aminés qu’elles ne peuvent pas
synthétiser à partir d’une source azotée simple (Monnet et Grippon in De Roissart
et Luquet, 1994). Ces demandes varient de 4 à14 acides aminés différents (Kunji
et al., 1996). Parmi les bactéries lactiques, les leuconostocs et les lactobacilles
sont connus pour leurs exigences multiples en acides aminés, vitamines, des bases
purines et pyrimidines (Morishita et al., 1974 ; Desmazeaud et al., 1996 ; Hebert
et al.,2000).
Le lait cru tel qu’il sort de la mamelle n’est pas un milieu de culture optimal pour
les bactéries lactiques. Quelle que soit son origine, il contient toujours un excès de
sucres fermentescibles (50mg/ml par rapport aux 5mg/ml nécessaires aux
bactéries pour atteindre une densité cellulaire de 109cellules/ml), par contre il est
pauvre en nutriments azotés assimilables (De Roissart in Luquet, 1986).
Le lait de vache contient environ 37mg/ml de protéines dont la plupart sont de
poids moléculaires élevés (caséines et protéines du lactosérum), mais il ne
renferme que très peu d’acides aminés libres et de peptides (0.04 à 0.01mg/ml,
soit de 8 à 16% de la quantité nécessaire aux bactéries lactiques pour atteindre
une densité cellulaire maximale). Cela signifie que le lait contient généralement
des substances azotées assimilables suffisantes pour assurer le démarrage du
métabolisme bactérien mais un fractionnement des protéines est indispensable
pour que la croissance se poursuive (De Roissart in Luquet ; 1986, Monnet et
Grippon in De Roissart et Luquet, 1994 ; Juillard et al., 1995 et 1996).
Mills et Thomas (1981), ont étudié la croissance de certaines souches de
Lactococcus dans un lait additionné de protéines et peptides marqués au 14C.
Lors de l’introduction des peptides marqués, la radioactivité des protéines
bactériennes d’une souche de Lactococcus lactis ssp cremoris reste identique au
cours des 5 premières générations de croissance, suggérant que les peptides du
lait procurent une proportion constante de l’azote utilisé pour la croissance, la
contribution de la fraction peptidique restant faible par rapport aux besoins azotés
totaux.
Lors de l’introduction des protéines marquées dans le lait, la radioactivité des
protéines bactériennes augmente régulièrement au cours des 5 premières
générations (figure 1), indiquant que les protéines du lait représentent une source
d’azote de plus en plus importante.
Lorsque les protéines radioactives sont ajoutées individuellement au lait, la
radioactivité est incorporée dans les protéines bactériennes, et ceci quelle que soit
la protéine marquée ajoutée. Ceci indique que toutes les protéines du lait (caséine
mais aussi les protéines du lactosérum) sont utilisées comme source d’azote.
Les bactéries lactiques utilisent toutes ces protéines grâce à leur système
protéolytique.
Figure1
Radioactivité spécifique des protéines bactériennes des souches de Lactococcus cultivées sur lait enrichi en protéines marquées au 14C
(Mills et Thomas, 1981)
1.4 Le système protéolytique des bactéries lactiques :
La protéolyse a été étudiée de façon approfondie chez les lactocoques, surtout
chez Lactococcus lactis (Kunji et al., 1996 ; Thiele, 2003) pour l’importance qu’elle
joue sur le plan industriel (Juillard et al., 1996), cependant peu d’informations sont
disponibles sur le système protéolytique de Lactobacillus (Fira et al., 2001 ;
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
1 2 3 4 Nombre de générations
protéines bactériennes(1000 dmp/g) Lc lactis ssp cremoris E8
Lc. lactis ssp cremoris AM2
Courtin et al., 2002 ; Kabadjova-Hristova et al., 2006). Les études génétiques,
biochimiques et ultrastructurales ont permis de conclure que les systèmes
protéolytiques des lactobacilles et des lactocoques sont remarquablement
similaires, en ce qui concerne leurs composants et leur mode d’action (Kunji et al.,
1996).
Le système protéolytique consiste en une protéase à sérine extracellulaire, un
système de transport pour les di- ou tri- peptides et oligopeptides et une multitude
de peptidases intracellulaires (figure 2) (Kunji et al., 1996).
Paroi Membrane
cytoplasme
Caséines
Oligopeptides
Dipeptides
Dipeptides
Acides aminés
Figure 2
Schéma récapitulatif de la protéolyse du lait par les bactéries lactiques (Exterkate, 1976 ; Law et al., 1978 in Novel,1993)
1.4.1 Les protéases de paroi :
Protéase
Perméase
Perméase
Perméase
Dipeptidase
peptides protéases peptidases protéines intracellulaires Acides aminés
Les caséines du lait représentent la principale source d’azote pour les
lactocoques : en effet 90% de la croissance bactérienne lui est imputable et son
utilisation met en œuvre un système complexe qui fait intervenir plusieurs
enzymes agissant séquentiellement. Les protéases de paroi assurent la première
étape dans la cascade des réactions permettant la dégradation des caséines du
lait (Juillard et al., 1996).
1.4.1.1 Propriétés biochimiques et génétiques des protéases de paroi:
Due à leur importance dans le processus de fermentation, les protéases des
lactocoques ont fait l’objet de nombreuses études biochimiques (Buist et al.,
1998 ; Drouault et al., 1998). Ce sont des enzymes monomériques à sérine
ressemblent aux subtilases de paroi, ayant des poids moléculaires élevés, entre
180 et 190 kDa (Kunji et al., 1996), assez différents du poids moléculaire de 145
kDa estimé pour une protéase de paroi purifiée à partir de Lactobacillus
acidophilus (Kojic et al., 1991).
Leur maximum d’activité est obtenu dans un spectre de pH allant de 5.5 jusqu’à
6.5 ; la température optimale pour l’activité diffère pour chaque protéase, elle se
situe généralement entre 30°C et 40°C (Kok et al., 1990). Cependant une
protéase de paroi de Lactobacillus casei a montré un maximum d’activité à pH8.0
et à température 50°C (Sharmin et al., 2004). Certaines souches de Lactobacillus
delbruekii ssp bulgaricus possède une métalloenzyme de paroi insensible au PMSF
(Gobbeti et al., 1996).
La majorité des protéases de paroi des bactéries lactiques sont Ca+2 dépendantes
(Kok, 1990) ; ces ions jouent un rôle dans l’attachement des protéases à la paroi
et dans la stabilisation des sites catalytiques (Exterkate et Alting, 1999). Ces
enzymes sont libérées dans le milieu à la suite d’un traitement des cellules par le
lysozyme ou la glycine ou par un lavage par un tampon contenant des ions Ca+2
(Espla et al., 2000).
Les gènes codant pour les protéases de paroi sont généralement plasmidiques
chez les lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996 ; Espla et al., 2000) et sont
chromosomiques chez les lactobacilles (Kojic et al., 1991 ; De Palencia et al.,
1997).
Les protéases de paroi des lactocoques sont produites sous forme de pré-
protéines de poids moléculaire voisin de 200 kDa. Elles subissent une maturation
par libération d’un peptide de 18 kDa résultant de l’hydrolyse de la partie N
terminale sous l’action de la lipoprotéine PrtM dont le gène se trouve juste en
amont du gène prtP. (Espla et al., 2000 ; Savijoki et al., 2006).
Aucune protéine homologue à PrtM n’a été détectée chez les lactobacilles. Chez ce
genre, les protéases ne sont pas libérées par autoprotéolyse mais après un
traitement des cellules par une muramidase (lysozyme) suivi d’un choc osmotique.
(Kok, 1990 ; Atlan, 1996).
Quatre gènes codant pour des protéases de paroi ont été décrits chez les
lactobacilles , les gènes prtB et prtH chez Lactobacillus delbrueckii ssp bulgaricus
NCDO1489 et Lactobacillus heveticus CNRZ32 respectivement, le gène prtR chez
Lactobacillus rhamnosus, et le gène prtP chez Lactobacillus paracasei (figure 3).
Le gène prtP code pour une protéase identique à celle des lactocoques. Les gènes
prtH, prtB et prtR codent pour des protéases non solubilisées par les ions Ca+2
ayant des propriétés ressemblant à celles observées chez les subtilases de paroi
(Courtin et al., 2002 ; Pastar et al., 2006 ; Savijoki et al., 2006).
CW M C
Lc lactis Lb paracasei PrtP
Lb helveticus PrtH
Lb bulgaricus PrtB
Lb rhamnosus PrtR
Figure 3
W
W
W
AN H
H
A B Pr
B A
B A
Pr
Pr PP
PP
PP
B A Pr PP W AN
I
I
I
I
Protéases de paroi de quelques souches de bactéries lactiques (Savijoki et al., 2006)
CW : paroi cellulaire ; H : domaine en hélice ; M : membrane ; B : domaine B ; C : cytoplasme ; A : domaine A ; I : domaine d’insertion ; W : domaine inter membranaire ; PP : pré domaine ; AN: domaine d’attachement ; Pr : domaine catalytique ; : signal court
La transcription des gènes prtP est influencée par la composition du milieu : la
production de la protéase de paroi est induite par la présence de caséine dans le
milieu et est réprimée par une concentration élevée de peptides (Ohmiya et Sato,
1975 ; Hebert et al., 2000). Cette répression n’est possible qu’après diffusion des
peptides dans la cellule et leur dégradation dans le cytoplasme (Meijer et al.,
1996 ; Kok et al., 2005 ; Larsen et al., 2006).
Guedon et al. (2001) ont proposé un modèle simple de régulation des gènes
pepN, pepC, prtP et l’opéron opp-pepO1 chez Lactococcus lactis, faisant intervenir
la protéine répresseur CodY. Ce modèle a été établi en étudiant des mutants
déprimés obtenus par mutagenèse aléatoire par transposition. L’expression des
gènes est réprimée par CodY en fonction de la concentration des trois acides
aminés leucine, isoleucine et valine (ILV) (figure 4).
Peptides contenant Caséines des ILV PrtP Peptides contenant ILV Peptidases Concentration élevée en ILV ou d’un produit de dégradation
Figure4
Opp DtpTp
Dtpp
CodY
Régulation protéolytique Opp-PepO1 PepN PepC PrtP
Activation Répression
Modèle représentant la régulation de l’expression des gènes du régulon protéolytique de Lactococcus lactis
(Drouault et al., 1998 ; Guédon et al., 2001)
ILV : isoleucine, leucine et valine
1.4.1.2 Classification des protéases de paroi
Deux classes de protéases de paroi ont été décrites chez les lactocoques selon
leur spécificité pour le substrat : les protéases de type PI ayant une préférence
pour la β caséine et les protéases de type PIII qui dégradent les 3 types de
caséine : αs1caséine, β caséine et κ caséine, (Kok, 1990, Reid et al., 1995, Kunji et
al., 1996).
Chez les lactobacilles, un troisième type de protéase de paroi a été décrit. Ce sont
des protéases intermédiaires appartenant au type P1 tout en ayant une activité
sur la caséine αS1 (Juillard et al., 1995 ; Kabadjova-Hristova et al.,2006).
1.4.2 Protéinases intracellulaires :
Les bactéries lactiques possèdent aussi un équipement protéolytique intracellulaire
important. Différentes protéases intracellulaires ont été décrites chez des souches
du genre Lactobacillus. Ces protéases semblent avoir un rôle important dans la
production fromagère (Masuda et al., 2005).
D’autres rôles ont été décrits pour ces protéases : en plus de leur rôle strictement
nutritionnel qui permet aux bactéries d’utiliser les peptides ayant franchi les
enveloppes microbiennes, les enzymes protéolytiques intracellulaires interviennent
dans l’hydrolyse de peptides éventuellement toxiques (résistance aux
antibiotiques) ainsi que dans la maturation des protéines intracellulaires (Ohmiya
et Sato, 1975 ; Desmazeaud, 1983).
