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ALEX REEVE
ARCANESMORTELLES
Extrait
ALEX REEVE
ii
ARCANES MORTELLES
Seconde édition
ALEX REEVE
www.alexreeve.fr
Copyright © 2015 Alex Reeve
All rights reserved.
ISBN-13: 978-150520720
ISBN-10: 1505207207
CHAPITRE 1
Saint Malo, le 15 septembre
"Vous m'avez sauvé la vie!"
A ces mots, Vincent se détendit et sentit les
commissures de ses lèvres se relever en un sourire
qui exprimait la joie d'un travail bien fait. Madame
Duplessis, repoussa une mèche grise de devant son
visage et continua:
"Si, si, je vous assure sans vous et vos
incroyables consultations du Tarot je ne serais plus
de ce monde."
Elle mit la main droite sur sa poitrine et l'ouvrit
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ALEX REEVE
dans un geste qui voulait dire merci du fond du
cœur.
"Simplement en regardant ces cartes, vous avez
su quel était mon problème et vous m'avez donné
des pistes, des solutions. Avant de venir vous voir
j'étais désespérée voire suicidaire, tout le monde
disait que c'était dans ma tête, mais vous..." Dit-elle
en mettant sa main sur l'épaule de Vincent.
"Vous avez pris le temps de m'écouter, vous avez
compris mon problème et vous m'avez donné des
solutions, je vous suis redevable comme à chaque
fois que je viens vous voir."
Elle mit la main dans son sac et sortit son porte-
chéquier.
"Combien je vous dois?"
Vincent leva les mains en signe de protestation
"Cette consultation est gratuite. Je suis très content
que cela ait pu vous aider. C'est mon cadeau pour
vous aider dans votre nouvelle vie."
Les lèvres de Madame Duplessis dessinèrent un
O. et elle mit le bout de ses doigts sur sa bouche
comme pour tenter de cacher son étonnement. Elle
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ARCANES MORTELLES
serra la main de Vincent pendant un moment qui lui
parut une éternité.
Une fois qu'elle fut partie, Vincent ferma la porte
et s'affala sur la chaise de son bureau en poussant
un soupir de fatigue. Cette consultation avec
Madame Duplessis avait été éprouvante car elle
était sympathique mais très mélodramatique. Elle
exagérait toujours tout. Depuis qu'il était devenu
tarologue sept ans plus tôt, il avait eu quelques
clientes difficiles mais Madame Duplessis était la
plus compliquée de toutes. Non pas à cause de ses
problèmes, ou si, justement à causes de ses
problèmes ou plutôt le manque de problème.
Madame Duplessis avait une vie idéale: un mari qui
l'aimait, un hobby qui la passionnait, pas de
problème financier et des amis à foison. Mais elle
avait la manie d'imaginer des montagnes de
problèmes qui n'existaient pas.
Malgré la fatigue, Vincent était content car il
avait fait du bon boulot, il l'avait aidé du mieux qu'il
pouvait et il ne regrettait pas de lui avoir offert la
consultation car avoir une femme de Préfet dans son
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carnet d'adresse pouvait toujours servir et il savait
qu'elle allait en parler à toutes ses copines qui se
précipiteraient pour avoir une consultation à leur
tour.
Il expira profondément comme pour évacuer
toute cette fatigue psychique et être en pleine forme
pour la prochaine consultation. Son téléphone vibra
dans sa poche. Michel, son meilleur ami lui
envoyait un SMS avec une blague idiote comme
d'habitude. Il était sur le point de lui répondre quand
la sonnette de la porte d'entrée retentit. Sa nouvelle
cliente venait d'arriver. S'il avait su à quel point
cette nouvelle consultation allait changer sa vie, il
n'aurait probablement pas ouvert la porte.
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CHAPITRE 2
En ouvrant, Vincent se trouva face à une femme
blonde, environ quarante-cinq ans, habillée
simplement mais avec goût. Grâce à son métier si
particulier, il avait développé son sens de
l'observation. Rien qu'en regardant sa façon de
s'habiller, sa façon de se tenir, ses gestes, il était
capable de dire plein de choses sur elle. Il savait que
c'était une femme d'intérieur qui aimait entretenir
son domicile grâce au petit morceau de fil de
couture qui était resté accroché à sa manche. Le
genre de fil que l'on utilise pour faire des rideaux.
Elle aimait cuisiner des bons petits plats pour son
mari, ça il le savait grâce aux taches quasiment
invisibles sauf pour un œil exercé, qu'elle avait sur
le bas de son pull. Elle avait des revenus modestes
mais ce n'était pas pour des problèmes d'argent
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ALEX REEVE
qu'elle venait le consulter. Les gens venaient le voir
pour diverses raisons qu'il pouvait classer en
quelques thèmes récurrents: l'argent, l'amour, le
travail, les relations avec les autres. Ce n'était pas
pour le travail ni pour l'argent qu'elle venait. Non,
sa façon de toucher son alliance nerveusement
indiquait qu'elle venait sûrement pour un problème
de couple.
"Vous devez être madame Marshall, entrez je
vous prie, installez-vous" dit-il en désignant le
fauteuil en face de son bureau.
Elle s'assit en se tenant très droite et en mettant
son sac à main sur ses genoux. Elle regarda autour
d’elle. Vincent vit qu’elle fut surprise de ce qu’elle
voyait. Comme à chaque fois, ses clients
s’attendaient plutôt à voir des symboles ésotériques
et cabalistiques accrochés aux murs, des grosses
tentures épaisses qui ne laissent pas passer la
lumière et un éclairage à la bougie telle une gitane
dans sa roulotte. Alors que son bureau était un lieu
moderne décoré avec des affiches illustrant des
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ARCANES MORTELLES
citations d’hommes célèbres, des sages de
l’humanité tel que Ghandi, le Dalaï Lama ou Martin
Luther King.
"Puis-je vous offrir un verre d'eau ou un café?"
Elle fit non de la tête et il s'assit en face d'elle. Il
lui tendit une feuille à remplir avec ses coordonnées
et d'autres informations personnelles. Une fois ce
papier rempli, il demanda :
"Alors dîtes-moi que puis-je faire pour vous?
Comment puis-je vous aider?"
Elle le regarda un long moment avant de parler.
De toute évidence elle se posait la question de
savoir si c'était une bonne idée d'être là. Vincent
patienta sans rien dire. Il savait que les nouveaux
clients pouvait prendre leur temps car ce n'est pas
évident comme démarche de venir voir un
tarologue. Elle leva la tête, regarda Vincent dans les
yeux, prit une grande inspiration. Elle resserra ses
mains autour des poignées de son sac à main
comme un moyen de rester accrochée à quelque
chose de tangible.
"Je viens vous voir parce que vous avez été
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chaudement recommandé par une amie. Il paraît que
vous avez vu des choses qu'elle seule connaissait et
que vos prédictions se sont trouvées être exactes."
En entendant le mot prédiction le nez de Vincent
se retroussa. Il n'aimait pas ce mot et préférait qu'on
parle de conseils. Il ne dit rien car c'était la première
fois qu'elle venait et il ne voulait pas l'interrompre
maintenant qu'elle était lancée.
"J'ai beaucoup hésité à venir, car je ne suis pas
sûre de croire à toutes ces choses et si mon mari
savait que je suis venue, il y aurait de l'orage dans
l'air. Mais, justement mon mari, je viens à cause de
lui et je ne sais plus trop à qui en parler, donc je me
suis décidée à venir vous voir." elle prit une grande
inspiration après cette tirade dite à toute vitesse.
"Je suis là pour vous aider." dit-il d'une voix
calme et douce pour essayer de la mettre à l'aise."
Vous avez donc des problèmes avec votre mari,
dîtes m'en un peu plus. À quelle question voulez-
vous que je réponde à l'aide du tarot? Plus la
question est précise, plus la réponse sera précise."
"Mon mari est inspecteur de police à la
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ARCANES MORTELLES
criminelle enfin maintenant on dit lieutenant. Son
boulot le passionne et c'est souvent au détriment de
sa famille. Il ne compte pas ses heures pour
résoudre les enquêtes, il va au boulot très tôt et
rentre très tard et, quand il rentre il s'enferme dans
son bureau pour relire des dossiers de vieilles
affaires non résolues. Vous verriez son bureau c'est
un vrai capharnaüm, des piles de dossiers partout."
