Climat des affaires et investissements directs étrangers
en zone CEMAC
Par NGUEGANG Fabrice1
INTRODUCTION
Une analyse de la dimension économique de la Communauté Economique et Monétaire des
Etats de l’Afrique centrale en abrégé CEMAC, fait état d’une situation qui prévaut dans
l’essentiel des Pays en de Développement (PED). En effet, dès leur accession à
l’indépendance, ces derniers ont éprouvé des difficultés dans leur processus de croissance
économique, du fait de l’insuffisance de l’épargne intérieure. Le faible niveau d’épargne
endogène était dû, soit à la faiblesse du niveau de revenu disponible des ménages, soit dans
certains cas à l’incapacité du système bancaire à mobiliser l’épargne des ménages (Soyibo,
1997). Face à cette situation, en matière d’investissement, la plupart de ces pays -y compris
ceux de la CEMAC- ne pouvait compter que soit sur l’épargne publique, soit sur les
Investissements Directs Etrangers (IDE) (Popiel, 1994 ; Essombè Edimo2, 1995).
En outre, au cours de la décennie 70 et même en début des années 80, certains de ces pays
pauvres vont faire recours à la dette extérieure comme moyen de financement du processus
de leur développement ; mais la crise de la dette3 mettra en scène les limites des pays
d’Afrique et d’Amérique latine à recourir à ce mode de financement pour soutenir un rythme
d’investissement capable de générer des taux de croissance positifs. Au niveau de la plupart
des Etats de ces zones économiques, le renchérissement du service de la dette à posé un
problème crucial : celui de la soutenabilité de la dette publique (Defo et Ngnodjom, 2011).
Non seulement le service de la dette représentait un pourcentage assez élevé du produit
intérieur brut (PIB) dans la plupart des cas, mais les recettes d’exportation annuelles de
1 Titulaire d’un Master obtenu à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) dans l’option Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires et d’une Maîtrise en Sciences Economiques, option Economie Mathématique et Econométrie.
Tel: (237) 9492 2281, Email: [email protected] Jean Roger, ESSOMBE EDIMO, NYA BONABEBE, 1995, Quel avenir pour l’Afrique ? Financement et
Développement, Paris, Ed. Silex/Nouvelles du Sud.3 En raison principalement des contrecoups de la conjoncture internationale (hausse du prix du pétrole et
baisse des cours des principaux produits à l’exportation)
plusieurs de ces pays étaient totalement consommées par le service de la dette (Banque
mondiale, 1996).
Dans ces conditions, dès le début de la décennie 90 et par rapport à la problématique du
financement des économies, certains organismes internationaux et même certains auteurs4,
vont remettre sur la sellette un problème éclipsé sur près de deux décennies : celui de la
problématique des investissements directs étrangers et du développement du pays d’accueil.
Cependant, au lendemain des indépendances, l'investissement transnational5 , manifestation
de l’implantation de la Firme Multinationale, était regardé avec beaucoup de méfiance par la
plupart des PED (Michalet,1976 ; Bergsten et al, 1983).
Néanmoins, au cours des quinze dernières années, l’essor économique spectaculaire des
Nouveaux Pays Industrialisés (NPI), en occurrence de la Chine et de l’Inde grâce aux flux
d’IDE venus des pays industrialisés a fini par convaincre les plus sceptiques d’Afrique qui
voyaient en cela une politique néocoloniale, que l’IDE est une voie incontournable pour
asseoir le développement et sortir leurs économies du cercle vicieux de la pauvreté. Aussi, la
plupart des études théoriques (Laudier, 1995 ; Rainelli, 1997 ; Kalmal Saggi, 2002 ; Arès
Mathieu, 2009) montrent l’intérêt qu’ont les PED à attirer ces types de capitaux6. Plus encore,
les IDE sont considérés par de nombreux théoriciens comme une source stable7 et importante
de financement extérieur privé (Mallampally & Sauvant, 1999; Krkoska, 2001).
La situation actuelle est telle que les pays se font une concurrence acharnée pour être le plus
attractif possible (Andreff, 2003e) et rares sont désormais ceux de ces pays qui ne courtisent
pas les firmes multinationales et ne mettent pas en œuvre une politique d'attractivité des
Investissements Directs Etrangers (IDE) : désormais, à l’attitude de suspicion, se substitue la
volonté de séduction (Michalet, 1999). C’est dans cette logique de libéralisation des
économies, et répondant à la nouvelle orthodoxie libérale d’ouverture sur le marché mondiale8
que s’est inscrite la mise en place des Programmes d’Ajustement Structurels (PAS) du début
des années 1980, marquant le point de départ d’une large ouverture des économies de la
4 Jean-Louis, MUCCHIELLI et Thomas, MAYER, 2005, Economie international, Paris, Ed. Dalloz.5 On parle d’investissement transnational ou d’investissement direct étranger ou encore d’investissements
directs à étranger ou simplement d’investissement étranger.6 Dans leurs conclusions, ces auteurs estiment que les IDE sont riches en technologie de pointe, en capitaux
massifs et autorisent la création d’emplois qualifiés.7 Les IDE sont une source de financement plus stable que les investissements de portefeuille, ils constituent
une alternative à l’aide publique au développement (APD) ( Mainguy, 2006) et à la dette extérieure.8 Gérard GRELLET, 1994, les politiques des pays du sud, Paris, Puf, p.115
CEMAC. Les PAS avaient pour objectif, l’assainissement de l’environnement économique
régional en vue de le rendre attractif à l’investissement étranger.
Cet article a pour objet d’étudier la relation qui existe entre le climat des affaires et les
investissements directs étrangers. Il s’agira pour nous d’évaluer l’impact du climat des
affaires sur l’entrée des IDE en zone CEMAC. Dans cette analyse, nous comparerons le
pouvoir attractif du climat des affaires face à celui du niveau de production pétrolière.
