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DOSSIER : MÉDICAMENTS
GÉNÉRIQUES
Quelques articles par André Noël, La
Presse
Les deux premiers articles constituent le
dossier d’enquête publié le 22 février
2003. Les autres articles constituent le
suivi de cette enquête.
La Presse
Nouvelles générales, samedi 22 février
2003, p. A1
Des millions en primes illégales
versés aux pharmaciens
Noël, André
Les fabricants de médicaments
génériques versent chaque année
environ 500 millions de dollars en
ristournes, primes et rabais à 85 % des
pharmaciens du Québec et d'autres
provinces canadiennes plutôt que de
baisser le prix de leurs médicaments,
selon une enquête menée depuis deux
mois par La Presse.
Cette pratique est carrément illégale au
Québec. La Régie de l'assurance-
maladie ( RAMQ ) prépare à ce sujet
d'importantes poursuites judiciaires. Le
Bureau de lutte contre l'évasion fiscale
du ministère québécois du Revenu a
également ouvert un dossier.
Le montant des remises varie entre 35
et 50 % du prix des médicaments,
indique un document interne et
confidentiel d'un fabricant reconnu,
que La Presse a obtenu.
Plus conservateur, l'Ordre des
pharmaciens du Québec évalue ce
pourcentage à 28 %: cette corporation
professionnelle n'a pourtant pris
aucune sanction contre ses membres
qui acceptent les ristournes en violation
du code de déontologie.
Les ventes annuelles de médicaments
génériques ont dépassé 1,8 milliard au
Canada l'année dernière, selon la firme
IMS Health. Cela donne une idée de
l'ampleur des rabais, dont ne profite
pas la population.
Les génériques sont des copies de
médicaments innovateurs dont le
brevet est tombé dans le domaine
public. Par exemple, depuis 1998, au
moins 10 compagnies ont mis sur le
marché des antidépresseurs identiques
au Prozac breveté par la société Eli
Lilly en 1976 et commercialisé en
1989.
À elle seule, la RAMQ a remboursé
l'année dernière 196 millions de dollars
de médicaments génériques aux
personnes qui ne sont pas couvertes par
une police d'assurance privée. Le
ministre de la Santé demande aux
fabricants de lui garantir les meilleurs
prix et remet les listes de prix à jour
trois ou quatre fois par année.
Or, les prix des génériques ne reflètent
en rien les frais de production. Ces
derniers ne représentent qu'une toute
petite fraction du prix, peut-être 10 %,
selon Neil Palmer, de la firme de
consultants Palmer d'Angelo,
spécialisée dans l'industrie
pharmaceutique et basée à Ottawa.
En effet, les fabricants de génériques
ont peu de recherches, d'études
cliniques et de développement à faire:
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les molécules sont décrites en détail
dans les brevets publics. Il reste à
effectuer les tests de bioéquivalence,
qui garantissent à Santé Canada que les
molécules sont identiques à celles des
médicaments d'origine.
"Au Canada, parce que les prix des
génériques sont fixés ( par les
gouvernements ), les fabricants ne se
font pas concurrence sur les prix, mais
sur les autres services et bénéfices
qu'ils peuvent offrir à leurs clients
pharmaciens", note M. Palmer dans un
rapport intitulé Generic Drug Prices: A
Canada US Comparison.
"Ces services et bénéfices peuvent
faire baisser le vrai prix pour les
pharmaciens, mais pas pour les payeurs
ultimes ( les régimes d'assurance-
médicaments gouvernementaux, les
tierces parties ou les patients ), qui
payent les prix publiés."
Les ristournes signifient que la
RAMQ- et les autres polices
d'assurance-médicaments provinciales-
payent des prix artificiellement
gonflés, 156 % plus élevés qu'aux
États-Unis. À titre de comparaison, le
flacon de 500 comprimés de Captopril
de 50 milligrammes- un
antihypertenseur- peut se vendre
seulement 23 $ canadiens aux États-
Unis. Les hôpitaux de Montréal, qui
procèdent par appel d'offres, paient ce
flacon 92 $. La RAMQ, elle, le paie
279 $!
Comme les médicaments génériques
ont tous le même prix, la même
composition, la même forme et la
même couleur, les vendeurs tendent de
se distinguer auprès des pharmaciens
en leur offrant les meilleurs rabais et
cadeaux.
"Pour que tu acceptes ( les
médicaments ) d'une compagnie plutôt
que d'une autre, il faut que tu aies un
avantage à passer leurs produits, a
reconnu un pharmacien de Laval, qui a
requis l'anonymat, lors d'un entretien.
C'est aussi simple que ça. C'est pas
légal de faire ça. Si ça paraît dans le
journal, on va avoir l'air de Joe Bloe,
nous autres."
Informé que La Presse s'apprêtait à
publier un dossier sur ce sujet, hier,
Normand Bonin, président de
l'Association québécoise des
pharmaciens propriétaires, a défendu
l'acceptation des ristournes par la
grande majorité de ses 1500 membres.
"Les fabricants de médicaments
génériques ont recours à des pratiques
commerciales similaires à ce qui se
trouve dans n'importe quel domaine de
distribution de produits de
consommation, a-t-il dit, hier. En
aucun temps, ça n'influence le
jugement des pharmaciens ou
défavorise le patient. Pour les
fabricants, il s'agit d'une dépense de
marketing. La population n'est pas
lésée."
De son côté, Me André-Gaétan
Corneau affirme que cette pratique
entraîne des pertes importantes pour la
RAMQ, mais il se dit incapable d'en
mesurer l'ampleur. Selon l'enquête de
La Presse, ces pertes varient entre 55
et 80 millions par année pour le régime
public québécois seulement.
La Régie doit ensuite partager la
facture entre les contribuables et ses
cotisants, c'est-à-dire 3,2 millions de
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Québécois parmi les moins fortunés,
comme les personnes âgées, les
assistés sociaux et les travailleurs
autonomes ou à faible revenu. Les
compagnies d'assurance-médicaments
privées suivent les prix publiés par la
RAMQ et, par conséquent, paient
également les médicaments trop cher et
doivent elles aussi augmenter leurs
primes.
© 2003 La Presse. Tous droits
réservés.
Numéro de document :
news·20030222·LA·0004
La Presse
Nouvelles générales, samedi 22 février
2003, p. A8
Médicaments: La facture gonflée
Des chèques-cadeaux et des voyages
dans le sud
Noël, André
Quatre fois par année, le représentant
d'une importante compagnie de
médicaments génériques reçoit à son
appartement des liasses de chèques-
cadeaux de la Société des alcools du
Québec, de Loblaws- Provigo, de La
Baie, des Ailes de la mode et de
Costco, d'une valeur totale d'environ
100 000 $.
Le vendeur classe les bons et les insère
dans des enveloppes au nom de
pharmaciens du Grand Montréal. Puis,
au cours des jours suivants, il fait sa
livraison, s'arrêtant à chacune des
pharmacies qui ont vendu les
médicaments au cours des trois mois
précédents. Ses clients échangent
ensuite les chèques contre des
bouteilles de vin à la SAQ, des
vêtements aux Ailes de la mode, etc.
ou encore les offrent à leurs amis ou
aux membres de leurs familles.
Pour convaincre les pharmaciens de
vendre leurs médicaments plutôt que
les médicaments identiques de leurs
concurrents, les vendeurs de
génériques rivalisent d'imagination.
Les ristournes prennent toutes les
formes : chèques-cadeaux, argent
liquide, voyages dans le Sud, appareils
de cinéma-maison, ordinateurs,
voitures, motocyclettes, etc. Peu de ces
rabais sont déclarés à l'impôt.
Les remises les plus " propres "
prennent la forme de " journées santé ".
Des fabricants payent aux pharmaciens
des visites d'infirmières ou de
diététistes dans leurs pharmacies, ainsi
que des tests de diabète ou de
cholestérol. Souvent, les fabricants
remboursent les frais de ces journées
aux pharmaciens à un prix totalement
démesuré, qui n'a rien à voir avec les
services rendus. Par exemple, si un
pharmacien a déboursé 300 $ pour
faire venir une infirmière dans sa
pharmacie, il réclame 1000 $ au
fabricant de génériques.
D'autres vendeurs confient des mots de
passe électroniques à des pharmaciens
pour leur permettre de commander à
peu près n'importe quel bien de
consommation dans des sites Web
confidentiels, selon un système de
points très complexe. Toutes les
commandes de médicaments sont
consignées dans des banques de
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données, ce qui donne droit à un
certain nombre de points et donc
d'achats en ligne.
En décembre dernier, un fabricant a
offert à ses clients pharmaciens et à
leurs conjoints un banquet de Noël à
500 $ le couvert au marché Bonsecours
dans le Vieux-Montréal, suivi d'un
spectacle.
" On estime que le montant des
ristournes est d'environ 500 millions de
dollars par année au Canada, en
excluant les hôpitaux, qui n'en
reçoivent pas, et les quelque 15 % de
pharmaciens qui les refusent pour des
raisons d'éthique professionnelle ", a
indiqué une source très bien informée
au sein de l'industrie, qui a requis
l'anonymat.
" À mon avis, c'est un des scandales les
plus importants au pays. Des centaines
de personnes sont au courant : les
dirigeants et les représentants des
compagnies, la majorité des
pharmaciens et presque toutes les
bannières, comme Pharmaprix et Jean-
Coutu. Pourtant, très peu
d'informations ont circulé jusqu'à
maintenant dans le public. "
La Régie de l'assurance-maladie du
Québec (RAMQ) a lancé une
investigation en profondeur, la
deuxième en cinq ans. Les enquêteurs
ont remis leur rapport le 31 janvier. À
moins d'un revirement inattendu, une
série de poursuites judiciaires seront
déposées contre les principaux
fabricants au printemps prochain, a
confié à La Presse Me André-Gaétan
Corneau, qui est à la fois secrétaire et
procureur en chef de la RAMQ.
Revenu Québec mène également sa
propre enquête.
" Le ministère du Revenu est
sensibilisé au phénomène des
avantages reçus par certains
pharmaciens en lien avec leurs achats
de médicaments, a indiqué à La Presse
Alain Dufour, directeur principal des
enquêtes de Revenu Québec. Le
Bureau de lutte contre l'évasion fiscale
est très conscient de la problématique.
Un dossier a été ouvert à ce sujet."
" À noter que le ministère du Revenu
s'intéresse au traitement fiscal de ces
ristournes par les pharmaciens, lors de
la production de leur rapport d'impôt.
Si le Ministère découvre que l'impôt
n'a pas été payé ou que les taxes n'ont
pas été remises, des cotisations seront
adressées aux personnes fautives. "
Un rappel à l'ordre
Le 23 avril 2002, Me Corneau et
Denyse Demers, directrice du Conseil
consultatif de pharmacologie du
Québec, ainsi que Duc Vu, président
de la RAMQ, ont convoqué les
fabricants de génériques à une réunion
d'information à l'hôtel Delta à
Montréal. Les fabricants étaient
représentés par plus de 50 personnes,
dont certains présidents et vice-
présidents de compagnies établies en
Ontario, parfois accompagnés de leurs
avocats.
"Notre premier objectif, c'est de vous
faire un rappel des dispositions de la
Loi sur l'assurance-médicaments et du
règlement", a alors déclaré Me
Corneau, selon les propos qu'il a
rapportés ensuite à La Presse.
"Notre deuxième objectif, c'est ceci: on
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va relire ensemble l'engagement du
fabricant, ce qu'il contient, pour bien
nous assurer que vous en compreniez à
la fois les limites et la portée... On vous
annonce qu'en ce qui nous concerne, à
la suite des rapports de nos enquêteurs
(sur le système de ristournes), c'est
tolérance zéro. Cette fois-ci, compte
tenu qu'il y a des fabricants qui ont
signé un engagement de ne plus
pécher, nous n'accepterons pas de
discussions avant le dépôt des
procédures judiciaires."
L'engagement du fabricant- inclus dans
un règlement découlant de la loi sur
l'assurance-médicaments- stipule que
le fabricant "ne peut accorder à un
acheteur aucun bien à titre gratuit ou
réduction sous forme de rabais, de
ristourne ou de prime".
Par la suite, Me Corneau a rencontré
les dirigeants de l'Ordre des
pharmaciens à trois reprises, soit les 31
mai, 12 août et 19 novembre. Il les a
informés que la RAMQ est au courant
que de nombreux membres de cette
corporation professionnelle acceptent
des ristournes.
Des ristournes centralisées
Or, le Code de déontologie est limpide
à cet égard: "Un pharmacien doit
s'abstenir de recevoir, en plus de la
rémunération à laquelle il a droit, tout
avantage, ristourne ou commission
relatif à l'exercice de sa profession."
Pourtant, l'Ordre des pharmaciens n'a
déposé aucune poursuite disciplinaire
contre un de ses membres, ce qui
étonne autant les enquêteurs de la
RAMQ que de Revenu Québec.
Mais il y a pire. Me Corneau et Mme
Demers ont confié à La Presse qu'ils
avaient eu vent, l'automne dernier, que
des bannières importantes avaient
décidé de centraliser les ristournes.