" Et donc que voulez-vous savoir à propos de
votre mari?"
"Oui pardon, je suis désolé. Le problème c'est
que tant que les enfants étaient à la maison j'étais
occupée. J'ai des photos d'eux dans mon sac, si vous
voulez les voir." Vincent secoua sa main de droite à
gauche pour lui signifier pas maintenant.
" Mais maintenant ils sont adultes et ils ont quitté
le nid familial. Et je me retrouve toute seule sans
personne à qui parler parce qu'il ne faut pas compter
sur Georges, Georges c'est mon mari, pour parler de
son boulot. Il dit qu'il ne veut pas m'effrayer avec
les histoires sordides qu'il vit au quotidien. Et moi
je fais plein de choses, le ménage, la lessive, à
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ALEX REEVE
manger et j'aimerais bien un peu d'attention en
retour. Je sais qu'il m'aime, ça j'en suis sûre mais il
aime encore plus son boulot. Donc j'aimerais bien
savoir comment faire pour avoir un peu plus
d'attention de sa part."
"D'accord je commence à cerner votre problème.
Nous allons voir ce que le tarot va nous dire à ce
sujet." il ouvrit une boite en bois vernis et en sortit
son jeu de tarot emmailloté dans un tissu de couleur
violette. Pendant qu'il défaisait le paquet
méthodiquement il dit:
"Je vais donc mélanger le jeu de tarot du moins
ce que l'on appelle les arcanes majeures du jeu. Il y
en a vingt-deux avec chacune une image détaillée
dessus." Il sortit le jeu de tarot avec un grand
respect et commença à les mélanger
précautionneusement. C'était un jeu qui datait du
dix-neuvième siècle et dessiné à la main.
"N'ayez pas peur des images que vous allez voir.
Certaines ont des images ou des noms qui peuvent
effrayer les gens surtout quand c'est la première fois
qu'ils les voient. Mais vous devez savoir que ce
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ARCANES MORTELLES
n'est pas parce que les images que vous voyez vous
effraient qu'elles ont une signification négative.
Elles ont plusieurs significations possibles selon la
question posée, la consultante et les autres cartes
qui sont autour."
Avec un geste lent, il étala les arcanes faces en
bas sur le tapis de carte de son bureau.
"Concentrez-vous sur votre problème et avec
votre index sortez une première carte."
" Avec l'index de la main gauche?"
Vincent sourit car on lui posait cette question à
chaque fois.
"Cela n'a aucune importance, l'important c'est de
se concentrer sur sa question en en prenant une."
Elle passa la main au-dessus du ruban de cartes,
s'arrêta au-dessus d'une, hésita, puis finalement
changea d'avis et pris une carte un peu plus loin sur
sa droite à lui. Elle la retourna. Ses yeux s’ouvrirent
en grand. Elle lâcha la carte comme si elle venait de
se brûler avec et se leva d'un bond. Son sac tomba à
ses pieds dans un grand fracas. Vincent ne
s'attendait pas du tout à cette réaction et le bruit du
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ALEX REEVE
sac le fit sursauter et il se leva d'un coup comme
pour éviter le contenu qui allait se répandre sur ses
pieds.
Ils étaient là tous les deux debout de part et
d'autre du bureau. Tout ce que Madame Marshall
réussit à dire ce fut "C'est impossible!"
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CHAPITRE 3
Vincent jeta un coup d'œil à la carte que
Madame Marshall venait de lâcher, elle représentait
une dame assise avec son regard de face, habillé de
rouge et bleu avec dans une main une épée et dans
l'autre une balance. L'arcane VIII La Justice.
"Madame Marshall tout va bien, calmez-vous."
Elle ne l'entendait pas. Elle avait le regard fixé
sur la carte comme si elle était hypnotisée par elle,
en transe. Vincent fit le tour du bureau, un peu
inquiet. Il avait déjà vu des réactions excessives sur
certaines cartes mais rien comme celle qu'il avait en
face de lui.
"Madame Marshall?"
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ALEX REEVE
Comme elle ne répondait toujours pas. Il
retourna la carte face en bas. Il prît sa cliente par les
épaules et la tourna vers lui, la forçant à le regarder.
Elle cligna des yeux comme après avoir été
aveuglée par une lumière brillante. Elle réalisa où
elle était et qui était en face d'elle. Vincent la força
à s’asseoir. Et alla chercher un verre d'eau. Lorsqu'il
revint, il vit qu'elle reprenait ses esprits mais il vit
aussi dans ses yeux comme de la suspicion.
"Ça va?" elle hocha la tête.
"Vous savez ce ne sont que des images il ne faut
pas vous mettre dans des états comme ça."
Elle avait repris complètement ses esprits et le
regarda avec un regard accusateur et pointa un doigt
vers la carte qu'elle avait touchée.
"Pourquoi avez-vous une image qui est l'exacte
réplique d'une photo de meurtre que mon mari avait
sur son bureau cette semaine?"
"Je ne comprends pas ce que vous me dites."
Vincent repassa derrière le bureau comme pour
mettre un obstacle entre lui et elle au cas où elle
deviendrait violente.
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ARCANES MORTELLES
"Cette carte est la huitième arcane du jeu de
tarots de Marseille, C'est la Justice."
Elle marqua un temps, se saisit de la carte et
l'examina attentivement. Vincent sentit ses jambes
se tendre, prêt à fuir si la dame en face de lui avait
une nouvelle réaction violente.
"Vous voulez dire que ce n'est pas vous qui
l'avez dessiné?"
"Non, non c'est un jeu de cartes que vous pouvez
trouver dans n'importe quelle boutique ésotérique
spécialisée." l'ambiance de la pièce semblait moins
tendue d'un coup.
" Vous avez dit que cela représentait un meurtre.
Que voulez-vous dire?"
" Mon mari a ramené un nouveau dossier à la
maison. Je vous ai dit qu'il était lieutenant de
police? Ce nouveau dossier, il l'a laissé sur son
bureau. Moi je suis pas sensée le regarder mais il
faut bien que je fasse le ménage, même dans son
bureau, même si c'est un sacré bazar. Et il a horreur
que je touche à ses affaires. Mais je digresse. Bref
l'autre jour j'essaie de faire la poussière dans son
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ALEX REEVE
bureau quand je fais tomber une photo. Cette photo
représentait une dame d'un certain âge assise sur un
trône. Elle était déguisée avec une sorte de toge
rouge et bleu et dans une main une épée et dans
l'autre une balance. Exactement comme votre carte.
C'est seulement après un moment que j'ai réalisé
que c'était une photo de scène de crime et que la
dame en question était morte. Alors, de surprise, j'ai
lâché la photo et ai fait tomber une pile de papier du
bureau de mon mari. Je peux vous dire qu'il était
pas content quand il est rentré, même s'il n'a rien
dit. Je connais bien mon mari et je sais quand
quelque chose le contrarie. Enfin bref je ne sais
même pas pourquoi je vous parle de ça. Car je sais
que j'ai pas le droit de parler des affaires de mon
mari surtout que je ne vous connais même pas. C'est
tout moi ça. Je parle tout le temps."
"Et en voyant la carte vous vous êtes dit que
j'avais peut être quelque chose à voir avec cette
histoire?" Dit-il en souriant.
Madame Marshall, rougit et se tordit les doigts.
"Oui je suis désolée, mais j'étais tellement
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ARCANES MORTELLES
surprise de voir ce dessin et j'ai cru que vous aviez
quelque chose à vous reprocher."
" Je peux vous assurer que je ne suis pas un
meurtrier, je suis un simple tarologue qui ne veut
qu'aider son prochain." il se pencha pour ramasser
le contenu du sac éparpillé sous le bureau et le
rendit à sa propriétaire.
"En revanche, je vous avoue qu'avec toutes ces
émotions je ne suis plus en état de me concentrer et
de vous faire un tirage de tarot convenable. Vous-
même semblez un peu secouée par cet événement
donc si vous voulez bien, je vous propose que l'on
reporte cette consultation." Il jeta un coup d'œil à
son agenda. "Jeudi même heure. Cela vous ira? "
Comme il voyait qu'elle hésitait, il eut soudain
une idée.
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CHAPITRE 4
"Si vous le souhaitez je peux vous laisser
regarder toutes les images de ce jeu comme ça la
prochaine fois vous ne serez pas surprise."
