Négociations de Bonn, du 4 au 16 juin 2014 Quels enjeux et quelles propositions de la société civile française?
Participants à cette réflexion : Celia Gautier, RAC Vanessa Laubin, GERES Fanny Petitbon, CARE Aurélie Ceinos, CARE Sarah Fayolle, CCFD-‐Terre Solidaire Pierre Cannet, WWF Emilie Johann, Secours Catholique Romain Benicchio, Oxfam Pierre Ferrand, GRET Alix Mazounie, RAC JB Poncelet, FNE Sabrina Marquant, HELIO. Peggy Pascal, Action Contre la Faim
Introduction Fin 2013 et début 2014, la communauté scientifique sur les changements climatiques (GIEC) publiait trois rapports d’envergure. Le premier pour constater que le budget carbone disponible est très limité. Selon l’AIE, ce budget implique de ne pas exploiter 2/3 de nos réserves (connues) en énergies fossiles. Le deuxième pour constater les impacts en marche : la démultiplication des évènements extrêmes, une variabilité hydrique de plus en plus forte, la dégradation et même l’extinction de certains écosystèmes et espèces, et une baisse dans la productivité agricole. Le rapport souligne que les prochaines décennies jusqu’en 2040 sont celles de la responsabilité et de l’action climatique, et rappelle que l’inaction coûtera cher en pertes et dommages irréversibles. Le troisième souligne qu’il est encore possible de maîtriser l’emballement climatique en deca de 2°C (et même de 1,5°C) à un coût très raisonnable (0,06% de notre PIB chaque année et sans compter les co-‐bénéfices pour la santé, les économies d’énergie, etc). Le rapport appelle à la fin progressive mais nécessaire des énergies fossiles et des émissions de C02, ainsi qu’au doublement des investissements dans les énergies renouvelables entre 2010 et 2029. Les rapports du GIEC viennent confirmer l’urgence d’entamer une transition énergétique partout dans le monde et ce, sans attendre l’accord de ParisClimat2015 qui n’entrera pas en vigueur avant 2020. Malgré ces sonnettes d’alarme, l’inertie dans les négociations climatiques continue de placer la planète sur une trajectoire de réchauffement climatique proche de 3,5°C, bien au-‐delà de ce que des continents entiers seraient en mesure de supporter. Elle ne réunit pas les financements climat nécessaires pour réduire les émissions de C02 et faciliter l’adaptation aux impacts existants et futurs du changement climatique. Enfin, les Etats sont plus que frileux sur leurs objectifs post-‐2020, attendus d’ici mars 2015. L’Europe n’a toujours pas adopté les grands objectifs de son paquet énergie-‐climat 2030 et risque de se fixer un objectif insuffisant pour se replacer sur une trajectoire de réduction de 80 à 95% de ses émissions d’ici 2050. Heureusement, tous les rapports sont formels : il est encore possible de changer radicalement de trajectoire à condition de commencer dès maintenant. Il s’agit maintenant de traduire ces conclusions scientifiques en actes politiques et décisions concrètes pour à la fois, accélérer la réduction des émissions d’ici à 2020 et préparer les fondations d’un accord à Paris cohérent avec les conclusions du rapport du GIEC. Les négociations à Bonn en mars ont mis en avant les potentialités mondiales en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, et la COP20 de Lima doit maintenant faciliter leur déploiement généralisé et rapide pour replacer ainsi la planète sur une trajectoire en deca de 2°C. Dans ce contexte, le sommet sur le climat organisé à New York le 23 septembre par Ban Ki Moon doit servir de rampe de lancement pour la COP à Lima en démultipliant et consolidant les initiatives de court terme, et en capitalisant le Fonds Vert. Le sommet de Ban Ki Moon doit également servir de rampe de lancement pour la COP21 à Paris et entamer un virage énergétique mondialisé en actant la redirection massive des investissements des énergies fossiles et fissiles vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Cette session de négociation à Bonn aura beaucoup de travail sur la planche pour réunir les conditions d’un succès et d’un accord en 2014 et en 2015.