Selon ce système, les vendeurs de
génériques n'accorderaient plus les
rabais directement aux pharmaciens
propriétaires, mais les enverraient au
siège social des bannières ou à des
filiales, éventuellement situées hors du
Québec.
Pour les bannières, l'avantage de la
centralisation serait de pouvoir
négocier avec les fabricants de
génériques plus durement que des
pharmaciens propriétaires dispersés,
afin d'obtenir des ristournes encore
plus élevées. Cela pourrait se traduire
par une hausse de profit substantielle,
d'autant plus intéressante si ces revenus
ne sont pas déclarés à l'impôt.
"J'ai demandé à la bannière de trouver
une façon pour qu'elle rende ça légal
(les ristournes), pour que tout le monde
puisse en profiter, a confié un
pharmacien qui détient une franchise
d'une bannière. On a des concurrents
qui peuvent l'utiliser (le système de
ristournes), puis nous autres, on
n'aurait pas le droit? Je vois pas
(pourquoi)."
Selon un scénario à l'étude chez ces
compétiteurs, les détenteurs de
franchise ne toucheraient plus
directement les ristournes, mais
pourraient se voir offrir des actions
dans leur bannière pour compenser la
perte des bénéfices illégaux. Autre
avantage: les risques de voir des
pharmaciens dénoncer ce système de
ristournes aux enquêteurs de la RAMQ
seraient diminués.
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Une enquête en profondeur
La poursuite contre Novopharm révèle
que les enquêteurs ont fait le tour de
150 pharmacies à travers le Québec et
recueilli autant de déclarations
assermentées des pharmaciens, de leurs
comptables ou de leurs employés:
presque tous ont reconnu avoir reçu
des ristournes sous une forme ou une
autre.
Par exemple, le responsable des achats
pour six pharmacies du Saguenay
admettait que Novopharm versait 1200
$ par mois, par pharmacie, depuis
janvier 1995, huit mois par année, pour
"des programmes d'éducation
continue". Au printemps de 1996, trois
pharmaciens et l'épouse d'un quatrième
pharmacien (qui ne pouvait pas y aller)
ont fait un voyage de quatre jours à
San Francisco, voyage payé par
Novopharm.
Selon la poursuite de la RAMQ, Jean
Servais et sa femme Guylaine Leclerc,
également pharmaciens au Saguenay,
reconnaissaient que Novopharm leur
avait remis des chèques pour des
"journées santé" ou des factures
blanches "No Charge" pour des
médicaments, c'est-à-dire ne réclamant
aucun montant.
Toujours selon la poursuite, le gérant
d'une pharmacie de Bedford, en
Montérégie, révélait que, lorsqu'il avait
changé de fournisseur pour
Novopharm, cette compagnie lui avait
remis pour 150 000 $ de médicaments
"No Charge" après lui avoir fait une
vente de 100 000 $. Un pharmacien de
Shawinigan déclarait qu'il obtenait
trois ou six flacons de médicaments
gratuits à chaque achat de 12 flacons.
Toujours selon les déclarations, un
pharmacien d'Amqui, en Gaspésie,
affirmait que Novopharm avait
contribué à la construction de sa
nouvelle pharmacie.
Les enquêteurs de la RAMQ ont dressé
une liste partielle des ristournes: hottes
aseptiques, voyages à l'étranger,
appareils micro-ondes, etc. Le
pourcentage des escomptes semblait
augmenter d'année en année; la RAMQ
l'estimait à environ 15 % en 1997, bien
que les ristournes pouvaient atteindre
25 % sur certains médicaments.
Dans sa poursuite, la RAMQ souligne
que la compagnie Novopharm s'était
engagée à accorder le meilleur prix au
programme public d'assurances-
médicaments. Mais Novopharm "l'a
accordé aux pharmaciens, le meilleur
prix, et le régime public a ainsi perdu
une somme de 10 051 024 $ que la
demanderesse (la RAMQ) a payé en
surplus auprès des pharmaciens",
ajoutait la poursuite. La RAMQ
accusait Novopharm de ne pas avoir
respecté le prix de vente garanti "de
manière délibérée, intentionnelle et
insouciante" et réclamait les 10
millions perdus.
Peu après, le ministre de la Santé Jean
Rochon écrivait au directeur général de
Novopharm, Jacques J. Boisvert, pour
l'informer de son intention de retirer
temporairement à cette firme sa
reconnaissance de fabricant, étant
donné qu'elle avait si allègrement violé
la loi. En clair, cela aurait signifié que
la RAMQ aurait cessé de rembourser
les médicaments Novopharm.
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Des aveux
Novopharm a alors demandé une
injonction. Dans sa re quête, elle faisait
certains aveux, mais en soulignant que
la pratique des ristournes était
généralisée. "Il est en effet de
commune renommée dans le secteur
pharmaceutique de détail au Québec
que le Règlement (sur le prix de vente
garanti) ne serait pas respecté par une
partie importante des fabricants, et ce
au moins depuis le début de 1995 et de
façon constante et croissante depuis".
Novopharm accusait toutefois la
RAMQ de s'être fermé les yeux, puis
de l'avoir seulement ciblée, elle. "Cette
tolérance des autorités réglementaires a
ainsi forcé les fabricants à accroître
leurs méthodes de vente non
respectueuses du Règlement, de crainte
de perdre leurs parts de marché,
contribuant ainsi à une dégradation
générale."
Le retrait de la reconnaissance par le
ministre de la Santé, même temporaire,
aurait été désastreux pour la
compagnie. Le tribunal lui a donc
accordé l'injonction. Par la suite, la
compagnie a négocié une entente à
l'amiable.
Cette entente est secrète, tout comme
les ententes avec les autres fabricants
qui avaient fait l'objet d'une enquête.
Cependant, Me Corneau a dit à La
Presse que les fabricants avaient versé
des dédommagements "de plusieurs
millions de dollars", supérieurs, en fait,
à 10 millions de dollars. Les preuves,
en effet, étaient accablantes. "On avait
des fondements très sérieux, a attesté
Me Corneau. On a déposé 43 caisses
d'exhibits à la Cour!"
La poursuite contre AltiMed
(aujourd'hui Ratiopharm) est toujours
active. Le dossier comprend une lettre
signée par Peter Stevens, directeur
national des ventes. "AltiMed encourt à
l'occasion des dépenses reliées au
divertissement de clients, tel que des
billets de hockey, une partie de golf ou
une soirée au théâtre, écrit M. Stevens.
Ce genre de dépenses fait partie d'une
pratique normale de développement de
la clientèle et n'est pas relié de quelque
manière que ce soit à l'achat de
produits spécifiques."
M. Stevens souligne aussi que
"AltiMed et l'Académie Jean Coutu,
une organisation à but non lucratif,
sont commanditaires d'un programme
visant à conscientiser et renseigner le
public, ce qui implique l'installation
des appareils de mesure de la pression
artérielle CHESS dans les pharmacies
Jean Coutu". Là encore, M. Stevens
assure que "ce programme n'est
aucunement basé sur les ventes".
La loi est pourtant limpide: s'il y a des
"cadeaux" à donner, qu'ils le soient
sous forme de baisse de prix. De
surcroît, le dossier de cour est rempli
de "pièces à conviction": des factures
remises par AltiMed à divers
pharmaciens et marquées du mot
"Rebate", en caractères gras, alors que
les rabais sont clairement illégaux.
Les points sur les i
Lorsqu'elle a accepté de régler les
litiges à l'amiable, la RAMQ a
demandé aux fabri cants de s'engager à
ne plus ja mais accorder de ristournes
et à véritablement garantir le meilleur
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prix de vente. Les représentants de la
RAMQ ont rencontré les dirigeants de
Novopharm à 13 reprises pour mettre
les points sur les i.
Me Corneau, le secrétaire de la
RAMQ, rappelle qu'il a tenu à peu près
ces propos aux représentants des
fabricants: "On a dit bon, nous, dans le
fond, on veut bien régler avec vous
autres. La première condition d'un
règlement, c'est que vous acceptiez de
signer un nouvel engagement, comme
fabricant de médicament, à respecter
les conditions du règlement et la loi sur
l'assurance-médicaments. En d'autre
mots, à reconnaître que les règles de
commercialité au Québec sont très
strictes: c'est tolérance zéro (aucune
ristourne)".
"Après cet épisode-là, on a pensé qu'il
y aurait eu une accalmie sur le terrain,
mais on a lancé d'autres enquêtes,
parce que là, il y avait encore de la
délation qui se faisait, mais de façon
plus discrète, peut-être parce qu'il y
avait du raffinement dans la façon de
faire. Nos enquêtes nous ont amenés à
faire encore des constats de
manquements, même chez ceux qui
avaient été très très très repentants."
Me Corneau a joint les mains dans un
geste de prière et ajouté ceci: "Quand
je mets mes mains comme ça, c'est
parce que j'ai vu, moi, des
représentants de compagnies
pharmaceutiques nous dire: "Bon, eh
puis je veux continuer à vivre sur le
marché, etc. Alors là, on a pris la
décision de convoquer une réunion (la
réunion du 23 avril 2002 à l'hôtel
Delta)."
Des écarts de prix étonnants
Les enquêteurs de la RAMQ ont vérifié
les prix des médica ments génériques
demandés par les pharmacies (et
réclamés à la RAMQ) et les prix payés
par les régies régionales de la santé. Ils
ont constaté un écart impressionnant,
qui prouvait que la RAMQ payait ces
médicaments beaucoup trop chers.
Une pièce déposée au tribunal montre
que, en 1998, Novopharm vendait un
flacon de 500 comprimés de Ranitidine
(un gastro-intestinal) de 150
milligrammes trois fois et demi moins
cher aux hôpitaux des Cantons-de-l'Est
qu'à la RAMQ, soit 60 $ au lieu de 202
$.
La situation n'a guère changé depuis.
Après des semaines de démarche, La
Presse a fini par obtenir la liste de prix
obtenus par Approvisionnements
Montréal, un organisme d'achats
regroupés pour les hôpitaux
montréalais. La comparaison avec les
prix demandés en pharmacie reste
considérable. Dans certains cas, l'écart
s'est même creusé. Les hôpitaux de
Montréal paient 33 $ pour le même
flacon de Ranitidine... et la RAMQ
paie toujours 202 $.
La grande différence, c'est que les
hôpitaux ne se contentent pas de
demander le "meilleur prix", comme le
fait le ministre de la Santé. Ils lancent
des appels d'offre et cherchent à casser
les prix en plaçant les fabricants en
concurrence les uns envers les autres.
En moyenne, les hôpitaux obtiennent
des prix de 40 % moins élevé: or, cela
correspond justement à la moyenne des
ristournes.
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Comment expliquer un tel écart? "On
fonctionne à partir d'un processus
d'achat regroupé, et on octroie au plus
bas soumissionnaire dans un marché où
il s'exerce une certaine compétition",
explique Jean-François Bussières,
pharmacien chef du département de
pharmacie de l'Hôpital Sainte-Justine
et vice-président du comité
médicaments chez Approvisionnement
Montréal.
La province au complet ne devrait-elle
pas procéder elle aussi par appel
d'offres? "Compte tenu de
l'augmentation des coûts de
médicaments, il n'y a pas de doute qu'il
faut envisager de nouvelles approches
pour obtenir les meilleurs prix pour la
population", répond M. Bussières. Des
propos bien diplomatiques... mais qui
ouvrent peut-être la voie à une révision
en profondeur de la Loi sur l'assurance-
médicaments.
COMMENT ÇA MARCHE
LE QUÉBEC, comme les autres
provinces, gère un régime d'assurance-
médicaments public. Trois ou quatre
fois par année, le ministre de la Santé
dresse la liste des médicaments qu'il
accepte de rembourser, après avoir
consulté le Conseil consultatif de
pharmacologie.
Dans les faits, comme les prix des
médicaments brevetés sont fixés par un
organisme fédéral, les provinces
établissent seulement les prix des
génériques.
La Régie de l'assurance-maladie du
Québec (RAMQ) paye le prix le plus
bas, soit celui du produit du fabricant
qui a soumis le prix de vente garanti le
moins cher dans des programmes
provinciaux d'assurance-médicaments.
En pratique, le Québec se fie souvent
aux prix établis en Ontario.
Pour bien des médicaments, l'Ontario
établit le prix des premiers génériques
qui arrivent sur le marché à 70 % du
prix des innovateurs, puis à 63 % pour
les génériques suivants. Ainsi, le
Prozac original, de la compagnie Eli
Lilly, est remboursé à 802,50 $ pour un
format de 500 comprimés de 20
milligrammes. Le premier générique se
vend 541,65 $, soit 70 % de ce prix, et
tous les autres se vendent 505,60 $, ou
63 %.
Les fabricants de génériques n'ont bien
sûr aucun intérêt à offrir des prix plus
bas, puisque la RAMQ et les autres
régimes provinciaux assurent des
remboursements à des prix fixes. En
général, les compagnies d'assurances
privées se basent sur ces prix pour
rembourser leurs clients.