Pour atteindre cet objectif, nous utiliserons l’estimation économétrique de panel sur les pays
de la CEMAC, à l’exclusion de la République Centrafricaine9 : il s’agit du Cameroun, du
Gabon, de la RCA, du Tchad, de la Guinée Equatoriale et du Congo. La période couverte par
l’étude s’étendra de 2001 à 2010. La première section sera consacrée à la présentation des
fondements théoriques des IDE. Les facteurs favorisant et défavorisant les IDE seront
analysés à la deuxième section. Les variables, le modèle utilisé et les sources des données
feront l’objet de la troisième section. La quatrième section présentera les résultats et leur
interprétation.
I- LES FONDEMENTS THEORIQUES DE L’INVESTISSEMENT DIRECT
ETRANGER
Plusieurs théories apportent des éléments de réponses qui différent selon les écoles de pensée,
l’évolution des IDE et l’approche adoptée. Mais le cadre prééminent qui explique les
mouvements transfrontières des capitaux et des investissements a été a formulé par Dunning
(1977) et connu sous l’appellation de paradigme OLI.. Ce dernier explique les décisions
d’investissement à l’étranger par trois avantages : de propriété (Ownership), de localisation ou
d’emplacement (Localisation) et d’internationalisation (Internalisation).
9 Compte tenu de ce que la RCA n’est pas un pays producteur de pétrole et dans un souci de commodité liée à l’estimation du modèle à spécifier, il sera exclu de l’analyse du modèle économétrique.
Tableau 1 : récapitulatif des différents avantages liés à la multinationale
Avantage de propriété (O) Avantage à la localisation (L) Avantage à l’internalisation (I)1. Propriété technologique 1. Différence des prix des
inputs1. Baisse du coût d’échange
2. Taille, économie d’échelle 2. Qualité des inputs 2. Baisse du vol de droit de propriété
3. Différenciation 3. Coût de transport et de communication
3. Réduction de l’incertitude
4. Dotations spécifiques 4. Distance psychique 4. Contrôle de l’offre, des hommes, des capitaux et de l’organisation
5. Accès aux marchés des facteurs et de produits
5. Distributions spatiales des inputs et des marchés
5. Contrôle des langues, des cultures
6. Multinationalisation antérieure
6. Possibilité d’entente
7. Internalisation des externalités8. Inexistence des marchés à terme
Source: John Harry DUNNING, Multinational Enterprises and Global Economy, Reading, Mass., Addison-Wesley, 1993, cite par Mohammadou Liman (2011).
II- LES FACTEURS FAVORISANT ET DÉFAVORISANT LES IDE
II.1 Les facteurs favorisant
II.1 Un cadre juridique et règlementaire attractif
Le cadre des affaires de la C.E.M.A.C. est règlementé par l’OHADA10. Le droit produit par
cette organisation, dénommé « droit OHADA » et présenté comme un « droit simple et
original », promeut depuis l’aune de sa création, l’amélioration de l’environnement juridique
et judiciaire du milieu des affaires. Ce droit est d’ailleurs considéré comme « un outil
technique au service de l’intégration économique»11 . En effet,
«On ne peut réaliser une intégration économique si l’on n’a pas comme
substratum une intégration juridique. Une telle intégration peut, seule,
mettre à disposition de chaque Etats une législation moderne sans aucune
considération des ressources humaines dont-il peut disposer, faciliter les
échanges à travers les frontières, permettre au besoin de délocalisation,
favoriser la concurrence et ainsi stimuler l’investissement en rassurant les
10 L’OHADA est une organisation fondé en octobre 1993 à Port louis. Elle s’est donné comme mission l’harmonisation des affaires et la sécurisation de l’environnement des investissements dans les Etats membres. Elle compte 17 Etats membres parmi lesquels : les pays de l’UEMOA, ceux de la CEMAC plus les Comores et la RDC.
11 Voir Alhousseini MOULOUL, « L’intégration juridique des Etats de la SADC et les perspectives d’adoption du droit des affaires de l’OHADA pour l’assainissement de l’environnement juridique des affaires »
opérateurs économiques quel que soit leur nationalité et permettre une
véritable intégration économique »12 .
L’amélioration de l’environnement des investissements s’inscrit dans la philosophie même du
Traité de l’OHADA qui pose le principe des normes visant :
« l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats-Parties, par
l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et
adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre de
procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à
l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels »13.
Les Etats membres de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
mettent en œuvre, depuis plusieurs années, d’importantes reformes structurelles pour
améliorer le cadre des activités économiques et soutenir une croissance durable. Dans ce
cadre, les Gouvernements sont soucieux de promouvoir le développement d’un secteur privé
dynamique et d’attirer des capitaux privés nationaux et internationaux. Ils adhérent aux
principaux dispositifs internationaux de garantie des investissements, y compris ceux relatifs
aux procédures de Cours arbitrales internationales, à la reconnaissance et l’exécution de leurs
sentences.
En outre, la Charte des investissements constitue le cadre général commun regroupant
l’ensemble des dispositions destinées à améliorer l’environnement institutionnel, fiscal et
financier des entreprises dans le but de favoriser la croissance et la diversification des
économies des pays membres, sur la base d’une meilleure définition du rôle de l’Etat, et d’un
développement harmonieux du secteur privé à travers des investissements d’origine nationale
ou étrangère. Cette Charte des investissements de la CEMAC encadre les chartes nationales
des investissements, harmonisant ainsi le cadre de la création et de l’installation des
entreprises dans la zone. Ces Chartes prévoient des garanties sur la pérennité de
l’investissement étranger ou national, des régimes d’exonérations fiscales pour des périodes
de plusieurs années, selon la taille, les moyens mis en œuvre et les secteurs d’investissements.
Des zones franches offres des avantages importants pour faciliter l’implantation de certaines
entreprises.
12 Penant, N°827, Spécial OHADA, Mai-août 1998, avant-propos, P.12613 cf., article 1er, Traité OHADA
II.1.2 Une croissance et un environnement macroéconomique en
progrès
Selon le PER, la CEMAC connaît une réelle dynamique de croissance depuis le
milieu des années 90, malgré la crise économique de 2008.