1.4.3 Impact technologique de la protéolyse :
La dégradation progressive des protéines du lait constitue l’un des trois
évènements biochimiques principaux de la maturation et l’affinage des fromages
(Mc Sweeney et Sousa, 2000). La protéolyse contribue en grande partie au
changement de la texture via l’hydrolyse du réseau protéinique, contribue
directement à la saveur (peptides libérés) dont l’amertume (défaut redouté en
fabrication, due à des peptides hydrophobes), et enfin permet la libération
d’acides aminés précurseurs d’aromes (Thivierge, 2001).
1.4.4 Systèmes de transport des acides aminés et peptides chez les bactéries lactiques :
1.4.4.1 Systèmes de transport des acides aminés :
Trois systèmes de transport des acides aminés ont été isolés et décrits chez les
lactocoques (Kok, 1990 ; Kunji et al., 1996) :
• Transport couplé à une force promotrice : c’est un système utilisant une
force promotrice générée par un potentiel électrique et un gradient
chimique de proton (H+) à travers la membrane ; il est spécifique au
transport des acides aminés leucine, thréonine, isoleucine, alanine, valine,
glycine et méthionine.
• Transport par échange (type antiport) : ce type de transport est décrit
surtout pour le couple d’acides aminés ornithine/arginine ; ce mécanisme
dépend de la concentration de l’un des deux acides aminés dans le milieu.
• Transport ATP dépendant : l’énergie nécessaire pour ce type de transport
est fournie par hydrolyse de liaisons phosphates de l’ATP ; il catalyse le
transport spécifique des acides aminés glutamate, glutamine, aspartate,
proline et glycine-bétaine.
Aucun résultat n’a rapporté une éventuelle similitude entre le système de
transport chez les lactocoques et celui des lactobacilles (Kunji et al., 1996).
1.4.4.2 Transport des di- et tri- peptides (DtpT) :
En général, il s’agit d’un transport lié à une force promotrice ; c’est un système
spécifique aux di- et tri- peptides hydrophiles (Hagting et al., 1997).
Un second système de transport spécifique aux di- et tri- peptides hydrophobes a
été mis en évidence chez des mutants de Lc. lactis (Focaud et al., 1995).
1.4.4.3 Transport des oligopeptides (Opp) :
Il s’agit d’un système transportant des peptides comportant de 4 à 8 résidus et
plus ; c’est un système ATP dépendant. Le gène de l’Opp comporte cinq cadres de
lecture ouverts (ORFs) dont les produits correspondent aux protéines de fixation
de l’ATP (figure 5) (Kunji et al., 1995 ; Kunji et al., 1996).
P P P
Figure5
Organisation des Opp et di/tripeptides systèmes de transport chez Lc lactis (Kunji et al., 1996)
D, F, B, C et A : ORFs P : promoteurs
1.4.5 Les peptidases des bactéries lactiques :
1.4.5.1 Définition et propriétés des peptidases
Les peptides issus de l’hydrolyse des caséines par les protéases de paroi sont
dégradés grâce aux peptidases en acides aminés et oligopeptides capables d’être
transportés à l’intérieur de la cellule via le système de transport membranaire actif
(Monnet et al., 1993).
D F B C A DtpT
D F B C A
Les peptidases des bactéries lactiques sont divisées en deux groupes majeurs, les
endopeptidases, qui coupent à l’intérieur des chaînes peptidiques, et les
exopeptidases, qui dégradent les extrémités du peptide.
Les exopeptidases sont représentées généralement chez les bactéries lactiques
par les aminopeptidases car aucune carboxypeptidase n’a été identifiée chez les
lactocoques (Mierau et al., 1996) ni chez les lactobacilles (El Soda et al., 1983 ;
Atlan et al., 1989 ; Khalid et Marth, 1990a).
Les aminopeptidases regroupent les enzymes hydrolysant les liaisons peptidiques
du coté N-terminal de plusieurs oligopeptides, di et tripeptides. Elles sont divisées
selon le degré de spécificité envers leurs substrats en aminopeptidases générales
et aminopeptidases de spécificité restreinte.
La leucyl-aminopeptidase appartient au groupe des aminopeptidases N (PepN), qui
sont des peptidases à spécificité large jouant un rôle physiologique très important
(Mierau et al., 1996 ; Christensen et Steele, 2003). Leur détection est facilitée par
l’emploi de substrats chromogènes (acide aminé p-nitroanilide ou β-
naphtylamide).
Les enzymes appartenant à ce groupe sont généralement des métalloenzymes
inhibées par l’EDTA ; cependant certaines peptidases isolées chez le genre
Lactobacillus montrent une sensibilité à d’autres agents tels que le
paraméthylsulfonate (PMSF) et le phénanthroline (Tsakalidou et al., 1993 ;
Magboul et Mc Sweeney, 1999). L’activité des peptidases de type N est liée à la
présence de cations métalliques divalents ; le cation Zn+2 est le plus fréquemment
associé à ces enzymes.
Différentes localisations ont été décrites pour ce type d’enzymes, elles sont
généralement intracellulaires ou membranaires (Altan et al., 1989 ; Atlan et al.,
1990 ;Van Alen Boerrigter et al., 1991). Les chercheurs ne rapportent aucune
localisation extracellulaire de ces enzymes en se basant sur le fait que la bactérie
utiliserait plutôt les peptides se trouvant dans le milieu et jamais les caséines. De
plus, leur instabilité très élevée conduit à leur dénaturation lors de leur relargage
dans le milieu extracellulaire. (Monnet et al., 1993).
1.4.5.2 Intérêt technologique des peptidases :
Outre leur rôle dans la nutrition azotée, les peptidases des bactéries lactiques
permettent l’hydrolyse des peptides amers dans les fromages et la libération
d’acides aminés et peptides précurseurs de composés d’aromes (figure 6) (Monnet
et al., 1993 ; Jakob et Piccinali, 2006).
Figure6 Enzymes impliquées dans la protéolyse dans le fromage.
(Jakob et Piccinali, 2006).
Quelques peptidases du genre Lactobacillus ainsi que leurs propriétés sont
résumés dans le tableau 2. La figure7 représente les différentes étapes de la
dégradation des caséines et le système de régulation de l’activité des différentes
enzymes qui y interviennent.
Caséine Protéase
Polypeptide Endopeptidases Oligopeptide Exopeptidases Di et tripeptidases Exopeptidases Acides aminés
Tableau 2 Peptidases de Lactobacillus
Peptidase Souche Propriétés Références T°C pH Substrat PM Classe
d’enzyme
Pep N
Lb lactis 47.5°C
6.2 Large spécificité
78kDa monomère
Métallo
Eggimann et Bachmann, 1980
Lb helveticus 45°C 6.5 // - Métallo
Chollete et Mc Kellar, 1990
Lb plantarum ESB5004
37°C 6.5 // 70kDa dimérique
Métallo Macedo et al., 2003
Lb helveticus JCM 1004
40°C 7.0 // 129kDa trimérique
Métallo Pan et Tanokura, 2004
Lb curvatus DPC2024
40°C 7.0 // 70kDa dimérique
Métallo Magboul et Mc Sweeney, 1999a
Lb delbrueckii ssp bulgarius ACADC233
40°C 6.0 // 98kDa monomère
Métallo
Tsakalidou et al., 1993
Lb helveticus LHE 511
37°C 7.0 // 92kDa monomère
Métallo Miyakawa et al., 1992
Lb sanfrancisco CB1
30°C
7.5
// 75kDa monomère
Métallo
Gobbetti et al., 1996
Lb sake 37°C 5.0 // 180kDa trimérique
Enzyme à cystéine
Sanz et Toldra, 2002
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 6.0 X-Pro di peptide
82kDa monomère
Métallo Morel et al., 1999
Lb delbrueckii ssp bulgaricus CNRZ397
50°C 7.0 Dipeptide 50kDa monomère
Enzyme à cystéine
Atlan et al., 1990
Pep C
Lb sake 40°C 7.6 Large spécificité
50kDa monomère
Métallo Montel et al., 1995
Pep Q Lb helveticu SBT 2171
55°C 8.0 // 160kDa monomère
Métallo Tan et al., 1995
Lb casei ssp casei IFPL731
60 à 70°C
7.5 // 65kDa monomère
Métallo Espla et Hernandez, 1997
Lb sanfrancisco CB1
30 ° 7.5 // 72kDa monomère
Métallo Gobetti et al., 1996
Dipeptidase
Lb helveticus CNRZ 32
40°C
7.0
Spécificité restreinte
140kDa tétramérique
Métallo Khalid et Marth, 1990b
Oligo- peptidase
Lb paracasei LC01
40°C 8.0 Oligo- peptide
Métallo Tobassen et al., 1997
Acides aminés libres
Dpp : transporteur de peptides de 2 à 9 acides aminés ; CodY : gène répresseur ; PepI : proline iminopeptidase ; PepD, PepV : dipeptidase ; PepX : Xprolyl dipeptidyl aminopeptidase ; PepN, PepC, PepP : aminopeptidases générales ; PepO, PepF : endopeptidases.
PrtM PrtP Opp Dpp DTpt
A Paroi Membrane cellulaire B Cytoplasme C
PepO PepF
PepN
PepC PepX
PepL
PepQ
PepR PepI
PepT
PepP
PepV
PepD
Ile Val Leuu
Caséine
Oligopeptide Dipeptide tripeptide
CodY
CodY PrtM PrtP OppO1 DTpt PepN
1.4.6 Souches protéases négatives ou prtP- définition et intérêt technologique :
Les systèmes protéolytiques des bactéries lactiques sont complexes de par leur
nombre et la nature des protéases et peptidases présentes mais aussi de par leur
localisation cellulaire. Les protéases sont localisées pour l’essentiel au niveau de la
paroi, une faible activité intracellulaire est toute fois détectable (Monnet et Gripon
in De Roissart et Luquet, 1994).
La production de protéases est un caractère indispensable à la croissance des
bactéries lactiques (Juillard et al., 1996) ; cependant des variants négatifs
apparaissent parfois spontanément et avec des fréquences considérables, surtout
chez les lactocoques (Kok, 1990). Il s’agit de souches qui ont perdu généralement
le gène codant pour la synthèse de la protéase de paroi (PrtP-) tout en gardant
une activité peptidasique et un système de transport des acides aminés et
peptides semblable à celui des souches normales c'est-à-dire (PrtP+) (Thivierge,
1999).
Les variants PrtP- se développent dans le lait avec la même vitesse initiale que les
souches mères PrtP+ lors des premières générations, mais elles n’atteignent que
10 à 25% des densités cellulaires de ces dernières. La croissance devient
semblable à celle des souches PrtP+ sur un milieu de culture synthétique riche tel
que le milieu MRS (de Palencia et al., 1997) ou sur un lait additionné d’hydrolysats
de caséine (figure8). Ceci indique que ces acides aminés et peptides proviennent
de l’hydrolyse de la caséine du lait par la protéase de paroi (Monnet et Gripon in
De Roissart et Luquet , 1994 ; Christensen et Steele, 2003).
L’étude des variants protéolytiques déficients permet de comprendre le rôle
physiologique, technologique et la régulation de la synthèse de chaque composant
de ce système complexe (Mierau et al., 1996 ; de Palencia et al., 1997 ;
Christensen et Steele, 2003 ; Savijoki et al., 2006).