Elle le regarda avec un regard qui disait merci
d'être aussi prévenant.
"Oui c'est une bonne idée."
Il ramassa le jeu et le retourna délicatement. Il
posa les cartes une par une sur son bureau de façon
à ce qu'elle puisse les voir toutes.
Pendant qu'elle regarda les cartes avec attention,
il l'observait. Il aimait voir la réaction des gens en
découvrant son jeu. Vincent était très fier de ses
cartes. Les connaisseurs étaient admiratifs de la
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ARCANES MORTELLES
richesse des détails, des couleurs et surtout du fait
que c'était un jeu dessiné à la main. Mais il aimait
encore plus regarder la réaction des néophytes, ceux
qui ne connaissaient rien au Tarot. Il avait
découvert que les personnes étaient attirées par
certaines cartes et pas d'autres. Et cela variait selon
les gens. Cela lui donnait une indication sur la
personnalité de la personne qui regardait le tarot.
Madame Marshal passait les cartes une à une
dans ses mains. Elle faisait très attention à ses
gestes, consciente qu'elle avait un objet rare dans
ses mains. Elle passa les premières cartes.
"C’est magnifique, c'est vraiment très beau!" elle
s'arrêta plus longuement sur l'Hermite. Cet homme
âgé qui recule une lanterne à la main reflétait à
merveille la solitude de cette dame. Elle passa deux
autres cartes en revue, puis sursauta en voyant la
suivante, l'arcane XIII et son squelette faucheur.
Cette carte faisait toujours peur même si elle ne
signifiait que rarement la mort mais plutôt une
transformation profonde. Elle s'arrêta et étudia
l'arcane le Soleil avec les deux enfants qui devaient
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ALEX REEVE
probablement lui rappeler ses propres enfants avant
qu'ils ne deviennent adultes.
Lorsqu'elle passa à la suivante, ses pupilles se
dilatèrent transformant ses yeux verts en un grand
lac sombres. Ses doigts potelés se crispèrent autour
du jeu. Elle leva la tête en direction de Vincent avec
une expression sur son visage qui semblait l'accuser
à nouveau.
Elle en avait trouvé une autre.
"Celle-là, c'est aussi une photo de mon mari."
Vincent regarda la carte qu'elle tenait. Le Mat.
L'arcane sans numéro. Celle qui est hors-jeu.
Vincent porta son regard bienveillant vers elle et
la poussa à lui en dire un peu plus.
"C'est une affaire un peu plus ancienne. Tout ce
que Georges, mon mari a bien voulu me dire. C'est
que c'est un SDF et son chien qu'ils ont retrouvé
dans un champ. Il pensait que le SDF était mort
d'une crise cardiaque et que son chien s'était laissé
mourir à côté de lui. Je me souviens très bien de
cette photo car le SDF était allongé par terre mais
avec les jambes écartées et son bâton dans la main,
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ARCANES MORTELLES
on avait l'impression qu'il était en train de marcher.
Comme s'il était devenu une statue instantanément
et que l'on avait renversé cette statue sur le côté. Je
l'ai dit à Georges. Il a doucement rigolé et à dit que
j'avais trop d'imagination. Je n'avais pas fait trop
attention au chien mais en voyant cette carte je vois
que la photo et ce dessin sont absolument
identiques. C'est quand même bizarre."
"En effet c'est étrange." Il lui reprit les cartes et
les emballa dans leur tissu protecteur.
" Peut-être devriez-vous en parler avec votre
mari?"
Elle eut un mouvement de recul.
"Surtout pas! Je ne lui ai déjà pas dit que je
venais vous voir. Je lui ai dit que j'allais passer
l'après-midi chez une amie. Je lui ai menti. S'il le
sait il ne sera pas content. Et il n'aime pas que je me
mêle de ses affaires. Et puis dans la police, ils sont
compétents je suis sûre que quelqu'un a déjà dû
faire le rapprochement avec vos cartes."
Vincent aurait préféré qu'elle n'utilisât pas le
possessif, cela le faisait se sentir coupable sans
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ALEX REEVE
avoir rien fait. Ce ne sont pas ses cartes. Ce sont les
dessins traditionnels du Tarot. Et ces dessins
agitaient des tas de pensées dans son cerveau. À
nouveau !
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CHAPITRE 5
Une fois madame Marshal partie. Il s'assit à son
bureau et frotta son front. Il pouvait sentir les rides
parallèles à ses sourcils qui se formaient quand son
cerveau bouillonnait dans une grande réflexion. Il
sortit à nouveau son jeu de son carcan de tissu et
mit devant lui la carte de la Justice et celle du Mat
devant lui.
Pourquoi était-elle tombée sur cette carte? Quel
était le message que le tarot voulait lui envoyer à
lui? Deux morts dans les positions exactes de deux
cartes du Tarot de Marseille; cela ne pouvait pas
être une coïncidence. Et si madame Marshal se
trompait? La police n'a peut-être pas fait le lien.
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ALEX REEVE
Toutes ces questions qui tournaient dans sa tête
comme des poussières entraînées dans le tourbillon
de l'eau qui s'évacue d'un lavabo, et pas de réponse.
Son instinct lui disait d'aller voir la police, d'aller
voir le mari de madame Marshal. Mais elle lui avait
formellement interdit et de toute façon il tenait au
secret professionnel. Ce que lui révélaient ses
clients était sacré et jamais il ne voudrait révéler
quoi que ce soit qui puisse mettre ses clients mal à
l'aise.
Il tira une carte dans son jeu. Tempérance, la
carte de la communication. Aussitôt il sut ce qu'il
devait faire.
Il sortit de son bureau et se rendit directement
chez son ami Michel. Michel habitait un petit
appartement non loin de son bureau et il pouvait y
aller facilement à pied. Marcher jusque-là, lui fit du
bien. Après cette tension accumulée lors de cette
séance avortée avec madame Marshal, il accueillait
avec joie cet air frais sur son visage.
Arrivé devant l’immeuble de son ami, il
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ARCANES MORTELLES
composa le code de la porte et entra. Il monta
prestement les marches jusqu’au premier étage. Il se
plaça devant la porte de son ami et frappa. Aucune
réponse. Vincent regarda sa montre, pas étonnant à
cette heure-ci, Michel devait être en train de faire sa
sieste quotidienne. Michel était traducteur freelance
et il avait la chance de pouvoir organiser son emploi
du temps comme il le voulait. Vincent titillait
souvent Michel à propos du temps qu’il perdait à
faire cette sieste tous les jours. Ce à quoi son ami
répondait invariablement en rigolant qu’il préférait
arriver reposé devant Dieu lorsque celui-ci le
rappellerait à lui.
Vincent tambourina sur la porte. Cette fois ci, il
entendit du mouvement derrière la porte. Il attendit
encore un peu et la porte s’ouvrit. Michel était
débraillé et ses cheveux frisés étaient encore plus
décoiffés que d’habitude. Il était sur le point de
lancer une remarque cinglante mais s’arrêta net
lorsqu’il vit qui était devant la porte. Il leva un
sourcil surpris et sans prononcer un mot lui fit signe
d’entrer.
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ALEX REEVE
Vincent s’affala sur le canapé et posa ses pieds
sur la table devant lui. Michel alla à la cuisine et
revint avec deux bières. Il les décapsula en offrit
une à Vincent. Il s’assit sur son canapé, à côté de
Vincent et dans la même position que lui. Il trinqua
avec son voisin et dit:
“J’espère que tu as une bonne raison
d’interrompre ma sieste. J’étais en train de faire un
super rêve avec une nana très chaude.”
Vincent sourit, Ils étaient tous les deux des
célibataires endurcis mais ils ne le vivaient pas de la
même façon. Lui depuis son divorce vivait de façon
quasi monacale et se consacrait à son boulot. Alors
que Michel lui, flirtait à droite à gauche sans jamais
s’attacher.
“Je viens de faire une consultation très étrange.
La consultante a cru que j’avais commis des
meurtres.”
Michel se redressa et regarda son ami.
“Oui, alors là, tu as eu raison, ça a l’air plus
intéressant que mon rêve. Je suis tout ouïe.”