Tableau 2 : taux de croissance du PIB réel (en %)
2004 2005 2006 2007 2008 2009Cameroun 3,7 2,3 3,2 4,0 3,7 2,0
RCA 3,5 3,0 4,3 3,6 2,0 1,4
Congo 3,7 7,1 7,0 -2,5 5,2 6,7
Gabon 1,5 2,3 5,8 0,9 2,2 -1,1
Guinée E. 32,6 8,9 5,6 24,0 15,5 3,5
Tchad 33,7 8,6 0,8 2,6 -2,0 -1,2
CEMAC 6,6 3,6 3,9 4,2 4,0 1,8
Source : BEAC, Rapport annuel 2009
Les performances exceptionnelles de la CEMAC sont essentiellement liées à la découverte et
la mise en exploitation de gisements de matières premières, notamment pétroliers dans les
pays. Le tableau suivant permet en effet de se rendre compte du plus grand dynamisme du
secteur de l’industrie dans la contribution au PIB. Ainsi, le Congo a connu une croissance
exceptionnelle sur la décennie 1985-1994 et la Guinée Equatoriale sur la décennie suivante
(depuis le démarrage de sa production de pétrole en 1997). Plusieurs pays de la CEMAC
n’exportent quasiment que la production pétrolière. En 2006, celle ci représentait 91% des
exportations de la Guinée Equatoriale, 84% de celles du Tchad, 83% du Gabon, 82% du
Congo et 48% du Cameroun. Qui plus est, comme le souligne le FMI (2012) :
« les recettes pétrolières ont permis aux pays membres producteurs de
financer aisément d’ambitieux programmes d'investissement tout en
continuant de renforcer les réserves internationales »14.
14 FMI, 2012, Communauté Economique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) : rapport des services du FMI sur les politiques communes des pays membres, P.5.
II.2 Les facteurs défavorisant
II.2.1 Les obstacles à la réalisation du marché commun
Les obstacles au marché commun résident essentiellement en la limitation observée dans le
mouvement de capitaux et des personnes.
- Mouvement des capitaux limité
Le marché commun de la CEMAC aspire aussi à la libre circulation des capitaux. Un cadre
réglementaire et juridique plus propice s’est développé ces dernières années. La création de
nouveaux instruments financiers, l’harmonisation des réglementations bancaires,
l’internationalisation des systèmes bancaires (avec l’établissement d’acteurs privés), devraient
à terme faciliter les flux financiers et favoriser l’émergence d’un marché commun des
capitaux aujourd’hui faible. Jusque là, la création de la CEMAC n’a pas boosté
particulièrement un afflux d’investissements supplémentaires dans les Etats membres15. En
rendant le marché global plus attractif, une intégration réussie favorise une dynamisation des
investissements, en particulier des investissements directs étrangers. Or sur ce dernier point,
les matières premières et la découverte de produits miniers, notamment pétroliers semblent
toujours être le déterminant majeur des investissements étrangers au détriment de la
construction d’un marché commun et des effets économiques qu’elle peut générer.
- Mouvement des personnes limité
La libre circulation est prévue dans le Traité CEMAC et devait être achevé dans le cadre de la
mise en œuvre du marché commun en cinq (05) ans. Malheureusement, jusqu'à présent, la
question de la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC est encore non résolus
ans, plus de sept (07) ans après la ratification du Traité CEMAC. Ce problème a plusieurs
dimensions distinctes :
le libre mouvement des individus dans la région pour des raisons d’affaires ou autres
ne sera plus un problème à l'avenir avec le projet d’un « Passeport CEMAC», à la
disposition de tous les citoyens de la sous-région, en même temps que l’élimination de
la nécessité d’un visa entre tous les pays de la CEMAC. Toutefois, ces principes
d’exigences de base ne peuvent pas être facilement satisfaits, puisque seulement
quatre des six (06) pays de la CEMAC appliquent effectivement lesdits principes16.
15 CEMAC, 2009, Ibid. P.3116 Les deux pays qui ne sont pas d’accord avec ce principe, sont ceux ayant les populations les plus faibles de
la sous-région : Gabon et Guinée Equatoriale.
deuxièmement, il ya la question des droits des non-ressortissants de prendre résidence,
de travailler ou créer une entreprise. Ceci est également prévu dans le Traité CEMAC,
mais sa mise en œuvre n’est pas sans problèmes.
Tableau 3 : population étrangère dans les pays de la CEMAC
Population étrangère Réfugiés Population Totale
(en millions)
% urbains
(en % de la population totale)
Cameroun 1,6 0,2 16,3 54,6
Congo 3,1 1,8 4 60,2
Gabon 15,6 0,6 1,4 83,6
Guinée E. 6,5 … 0,5 38,9
RCA 1,8 0,2 4 38,0
Tchad 1,0 2,9 9,7 25,3
Source : Babacar Ndjione et Jean Pierre Pabanel (2007) cité dans le PER-CEMAC
le dernier aspect est en rapport avec l'unification du marché du travail dans la région et le
mouvement d'un nombre important de travailleurs d'un pays à l'autre, plus spécifiquement
des zones moins développées vers des zones les plus développées au sein de la sous-
région. Comme déjà mentionné, il y a une sévère résistance formelle et informelle à ces
mouvements dans les pays de potentiel d’immigration en raison de leur faible population.
II.2.2 La faible convergence des économies
La convergence macroéconomique est une condition nécessaire pour la réalisation du
processus d’intégration et un résultat attendu du processus d’intégration. En effet, la crise
économique dont le point culminant a été la dévaluation du Franc CFA en 1994, a montré la
faiblesse d’un arrangement institutionnel où l’unification monétaire ne s’accompagnait pas
d’un dispositif d’harmonisation des politiques macroéconomiques.
Avec la transformation de l’Union Douanière et Économique de l’Afrique Centrale (UDEAC)
en CEMAC en 1998, les six (06) pays de l’union monétaire ont aussi adopté un mécanisme de
surveillance dont l’ossature s’articule autour de quatre (4) critères de convergence de base: i)
solde budgétaire de base (recettes totales hors dons moins dépenses totales plus
investissements financés sur ressources extérieures) positif ou nul; ii) Taux d’inflation annuel
inférieur à 3%; iii) Taux d’endettement public (intérieur et extérieur) inférieur ou égal à 70%
du PIB ; iv) Non accumulation par l’État d’arriérés intérieurs et extérieurs sur la gestion
courante. L’exercice de la surveillance multilatérale se traduit enfin par des recommandations
de politiques économiques à l’adresse des États membres.