En production fromagère, l’utilisation de cultures mixtes de souches PrtP- et PrtP+
présente plusieurs avantages : tout d’abord l’utilisation des souches PrtP- réduit le
problème d’amertume dû à l’hydrolyse des caséines β ou αs1 par la protéase de la
paroi en peptides hydrophobes amers. En outre ce sont des souches qui semblent
être moins acidifiantes et moins sensibles à l’attaque des phages car elles se
développent très lentement (Juillart et al., 1996 ; Thivierge, 1999).
0
2
4
6
8
10
12
1 2 3 4 5 6
Heures
dens
ité c
ellu
laire
DO
480n
m
Prt-Prt+Prt- ou Prt+
Figure8 Croissance de variants Prt+ et Prt- de Lactococcus lactis
ssp cremoris à 30°C dans le lait (Monnet et Gripon in De Roissart et Luquet, 1994)
La dégradation successive des caséines du lait constitue l’un des phénomènes
majeurs de développement des aromes et l’affinage des fromages. En effet le
catabolisme des acides aminés, issus de la dégradation des caséines du lait,
conduit à la production d’une large gamme de composés aromatiques. Les voies
menant de la dégradation des caséines au catabolisme des acides aminés sont
présentées sur la figure 9.
Les oligopeptides générés après action de la protéinase sont susceptibles d’être
dégradés en di- et tri- peptides ainsi qu’en acides aminés à l’extérieur de la cellule.
5 1 0.5 0.1
Lait + hydrolysats de caséines prt+ prt-
1 3 5 7 9 11
Cependant, la synthèse de peptidases extracellulaires n'a pas été démontrée. Un
système de transport, Opp, assure le passage des oligopeptides d’une taille
maximale de 10 résidus d’acides aminés à travers la membrane plasmique. Les
oligopeptides sont ensuite dégradés dans le cytoplasme en di- et tri-peptides puis
en acides aminés par des mécanismes faisant intervenir de nombreuses
enzymes (Figure 9). Une partie de ces acides aminés, notamment ceux pour
lesquels les bactéries lactiques sont auxotrophes, servira à la synthèse de
nouvelles protéines, et l’autre partie participera à la formation des arômes (Figure
9).
La protéolyse est parfois à l’origine d’un défaut de saveur: l’amertume. Ce défaut
résulte de l’accumulation de peptides de petite taille, ayant une hydrophobicité
élevée et dont la partie C terminale est constituée soit de leucine, de
phénylalanine ou de tyrosine. Le choix des souches est particulièrement important
pour éviter ce défaut. Les variants lents de lactocoques déficients en protéinase de
paroi (Prt-) ne produisent pas d’amertume. De plus, ces souches dites «non
amères» possèdent des activités enzymatiques capables de dégrader les peptides
amers en peptides non amers et acides aminés libres. La spécificité des
protéinases de paroi pour les caséines joue également un rôle sur le
développement de l’amertume, car la majorité des peptides amers sont issus de
l’hydrolyse de la caséine β.
Acide aminés caséine di- et tri-peptides
Oligopeptides Oligopeptides (> 10aa) (<10 aa et > 3aa)
Acides aminés di- et tripeptides
Dipeptidase V Endopeptidases O, F1 et F2 Proline iminopeptidase XPDAP Prolidase Q Aminopeptidases A, C et N Tripeptidase T (non classée) Prolinase P -Transamination -Déshydrogénation -Décarboxylation -Dégradation -Réduction -Désamination
Figure 9 Catabolisme des acides aminés par Lc. lactis sp.
Aat, Dpp et Opp représentent respectivement les systèmes de transport des acides aminés, di- et tri- peptides et oligopeptides (Grattepanche, 2005).
Lait
Protéinase
Peptidases extracellulaires ?
Paroi cellulaire
Aat Dpp Opp
Acides aminés Di et Tripeptides Oligopeptides (<10 aa et > 3aa)
Membrane
Aldéhydes Alcools Acides organiques volatils Composées aromatiques Composés soufrés Amines Ammoniac
Cytoplasme
1.5 Autolyse bactérienne :
Durant la phase de déclin, après l’épuisement des réserves énergiques et
accumulation de déchets toxiques les cellules se lysent et libèrent leur contenu
cytoplasmique dans le milieu : c’est l’autolyse bactérienne spontanée (De Roissart
in Luquet, 1986 ; Thivierge, 1999).
L’autolyse cellulaire est un phénomène, induit ou spontané, qui résulte en la perte
de l’intégrité de la paroi bactérienne par hydrolyse du peptidoglycane sous l’action
d’enzymes endogènes appelées de part cette particularité les autolysines (Chapot
Chartier, 1996 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005). Elle est étudiée chez de
nombreuses espèces bactériennes lactiques et non lactiques telles que les
propinibactéries (Lortal et al., 1997 ; Gagnaire et al., 1999), les lactocoques
(Thivierge, 1999 ; Huard et al., 2004 ; Hannon et al., 2006), les lactobacilles (El
Sallami et al., 1987 ; Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Kang, 1998 ;
Lazure Demers, 2000 ; Weinrichter et al., 2001), les entérocoques (El Dina et al.,
2002 ; Deutsch et al., 2002 ; El Soda et al., 2003 ; Deutsch et al., 2003), les
oenocoques et les pediocoques (Garbay et Lonvaud Funel, 1990 ; Leroy et al.,
1990).
1.5.1 Les autolysines
Les autolysines sont des enzymes localisées dans la paroi bactérienne, elles jouent
un rôle positif au sein de la cellule en lui permettant de s’allonger et se diviser en
deux cellules filles en effectuant des coupures limitées en certains sites du
peptidoglycane. Ces enzymes sont impliquées aussi dans la formation des
flagelles, la sporulation (Lortal et al., 1989) et la tolérance à certains antibiotiques
(Kim et al., 1982,). Cependant sous l’effet de certains facteurs, les autolysines
hydrolysent d’une manière inadéquate le peptidoglycane ce qui provoque la
désintégration des membranes et la déstabilisation de la structure cellulaire : les
bactéries s’autolysent (Valence et Lortal, 1995 ; Kang et al., 1998 ; Thieverge,
1999).
1.5.2 Classification des autolysines :
Trois classes d’autolysines ont été décrites selon leurs sites d’action sur le
peptidoglycane (figure 10) (Valence et Lortal, 1995 ; Chapot Chartier, 1996 ;
Kang, 1998 ; Lazure Demers, 2000 ; Lortal et Chapot Chartier, 2005):
• les glycosidases qui exercent une activité lytique sur la chaîne
polysaccharidique,
• les amidases qui agissent sur le lien amide entre les ponts peptidiques et
l’acide N-acétyl muramique du polysaccharide
• les peptidases qui sont actives sur les chaînes peptidiques agissant comme
ponts entre les chaînes polysaccharidiques.
1.5.2.1 Les glycosidases :
Elles représentent un ensemble d’enzymes ayant pour substrat la chaîne
polysaccharidique du peptidoglycane. Cette chaîne est toujours composée d’une
alternance entre résidus d’acide N-acétylmuramique et de N-acétylglycosamine.
Les autolysines de type glycosidases se trouvent dans l’une ou l’autre des deux
classes suivantes :
• N-acétylmuramidases (muramidasesI) : elles hydrolysent la liaison β1-4
entre l’acide N-acétylmuramique et le N- acétylglycosamine, déstabilisant
ainsi la paroi bactérienne.
• N-acétylglycosaminases : elles hydrolysent les liaisons β1-4 entre le N-
acétylglycosamine et l’acide N-acétylmuramique. L’activité de ces enzymes
complète celle des N-acétylmuramidases puisque les deux types d’enzymes
hydrolysent les deux liaisons possibles qui unissent les résidus entre eux à
l’intérieur des chaînes polysaccharidiques. Ces enzymes sont aussi appelées
les muramidases II.
1.5.2.2 Les amidases :
Elles font partie du groupe enzymatique à fonction très spécifique qui consiste à
couper le lien amide entre le groupement carboxyle de l’acide N-acétylmuramique
et le groupement α amine de la L-alanine, premier acide aminé des chaînes
peptidiques formant les ponts entre les chaînes polysaccharidiques adjacentes.
1.5.2.3 Les peptidases :
Elles regroupent les carboxypeptidases qui ont une action exopeptidasique
hydrolysant le lien entre la D-alanyl-D-alanine terminale des chaînes peptidiques
du peptidoglycane et les endopeptidases qui exercent une action lytique sur les
liens D-D peptidiques reliant les différentes chaînes peptidiques entre elles.
Figure10 Schéma représentant les sites d’action des différentes
autolysines sur le peptidoglycane (Kang, 1998)
N-actéylglucosaminidases
Amidases
N-acétylglucosaminidases
Peptidases
N-acétylmuramidases
N-acétylmuramidases
L-Ala
D-Glu D-Ala
L-Lys
D-Glu
L-Lys
L-Ala
D-Ala
GlcNAc---------MurNAc-----------GlcNAc
---GlcNAc-------MurNAc-------GlcNAc----
D-Asp NH2
NH2
1.5.3 Les facteurs induisant l’activité autolytique :
Des facteurs physiques, chimiques, enzymatiques ou autres peuvent induire
l’autolyse des bactéries lactiques.
1.5.3.1 Facteurs physiques et chimiques :
Parmi les facteurs non enzymatiques favorisant l’autolyse bactérienne on trouve
une multitude de combinaisons ayant trait à la température et le choc osmotique
(El Dine et al., 2002), la force ionique (Lortal et al., 1989 ; Weinrichter et al.,
2001), le pH (Lortal et al., 1997) ou la mise en présence de différents agents
chimiques tels que les détergents ioniques, agents chélateurs et Triton X100
(Kang et al., 1998). D’une manière générale ces facteurs stimulent l’autolyse
bactérienne en déstabilisant le métabolisme et/ou la structure de la paroi
bactérienne.
1.5.3.2 Facteurs enzymatiques :
Le lysozyme est l’une des enzymes ayant une action hydrolytique envers les
membranes de plusieurs espèces bactériennes car elle possède à la fois une
activité gluconohydrolase semblable à celle des autolysines de type N-
acétylglycosaminidases (Kang, 1998) et une activité chitinase (Neujhar et al.,
1973).
1.5.3.3 Autres facteurs :
D’autres facteurs peuvent largement influencer sur l’activité autolytique
bactérienne. L’âge de la culture est l’un des facteurs les plus étudiés : il a été
montré que la lyse cellulaire est généralement maximale pendant la phase
exponentielle de croissance. Ceci confirme l’implication des autolysines dans la
séparation des deux cellules filles lors de la division cellulaire (Lortal et al., 1997).
Le travail de Buist et al. (1998) a montré l’effet de la protéase extracellulaire PI de
Lc lactis sur son activité autolytique.
L’effet de la bactériocine nisine Z de Lc. diacetylactis sur l’induction de l’activité
autolytique de Lb. casei sup casei IFPL731 a été démontré par El Sallami et al.,
1987.
1.5.4 Impact industriel de l’autolyse :
La rupture de l’enveloppe cellulaire (membrane et paroi) avec libération du
contenu cytoplasmique dans le milieu extracellulaire présente un intérêt particulier
quant à son utilisation potentielle dans la fabrication des produits laitiers
fermentés. En effet le contenu enzymatique intracellulaire des bactéries du levain
joue un rôle important dans le développement de la flaveur et la texture des
fromages (Hannon et al., 2006). Parmi ces enzymes, les plus caractérisées sont
les peptidases qui libèrent des petits peptides et des acides aminés libres qui sont
des précurseurs d’aromes. L’action des peptidases contribue également à diminuer
l’amertume. Les connaissances acquises sur le système peptidasique des bactéries
lactiques (lactocoques, streptocoques thermophiles et lactobacilles) suggèrent que
les peptidases sont généralement intracellulaires (Lortal et al., 1997) et ne sont
mises au contact du substrat qu’après autolyse cellulaire (Gagnaire et al., 1999).