Les Québécois qui ne sont pas couverts
par une police privée- 3,2 millions de
personnes- doivent payer une prime
pour être couverts par le régime public
lors de leur déclaration d'impôt. La
prime varie de 0 $ à 422 $ en fonction
du revenu familial.
La personne couverte par le régime
public doit de surcroît payer une
contribution lorsqu'elle achète un
médicament assuré en pharmacie.
Celle-ci varie de 0 $ (pour les enfants
et les assistés sociaux qui ne peuvent
pas travailler) à 68,50 $ par mois (pour
les adultes qui ne vivent pas de
l'assistance sociale).
Le pharmacien présente ensuite des
10
factures pour les médicaments à la
RAMQ. La RAMQ lui verse 7,65 $
pour chaque ordonnance délivrée. Au
delà de 20 000 ordonnances, cet
honoraire est diminé à 7,15 $. La
RAMQ rembourse aussi le médicament
au prix fixé par le ministre. Cela doit
correspondre au vrai prix que le
pharmacien a payé au fabricant, d'où
l'interdiction des rabais, primes et
ristournes.
En effet, dès 1996, la RAMQ a eu vent
que des ristournes étaient offertes par
plusieurs grands fabricants et vendeurs
de génériques. Neuf enquêteurs ont
travaillé d'arrache-pied pour accumuler
assez de preuves pour que des
poursuites soient intentées. Ils se sont
intéressés aux compagnies suivantes :
Apotex, Novopharm, Genpharm,
Pharmascience, Prodoc, AltiMed et
Technilab (depuis, AltiMed a été
acheté par Technilab, qui a à son tour
été acheté par Ratiopharm).
Certains d'entre eux ont consacré plus
d'une année de travail à cette tâche.
L'investigation s'est terminée le 31 août
1998. Trois fabricants, non identifiés,
ont accepté de payer des
dédommagements à la RAMQ avant
même le dépôt des poursuites.
Cependant, des poursuites ont été
déposées contre Novopharm le 15
septembre 1998 et contre AltiMed le
22 février 1999.
L'INDUSTRIE DÉFEND SES
PRATIQUES
ACCUSÉS de pratiques illégales, les
fabricants de médicaments génériques
répliquent en faisant valoir que toute
industrie a le droit d'avoir des
stratégies de mise en marché.
C'est en tout cas la position de David
Windross, vice-président aux affaires
gouvernementales et professionnelles
chez Novopharm, un des fabricants les
plus importants avec Apotex,
Genpharm et Pharmascience.
"Les représentants des fabricants de
médicaments brevetés tentent
d'influencer les médecins par tous les
moyens- programmes d'éducation
continue, repas, voyages- pour qu'ils
prescrivent leurs médicaments, et les
pharmaciens n'ont pas d'autre choix
que de vendre ces médicaments",
affirme M. Windross.
"Pour ce qui est du marché, les
pharmaciens font plus affaire avec les
compagnies génériques. Nous traitons
avec ces professionnels en leur offrant
des programmes, des services et
d'autres moyens de marketing pour
nous assurer que nos produits sont bien
positionnés en termes d'efficacité, de
qualité et de disponibilité."
Jim Keon, président de l'Association
canadienne du médicament générique,
a déclaré ceci: "Je sais que des
compagnies se concurrencent entre
elles et qu'elles offrent des primes et
des programmes éducatifs. Elles
essaient de développer la loyauté de
leurs clients (les pharmaciens). Les
compagnies discutent (de ces
pratiques) avec la RAMQ de façon
continue."
Richard Mayrand, vice-président,
activités professionnelles, chez la
bannière Jean Coutu, affirme que la
Loi sur l'assurance-médicaments du
Québec est ainsi faite qu'elle pousse
11
tout le monde- fabricants et
pharmaciens- à commettre des gestes
non réglementaires. Le principal
concurrent de Jean Coutu a centralisé
la distribution des médicaments... ainsi
que les ristournes, a-t-il ajouté.
"Quand nos concurrents ont des
pratiques que nous, on dénonce depuis
quatre ans, et qu'il ne se passe rien,
qu'est-ce qu'on est censé faire? On est
une compagnie publique... Nos
actionnaires s'attendent à ce qu'on fasse
tout en notre pouvoir, de façon légale,
pour maximiser le retour sur
l'investissement. C'est sûr qu'on a
étudié la centralisation (des ristournes),
mais le problème n'est pas là. Le
problème, c'est qu'on a un système
(réglementaire) totalement déficient".
De son côté, le président de l'Ordre des
pharmaciens, Paul Fernet, a déclaré
ceci: "Nous avons des informations à
l'effet que des pharmaciens reçoivent
des sommes qui leur sont versées par
des compagnies génériques ou d'autres
compagnies. Nous avons écrit à
plusieurs reprises à nos membres pour
leur souligner leurs obligations
déontologiques."
"D'autre part, nous travaillons en
collaboration déjà depuis plusieurs
mois avec la RAMQ pour trouver des
façons d'améliorer, quand il y a lieu,
les comportements de nos membres
dans ce dossier. Et nous faisons tout ce
qu'il est possible de faire, comme ordre
professionnel, pour nous assurer, car
c'est notre seul mandat, la protection
du public, ce qui implique que nos
membres doivent avoir une conduite
respectueuse et intègre dans l'exercice
de leur profession."
M. Fernet a ajouté que, à sa
connaissance, aucune plainte n'a été
déposée par le syndic contre des
membres de l'Ordre en rapport avec les
ristournes, bien que des preuves à cet
égard aient été recueillies par des
enquêteurs de la RAMQ et déposées au
tribunal.
LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS
COURANTS EN PHARMACIE ET
DANS LES HÔPITAUX
Médicament / Fabricant / Prix payé
par la RAMQ (100 comprimés) /
Prix payé par les hôpitaux (100
comprimés)
Amoxicilline-250 mg / Apotex /
10,32$ / 3,40$
Atenolol-50 mg / Genpharm / 35,13$ /
11,31$
Carbamazepine-400 mg /
Pharmascience / 41,94$ / 11,66$
Fluoxetine-10 mg / Genpharm /
117,73$ / 48,12$
Lorazepam-2 mg / Novopharm / 7,74$
/ 1,16$
Note : Les hôpitaux de Montréal,
comme tous les hôpitaux au Québec, se
regroupent et obtiennent des prix plus
bas que la Régie de l'assurance-
maladie du Québec parce qu'ils lancent
des appels d'offres.
Source : RAMQ et Approvisionnements
Montréal
12
LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS
COURANTS AU CANADA ET
AUX ÉTATS-UNIS
Médicament / Prix au Canada (100
comprimés) / Prix aux É.-U. en $
canadiens (100 comprimés)
Acyclovir-200 mg / 87,83$ / 12,44$
Captopril-50 mg / 55,90$ / 4,64$
Cyclobenzaprine-10 mg / 37,65$ /
12,29$
Famotidine / 106,12$ / 19,40$
Ipratopium-0,25mg/ml / 75,50$ /
18,04$
Source : Palmer D'Angelo Consulting
Inc., Generic Drug Prices : A Canada
US Comparison, Août 2002.
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news·20030222·LA·0015
La Presse
Nouvelles générales, mardi 25 février
2003, p. A5
Médicaments: les Québécois sont
indignés
Noël, André
MICHEL Tessier est un des nombreux
Québécois qui ont réagi avec
indignation en apprenant, dans La
Presse, que les fabricants de
médicaments génériques offrent des
centaines de millions de dollars chaque
année en primes, rabais et ristournes
aux pharmaciens propriétaires plutôt
que de baisser le prix des médicaments.
"Mon travail consiste entre autres à
expliquer aux gens les plus vulnérables
de la société, c'est-à-dire des retraités
et des contribuables avec des emplois à
statut précaire, la justification et le
mécanisme des primes propres à
l'assurance-médicaments du Québec
via leurs déclarations de revenus",
explique M. Tessier, qui est agent de
renseignements pour Revenu Québec à
Saint-Jean-sur-Richelieu.
"Désormais, comment justifier cette
contribution, lorsqu'on voit que les prix
élevés des médicaments et des primes
s'expliquent en partie par des
magouilles? a-t-il demandé lors d'un
entretien. L'année dernière, le
gouvernement a décidé d'embaucher du
personnel supplémentaire afin de
traquer les fraudeurs de l'impôt qui ne
payaient pas leurs primes à l'assurance-
médicaments du Québec."
"Eh! bien, que le gouvernement
s'attaque maintenant à tous ces bonzes
de l'industrie qui ont violé les lois et
leur code déontologique afin que les
montants soient récupérés et que les
primes des cotisants soient réduites
pour les prochaines années."
La Presse a reçu un important courrier
de lecteurs outrés par ces révélations
(voir page A-13). "Le pire, c'est que le
même gouvernement qui paye 33 $
pour une bouteille de pilules pour un
hôpital de Montréal accepte de payer
202 $ lorsque ces pilules sont vendues
13
par une pharmacie", s'indigne Réjean
Rioux, de Saint-Luc.
"Plutôt que de convoquer des réunions
et demander aux compagnies de cesser
ce petit jeu, qu'attend le gouvernement
pour décréter une baisse immédiate des
prix des génériques d'au moins 40 %,
l'industrie ayant prouvé hors de tout
doute qu'elle peut faire des profits sans
cet argent."
"Les abus des pharmaciens
(propriétaires) sont d'autant plus
odieux que ces marchands traquent
avec hargne les chapardeurs à l'étalage,
ajoute Michel Thibault, de
Châteauguay. Ouvrir une simple boîte
dans une pharmacie et la remettre sur
la tablette peut coûter très cher.
L'automne dernier, une pharmacie de
Châteauguay a mis en demeure un
client de lui payer 165 $ pour avoir
enlevé l'étiquette de sécurité d'une
boîte sans l'acheter. L'article valait 4,99
$."
"Exigeons que les pharmaciens fautifs
remboursent à l'État, c'est-à-dire à
l'ensemble des Québécois, tous les
dommages causés, incluant les salaires
des enquêteurs de la Régie de
l'assurance-maladie et du ministère du
Revenu. Un recours collectif ne serait-
il pas envisageable?"
Dans une lettre ouverte aux
pharmaciens propriétaires du Canada,
François Tremblay, de Montréal, écrit:
"Vous volez les contribuables et les
gouvernements par centaines de
millions et en plus vous avez le front
de nous dire: La population n'est pas
lésée! Vous devriez avoir honte de
profiter non seulement des
contribuables, mais en plus de le faire
sur le portefeuille de ceux qui sont
malades, à l'heure où nos services de
santé souffrent de sous-financement.
Ces sommes volées auraient
grandement contribué à réduire les
listes d'attente."
"J'ai compris enfin pourquoi les
mamans oiseaux réussissent toujours à
nourrir leurs petits; elles ne passent
jamais chez le pharmacien", écrit, avec
une pointe d'humour, Serge
Vaillancourt, de Montréal.
Le président de l'Ordre des
pharmaciens du Québec, Paul Fernet, a
refusé de faire des déclarations hier,
même s'il avait lui-même donné
rendez-vous à un journaliste de La
Presse dans ses bureaux.
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Nouvelles générales, mercredi 26
février 2003, p. A1
Legault veut faire baisser le prix des
médicaments génériques
Noël, André
LE GOUVERNEMENT du Québec a
décidé de faire baisser le prix des
médicaments génériques, trop élevés
lorsqu'on les compare aux prix payés
aux États-Unis et dans d'autres pays, a
indiqué le ministre de la Santé,
François Legault, au cours d'un
14
entretien avec La Presse, hier.
Autre développement: deux requêtes
pour autorisation d'exercer un recours
collectif ont été déposées au palais de
justice de Montréal contre les
principaux fabricants de médicaments
génériques, qui préfèrent verser des
primes illégales aux pharmaciens
plutôt que de diminuer leurs prix.
Citant une enquête publiée par La
Presse samedi, une des deux requêtes
réclame une somme de 250 millions de
dollars qui serait distribuée parmi tous
les Québécois qui ont vu leurs primes
d'assurance-médicaments augmenter à
cause des primes illégales. La requête
vise également l'Ordre des
pharmaciens, accusé de n'avoir pas agi
pour mettre fin à cette pratique.
De son côté, le président de l'Ordre,
Paul Fernet, a reconnu en conférence
de presse que la pratique des ristournes
s'était aggravée ces derniers mois. Le
syndic de cette corporation mène des
investigations et déposera
vraisemblablement des plaintes au
comité de discipline de l'Ordre, a
ajouté M. Fernet.
Réagissant également à l'enquête de La
Presse, M. Legault a déclaré ceci: "On
va s'assurer de revoir les mécanismes
des prix des médicaments génériques,
car il semble qu'il y aurait une marge
de manoeuvre qui pourrait nous
permettre de diminuer ces prix. Est-ce
que ce sera des mécanismes d'appels
d'offres? Est-ce que ce sera une
comparaison avec d'autre pays? Je ne
le sais pas."
