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Parmi les espaces nonurbanisés du département,

les paysages forestiers sontcertainement les plus stablesdepuis la grande périoded’arrachage des bois enChampagne Berrichonne. Lesbois et forêts qui ont étémaintenus sont généralementbien gérés par une sylvicultureactive ; des actions en faveurde la filière bois, ainsi que laprésence d’unités de sciage etde traitement, confortent ces

massifs. Le dynamisme de cetteéconomie sylvicole peutcependant comporter des"risques paysagers" : le critèreproductif et le souci de trouverune rentabilité rapideconduisent à modifier lacomposition des peuplements auprofit des essences à révolutioncourte. La question de lapériphérie des forêts se posefréquemment : l’état deslisières, l’impact du bâti debordure, l’évolution de l’usage

des sols en frange de la forêtpeuvent correspondre à deréels enjeux paysagers. Enfin,l’usage de la forêt en ce débutde siècle qui voit se poursuivreun mouvement detransformation radicale durapport de l’homme à sonterritoire représente dans leCher, comme en beaucoup depays ruraux, une problématiquenouvelle et des enjeuxconflictuels qui mériteraientune large réflexion.

Les familles de paysages sedécomposent en deux sous-

ensembles : les paysages à unedominante et les paysagesmixtes. Dans le premier cas, leprésent chapitre expose

globalement les enjeux qui ontété relevés dans le cadre de ladescription de chaque unité(chapitre 2), analyse des pistespossibles d’actions de mise envaleur et rappelle leur

localisation générale. Dans lecas des paysages mixtes, lesenjeux sont pour l’essentielceux des phases paysagères quiles composent et l’évolution deleur répartition réciproque.

Une relative stabilité

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L’évolution des lisières, flou et banalisation

La lisière est la partie la plusvisible de la forêt, le

moment de son dialogue avecl’environnement, elle est unpoint fort de son identité, aussiest-elle essentielle pour l’imagede ses paysages. On peutobserver une tendance généraleà la simplification : leur dessin,leur découpage, l’imbricationentre l’espace ouvert etl’espace fermé tend à s’effacerprogressivement. Ceci est

particulièrement vrai sur lessituations de pieds de versantsoù de petites parcellespâturées se voientrégulièrement reboisées,transformant un jeu complexed’ombres et de lumières en unemasse compacte et univoque. Lerecul de la prairie et ladiminution du cheptel au présupprime les lisières biennettes, régulièrement broutéespar la dent des bovins ; la

périphérie du bois s’épaissit etperd sa netteté tandis quel’envahit la ronce (unités 1-1 et1-2 notamment). Le mêmephénomène s’observe pour leslisières internes des clairièresdans lesquelles l’effet decontraste tend à s’atténuer(unité 1-7). La diversitéfloristique d’une lisière estenfin garante de sa qualitépaysagère : elle est à la foistémoignage des conditions

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GÉNÉRALITÉS

2-1 PAYSAGES FORESTIERS

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écologiques (les sureaux,cornouillers, saules, trembles etfrênes évoquent l’humidité, lesérables champêtres les solscalcaires et secs…) et porteused’un enchaînement d’ambiancesqui racontent les saisons : la

succession des floraisons, ladiversité des nuances defeuillages juvéniles, les chatonset les teintes changeantes del’automne, les couleurs fortesdes baies et les teintes desécorces lorsque vient l’hiver ne

cessent de moduler le paysage.La tendance à la monoculturerésineuse sur les franges decertains massifs altèreprofondément cette richesse enbanalisant l’aspect des margesboisées.

Homogénéiser la forêt ou préserver sa diversité…

La forêt comme révélateur du construit

La forêt du Cher esttraditionnellement le

domaine du chêne et la partiesud du département est le payspar excellence des grands boisde feuillus sur riche sous-bois,plantés d’essences nobles etcomposant de belles futaiesrégulières. Le châtaignier, lehêtre, le frêne relaient le chênesuivant les conditions de sol etde climat pour créer un paysagede la diversité aux multiplesambiances. La forêt solognotefait exception avec ses pinssylvestres, ses bouleaux et salande qui se mélangent auxchênes, créant un paysagesingulier au sous-bois clair. Cesont des forêts de lumières etd’ombres, chatoyantes etsouvent enrichies de belleszones humides qu’entoure uncortège floristique très riche ;les allées forestières qui les

traversent montrent des jeuxde profondeurs et detransparences où il semble quejamais ne se répète la mêmescène.

Les enjeux liés au construitconcernent essentiellement

la périphérie des massifs ;l’effet de fond de tableausombre que produit la masseforestière rendparticulièrement visibles lesédifices : des teintes tropclaires ou artificielles créent unréel conflit paysager (unités 1-1,1-5, 1-6 et 1-7). Cela concerne

les habitations à proximité desbourgs de lisière et lesbâtiments d’élevage dans leszones herbagères. Des étudesspécifiques de définition decouleurs et de matières seraientnécessaires pour offrir auxédifices nouveaux une légitimitéminimale.Le rapport au construits’exprime également par les

façons de clore les fonds privés.Les grandes propriétéssolognotes, en particulier,comportent quelques exemplesde gestion des limites ou detraitement des entréesgrandiloquentes et fortdisparates qui prennent uneimportance souvent excessive.

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2-2 PAYSAGES DE BOCAGE

Pérenniser la trame des haies

Maîtriser l’évolution

La trame des haies, principalecomposante du bocage est en

recul constant. Dans denombreux cas, la qualitépaysagère se fonde aujourd’huisur l’aspect insolite desilhouettes qui sont des figuresreliquaires : lignes d’arbres,sujets remarquables isolés aumilieu d’une parcelle, haiesouvertes qui offrent destransparences et uneprofondeur nouvelle au paysage.Isolées et fines, elles sont par làmême fragiles. Les haiessupposent un entretien qui biensouvent n’est plus assuré : elless’épaississent ou s’éclaircissent,sont fréquemment remplacéespar des clôtures ou arrachéeslorsque s’agrandit la mailleparcellaire. Les différentstypes de haies sont concernés

par les processus de régression ;les haies composées évoluentvers une basse strateenvahissante qui n’est plustaillée, ponctuée de vieux arbresqui n’ont pas de remplaçantslorsqu’ils disparaissent. Lesarbres émondés dépérissentaprès quelques années sansentretien (le cas des saulestêtards dans les zones humidesest exemplaire), les bouchuresdeviennent intermittentes ou au

contraire " montent " fauted’entretien régulier, les lisièress’épaississent quand la densitéde bovins à l’hectare devienttrop faible pour en assurer le"nettoyage". Pour maintenir lescaractères identitaires de cespaysages, il conviendrait demener deux types d’actions : larégénération de la trameexistante et sa reconstitution làoù elle tend à disparaître.