L’action d’autres enzymes intracellulaires intervenant dans le développement de la
flaveur telles que les estérases, lipases et les enzymes de dégradation des acides
aminés pourrait être amplifiée dans le caillé fromager par lyse bactérienne (El
Sallami et al., 1987 ; Lortal et al., 1988 ; Chapot Chartier, 1996 ; Zambonelli et al.,
2002 ; Huard et al., 2004).ent influencer sur l’activité autolytique bactérienne.
L’âge de la culture est l’un des facteurs les plus étudiés : il a été montré que la
lyse cellulaire est généralement maximale pendant la phase exponentielle de
croissance. Ceci confirme l’implication des autolysines dans la séparation des deux
cellules filles lors de la division cellulaire (Lortal et al., 1997).
Le travail de Buist et al. (1998) a montré l’effet de la protéase extracellulaire PI de
Lc lactis sur son activité autolytique.
L’effet de la bactériocine nisine Z de Lc. diacetylactis sur l’induction de l’activité
autolytique de Lb. casei sup casei IFPL731 a été démontré par El Sallami et al.,
1987.
1.5.4 Impact industriel de l’autolyse :
La rupture de l’enveloppe cellulaire (membrane et paroi) avec libération du
contenu cytoplasmique dans le milieu extracellulaire présente un intérêt particulier
quant à son utilisation potentielle dans la fabrication des produits laitiers
fermentés. En effet le contenu enzymatique intracellulaire des bactéries du levain
joue un rôle important dans le développement de la flaveur et la texture des
fromages (Hannon et al., 2006). Parmi ces enzymes, les plus caractérisées sont
les peptidases qui libèrent des petits peptides et des acides aminés libres qui sont
des précurseurs d’aromes. L’action des peptidases contribue également à diminuer
l’amertume. Les connaissances acquises sur le système peptidasique des bactéries
lactiques (lactocoques, streptocoques thermophiles et lactobacilles) suggèrent que
les peptidases sont généralement intracellulaires (Lortal et al., 1997) et ne sont
mises au contact du substrat qu’après autolyse cellulaire (Gagnaire et al., 1999).
L’action d’autres enzymes intracellulaires intervenant dans le développement de la
flaveur telles que les estérases, lipases et les enzymes de dégradation des acides
aminés pourrait être amplifiée dans le caillé fromager par lyse bactérienne (El
Sallami et al., 1987 ; Lortal et al., 1988 ; Chapot Chartier, 1996 ; Zambonelli et al.,
2002 ; Huard et al., 2004).
Matériel et méthodes :
1) Matériel biologique
Les souches bactériennes étudiées sont deux lactobacilles appartenant à la collection des
bactéries lactiques du laboratoire de biologie des microorganismes et biotechnologie et
sont codées CHTD27 et BH14.
Elles ont été isolées du lait de chamelle et ont été préalablement sélectionnées
protéolytiques.
Les deux souches ont été identifiées par les méthodes biochimiques à Lactobacillus brevis
pour la souche CHTD27 (Samake,2004,Belkheir,2004) et Lactobacillus plantarum pour la
souche BH14(Benaissa et Chouiref,2007)
tableau 3 : caractéristiques des deux souches.
code Identifiées à l’espèce origine
CHTD27 Lactobacillus brevis (Belkheir2004) Lait de chamelle de Tindouf
BH14 Lactobacillus plantarum
(Benaissa et Chouiref, 2007)
Lait de chamelle d’Illizi
2) Milieux de culture :
Le milieu utilisé pour la préparation des précultures bactériennes est le milieu MRS de
Man Rogosa et Sharpe,(1960) .
3) Confirmation de l’aptitude protéolytique des souches :
3.1) Caractère protéolytique des cellules :
L’aptitude à la protéolyse des cellules est mise en évidence sur milieu solide MRS
tamponné par le tampon(KH2PO4/Na2HPO4 0.1M pH7.0) additionné de lait écrémé
reconstitué à une concentration finale de 2%, selon la méthode décrite par Van Den Berg et
al (1993) et adoptée au laboratoire de biologie des microorganismes et biotechnologie
(Hassaine et Beloufa,1998 et Zadi Karam, 1998).
Le milieu est ensemencé par touches par une préculture jeune (18h).Après incubation à
30°C pendant 48 heures, l’activité protéolytique est détectée par l’apparition d’une
clarification autour des touches.
3.2) L’activité protéolytique dans les surnageants de culture :
La présence d’enzymes protéolytiques exocellulaires est recherchée dans les surnageants
de culture. Le bouillon MRS tamponné additionné de lait (2%) est inoculé à 1% par une
culture jeune. Après incubation pendant 48 heures à 30°C, la phase claire est récupérée
puis centrifugée à 12.000 tours pendant 10min à 4°C. Le surnageant ou l’extrait
enzymatique est testé pour l’activité protéolytique exocellulaire par la méthode des puits
sur gélose au lait 2% contenant 0.02% de NaN3.
L’activité apparaît par clarification après incubation à 30°C pendant 48 heures.
Les diamètres des halos clairs autour des puits de dépôt sont mesurés et rapportés au carré
(D²) (Chantawanackul et al, 2002).
4) Aptitude à la caséinolyse :
La caséinolyse par les cellules entières et par la fraction enzymatique extracellulaire est
étudiée selon la méthode décrite par Shin et al.,( 2004).
Une culture cellulaire jeune est centrifugée à 12 000trs pendant 10mn à 4°C. Les cellules
sont lavées 2 fois par la solution tampon phosphate de potassium 0.1M pH7.0,puis un
volume de suspension bactérienne ou un volume de fraction extracellulaire est mélangé
avec un volume de tampon phosphate potassium 0.1M pH 7.0 et un volume d’une solution
de caséines totales
(Préparée à 2 %).Le mélange réactionnel est incubé au bain marie à 37°C. Des
prélèvements sont réalisés à différents temps d’incubation (0h,30mn,2h,18h et 24h). La
réaction réalisée en présence de cellules est arrêtée par l’addition du tampon d’échantillon
d’électrophorèse. La réaction présence de l’extrait enzymatique extracellulaire est arrêtée
par l’addition de 6V d’une solution d’acide acétique (10%).Après 15mn d’incubation à
température ambiante, le mélange est centrifugé à12.000trs pendant 10mn.Le culot est
alors récupéré, dilué dans le tampon d’échantillon pour l’électrophorèse (annexe). Les
différents échantillons sont analysés sur gel polyacrylamide en condition dénaturantes,
c’est une technique très utilisée pour la séparation des protéines selon leur poids
moléculaire, dans ce cas elle nous permet de suivre la dégradation des caséines en fonction
du temps sur un gel de séparation (15%) (Tsakalidou et al 1998).
5) Aptitude des souches à l’activité aminopeptidasique :
L’activité aminopeptidasique est testée sur le substrat chromogène l.leucyl
paranitroanilide préparé dans du méthanol absolu à 20mM selon la méthode déjà décrite
par El Soda et al., (1982).
La réaction est réalisée dans 200µl de tampon phosphate potassium 0.1M pH 7.0,
additionné de 25µl de substrat (préalablement préparé) et 50µl d’enzyme. Le mélange
réactionnel est incubé au bain marie à 37°C pendant 24heures.
La réaction est arrêtée par l’addition de 300 µl d’une solution d’acide acétique préparée à
10%.
Après centrifugation à12000 tours pendant 10mn, l’absorbance des surnageants est lue à
410nm contre le blanc contenant le milieu réactionnel en absence d’enzyme. L’hydrolyse
du substrat par les aminopeptidases et la libération du nitroanilide donnent une coloration
jaune ayant le maximum d’absorbance à 410nm. Une nano mole de nitroanilide libéré
présente une unité d’aminopeptidases (UAP).
5.1) mise en évidence de l’activité aminopeptidasique par les cellules :
Un culot cellulaire obtenu après centrifugation d’une culture jeune (18heures) est lavé
deux fois dans le tampon phosphate de potassium 0.1M pH7.0,puis repris en suspension
dans le même tampon. Les cellules bactériennes sont alors testées pour l’activité
aminopeptidasique comme cela a été décrit dans le chapitre précédent.
5.2) Recherche de l’activité aminopeptidasique dans la fraction extracellulaire :
La libération des aminopeptidases dans le milieu extracellulaire est recherchée dans les
surnageants de culture obtenus comme décrit dans le chapitre (3.2.1).L’activité
enzymatique est dosée selon le protocole décrit précédemment.
5.3) expression de l’activité aminopeptidase durant la croissance :
L’expression de cette activité est déterminée par dosage enzymatique durant la croissance
bactérienne. Pour cela, des prélèvements sont réalisés dans les conditions stériles, chaque
2 heures d’incubation d’une culture cellulaire effectuée sur le bouillon MRS inoculé à 1%.
Les densités cellulaires sont déterminées à 640nm pour établir la courbe de croissance. Par
la suite, les cellules bactériennes sont récupérées, lavées deux fois dans le tampon
phosphate potassium 0.1M pH7.0, reprises en suspension dans le même tampon puis
testées pour leur activité aminopeptidasique. Le test a été réalisé en duplicata.
5.4) Détermination des conditions optimales pour la mesure de l’activité
aminopeptidasique des cellules :
Ces conditions sont déterminées pour permettre de poursuivre le travail dans les conditions
favorables pour un maximum d’activité.
5.4.1) Température optimale :
Les cellules en suspension dans le tampon phosphate de potassium 0.1M pH 7.0 sont
incubées en présence substrat l.leucyl paranitroanilide 20mM à différentes températures :
6°C, 20°C, 30°C,40°C,50°C et 60°C. L’activité est dosée après 24h d’incubation à 410 nm.
5.4.2) pH optimum :
Les cellules après deux lavages dans le tampon phosphate de potassium 0.1M pH7.0, sont
reprises en suspension dans le même tampon mais à des pH différents 5.6,6.1,6.9,7.3 et
8.3. L’hydrolyse du paranitroanilide est détectée par spectrophotométrie à 410nm après
24h d’incubation à 37°C au bain Marie.
6) : détermination de la localisation subcellulaire des aminopeptidases :
Plusieurs méthodes d’extraction des aminopeptidases ont été entreprises.
6.1: Utilisation du tampon phosphate sodium (Fira et al 2001) :
Cette technique utilise la présence d’ions tels que le sodium pour la solubilisation des
protéines membranaires.
Un culot cellulaire de 18 heures d’incubation est lavé deux fois par centrifugation dans le
tampon phosphate de sodium 0.1M pH 7.2, les surnageants sont collectés et l’activité
aminopeptidasique est recherchée dans cette fraction.
6.2 : Utilisation du toluène (El Soda et al 2003) :
Le toluène est un solvant organique qui interagit avec les lipides membranaires, en
provoquant des brèches dans la paroi. Cette dernière est fragilisée et les protéines sont
libérées.Un culot bactérien d’une culture jeune est lavé dans 50ml de tampon phosphate de
potassium0.01M pH7.0. Après centrifugation à 7.000 tours pendant 10mn à 4°C, le culot
est repris dans 1ml de toluène. Le mélange est agité au vortex puis congelé à -20°C
pendant une nuit. La suspension cellulaire est décongelée à température ambiante puis
centrifugée à 7.000 tours pendant 20mn à 4°C.Le surnageant est récupéré et testé pour
l’activité aminopeptidasique.
6.3 : Utilisation du NaCl ( Ohmiya et Sato 1975) :
Une concentration élevée en Na Cl augmente la force ionique ceci diminue les interactions
électrostatiques entre les protéines et les autres constituants de la paroi et facilite leur
libération dans le milieu extracellulaire.