"Par contre, j'avoue que l'approche
qu'on avait prise- de négocier le prix le
plus bas au Canada-, ça nous a joué des
tours", a ajouté le ministre, les prix
étant trop élevés dans l'ensemble des
provinces canadiennes. Selon la firme
de consultants Palmer d'Angelo,
d'Ottawa, les prix des 25 médicaments
génériques les plus vendus sont 156 %
moins élevés aux États-Unis qu'au
Canada.
"J'ai demandé au ministère et à la
Régie de l'assurance-maladie du
Québec de me faire des
recommandations. Lorsqu'on compare
les prix des médicaments innovateurs
(brevetés) avec les États-Unis, ils sont
très compétitifs (au Québec). Par
contre, le prix des génériques est plus
élevé. Il semble y avoir des ristournes
offertes sur une base assez étendue
pour nous questionner sur le fait qu'on
devrait peut-être revoir les pratiques.
On n'exclut rien. Il faudrait avoir
d'autres bases de comparaison qu'avec
les autres provinces."
Le ministre a ajouté que la RAMQ
allait déposer d'ici juin des poursuites
contre les fabricants de médicaments
génériques qui ont violé la Loi sur
l'assurance-médicaments en offrant des
ristournes. "La RAMQ sera intraitable,
a-t-il assuré. Toutes les poursuites qui
devront être prises seront prises. On ne
s'arrêtera pas en chemin. On a
accumulé une preuve, et on va aller
jusqu'au bout avec des poursuites
contre les compagnies concernées."
Le premier ministre Bernard Landry a
juré qu'il entendait aller au fond de
l'histoire révélée par La Presse,
"d'abord pour une question de finances
publiques, mais aussi pour une
question d'éthique". Comme bien
d'autres personnes, M. Legault a reçu
15
des informations selon lesquelles
d'importantes chaînes de pharmacies
auraient décidé de centraliser les
ristournes. "Si c'est le cas, ce serait
inacceptable", a martelé le ministre.
M. Fernet a tenu des propos
semblables. Il a averti hier que ces
chaînes s'exposeraient à des poursuites.
"Si des tiers non pharmaciens
s'immiscent dans un processus d'achat
des médicaments pour en tirer des
bénéfices, ils sont très certainement en
infraction", a dit M. Fernet. Seuls les
pharmaciens-propriétaires sont
autorisés légalement à acheter des
médicaments.
Le code de déontologie interdit aux
pharmaciens d'accepter ces ristournes,
mais, donnant une interprétation très
large de cette disposition, M. Fernet a
dit que l'interdiction s'appliquait
seulement si les patients étaient lésés.
Giuseppina Piro, une résidante de
Laval, affirme, dans sa requête pour
recours collectif, que l'Ordre n'a pas
appliqué le code de déontologie, qui a
pourtant force de loi. La requête,
déposée par le cabinet d'avocats Kugler
Kandestin, vise également les
compagnies Novopharm, Genpharm,
Apotex, Ratiopharm et Pharmascience.
La requête de Julie Ladouceur, une
résidante de Lachine, déposée par le
cabinet Belleau Lapointe, ajoute la
compagnie Pro-Doc.
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news·20030226·LA·0002
La Presse
Nouvelles générales, jeudi 27 mars
2003, p. A1
Québec subventionne une compagnie
à qui la RAMQ réclame un million
Noël, André
LE GOUVERNEMENT québécois a
accordé une subvention de 2,4 millions
à un fabricant de médicaments
génériques à qui la Régie de
l'assurance-maladie du Québec réclame
un million de dollars, dans une
poursuite qu'elle laisse traîner depuis
quatre ans, a appris La Presse
En février 1999, la RAMQ réclamait
984 656 $ à la firme Altimed. Le motif:
cette entreprise aurait offert des rabais
et des ristournes aux pharmaciens
plutôt que d'en faire profiter la RAMQ,
qui remboursait ensuite les
pharmaciens au prix fort. Si, un jour,
cette allégation est prouvée devant le
tribunal, il s'agirait d'une violation
flagrante de la loi sur l'assurance-
médicaments.
Quatre ans plus tard, la poursuite dort
toujours dans la salle des dossiers du
palais de justice de Québec. La RAMQ
est beaucoup plus diligente lorsqu'il
s'agit de poursuivre des citoyens. Par
exemple, elle a donné 45 jours à un
diabétique pour lui payer une dette de
10 000 $, soit le montant d'un
remboursement auquel ce diabétique
n'aurait pas eu droit pour ses
médicaments, a révélé un reportage de
l'émission La Facture à Radio-Canada,
mardi.
L'année dernière, la RAMQ a envoyé
16
des missives à des enfants de 12, 14, et
17 ans en les menaçant de les priver de
la gratuité des soins de santé s'ils ne
remboursaient pas une dette qu'ils
auraient contractée auprès du régime
public d'assurance-médicaments.
La compagnie Altimed a fait l'objet
d'une enquête de la RAMQ en 1997,
qui visait également quatre autres
fabricants de médicaments génériques.
En vertu de règlements à l'amiable, ces
quatre fabricants ont payé plus de 10
millions de dollars à la RAMQ parce
qu'ils avaient violé la loi sur
l'assurance-médicaments, en offrant
des rabais illégaux aux pharmaciens.
Altimed fait figure d'exception, n'ayant
rien eu à payer jusqu'à maintenant.
Toujours au cours de l'hiver 1999,
Altimed a été achetée par la firme
Technilab, qui héritait de la poursuite
d'un million. Fait à signaler: avant
d'entrer en politique, le ministre
François Legault a été membre du
conseil d'administration et actionnaire
de Technilab en 1997 et en 1998.
M. Legault a indiqué à La Presse, cette
semaine, qu'il s'était retiré du conseil
d'administration et départi de ses
actions de Technilab avant d'accéder
au Conseil des ministres en septembre
1998, six mois avant le dépôt de la
poursuite.
Néanmoins, les principaux dirigeants
de Technilab ont contribué à la caisse
électorale du Parti québécois dans sa
circonscription de Rousseau ( région de
Lanaudière ), en 1998, 1999 et 2001.
Technilab a par la suite été achetée par
l'entreprise allemande Ratiopharm, qui,
à son tour, a hérité de la poursuite
déposée un an et demi plus tôt par la
RAMQ contre Altimed. En mai
dernier, la ministre des Finances,
Pauline Marois, a annoncé le
versement d'une subvention de 2,4
millions à Ratiopharm, par le
truchement d'Investissement Québec...
alors que la RAMQ réclamait toujours
de cette société la somme de 984 656 $
( plus les intérêts ).
"Le gouvernement du Québec est fier
d'appuyer Ratiopharm, une entreprise
qui contribue de manière importante
non seulement au développement
économique de la région ( Ratiopharm
a une usine à Mirabel, NDLR ), mais
aussi à celui du Québec", a déclaré
Mme Marois à cette occasion.
"J'ai pris connaissance de la subvention
d'Investissement Québec à Ratiopharm
en lisant le journal, a dit M. Legault,
ministre de la Santé depuis janvier
2002, au cours d'un entretien avec La
Presse cette semaine. Je n'ai jamais été
consulté à ce sujet." ( Le Devoir a
publié la nouvelle de la subvention le 7
mai 2002, sans mentionner la poursuite
de la RAMQ, une information alors
méconnue. )
M. Legault a par ailleurs assuré qu'il
n'est jamais intervenu auprès du
contentieux de la RAMQ, par exemple
pour protéger une compagnie. La
Presse n'a d'ailleurs aucune indication
quant à une pareille intervention. M.
Legault a ajouté qu'il trouvait injuste
que l'on rappelle, dans le présent
article, qu'il a été administrateur et
actionnaire de Technilab ( qui a acheté
Altimed ).
"Le fait de mettre ces informations
bout à bout laisse entendre des choses
17
qui sont fausses, a-t-il dit. Je n'ai plus
aucun intérêt dans aucune compagnie
depuis que je suis ministre. Jusqu'à ce
que vous me l'appreniez, j'ignorais
même qu'Altimed avait été achetée par
Technilab. Des dirigeants de Technilab
ont contribué à ma caisse électorale
parce qu'il s'agissait d'amis: il n'y a là
rien d'anormal."
Me Guy Corneau, secrétaire et
procureur de la RAMQ, a dit à La
Presse qu'il n'avait jamais subi de
pressions de M. Legault ou d'aucun
autre ministre dans ses dossiers.
"Même si aucune procédure n'apparaît
dans le dossier d'Altimed depuis le 1er
juin 1999, cela ne signifie pas que nous
n'avons rien fait", s'est-il défendu.
"Altimed a tenté de faire une
proposition d'entente, mais nous
l'avons trouvée inacceptable, a-t- il
ajouté. Par la suite, il y a eu plusieurs
discussions entre les procureurs des
deux parties. La défenderesse (
Altimed, qui est devenue Technilab,
puis Ratiopharm ) a fait valoir qu'elle a
proposé des rabais avant que les
médicaments ne soient publiés dans la
Liste des médicaments remboursés par
la Régie."
Selon la poursuite, toutefois, les rabais
et ristournes ont été accordés aux
pharmaciens après que les
médicaments aient été publiés dans la
liste. Les pharmaciens ont réclamé des
remboursements à la RAMQ à des prix
plus élevés que ce qu'ils avaient payé à
Altimed.
Me Corneau a convoqué Me Philippe
Frère, avocat d'Altimed (maintenant
Ratiopharm), le 6 février dernier.
"Nous lui avons dit: ou bien vous
proposez un règlement acceptable pour
nous, ou bien vous produisez votre
défense, au plus tard en avril ou en mai
prochain", a confié Me Corneau, cette
semaine.
En mars 1999, un mois après la
signification de la poursuite, Altimed a
déposé une requête en irrecevabilité.
Un juge a rejeté la requête le 27 mai
suivant, en indiquant que la cause
devrait être débattue sur le fond.
Altimed avait ensuite 10 jours pour
produire sa défense, mais la compagnie
ne l'a pas fait. La RAMQ aurait pu
demander une inscription "ex-parte"
pour défaut de produire une défense,
mais elle n'a pas fait cette démarche. Il
n'y a pas eu d'interrogatoires
préalables, ni d'entente à l'amiable.
Quatre juristes qui connaissent bien le
Code de procédure civile ont indiqué
qu'il était inhabituel qu'un demandeur-
en l'occurrence la RAMQ- ne fasse
aucune démarche au tribunal pour
accélérer les procédures, quatre ans
après avoir déposé sa poursuite.
"Ce n'est sûrement pas normal", a
déclaré Me Marie-France Bich,
professeur à la faculté de droit de
l'Université de Montréal ( Me Bich ne
répondait pas à des questions précises
sur le litige entre la RAMQ et Altimed,
mais à des questions théoriques. Les
trois autres juristes, informés du litige,
ont cependant eu la même réaction,
mais ont demandé de ne pas être cités.)
Me Philippe Frère, avocat d'Altimed
(maintenant Ratiopharm), a dit qu'il
ignorait pourquoi la RAMQ n'avait pas
tenté d'accélérer les procédures contre
son client. "C'est au demandeur (la
RAMQ) de mener son dossier de façon
18
diligente s'il veut le mener de façon
diligente, ou de se traîner les pieds s'il
veut se traîner les pieds. Je ne sais pas
pourquoi il n'y a pas diligence."
La RAMQ s'apprête à déposer une
série de nouvelles poursuites contre les
fabricants de médicaments génériques
qui ont offert des primes, ristournes et
rabais illégaux, en violation de la loi
sur l'assurance-médicaments. Selon
une enquête réalisée par La Presse,
cette pratique de rabais prive la RAMQ
d'environ 80 millions de dollars par
année, une facture que doivent ensuite
éponger les contribuables et les
cotisants au régime d'assurance-
médicaments public.
Lorsque La Presse a révélé ce
scandale, le 22 février dernier, le
ministre François Legault avait déclaré
ceci: "La RAMQ sera intraitable.
Toutes les poursuites qui devront être
prises seront prises. On ne s'arrêtera
pas en chemin. On a accumulé une
preuve, et on va aller jusqu'au bout
avec des poursuites contre les
compagnies concernées."
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réservés.
Numéro de document :
news·20030327·LA·0002
La Presse
Actualités, vendredi 28 mars 2003, p.
B5
Élections 2003
Le PLQ exige des explications sur
une poursuite qui traîne à la RAMQ
Noël, André
LE PARTI libéral du Québec a exigé
des explications hier sur une poursuite
d'un million de dollars déposée il y a
plus de quatre ans par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec contre
un fabricant de médicaments
génériques, et qui semble traîner en
longueur.
Selon la poursuite, la compagnie
Altimed a offert des rabais aux
pharmaciens plutôt que d'en faire
profiter la RAMQ, qui a remboursé
ensuite les pharmaciens au prix fort.
Une telle pratique est interdite par la
Loi sur l'assurance-médicaments.
Altimed a par la suite été rachetée par
Technilab, une compagnie dont
François Legault a été administrateur et
actionnaire avant d'entrer en politique.
M. Legault a indiqué à La Presse,
mardi, qu'il avait coupé tous ses liens
avec cette compagnie lorsqu'il est
devenu ministre. Il n'existe d'ailleurs
aucune preuve qu'il soit intervenu
auprès des services juridiques de la
RAMQ.