Vincent lui raconta ce qu’il avait vécu avec
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ARCANES MORTELLES
madame Marshal et conclut en disant:
“Du coup je ne sais pas trop quoi faire. Est-ce
que je dois aller voir la police pour leur parler du
lien entre les victimes et le Tarot, au risque de me
faire jeter et de briser le secret professionnel? Ou
est-ce que je laisse la police se débrouiller au risque
que d’autres victimes apparaissent?
Michel but une longue gorgée de bière. C’était sa
façon à lui de se laisser du temps pour réfléchir. Il
finit par dire:
“Mon pote, dans les deux cas t’es foutu.”
“Merci ça m’aide vachement.”
“ Tu sais, je te connais par cœur, tu viens
m’exposer ton dilemme mais je sais qu’en réalité tu
as déjà fait ton choix. Tu veux juste que je te dise
que tu as raison. Tiens tu sais quoi, je te connais
tellement bien que je vais écrire sur ce bout de
papier ce que tu vas faire.”
Michel joignit le geste à la parole et écrivit
quelque chose sans le montrer à Vincent.
Vincent protesta.
“Non pas du tout, je ne sais vraiment pas du tout
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ALEX REEVE
ce que je vais faire. J’ai vraiment besoin de tes
conseils.”
Michel resta silencieux et le regarda avec un
sourire en coin.
“Bon d’accord entre les deux choix, j’ai une
préférence pour l’une des solutions. Mais je ne sais
pas si c’est vraiment la bonne. Allez, on va voir si
tu me connais aussi bien que ça. Montre-moi ce que
tu as écrit.”
Michel lui tendit le papier. Vincent le lu. Dessus
son ami avait écrit:
“Qu’est-ce que t’attends pour aller voir les
flics?”
Vincent éclata de rire.
“D’accord je m’incline. Tu me connais trop
bien.”
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CHAPITRE 6
"Lieutenant Marshal ! Lieutenant Marshal !"
Georges Marshal qui se dirigeait vers sa voiture
se retourna en entendant son nom. Le gros collègue
assigné à l'accueil parce qu'il était incapable d'être
sur le terrain et qu'on gardait là jusqu'à la retraite,
lui courait après. Voir cette masse de graisse sauter
dans tous les sens comme de la gelée anglaise, lui
inspirait du dégoût. Comment pouvait-on se laisser
aller comme ça? Il baissa les yeux sur son propre
corps musclé comme pour se rassurer et ne plus voir
cette masse informe. Il ne fit aucun effort pour aller
à la rencontre du marshmallow qui courrait vers lui.
Au moins cela lui ferait un peu d'exercice dans sa
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ALEX REEVE
journée.
Georges s'aperçut qu'il ne savait même pas
comment il s'appelait et qu'il ne voulait pas le savoir
pour lui cela serait toujours le gros. Le gros arriva à
sa hauteur et mis ses mains sur ses genoux, haletant.
Georges attendit patiemment qu'il reprenne son
souffle et que son visage soit un peu moins rouge.
"Il y a quelqu'un qui veut vous voir à l'accueil"
réussit à dire le gros entre deux respirations dignes
d'une vieille chaudière sur le point de rendre l'âme.
" Je suis en train de partir, prenez le message et
dites-leur de repasser demain" dit Georges en
reculant vers sa voiture comme si le manque de
forme physique de son collègue était contagieux.
"Il dit qu'il a des infos sur un possible tueur en
série qui agirait par ici."
"Ben voyons! Si on avait un tueur en série dans
le coin on le saurait. De quoi il a l'air votre gars?"
"Les cheveux gris, assez petit la quarantaine. Il
fait propre sur lui."
"Propre sur lui? Ça veut pas dire qu'il n'a rien à
cacher. Vous avez son identité? Vous avez vérifié
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ARCANES MORTELLES
qu'il n'était pas fiché?"
"Heu! J'ai son identité."
Il consulta le minuscule bout de papier qu'il
tenait dans sa grosse main. Pas facile de lire quand
on a ses gros doigts devant.
" Il s'appelle Vincent Béranger. Mais j'ai pas
vérifié s'il était dans le fichier."
"Donnez-moi ça, je vais le faire moi-même, cela
ira plus vite."
Georges lui prit le papier des mains. Le papier
était humide de transpiration. Il essaya de masquer
son dégoût en gardant un visage impassible devant
son collègue. Mais il sentit son nez se retrousser
légèrement.
"Pourquoi c'est toujours au moment de partir que
cela nous tombe dessus?" Il passa devant le gros
sans même attendre la réponse. Il quitta le parking,
rentra dans les bureaux et se dirigea vers le premier
ordinateur disponible. Il posa les clefs de sa voiture
et il tapa le nom qu'il déchiffra tant bien que mal
malgré l'encre un peu délavée par endroit à cause de
la sueur.
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ALEX REEVE
Rien.
Son instinct le titillait et il fallait toujours suivre
son instinct quand ça titillait. Il ouvrit internet et
tapa dans le moteur de recherche le même nom.
Les résultats de recherche apparurent en même
temps que le gros le rejoignait. Georges soupira. Il
pointa du doigt vers l'écran.
"C'est un putain de voyant en mal de publicité !
Virez-moi ce guignol de l'accueil. Il est hors de
question que j'écoute les élucubrations de cet
hurluberlu!"
Georges attrapa ses clés de voiture.
"Et la prochaine fois, vérifiez, avant de
m'empêcher de partir!" Et il se dirigea en direction
du parking. Dommage qu'il n'y avait pas de porte à
claquer, car il en aurait bien claqué une, juste pour
exprimer son mécontentement au gros.
32
CHAPITRE 7
Vincent était assis dans ce grand hall du nouveau
commissariat de Saint Malo à admirer les couleurs
qu'il y avait sur les murs, rouge, bleu, violet. Il se
demanda si le peintre n'avait pas été engagé en
échange d'une remise de peine après avoir été arrêté
pour usage de drogue. Vincent s'impatientait.
Il s'était déjà trompé d'adresse et est allé à
l'ancien commissariat situé intra-muros. Mais il
avait appris qu'il avait fermé en 2011. Il avait fini
par trouver la bonne adresse. Arrivé devant le
commissariat, rue du calvaire, le bâtiment lui fit
l'impression d'être la proue d'un bateau. "J’espère
effectivement qu'on est tous dans le même bateau"
33
ALEX REEVE
se dit-il car il savait que la rencontre qu'il allait faire
n'allait pas être des plus facile. La police n’étant pas
très fan des personnes qui exercent le même type de
métier que lui en général. Il voulait faire son devoir
et aider la police mais s'il pouvait le faire sans trop
attirer l'attention sur lui cela serait très bien.
Qu'est ce qui pouvait prendre autant de temps à
la personne de l'accueil pour revenir. Même si ce
policier était d'un gabarit hors norme et qu'il se
déplaçait difficilement, le bâtiment n'était pas si
grand.
Enfin Vincent vit le policier passer la porte qui
s'ouvre avec un badge, celle qui sépare l'accueil du
public et les bureaux. Le policier était tout
essoufflé, le visage tout rouge et il regarda Vincent
avec un regard du type pourquoi-tu-m ‘as-fais-
déplacer-pour-rien.
Il s'assit lourdement dans son fauteuil et fit signe
à Vincent d'approcher.
"Le lieutenant Marshal ne veut pas vous voir, ni
aucun de mes collègues. Je vous demande donc de
quitter ce bâtiment dans les plus brefs délais."
34
ARCANES MORTELLES
Vincent était abasourdi. "Mais j'ai des
informations sur un possible tueur en série. Je dois
voir le lieutenant Marshal!"
"Monsieur, la police nationale n'as pas besoin
d'un voyant pour l'aider à résoudre ses enquêtes."
"D'abord je ne suis pas voyant mais tarologue. Et
ensuite cela n'a rien à voir avec mon métier, enfin si
un peu. Mais je ne suis pas là pour moi mais pour
empêcher d'autres crimes."
"Oui, ils disent tous cela. Maintenant veuillez
partir s'il vous plaît. Sinon je serais obligé de
demander à des collègues de vous sortir par la
force."
"Mais enfin c'est..." Vincent ne put finir sa
phrase car le policier fit un signe de tête et Vincent
se sentit soulevé de terre par des bras puissants. Il
n'avait pas vu les deux policiers prendre position
derrière lui. Il quitta le commissariat sans même
toucher terre une seule fois.