Quel rôle pour la France ? La responsabilité de la France, en tant que présidente de la COP21, Etat membre de l’Union européenne, pays développé et pays bailleur, commence maintenant. Une présidence de conférence climatique est réussie lorsque le gouvernement concerné propose et adopte des politiques de lutte contre le changement climatique exemplaires et ambitieuses. Dans ce contexte, nous appelons la France à : • Prendre au plus vite les mesures nationales nécessaires pour entamer sa transition
énergétique et réformer sa politique budgétaire et fiscale. • Endosser un rôle moteur dans les négociations sur le futur paquet énergie-‐climat de
l’Europe pour 2030, en soutenant des objectifs contraignants de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique ainsi qu’un objectif de réduction de GES d’au moins 55% pour 2030.
La France doit aussi prendre ses responsabilités vis-‐à-‐vis des pays les plus pauvres et les plus vulnérables : • En mobilisant des financements publics additionnels aux engagements existants pour les
pays les plus pauvres via le Fonds Vert et le Fonds pour l’Adaptation. • En assumant un leadership sur l’instauration de mécanismes innovants au profit de la
lutte contre le changement climatique. Notamment, la France, dès maintenant, doit élargir l’assiette de la Taxe sur les Transactions Financières française et flécher une partie des revenus supplémentaires dégagés au Fonds Vert pour le Climat. Enfin, la France doit réunir toutes les conditions d’un accord sur la taxation équitable des transports maritimes d’ici à 2015.
• En appuyant la réforme des subventions directes ou indirectes, bilatérales et multilatérales, consacrée aux énergies fossiles vers des politiques de subventions de l’accès aux énergies renouvelables pour tous.
• En s’assurant que les politiques françaises et européennes engagées au titre de la lutte contre le changement climatique, ainsi que les investissements et projets soutenus dans les pays du Sud, soient cohérents avec les objectifs de développement et de respect des droits humains (cf. les risques associés aux projets développés dans le cadre du mécanisme de développement propre ou du mécanisme REDD+, aux politiques de soutien aux agro-‐carburants industriels, etc).
Il est grand temps que les gouvernements prennent au sérieux l’urgence climatique. Il est encore possible de limiter la hausse de la température du globe à 2°C, à condition que toutes les nations – et notamment la France -‐ l’exigent et s’engagent dès 2014. L’UE doit impérativement créer une alliance avec les plus vulnérables qui lui donne la force et la légitimité de resserrer l’étau diplomatique autour des Etats-‐Unis et de la Chine et de les obliger à aller plus loin en terme d’engagements et de contrainte. L’UE peut notamment s’illustrer là où la Chine et les US ne le font pas en défendant les questions de financements et d’adaptation, chères aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Elle peut également piloter les négociations sur les initiatives pre-‐2020 qui constituent le socle de toute action après 2020, à condition d’aller plus loin elle même. En tant que pays membre de l’Union Européenne, pays bailleur et future présidence, la France a un rôle important à jouer.
Les enjeux à Bonn en juin 2014 Obtenir des engagements ministériels pour renforcer l’action 2014-‐2020 Les rencontres ministérielles sont prévues depuis la COP19 et ont pour objet/objectif de renforcer l’action et les engagements entre 2014 et 2020. La ministérielle du 5 juin concernera uniquement les parties au Protocole de Kyoto. La ministérielle du 6 juin concerne en revanche l’ensemble des parties puisqu’il s’agit d’étudier des options pour rehausser l’ambition nord et sud sous la plateforme de Durban. Malheureusement, tous les ministres ne seront pas présents, y compris les ministres français, faute d’ambition politique et les ministérielles pourraient se transformer en exercice de style. Surtout que les maigres annonces des Etats seront gardées en réserve pour le sommet de Ban Ki Moon. Dans le cadre de la ministérielle Kyoto, l’UE n’est pas prête à acter juridiquement un rehaussement de son objectif de baisse d’émissions pour 2020. L’UE prévoit simplement d’annoncer le dépassement probable de son objectif actuel pour 2020. La ministérielle sur l’ADP pourrait se retrouver prise en otage par la question des financements si aucune proposition concrète et rassurante n’est sur la table en ce qui concerne les efforts des Etats et la capitalisation du Fonds Vert. Pour les ONG, les ministérielles représentent un point de passage important pour préparer le sommet de Ban Ki Moon et recréer de la confiance entre les pays. Elles doivent : • Réaffirmer les conclusions du GIEC sur le budget carbone et ce que cela signifie pour
l’extraction des ressources fossiles. • Donner un mandat précis à la COP sur comment appuyer et renforcer les initiatives en
matière d’efficacité énergétique, énergies renouvelables, villes durables déjà identifiées. • Permettre aux pays développés de réaffirmer/accroître leurs engagements financiers
publics, a minima pour 2014-‐2015, et. Notamment la France qui n’avait rien annoncé ou engagé à la ministérielle sur les financements de la COP19.