"Il ne suffit pas de dire qu'il n'a plus de
lien avec cette compagnie, a déclaré
hier Jean-Marc Fournier, candidat du
PLQ dans la circonscription de
Châteauguay. M. Legault doit
19
expliquer pourquoi la poursuite est
arrêtée depuis quatre ans alors que les
avocats de la compagnie avouent que
la RAMQ se traîne les pieds et que les
juristes interrogés estiment que cela est
anormal. Pourquoi cette compagnie
est-elle la seule qui bénéficie d'un tel
arrêt?"
Le procureur en chef de la RAMQ, Me
Guy Corneau, a répliqué hier que la
poursuite était toujours active. "À titre
d'exemple, la Régie a mis trois ans et
demi avant de conclure un règlement à
son avantage avec la société
Novopharm", a souligné Me Corneau.
M. Fournier a dit que cette
comparaison ne tenait pas. Il a indiqué
qu'il y avait eu 32 inscriptions au
dossier de Novopharm, alors qu'il y en
a eu seulement neuf à celui d'Altimed,
et aucune depuis juin 1999. Le député
libéral a par ailleurs accusé le premier
ministre Bernard Landry d'avoir laissé
traîner tout le dossier des ristournes
illégales qui, selon une enquête publiée
par La Presse en février, pourrait
coûter 80 millions de dollars par année
à la RAMQ et, par ricochet, aux
Québécois.
Un communiqué publié par
Investissement Québec et daté du 6
mai 2002, diffusé sur le site Web de
cette agence gouvernementale, indique
une subvention de 2,4 millions à la
compagnie Novopharm, qui a hérité de
la poursuite d'un million en achetant à
son tour Technilab (qui avait acheté
Altimed). Nicole Bastien, l'attachée de
presse de la ministre des Finances
Pauline Marois, a affirmé hier que la
subvention avait été annoncée, mais
n'avait finalement pas été versée.
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réservés.
Numéro de document :
news·20030328·LA·0046
La Presse
Actualités, mardi 22 avril 2003, p. A9
SCANDALE DES MÉDICAMENTS
GÉNÉRIQUES
Un important fabricant refuse de
dévoiler ses contrats avec les
pharmacies Pharmascience s'adressera à la Cour
supérieure pour contrecarrer l'ordre
judiciaire de la RAMQ
Noël, André
Pharmascience, principal fabricant de
médicaments génériques au Québec,
s'adresse à la Cour supérieure pour ne
pas avoir à remettre des documents
potentiellement compromettants à la
Régie de l'assurance-maladie du
Québec (RAMQ). Selon la Régie, ces
documents prouveraient que cette
compagnie verse des primes illégales
aux pharmacies.
La RAMQ a ouvert une vaste enquête
sur plusieurs fabricants de
médicaments génériques (des copies de
médicaments brevetés), dont
Pharmascience, Ratiopharm,
Novopharm et Apotex. Elle croit que
plutôt que de baisser leurs prix, ils
offrent tous des rabais et des ristournes
aux pharmacies pour les convaincre de
vendre leurs produits.
La loi sur l'assurance-médicaments
exige que les fabricants offrent le prix
le plus bas à la RAMQ, et non aux
20
pharmaciens, lorsqu'ils veulent inscrire
leurs produits à la liste des
médicaments remboursés par le régime
public. Sinon, la RAMQ se trouve à
payer des dizaines de millions en trop-
probablement plus de 60 millions par
année- parce que les prix sont gonflés.
Le 11 novembre dernier, l'enquêteur
André Simard a envoyé un subpoena
duces tecum (un ordre judiciaire de
remettre un document) à
Pharmacience, dont l'usine est située
près de l'Hippodrome de Montréal. M.
Simard demandait la liste des
pourcentages de rabais accordés pour
chacun de ses médicaments et des
produits des autres compagnies qu'elle
fabrique sous licence (Alcon, Berlex,
Fournier, Hoffman-Laroche, Lily,
Novartis et Shering).
L'enquêteur de la RAMQ exigeait "une
copie du système informatique qui sert
à calculer les pourcentages accordés
aux pharmaciens, aux grossistes et aux
chaînes de magasin (Zellers, Wal-Mart
et Costco)", ainsi que la liste des codes
pour déchiffrer les données
informatiques. La requête était très
précise. M. Simard demandait un
système informatique intitulé System
Ross for Trade Allowance. Enfin, il
réclamait des copies de contrats signés
par Pharmascience relativement aux
rabais.
Entre-temps, La Presse a publié une
enquête-choc sur les ristournes, qui a
semé un vent de panique chez les
fabricants de médicaments génériques
et les chaînes de pharmacies. Selon un
document interne d'un fabricant,
obtenu par notre journal, les ristournes
s'élèvent à 500 millions de dollars par
année au Canada. Les victimes de ce
scandale sont les clients des régimes
d'assurance privés et publics (soit
presque tout le monde): les prix
artificiellement élevés des
médicaments se répercutent sur les
primes.
Les ristournes prennent plusieurs
formes: voyages et croisières (en
Russie, en Italie, dans les pays chauds),
appareils de cinéma maison, voitures,
camping-cars, motocyclettes, oeuvres
d'arts, certificats cadeaux de la Société
des alcools, de la Baie, Costco,
Loblaws, etc.
Souvent, ces primes sont calculées par
d'astucieux programmes informatiques.
La grande majorité des pharmaciens
propriétaires les acceptent, même si
cela leur est interdit par leur code de
déontologie. Seule une minorité
déclarent ces revenus à l'impôt.
Le ministère québécois du Revenu
enquête sur les fausses déclarations de
nombreux pharmaciens. La RAMQ,
elle, prépare des poursuites judiciaires
contre les principaux fabricants, afin de
leur réclamer des dédommagements de
millions de dollars. C'est dans ce but
qu'elle a demandé des documents et
des copies de systèmes informatiques à
Pharmascience.
Ce fabricant a carrément refusé
d'obtempérer, ce qui ne s'est jamais vu.
Pharmascience a déposé sa requête
"pour faire annuler un subpeona duces
tecum" le 2 avril dernier au palais de
justice de Montréal. La compagnie
conteste la constitutionnalité des
démarches entreprises par le service
d'enquête de la RAMQ.
Pharmascience invoque les chartes
21
canadienne et québécoise des droits
ainsi que la Loi constitutionnelle de
1982. La requête cite ces articles de la
Charte canadienne: "Chacun a droit à
la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à
ce droit qu'en conformité avec les
principes de justice fondamentale";
"Chacun a droit à la protection contre
les fouilles, les perquisitions ou les
saisies abusives".
De son côté, le subpoena présenté par
l'enquêteur André Simard- reproduit
dans la requête de Pharmascience- cite
la Loi sur la RAMQ, qui "interdit
d'entraver un inspecteur ou un
enquêteur de la Régie dans l'exercice
de ses fonctions". Les enquêteurs de la
Régie sont par ailleurs couverts par la
Loi sur les commissions d'enquête,
laquelle interdit à quiconque de refuser
de produire des documents lorsque
ceux-ci sont requis.
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news·20030422·LA·0025
La Presse
Actualités, vendredi 9 mai 2003, p. A5
Coût des médicaments: une coalition
demande une enquête
Noël, André
LES DÉPENSES en médicaments
d'ordonnance, par habitant, sont plus
élevées au Québec que dans toutes les
autres provinces canadiennes, selon de
récentes statistiques. La forte
croissance de ces débours doit faire
l'objet d'une enquête publique, a
déclaré hier une coalition de 85
dirigeants d'organisations sociales,
médecins et personnalités, dont
l'ancien ministre de la Santé, Denis
Lazure.
Il s'est dépensé 420 $ par habitant en
médicaments au Québec en 2000,
contre une moyenne canadienne de 380
$, selon des données de l'Institut
canadien de santé publique. Le régime
québécois d'assurance-médicaments et
les autres programmes publics de
services pharmaceutiques ont coûté 1,7
milliard en 2001-02, contre 876
millions en 1997-98: une augmentation
de presque 20 % par année.
Les médecins pour la justice sociale,
comme le Dr Amir Khadir, et les autres
membres de la Coalition Solidarité
Santé croient que ces augmentations
faramineuses sont provoquées en
bonne partie par des pratiques
douteuses de l'industrie
pharmaceutique.
"Il est connu que les compagnies
pharmaceutiques investissent deux fois
plus en marketing qu'en recherche, a
déclaré hier la porte-parole de la
Coalition, Marie Pelchat. Or, la facture
de cette surenchère est directement
refilée aux consommateurs. Elle a une
incidence sur le coût des primes des
différents régimes d'assurance-
médicaments dans le secteur public
comme dans le secteur privé. La
croissance du coût des médicaments est
l'élément le plus inflationniste du
système de santé."
Depuis 1996, les primes des adhérents
du régime public sont passées de 175 $
à 425 $ par année, a noté Mme Pelchat.
22
Une étude menée à l'Université McGill
a prouvé que des milliers de personnes
âgées et démunies se privent de
médicaments parce qu'elles n'ont plus
les moyens de payer ce qu'il faut.
Pendant ce temps, des compagnies
pharmaceutiques dépensent des
millions de dollars pour faire mousser
leurs ventes auprès des médecins, des
pharmaciens et des politiciens, a
souligné Mme Pelchat en donnant de
nombreux exemples. Elles réussissent à
vendre leurs médicaments à des prix
artificiellement élevés.
Le Dr Martin Plaisance, médecin
spécialiste de Sherbrooke, a dit que ses
collègues et lui sont constamment
courtisés par les vendeurs des
compagnies pharmaceutiques. "J'ai
encouragé mes confrères à cesser
d'accepter les repas gratuits et les
week-ends dans des hôtels de luxe, a
raconté le jeune médecin, hier. On me
dit: oui, continue ton combat! Mais en
pratique, il y a une telle force
d'inertie..."
Mme Pelchat a cité l'enquête publiée
par La Presse, cette année, montrant
que les fabricants de médicaments
génériques versent 500 millions de
dollars en cadeaux illégaux aux
pharmaciens, chaque année au Canada,
plutôt que de baisser leurs prix. Ces
cadeaux prennent toutes sortes de
formes, comme des croisières en
Russie, des camping-cars, des chèques
cadeaux de la Société des alcools, etc.
Nicole Jetté, porte-parole du Front
commun des personnes assistées
sociales, a demandé au gouvernement
d'annuler la hausse des primes
d'assurance-médicaments prévue pour
le 1er juillet. "Ce serait une injustice de
demander encore aux plus pauvres de
subventionner des compagnies
extraordinairement rentables", a-t-elle
déclaré.
Au Québec, les autorités
gouvernementales acceptent de
rembourser 85 % des médicaments qui
leur sont soumis, contre 40 %
seulement en Ontario. La Coalition a
cité une autre étude montrant que 92 %
des nouveaux médicaments mis sur le
marché n'améliorent pas
substantiellement la thérapie.
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news·20030509·LA·0016
La Presse
Actualités, mercredi 14 mai 2003, p.
A6
Un voyage en Italie gratuit pour 79
pharmaciens La Régie de l'assurance-maladie
poursuit un fabricant de médicaments
génériques
Noël, André
UN IMPORTANT fabricant de
médicaments génériques- Altimed,
fusionné depuis avec Ratiopharm- a
payé un voyage en Italie à 79
pharmaciens et 75 "accompagnateurs"
(les conjoints) en mai dernier, affirme
la Régie de l'assurance-maladie du
Québec dans une poursuite déposée
hier.
23
Altimed a offert ce voyage à Venise,
Florence et Rome en guise de cadeau
aux pharmaciens qui avaient vendu ses
médicaments au prix fort, explique la
requête, déposée à la Cour supérieure,
au palais de justice de Montréal.
La loi sur l'assurance-médicaments
interdit aux compagnies
pharmaceutiques d'offrir des primes,
rabais et ristournes aux pharmaciens
lorsqu'elles veulent se faire rembourser
leurs médicaments par la RAMQ. Les
fabricants s'engagent à offrir le prix le
plus bas au régime d'assurance public,
et non aux pharmaciens, quand ils
veulent que leurs médicaments soient
inscrits sur la liste de la Régie.
Mais une enquête publiée par La
Presse cet hiver, et citée dans la
poursuite de la RAMQ, a montré que
les fabricants de médicaments
génériques payent des centaines de
millions de dollars par année en rabais,
au Canada, plutôt que de baisser leurs
prix. Les génériques sont des copies de
médicaments brevetés.
Selon un document d'un fabricant
obtenu par notre journal, le montant
des remises varie entre 35 % et 50 %
du prix des médicaments. Mais les
pharmaciens propriétaires qui en
profitent- la grande majorité d'entre
eux- déclarent le plein prix à la RAMQ
pour se faire rembourser ces
médicaments.