Devant le commissariat Vincent lissa ses habits
et se recoiffa comme pour effacer cette humiliation.
Il se dirigea vers sa voiture. Il fulminait. Sa
35
ALEX REEVE
mâchoire était tendue comme prête à mordre la
première personne qui croiserait son chemin, ses
poings étaient serrés au point que ses ongles
pénétraient dans sa paume exerçant une douleur
qu'il ne ressentait même pas, son cœur battait la
chamade. Sa respiration était saccadée.
Il était en colère, contre lui d'avoir cru que la
police était là pour aider les gens. Il était aussi en
colère contre l'humanité en général qui jugeait d'un
simple coup d'œil et classait les gens dans des cases
sans même réfléchir et essayer de creuser et
découvrir la véritable personnalité des gens.
"Puisque la police ne veut pas des informations
que j'ai," Dit-il à voix haute sans vraiment s'adresser
à quelqu'un en particulier.
"Ils n'ont qu'à se débrouiller tout seuls. Je ne les
aiderais pas. Ils me jugent sur mon métier sans
même me connaître. C'est vraiment tous des
connards!"
Vincent s'arrêta net et se mit à rire de façon
désabusée.
"Je me plains qu'ils me jugent et je fais
36
ARCANES MORTELLES
exactement la même chose!"
Au fond de lui il savait qu'il ne pouvait pas
laisser tomber. Il fallait qu'il pense avant tout aux
victimes passées et possibles futures. Et puis des
revers il en avait déjà eu dans sa vie, cela ne l'avait
jamais empêché de continuer, de trouver une
solution. Jamais il n'abandonnerait. Abandonner,
laisser tomber, c'est ce que sa mère a fait en se
suicidant. Il ne voulait surtout pas finir comme ça.
Oui il fallait qu'il rencontre le lieutenant Marshal
coûte que coûte.
Vincent monta dans sa voiture et mit le moteur
en route et pris la route de son bureau. Comment
pouvait-il rencontrer le lieutenant, il ne savait même
pas à quoi il ressemblait, et au commissariat on ne
le laisserait pas approcher.
Soudain son visage s'éclaira, un sourire se
dessina sur son visage. Il savait comment et où le
rencontrer.
37
CHAPITRE 8
Arrivé à son bureau, il se précipita vers le tiroir
fermé à clef qui contenait les fiches de ses clients.
Sur le dessus de la pile il y avait celle de madame
Marshal. En plein milieu de cette fiche-là, il y avait
l'adresse de leur domicile. Content de lui et de son
idée, Vincent fit une petite danse de la victoire. Il
n'avait pas besoin de savoir à quoi il ressemblait
puisqu'il avait son adresse. Il allait tout simplement
l'attendre devant chez lui.
Il vérifia sur internet où cela se trouvait. Le
lieutenant Marshal habitait du côté de Saint Vincent
à l'ouest de Saint Malo. Puis il reprit sa voiture et se
dirigea vers la maison du lieutenant. Il trouva
38
ARCANES MORTELLES
facilement la maison et se gara sur le trottoir d'en
face.
C'était une jolie maison pas très grande, avec des
murs blancs et un toit en ardoises noires. Le jardin
était bien entretenu. Il nota qu'aucune voiture n'était
dans l'allée. Il espéra que le lieutenant Marshal
arriverait avant sa femme, comme ça il n'aurait pas
à faire semblant de ne pas la connaître. Il se cala
dans le fond de son fauteuil, ouvrit un livre qu'il
avait apporté pour attendre.
Mais il n'arrivait pas vraiment à se concentrer sur
son livre et relisait sans cesse la même ligne. Il
jetait régulièrement des coups d'œil en direction de
la maison pour être sûr de ne pas louper l'arrivée du
lieutenant. Il était un peu nerveux. Le rencontrer
était une chose, le convaincre de l'écouter en était
une autre.
Heureusement pour ses nerfs il n'eut pas à
attendre très longtemps.
Le lieutenant Marshal, Vincent supposa que
c'était lui, se gara dans l'allée. Il sortit de sa voiture,
ouvrit le coffre et prit deux sacs remplis de courses.
39
ALEX REEVE
Le lieutenant Marshal était grand, baraqué. Des
cheveux roux très courts, dégarnis sur le dessus du
crâne. Il dégageait une forte présence. Il intimidait
rien qu'en le regardant. Tout à fait le genre de
personne que l’on n’a pas envie de contrarier.
Vincent déglutit, prit une grande respiration et
sortit de sa voiture. Il hélât le lieutenant. Georges
Marshal se retourna avec une expression sur le
visage qui disait "non merci je n'ai besoin de rien,
allez-vous faire foutre."
Puis en voyant Vincent son regard changea et
Vincent sut qu'il l'avait reconnu. Le maigre
avantage de Vincent disparu.
Le lieutenant Marshal posa ses sacs de courses. Il
rejoint Vincent en deux enjambées, l'attrapa par le
col d'une main le plaqua contre sa voiture et plaça
son avant-bras contre sa trachée, prêt à appuyer au
moindre geste suspect de Vincent.
Vincent sentit son sang quitter ses extrémités et
son visage d'un coup comme si les cellules
sanguines cherchaient à se cacher au plus profond
de son corps. Il était terrifié.
40
ARCANES MORTELLES
"Qu'est-ce que vous foutez là, bordel? Votre
petite séance de vol plané au commissariat ne vous
a pas suffi? Et comment vous avez trouvé mon
adresse?»
"Je... J'ai des informations sur un possible tueur
en série." Parvint-il à dire avec une voix qui
ressemblait à celle qu'il avait enfant avant de muer.
"Comme on vous l'a dit au commissariat, on en a
rien foutre de ce que veulent nous dire les voyants
en mal de publicité." Dit-il sans relâcher sa prise,
toujours aussi menaçant.
"Croyez-moi je m'en passerai bien. Mais
écoutez-moi. Pensez aux victimes."
Vincent sentit que le lieutenant relâchait sa prise.
Il avait fait mouche avec cet argument.
"Très bien vous avez cinq minutes, si ce que
j'entends ne me plaît pas je vous arrête pour abus de
faiblesse ou n'importe quel motif valable et vous
allez passer un petit moment en prison."
Le lieutenant le lâcha. Le sang irrigua à nouveau
les joues de Vincent mais ses jambes refusèrent de
le porter. Il s'appuya contre sa voiture, pencha la
41
ALEX REEVE
tête d'un côté puis de l'autre comme pour étirer son
cou endolori et lui permettre de prendre quelques
secondes pour reprendre ses esprits.
42
CHAPITRE 9
Georges croisa les bras sur son torse. Cela lui
donnait un air patibulaire assez effrayant. Vincent
déglutit prit une forte inspiration pour se donner du
courage avant de parler.
"Je pense que vous avez à faire à un tueur en
série parce que j'ai découvert que deux victimes sur
qui vous enquêtiez avaient été positionnées comme
sur les dessins de deux cartes du tarot de Marseille.
Et cela ne peut pas être une coïncidence."
Vincent voyait que le lieutenant perdait patience
à grande vitesse, alors il sortit un jeu de tarot de son
manteau. Pas son propre jeu qui était trop précieux
mais un acheté dans le commerce. Il fit défiler les
43
ALEX REEVE
cartes rapidement entre ses doigts jusqu'à ce qu'il
trouve la première carte qu'il cherchait: l'arcane VIII
La Justice. Il la tendit au flic. Georges pour montrer
son impatience lui arracha presque des mains, mais
en voyant le dessin de cette femme assise dans une
robe rouge et bleu, tenant une épée dans une main et
une balance dans l'autre, il s'arrêta net et laissa
échapper un cri de surprise.
Vincent continua de chercher dans son jeu la
deuxième carte, représentant ce vagabond avec son
baluchon sur le dos: Le Mat. Lorsqu'il l'eut trouvé,
il tendit aussi au lieutenant qui cette fois la prit plus
prudemment comme s'il s'agissait d'une bombe
prête à exploser.
Georges examina les cartes un long moment sans
rien dire. Son regard allait de l'un à l'autre puis se
releva pour regarder Vincent avec une incroyable
intensité, comme pour voir à travers lui. Ce regard
mettait Vincent vraiment mal à l'aise et il aurait
aimé pouvoir se cacher dans un trou de souris.