Malgré la bonne tenue d’ensemble des principaux indicateurs de base depuis le début de la
décennie, qui s’explique entre autres par une amélioration du cadre macroéconomique sous
régional, il n’y a pas encore une réelle convergence des économies nationales encore moins
celle du PIB par tête17.
En réalité seuls trois (03) pays à savoir le Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale
respectent la majorité des critères. La RCA, le Congo et le Tchad ont encore des difficultés à
observer l’essentiel des normes communautaires. Même si les critères du programme de
surveillance sont formellement appelés « critères de convergence », leur respect n’implique
aucune des trois (03) formes de convergence à savoir : la convergence des politiques
macroéconomiques, la convergence des cycles économiques et la convergence des revenus.
II.2.3 L’insécurité comme facteur limitant
Le climat d’insécurité qui prévaut dans la sous-région résulte de trafic d’armes, du
phénomène des coupeurs de route, des hommes armées (rescapés des rebellions comme au
Tchad) et des conflits. Un tel climat va à l’encontre de la libre circulation des personnes, des
biens, des services et des capitaux qui est essentiel à l’intégration économique. Cette
insécurité n’a de conséquence que d’édulcorer l’attractivité de la sous-région. Une analyse
approfondie du cadre des affaires de la CEMAC, permet de constater que l’insécurité se
trouve pratiquement en amont de tous les troubles liés à la pratique des affaires dans la sous
région.
L’environnement de la CEMAC est marqué par des conflits qui menacent sa stabilité
économique et politique (Nigeria, Soudan, RDC…). L’ensemble du Golfe de Guinée
constitue par ailleurs un enjeu géostratégique majeur, du fait du rôle stratégique qu’il joue
dans l’approvisionnement des Etats Unis première, puissance mondiale (objectif d’atteindre
20% de l’approvisionnement en hydrocarbures des Etats-Unis l’horizon 2020).
17 Pour plus de détails voir CEA-BSR/AC 2007(b)
Cameroun De 1960 à 1971, rébellion de l’Union des Population du Cameroun (UPC) sous forme d’insurrection dans les maquis
6 avril 1984 tentative manquée de coup d’Etat conduite par une fraction de la garde républicaine
16 février 2008, troubles sociaux à la suite d’un mot d’ordre de grève des transporteurs.
Congo De 1993 à 1997, rébellion armée conduite par Denis SASSOU NGUESSO qui accède au pouvoir par la suite
Gabon 1964, Jean-Hilaire AUBAME renverse par coup d’Etat le président Léon MBA
Guinée Equatoriale
1979, coup d’Etat de Teodoro OBIANG NGUEMA contre Macias NGUEMA
2005, une tentative de coup d’Etat organisée par Mark TCHATCHER et conduit par Simon MANN contre OBIANG NGUEMA échoue.
République centrafricaine
31 décembre 1965, coup d’Etat de Jean BEDEL BOKASSA qui renverse David DACKO
1981, coup d’Etat qui conduit au pouvoir André KOLINGBA
Mai 2001, tentative de push menée par André KOLINGBA
2001-2003, rébellion menée par François BOZIZE qui accède au pouvoir le 15 mars 2003
2012, rébellion de la seleka contre le pouvoir de Bangui
Tchad 1965-1979, rebellion du Frolinat
21 avril 1974,Lancement d’une rébellion par HISSENE HABRE qui se termine avec le renversement de GOUKOUNI OUEDDEI le 7 juin 1982
1987-1990,Rébellion menée par Idriss DEBY
14 novembre 2005 rébellion de SCUD depuis le Soudan.
1er février 2008, une coalition de groupes rebelles attaque Ndjamena
Tableau 4 : rébellion et coup d'Etat dans la CEMAC depuis 1960 Source : réalisé par l’auteur
III- LES VARIABLES , MODÈLE ET DONNEES
III.1 Les variables du modèle
Variable dépendante/expliquée
La variable dépendante ou expliquée de ce modèle est l’investissement direct étranger,
exprimé en pourcentage du PIB. Il s’agit d’une variable économique dont l’évolution dépend,
du comportement de plusieurs autres variables économiques et/ou institutionnelles. Son
évolution (à la hausse ou à la baisse) traduit permet généralement d’apprécier l’attractivité
d’une zone économique. Elle est généralement évaluée soit en millions de dollar US, soit en
pourcentage du PIB (comme ce sera le cas dans notre étude). C’est d’ailleurs une série d’IDE
en pourcentage du PIB que nous allons utiliser.
Les flux d’IDE dans les pays de la CEMAC ont évolué de façon différente selon les pays
(Voir graphique suivant). Dans certains pays comme le Gabon, il y a eu plutôt
désinvestissement jusqu’en 2002. Cependant on peut distinguer deux catégories de pays : d’un
côté ceux qui ne produisent pas de pétrole (Centrafrique) et ceux qui sont anciens producteurs
de pétrole et qui souffrent d’un épuisement de cette ressource (Cameroun, Congo, Gabon) et
de l’autre côté les nouveaux producteurs de pétrole dont les flux d’investissements directs
étrangers sont très importants.
Graphique 1 : évolution (en % du PIB) des IDE dans cinq pays de la zone CEMAC de
2002 à 2010
Source : de l’auteur, réalisé avec le logiciel EVIEWS 4.1, à partir des informations de la CNUCED
Les variables indépendantes/ explicatives
Les variables explicatives du modèle comprennent trois (03) indicateurs : l’investissement
direct étranger retardé d’une période, le climat des affaires, et la production pétrolière.
L’investissement direct extérieur retardé
Cette variable traduit l’effet d’agglomération [IDE (-1)] qui est le cumul des flux d’IDE des
deux (02) dernières années. Il est calculé à partir des données d’UNCTAD et est corrigé du
déflateur moyen de la formation brute de capital fixe des principaux pays d’origine des
investissements. La prise en compte de l’effet d’agglomération dans le modèle, suppose que
la décision d’investir à l’étranger est fonction non seulement des autres déterminants propres
au pays hôte, mais aussi de son niveau antérieur d’investissement : de ce fait, la décision
d’investissement dépend fondamentalement du tempérament de l’investisseur.