• Réaffirmer l’engagement de capitaliser le Fonds Vert en 2014 et aller plus loin : en précisant une fourchette de financements pour la capitalisation et une date.
Nous attendons de l’UE • Dans le cadre de la ministérielle Kyoto et de la ministérielle ADP sur l’ambition pré-‐2020,
l’UE et ses Etats membres ne peuvent se limiter à rappeler qu’ils dépasseront collectivement l’objectif fixé en 2008 de réduire les émissions de 20% d’ici à 2020. Cet objectif est quasiment atteint, sept ans en avance. Ce ne sera une nouvelle pour aucun pays puisque la Commission avait déjà fait une estimation dans le cadre de sa Feuille de route vers une économie bas carbone en 2050 (2011). Une partie importante des réductions d’émissions réalisées au sein de l’UE ne sont pas structurelles, mais liées aux mécanismes internationaux de compensation et à la crise économique. Ainsi, pendant ces tables-‐rondes ministérielles, l’Europe doit affirmer sa volonté d’aller plus loin encore à travers de nouvelles politiques et mesures applicables avant 2020, qu’elles soient européennes ou nationales.
• Lors de la ministérielle sous l’ADP, l’UE doit réaffirmer son engagement à se doter d’ici octobre 2014 d’un cadre climat-‐énergie domestique ambitieux à l’horizon 2030. L’UE doit expliquer que ce cadre reposera sur une ambition en matière de réduction d’émissions et une ambition en matière de développement des énergies renouvelables et d’amélioration de l’efficacité énergétique, ainsi qu’un partage de l’effort, un système de gouvernance efficace, et des dispositifs d’investissements publics dans la transition énergétique.
Adopter des mesures concrètes pour renforcer l’ambition pre-‐2020 Les rapports sont unanimes sur l’urgence de renforcer les efforts pour obtenir 8 à 13 gigatonnes de réductions d’émission additionnelles d’ici à 2020. Dans ce contexte, l’accroissement des efforts pré-‐2020 sera une composante importante des négociations à Bonn. Lors de la dernière séance de négociation en mars, plusieurs pays ont appelé la CCNUCC à d’étudier et décider en quoi les institutions et mécanismes de la Convention Climat peuvent soutenir et amplifier les initiatives internationales en matière d’efficacité énergétique et d’ENR. Par exemple, que doit financer le Fonds Vert ? Quelles technologies doit promouvoir le Comité des Technologies et quel rôle pour les centres d’excellence technologique? Quelles plateformes pour quel partage d’information ? Par ailleurs, à l’instar des ateliers organisés à Bonn en mars sur les énergies renouvelables, des ateliers d’expert (Technical Expert Meetings, TEMs) seront organisés autour des villes et de l’usage des terres comme deux domaines dans lesquels il existe un fort potentiel de réduction d’émission pré-‐2020. Il y aura également un forum sur les villes et les collectivités et leur rôle dans les initiatives pour le climat. Les co-‐chairs de l'ADP misent clairement sur juin pour avancer rapidement sur WS2 et les "opportunités" de réduire collectivement et drastiquement les émissions. A cet effet, le secrétariat va également compiler une synthèse des idées proposées/discutées lors de Bonn en mars, en matière d'énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Les négociateurs/ministres rassemblés à Bonn pourraient donc être en mesure de prendre des décisions/donner une direction à la CCNUCC sur comment travailler sur l’ambition pre-‐2020 et à quelle échéance. Les ONG attendent beaucoup de l’Europe. L’Europe doit être plus ambitieuse que simplement se limiter à annoncer qu’elle dépassera son objectif de réduction d’émissions de 20% en 2020 d’environ 5 points. Le potentiel d’atténuation avant 2020 et les marges de progrès en Europe sont encore importants et l’UE peut davantage contribuer à la réduction rapide des émissions mondiales. Elle peut le faire via l’adoption de nouvelles politiques publiques : notamment des mesures complémentaires sur l’efficacité énergétique (dans le cadre de l’examen par la Commission européenne d’ici juillet 2014 de la Directive efficacité énergétique), un soutien continu au déploiement des énergies renouvelables, ainsi qu’une réforme structurelle ambitieuse du marché carbone européen, via notamment la suppression des quotas en surplus et la mise en œuvre d’une Réserve de stabilité bien avant 2020. D’autres textes européens sont en cours de révision ; leur amélioration permettrait des réductions d’émissions supplémentaires avant 2020 : il s’agit en particulier de la Directive Etiquette énergie et de la Directive Eco-‐conception. En outre, les Etats-‐membres de l’UE devraient adopter de manière individuelle des mesures nationales complémentaires qui permettront d’accélérer les réductions d’émissions et d’ancrer dès aujourd’hui la transformation en profondeur de notre système énergétique, de production et de consommation.