Au bout du compte, ce sont les
contribuables et les assurés qui payent
pour ces cadeaux par les impôts et les
primes d'assurance. Seulement pour la
RAMQ, les pertes varient autour de 60
millions de dollars par année, estimait
l'enquête de La Presse
Le voyage en Italie
Selon la requête déposée hier par la
RAMQ, le voyage en Italie a été
organisé par Michel Girard, de la
compagnie Altimed, qui a signé une
"entente de collaboration" avec
l'agence Club Voyages Marinair. "Ce
voyage a coûté 810 505 $ à la
compagnie Altimed pour le bénéfice de
ces pharmaciens", précise la poursuite.
L'enquêteur de la RAMQ, André
Simard, a mis la main sur le
programme du voyage. Officiellement,
il s'agissait d'un séminaire. Mais la
"conférence sur l'asthme", dans le
cadre de ce programme d'"éducation
continue", a duré de 7 h à 11 h, le 7
mai 2002, à Venise, alors que le
voyage s'est étalé entre le 30 avril et le
10 mai 2002.
Ce n'était pas le seul cadeau. "La
défenderesse a, de façon générale, sur
le territoire du Québec, de manière
régulière et délibérée, accordé des
rabais et des gratuités à sa clientèle de
pharmaciens, de janvier 2000 au 24
avril 2003, le tout contrairement à son
engagement souscrit... au prix de vente
garanti".
Ces pratiques "ont fait en sorte que le
prix assumé par la Régie et prévu à la
liste (des médicaments) n'était pas un
prix de vente garanti diminué de toute
réduction, gratuités ou primes de toutes
formes". L'enquête, qui a débuté en
septembre 2000, a révélé que la
compagnie Altimed a également payé
des appareils à plusieurs pharmaciens.
Ainsi, la compagnie a fourni des
24
appareils "Fillmaster" d'une valeur
moyenne de 3500 $ à une cinquantaine
de pharmaciens. Dans la région de
Montréal, les pharmaciens qui auraient
accepté ces primes illégales sont:
André Saint-Onge (Saint-Hubert),
Réjeanne Gingras (Sainte-Adèle),
Patrice Mayrand (Boisbriand), J.
Chiasson et S. Bessette (Saint-
Lambert), J.-Y. Houle et M. Trottier
(Sainte-Catherine), D. Lord (Rawdon),
D. Busque (Boucherville), P.
Dumontier et E. McDermott
(Rosemère), F. Faubert et G. Couillard
(Sainte-Agathe-des-Monts), Y. Lauzon
et R. Thibaut (Lafontaine, Saint-
Jérôme et Blainville).
Pourtant, le président de l'Ordre des
pharmaciens, Paul Fernet, avait
clairement indiqué aux membres de la
corporation, dans un bulletin de l'hiver
2002, qu'ils ne pouvaient recevoir des
avantages des compagnies
pharmaceutiques, rappelle la poursuite:
"Un pharmacien doit s'abstenir de
recevoir, en plus de la rémunération à
laquelle il a droit, tout avantage,
ristourne ou commissions relatifs à
l'exercice de sa profession", indiquait
M. Fernet. (La RAMQ verse 7,65 $ au
pharmacien pour chaque ordonnance
délivrée.) L'Ordre des pharmaciens est
revenu à la charge après la publication
de l'enquête dans La Presse, en
souhaitant que "l'industrie
pharmaceutique utilise dorénavant cet
argent, non pas pour gratifier ses
proches, mais pour avantager le
public".
Au Québec, Altimed, Technilab et
Ratiopharm ont fusionné sous le nom
de Ratiopharm. Cette compagnie
allemande exploite une usine à
Mirabel, au nord de Montréal. En
février 1999, la RAMQ réclamait déjà
984 656 $ à la firme Altimed; la
poursuite est toujours en cours. Cette
fois, la RAMQ réclame 1 014 314 $,
représentant les sommes payées en trop
pour les médicaments, ainsi qu'une
somme de 21 460 $ représentant le
coût de l'enquête.
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news·20030514·LA·0017
La Presse
Nouvelles générales, samedi 17 mai
2003, p. A1
Des cadeaux interdits pour la
pharmacienne devenue ministre
Noël, André
AU COURS des trois dernières années,
la pharmacie de la ministre déléguée à
la Santé, Julie Boulet, a reçu de petits
cadeaux d'au moins un fabricant de
médicaments génériques, a appris La
Presse hier. Il s'agit là d'avantages
illégaux, affirme une poursuite déposée
hier par la Régie de l'assurance-
maladie du Québec.
Selon la RAMQ, les fabricants
devraient baisser leurs prix plutôt que
d'offrir des objets et des appareils
gratuits aux pharmaciens. Les prix se
répercutent sur les primes d'assurance,
dont la hausse constante a été dénoncée
par Mme Boulet après son élection à
l'Assemblée nationale en 2001 (d'abord
dans l'opposition libérale).
25
Pharmacienne propriétaire à Saint-Tite,
en Mauricie, Mme Boulet a été
nommée ministre déléguée le mois
dernier. Apotex a donné à sa pharmacie
pour environ 1500 $ de distributeurs de
comprimés utilisés surtout par les
personnes âgées dans le but de
l'encourager à vendre ses médicaments
plutôt que les produits des concurrents.
La poursuite déposée hier par la
RAMQ contre Apotex reproche à cette
compagnie d'avoir donné ces appareils
à de nombreux pharmaciens du
Québec, pour une valeur totale
supérieure à 3 millions de dollars
depuis 2000.
Interrogée par La Presse, Christiane
Bombardier, attachée de presse de
Mme Boulet, a confirmé du bout des
lèvres que la pharmacie J. Boulet et Y.
Rousseau ( fonctionnant sous la
bannière Familiprix ) avait déjà reçu
des objets gratuits de la part de
fabricants de médicaments.
"On ne dit pas qu'elle n'a rien reçu, a
dit Mme Bombardier, visiblement
embarrassée. Mais c'était pour le
service à la clientèle. Mme Boulet n'a
jamais touché d'avantages personnels.
Elle n'est pas allée se promener en
voyage, comme certains ( pharmaciens
)."
Parmi les objets offerts par les
fabricants, Mme Bombardier a nommé
un appareil de mesure de la masse
corporelle, un autre pour mesurer la
pression et divers "instruments pour
dispenser des services".
Quant aux distributeurs de
médicaments, s'il y en a eu, ils ont été
remis aux foyers pour personnes âgées
"pour qu'elles ne soient pas mêlées
quand elles prennent leurs
médicaments", a dit l'attachée de
presse.
Cependant, la Loi sur l'assurance-
médicaments et le code de déontologie
des pharmaciens n'interdisent pas
seulement les "avantages personnels",
mais les primes de toutes sortes. À
preuve, dans les poursuites qu'elle a
déposées cette semaine contre les
compagnies Ratiopharm et Apotex, la
RAMQ donne de nombreux exemples
de "gratuités" illégales, comme divers
appareils utilisés dans les pharmacies.
La poursuite contre Apotex cite une
mise en garde faite en 2002 par le
président de l'Ordre des pharmaciens,
Paul Fernet, selon qui "un pharmacien
doit s'abstenir de recevoir, en plus de la
rémunération à laquelle il a droit, tout
avantage, ristourne ou commission
relatifs à l'exercice de sa profession".
La rémunération de 7,65 $ que la
RAMQ verse au pharmacien pour
chaque ordonnance remplie couvre les
dépenses courantes comme les
contenants des médicaments, selon
l'entente conclue entre la RAMQ et
l'Association québécoise des
pharmaciens propriétaires.
Lorsqu'un fabricant veut faire inscrire
ses produits dans la liste des
médicaments remboursés par la
RAMQ, il doit s'engager à ne pas offrir
de cadeaux aux pharmaciens et à
garantir plutôt le prix le plus bas à la
RAMQ. Mais les fabricants violent
systématiquement leurs engagements.
Au bout du compte, ce sont les patients
et les contribuables qui payent pour ces
cadeaux aux pharmaciens par les
26
primes d'assurance et des taxes.
Le cabinet d'avocats Kugler Kandestin,
de Montréal, a d'ailleurs déposé une
requête en recours collectif contre les
principaux fabricants de génériques.
Les avocats ont modifié leur requête il
y a deux jours pour porter le recours de
250 millions à 3,8 milliards de dollars.
La RAMQ, elle, est bien décidée à
mettre fin à la pratique des cadeaux,
petits ou grands. Dans la poursuite
déposée hier contre Apotex en Cour
supérieure, à Montréal, elle soutient
que la compagnie a payé un voyage en
France à 17 pharmaciens. Ce voyage
aurait coûté 133 214 $ à Apotex, soit
presque 8000 $ par pharmacien.
Le voyage s'est déroulé entre le 16 et le
24 juin 2002 et portait le nom de Projet
Florensia. Officiellement, il s'agissait
d'une "introduction à la phytothérapie
et aux huiles essentielles au laboratoire
de Pierre Fabre, de la Vitrine Dermo-
Cosmétique P. Fabre et du Centre de
production des extraits végétaux, le 17
juin 2002". Selon le site Web de cette
compagnie française, le centre "dermo-
cosmétique" se trouve à Lavaur, petite
ville du sud de la France.
Toujours selon la poursuite, Apotex
aurait également acheté pour 45 660 $
de cartes à puce auprès du groupe San
Francisco- Les Ailes de la mode,
présumément au profit des
pharmaciens qui vendaient ses
médicaments. Au total, la RAMQ
réclame 3,4 millions à cette firme de
Toronto, plus 53 032 $ en frais
d'enquête.
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news·20030517·LA·0004
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Actualités, mercredi 21 mai 2003, p. A7
MÉDICAMENTS ET CADEAUX
ILLÉGAUX Le président de l'Ordre des pharmaciens
sur la sellette
Noël, André
Enquêtant sur les ristournes illégales
versées aux pharmaciens, la Régie de
l'assurance-maladie du Québec (RAMQ)
s'intéresse à nul autre que le président de
l'Ordre des pharmaciens, Paul Fernet,
propriétaire d'une pharmacie à
Chicoutimi (Saguenay), a appris La
Presse
Un enquêteur de la RAMQ, Yvon
Rhéaume, a téléphoné la semaine
dernière à M. Fernet pour lui poser des
questions sur des "dosettes" de
médicaments reçues à sa pharmacie. Ces
petits systèmes de distribution de
médicaments avaient été payés par la
firme Apotex, principal fabricant de
médicaments génériques au Canada.
Dans la poursuite qu'elle a déposée
contre Apotex à la Cour supérieure,
vendredi, la RAMQ indique que ces
cadeaux sont illégaux. S'il y a des
cadeaux à donner, qu'ils le soient aux
patients et à la RAMQ sous forme de
baisse des prix des médicaments,
soutient la Régie, qui rembourse à peu
près la moitié des médicaments vendus
au Québec.
27
Les médicaments génériques ont tous la
même composition, la même forme, la
même couleur et le même prix. Pour un
fabricant, la seule façon de se distinguer
des concurrents est d'offrir des primes,
des rabais et des ristournes aux
pharmaciens, même si c'est interdit. Les
cadeaux prennent plusieurs formes. Des
plus gros- voyages en Italie, croisières en
Russie, dons de motos- aux plus petits,
comme des appareils pour mesurer la
pression ou des "dosettes" de
médicaments.
La RAMQ affirme qu'Apotex a déboursé
plus de trois millions de dollars de 2000
à 2003 pour acheter ces "dosettes" à la
compagnie Dispill, de Granby, et les
donner ensuite à ses clients pharmaciens.
Il s'agit d'un système simple et
ingénieux, qui permet aux vieillards de
prendre leurs médicaments à la bonne
fréquence. Une liste des pharmaciens qui
les ont reçus est annexée à la poursuite.
M. Fernet a cependant déclaré à La
Presse, hier, que ce n'est pas à sa
pharmacie, mais à un foyer pour
personnes âgées que ces "dosettes"
avaient été données. "Elles ont abouti à
ma pharmacie parce qu'il fallait bien
qu'un pharmacien place les médicaments
dans les dosettes", a-t-il expliqué. C'est
M. Fernet lui-même qui a confié à La
Presse avoir été questionné à ce sujet par
un enquêteur de la RAMQ.
"Il ne s'agit en aucun cas d'une prime ou
d'un rabais, a ajouté le président de
l'Ordre. Je n'ai profité en aucune façon
d'un avantage personnel. J'ai dit et je
répète que je n'ai jamais reçu de
ristournes, comme des voyages, ou
d'autres avantages personnels qui sont
clairement interdits par notre code de
déontologie."
Le code stipule que: "Un pharmacien
doit s'abstenir de recevoir, en plus de la
rémunération à laquelle il a droit, tout
avantage, ristourne ou commission
relatif à l'exercice de sa profession." La
rémunération de 7,65 $ que la RAMQ
verse au pharmacien pour chaque
ordonnance remplie couvre non
seulement les honoraires, mais aussi les
dépenses courantes comme les
contenants des médicaments, selon les
ententes conclues avec l'Association
québécoise des pharmaciens
propriétaires.
La RAMQ estime que les dons
d'appareils, de "dosettes", de "journées
santé", par exemple, sont des primes
illégales. L'Ordre des pharmaciens fait
une interprétation plus large de la loi.