Les paysages de bocage ontconsidérablement régressé

en surface. Les unités classéessous cette rubriquereprésentent les figures qui ontconservé jusqu’à notre époqueleurs caractères originaux,c’est-à-dire un rythme régulierd’enclos, une trame de haiessignificative, un rapport intimeentre le bâti dispersé et leréseau des haies et uneéconomie fondée sur l’herbe. Lessingularités se fondent sur lamorphologie et la compositiondes haies (opacité outransparence, couleurs ettextures), la présence ou non durelief (vues courtes ou paysagesen tableau), l’existenced’éléments singuliers (arbresremarquables, figuresconstruites) et la dimension du

parcellaire. Certains de cescaractères sont à peu prèsstables et donc pérennes(figures bâties, taille duparcellaire, composition deshaies) mais nombreux sont ceuxqui évoluent : la densité duréseau de haies, la présenced’arbres remarquables, l’état"dissimulé" du construit etc. Laprise en compte de l’évolutiondes pratiques agricoles etnotamment du recul général dessuperficies toujours en herbe73

montre que ces paysages vontavoir tendance à évoluer versdes figures mixtes etintégreront à terme les famillesde "plaines et bocage" ou de"plaines et bois", dans lesquellesles figures bocagères n’existentplus qu’à l’état de trace. Laquestion qui se pose est

clairement celle de l’avenir desbocages dans le Cher et soncorollaire : à quelle économie cespaysages correspondront-ils auvingt-et-unième siècle ? Il y a làun réel enjeu, qui est celui de ladiversité paysagère dudépartement. Ce n’est passeulement un enjeu esthétiqueou une nostalgique référence :un territoire qui perd sesspécificités est un territoire quinie ses identités et par là mêmecelles de ceux qui y vivent. C’estune question culturelle forte quine pourra être évitée. Lesprincipaux enjeux sont lapérennisation de la trame deshaies, le maintien de l’activitéherbagère, la gestion duconstruit et la mise en œuvred‘une réflexion sur une "nouvelleéconomie du bocage ".

Formes de régression des figures végétales

73 Données statistiques du Recensement Général de l’Agriculture

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Evolution des usages et paysage forestier

La forêt fut longtemps unmilieu hostile, que l’homme ne

fréquentait qu’avec parcimonieou dans une économie trèsparticulière. La plus grandepartie des massifs fut, jusqu’auxgrandes périodes dedéfrichement ou de conversionen forêts de production, unmilieu impénétrable à l’homme,un espace sans usage. Iln’existait pas alors àproprement parler de paysageforestier car cette notionsuppose une interaction entrel’homme et son milieu. Lepaysage nait de cetteinteraction et du regard que lacollectivité porte sur elle. Ànotre époque les usages de laforêt se sont multipliés : lesyliviculteur, le chasseur, lemycologue ou le promeneur sontdevenus des usagers de l’espaceboisé qui participent de deuxfaçons à l’élaboration desfigures paysagères. D’une partparce que ces usages supposentdes aménagements (les réseauxd’allées d’exploitation, lesroutes d’accès, les sentiers derandonnée, les aires de repos ou

de pique-nique) et, d’autre partà cause de la posture du“regardeur” au sens de ladéfinition de Marcel Duchamp,qui postulait qu’une œuvre d’artn’est achevée que par le regardet la réappropriation duspectateur. On peut tout à faitétendre cette notion au paysage.Il devient alors clair que sansusage, le paysage “se défait”.

On peut également constaterune extension des phénomènesde fermeture des milieuxforestiers, soit quand la gestionest moins régulière et que lemilieu devient impénétrable, soitquand le massif est enclos pourse réserver à un usage unique(en général, la chasse privée).Un exemple simple illustre biencette régression paysagère : uneparcelle ouverte, traitée enfutaie montre le long des routesle spectacle des hautes colonnesde ses troncs, les jeux delumières dans ses frondaisons etla richesse de son sous-bois ; aucontraire, une parcelle encloseest le plus souvent ceinturée parune lisière épaissie qui constitue

un mur de verdureinfranchissable et cache le cœurforestier. La vision desprofondeurs de l'espace boiséet la compréhension de sadiversité ont fait place à uneuniformité opaque. Le paysagerégresse jusqu'à disparaître. Iln'y a plus d'usage possible, laforêt, isolée de l'espace publicpar une clôture doublée d'unelisière épaissie, ne constitueplus un paysage mais plutôt unmonde clos, isolé de soncontexte. Ainsi peut-onaffirmer que la spécialisationexcessive des usages se traduitbien par un enjeu paysager, quise double de surcroît d’un enjeutouristique et économique car laforêt demeure l’un des attraitsessentiels du département.

Le développement desenrésinements affecte parfoisfortement cette diversité eninstallant de vastes parcelles demonoculture d’épicéas ou dedouglas, généralementdépourvues de sous-bois quigénèrent un paysage boisémonotone. Lisières et borduresdes allées semblent alorsd’univoques murs de verdurederrière lesquels l’obscurité etla pauvreté du sous-boisn’inspirent aucun désir aupromeneur. Ces bois sonttraités en futaies très densesqui donnent un couvert opaque.L’absence de lumière etl’appauvrissement des sols dus à

la mauvaise décomposition desaiguilles créent un milieu quasistérile : régression paysagèreet écologique s’installentrapidement. La description desunités a montré que cetteévolution, lorsqu’elle concernedes massifs que le relief rendvisibles (unités 1-2 et 1-5) oudes bordures de voies trèsfréquentées (Sologne), produitune altération globale dupaysage sur laquelle il convientde s’interroger. Le maintiend’une diversité de peuplement,d’une mixité entre résineux etfeuillus, même dans les terrainsqui semblent plus propices auxpremiers, est indispensable. Il

conviendrait de définir unepalette d’essences par unité (oupar groupes d’unitéscorrespondant aux mêmesconditions de milieu) qui tint à lafois compte des impératifsculturaux et économiques etd’une exigence de maintien de ladiversité paysagère.

