Download - Derrière l'objectif de Reza
25€ISBN : 9782-84230-390-7
Derrière l’objectifde RezaPhotos et propos
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Reza est un photographe engagé dont le parcours est aussi remarquable qu’atypique. Il sillonne le monde depuis plus de trente ans pour la presse internationale dont National Geographic, Time Magazine, Stern, Paris Match. Du Bosphore à la Grande Muraille de Chine, du Cap à la Camargue,du Caucase à New York, les images de Reza savent capter les regards, la lumière et la mémoire des pays traversés, des peuples rencontrés. Adepte de la sobriété dans les cadrages, maître des ombres et des couleurs, Reza appartient à la grande tradition des photographes humanistes. Ses images témoignent de sa foi en l’Homme et en son courage.À travers le commentaire de cent cinquante photographies emblématiques, Reza nous convie derrièreson objectif et révèle sa constante exploration visuelle, mais aussi le contexte d’une prise de vue, son intention, le choix d’une technique ou d’un cadrage, éclairant ainsi une autre facette de son travail.
À seize ans, Reza est interpellé à la suite de la publication de son premier magazine lycéen, Parvaz (L’Envol). Ses images lui vaudront d’être à nouveau arrêté par la police secrète du Shah à vingt-deux ans, puis torturé. Emprisonné pendant trois ans, il reprend enfin ses appareils et son métier d’architecte avant d’être contraint à l’exil après la révolution islamique, pour avoir dénoncé les exactions du régime. Collaborateur du National Geographic depuis 1991, il est aussi le fondateur d’Aina, association d’entraide et de formation aux professionnels des médias afghans par le biais d’actions dans le domaine de l’éducation, de l’information et de la communication. Reza partage ainsi son temps entre engagement humanitaire et reportages. 24
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Stoïcisme et discrétionCe ne fut ni la première ni la dernière fois que mes
habits me permirent de passer inaperçu. Lorsque
j’arrive dans un pays, je tente de me fondre dans
la foule. J’observe avant tout, puis je me rends dans
les quartiers populaires pour m’acheter des habits
locaux. Je ne les porte pas tout le temps, mais très
souvent. Je suis moi-même et un autre.
Pendant des mois, je me suis déguisé en Pachtoune
afin de couvrir les zones tribales et frontalières
entre le Pakistan et l’Afghanistan. Région difficile
et important nœud géopolitique sur l’échiquier
international, dans laquelle il fallait avancer avec
prudence afin d’éviter l’embuscade, le rapt, le tir
perdu. En haut des montagnes, une tempête de sable
se leva, soudaine et violente. Les grains râpaient
et blessaient la peau, comme de petits cailloux
acérés. Les gardes-frontière et les soldats abandon-
nèrent leur délicate mission de sécurité afin de se
protéger. Mon rôle de photographe ne m’en laissa
pas l’opportunité. C’est ainsi que je fis cette image
d’humains pris dans l’œil du cyclone.
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Prémonitions visuellesLe métier de photojournaliste permet souvent une
relation ineffable, intime, purement intuitive, aux
événements et aux dangers. Les situations exception-
nelles dans lesquelles le témoin se trouve aiguisent
un sixième sens inconscient qui lui permet d’éviter
le danger. Certains appellent cela le destin. Une
image apparaît parfois qui prend tout son sens
ensuite, à la lueur des événements. Je réalise que ces
trois images ont incontestablement un caractère
prémonitoire.
En 1992, après treize années de guerre civile,
Massoud et ses hommes sont enfin à Kaboul.
L’obsession du commandant est d’œuvrer pour une
paix durable en reconstruisant le pays. Les querelles
ethniques et l’opposition du Pakistan à un gouverne-
ment afghan indépendant et démocratique sont
autant d’obstacles à la cohésion du peuple. Ce jour-
là, le « lion du Panshir» tient un long discours devant
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musulman. Le peuple en liesse lançait des pétales de
rose au passage de sa voiture. Elle souriait, saluait,
transportée par l’espoir qu’elle suscitait. Plus de
vingt ans après, en regardant cette image, je pense
à la scène de son assassinat, en décembre 2007. Bena-
zir saluait à nouveau la foule venue l’acclamer. Les
pétales de rose d’hier me font désormais songer
à des gouttes de sang.
les commandants venus de toutes les provinces.
«Nous allons échanger nos fusils contre des stylos. »
Cette photo contient en germe le drame des années
à venir. On dirait la Cène, le sacrifice d’un homme,
avec la menace de cette arme pointée à gauche.
En 1983, seule et droite devant sa garde rapprochée,
une femme semble se tenir devant un peloton d’exé-
cution. Image prémonitoire ? C’est ce que je perçois
très clairement, au point de me retourner vers mes
confrères pour leur dire mon inquiétude. La répres-
sion par Indira Gandhi dans le temple sacré des sikhs
quelques semaines plus tôt l’exposait à des repré-
sailles. Conserver des gardes du corps sikhs, c’était
se condamner. Quelque temps après, Indira meurt
sous les balles de deux d’entre eux.
Ce jour de 1986, Benazir Bhutto était en pleine
campagne électorale pour le poste de Premier
ministre. Une première dans le jeune Pakistan
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Les trois âges de SindbadEn 1996, en reportage pour National Geographicdans le delta du Nil, je rencontre un jeune homme,
propriétaire d’une embarcation de fortune et qui fait
passer les habitants d’une berge à l’autre. Il devient
mon passeur pendant plusieurs jours. Il est d’une
étrange beauté. J’ai le temps de l’observer. Il me fait
penser à quelqu’un, mais je n’arrive pas à savoir qui.