Théoriquement, cette variable doit avoir un signe positif. Les FMN sont incitées à investir là
où les IDE se déjà installés. La concentration des activités au centre attire encore plus de
capitaux au détriment de la périphérie.
En outre, l’introduction d’une variable retardée dans un modèle économétrique impliquera
toujours une perte de données correspondant au nombre de retard. Alors, avec
l’investissement direct étranger retardé d’une période, on perdra une année d’observation. La
période d’observation s’étendra désormais de 2002 à 2010 au lieu de 2001 à 2010
Le climat des affaires
Le climat des affaires sera notée CA dans le modèle et sera exprimé en pourcentage18. C’est
l’une des variables d’attractivité du pays hôte qu’on range dans la catégorie des variables
institutionnelles. Plusieurs organisations en fournissent des indicateurs. C’est le cas par
exemple de la banque mondiale à travers son rapport Doing Business ou de la Fondation Mo
Ibrahim via son rapport sur le niveau de gouvernance. C’est d’ailleurs les indicateurs de
l’environnement des affaires fournis par cette dernière organisation qui seront retenus, bien
que les indicateurs de la banque mondiale soient les vulgarisés19. En effet, l’indicateur Doing
Business de l’environnement des affaires, connu sur le nom d’indicateur de la pratique des
affaires n’est pas un indicateur agrégé qui permet de saisir l’influence de l’environnement des
18 0% correspond au climat des affaires le plus défavorable et 100% à celui le plus propice.19 Les indicateurs de la banque mondiale bénéficient d’une plus large publicité et sont disponibles
gratuitement.
affaires sur un phénomène. Il regroupe à cet dix (10) sous-indicateurs, à savoir : la création
d’entreprise, l’octroi de permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de
propriété, l’obtention des prêts, la protection des investisseurs, le paiement des impôts, le
commerce transfrontalier, l’exécution des contrats et le règlement de l’insolvabilité.
Une analyse de la situation de cinq pays de la CEMAC, à l’aune des scores fournis par
l’indicateur Mo Ibrahim sur l’environnement des affaires, permet de constater que ces pays
peine à atteindre le deuxième quartile (50%). Une prise en compte des scores de la RCA, ne
permet pas d’améliorer cette appréciation puisque c’est l’un des pays les moins attractifs au
monde. Une analyse plus poussée nous permet de constater que dans ce sillage, le Cameroun
occupe la tête de peloton en zone CEMAC, alors que les autres pays de notre analyse
dépassent à peine le dernier quartile (25%) (Voir graphique suivant). Ces dernières années,
ces résultats ne semblent pas s’être améliorés: selon un rapport du FMI (2012), la CEMAC se
classe dans le dernier quartile en matière de climat des affaires. Les domaines plus précis
d'amélioration en sont notamment l'accès limité au financement et le niveau insuffisant des
infrastructures.
Wang et Swain (1997) trouvent une corrélation négative entre les flux d’IDE et l’instabilité
politique des firmes multinationales et leurs filiales : l’instabilité politique, la corruption, la
non-transparence institutionnelle, le paiement ou la modification de la dette souveraine, les
guerres et autres coups d’Etat sont des situations qui nuisent à l’environnement des affaires et
par conséquent réduisent les entrées d’IDE. On s’attend alors à avoir un signe négatif entre
l’évolution des IDE et le climat des affaires.
Graphique 2 : Climat des affaires (en %) dans cinq pays de la CEMAC de 2002 à 2010
Source : de l’auteur à partir des informations du rapport MO Ibrahim sur l’indice de gouvernance 2010 en Afrique.
Le niveau de production pétrolière
2002
2003
2004
2005
20062007
2008
2009
2010
0255075100
Guinée équa-toriale 2002
2003
2004
2005
20062007
2008
2009
2010
0255075100
Gabon
20022003
2004
2005
20062007
2008
2009
2010
0255075100
Tchad 20022003
2004
2005
20062007
2008
2009
2010
0255075100
Congo
t IDE
Les ressources naturelles, notamment le pétrole attire de plus en plus les IDE malgré parfois
la mauvaise gouvernance politique et économique dans les pays d’accueil. Selon Nkouka
(2010), l’augmentation de la demande pétrolière asiatique ces dernières années est à l’origine
surtout de cette attractivité. C’est ce qui va justifier un afflux d’investissement directs
étrangers, concentré dans l’industrie extractive, vers les pays producteurs de pétrole de la zone
CEMAC depuis quelques années.
Compte tenu du poids des ressources naturelles et notamment du pétrole dans l’économie de
la CEMAC, nous attendons un signe positif ou un signe négatif de la relation entre l’IDE et le
niveau de production pétrolière. Nous exprimerons par ailleurs le niveau de production
pétrolière, noté PP, en millions de tonnes et les données proviendront des annuels de la
BEAC.
III.2 La spécification du modèle
En nous inspirant de la procédure utilisée par Singh et Jun (1998) pour une étude sur les
déterminants des IDE en pays en développement, de Campos et Kinoshita (2003), de Nkouka
(2010) sur l’économie congolaise, mais surtout sur l’analyse de Cheng and Kwan (2000)
portant sur vingt-cinq (25) économies en transition, nous aboutissons à un modèle théorique
d’agglomération. Ce modèle suppose que le flux courant d’IDE dépend du flux passé d’IDE
et de d’autres variables explicatives.
Dans leur démarche, les auteurs sus-évoqués commencent par un simple ajustement partiel :
le taux d’investissement direct étranger est proportionnel au taux d’investissement direct
étranger désiré20
t IDE =φ t IDEd (où t❑est le taux et où le paramètre φ capture le degré d’ajustement du niveau à
l’investissement désiré.