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La régression des figuresbocagères est

essentiellement liée à un reculgénéralisé des prairies pâturéeset des prairies de fauche.L’agrandissement de la mailleparcellaire et la progression dulabour remettent en cause larépartition des enclos et lerythme qui caractérise cesformes de paysage. À terme, lamise en culture se traduira parla disparition totale des haiesqui mobilisent du terrain etportent ombre sur les cultures.Le maintien des caractèresoriginaux de certaines partiestrès évoluées du bocage passeimpérativement par un soutiende l’activité herbagère. Uneréflexion générale, à l’échelle dudépartement, sur l’avenir des

productions agricoles etnotamment les filières animalesserait la seule garantie de voirperdurer certains paysagesfragilisés. Si le cœur duBoischaut, le bocaged’embouche, la vallée deGermigny ou le Pays Fortsemblent assurés d’une relativepérennité, nombreux sont lessites qui sont en ce début desiècle à la croisée des chemins.La promotion d’un label dequalité (bœufs, moutons etchèvres du Berry parexemple…), à partir d’unecampagne de sensibilisation,d’aides spécifiques (fondseuropéens, mesures agri-environnementales, lagénéralisation des contratsterritoriaux d’exploitation) et

l’organisation de filièrescommerciales spécifiques,permettrait sans aucun doute demaintenir un relatif équilibreentre herbe et labour, conditionde la survie des paysages debocage. C’est également pour ledépartement un enjeuéconomique à deux titres : lagénéralisation d’un modèleunique de production setraduirait inéluctablement parune saturation des marchés quipâtirait en premier lieu auxterroirs les moins adaptés à laculture et, par ailleurs, la qualitépaysagère –qui se fonde sur ladiversité- a également unevaleur économique, qui est celledu potentiel touristique et del’attractivité des sites.

Maintenir un équilibre entre l’herbe et le labour

Fermeture, ouverture et effet de flou

Les mutations se traduisentpar deux mouvements

apparemment contradictoires

d’ouverture et de fermetureexcessives des sites et par unegénéralisation de " l’effet de

flou " dans les parties les plusévolutives des bocages.

Un paradoxe qui n’est qu’apparent

La régression des surfaces enherbe provoque un double

mouvement assez général surl’ensemble des figuresbocagères : les terresdésertées par les animaux selivrent à l’emblavement lorsquele parcellaire est vaste et lesconditions agrologiquesfavorables ; le paysage s’ouvre,s’invente de nouvellesprofondeurs et une échellebeaucoup plus ample. À l’inverse,si le parcellaire est exigu ou les

sols peu fertiles, c’est la frichepuis le boisement spontané ou lereboisement qui tendent àoccuper le terrain, le paysage seferme, se coupe du monde etdevient impénétrable. Tout sepasse comme si à terme nedevaient exister que deux typesde paysages, la plaine ouverte oule bois inextricable. Ce tropismevers un "paysage binaire" rendbien plus précieuses les figuresbocagères qui savent encorenous dire que c’est dans la

complexité et la diversité que selit la beauté de la relation entreune communauté humaine etl’espace qui l’accueille.

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Le flou comme icône de la mutation paysagère

Un paysage de bocage biengéré et pleinement utilisé

montre des contours nets : leshaies sont régulièrementtaillées, l’herbe est tondue parla dent des animaux, les lisièresportent une marque rectilignequi correspond à la partierégulièrement broutée sous les

frondaisons, le construits’inscrit clairement dans latrame plantée. Les premierssignes d’un déséquilibre entre ladensité de l’élevage et lasurface disponible semanifestent par une atténuationde la netteté des contours. Leshaies s’épaississent faute

d’entretien, les lisièress’empâtent lorsque les animauxne sont plus aussi nombreux surla parcelle, les pelouses segarnissent de ligneux et deronces, le rapport entre le bâtiet le paysage perd sa clarté, enun mot, le paysage devient flou.

Les deux termes de l’alternative : fermeture ououverture ?

Effet de flou et perte de sens du paysage

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C’est le premier terme lisibled’une mutation qui se poursuivrajusqu’à la fermeture complètedu site. On peut extrapolercette notion de flou à l’évolutiondes silhouettes villageoises :lorsqu’un bourg s’entoure de

pavillons et de lotissements,c’est une forme de netteté de lasilhouette qui régresse. Cetteapparition du flou est un signed’alerte ; le territoire est entrain de changer parce qu’iln’existe plus de cohérence entre

sa forme et son usage. Laquestion du devenir est alorsposée : faut-il préserver cemotif ou bien imaginer –etencadrer- la venue d’un nouveaupaysage ?

Le rapport au construit est unenjeu essentiel pour les

paysages de bocage. Ils sontissus de figures bocagères quifurent mises en place entre leseizième et le dix-huitièmesiècle. Le construit s’y estinstallé, comme l’a montrél’analyse des unités, dans unelogique générale de dispersionen petits noyaux nichés dans latrame des haies. Ledémembrement de cette tramemet à nu des constructions quisemblent souvent " flotter "dans le paysage, et révèle defaçon beaucoup plus claire lesbourgs et chefs-lieux quimontrent désormais leurssilhouettes, jadis beaucoup plusdiscrètes. Le bâti, qu’il soit àusage d’habitation ou

d’exploitation, devient de plusen plus visible à mesure ques’ouvre le bocage, ce qui supposeque son aspect et ses modalitésd’organisation fassent l’objet desoins particuliers. Plus unterritoire bocager est ouvert,plus grande devra être lavigilance. Cette vigilance devras'appliquer à deux domainesdifférents : la planification del’urbanisme et l'attention àporter à l’aspect desconstructions. Pour ce quiconcerne la planification, laréalisation d’études paysagèreset urbanistiques menées àl’échelle de l’unité de paysagepermettrait de fixer des règlesde développement cohérent quitiennent compte du site et del’aspect des silhouettes de

bourgs. Le construit dans lesécarts (bâtiments agricoles etrénovation ou construction delogements neufs) devrait fairel’objet d’un accompagnementqualitatif, dans le cadre desprocédures d’instruction despermis de construire, qui sefonderait sur lescaractéristiques du bâti dechaque unité74 et sur un certainnombre de règles (implantation,adaptation au terrain, palettesde couleur, de matériaux et devégétaux). Ces élémentspourraient être mis à dispositiondes concepteurs afin d'enrichirles volets paysagers des permisde construire pour en faire devéritables outils de projet etnon de simples actesadministratifs .

Gérer le construit

Quelle économie pour le bocage ?