"D'accord vous avez toute mon attention. Dîtes-
moi tout ce que vous savez. Mais je vous préviens
44
ARCANES MORTELLES
je suis un gars rationnel alors me sortez pas que
c'est une vision ou une autre connerie du même
genre!"
"Je ne sais pas quoi vous dire de plus. Je sais que
vous avez deux corps qui ont été découverts dans
les positions des deux cartes que je viens de vous
montrer. Je voulais juste vous le signaler car je ne
savais pas si vous aviez fait le lien entre les deux
cas et si vous aviez fait le lien avec le tarot."
"Comment le savez-vous pour les deux corps?"
Vincent hésita, baissa les yeux et regarda ses
pieds. Il ne voulait pas affronter le regard du flic en
face. "Euh... Je ne peux pas vous le dire, c'est à
cause du secret professionnel."
Le lieutenant Marshal posa sa main sur sa propre
joue et descendit lentement vers son menton dans
un geste qui disait " Putain! Y a des baffes qui se
perdent!" et Vincent s'empressa de rajouter
"C’est un de mes clients qui a reconnu dans les
cartes des photos de scènes de crimes !" en espérant
que le lieutenant ne lui en demanderait pas plus."
"Bon sang qu'un de mes collègues soit assez
45
ALEX REEVE
idiot pour aller consulter un voyant ça me troue le
cul."
Vincent réagit au mot 'voyant' mais se retint de
dire quoi que ce soit car le fait que Marshal croit
que c'était un de ses collègues l'arrangeait bien. Et il
ne voulait pas aggraver sa situation.
Georges se rapprocha de Vincent de façon à le
regarder de haut. C'était très intimidant.
"Vous allez me dire qui c'est! Je suis sûr que
c'est cette tapette de François! À moins que cela soit
l'agent Rodriguez. Il n'y a qu'une femme pour aller
voir quelqu'un comme vous."
"Vous seriez surpris du nombre d'hommes qui
viennent me voir" répondit Vincent qui espérait
éloigner les soupçons du flic sur sa femme.
Mais soudain Georges transféra le poids de son
corps sur son autre jambe comme pour mieux le
regarder sous un autre angle. Il pointa son index
vers Vincent.
"Et d'abord qui me dit que vous n'êtes pas en
train de me baratiner? Où étiez-vous le soir du 24
du mois dernier?"
46
ARCANES MORTELLES
"Que voulez-vous dire?" Dit Vincent surpris.
Georges s'avança de façon menaçante vers
Vincent. Vincent essaya de reculer mais se trouva
très vite le dos contre sa voiture. Coincé.
"Je veux dire que vous faites le lien entre deux
affaires qui jusqu'ici n'en avait pas. Je veux dire que
ce lien est basé sur le tarot. Je veux dire que vous
êtes Tarologue. Alors, je me pose des questions.
D'après mon expérience ce sont souvent les
coupables qui, parce qu'ils ont envie
inconsciemment de se faire arrêter, nous donnent
des indices. Donc je repose ma question. Ou étiez-
vous le 24 du mois dernier?"
Vincent eut froid soudainement.
"Je ne... je ne sais plus. Je devais être chez moi
après...après une journée de consultation.
"Vous savez quoi? On va vérifier cela. En
attendant je vous mets en garde à vue."
"Quoi! Mais non! Je suis venu vous aider. Je ne
suis pas coupable! Vous vous trompez!"
"Oui, ils disent tous ça. Allez, tournez-vous,
mettez les mains sur votre voiture."
47
ALEX REEVE
Vincent obtempéra et le lieutenant Marshal lui fit
une palpation de sécurité pour être sûr qu'il n'avait
pas d'objet dangereux sur lui et lui passa les
menottes. Vincent n'en revenait pas. Cette journée
qui avait si bien commencée, virait au cauchemar.
On l'arrêtait, lui, qui était honnête, lui qui payait
toujours ses contraventions dans les temps, lui qui
n'avait rien fait.
Georges le plaça à l'arrière de sa voiture et se mit
au volant. À ce moment-là, Madame Marshal arriva.
Vincent la regarda plein d'espoir. Elle fut très
étonnée de le voir là comme un vulgaire malfrat.
Son mari baissa la vitre.
"Je suis désolé, chérie, je viens d'arrêter un
suspect dans une affaire de meurtre et je vais pas
pouvoir passer la soirée avec toi comme promis. Je
te laisse ranger les courses qui sont dans l'allée. Je
t'aime."
Et sans laisser le temps à sa femme de répondre,
il recula dans l'allée et il prit la direction du
commissariat. Vincent regarda Madame Marshal
d'un regard suppliant. Mais elle resta au milieu de
48
ARCANES MORTELLES
l'allée sans bouger, surprise et complètement
incapable de comprendre ce qui venait de se passer.
49
CHAPITRE 10
Vincent regarda ses chaussures auxquelles
manquaient les lacets. On les lui avait retirés ainsi
que sa ceinture et ses effets personnels. Il était dans
une cellule individuelle depuis des heures. Et plus le
temps passait plus il se sentait nerveux. Qu'est ce
qui pouvait bien prendre autant de temps? Pourquoi
on ne l'interrogeait pas? Quand il est arrivé au
commissariat on avait pris sa photo, pris ses
empreintes. Il avait eu l'impression d'être dans une
mauvaise série policière. Mais hélas c'était bien la
réalité.
Au début pour passer le temps il avait décidé
d'observer cette cellule, son banc, ses toilettes et son
50
ARCANES MORTELLES
petit lavabo. Il n'y avait pas de miroir probablement
pour éviter qu'un détenu se blesse en le cassant.
Mais il avait vite fait le tour de ce petit, très petit
espace. De toute façon son truc à lui c'est d'observer
les gens pas les lieux. Mais là il n'y avait personne à
regarder. Il s'était dit qu'il aurait préféré être dans la
cellule collective d'à côté. Mais après avoir entendu
à travers le mur, les cris et les insultes qui
s'échangeaient dans cette cellule, il pensa qu'il était
mieux là où il était.
Il commençait à avoir faim. S'ils continuaient à
le faire mijoter comme ça, il serait prêt à avouer
n'importe quoi en échange d'un bon steak.
Et tout ce qu'il voulait c'était donner un
renseignement à la police.
Enfin la porte s'ouvrit et un policier le guida
jusqu'à la salle d'interrogation. Le fait de devoir
tenir son pantalon qui risquait de tomber à chaque
pas, lui donnait une démarche de canard.
La salle d'interrogation était elle aussi comme
dans les films avec sa table fixée au sol et son
miroir sans tain. Vincent se demanda s'il y avait
51
ALEX REEVE
quelqu'un derrière qui l'observait en ce moment. La
chaise était franchement inconfortable et il
changeait de position constamment sans jamais
trouver une façon de s’asseoir qui lui convenait. Ses
doigts jouaient du piano sur la table. Il n'arrêtait pas
de bouger ses lèvres dans un tic nerveux dont il
n'avait même pas conscience.
Le lieutenant Marshal finit par rentrer dans la
salle d'interrogatoire avec des dossiers sous le bras.
Et avant même qu'il est eu le temps de s'asseoir,
Vincent s'écria:
"C'est votre femme. C'est par votre femme que
j'ai eu les renseignements!"
Georges Marshal, s'arrêta net dans son élan, ne
s'attendant visiblement pas à cette révélation.
"Qu'est-ce que vous me chantez là?" Finit-il par
dire en s'asseyant de l'autre côté de la table.
"Votre femme est venue ce matin en
consultation. En voyant l'arcane de la Justice et
celle du Mat elle a réagi vivement. Elle m'a
expliqué que les dessins des cartes ressemblaient
très fort à des photos de scènes de crime qu'elle
52
ARCANES MORTELLES
avait vu sur votre bureau chez vous."
Vincent mit la tête dans ses mains. Il n'en
revenait pas d'avoir lâché le secret professionnel
comme ça sans même que l'interrogatoire ai
commencé.
Les mains du lieutenant Marshal agrippaient le
bord de la table et serraient très fort. Comme s'il
voulait écraser la table. Nul doute que si la table
avait été en plastique, il l'aurait broyée. Mais la
table était en métal et tout ce qu'il arriva à faire
c'était de rendre ses jointures de doigts
complètement blanches.
De toute évidence cette information ne lui faisait
pas plaisir.