Soit IDE t−IDEt−1
IDEt−1
= φ ( IDEtd−IDE t−1
IDEt−1)
IDEt−IDEt−1= φ (IDEtd−IDEt −1)
où FDI td est le niveau d’Investissement Direct Etranger désiré à l’instant t
L’équation montre qu’un changement dans les flux d’IDE résultera seulement de la
différence partielle dans l’écart entre IDE désire et valeur de l’IDE dans passé. Pour chaque
période donnée, le niveau d’IDE peut ne pas être entièrement atteint (comme les IDE à
l’instant courant dans la période suivante) car les FMN font face à des contraintes physiques
et liées aux procédures. Le paramètre A capture le degré d’ajustement du niveau d’IDE
désiré.
IDEt= φIDEtd+ (1-φ)IDEt−1 (1)
Le niveau d’IDE désire (ou d’équilibre) est fonction du vecteur des variables économiques
politiques et institutionnelles (H), et du terme d’erreur (εt). Le facteur H est celui qui
influe les décisions de l’étranger de faire des affaires dans le pays hôte (CEMAC). Pour ce
20 Nous supposons que cela prend du temps pour les IDE de s'adapter à l'équilibre ou au niveau désiré.
qui est du facteur εt, compte tenu de ce qu’il est impossible de prendre en compte toutes les
influences sur la variable dépendante, on ajoute une variable fourre-tout pour compléter la
spécification. Elle à pour but de représenter tous les déterminants de la variable dépendante
dont-on ne peut pas rendre compte, soit parce que les données sont trop complexes, soit
parce qu’elles manquent. Les économistes supposent généralement que ce terme dit
« d’erreur » tend en moyenne vers zéro et est imprévisible, par simple souci de cohérence
avec la prémisse que le modèle statistique prend en compte que le modèle statistique prend
en compte toutes les variables explicatives importantes.
L’IDE désiré est ainsi présenté comme suit:
IDEtd= α0+α1Ht +εt (2)
En remplaçant l’équation (2) dans l’équation (1), on obtient :
IDEt= φ (α0+α1Ht +εt) + (1- φ) IDEt-1
IDEt= φα0+φα1Ht +φεt + (1- φ) IDEt-1
IDEt= a0+ δHt + a1IDE t-1+ ξt
Toutefois, l’utilisation des données de panel nous amènes à utiliser des variables doublement
indicées. Soit :
IDEi ,t= a0+ δHi,t + a1IDE i,t-1+ ξ i, t. Dans cette expression : i désigne l’un des pays pétrolier de la CEMAC,
i=1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 t l’année d’observation ; t=2002,…, 2010
III.3 Les source des données
Le modèle étant spécifié en série temporelle (c’est le cas le plus fréquent en économétrie),
les variables seront observées à intervalle de temps régulier. Le recueil des données sur les
séries temporelles, se fera à l’aide des informations fournies par :
la CNUCED dans ces rapports annuels, World Investment Report (WIR), sur l’état des investissements dans le monde ;
la Fondation Mo Ibrahim à travers son indice Ibrahim de la gouvernance africaine21. Cet indice étant un indice synthétique, en ce sens qu’il comprend des sous catégories d’indicateur, on s’y intéressera à l’indicateur « environnement des affaire »s;
et enfin par la BEAC dans ces rapports sur l’état d’avancement des économies de la
21 créé en 2007, l'Indice Ibrahim est le plus complet de données quantitatives qui fournit une évaluation annuelle de la gouvernance dans chaque institution africaine, l'Indice Ibrahim propose un cadre et des outils pour les citoyens, les pouvoirs publics et les partenaires pour évaluer les progrès en matière de gouvernance.
CEMAC. IV- PRESENTATION DES RESULTATS
Tableau : résultats de la régression
Dependent Variable: IDE?Method: Pooled Least SquaresDate: 01/08/2013 Time: 11:59Sample: 2002 2010Included observations: 9Number of cross-sections used: 5Total panel (unbalanced) observations: 44
Variable Coefficient
Std. Error t-Statistic Prob.
IDE (-1)? 0.604454 0.096331 6.274792 0.0000 (s)CA? 0.066069 0.528396 0.125037 0.9012 (ns)PP? -0.004711 0.001182 -3.986367 0.0003 (s)
Fixed Effects_CMR--C 25.39708_CON--C 96.22240_GAB--C 59.15491_GE--C 96.67405
_TCH--C 51.10794R-squared 0.922292 Mean dependent var 49.80841Adjusted R-squared 0.907182 S.D. dependent var 38.90947S.E. of regression 11.85418 Sum squared resid 5058.781Log likelihood -166.8165 F-statistic 61.03880Durbin-Watson stat 2.126784 Prob(F-statistic) 0.000000
(s) : la variable est significative à 5%, (ns) : la variable est non significative à 5%.
Sources : de l’auteur à partir du logociel EVIEWS 4.1
IV.1 Le signe des variables
Selon Ouliaris (2011), l’analyse du signe des variables d’un modèle économétrique permet de
faire un test du bon sens du modèle. Cette analyse permet par ailleurs de répondre à la
question suivante ; le modèle estimé est-il économiquement sensé, est-ce que les signes des
paramètres estimés qui relient la variable dépendante aux variables explicatives concordent
avec les prédictions de la théorie économique sous-jacente ? Si les paramètres ne sont pas
logiques, comment l’économétricien doit-il modifier le modèle pour obtenir des estimations
plus sensées ? Est-ce qu’une estimation plus sensée implique un effet économiquement
significatif ?
- La variable mesurant l’environnement des affaires, notée CA, a un signe positif conforme
à celui attendu puisque la facilité que rencontre les opérateurs économiques en matière de
pratique des affaires dans une région donnée est de nature à attirer plus d’investissement
directs étrangers : une amélioration du climat des affaires entraine une augmentation dans
le même sens du niveau d’investissement étranger.
- Le niveau d’investissement direct étranger antérieur, noté IDE (-1), présente un signe
positif conforme aux attentes et conforme à la théorie économique : c’est généralement le
plus haut niveau d’investissement dans le passé, voire les effets d’agglomération et des
effets d’informations qui fait échos de la potentialité d’une économie donnée. c’est en
quelque sorte un signal qui témoigne à la fois de la fiabilité et de la viabilité de l’économie
d’accueil des investissements directs étrangers.