Il semble évident que lesoutien de l’élevage extensif,

pour indispensable qu’il soit, nerésoudra pas le problème desmutations en cours et de leursconséquences. Le mouvementd’extension du labour, lafermeture de certains milieuxet le recul du linéaire de haiesse poursuivra avec son cortègede conséquences : perte decomplexité, atténuation descaractères originaux,homogénéisation du territoirerural, banalisation des figurespaysagères. Les portions de

bocages qui ne sont plus géréesse ferment et la question de laréintégration de milieuxsauvages dans l’espace ruralrisque à terme de se poser. Ilconvient de réfléchir à denouveaux modèles économiquespour les bocages de demain. Lesparties les plus emblématiquesreprésentent un potentiel de"ruralité récréative" nonnégligeable. Le tourisme vert,les conversions de fermes enrésidences secondaires ou enlieux de loisirs collectifs, la miseen place d’itinéraires de

découverte sont desalternatives qui peuventjustifier un entretien et desrestaurations partielles par lescollectivités des motifs dubocage. Enfin il existe desproductions susceptiblesd’occuper les parcellaires exiguset les formes bocagères commeles cultures de petits fruits, lescultures à gibier et les formesbiologiques de l’agriculture, quipérennisent l’usage extensif dela terre, consubstantiel dusystème bocager. Lacohabitation entre formes

74 voir en particulier les plaquettes “Restaurer en Pays Fort et en Sancerrois” et “L’architecture rurale de la Marche et du Boischaut” (C.A.U.E. du Cher)

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bocagères et cultures spécialesest possible, comme le montrel’exemple de la région deChâteaumeillant qui a suincorporer son vignoble dans unetrame de bocage. Lareconstitution de trames plantéesdoit aussi poser la question de leurfinalité. Les haies linéaires fines,qui produisaient du bois dechauffage ou du fourrage, n’ontplus à jouer ce rôle. Il faut sansdoute leur préférer des bandesboisées composées d’essencesnobles adaptées aux conditions demilieu (chêne, merisier, noyer,alisier, etc.) susceptibles defournir du bois d’œuvre.

2-3 PAYSAGES DE VALLÉE

Des sites en devenir

Les paysages de vallées se distinguent par un effet de contraste avec leur entour, c’est de la géographiequ’elles tiennent leur typicité, qui est par là même assurée d’une grande stabilité. Leur double fonction

ancienne d’axes de communication et de système d’installation linéaire du construit sont également inscritspour longtemps dans le territoire. Cependant, l’apparition de nouvelles formes d’organisation autour desgrandes infrastructures routières et les mutations radicales du développement de l’urbanisation les priventdu rôle prépondérant qui fut le leur pendant les siècles passés. Si le rapport à l’extérieur des paysages devallée est relativement stable, leur structure interne subit de profondes modifications qui en font des sitesen devenir, à la recherche d’un nouvel équilibre.

Gestion des fonds de valléeet fermeture du milieu

La fermeture des berges

Les mutations récentes de l’occupation des fonds devallées ont des conséquences lourdes sur le

paysage : le recul généralisé des pâturages dans leszones humides laisse la place à des peupleraies ou àdes boisements spontanés qui ont pour effet defermer les sites et de réduire considérablement lavisibilité des cours d’eau. Les vallées se montrentessentiellement par leurs galeries boisées et cesmilieux perdent une grande partie de leur diversité.Les accès aux rivières se raréfient et l’entretien desberges est de moins en moins assuré.

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La pratique des rivières par lespêcheurs ou les promeneursdevient de plus en plus malaisée.Il conviendrait de conduire unedouble réflexion visant àdésenclaver les cours d’eau et à

rétablir un rapport équilibréentre les pleins et les vides :soit imaginer une gestioncollective des accès et desberges par les communes, lessociétés de pêche ou les

associations naturalistes, soitexaminer les possibilités deréimplanter des parcourspâturés, en concertation entreles collectivités locales et laprofession agricole.

Les nombreux creusements desablières, en particulier dans

les vallées du Cher et de l’Yèvre,transformées après exploitationen bases de loisirs ou en plansd’eau de pêche génère unévident problème de seuil : leursystématisation est un facteurde banalisation du paysage. LeSchéma Départemental descarrières a été approuvé le 7mars 2000, il a comme objectif

de mettre un terme à cesextensions. Néanmoins, laquestion de l’usage de ces plansd’eau en fin d’exploitationdemeure posée car lamultiplication des bases deloisirs ne peut être dans tous lescas une réponse pertinente. Uneétude générale d’affectation deces sites devrait être menée,qui poserait la question demanière transversale dans une

logique d’aménagement duterritoire et de développementdurable, et déboucherait sur deréels projets de paysageprenant en compte le rapport ausite de ces plans d’eau, qui tropsouvent apparaissent comme desanecdotes paysagères malmaîtrisées.

Sablières et plans d’eau

Pratiques culturales et protection des biotopes

Risques et fragilités

Les vallées les plus amples, quiont constitué une vaste

plaine alluviale (val de Loire) ouqui s’installent dans une vastedépression sans rupture francheavec le terroir environnant(basse vallée de l’Arnon,certaines partie du val d’Auron,l’essentiel de l’éventail deBourges) voient le lit mineur dufleuve ou de la rivière misdirectement en relation avecdes secteurs livrés à la grandeculture. C’est le cas pour laLoire, dont le lit majeur s’estrécemment converti au labour etpour les autres rivièresmentionnées dans les zones deChampagne Berrichonne qu’ellesbaignent. Les pratiques

culturales intensives setraduisent par l’utilisationmassive d’intrants, dont on a pumesurer les effets sur lebiotope de la Loire : progressiondes herbus, régression desbancs de sable, modification dela composition des verdiaux auprofit des espèces neutrophiles,apparition de phénomènes dedominances qui déséquilibrentles cortèges floristiques7 5.Cette altération est cependantatténuée en Loire par la relativeépaisseur de la ripisylve quiévite tout contact direct entreles champs cultivés et le coursd’eau ; en revanche, dans le casde la basse vallée de l’Arnon oude la vallée de l’Auron, la

confrontation est parfoisbeaucoup plus directe, mettantparfois les rampes detraitement en contact directavec la rivière. Il seraitsouhaitable d’examiner lapossibilité de neutraliser unebande de terrain autour descours d’eau les plus sensibles quiserait traitée en prairie (defauche ou pâturée) et recoupéede bandes boisées afin deralentir la course des eaux deruissellement chargées depolluants vers les rivières.

75 voir unité 3-6, page 213

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Le débordement du construitsur les versants est un

phénomène récent qui a étéobservé dans plusieurs cas(vallée du Cher, vallée del’Yèvre, vallée de l’Auron dans larégion de Dun, versants del’Aubois au droit des bourgs) ;l’activité industrielle s’estdepuis longtemps installée dansces sites (vallée du Cher). Lesvallées connaissent donc desmutations en terme dedéveloppement qui nécessitent

un accompagnement spécifique.La vallée présente l’avantaged’être un axe fédérateur, uneréelle entité paysagère quipermet de valider desstratégies intercommunales deréflexion et d’action. Desétudes conduites à l’échelle dechaque vallée permettraient dedisposer d’un volet paysager desdifférents documentsd’urbanisme opérationnel descommunes riveraines ainsi qued’un cadre de lecture du paysage

pour alimenter les procéduresd’instruction des permis deconstruire. On pourrait ainsifixer un certain nombre derègles simples : respecter leslignes de forces du site, éviterles implantations en tête deversant, établir des lignesplantées qui évitent les effetsde mitage, inventer dessystèmes de continuité avec lesnoyaux existants, proscrire lesédifices volumineux sur lespentes, etc…