Un culot cellulaire est repris dans une solution saline contenant de NaCl (0.9%).
Après 30mn d’incubation à 30°C, le mélange est centrifugé à10.000tours pendant 15mn,
L’activité aminopeptidasique est recherchée dans le surnageant..
6.4 : Extraction de l’enzyme à la glycine/lysozyme
En présence de concentrations élevées en glycine, les cellules en croissance incorporent
cette molécule dans leur paroi, la glycine remplace l’alanine à différentes positions dans
le peptidoglycane, la paroi est ainsi fragilisée et les protéases sont facilement libérées
(Hammes et al, 1973). Cette étape est suivie par un traitement au lysozyme qui hydrolyse
les liaisons osidiques.
L’extraction des aminopeptidases est réalisée selon le protocole décrit par Karam (1995)
et utilisé pour la lyse des lactobacilles.
Une culture cellulaire est réalisée en présence de glycine (4%), après 18 heures
d’incubation (DO≈1) les cellules sont récupérées par centrifugation à 12.000 tours
pendant 10mn à 4°C, lavées deux fois par le tampon phosphate de potassium 0.1M pH7.0
puis reprises en suspension dans le même tampon contenant du lysozyme (10mM). Le
mélange est incubé à 37°C pendant 2 heures.
Après centrifugation à 12.000 tours pendant 10mn à 4°C, le surnageant constitue l’extrait
enzymatique.
L’activité aminopeptidasique du culot (protoplastes et cellules non lysées) est également
dosée.
7 : Purification partielle de l’enzyme extraite:
7.1 : Précipitation au sulfate d’ammonium :
Cette technique utilise la solubilité différentielle des protéines.
Une force ionique élevée a deux effets sur la solubilité des protéines : la neutralisation de
certaines charges ioniques requises en surface pour le maintien de la solubilité et la
compétitivité pour les molécules d’eau disponibles en solution.
En présence des concentrations élevées en sel les protéines sont privées des molécules
d’eau qui l’hydratent, précipitent c’est ce qu’on appelle le phénomène de salting-out.
Les aminopeptidases sont fractionnées par utilisation de deux concentrations en sulfate
d’ammonium : 50% de saturation et 80% de saturation.
Le sulfate d’ammonium solide (cristaux) est ajouté à la fraction enzymatique extraite
jusqu’à une saturation de 50% sous agitation à 4°C pendant 4 heures. Après
centrifugation à 12.000 tours pendant 45mn à 4°C, le culot est repris en suspension dans
le tampon phosphate de potassium 0.1M pH6.9, il est dialysé contre l’eau distillée puis
testé pour l’activité aminopeptidasique. Le surnageant récupéré après la première
centrifugation est additionné de sulfate d’ammonium solide jusqu’à une saturation de
80% dans les mêmes conditions que précédentes. Après centrifugation, le culot ainsi
obtenu est repris en suspension dans le tampon phosphate de potassium 0.1M pH 6.9 puis
dialysé contre l’eau distillée et testé pour l’activité enzymatique.
7.2) Purification par Chromatographie sur colonne :
7..2.1) sur gel de fi1tration sephadex G100 :
Il s’agit d’une séparation des protéines selon leur taille en utilisant un tamis moléculaire.
Une colonne de chromatographie pour filtration sur gel est remplie d’une matrice
consistant en billes creuses et poreuses, la taille des pores de ces billes est telle que
certaines protéines (petites) pénètrent dans la matrice par les pores et se déplacent à
travers la colonne très lentement. Leur migration sera retardée et apparaissent en sortie
de colonne parmi les derniers composés élués. En revanche, les molécules dont la taille
dépasse celle des pores migreront entre les billes et seront collectées rapidement dans les
premières fractions. Les protéines de taille intermédiaire prendront moins de temps à
sortir de la colonne que les petites molécules.
L’extrait enzymatique obtenu après précipitation au sulfate d’ammonium et concentré
par dialyse contre le sucrose et quantifié par dosage à la méthode de Bradford est déposé
à la surface d’une colonne ( 20cmxd) remplie au Sephadex G100 (pharmacia) dont le
domaine de fractionnement est de 0 à 100 kDa.
La colonne est équilibrée par le tampon tris HCl 0.05M pH : 7.0.Les protéines sont
éluées par le même tampon à un débit de 4.2ml /mn. Des fractions de 1.5 ml sont
collectées à l’aide d’un collecteur automatique (model advantec SF3120) et sont testées
pour l’activité aminopeptidasique.
7.2.2) sur résine échangeuse d’ions :
Dans une colonne échangeuse d’ions, les protéines interagissent par affinité
électrostatique avec les groupements chargés de la résine.
Une résine peut être échangeuse d’anions parce qu’elle interagit avec les ions négatifs
ou groupements acides d’une protéine ou échangeuse de cations car ce sont les
groupements basiques d’une protéine qui interagissent avec elle.
Les deux substituants les plus utilisés sont le diethylaminoethyl (DEAE) pour une
résine échangeuse d’anions et le carboxymethyl (CM) pour une résine échangeuse de
cations, le choix de l’un ou de l’autre dépend de la charge de la protéine à étudier.
Nous avons utilisé la résine DEAE cellulose (D52 Watman) préparée suivant les
étapes décrites par Deneuville,(1991) :
1g de résine est dissout dans 20ml de tampon K2HPO40.025M / MgCl2 0.01M pH7.4, le
mélange obtenu est incubé dans un bain-marie à 50°C pendant 30mn pour permettre le
dégazage total de la résine.
La résine est équilibrée en utilisant le composant acide ou basique du tampon.
Une colonne de 11ml est remplie par la résine, après 30mn de repos la colonne est
lavée deux fois par le même tampon et 1ml de la fraction active obtenue par filtration
sur gel G100 est déposé.
Les protéines sont éluées par 20ml du même tampon contenant 1% puis 3% de NaCl.
Des fractions de 2ml sont collectées et soumises à la recherche de l’activité
aminopeptidasique. .
8 ) Caractérisation de l’activité enzymatique de l’aminopeptidase purifiée :
8.1. Influence du pH
L’influence du pH était étudiée en pré-incubant l’enzyme purifiée pendant 15mn dans du
tampon phosphate potassium 0.1M à pH 5.1, 5.6, 6.6, 7.5 ou 8.0 avant d’ajouter le substrat.
L’incubation était prolongée pendant 24h à 40°C.
8.2 . Détermination de la température optimale :
L’influence de la température était recherchée en pré-incubant l’enzyme purifiée dans du
tampon phosphate de potassium 0.1M pH6.9 à différentes températures (30°C,40°Cet
50°C), le substrat étant ajouté après 15mn de préincubation. Le mélange réactionnel était
incubé pendant 24heures aux températures étudiées. Les DO sont lues à 410nm
8.3. Effet des inhibiteurs
L’activité de l’enzyme purifiée est étudiée en présence du phenylmethyl sulfonyl
fluoride ou PMSF (Inhibiteur des protéines à serine), B mercaptoéthanol (réducteur des
fonctions thiols) ou l’ethylène diaminetetra acétate ou l’EDTA (chélateur des cations
divalents).
L’extrait enzymatique est préincubé dans le tampon phosphate de potassium 0.1M
pH6.9 contenant à chaque fois l’inhibiteur étudié à raison de 5 et 10mM. Le substrat est
ensuite ajouté et le mélange est incubé à 40°C pendant 24heures.
8.4 .Effet des ions :
L’effet des ions est déterminé en préincubant dans le tampon phosphate potassium
0.1M pH6.9 l’extrait enzymatique purifié en présence des solutions de CoCl2, CaCl2,
KCl , ZnCl2, NaCl, MnCl2, MgCl2 et CuCl2 à 5 et 10mM pendant 15mn à 40°C. Le
substrat est alors ajouté et le mélange est laissé à incuber pendant 24heures.
9) La sélection des mutants déficients protéase négatifs (Prt-) par mutagenèse :
9.1) La mutagenèse :
La mutagenèse a été réalisée par irradiation aux UV, ces derniers provoquent de
nombreuses modifications de l’ADN par formation des dimères de pyrimidine entre des
résidus adjacents ou plusieurs autres types de mutations ponctuelles ou des réarrangements
des chromosomes.
L’irradiation est réalisée à l’obscurité étant donné que certaines lésions ont réparées en
présence de lumière visible (photoréversion).
Chaque souche a une sensibilité propre aux U.V et chaque lampe délivre une énergie
différente, il est recommandé d’établir la courbe de survie de la souche utilisée avec la
lampe à disposition.
Une culture de 18heures d’incubation est récupérée diluée jusqu’à 10-6 dans du MRS
stérile,la dilution est ensuite déposée dans une boite de Pétri stérile et exposée aux rayons
d’une lampe (biobloc scientif 312nm power 180W) pendant
2mn,4mn,6mn,8mn,10mn,12mn et 15mn.l’échantillon témoin n’est pas irradié.
9.2)La détection des variants protéolytiques (Prt-) :
Pour isoler des mutants d’un organisme donné, il est nécessaire de connaître le caractère de
la souche sauvage, ( protéolyse dans ce cas), afin de connaître le phénomène altéré.
La détection des variants doit se faire aisément même s’ils sont rares, il faut aussi les
séparer efficacement des cellules parentales et des autres mutants.
La présélection des colonies Prt- est effectuée sur le milieu solide MRS/lait 2%par
étalement de 100µl de la dilution irradiée. Les boites protégées de la lumière sont incubées
à 37°C pendant 48heures.
Une perte de l’activité protéolytique se traduit par l’absence de halo clair autour des
colonies.
10) Dosage des protéines par la méthode de Bradford :
Dans cette méthode les protéines forment avec le bleu de Coomassie G250 un
complexe coloré présentant un maximum d’absorption à 595nm. L’analyse des
protéines est basée sur le changement de couleur du colorant en réponse à diverses
concentrations en protéines.
Une courbe d’étalonnage est réalisée par une solution d’albumine sérique bovine
(BSA) préparée à 1mg/ml dans de l’eau distillée. Le tableau 4 présente la préparation
de gamme étalon.
Tableau4 : Préparation de la gamme étalon :
BSA solution mère
1mg /ml µl
0 10 20 30 40 50
Eau distillée µl 50 40 30 20 10 0
Réactif de Bradford ml 2 2 2 2 2 2
Les tubes sont incubés 5 à 10mn à température ambiante, puis les DO sont lues à
595nm
Courbe étalon
11 ) Electrophorèse SDS- PAGE :
L'électrophorèse, effectuée sur un support en gel de polyacrylamide, permet de séparer
un mélange protéique par la migration de ses constituants sous l'effet d'un champ
électrique.
En conditions dénaturantes c’est à dire en présence de SDS (détergent anionique), les
protéines sont séparées selon leur poids moléculaire car le détergent anionique dissocie
le complexe protéique en monomères en leur attribuant une charge négative globale,
ainsi les protéines migrent du pole négatif vers le pole positif selon leur taille.
Les gels utilisés sont biphasiques, constitués d’un gel supérieur ou gel de concentration
(5%) et un gel inférieur ou gel de séparation (13%) pour l’analyse des fractions
purifiées.
Les échantillons sont préparés selon la méthode de Laemmli ,(1970).
4V d’échantillon (fraction purifiée) sont dissous dans 1V de tampon d’échantillon
(annex)deux fois concentré,le mélange est chauffé à100°C pendant 3mn puis
centrifugés à 5000tours pendant 5mn .
Les fractions traitées sont déposées à l’aide d’une seringue Hamilton dans les puits
creusés dans le gel supérieur. La séparation est réalisée à 50mA pendant une nuit.