La nouvelle ministre déléguée à la Santé,
Julie Boulet, a elle aussi reçu pour
environ 1500 $ de ces "dosettes", ainsi
que divers appareils, à sa pharmacie de
Saint-Tite (Mauricie). Cette information,
publiée dans La Presse samedi,
n'embarrasse pas le gouvernement outre
mesure. "Il y a là une zone grise, a dit
Christian Barrette, attaché de presse du
premier ministre Jean Charest, au cours
d'un entretien hier. Mme Boulet n'a pas
profité d'un avantage personnel. Nous
devrons probablement éclaircir les
règles."
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news·20030521·LA·0017
28
La Presse
Nouvelles générales, mardi 27 mai
2003, p. A3
Poursuite de 36 millions contre
Pharmascience La RAMQ soupçonne le principal
fabricant de médicaments génériques
d'avoir versé des millions en ristournes
illégales aux pharmaciens
Noël, André
LA RÉGIE de l'assurance-maladie du
Québec vient de déposer une poursuite
de 36,2 millions de dollars contre la
compagnie Pharmascience, le principal
fabricant de médicaments génériques
au Québec. L'entreprise est soupçonnée
d'avoir versé des millions de dollars en
ristournes illégales aux pharmaciens.
Comme la plupart des autres
fabricants, Phamascience préfère
donner des primes, rabais et ristournes
aux pharmaciens qui vendent ses
produits plutôt que de baisser les prix
de ses médicaments. Cette stratégie de
marketing illégale coûte cher à la
RAMQ, qui rembourse les
médicaments au prix fort pour environ
la moitié des Québécois.
Les ristournes prennent plusieurs
formes. Selon la poursuite, déposée
vendredi à la Cour supérieure à
Montréal, l'enquête de la RAMQ a
révélé que Pharmascience "donnait aux
pharmacies des cartes à puces
(notamment) de la compagnie Groupe
San Francisco/Les Ailes de la Mode".
Pharmascience achetait ces cartes au
Groupe San Francisco et les remettait
aux pharmaciens qui pouvaient alors se
procurer des biens dans les magasins
de cette compagnie sans rien
débourser. Les enquêteurs ont
d'ailleurs rencontré le vice-président du
groupe San Francisco, Jacques
Fournier. M. Fournier leur a remis un
document, montrant que
Pharmascience a acheté des cartes à
puces pour un montant de 243 169 $ de
mars 2000 à janvier 2002.
Le fabricant de médicaments
génériques a aussi donné des appareils
à au moins trois pharmaciens de la
région de Montréal, soit Maryse
Lepage (Sainte-Anne-des-Monts),
Marie-Josée Caron (Sainte-Rose-de-
Laval) et Yves Tremblay (Saint-
Jérôme). Selon leur code de
déontologie, les pharmaciens n'ont pas
le droit de recevoir des biens matériels
de la part des vendeurs de
médicaments, mais leur corporation
professionnelle n'a jusqu'à maintenant
jamais sévi.
Tout sur ordinateur...
Toujours dans sa poursuite, la RAMQ
indique que Pharmascience utilise un
programme informatique, le "System
Ross for Trade Allowance", qui
indique en détail les rabais, ristournes
ou biens qu'elle donne à titre gratuit
aux pharmaciens du Québec.
"Les enquêteurs ont obtenu des
informations précises et pertinentes à la
présente requête qui démontre que la
défenderesse (Pharmascience) a versé
ou assumé, au cours de septembre 2000
et juin à septembre 2001, un montant
moyen d'un million de dollars par mois
pour des escomptes, rabais, ristournes
ou autres biens gratuits."
29
Les enquêteurs ont demandé à la
compagnie de leur remettre le code
pour identifier les pharmaciens qui ont
bénéficié de ces primes illégales, mais
Pharmascience "refuse absolument de
fournir ce code et son fonctionnement
aux enquêteurs de la Régie qui l'ont
exigé dans le cadre de leurs pouvoirs
légaux".
Le fabricant s'est adressé aux tribunaux
pour faire casser la requête des
enquêteurs, en contestant la
constitutionnalité de leur pouvoir
d'enquête prévu par la Loi sur la Régie
et par la Loi sur les commissions
d'enquête.
La RAMQ se base donc sur plusieurs
sources pour affirmer que
Pharmascience verse un million de
dollars par mois en ristournes illégales:
l'expérience de septembre 2000 et de
juin à septembre 2001, les déclarations
de l'Ordre des pharmaciens du Québec
(qui évalue le niveau des ristournes à
28 % du total des ventes) et une
enquête réalisée par La Presse (un
document confidentiel d'un fabricant
obtenu par notre journal affirme que le
niveau des ristournes varie entre 35 %
et 50 % des ventes).
De 2000 à 2003, la RAMQ a versé
96,7 millions aux pharmaciens du
Québec pour les produits
pharmaceutiques de Pharmascience,
une compagnie qui a une usine à
Montréal; la somme réclamée de 36,2
millions équivaut à 37 % d'escompte.
Depuis un mois, la Régie a intenté des
poursuites semblables contre les
fabricants Ratiopharm et Apotex.
D'autres pourraient suivre.
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La Presse
Actualités, mercredi 28 mai 2003, p.
A10
CADEAUX AUX PHARMACIENS Charest accusé de légèreté
Noël, André
UNE COALITION de groupes sociaux
accuse le premier ministre Jean Charest
de prendre bien à la légère la pratique
des cadeaux offerts aux pharmaciens
par les fabricants de médicaments
génériques, et notamment à la
pharmacie de la ministre déléguée à la
Santé, Julie Boulet.
"Le premier ministre ne semble pas
prendre au sérieux le problème des
pratiques douteuses de l'industrie
pharmaceutique en venant à la
rescousse de sa nouvelle ministre
déléguée à la Santé et en disant que
celle-ci n'avait pas bénéficié d'un
avantage substantiel", a déclaré hier
Marie Pelchat, porte-parole de la
Coalition Solidarité Santé.
La pharmacie de Mme Boulet à Saint-
Tite a reçu, entre autre choses, pour
environ 1500 $ de piluliers de la firme
Apotex. Ces petits distributeurs de
médicaments étaient ensuite
redistribués parmi les foyers pour
personnes âgées. Dans une poursuite
déposée il y a deux semaines contre
Apotex, la Régie de l'assurance-
maladie du Québec (RAMQ) souligne
30
qu'il s'agit là d'un cadeau illégal.
S'il y a des cadeaux à donner, soutient
la RAMQ, qu'ils le soient sous forme
de baisse du prix des médicaments.
Une entente conclue entre la RAMQ et
l'Association des pharmaciens
propriétaires du Québec prévoit que les
coûts des contenants des médicaments
sont couverts par la rémunération de
7,65 $ que la RAMQ verse aux
pharmaciens pour chaque ordonnance.
La pharmacie de Mme Boulet, qui
fonctionne sous la bannière Familiprix,
a également reçu un appareil de mesure
de la masse corporelle, un autre pour
mesurer la pression et divers
"instruments pour dispenser des
services", selon son attaché de presse.
Mme Boulet s'est défendue en
affirmant qu'elle n'avait pas profité
d'avantages personnels, comme des
voyages ou des croisières.
"Les cadeaux de piluliers ne sont
qu'une des multiples manifestations des
largesses des compagnies, qui
expliquent une croissance annuelle des
coûts de 19,3 % par année dans le
régime public et dans les régimes
privés d'assurance-médicaments",
affirme la Coalition Solidarité Santé
dans un communiqué.
"Les médicaments coûtent au Trésor
public un milliard de plus qu'il y a cinq
ans et le premier ministre ne peut en
faire une question banale. La
pertinence d'une enquête publique,
demandée par 85 organisations et
personnalités, demeure entière, malgré
les commentaires du premier ministre."
M. Charest a déclaré, lundi, qu'il n'y
avait pas lieu de sévir contre la
ministre Julie Boulet, compte tenu que
les piluliers reçus à sa pharmacie ne
constituent pas une faveur personnelle.
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news·20030528·LA·0022
La Presse
Actualités, jeudi 29 mai 2003, p. A7
CADEAUX AUX PHARMACIENS Le PQ demande que Julie Boulet soit
relevée de ses fonctions de ministre
Noël, André
LES TÉNORS du Parti québécois
reviennent à la charge contre la
ministre déléguée à la Santé, Julie
Boulet, dont la pharmacie a reçu d'un
fabricant de médicaments des cadeaux
jugés illégaux par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec
(RAMQ). Bernard Landry, chef de
l'opposition officielle, affirme qu'elle
ne devrait pas être ministre.
Le PQ vient de divulguer une lettre
écrite sur ce sujet par la député Louise
Harel, critique de l'opposition en
matière de santé, et adressée au
premier ministre Jean Charest vendredi
dernier.
Dans le quotidien La Presse,
"l'attachée de presse de la ministre
déléguée confirmait que la pharmacie
dont Mme Boulet est copropriétaire
avait bénéficié de cadeaux offerts par
des compagnies pharmaceutiques, écrit
Mme Harel. De telles allégations
31
remettent sérieusement en question la
capacité de la ministre déléguée à
exercer ses fonctions dans le secteur de
la santé et des services sociaux,
notamment à l'égard de l'assurance-
médicaments."
"L'influence qu'elle pourrait exercer à
l'égard de poursuites judiciaires
impliquant la RAMQ et des
compagnies pharmaceutiques constitue
une apparence flagrante de conflit
d'intérêts et il serait par conséquent
inapproprié qu'elle conserve ses
responsabilités ministérielles
actuelles", poursuit le document.
"Advenant l'inaction de votre part, la
population pourrait conclure que votre
gouvernement approuve cette pratique
contraire à l'éthique. Une compagnie
pharmaceutique qui offre des cadeaux
aux pharmaciens charge indirectement
aux citoyens, au gouvernement et aux
assurances le coût de cette technique
agressive de marketing en l'incluant
dans le prix du médicament. Cela
entraîne une hausse appréciable des
médicaments pour tous les Québécois",
conclut la lettre de Mme Harel.
Interrogé hier, M. Landry a déclaré
hier que, dans ce cas, "le gouvernement
ne s'est pas comporté en
gouvernement". "À la place de M.
Charest, j'aurais retiré ses
responsabilités à Mme Boulet", a
ajouté l'ancien premier ministre.
L'attaché de presse de M. Charest,
Christian Barrette, a dit que le point de
vue du nouveau premier ministre
n'avait pas changé. "Plus tôt cette
semaine, M. Charest a indiqué qu'il
avait eu une discussion avec Mme
Boulet et qu'il jugeait ses explications
satisfaisantes".
Mme Boulet a fait valoir qu'elle n'a pas
profité d'avantages personnels. Les
cadeaux étaient des piluliers (des
contenants de médicaments) et divers
appareils utilisés par les patients,
clients de sa pharmacie de Saint-Tite.
La RAMQ estime toutefois que ce
genre de services gratuits sont des
cadeaux illégaux: elle évoque de telles
largesses dans les poursuites qu'elle a
déposées ce printemps contre des
fabricants de médicaments génériques.
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Numéro de document :
news·20030529·LA·0017
La Presse
Actualités, mardi 3 juin 2003, p. A3
RISTOURNES ET CADEAUX
OFFERTS AUX PHARMACIENS Le fisc se met de la partie
Lessard, Denis; Noël, André
Québec - Revenu Québec s'est mis aux
trousses des pharmaciens qui ont
bénéficié de ristournes et de cadeaux
offerts par les compagnies de
médicaments génériques. Le
volumineux dossier d'enquête de la
Régie d'assurance-maladie du Québec a
été transmis, vendredi, au fisc québécois
qui se chargera d'émettre des avis de
cotisations pour des revenus pouvant
excéder 200 millions sur trois ans.
"Déjà une cinquantaine de pharmaciens
sont venus régulariser leur situation; ces
32
divulgations volontaires sont assez
inusitées", a indiqué hier à La Presse
Chantale Tremblay, porte-parole de
Revenu Québec. "Ceux qui se sont
donné la peine de venir rencontrer les
agents du ministère pour discuter de leur
cas, j'imagine que c'est pour des
montants substantiels", a ajouté Mme
Tremblay.
Les cadeaux offerts aux pharmaciens par
les firmes de médicaments génériques
pour les inciter à promouvoir leurs
produits auraient dû être inclus comme
revenu par les pharmaciens-
propriétaires. "Un voyage ou une prime,
c'est un avantage imposable et la
personne doit l'inscrire comme tel dans
son revenu", a précisé Mme Tremblay.
Dans le cas d'un particulier qui exploite
une pharmacie comme propriétaire, le
fisc peut aller fouiller trois ans
rétroactivement. Et ces pharmaciens ne
sont pas au bout de leur peine car, une
fois que Revenu Québec a émis un avis
de cotisation, il transmet les
renseignements dont il dispose au fisc
fédéral.
Publiquement, l'Ordre des pharmaciens
a déjà estimé que 85 % environ des 1500
pharmaciens-propriétaires avaient déjà
bénéficié de tels avantages à des degrés
divers.