Vallées et urbanisation

Si l’occupation agricoletraditionnelle tend à

reculer, les paysages de valléene sont pas sans avenir. Nousavons vu que leur situationprivilégiée dans la géographiedépartementale en faisait desinstruments de découverte etde compréhension du territoire :la vallée de l’Arnon raconte lagéographie physique, la vallée duCher parle de l’histoire et de lagéographie humaine, la vallée del’Auron fait événement dans la

plaine de Champagne… à samanière, chacune de ces unitésde paysage tient son rôle decharnière et de révélateur despaysages qu’elle traverse. Il y alà un véritable enjeu et unechance à saisir : ce sont sansdoute les vallées qui seraient lesmeilleurs supports possibles descircuits de découvertepermettant de revitaliser leszones bocagères en déshérence.Les tronçons de vallée, quitraversent les paysages souvent

ressentis comme monotones desplaines de culture, doiventprofiter de leur statut de"contrepoint vert" pouraccueillir des usages centrés surl’idée de nature. Dans undépartement qui s’orientenettement vers les diversesformes du tourisme vert, lespaysages de vallée offrent à lafois un outil de connaissance etun support inégalable.

Un rôle à jouer dans les paysages départementaux

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Une sensibilité liée à l’extrême visibilité

Les plaines livrées à la grandeculture sont globalement

stables puisqu’elles ontpratiquement atteint le stadeultime de leur évolutionpaysagère. Elles sont d’abordlues comme une marqueterieample de parcelles aux textureset aux couleurs changeantesavec les saisons où la vue semblese perdre en d’inaccessibleslointains. Ces paysages secaractérisent par leur extrêmevisibilité : tout objet (bâtiment,bosquet, arbre isolé, pylône ouchâteau d’eau…), prend ici une

importance singulière. Nousavons vu que les nuances quicaractérisent et individualisentles différents paysages deplaine se fondent sur de subtilesdifférences de relief, sur laprofondeur des horizons ou lerapport aux limites. C’estégalement la présence defigures végétales ou construitesqui donne une mesure àl’immensité et une personnalité àchaque unité : l’une secaractérise par la présence denoyers de plein vent, une autrepar la qualité du bâti de ses

fermes ou de ses villages, unetroisième parce qu’elle comportedes reliques de figuresbocagères qui composent undessin singulier sur l’étenduedes terres labourées. Ce sontdonc des paysages qui sontautant déterminés par un réseaud’objets que par leur structurespatiale proprement dite.L’aspect de ces objets, leurpérennité ou leur fragilitéfigureront les principaux enjeuxdes plaines.

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2-4 PAYSAGES DE PLAINE

Toutes les unités de cetensemble comportent des

figures végétales plus ou moinsévanescentes, qui vont du bois à

l’arbre isolé en passant par deshaies reliques, de petitsalignements d’arbres, desbandes boisées et des vergers

aux abords des villages et desfermes.

Le fragile enjeu des figures végétales

L’importance d’un arbre solitaire…

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Il existe un paradoxe entre lerôle paysager de ces figures etleur fragilité. Dans la plupartdes cas, elles ne correspondentplus à un usage dans le territoirequ’elles habitent et sont doncd’une évidente fragilité, etcependant elles le qualifientd’une indicible manière. Latendance naturelle d’évolutionest une disparition progressivede l’ensemble de ces scènesreliquaires, c’est-à-dire unebanalisation de ces paysages qui

à terme finiront par tous seressembler. Les champagnes, quisont déjà perçues par beaucoupcomme des " non-paysages " yperdront les seuls élémentssusceptibles de leur apporterdiversité et lisibilité. Il estimportant de prendre desmesures de sauvegarde de cesstrates arborées, voire de lesrenforcer. Un relevé précis etune inscription au titre desespaces boisés classés dans lesdocuments d’urbanisme seraient

ici indispensable. Cependanttoutes ces figures n’ont pas lamême importance, un inventaireraisonné, conduit dans le cadred’une étude paysagère desplaines permettrait unenécessaire hiérarchisation. Ilserait possible d’envisager, dansdes secteurs où cela estcompatible avec les contraintesd’exploitation, de reconstituertout ou partie de cette trameverte.

Lisibilité et arbres d’alignement

S’il semble difficile d’imaginerque l’on puisse envisager de

reconstituer ou même depérenniser un système de haiesau beau milieu des champs decéréales, il est possibled’envisager une intervention en

limite du domaine public, c’est-à-dire le long des routes. Laphotographie ci-dessous montrel’importance que prend un simplealignement de noyers le longd’une allée ; pourquoi ne pasrestaurer une partie des grands

alignements qui existèrentjusqu’au milieu du siècle dernieret permettaient, enhiérarchisant le réseau viaire,de comprendre le territoire etde s’y repérer.

Une allée plantée de noyers : un événement dans la plaine

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Il existe des moyens techniquespour répondre à un besoin desécurité tout en reconstituantun paysage lisible et cohérent.Les croquis ci-dessous montrentdes dispositions susceptibles derendre compatibles lesimpératifs de sécurisation de laroute et la plantation d’arbresd’alignement. Ces croquis ont

été établis en tenant comptedes normes actuelles desécurité, édictées par laDirection des Routes auMinistère de l'Equipement.On peut également imaginerd’accompagner certains axesroutiers par des haies en plein,composées d’une basse stratedense et d’une strate arborée,

qui ne constitueraient pas unobstacle frontal pour unvéhicule en sortie de route.

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Planter… malgré tout…

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La ferme en son écrin

Le construit, une histoire de silhouettes, une question de qualité

Le principe de la visibilitéporteuse de sensibilité

paysagère s’applique, bienentendu, aux objets construits.Les fermes anciennes ou lesvillages étaient entourés d’unsocle planté qui les ancrait dans

le paysage en accompagnant leurrapport avec le sol. L’échelle desbâtiments, les textures et lescouleurs, filles de matériauxtirés du sous-sol, installaient undialogue d’une grande cohérenceentre les édifices et le site. Les

modalités de groupement desmaisons d’habitation et lesbâtiments d’exploitationparachevaient une idéed’harmonie et d’équilibre.