Après migration, le gel est démoulé puis placé dans une solution fixatrice d’acide
trichloroacétique (10%) pendant 30mn.
Les bandes sont révélées au bleu de Coomassie R250 pendant 2 heures, les gels sont
décolorés dans deux bains de 30mn puis pendant une nuit dans une solution de
décoloration(annexe).
Les gels décolorés sont conservés dans une solution d’acide acétique (10%).
12) L’activité autolytique
L’autolyse bactérienne est un phénomène spontané ou induit qui se traduit par l’hydrolyse
de la paroi cellulaire sous l’action d’enzymes endogènes appelées autolysines.(Lortal et
Chartier, 2005 , Benatier, 2000).
Plusieurs facteurs induisent l’autolyse bactérienne, il a été démontré qu’il y a augmentation
du taux d’autolyse dans des conditions osmotiques anormales telle que les cellules en
milieu hypo ou hypertonique. (Lazure- Demers, 2000).
Détermination de l’activité autolytique :
L’aptitude à l’autolyse des cellules des souches BH14 et CHTD27 est détectée sur le
milieu MRS et le tampon phosphate potassium dissodique en suivant la diminution de la
densité optique cellulaire à 640nm pour pouvoir calculer le taux d’autolyse.
12.1)l’activité autolytique spontanée :
L’activité autolytique spontanée est mesurée sur le milieu de culture dans les conditions
normales de croissance. Dans ce cas, le milieu MRS est inoculé à 1% par une culture jeune
et l’autolyse des cellules est suivie à 30°C pendant deux semaines avec un prélèvement au
bout de chaque semaine. Les DO sont lues à 640 nm (Benatier, 2000)
12.2) l’activité autolytique induite :
L’activité autolytique induite est étudiée dans le tampon phosphate potassium dissodique
0.01M pH5.8 additionné de 0.4% de NaCl, et le tampon citrate acide citrique 0.01M pH7.0
L’utilisation du Na Cl induit d’une part la libération des autolysines et d’autre part permet
de réaliser les conditions de production fromagère qui sont en générale salines (El Soda et
al, 2003).
Le tampon phosphate est ensemencé (1%) par une culture jeune. La suspension bactérienne
est incubée à 30°C pendant 48heures, des prélèvements sont réalisés chaque 24 heures et
les DO sont lues à 640nm.
12.3) calcul du taux d’autolyse :
Le pourcentage d’autolyse est calculé selon la méthode décrite par Boutrou et al., (1998) :
% d’autolyse = A0 – At × 100 A0 : DO640nm à t0
A0 At : DO640nm à t prélèvement.
Ce pourcentage permet de classer les souches selon leur pouvoir autolytique en se
référant à la classification établie par Boutrou et al., (1998).
3
RESULTATS ET DISCUSSION
3.1 Détection de la protéolyse des caséines du lait :
L’activité protéolytique des cellules est confirmée par l’apparition d’une auréole claire,
correspondant à la dégradation des protéines du lait, autour des colonies ensemencées par
touches sur milieu solide MRS additionné de 2% de lait (figure 11).
La présence des enzymes protéolytiques est également vérifiée dans des surnageants
obtenus après culture sur bouillon MRS / lait 2%. L’activité protéolytique est révélée de la
même manière que précédemment, par l’apparition de halos clairs autour des puits creusés
dans la gélose au lait 2%. Les diamètres des halos obtenus sont de 400mm2 pour la souche
CHTD27 et de 484mm2 pour la souche BH14. Ces valeurs rejoignent celles rapportées au
laboratoire pour les deux souches. Quelques propriétés biochimiques ont été déterminées
pour ces protéases extracellulaires, il s’agit de métalloenzymes Ca+2 indépendantes, ayant
un maximum d’activité à température 40°C à pH7.0 pour les protéases de la souche
CHTD27 et à pH8 et pH 4 pour les protéases de la souche BH14 (Belkheir,2004,Azri,
2005, Makhlouf, 2006, Zemmache, 2006 et Sekrane et Kebli, 2007)..
Ces résultats indiquent que les souches bactériennes ont gardé le même potentiel de
protéolyse plusieurs années après leur isolement. Ce caractère est donc stable durant la
conservation des bactéries.
3.2 L’aptitude caséinolytique des cellules et de la fraction extracellulaire :
L’hydrolyse d’une solution de 2% de caséines en fonction du temps par les cellules ou par
la fraction extracellulaire est révélée par électrophorèse SDS-PAGE (figure 12).
La caséinolyse n’est observée qu’après 24h d’incubation pour les cellules alors que le
maximum d’activité est obtenu après 18h d’incubation pour les surnageants
extracellulaires : ceci peut être expliqué par la meilleure accessibilité de l’enzyme au
substrat lorsqu’elle n’est plus attachée à la paroi cellulaire.
Les profils obtenus montrent aussi que les 2ème et 3ème entités des caséines sont
préférentiellement hydrolysées par les cellules des deux souches. On remarque par ailleurs
que les protéases extracellulaires produites par la souche BH14 sont actives sur la 1ère
entité, contrairement à celles produites par la souche CHTD27 (figure 12).
La spécificité d’hydrolyse des caséines par les bactéries lactiques a été largement décrite.
En effet, la spécificité de substrat diffère d’une espèce à une autre dans le genre
Lactobacillus : en général, les enzymes membranaires appartiennent aux protéinases de
type III ou de type I observées chez les lactocoques (Khalid et Marth, 1990). Des résultats
similaires ont été rapportés pour les protéases extracellulaires des streptocoques (Espla et
al., 2000).
Chez Lactobacillus la situation est sensiblement différente. Alors que Lb. delbrueckii
bulgaricus ATCC12278 et Lb. helveticus ATCC10797 hydrolysent les caséines αS1 et β
sans aucune préférence, Lb. helveticus CNRZ32 hydrolyse préférentiellement la caséine β.
Une préférence pour la caséine αS1 et la caséine κ a été observée chez Lb. plantarum et Lb
casei (Khalid et Marth, 1990). Lb. helveticus CRL1062 montre un maximum d’activité sur
les caséines αS1 et β ; le profil électrophorétique obtenu après 3h d’activité révèle que la
caséine αS1 est dégradée en 4 peptides et la caséine β en trois peptides (Hebert et al., 2000).
La dégradation de la caséine β par Lb helveticus BGRA43 donne deux produits
d’hydrolyse révélés par électrophorèse (Pastar et al., 2006).
3.3 Recherche de l’activité aminopeptidasique (AAP) :
• Dans les cellules :
Les deux souches montrent une activité aminopeptidasique sur le substrat chromogène
L-leucyl paranitroanilide, qui devient jaune après libération du nitroanilide. Cette
activité est plus importante pour la souche CHTD27 (DO410nm = 2.85) par rapport à la
souche BH14 (DO410nm =1.96) (figure 13).
Des variations d’expression de cette activité aminopeptidasique ont été aussi observées
par Thivierge (1999) chez des souches lactocoques mésophiles.
• Dans les surnageants de culture :
Une activité aminopeptidasique négligeable est notée dans les surnageants de culture
extracellulaires (DO410nm=0.0815 pour la souche CHTD27 et DO410nm =0.0915 pour la
souche BH14) (figure13). Ceci nous permet de conclure qu’il s’agit d’une enzyme qui
n’est pas ou très peu sécrétée dans le milieu extracellulaire. Des localisations
membranaire et cytoplasmique ont été rapportées pour des aminopeptidases de type N
ou pepN (Eggimann et Bachmann, 1980 ; Atlan et al., 1989 ; Cholette et Mc Kellar,
1990 ; Atlan et al., 1990 ; Tsakalidou et al., 1993 ; Macedo et al., 2003 ; Pan et
Tanokura , 2004).
Chez le genre Lactobacillus aucun travail n’a concerné les aminopeptidases
extracellulaires jusqu’à récemment (Choi et al., 1995). Ces enzymes jouent un rôle
important dans la nutrition cellulaire et ceci en enrichissant la cellule par les acides
aminés nécessaires pour sa croissance. Cependant leur éventuelle sécrétion dans le
milieu extracellulaire conduirait la cellule à ne pas utiliser les caséines du lait, ce qui
n’est pas le cas des bactéries lactiques et notamment des lactobacilles dont la nutrition
azotée dépend de l’utilisation des caséines du lait (Monnet et al., 1993).
Les résultats précédents indiquent que l’activité aminopeptidasique de nos souches est
principalement localisée dans le cytoplasme. Ceci nous oriente vers l’étude des
aminopeptidases, notamment celles de type N (pepN) car ce type d’enzyme représente le
groupe majeur (environ 2/3) des aminopeptidases (Thivierge, 1999). De plus l’activité
pepN a la propriété intéressante de contribuer fortement à la diminution de l’amertume
dans les fromages : cela explique pourquoi les souches exprimant une forte activité
aminopeptidasique sont recherchées en industrie fromagère.
3.4 Expression de l’AAP durant la croissance :
La synthèse maximale des aminopeptidases chez les deux souches est observée pendant la
phase exponentielle de croissance, c'est-à-dire entre 6h et 12h de culture (figure 14, a et b).
Cette activité reste stable pour la souche CHTD27 durant la phase stationnaire de
croissance qui dure jusqu’à 28h de culture. La phase de déclin n’est pas observée pour
cette souche qui exprime peu d’autolyse bactérienne.
Pour la souche BH14 une baisse de la production des aminopeptidases est notée, avec
diminution de la densité cellulaire après 20h de culture seulement. Cette autolyse
bactérienne ne s’accompagne pas d’une augmentation de l’activité aminopeptidasique, ce
qui n’est pas le cas des souches de lactobacilles thermophiles utilisées en fromagerie (Prost
et Chamba, 1992). En effet, pour ces auteurs un maximum d’activité aminopeptidasique est
retrouvé après 24h de culture, lorsque la densité cellulaire est élevée. Une faible
diminution de l’activité aminopeptidasique est ensuite notée durant la phase allant de 1 à 7
jours d’incubation : cette diminution peut être expliquée par l’instabilité de l’enzyme se
trouvant dans un milieu fortement acide. De 7 jours à 90 jours de culture (durée
correspondant à celle de la phase de maturation fromagère) une augmentation de l’activité
aminopeptidasique est relevée, certainement suite à la libération des aminopeptidases
intracellulaires.
Choi et al. (1995) ont remarqué que l’activité aminopeptidasique suit la courbe de
croissance, ce qui renseigne sur l’importance que joue cette enzyme pour la croissance des
cellules.
Ceci est le cas des aminopeptidases produites par nos deux souches,.
Dans notre cas nous pouvons suggérer que les aminopeptidases produites par la souche
BH14 sont plutôt fortement liées à la paroi cellulaire et ne sont pas intracellulaires.
3.5 Conditions optimales de température et de pH pour l’expression de l’AAP:
Les conditions de température et de pH ont été examinées pour obtenir un maximum
d’activité chez les cellules. Selon les résultats présentés dans les figures 15 et 16, le
maximum d’activité est observé à 40°C pour la souche CHTD27 et à 30°C pour la souche
BH14. Les deux souches expriment un maximum d’activité à pH 6.9.
3.6 Mise en évidence de la localisation subcellulaire des aminopeptidases :
Différentes procédures ont été utilisées pour l’extraction des aminopeptidases des cellules
(utilisation du toluène, utilisation du tampon phosphate sodium0.1M pH7.2, utilisation du
NaCl à 0.9%). Ces méthodes se sont révélées inefficaces et introduisaient de plus des
interférences avec le substrat chromogène lors du dosage.