Je prends quelques portraits. Mais c’est celui-ci qui,
finalement, traverse les ans. Il y a une noblesse, une
perfection, qui séduisent surtout la gent féminine.
Son regard perdu au loin participe au mystère qui
l’entoure. C’est bien plus tard que je comprends.
Il m’évoque le Sindbad de notre enfance, ce person-
nage mythique que l’on se représente voguant sur
les mers au fil de ses sept voyages. Notre mémoire
visuelle se nourrit aussi de notre imaginaire. Dix ans
plus tard, au Baluchistan – cette région du Pakistan
qui donne sur le golfe Persique –, deux rencontres
me font également songer à «Sindbad». Au-delà des
frontières, je m’imagine sa vie de l’adolescence à la
maturité. Chaque regard respire la même noblesse.
Et si le travail du portrait, c’était de susciter ce face-
à-face où l’autre vous juge, vous jauge puis s’offre
à vous ?
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SoufismeÀ Istanbul, sur les murs de la ville, un mot montre le
chemin à celui qui sait voir. Telle une invitation, les
murs délivrent inlassablement leur message mysté-
rieux : «Viens.» À chaque pas, je lis et crois entendre
l’écho murmuré de celui qui me conduit. « Viens,
viens, viens… » Je suis ce jeu de piste inattendu.
Malgré les passants pressés, les obligations du jour, le
brouhaha, je me laisse aller à la poésie de ce mot. Je
le cherche, l’attends au détour de chaque coin de rue.
Soudain, plus rien. Une porte ouverte sur un jardin
aux stèles mortuaires témoins du temps passé. L’école
des derviches de Môlana, connu sous le nom de
Rûmi, penseur soufi. J’entends la musique et les voix
graves. Je reviens plus tard et me glisse derrière une
porte. Le derviche est là, tournant vers l’infini, au
rythme d’incantations divines, en une danse mystique,
une main vers le ciel, l’autre vers la terre, tel un
message à Dieu : « Nous sommes un nœud sur une
ligne circulaire d’énergie entre le ciel et la terre. »
Je reste de longues heures à observer ces étudiants,
ingénieurs, informaticiens, employés, habités par la
pensée soufie au point de se retrouver chaque
semaine en ce lieu pour danser ensemble jusqu’à
atteindre une sorte de transe divine et sereine. Deux
images restent. Elles s’inscrivent dans un travail qui
se poursuit sur la pensée soufie.
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L’œil et la magieDans la ville kurde de Dogubayazit, dans l’est de la
Turquie, l’ambiance est morose. Désœuvrement,
chômage, misère et temps maussade. En reportage
dans ce pays depuis plusieurs mois, je navigue dans
une culture proche de la mienne. Une certaine
forme d’Orient. J’ai envie de m’approcher de l’Iran
pour caresser cette terre dont je ne peux fouler le
sol depuis 1981. Arrivé en ville, mon cœur bat de
sentir si proche la montagne qui se dresse sur la
frontière. C’est le premier jour de travail de mon
chauffeur. Au détour d’une petite ruelle qui
débouche sur une large avenue, je la vois, cette
montagne. Ses monts, ses flancs ressemblent à ceux
que je voyais d’Iran, quand j’étais enfant. Soudain je
les aperçois, avec la carcasse d’une télévision. Ils
traversent la grande avenue. J’embrasse la scène
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d’un coup d’œil. Intuitivement, je sais que « ça » va
venir. Je frappe avec fermeté l’épaule du chauffeur
en criant : « Arrête-toi ! » Je descends et prends
quelques photos. Une seule reste. Quant au chauf-
feur, effrayé, il me demande : « C’est comme cela
tous les jours avec vous ? » Oui, pour une photo,
je suis plus qu’exigeant. La magie, c’est celle qui
s’offre à vous, que vous savez reconnaître et saisir.
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Derrière l’objectifde RezaPhotos et propos
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Reza est un photographe engagé dont le parcours est aussi remarquable qu’atypique. Il sillonne le monde depuis plus de trente ans pour la presse internationale dont National Geographic, Time Magazine, Stern, Paris Match. Du Bosphore à la Grande Muraille de Chine, du Cap à la Camargue,du Caucase à New York, les images de Reza savent capter les regards, la lumière et la mémoire des pays traversés, des peuples rencontrés. Adepte de la sobriété dans les cadrages, maître des ombres et des couleurs, Reza appartient à la grande tradition des photographes humanistes. Ses images témoignent de sa foi en l’Homme et en son courage.À travers le commentaire de cent cinquante photographies emblématiques, Reza nous convie derrièreson objectif et révèle sa constante exploration visuelle, mais aussi le contexte d’une prise de vue, son intention, le choix d’une technique ou d’un cadrage, éclairant ainsi une autre facette de son travail.
À seize ans, Reza est interpellé à la suite de la publication de son premier magazine lycéen, Parvaz (L’Envol). Ses images lui vaudront d’être à nouveau arrêté par la police secrète du Shah à vingt-deux ans, puis torturé. Emprisonné pendant trois ans, il reprend enfin ses appareils et son métier d’architecte avant d’être contraint à l’exil après la révolution islamique, pour avoir dénoncé les exactions du régime. Collaborateur du National Geographic depuis 1991, il est aussi le fondateur d’Aina, association d’entraide et de formation aux professionnels des médias afghans par le biais d’actions dans le domaine de l’éducation, de l’information et de la communication. Reza partage ainsi son temps entre engagement humanitaire et reportages. 24
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