Chaque année, la Régie d'assurance-
maladie paye pour les assurés du régime
public d'assurance-médicaments, 200
millions de dollars de ces médicaments
génériques. Il faut ajouter environ 100
millions facturés aux régimes privés. Le
président de l'Ordre des pharmaciens,
Paul Fernet, estimait publiquement que
c'est près de 30 % du prix de ces
ordonnances qui est renvoyé aux
pharmaciens. Sur trois ans, les revenus
ainsi soustraits à l'impôt dépassent les
200 millions de dollars.
D'ailleurs l'Ordre entrera aujourd'hui
dans la mêlée, alors que le cerbère du
code de déontologie des pharmaciens
doit émettre une déclaration.
L'organisme, qui contrôle le respect des
règles par les membres de la profession,
prévoit qu'un "pharmacien doit s'abstenir
de recevoir, en plus de la rémunération à
laquelle il a droit, un avantage, ristourne
ou commissions relatifs à l'exercice de
sa profession".
Une première victime de poids
Julie Boulet est la première victime des
retombées de l'enquête déclenchée par la
RAMQ, qui a débouché sur des
poursuites contre Pharmasciense,
Ratiopharm et Apotex, trois
manufacturiers de médicaments
génériques- et d'autres compagnies
seront visées sous peu. L'ex-ministre
déléguée à la Santé a expliqué les
raisons qui l'avaient poussée à offrir sa
démission du Conseil des ministres,
vendredi dernier.
En conférence de presse, à Shawinigan,
la pharmacienne de Saint-Tite a souligné
qu'elle ne savait pas que l'équipement
fourni par les compagnies
pharmaceutiques- deux
sphygmomanomètres pour mesurer la
tension artérielle et les fameuses
"dosettes"- pouvaient constituer des
avantages contraires aux règles de son
ordre professionnel.
"Je suis entrée en politique pour
contribuer au développement de la
société", a expliqué hier Mme Boulet.
En coulisses, à Québec, on laisse
entendre qu'elle sera réintégrée au sein
33
du Conseil des ministres et elle-même se
dit confiante d'être ramenée au cabinet.
Refusant de donner des détails sur les
bénéfices obtenus, Mme Boulet a
souligné que les dosettes, des boîtes de
plastique pour diviser les doses
quotidiennes de médicaments que doit
prendre une personne, étaient utiles aux
aînés.
"Et en aucun temps je n'ai su que c'était
donné (par les compagnies de
médicaments). Je n'ai jamais bénéficié
d'avantages personnels ou de cadeaux.
Je n'ai jamais reçu de billet pour un
restaurant, une partie de hockey, encore
moins un voyage. Si j'ai démissionné,
c'est parce que la population a droit
d'avoir des élus à l'abri des conflits
d'intérêts, réels ou perçus. Je ne veux
pas que ma carrière politique commence
sur une mauvaise perception", a-t-elle
déclaré.
Elle a soutenu avoir offert spontanément
sa démission au premier ministre
Charest. "Je n'ai pas à le mettre dans une
situation délicate", a-t-elle précisé.
L'opposition péquistes se proposait
d'aborder les avantages obtenus par la
politicienne-pharmacienne à la première
occasion.
"C'est au gouvernement de revoir sa
politique du médicament, d'établir des
balises et de dire ce qui est permis ou
non", a expliqué Mme Boulet. Elle a
souligné avoir remis sa démission "avec
beaucoup de tristesse", souhaitant que
les gens de sa circonscription de
Laviolette verront dans ce geste
"quelque chose qui ressemble à Julie".
"Je songeais sérieusement à me départir
de mon commerce, je suis encore en
réflexion sur ce que j'en ferai. J'ai fait le
choix de faire de la politique, mon
expérience va profiter à d'autres et
j'espère sortir plus forte de cette
aventure."
Tout en déplorant le départ de la
ministre déléguée à la Santé, le ministre
en titre, Philippe Couillard, estime que
cela concrétise la volonté du
gouvernement de contrer la hausse du
coût du régime d'assurance-
médicaments. "On a décidé qu'on allait
envoyer un message très clair", a dit le
ministre, qui a qualifié Mme Boulet de
"collaboratrice très intègre, très efficace"
qui a dû prendre "une décision
déchirante".
LE FISC AUX TROUSSES
Les pharmaciens propriétaires qui ont
accepté des cadeaux illégaux de la part
de fabricants de médicaments
génériques ont le fisc aux trousses. Ils
pourraient devoir payer des impôts sur
les avantages qu'ils ont reçus, en plus
d'une pénalité imposée par l'Ordre des
pharmaciens.
L'EX-MINISTRE S'EXPLIQUE
L'ex-ministre et toujours pharmacienne
Julie Boulet s'explique. Elle dit avoir
ignoré que sa pharmacie de Saint-Tite
avait reçu des avantages équivalents à
1500 $ de la part de la compagnie
pharmaceutique Apotex. Si elle a
démissionné, c'est parce qu'elle "ne
voulait pas commencer sa carrière
politique sur une mauvaise impression".
PLUS CHER AU CANADA
Selon un rapport réalisé l'automne
dernier par un comité fédéral, et rendu
34
public par le National Post, les
médicaments génériques se vendent
entre 21 % et 51 % plus cher au Canada
qu'en Australie, en Nouvelle-Zélande et
dans la plupart des pays d'Europe
occidentale.
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news·20030603·LA·0008
La Presse
Nouvelles générales, vendredi 27
octobre 2006, p. A5
"Cadeaux" remis à des pharmaciens
Un fabricant de médicaments sommé
de collaborer avec l'Ordre
Noël, André
Pendant des années, un fabricant de
médicaments génériques,
Pharmascience, a donné des cadeaux à
des pharmaciens pour les convaincre de
vendre ses pilules plutôt que celles de
ses concurrents. Le syndic de l'Ordre des
pharmaciens a ouvert une enquête et lui
a demandé des documents.
Pharmascience a refusé. Dans un
jugement rendu hier, la Cour suprême
lui ordonne d'obtempérer.
Pharmascience n'était pas la seule à agir
ainsi. Mais son cas fera jurisprudence.
Presque toutes les compagnies de
génériques ont donné des piscines, des
motos, des autos, des voyages, des
maisons, de l'argent comptant, etc. La
grande majorité des pharmaciens ont
accepté ces cadeaux. Pourtant, leur code
d'éthique le leur interdit.
Les médicaments sont en bonne partie
remboursés par la Régie de l'assurance
maladie du Québec. Plutôt que de
donner des cadeaux aux pharmaciens,
les fabricants auraient pu baisser leurs
prix, parfois de 40%, estime la Régie.
Celle-ci aurait pu faire de grosses
économies, et en faire profiter les
Québécois qui cotisent à sa caisse. La
Régie a d'ailleurs déposé des poursuites
de 200 millions de dollars contre les
fabricants de génériques, car ils s'étaient
engagés à offrir les plus bas prix
possible. À elle seule, Pharmascience
aurait versé 39 millions en ristournes.
Le scandale a éclaté à la une de La
Presse en février 2003. Le syndic de
l'Ordre des pharmaciens a alors ouvert
une enquête. Il a demandé aux fabricants
de génériques de lui remettre des
documents, afin de savoir quels
pharmaciens avaient accepté des
cadeaux illégaux. Quatre fabricants ont
refusé.
Le syndic a obtenu une injonction en
Cour supérieure contre Pharmascience.
Cette compagnie a fait casser
l'injonction en Cour d'appel. Le syndic a
porté sa cause devant la Cour suprême.
Il vient de gagner. L'effet est immédiat:
tous les fabricants, et pas juste
Pharmascience, devront remettre les
documents demandés.
Pharmascience plaidait que le syndic
avait autorité seulement sur les membres
de l'Ordre, et pas sur les tiers comme les
fabricants de médicaments. Faux,
rétorque le juge Louis LeBel au nom de
la majorité des juges de la Cour
suprême. Les ordres professionnels
jouent un rôle important de protection
du public, dit-il: les syndics ont besoin
de la collaboration des tiers pour savoir
35
si des infractions ont été commises.
"Un syndic pourrait avoir besoin
d'obtenir des renseignements d'une
infirmière ou d'un préposé, témoins de
certains événements, afin de déterminer
si une plainte pour harcèlement sexuel
doit être portée contre un médecin, écrit
le juge. L'enquête d'un syndic pourrait
exiger l'accès à des renseignements
détenus par une banque ou un comptable
sur l'utilisation dérogatoire d'un compte
en fidéicommis par un avocat."
Le syndic de l'Ordre des pharmaciens,
Jocelyn Binet, a souligné la portée du
jugement pour tous les ordres
professionnels du Québec. En plus de
l'aider à mener son enquête sur les
ristournes illégales, ce jugement aidera
M. Binet à fouiller d'autres dossiers.
Notamment celui des loyers gratuits
offerts aux médecins par les chaînes de
pharmacies, ou des ententes conclues
entre ces chaînes et des foyers pour
personnes âgées.
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news·20061027·LA·0012
La Presse
Actualités, lundi 13 septembre 2010, p.
A19
Cadeaux reçus de la part de fabricants
de médicaments génériques
L'Ordre des pharmaciens déclare un
des siens coupable
Noël, André
Après des années d'enquête, un premier
pharmacien vient d'être déclaré coupable
par l'Ordre des pharmaciens d'avoir
violé son code de déontologie parce qu'il
a accepté les nombreux cadeaux offerts
par des fabricants de médicaments
génériques.
Cette décision vient sanctionner une
pratique illégale qui a eu des impacts
majeurs pour les contribuables
québécois. En 2003, une vaste enquête
de La Presse a révélé que les fabricants
de médicaments génériques versaient
des ristournes de plus de 100 millions de
dollars aux pharmaciens, chaque année,
plutôt que de baisser le prix de leurs
médicaments.
Au bout du compte, ce sont les acheteurs
qui payaient ces gigantesques cadeaux.
Les ristournes ont pris toutes les formes:
chèques-cadeaux, argent liquide,
voyages dans le Sud, appareils de
cinéma maison, ordinateurs, voitures,
motocyclettes, rabais, produits gratuits,
etc.
La Régie de l'assurance maladie du
Québec (RAMQ) a déposé des
poursuites contre les fabricants. L'Ordre
des pharmaciens a ouvert sa propre
enquête et décidé de poursuivre
plusieurs de ses membres.
Luc Archambault, pharmacien à Saint-
Charles-Borromée, dans Lanaudière, est
le premier à être déclaré coupable. Dans
une décision rendue le 31 août, le
conseil de discipline de l'Ordre affirme
qu'il a commis 11 infractions. Son
dossier fait partie d'un groupe de 20
plaintes de même nature déposées contre
d'autres pharmaciens.
M. Archambault a admis avoir reçu des
cadeaux et des ristournes des fabricants
36
Apotex, Genpharm, Pharmascience et
Ratiopharm de 2000 à 2004. Il a
cependant plaidé qu'il avait le droit de
recevoir des "rabais-volume".
Un de ses témoins, Daniel Larouche,
ancien conseiller et négociateur de
l'Association québécoise des
pharmaciens propriétaires, a affirmé
qu'"exploiter une pharmacie, c'est
comme exploiter un magasin Rona".
Selon lui, il est normal qu'un
pharmacien, tout comme un quincaillier,
profite de rabais quand il achète en gros.
Le procureur du syndic de l'Ordre s'est
dit choqué par un tel argument. La
pharmacie n'est pas un commerce
comme les autres, a-t-il dit. Il a affirmé
que la "pratique des rabais-volume a
pour effet d'augmenter les coûts des
médicaments et qu'en bout de piste, le
patient paie plus cher ses médicaments".
Le gouvernement québécois et
l'ensemble des contribuables québécois
ont été les principales victimes de la
pratique des ristournes. Chaque année,
la RAMQ remboursait de 200 à 300
millions de dollars de médicaments
génériques aux personnes qui n'étaient
pas couvertes par une police d'assurance
privée. Le ministre de la Santé
demandait aux fabricants de lui garantir
les meilleurs prix.
Pendant ces années-là, ces prix
correspondaient à environ 60% des prix
des médicaments d'origine
correspondants. Le Québec s'alignait
ainsi sur ce qui était payé en Ontario. En
vérité, ces prix étaient 10 fois plus
élevés que les frais de production. Les
profits étaient tellement importants que
les fabricants se menaient une guerre
commerciale pour convaincre les
pharmaciens de choisir leurs
médicaments plutôt que ceux de leurs
concurrents. Comme les génériques sont
tous identiques et sont tous vendus au
même prix, la seule façon de les séduire
consistait à leur offrir des ristournes.
Las de se faire avoir, le gouvernement
ontarien a décidé, cette année, de couper
en deux les prix payés aux fabricants de
médicaments génériques. Le
gouvernement québécois a emboîté le
pas. Désormais, la RAMQ paiera
seulement 25% du prix des médicaments
d'origine. Les économies pourraient
dépasser les 160 millions de dollars par
année.
La Presse a tenté de joindre Luc
Archambault à sa pharmacie, mais on
nous a indiqué qu'il n'en est plus le
propriétaire.
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