"Vous racontez n'importe quoi! Ma femme n'irait
jamais voir quelqu'un comme vous. Elle sait très
bien que cela ne me ferait pas du tout plaisir."
En entendant ça, Vincent commençait à
comprendre le problème de couple que madame
Marshal avait évoqué. Il se garda bien toutefois de
répondre car le lieutenant Marshal semblait être
capable de lui mettre une torgnole juste parce qu'il
53
ALEX REEVE
aurait dit quelque chose qui lui aurait déplu.
"Ma femme sait très bien qu'elle ne doit pas
partager d'infos sur mon travail et qui plus est avec
un inconnu."
"Oui comme je viens de trahir le secret
professionnel d'un simple claquement doigt" pensa
Vincent.
"Comment croyez-vous que j'ai trouvé votre
adresse personnelle. C'est parce qu'elle était sur la
fiche que votre femme a rempli en début de
consultation. Vous pouvez vérifier, elle est dans
mon portefeuille que vous avez pris."
Georges Marshal prit ses dossiers, lui lança un
regard assassin et sortit en claquant la porte.
Vincent eu l'impression que tout le bâtiment avait
tremblé quand cette porte s'était fermée.
54
CHAPITRE 11
Le lieutenant Marshal revint quelques temps
après. De toute évidence toujours en colère.
"Bon! Je viens d'avoir ma femme au téléphone
qui m'a confirmé ce que vous m'avez dit. Qu'elle
aille voir un arnaqueur de votre genre me dépasse."
Vincent réagit aussitôt.
"Je ne suis pas un arnaqueur!"
"Ah oui? Excusez-moi! C'est vrai vous avez un
véritable don et vous êtes capable de prédire
l'avenir." Dit le lieutenant avec un sourire
carnassier. "Et le fait que je vous arrête, vous l'aviez
prédit ça?"
"Vous vous méprenez sur mon métier. Mais
55
ALEX REEVE
comme beaucoup de gens d'ailleurs. J'aide les
gens."
"C'est sûr, vous les aidez en leur prenant leurs
économies."
Vincent se pencha en avant comme pour essayer
de réduire la distance entre eux pour faire passer
son message.
"Écoutez, je ne suis pas un de ces marabouts qui
vous promettent monts et merveilles. Quand des
personnes viennent me voir je ne leur promets pas
le retour de l'être aimé ou la fortune. Non je suis
plutôt comme un psychologue qui utilise le Tarot
pour définir une solution à leur problème. Les gens
viennent me voir parce que personne d'autre ne les
écoute. Moi je les écoute et je les conseille avec
l'aide du tarot. Et je me fais rémunérer pour ça. Mes
tarifs sont clairs et affichés dans mon cabinet. Il n'y
a pas de surprise."
Georges se pencha à son tour en avant. Vincent
pouvait même sentir l'odeur corporelle du policier.
"Mais les gens viennent bien vous voir pour
connaître leur avenir?"
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ARCANES MORTELLES
"Souvent la première fois oui. Mais je leur dis
que le tarot ne peut que prédire l'avenir vers lequel
ils se dirigent actuellement, compte tenu de leurs
actions dans le présent. C'est comme quand vous
conduisez sur une route, je peux vous dire que vous
vous dirigez vers une destination précise située plus
loin sur cette route et je peux vous dire à peu près
quand vous arriverez parce que je connais votre
vitesse actuelle. Mais rien ne vous empêche après
que je vous ai dit cela de faire demi-tour, de
changer de route, de réduire votre vitesse ou
d'accélérer. Juste pour me contredire. Cela reste
votre choix, comme ce que vous faites de votre vie.
Ce ne sont que des conseils que je donne."
"Bref, vous êtes un des rares voyants honnêtes!"
A ces mots Vincent su qu'il n'allait pas
convaincre le policier devant lui aussi facilement.
Marshal ouvrit son bloc note et pris un stylo.
"Bon revenons à nos moutons. Dîtes-moi ce que
vous savez sur ces deux cartes qui nous
concernent."
" Le Mat et la Justice. Ce sont deux cartes qui
57
ALEX REEVE
font partie des arcanes majeures du Tarot de
Marseille."
"Qu'est-ce que vous appelez les arcanes?" Dit
Georges sans lever la tête de ses notes.
"Il y en a vingt-deux. Cela correspond aux atouts
d'un jeu de tarot classique. Chaque arcane
représente un dessin spécifique avec une
symbolique précise. Chaque dessin a une
signification particulière en fonction des cartes
autour et de la question posée. Par exemple La
Justice qui correspond à une de vos victimes peut
signifier: l'équilibre, le fait de trancher, être
méthodique, la logique, l'honnêteté, la rigidité, la
loi..."
" Oui, Celle-là me semble assez évidente mais
parlez-moi de l'autre, le vagabond et son chien."
"Le Mat."
"Oui c'est ça.» Marshal nota le nom de la carte
dans son carnet.
"Le Mat est une carte particulière. Elle n'a pas de
numéro. Elle ne fait pas tout à fait partie des autres.
Souvent quand quelqu'un tire cette carte cela veut
58
ARCANES MORTELLES
dire qu'il est hors-jeu, qu'il est à côté de la plaque.
Par extension cela peut vouloir dire: être hors des
sentiers battus, originalité, génie ou marginalité,
voire la folie."
Georges leva la tête et regarda Vincent droit dans
les yeux.
"A votre avis, pourquoi est-ce que quelqu'un
placerait ses victimes comme ces cartes?"
Mais avant que Vincent ai pu répondre quelqu'un
frappa à la porte. Et un autre policier en civil entra
sans même attendre qu'on l’ait invité à entrer. Il
murmura quelques mots à l'oreille du lieutenant.
Vincent vit les épaules de Marshal s'affaisser. À
coup sûr, une mauvaise nouvelle.
Le lieutenant se leva et dit à Vincent:
"On n'en a pas fini tous les deux, restez là!"
Comme s'il pouvait aller ailleurs même si ce n'est
pas l'envie qui lui manquait.
Les deux policiers sortirent.
Vincent était à nouveau seul dans cette pièce. Il
se dit qu'à choisir il préférerait être dans la cellule.
Car au moins il n'aurait pas ce sentiment
59
ALEX REEVE
désagréable de ne pas savoir si quelqu'un le
regardait au travers de la glace sans tain.
60
CHAPITRE 12
Vincent attendait dans la salle d'interrogation
depuis un bon moment. Il pensait sérieusement
qu'on l'avait oublié. Après avoir essayé toutes les
positions possibles pour être assis confortablement
sur la chaise, il se leva. Fit les cent pas derrière la
table. Il bougeait comme un lion en cage. Mais
toutefois il essayait de ne pas s'approcher de la
porte, car si quelqu'un regardait à travers le miroir
sans tain, il ne voulait pas qu'on croit qu'il essayait
de s'échapper. Ce miroir le fascinait. Est-ce qu'il y
avait quelqu'un derrière. Pourquoi ne pouvait-il pas
voir à travers? Lorsqu'il rentrerait chez lui il
regarderait sur internet comment ça marche. Il mit
61
ALEX REEVE
les mains de chaque côtés de ses yeux et se colla à
la vitre pour essayer de voir à travers. C'est à ce
moment que le lieutenant et son collègue entrèrent
dans la pièce.
Vincent se retourna vivement, surpris. Il avait
l'impression d'être enfant à nouveau quand sa mère
l'avait surpris les doigts dans le pot de confiture
faite maison. Il baissa la tête et regarda ses
chaussures.
"On vient de découvrir un nouveau meurtre qui
serait lié au tarot." dit le lieutenant avec une
certaine urgence dans la voix.
Vincent releva aussitôt la tête et retourna
s’asseoir sur sa chaise. Le lieutenant avait toute son
attention.
"On vient juste de découvrir un nouveau cadavre
dans la forêt. Vous serez content d'apprendre que
les faits se sont produits pendant que vous étiez
enfermé ici. Ce qui vous disculpe. Vous n'êtes pas
le tueur." dit le lieutenant le plus sérieusement du
monde.
Vincent était soulagé intérieurement.
62
ARCANES MORTELLES
"Vous avez dit que ce nouveau cadavre est lié au
tarot?"
"Que pouvez-vous me dire sur..." Le lieutenant
regarda ses notes. "Sur le Pendu?"