- En ce qui concerne le niveau de production pétrolière, deux signes possibles étaient
attendus: positif ou négatif. Les résultats de l’estimation permettent de se rendre compte
que le signe obtenu est plutôt négatif. Ce résultat permet de se rendre compte de la relation
inverse qui existe entre le niveau de production pétrolière et le niveau d’investissement
direct étranger. Ainsi une hausse de la production pétrolière s’accompagne d’une baisse
des investissements directs étrangers.
Cette relation inverse est due à au moins deux raisons. Le « syndrome hollandais » ou mal
hollandais (Dutch Disease) caractérise une situation paradoxale où un pays qui reçoit un
transfert important de capitaux résultant des recettes pétrolières par exemple se retrouvent
quelques années plus tard engagé dans un processus de « désindustrialisation », entrainant un
déséquilibre de la balance commerciale, des distorsions dans l’allocation des facteurs , bref,
sa pauvreté.
La deuxième hypothèse est qu’en raison de l’insuffisance de transparence dans la gestion du
pétrole. Une partie de l’argent aurait été détournée, puis consacrée par ses bénéficiaires à des
dépenses somptuaires, occasionnant ainsi l’augmentation des importations (Zeufack, 2001) :
« les détournements des ressources publiques à des fins personnelles, familiales
ou ethniques restent des facteurs non négligeables des crises financières
publiques dans les pays en développement »
IV.2 Les variables statistiquement significatives
Il existe souvent plusieurs modèles capables d’expliquer la même réalité, la même relation
récurrente, appelée régularité empirique, mais il y en a peu qui fournissent des indications
utiles sur l’ampleur du phénomène. C’est pourtant ce qui compte le plus pour les responsables
de politiques22.
Le principal outil de l’économétrie est la régression linéaire multiple qui fournit un moyen
formel d’estimer exactement comment le changement d’une variable économique, la variable
explicative affecte la variable que l’on cherche à expliquer la variable dépendante. Cette
pression est importante parce que la régression cherche à exprimer l’impact marginal d’une
variable explicative particulière du modèle après avoir pris en compte l’impact des autres
variables explicatives23.
Pour effectuer une comparaison entre contribution, il convient de raisonner en valeur absolue
sur le modèle d’analyse obtenu empiriquement et spécifié comme suit :
IDE? = Ci + 0.6044540299 IDE(-1) ? + 0.06606900473CA ? - 0.004711318627PP ?
Il s’agit ici des résultats de la régression sur le modèle à effet spécifique24 où IDE ?
Représente le niveau d’IDE dans la CEMAC., IDE (-1) ? le niveau antérieur de ces IDE et
PP ? le niveau de production pétrolière dans les pays de la C.E.M.A.C. disposant de réserves
de pétrole.
- Contribution du niveau d’investissement direct étranger antérieur sur l’attractivité de la
CEMAC
Comme le suggèrent les résultats de la régression multiple, une variation du ratio
d’investissement étranger antérieur entraine une variation (notée ∆) dans le même sens du
niveau d’IDE :
soit ∆IDE? = Ci+0.6044540299 ∆IDE (-1) ? + 0.06606900473∆CA ? -
0.004711318627∆PP ?
Ainsi, la contribution de l’effet d’agglomération à l’attrait des investissements directs
étrangers et traduite par le ratio ∆ IDE?
∆ IDE (−1 )? est de 0.60445.
22 Sam OULIARIS, 2011, « Qu’est ce que l’économétrie ? », in Finance & Développement, Volume 48, N° 4, P. 38
23 Voir « régressions : pourquoi elles obsèdent les économistes », F&D, mars 200624 Voir chapitre 3
Ce résultat nous permet de dire intuitivement qu’une action en faveur du renforcement de
l’effet d’agglomération des entreprises, c’est-à-dire de la possibilité de réaliser des gains
de productivité dans la production grâce à la proximité géographique des entreprises les
unes avec les autres, permet d’accroitre les entrées d’IDE. Plus exactement, une
augmentation de 10% de l’effet d’agglomération permet de capter 6% des investissements
étrangers. Inversement, il apparait que lorsque l’éloignement géographique est très
important, le potentiel de productivité du travail d’une économie est moindre.
Dans le cadre de l’intégration régional en zone CEMAC l’amélioration de l’effet
d’agglomération revient réduire les obstacles de nature à freiner la libre circulation des
biens, des marchandises et des personnes, bref les obstacles à la réalisation du marché
commun. L’amélioration de l’effet d’agglomération passe aussi par une réduction
significative des barrières tarifaires et non tarifaires. Les nations abaissant ces coûts par
suppression des entraves aux échanges au sein de grands marchés ou d’unions monétaires
peuvent connaître, à l’image du développement spatio-industriel américain, un phénomène
de concentration dans la mesure où chaque pays membre se spécialisant dans une activité
donnée.
- Contribution relative du niveau de production pétrolière à l’explication des
investissements directs étrangers en zone CEMAC.
Cette contribution est mesurée par le ratio∆ IDE?∆ PP ? et est de 0.00471
Une croissance de 10% du niveau de la production pétrolière entraine une
désindustrialisation à hauteur de 0,05%. Ce résultat traduit le contre effet sur la croissance
(voir tableau suivant) et l’industrialisation des IDE orientés vers l’industrie extractive de
la CEMAC : Il y a donc « syndrome hollandais » dans la Communauté Economique
Monétaire d’Afrique Centrale. Ce phénomène se traduit comme nous l’avons présenté au
chapitre 1, par une éviction de l’industrie extractive sur les autres structures industrielles
en retard et par une chute de la croissance de PIB.
- Contribution du climat des affaires à la décision d’investir en zone CEMAC
Il n’est pas pertinent d’analyser la contribution de la variable CA, libellée climat des
affaires, à l’explication des investissements étrangers en zone CEMAC. En effet, cette
variable se présente comme le seul indicateur non significatif du modèle.
Bien qu’il soit moins efficace de relancer l’attrait pour les investissements directs
étrangers en améliorant le climat des affaires plutôt que d’améliorer les autres indicateurs
du modèle économétrique, il faut signaler que compte tenu du constat d’un l’épuisement
progressif25 des réserves pétrolières dans le monde, le climat des affaires se présente
comme une variable d’avenir sur laquelle il va valoir compter.