Cependant la méthode alliant une culture en présence de glycine, puis un traitement des
cellules par le lysozyme, a permis d’extraire ces enzymes. Cet extrait brut nous a permis de
mesurer des activités catalytiques intéressantes, soit 193.52 nanokats pour la souche
CHTD27 et 134.5 nanokats pour la souche BH14 (Tableau4)
De nombreux auteurs ont utilisé différentes techniques pour l’extraire les aminopeptidases
à partir des cellules : tels que le choc osmotique ou le traitement par le lysozyme suivi de
quelques cycles de sonication (Sanz et Toldra, 2002 ; Tsakalidou et al., 1993 ; Montel et
al., 1995 ; Tobiassen et al., 1997 ; Magboul et Mc Sweeney, 1999) ou par compression des
cellules (Cholette et Mc Kellar, 1989).
Certaines aminopeptidases membranaires ont été extraites par traitement au lysozyme à
partir de Lb. lactis (Eggimann et Bachmann, 1980) et à partir de Lb. helveticus LHE51
(Miyakwa et al., 1990).
Dans notre cas, l’enzyme est extraite après un traitement glycine/lysozyme, c’est à dire
deux agents conduisant à une fragilisation du peptidoglycane. Ceci renforce la suggestion
quant à la localisation membranaire des aminopeptidases des souches étudiées.
3.7 Purification de la fraction enzymatique AAP:
Nous avons entamé la purification des aminopeptidases à partir de l’extrait brut obtenu
comme décrit précédemment. Les différentes étapes de cette purification sont les
suivantes :
• Précipitation à l’aide du sulfate d’ammonium • Chromatographie d’exclusion • Chromatographie d’échange
3.7.1 Précipitation au sulfate d’ammonium :
Les essais ont été faits en ajoutant à l’extrait brut différentes concentrations en sulfate
d’ammonium. La fraction obtenue pour les deux souches avec 80% de saturation en sulfate
d’ammonium (SA80) montre l’activité aminopeptidasique la plus importante: 159.21
nanokats pour la souche CHTD27 et 131.76 nanokats pour la souche BH14 (Tableau 4). Ce
résultat est en accord avec les données de la littérature car la majorité des aminopeptidases
extraites des lactobacilles sont précipitées avec des concentrations allant de 70% jusqu’à
85% de sulfate d’ammonium (Eggimann et Bachmann, 1980 ; Miyakawa et al., 1990 ;
Goldstein et al., 2002 ; Sanz et Toldra, 2002) .
3.7.2 Filtration de la fraction SA80sur gel Sephadex G100 :
Les fractions actives SA80 précédemment obtenues sont concentrées par dialyse à 4°C puis
appliquées sur un gel de Sephadex G100. L’activité aminopeptidasique est recherchée dans
les fractions (fractions Gn, où n désigne le numéro de la fraction). Les résultats obtenus
montrent que l’activité est retrouvée dans les fractions G10 à G21 pour CHTD27 comme
pour BH14 (figure 17) avec respectivement un maximum dans les fractions G17 et G12.
Le volume mort de la colonne étant de 15ml, les poids moléculaires des aminopeptidases
extraites à partir des deux souches sont légèrement inférieurs à 100 kDa. Ce résultat rejoint
ceux observés pour les aminopeptidases de type N extraites à partir de différentes souche
du genre Lactobacillus : Lb. lactis (Eggimann et Bachmann, 1980), Lb. helveticus
(Chollete et Mc Kellar, 1990), Lb. plantarum ESB5004 (Macedo et al., 2003), Lb. curvatus
DPC2024 (Magboul et Mc Sweeney, 1999a), Lb. delbrueckii ssp bulgarius ACADC233
(Tsakalidou et al., 1993), Lb. helveticus LHE511(Miyakawa et al., 1992) et Lb.
sanfrancsco CB1 (Gobbetti et al., 1996) et pour lesquelles les poids moléculaires ont été
estimés généralement autour de 100 kDa. Celles de la souche Lb helveticus JCM1004
présentent des poids moléculaires voisins de 129kDa (Pan et Tanokura, 2004).
Après passage sur gel G100 nous avons obtenu des activités catalytiques de 70.69nanokats
et de 56.27nanokats respectivement pour la souche CHTD27 et la soucheBH14. (Tableau
4). Ce résultat nous renseigne sur une perte en quantité et en activité enzymatique.
3.7.3 Purification par chromatographie échangeuse d’ions (DEAE) :
Les fractions G montrant une activité aminopeptidasique sont rassemblées en une fraction
G qui est alors appliquée sur une colonne de résine échangeuse d’anions DEAE cellulose.
Après lavage, l’élution est réalisée à l’aide de tampon d’élution additionné de 1% et de
3%de NaCl Les résultats obtenus sont montrés dans la figure 18. L’activité
aminopeptidasique est retrouvée dans les fractions 10 à 16 pour les deux souches, ce sont
les fractions éluées avec 1% de NaCl. Nos résultats montrent aussi une perte notable
d’activité, notamment pour la souche BH14 dont l’activité catalytique a diminué pour
passer de la valeur de 56.27 nanokats (fractions G) à la valeur de 8.92 nanokats après
passage sur résine échangeuse d’ions
(Tableau 4). Ceci est en accord avec les observations de Atlan et al. (1989) qui ont noté
l’instabilité de la L-leucyl aminopeptidase lors de l’extraction des aminopeptidases de Lb.
bulgaricus.
Les résultats consignés dans le tableau 4 montrent, comme précédemment évoqué, qu’il y a
une perte importante de quantité de protéines après les deux chromatographies, ce qui
pourrait indiquer une mauvaise efficacité des deux résines utilisées pour la purification des
aminopeptidases. ET PAR RAPPORT AUX ACTIV. SPECIF. ??? .
L’instabilité des enzymes étudiées a été souvent rapportée (Atlan et al., 1989 ; Monnet et
al.,1993 ; Bolumar et al., 2003), surtout dans le cas d’enzyme intracellulaire. Il est donc
important d’utiliser d’autres techniques et de revoir les conditions expérimentales pour
améliorer le rendement de purification de ces aminopeptidases.
Le gel de filtration G100 n’est pas fréquemment utilisé pour la purification de ces enzymes
bactériennes (Pan et Tanokura, 2004 ; Goldstein et al., 2002). Une aminopeptidase de Lb.
plantarum ESB5004 a été 11 fois purifiée ??? avec un rendement de 1% seulement en
utilisant la combinaison précipitation au sulfate d’ammonium (30 et 50%) : :
chromatographie hydrophobe : chromatographie échangeuse d’ions (Macedo et al., 2003),
ceci confirme les remarques élaborées concernant l’effet de technique .
3.7.4 Détermination du poids moléculaire de l’enzyme extraite par électrophorèse
SDS PAGE :
Dans le but de préciser le poids moléculaire de l’aminopeptidase, nous avons analysé les
différentes fractions précédemment décrites ainsi que l’extrait brut par électrophorèse sur
gel de polyacrylamide en conditions dissociantes. Les profils électrophorétiques obtenus
(Figure 19) révèlent la présence de deux protéines majeures dont l’une, de PM voisin de
43kDa, représente probablement l’enzyme étudiée. L’autre, de PM inférieur à 25kDa, a la
même migration que le lysozyme.
Précédemment, par chromatographie sur gel de filtration G100, nous avions avancé un
poids moléculaire légèrement inférieur à 100kDa pour cette enzyme. Les résultats obtenus
par l’électrophorèse en conditions dissociantes indiquant environ la moitié de cette valeur,
nous pouvons émettre l’hypothèse que l’enzyme native aurait une structure dimérique.
Ceci n’est pas en accord avec les travaux décrivant une structure monomérique des
aminopeptidases de type N chez Lactobacillus (Eggimann et Bachmann, 1980 ; Chollete et
Mc Kellar, 1990 ; Miyakawa et al., 1992 ; Tsakalidou et al., 1993 ; Gobbetti et al., 1996)
ou encore trimérique comme chez Lb. helveticus JCM1004 (Pan et Tanokura, 2004) mais
nos résultats sont en accord avec les données montrant que ces enzymes sont dimériques
chez Lb. curvatus DPC2024 et Lb. plantarumESB5004 (Magboul et Mc Sweeney, 1999a ;
Macedo et al., 2003).
Nos résultats obtenus chez Lb. plantarum et Lb. brevis et ceux des auteurs ci-dessus chez
d’autres espèces de lactobacilles montrent bien qu’il y a une diversité importante des
aminopeptidases au sein du genre Lactobacillus.
3.7.5 Propriétés physico-chimiques de l’enzyme:
Nous avons voulu caractériser les enzymes produites par nos deux souches en étudiant les
effets de divers paramètres physico-chimiques sur leurs activités. Les résultats obtenus sont
résumés dans le tableau 5.
Les aminopeptidases produites par la souche CHTD27 présentent des caractéristiques
généralement observées pour les aminopeptidases de type N isolées chez les lactobacilles :
ce sont des métalloenzymes présentant un maximum d’activité à pH6.9 et à température
40°C, inhibées par les ions Cu+2 (70% d’inhibition) et activées par les ions Co+2 (130%) et
les ions Na+(141%) (Eggimann et Bachmann, 1980 ; Gobbetti et al., 1996 ; Tsakalidou et
al., 2002 ; Sanz et Toldra, 2002) .
Celles extraites à partir de la souche BH14 montrent des caractéristiques différentes : ce
sont des métalloenzymes présentant un site catalytique avec une sérine, ayant un maximum
d’activité à pH7.5 et à température 40°C ; elles sont inhibées par les ions Cu+2 (70%
d’inhibition). Certaines aminopeptidases de Lactobacillus contiennent d’autres
groupements tels que les fonctions thiols ou une cystéine dans leurs sites catalytiques
(Miyakawa et al., 1990 ; Magboul et Mc Sweeney, 1999b).
Une stimulation de 166.6% par le β mercaptoéthanol à 5mM est notée pour les enzymes
extraites à partir de la souche BH14, ceci a été également rapporté par plusieurs auteurs
(Miyakawa et al., 1990 ; Gobbetti et al., 1996 ; Sanz et al., 2002) qui l’attribue à un effet
de pH. Une stimulation de l’activité aminopeptidasique est observée à pH6.0 tandis qu’à
pH 8.0 on note une inhibition à 90% de cette activité (Chollette et al., 1990).
3.8 Recherche des mutants déficients en protéases:
Nous avons tenté d’obtenir des variants déficients en protéases afin d’avoir un témoin
négatif, nécessaire à la poursuite de l’étude des protéases de lactobacilles. Pour cela nous
avons réalisé une mutagenèse sur les deux bactéries, à l’aide des rayons UV.
Les courbes de survie établies indiquent que la souche BH14 se montre plus sensible aux
UV que la souche CHTD27 (Figure 20). Sa croissance est totalement abolie après 4 mn
d’exposition au rayonnement.
Les clones bactériens obtenus individuellement après mutagenèse aux UV sont ensuite
cultivés sur milieu MRS en vue de détecter des variants de protéolyse. Les résultats
obtenus montrent que certains clones donnent le halo clair habituellement observé pour une
activité protéolytique (Figure 21) alors que d’autres ne donnent pas de halos clairs mais des
halos opaques.
Ces dernières bactéries sont repiquées sur milieu solide MRS/lait 2% sur lequel elles
montrent une clarification du milieu après 48h d’incubation.
Dans une deuxième tentative pour obtenir des variants déficients en protéases, nous avons
soumis les bactéries à la température de 38°C, qui est sub-létale pour les deux souches. Des
repiquages étaient faits toutes les 24 h pendant 8 jours, en vérifiant systématiquement
l’aspect des halos de protéolyse. Après le 8ème repiquage nous avons noté une diminution
de densité cellulaire dans les bouillons par comparaison avec une culture témoin réalisée à
30°C. La culture réalisée à partir de ce repiquage sur milieu MRS/2%lait se montre
identique à celle de la culture sauvage. Ces essais n’ont donc pas permis d’obtenir de
variants de protéolyse.