Vincent réfléchit un instant.
" Le Pendu est la douzième carte des arcanes
majeures. Il représente un jeune homme pendu par
les pieds, enfin plutôt par un pied. Le nom fait
souvent peur aux gens mais cette carte signifie
surtout l'abandon, le blocage, l'attente, la
soumission, une déprime et aussi la non-violence
entre autres."
Le lieutenant notait tout dans son calepin.
"Quel est le lien entre les trois cartes?" dit le
collègue du lieutenant qui ne s'était toujours pas
présenté.
"Comme ça je ne peux pas vous dire. Ces cartes
expriment un message mais qui peut avoir des
explications différentes selon la problématique de
départ."
Le collègue du lieutenant, un grand monsieur
tout sec, se tenait toujours debout à côté du
63
ALEX REEVE
lieutenant assis. Cela lui donnait l'impression qu'il
était encore plus grand. Il dit :
"Montrez lui les photos de la dernière victime!"
Marshal leva la tête, surpris. Ses yeux
exprimaient la désapprobation. De toute évidence
cela ne lui faisait pas plaisir. Le collègue fit un
simple hochement de tête. Et Vincent vit le
lieutenant se résigner. À cet instant Vincent su que
la personne qui était debout, était le supérieur
hiérarchique du lieutenant.
Georges Marshal sortit une photo d'un épais
dossier que le lieutenant avait posé sur la table en
arrivant, et la tendit à Vincent.
Vincent examina la photo. Elle était presque
encore humide. Elle venait d'être imprimée. Elle
représentait un cadavre de dos suspendu par un
pied, l'autre jambe pliée, les mains attachées dans le
dos.
Vincent eut un léger haut le cœur, c'est la
première fois qu'il voyait une photo d'un vrai
cadavre. Il avait du mal à se détacher du fait que ce
cadavre était une personne bien vivante il y a encore
64
ARCANES MORTELLES
quelques jours. Puis il émit un sifflement.
"C'est incroyable! Je peux vous dire que votre
gars est un expert en tarot. Ou du moins il a bien
étudié cette arcane. Le cadavre est dans l'exacte
position de la carte. Les vêtements correspondent
parfaitement. Mais surtout il est suspendu à une
grosse branche soutenue par un arbre de chaque
côté dont les branches ont été coupées exactement
comme sur la carte."
Vincent regarda de plus près et compta quelque
chose sur la photo.
"C'est le même nombre de branches coupées que
l'arcane du Pendu. Les arbres ne semblent pas avoir
été déplacés. Cela veut dire que votre tueur a dû
chercher un bon moment deux arbres cotes à cotes
qui correspondent exactement à ce dont il avait
besoin. C'est un méticuleux."
Vincent releva la tête et vit les deux officiers
avec un léger sourire sur les lèvres.
"Dites donc vous auriez pu faire un bon flic si
vous n'aviez pas choisi d'arnaquer les gens." Dit
Georges.
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ALEX REEVE
Vincent préféra ne pas relever et demanda:
"Vous avez une photo de face que je vois jusqu'à
quel point il a poussé les détails?"
Marshal fouilla dans son dossier et lui tendit une
autre photo.
Vincent prit une inspiration avant de regarder
pour s'armer de courage avant de voir le visage du
mort.
Vincent posa son regard sur la photo.
Instantanément il devint blanc tel un drap neuf. La
salle se mit à tourner autour de lui. Il s'évanouit.
Vincent ouvrit les yeux et les referma aussitôt.
La lumière du néon au plafond lui lançait des éclairs
douloureux. Il était donc allongé. Son esprit était
comme dans du coton. Où était-il? Il entendait des
gens parler autour de lui mais les sons étaient
comme étouffés. Petit à petit les sons furent plus
nets, il entendit:
"Il revient à lui, écartez-vous, laissez-lui de l'air"
Comment ça 'il revient à lui'? Je me suis
évanoui? Qu'est ce qui se passe?
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ARCANES MORTELLES
Vincent rouvrit les yeux tout doucement. Le
temps de s'habituer à la lumière de la pièce. Il vit
plusieurs ombres autour de lui. Certaines étaient
agenouillées près de lui, d'autres étaient debout un
peu plus loin. Une ombre se pencha et approcha
quelque chose de ses lèvres.
"Tenez buvez. C'est un peu d'eau cela va vous
faire du bien."
Il but une gorgée en se disant qu'il avait déjà
entendu cette voix-là. Puis ses yeux finirent par
s'ajuster à la luminosité et il reconnut le lieutenant
Marshall. Les choses commençaient à revenir par
bribes. Madame Marshal, l'arrestation, la salle
d'interrogatoire. Quelqu'un l'aida à s’asseoir. Le
lieutenant lui mit le verre dans les mains.
"Que s'est-il passé?"
Le collègue du lieutenant, son supérieur dit:
"Vous regardiez les photos de la scène de crime
et vous vous êtes évanouit."
A l'évocation des photos, tout lui revint en
mémoire instantanément. Aussitôt il eut
l'impression que l'on venait de planter un couteau
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ALEX REEVE
dans sa poitrine. Ses mains se mirent à trembler si
fort qu'il renversa le reste du verre qu'il tenait. Il
ressentit une douleur intense comme le jour où il
apprit le suicide de sa mère. Des grosses larmes se
mirent à couler le long de ses joues qui devinrent
deux gros torrents sans qu'il puisse contrôler quoi
que soit.
"La victime, je la connais. C'est mon meilleur
ami: Michel Carrais." parvint-il à dire entre deux
sanglots.
...
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Merci d'avoir lu cet extrait d'Arcanes Mortelles.Vous souhaitez lire la suite de cet histoire et savoir
ce qui arrive à Vincent et à Georges : http://www.alexreeve.fr/roman-1/
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ARCANES MORTELLES
Reeve Auteur (www.facebook.com/alex.reeve.auteur)et à me suivre sur twitter : @reeve_auteur.
Alex Reeve
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Découvrez également la nouvelle d’Alex Reeve
LE TROMPETTISTE
La vie de Denis Ledouait, libraire et trompettisteamateur, est sur le point de basculer.
Il doit se faire passer pour un trompettiste de génie. Ille fait pour aider une jeune et jolie jeune femme à vendreun mystérieux CD de musiques qui provoquent desémotions intenses chez les personnes qui les écoutent.Personne ne connaît l'auteur de ces musiques....
Arrivera-t-il à faire illusion ? Pourquoi le véritableartiste le laisse-t-il profiter de cette gloire et préfèrerester anonyme ? Que fera Denis si le vrai trompettistese manifeste ?
Autant de questions auxquelles il devra répondrepour reprendre le contrôle de sa vie !"
Une nouvelle fantastique dont la fin vous ferafrissonner.
Le Trompettiste est disponible gratuitement si vousvous inscrivez à ma newsletter sur www.alexreeve.fr
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ARCANES MORTELLES
A PROPOS DE L’AUTEUR
La voie d’Alex Reeve semblait toute tracée. Passionné de magie, à 18 ans il quitte la
France pour les États-Unis où il sera diplôméde la Marymount Manhattan College à NewYork.
Magicien international reconnu et après 30ans de magie, Alex Reeve choisi de mettre sacarrière de côté pour se consacrer à secondepassion : l'écriture.
Devenu l’un des référents et spécialistes de
Buster Keaton en France, Alex Reeve estl’auteur du livre ‘’Buster Keaton, l’hommederrière le visage de pierre’’ (actuellement enrupture de stock)
Bilingue, il traduit différents romans dont
Les Aventures D'un Adolescent VoyageantDans Le Temps d'Alex Shaw.
Mais son passé n’est jamais loin et Alex
Reeve utilise ses expériences et ses rencontrespour captiver le lecteur.
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ALEX REEVE
Magicien mentaliste, il écrit « Développez
votre mémoire » un guide de développementpersonnel sur le fonctionnement de la mémoireet des méthodes simple pour se souvenir etressortir en tant voulues des informations lues,vues et entendues.
Alex Reeve aime le fantastique et écrit sapremière nouvelle « Le Trompettiste », unehistoire digne de la 4ème dimension.
Installé en Bretagne, c’est la ville de St Malo
qui va lui inspirer le décor de son premierroman «Arcanes Mortelle ». Un thrillerhaletant au cœur de la cité Malouine.
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