Les figures d’urbanisationnouvelle qui se développent surtoute la partie des paysages deplaine jouxtant l’agglomérationde Bourges (unités 4-1 et 4-5)et sur les périphéries desbourgs qui émaillent les routesprincipales sont perçues àgrande distance, et la façondont se lit leurs silhouettes estun enjeu important. Il estindispensable d’introduire iciune dimension de projet globalqui pourrait prendre sa placedans les volets paysagers desdocuments d’urbanisme (schémade cohérence territorial de

Bourges, plans locauxd’urbanisme, etc…). Une étudegénérale sur le thème " habiterles paysages de plaine ", quifixerait quelques principessimples (prévoir des modes degroupements cohérents avecl’existant, composer lessilhouettes en harmonie avec leslignes de force du paysage,exprimer clairement les limitesà partir de structures plantées,élaborer des palettes decouleurs, de matériaux et devégétaux adaptés au milieu enévitant les conifères et autresessences exotiques etc…), serait

sans doute la réponse la mieuxadaptée. Concernant le construitse pose également la questiondes bâtiments agricoles, souventde grand volume (silos et autresbâtiments de stockage), pourlesquels des principes devolumétrie et de colorationdevraient être définis. Enfin, lespaysages de plaine sontsoulignés par le passage desdeux couloirs de lignes EDF quipourraient susciter une politiquede plantations compensatoiresdes abords de certaines routes(voir unités 4-1 et 4-5).

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LES ENJEUX PAYSAGERS DU DÉPARTEMENT page 568

2-5 PAYSAGES DE RELIEF

Les paysages de relief ont pardéfinition une structure

générale stable car leurprincipal déterminant est lagéomorphologie, dont l’évolutionse réfère à une échelle detemps qui dépasse largementcelle de l’homme. Cependantl’une des caractéristiquesprincipales de ces sites est laprésence constante de paysagesen tableau : les versantsmontrent l’occupation du solcomme un dessin projeté surune paroi. La richesse ou la

pauvreté du tableau conditionnela force ou la faiblesse del’enchaînement des motifs quepropose le paysage. Une figured’évolution régressive se voittrès clairement, sans doutebeaucoup plus que dans unbocage à plat dans lequel lesprofondeurs des vues sontfaibles et n’offrent pas devision d’ensemble. Les paysagesde relief proposent aussi unegrande diversité de postures duregard : on change trèsrapidement d’ambiance selon

que l’on se déplace sur unecrête, un versant ou un fond devallon. Diversité et complexitécaractérisent ces sites quiproposent en particulier unpassage constant entre deszones fermées et ouvertes biendifférenciées. Enfin, ladisposition en tableau met biensouvent en évidence leconstruit. Les enjeux paysagersse fondent sur cette sensibilitéparticulière.

Préserver l’intégrité des tableaux et la diversité

L’impact de la déprise agricole sur un paysage en tableau : début d'enfrichement

La simplification des tableaux paysagers

Les paysages de reliefcomportent deux phases : la

première est forestière etrenvoie aux enjeux de ces typesde paysage ; la stabilité globalen’est pas remise en cause, unetendance à la monoculturerésineuse peut apparaîtrecomme un appauvrissement danscertains secteurs ponctuels desMonts de la Marche ou du cœurdu Pays Fort. La seconde phase,agricole, est généralement detradition herbagère etbocagère, elle subit de pleinfouet les conséquences del’évolution régressive de cespratiques dans le département.La mise en évidence par ladisposition en tableau rendbeaucoup plus sensiblequ’ailleurs cette évolution : lacomplexité des scènes et enparticulier le découpage deslisières qui semble dérouler àl’infini la transition entre lesséquences forestière etbocagère se délite peu à peu. La

perte de complexité du paysagedevient extrêmement visibledans les paysages de relief. Lespaysages en tableau sont depuissants révélateurs desprocessus d’évolution. Lepremier signe de la déprise

agricole sur une parcelle enherbage est l’apparition desronces, qui sur un versantmarqué se distinguentimmédiatement et laissent uneimpression d’abandon.

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De la même façon, la progressiondu labour et l’arrachage deshaies, la régression des lisièreset la conquête des bois par lesfutaies résineuses, ensimplifiant les tableaux,altèrent les qualités despaysages de relief. Il existe unesensibilité particulière desversants les plus en vue, qui setraduit également par le rôleque jouent les objets construits,mis en évidence par les reliefs.Les pentes les plus exposées

(versant de la cuesta du PaysFort, de la côte de Saint Amand,flancs de la Motte d’Humbligny,etc.) doivent faire l’objet d’unsuivi rigoureux de leur évolution.Ce sont des sites prioritaires quiméritent des mesures deprotection et d’accompagnement(aides au maintien d’une activitéagricole diversifiée, chartequalitative des bâtimentsagricoles, maîtrise dudéveloppement du construit)d’autant plus indispensables que

ce sont le plus souvent des sitesreconnus et porteurs del’attractivité de la région qu’ilsoccupent. Les potentialitéstouristiques et naturelles dudépartement sont fortementdéterminées par des sites quiappartiennent à cet ensemble (lePays Fort, les gorges de l’Arnon,les Monts de la Marche enparticulier).

Le risque de fermeture des fonds de vallons et dépressions

Il existe une deuxièmemanière de connaître et

d’apprécier les paysages derelief, qui est celle de la relationintime : lorsque l’on pénètredans le cœur de ces paysages,les fonds de vallons, gorges etdépressions offrent des scènesdélicates de petites poches deprairies, de clairières ou deruisseaux entourés de fraîchesprairies piquetées de vieux

saules et recelant parfois devéritables joyauxarchitecturaux. La régressiongénérale du pâturage quioccupait la plupart de ces sitesles conduit à se fermer parboisement spontané ou parreplantation. C’est toute unedimension du paysage qui peu àpeu s’efface et une échelle delecture qui disparaît.À l’instar de ce qui a été proposé

pour les paysages de vallée, ilconviendrait de procéder à unétat des lieux qui permettraitde recenser les scènes encoreintactes et les moyens d’éviterqu’elles ne s’altèrent (parcourspâturés, entretien des bords derivière, réflexion sur lesmodalités d’une gestionspécifique, etc.).

La fermeture des fonds et la perte de compréhension du paysage

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Les paysages viticoles et legrand verger de la région de

Saint Martin d'Auxignyconstituent un ensemble depaysages qui peuvent à termedevenir des victimes de leurpropre réussite, bien éloignés encela des secteurs de bocage quirisquent de disparaître. Ce qui aété observé en premier lieu surle vignoble du Sancerrois mériteune réflexion générale. Le soucide rentabilité conduit lesexploitants de ces culturesspéciales devenues hautementtechnologiques à utiliser despratiques oublieuses du tempsqui patiemment façonne lespaysages. Nous sommes entrésdans une ère où les aléas sont demoins en moins tolérés. Lespratiques culturales intensiveset l’abandon des techniques desauvegarde des sols,incompatibles, semble-t’il avecla mécanisation, conduisent àmettre en péril la qualité decertains sols à long terme tout

en simplifiant à l’excès lesfigures paysagères. De la mêmefaçon, le fait que les critèresd’aspect priment sur ceux dugoût a conduit à privilégier lesvariétés américaines en bassestiges, au détriment de ladiversité variétale ancienne. Cephénomène a entraîné le grandverger vers la quasimonoculture, qui présente unrisque d’appauvrissement dumilieu à plus ou moins brèveéchéance et unehomogénéisation banalisante dupaysage.Enfin sur les terroirs les plusprestigieux, la "rançon dusuccès" se lit dans les figuresbâties souvent quelque peuostentatoires et dont lavolumétrie nécessitée par lesnormes techniques contreditbien souvent l’harmonie du sited’accueil.Une remise en question decertains de ces signes duprogrès et de la modernité sera

certainement indispensable pourmaintenir un équilibre entre labeauté des sites et la qualitédes produits, car l’économie dela région s’appuie sur ces deuxfondements complémentaires.