Le caractère protéolytique de deux souches étudiées est conservé après mutagénèse, ce qui
indique vraisemblablement que le(s) gène(s) concerné(s) est (sont) important(s) pour la
survie de la bactérie et certainement localisé(s) sur le chromosome bactérien. La
localisation chromosomique des gènes de protéolyse a été effectivement rapportée pour les
lactobacilles alors que chez les lactocoques ces gènes sont plasmidiques (Kok, 1990 ;
Kunji et al., 1996 ; Espla et al., 2000 ; Kojic et al., 1991 ; De Palencia et al., 1997). Il n’y a
quasiment aucune information dans la littérature sur l’obtention, par traitement aux UV, de
mutants déficients en protéases chez les lactobacilles. En effet tous les variants
protéolytiques déficients sélectionnés chez ce Lactobacillus ont été obtenus par action de
mutagènes chimiques tels que la nitrosoguanidine (Atlan et al., 1989 ; Prost et Chamba,
1992), l’EMS (De Palencia et al., 1997) et l’acriflavine (Matar et al., 1997).
3.8 Activité autolytique chez Lactobacillus:
Nous avons voulu estimer l’autolyse chez nos souches, qu’elle soit spontanée ou induite.
3.8.1 Autolyse spontanée :
L’autolyse bactérienne spontanée a été suivie par mesure de la DO640nm des cultures de
15jours en milieu MRS liquide, pH 6.5 incubé à 30°C (conditions optimales de
croissance). Le pouvoir autolytique des deux souches est différent car on relève qu’après 7
jours d’incubation la souche BH14 est plus autolytique que la souche CHTD27. Les
valeurs d’autolyse sont de 67.3% pour la souche BH14 contre 31.3% pour la souche
CHTD27 (Figure 22). Cependant après 15 jours d’incubation, quasiment les mêmes
pourcentages d’autolyse sont observés pour les deux souches, soit 69.1% et 67.3%
respectivement pour la souche BH14 et la souche CHTD27 (Figure 23). Ces résultats
indiquent qu’il y a des différences d’aptitudes à l’autolyse entre les souches, et d’autre part
montrent l’influence de la composition du milieu (suite au métabolisme bactérien) sur le
pouvoir autolytique des souches.
Ceci s’applique en particulier pour la souche BH14 chez qui un maximum d’autolyse est
rapidement atteint (après 7 jours d’incubation). La souche CHTD27 s’est montrée moins
influencée par la composition du milieu et notamment moins sensible à la présence du
glucose comme seule source de carbone. Le maximum de son activité autolytique est
observé qu’au bout de 15 jours de culture, c’est une activité induite par l’épuisement des
réserves énergétiques et accumulation des déchets dans le milieu de culture.
L’influence de la source de carbone du milieu de culture sur la capacité des cellules à se
lyser en fin de croissance a été largement étudiée. Des expériences ont montré que
l’autolyse est plus rapide et atteint une proportion de cellules très importante pour des
cultures réalisées sur milieu ne contenant que du glucose comme source de carbone. Des
résultats similaires ont été observés sur des souches de lactocoque qui se sont montrées
osmotiquement plus fragiles et s’autolysent immédiatement une fois cultivées sur la
glucose, cette fragilité a été expliquée par l’incapacité des cellules à utiliser le glucose
comme précurseur de la galactosamine qui entre dans la composition des acides
teichoiques, en conséquence les cellules présentent une paroi moins solide et s’autolysent
rapidement (Chapot Chartier, 1996).
3.8.2 Autolyse induite :
L’induction de l’autolyse est obtenue en transférant les cellules en culture dans une
solution tamponnée puis elles sont incubées à 30°C. Les cellules vont se trouver alors en
situation de privation nutritionnelle et s’autolysent. Cette technique est utilisée pour
l’induction de l’activité autolytique chez plusieurs espèces bactériennes à Gram+ ou à
Gram- (Lortal et al., 1997).
Après 24h d’incubation dans le tampon phosphate de potassium 0.1M pH5.8 additionné de
4% de NaCl, les deux souches donnent des pourcentages d’autolyse sensiblement
identiques, soit 66.7 % et 68.8% respectivement pour la souche CHTD27 et la souche
BH14 (Figure 23).
Dans des essais utilisant le tampon citrate/acide citrique 0.01M pH 7.0, les deux souches se
montrent encore plus autolytiques, l’autolyse atteignant 91.5% chez la souche BH14 contre
63.6% chez la souche CHTD27 (Figure 23).
L’autolyse induite chez les deux souches étudiées est très élevée et concerne donc une
proportion cellulaire importante après 24h d’incubation seulement. De manière générale,
l’autolyse en solution tamponnée observée dans le cas des lactobacilles est supérieure à
celle observée pour les lactocoques (Chapot Chartier, 1996).
La souche Lactobacillus plantarum BH14 se montre rapidement très autolytique. Des
résultats similaires ont été rapportés par Weinrichter et al. (2001) qui, en comparant
l’activité autolytique chez trois espèces de Lactobacillus (Lb. casei, Lb. rhamnosus et Lb.
plantarum) ont observé que Lactobacillus plantarum regroupe des souches hautement
autolytiques par rapport à Lactobacillus rhamnosus dont les souches se sont révélées
faiblement autolytiques et Lactobacillus casei dont les souches sont distribuées d’une
façon identique entre les trois aptitudes à l’autolyse : hautement, faiblement ou de classe
intermédiaire.
Ce type d’expérience permet d’étudier l’influence de différents paramètres sur la capacité
des cellules à se lyser. Dans notre cas, nous avons étudié l’influence des ions contenus
dans les solutions tamponnées, ainsi que leurs pH, sur le pouvoir autolytique des deux
souches. En effet l’autolyse observée chez Lactobacillus gasseri à pH 5.0 est nettement
supérieure à celle observée pour la même souche à pH7.0 (Masuda et al., 2005).
Différentes études ont mis en évidence l’effet de la température et la concentration de
différents cations afin de rechercher les conditions optimales de lyse pour mieux contrôler
le processus en production fromagère.
Dans le but d’étudier la relation entre l’autolyse des deux souches et l’activité Leucyl-
aminopeptidase, nous avons dosé cette même activité dans les surnageants obtenus après
autolyse des cellules dans le tampon phosphate de potassium 0.1 M pH5.8 additionné de
4% de NaCl. Les résultats obtenus montent une activité autolytique négligeable pour la
souche BH14 (DO410mn = 0.1501) et pratiquement absente pour la souche CHTD27
(DO410nm=0.008), ce qui mène à suggérer que les souches étudiées ne possèdent pas de
leucyl aminopeptidases intracellulaires, sans écarter l’hypothèse de la dénaturation de ces
enzymes une fois mises dans le milieu extracellulaire riche en NaCl.
Tous les résultats obtenus concernant l’activité autolytique permettent de classer les deux
souches selon la classificationproposée par Boutrou et al. (1996) comme étant hautement
autolytiques.
Conclusion et perspectives :
La maturation fromagère inclue des changements physiques et chimiques du produit,
accompagnés par le développement des caractéristiques de flaveur. Ces changements sont
attribués à la protéolyse, la lipolyse et la fermentation du lactose en acide lactique, sous
l’action des bactéries lactiques, de la présure et des protéases et lipases du lait. Grâce à leur
équipement enzymatique complexe (protéases, peptidases....), les lactobacilles jouent un
rôle très important lors de la maturation fromagère. Certaines de ces enzymes sont
extracellulaires mais la majorité d’entre elles ne sont libérées qu’après autolyse
bactérienne. Notre choix s’est orienté vers l’étude de l’activité aminopeptidasique (PepN)
car ce type d’enzyme représente le groupe majeur des aminopeptidases et de plus PepN est
une activité qui conduit à la diminution de l’amertume dans les fromages. Les souches la
possédant sont très recherchées en technologie fromagère.
L’originalité du présent travail consiste dans l’étude de deux phénomènes technologiques :
la protéolyse et l’autolyse chez de nouvelles souches du genre Lactobacillus indigènes
uniques à l’échelle industrielle isolées de lait de chamelle du Sud algérien.
Les deux souches étudiées montrent une activité protéolytique cellulaire et production des
protéases extracellulaires avec une spécificité de dégradation des caséines du lait. La
caséinolyse est un caractère demandé dans les premières étapes de la fabrication fromagère
c'est-à-dire lors de la coagulation du lait, cependant l’aptitude aminopeptidasique est aussi
sollicitée pour l’étape de la maturation du fromage soit au sein de la même souche d’où
l’intérêt de notre étude ou en utilisant des cultures bactériennes mixtes.
Les deux souches possèdent une activité leucyl-aminopeptidase avec un potentiel plus
élevé chez la souche CHTD27 que la souche BH14.Les enzymes extraites à la glycine(4%)
et lysozyme(10mM) , purifiées par précipitation au sulfate d’ammonium (80%) et par la
résine échangeuse d’ions DEAE, sont des métalloenzymes ayant un maximum d’activité à
40°C. Les aminopeptidases produites par la souche CHTD27 présentent des
caractéristiques généralement observées pour les aminopeptidases de type (N) isolées chez
les Lactobacilles, tandisque celles extraites à partir de la souche BH14 montrent des
caractéristiques bien particulières observées que chez certaines souches de Lactobacillus.
L’électrophorèse SDS page a permis de déterminer une structure dimérique des enzymes
extraites.
L’activité autolytique spontanée sur le milieu MRS a permis de mettre en évidence la
sensibilité de la souche BH14 aux différents composés du milieu de culture par rapport à la
souche CHTD27 qui ne montre aucune influence.
Les deux souches révèlent une activité autolytique induite importante sur les deux
solutions tamponnées utilisées, cependant le tampon citrate /acide citrique 00.01M pH7.0
est défini comme un milieu favorable pour le maximum d’activité autolytique pour les
deux souches 91.7% pour la souche BH14 et 63.6% pour la souche CHTD27. Vue
l’activité autolytique élevée exprimée par les deux souches on suggère leur utilisation
comme des additifs ceci leur permet de jouer leur rôle au complet dans l’affinage du
fromage après lyse des cellules et libération du contenu enzymatique intracellulaire tout en
évitant une éventuelle acidification tardive.
L’étude entamée dans ce travail a permis d’accumuler beaucoup de connaissances
biochimiques sur l’activité protéolytique, aminopeptidasique et le pouvoir autolytique des
deux souches cependant, il serait intéressant de il serait intéressant de séquencer les
peptides produits après caséinolyse d’autant que certaines espèces du genre Lactobacillus
sont à l’origine des flaveurs positives ( Lb plantarum, Lb casei ) tandisque d’autres sont
responsables du développement de l’amertume( Lb brevis).(Khalid et
Marth,1990,Tobiassen et al.,1997).
Pour mieux comprendre le caractère protéolytique, il faut mettre au point une méthode
permettant l’obtention des mutants protéolytiques déficients à partir des deux souches
étudiées.
Certaines activités peptidasiques conduisent à l’accumulation de peptides de petite taille,
ayant une hydrophobicité élevée dont la partie C terminale est constituée soit de leucine, de
phénylalanine ou de tyrosine, dans le but de caractériser celles des deux souches, il est
impératif de chercher d’autres activités aminopeptidasiques en utilisant d’autres substrats
chromogènes (aa-PNA) tout en étudiant ces activités sur les produits d’hydrolyse des
caséines par les mêmes ou d’autres souches.
D’étudier les différentes enzymes libérées après autolyse des deux souches étudiées.