Ce résultat amène à comprendre que la rationalité économique n’est pas figée et reflète la
dynamique de l’environnement sociale et culturel de l’agent économique. Ainsi, selon les
conditions qui caractérisent son environnement, l’investisseur peut ne pas être sensible à
certaines politiques économiques, même si celles-ci ont montré la preuve de leur efficacité
économique. Il est donc plutôt logique de penser comme Edmond Malinvaud (1987) que
les déterminants de l’investissement varient en fonction des structures économiques.
CONCLUSION
Nous avons utilisé une batterie de vingt variables pour expliquer l’attractivité des pays de la
CEMAC pour les IDE. Il ressort de notre estimation économétrique que l’effet
d’agglomération et la manne pétrolière justifiaient en grande partie l’afflux des
investissements dans cette sous région. Cependant, en nous appuyant sur les prévisions
concernant le niveau des réserves pétrolières dans les années à venir, nous avons jugé
commode de mettre tout de même l’accent sur une stratégie d’attractivité basée sur
l’amélioration du climat des affaires26 compte tenu de l’épuisement progressif de ces réserves.
Par ailleurs, en plus de la baisse des réserves en pétrole, nous avons décelé que les économies
de la CEMAC souffraient du « mal hollandais ».
Pour remédier à ces lacunes constaté, nous formulons comme recommandations :
Le renforcement des mesures visant l’amélioration du climat des affaires
Il faudra s’attaquer, aux niveaux national et régional, à trois éléments importants pour les
chefs d’entreprise, notamment les investisseurs opérant au-delà des frontières. les coûts (tant
les coûts monétaires que les coûts liés au temps et retard de traitement tenant à une faible
exécution des contrats, à l’inadéquation de l’infrastructure, à la criminalité, à la corruption et à
la réglementation) ; les risques liés à un environnement instable et peu sûr, notamment pour la
protection des droits de propriété, à l’incertitude politique, à l’instabilité macroéconomique et
25 Voir graphique 10, chapitre 3.26 Le climat des affaires s’est révélé être une variable non significative de l’attractivité des IDE en zone
CEMAC.
à une réglementation arbitraire; et les obstacles à la concurrence dressés devant les
entreprises
la promotion de la croissance non pétrolière ;
la bonne gouvernance et la responsabilisation dans l’industrie extractive.
Liste des sigles et abréviations
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale
FMI : Fonds Monétaire International
FMN : Firme Multinationale
IDE : Investissements Directs Etrangers
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
PED : Pays En Développement
PIB : Produit Intérieur Brute
RCA : République Centrafricaine
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de Clermont-Ferrand.
ANNEXES
Annexe 1 : les données du modèle
obs IDE? IDER? CA? PP?_CMR-2002 21.00000 17.30000 50.90000 5191.000_CMR-2003 19.50000 21.00000 50.90000 4946.000_CMR-2004 18.00000 19.50000 50.90000 4536.900_CMR-2005 19.30000 18.00000 54.10000 4179.700_CMR-2006 19.70000 19.30000 53.70000 4428.600_CMR-2007 17.10000 19.70000 54.00000 4391.100
_CMR-2008 15.50000 17.10000 53.10000 4263.300_CMR-2009 20.00000 15.50000 50.60000 4027.800_CMR-2010 21.50000 20.00000 48.50000 4227.400_GAB-2002 -5.100000 -5.200000 40.20000 12563.00_GAB-2003 -1.000000 -5.100000 40.20000 13503.00_GAB-2004 2.600000 -1.000000 40.20000 13483.00_GAB-2005 5.200000 2.600000 45.00000 13298.30_GAB-2006 7.500000 5.200000 42.70000 11902.00_GAB-2007 8.500000 7.500000 44.40000 12128.00_GAB-2008 7.000000 8.500000 44.40000 11818.40_GAB-2009 11.00000 7.000000 45.50000 11876.00_GAB-2010 10.70000 11.00000 45.50000 11939.50_GE-2002 110.5000 123.0000 28.90000 11494.00_GE-2003 108.0000 110.5000 28.90000 13803.00_GE-2004 73.00000 108.0000 24.50000 17558.50_GE-2005 57.20000 73.00000 25.70000 17915.10_GE-2006 60.00000 57.20000 25.70000 17152.80_GE-2007 60.00000 60.00000 25.70000 17750.10_GE-2008 27.00000 60.00000 27.40000 17824.90_GE-2009 62.00000 27.00000 25.20000 15406.00_GE-2010 52.20000 62.00000 26.40000 16993.00
_CON-2002 73.00000 74.00000 28.20000 11761.00_CON-2003 72.00000 73.00000 28.20000 11163.00_CON-2004 72.00000 72.00000 28.20000 11209.00_CON-2005 73.70000 72.00000 41.70000 12646.10_CON-2006 85.00000 73.70000 41.70000 13332.40_CON-2007 112.5000 85.00000 41.70000 11032.10_CON-2008 100.0000 112.5000 31.00000 11704.30_CON-2009 133.0000 100.0000 26.90000 13598.10_CON-2010 133.6700 133.0000 29.90000 12111.50_TCHAD-
2002 100.0000 60.50000 42.70000 1600.000
_TCHAD-2003
100.0000 100.0000 42.70000 1708.000
_TCHAD-2004
75.00000 100.0000 42.70000 8746.600
_TCHAD-2005
51.80000 75.00000 42.40000 8741.600
_TCHAD-2006
45.00000 51.80000 40.20000 7872.000
_TCHAD-2007
39.00000 45.00000 38.60000 7280.300
_TCHAD-2008
37.00000 39.00000 34.40000 6465.200
_TCHAD-2009
61.00000 37.00000 35.30000 6059.000
_TCHAD-2010
54.10000 61.00000 37.10000 NA
CMR: Cameroun, GAB: Gabon, CON: Congo, GE: Guinée Equatoriale, TCHAD: Tchad
Annexe 2 : évolution des résidus autour de zéro (0)
Source : de l’auteur à partir du logiciel EVIEWS 4.1