2-6 PAYSAGES DE VIGNES ET VERGERS

2-7 PAYSAGES URBANISÉS

Ecrire les limites d’agglomération

La clarté du rapport entre lesvilles et le paysage rural doit

se fonder sur une redéfinitiondes limites ; à partir des imagesà terme que définiront lesdocuments de planification, ilfaudrait définir une typologieurbaine des quartierspériphériques qui évite leseffets de mitage

(développements de Vierzon etde Saint Amand sur le coteauoriental) et mettre en place unsystème de limites écrites :fronts urbains clairs et formespaysagères d’accompagnement,(en particulier dans le cas deBourges et de ses extensionsfutures vers le sud).

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LES ENJEUX PAYSAGERS DU DÉPARTEMENT page 571

Les zones comprises entre lesgrandes infrastructures

routières et les limites actuellesd’agglomération sont desterritoires d’enjeux. Prochesdes échangeurs de l’autoroute A71, elle représentent des zonespotentielles de développementmême si, dans le cas de celui deSaint Amand il n’y a pas à ce jourde mutation visible. Ilconviendrait de mettre en placesur ces secteurs (en particulierl’espace compris entre le sud deBourges et la rocade de

contournement) une stratégievolontaire qui organise ledéveloppement et maintiennedes espaces paysagers detransition entre les zones bâtieset les rocades. Cette question sepose pour Vierzon au nord (A 71)et à l’ouest (A 20), sur desterrains qui se trouventenclavés entre ville et route. Icise posera à terme la question dela fin de la ville : doit-elle ou nontransgresser ces nouveauxremparts que lui a offertl’époque contemporaine?

L’image de l’agglomération sefondera sur sa façon d’établir unrapport paysager avec ces axes.Dans les deux cas (Bourges etVierzon), les enjeux nécessitentune réflexion du type plan depaysage sur la thématique "faut-il ici finir la ville"? Dans le cas del’agglomération de Saint Amand,la mise en place d’une procédured’encadrement dudéveloppement de la zone del’échangeur et de la partieoccidentale d’Orval s’impose.

Maintenir les coupures vertes

Accompagner les approches externes

Gérer les interstices

Le paysage interne desagglomérations se fonde

souvent sur un subtil équilibreentre zones bâties et zonesvertes : c’est tout le principe dela forme radiale de Bourges , durapport entre Vierzon et sarivière et de l’importance desversants et collines boisées dansl’agglomération SaintAmandoise. Ces coupures vertessont à protéger et à valoriser et

ce type de disposition doitprévaloir dans la définition desfuturs quartiers endéveloppement. Un plan decomposition paysagère desfutures extensions, nourri parune analyse des trames vertesexistantes serait l’instrumentde cette indispensableprécaution. On peut remarquer àce propos que la procédure desSchémas de Cohérence

Territoriale, qui permet laconstitution de coupures vertesest une réelle occasion demettre en place ces paysagesd'équilibre entre urbanisationet trame végétale.

La façon dont les villes sontperçues et comprises depuis

l’extérieur est fondatrice deleur identité. Nous avons vu queBourges exprimait largement sasilhouette sur son entour. Lesvues très dégagées la mettentdirectement en contact avecl’immensité de la plaine d’unemanière parfois ambiguë. Lamise en place de plantations

d’alignement, qui fut évoquéedans le chapitre des plaines,permettrait de recréer unehiérarchie des rapports entre lacapitale et son arrière-pays,pour retrouver les fondementsdu territoire : les routes royalesque fait apparaître la carte deC a s s i n i7 6 étaient toutesplantées d’un double alignementd’arbres.

76 voir chapitre 1, carte page 30

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LES ENJEUX PAYSAGERS DU DÉPARTEMENT page 572

2-8 PAYSAGES DE BOCAGES BOISÉS

2-9 PAYSAGES DE FORETS HUMIDES

Ces trois unités composentd’une part un ensemble

particulier des paysagesforestiers solognots, qui ne s’en

distinguent que par la présencedes milieux humides et lecortège végétal qui s’y rattacheet d’autre part par un milieu

tout à fait exceptionnel enBerry, les marais de Contres.

Ce sont soit des paysages danslesquels des figures de

bocages s’intercalent avec desbois dont la taille estcomparable à celle des parcellesen herbe, comme le sud duBoischaut (unité 8-1), soit desfigures bocagères installéesautour de masses boisées plusimportantes (unités 8-2 et 8-3).Dans les trois cas, la phaseboisée est relativement stableet présente les caractéristiqueset les enjeux des paysagesforestiers. La phase bocagèreproprement dite est assez

stable dans l’unité 8-1 grâce à lataille généreuse des parcelles etau dynamisme de l’élevage desbêtes à viande en embouchedans le Boischaut ; en revanchedans les deux autres unités, leparcellaire est de taille plusréduite et les signes d’abandonde gestion sont nombreux,surtout dans l’unité 8-2 quiappartient aux terroirs pointéssur la carte des déprises de lapage 497. La marqueterie debois et d’herbages n’est pasfavorable à une conversion versle labour, c’est donc le processus

de régression par fermeture dubocage qui s’exprime ici. Cesdeux unités subissent uneévolution vers le boisement sansréelle gestion. L’utilisation à desfins cynégétiques est possibleen ce qui concerne les margessolognotes et une mise à l’étudede nouvelles modalités degestion et d’entretien s’imposedans le cas de " l’ancien bocage "de Châteauneuf, qui pourraitbénéficier du potentieltouristique lié à la vallée du Cheret à la petite cité couronnée parson château.

Aux marges de la Sologne

Le principal enjeu des deuxunités qui composent cetensemble se fonde sur unecertaine tendance à lafermeture, voire même àl’enfermement : les clairières dubassin de la Sauldre régressentet la station de Nançay sembleavoir bien du mal à gérer sarelation avec le monde

extérieur. Dans les deux cas, ils’agit de paysages attractifs quisemblent ne pas oser utiliserleur potentiel… faut-il y voir uneffet de l’ambiance solognotequi tend à privatiser le paysage?Il semble que Nançay ait unebelle carte touristique à jouer.Une mise en valeur des pratiquesde promenade, de randonnée, de

pêche et de contemplation d’unmilieu naturel extrêmementriche devrait pouvoir êtreenvisagée sur l’ensemble de laSologne y compris sur lesparties de la région situées dansles départements voisins. Lesunités 9-1 et 9-2 pourraientêtre des supports de cetterestructuration qui devrait

Les forêts humides solognotessont des milieux moins

favorables aux essencessylvicoles que les stationssèches, et apparaissent plutôtcomme des marges favoriséespar une grande richessebiologique. La flore y estdiversifiée et ce sont de trèsriches refuges pour la faune ettout particulièrement pour lesoiseaux. Les milieux humides et l’avifaune

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LES ENJEUX PAYSAGERS DU DÉPARTEMENT page 573

2-10 PAYSAGES DE PLAINES BOISÉES

La troisième unité de cetensemble, les marais de

Contres, est un milieuexceptionnel et fragile, qui

constitue l'un des rarespaysages du département pourlesquels il conviendrait deproposer une protection totale.

Ces paysages sont composéscomme des mosaïques

binaires, qui combinent lestermes ultimes de l’évolution despaysages ruraux dudépartement, la plaine cultivéeet le bois. Ils sont donc faits dedeux phases dont nous avons vuqu’elles étaient les figures lesplus stables que l’on puisserencontrer dans le Cher. Ce sontdonc des paysages dont lagéométrie varie peu mais quinéanmoins subissent pourcertains d’entre eux de trèsfortes évolutions. Une seule deces unités, la campagne de Dun(unité 10-1) connaît desmodifications radicales de larépartition entre plaine et bois :la première progresseconsidérablement au détrimentdes seconds. Dans les six autrescas, la répartition entre lespleins et les vides ne se modifiepas ou très peu, il s’agit de taillisde production ou de bois dechasse qui ont toutes chances deperdurer grâce à leurs

dimensions ou du fait desconditions pédologiques, mais laphysionomie générale du paysageévolue fortement pour deuxraisons essentielles. La premièrede ces raisons est la grandeouverture visuelle de ces unitéspaysagères, qui donne uneimportance particulière au bâti.La campagne de Dun (unité 10-1),l’interfluve Cher-Arnon (unité10-2), et surtout le piémont duPays Fort (unité 10-4) en raisonde la mise en évidence par lerelief, sont fortement affectéspar de nouvelles constructionstrès visibles. Il y a lieu, commedans les paysages de plaineouverte soumis à cette pression,de conduire des études visant àencadrer les volets paysagersdes documents d’urbanisme etdes permis de construire endéfinissant de manière préciseles modalités de groupement etd’implantation, les effets desilhouette et les palettes dematériaux ou de végétauxd’accompagnement. La seconde

figure d’évolution est ladégradation des figuresvégétales ; il s’agit de tracesbocagères dans le cas de laplaine ponctuée (unité 10-3) etde la plaine de Dun (unité 10-1)et d’un processus d’altérationdes lisières, souvent dû auxexcès des enrésinements (unité10-2). Une protection desreliques bocagères dans lesdocuments d’urbanisme sembleici s’imposer. Enfin il fautsouligner que malgré la stabilitérelative du " rapport plein vide ",deux des unités de cetensemble, la mosaïque de Graçayet la plaine d’entre Cher etArnon (unités 10-4 et 10-7), fontpartie des régions en déprise etmontrent les seuls exemples d’unrecul des figures de plaine auprofit de boisements spontanésnon gérés, qui sont nés del’enfrichement. La question de lagestion de ces terroirs vacommencer à se poser avecacuité.

Le sanctuaire des marais

susciter une large concertationentre tous les acteurs de cespaysages. Pourquoi ne pasimaginer la mise en place d’unitinéraire de découverte du

milieu naturel, décliné enparcours, qui permettrait deconnaître et de contemplerl’avifaune ? N’y aurait-il pas là unheureux contrepoint écologique

à l’observatoire, mêlant ainsi lesdeux termes d’un regard globalsur la nature ?

Un milieu fragile à protéger

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LES ENJEUX PAYSAGERS DU DÉPARTEMENT page 574

Les deux paysages paradoxauxet insolites qui réunissent les

contraires et s’installent pourl’un comme un événement (lesbuttes dans la plaine, unité 12-2)et pour l’autre comme le gardiendu sanctuaire sancerrois (unité12-1), ont des personnalitéssuffisamment fortes pourévoluer sans disparaître. Ils ne

sont pas stables dans le détail(le narthex n’a pas fini des’ouvrir et de se simplifier et lesbuttes sont soumises à lapression de développement duconstruit) mais le sontassurément dans ce qui fondeleurs caractères originaux. Ilconvient cependant, comptetenu de la grande visibilité que

leur confèrent le relief et unetotale ouverture, de prendredes mesures de contrôle vis-à-vis de la qualité desconstructions qui les habitent etde prévoir un accompagnementplanté adapté, composé à partird’essences indigènes, quipermette de reconstituer dessilhouettes cohérentes.

2-12 PAYSAGES DE CONTRASTE PLAINE RELIEF

2-11 PAYSAGES DE PLAINES ET BOCAGES MÊLÉS

Ces trois unités sont lesfigures presque finales de

l’évolution régressive desbocages, le dernier stade avantque ne s’installe définitivementl’openfield. Elles sontconstituées par des lambeauxbocagers perdus dans la plaine.Si l’on souhaite que ces unitésconservent un minimum detypicité, il est indispensable deprendre des mesuresconservatoires en deux temps :protection des figuresrelictuelles et élaboration d’unestratégie de renouvellement.Celle-ci devra s’appuyer sur uneétude paysagère qui définira latrame à mettre en place, sadensité, le type d’essences à

utiliser et la localisation desinterventions. Une démarche dutype plan de paysage, quiinclurait également uneréflexion sur le construit et ledéveloppement, semble adaptéeà cette problématique dans lecas des unités 11-1 et 11-2 etaux schémas qui figurent enannexe de l'atlas. On peutimaginer deux systèmescomplémentaires : une trame quiparle du passé et s’appuie sur lesreliques existantes et une tramequi s’installe sur les bords dechemins, dans l’esprit de ce qui aété proposé pour certainspaysages de plaine. Ainsi aurait-on trouvé là un moyend’exprimer la substance de ces

paysages singuliers, qui vont aubout d’une évolution vers laplaine mais n’en continuent pasmoins par quelques signes ténus,à parler de leur histoire passée.Pour ce qui concerne l’est duPays Fort, l’analyse de l’unité 11-3 a montré qu’il était questiond’un choix radical : faut-ilaccepter et accompagner lamutation vers une image deplaine qui regarde vers la Loireet le Sancerrois ou faut-ilpréserver, sauvegarder,remplacer ce qui peut l’être ?


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