Lancer des négociations formelles et poser les bases d’un texte de négociation et une vision de long terme pour la COP20 La principale décision prise lors des négociations en mars 2014 reste le lancement des négociations formelles sous la plateforme de Durban. Jusqu’ici, les négociations étaient encore informelles et le G77 a appelé les négociations à travailler en « groupe de contact ». Cela signifie que les négociateurs travaillent sur un texte de négociation ; et que ce groupe et le texte sont obligés de tenir compte formellement des propositions, éléments et amendements de tous les pays. La crainte principale est que les négociations se fassent entre quelques pays et que les propositions des uns et des autres disparaissent – comme ca a été le cas à Varsovie. Finalement, la décision à Bonn crée un seul groupe de contact pour l’ensemble des sujets de la plateforme de Durban, et initiera ses travaux à Bonn en juin. Rien n’interdit ce groupe de créer des sous-‐groupes de négociation sur des questions plus spécifiques. Les présidents de l’ADP soumettront une note à ce groupe de contact sur les modalités de travail et les pays feront des soumissions sur ce qu’ils souhaitent voir dans le texte de négociation. Les co-‐chairs de l’ADP ont soumis une note d’information aux parties pour expliquer la démarche qu’ils proposent pour Bonn, une annexe qui compile les propositions des pays pour l’avant et l’après 2020, et une note pour résumer l’état des discussions lors de la séance de mars. Pour l’instant, la compilation des propositions des Etats ne propose pas un texte cohérent, et comprend donc beaucoup de propositions contradictoires. Le texte est ici : http://unfccc.int/resource/docs/2014/adp2/eng/3infnot.pdf Le texte de négociation doit aller le plus loin possible. Au-‐delà des contributions nationales pour 2025 et 2030, ce texte pourrait acter une vision de long terme qui explicite les solutions clé face aux changements climatiques. De plus en plus d’observateurs et de pays s’accordent pour dire qu’il est temps de mettre un terme à la schizophrénie de nos gouvernements qui négocient un accord sur le climat tout en investissant massivement dans les énergies fossiles et les infrastructures émettrices de gaz à effet de serre. Il est temps d’acter que nous entrons dans une ère qui a vocation – progressivement – à ne plus exploiter et consommer les énergies fossiles responsables du dérèglement climatique. Pour les ONG, il est impératif que la France défende une vision et un agenda des solutions à horizon 2050. Le sommet de Ban Ki Moon doit proposer une vision de long terme aux investisseurs, acteurs économiques, et aux négociateurs climat: • la fin des émissions liées aux énergies fossiles • le déploiement à 100% des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique dès
aujourd’hui pour atteindre la neutralité carbone en 2050. A côté de ces mesures, il est indispensable d’agir sur les émissions liées à l’usage des sols et à la déforestation, ainsi que sur les (short lived and long lived climate forcers). Toutefois, aucune mesure d’atténuation dans le secteur de l’usage des sols ne devra faire peser de menace sur la souveraineté alimentaire des peuples et les droits humains.
Progresser sur la forme et le fond des contributions nationales comme clé de l’équité Pour rappel, la COP19 à Varsovie, en novembre dernier, a appelé les pays à soumettre leurs « contributions » dans le cadre de l’accord après 2020 d’ici fin mars 2015. Le terme « contribution nationale », apparu dans les dernières heures de la négociations à Varsovie, vient remplacer le terme (plus fort) « engagement ». Il s’agit maintenant de préciser quelles informations ex ante les pays doivent fournir dans le cadre de leur contribution. Cette question est essentielle pour de nombreuses raisons : pour garantir la comparabilité, la transparence et la compréhension des contributions qui seront présentées ; et pour garantir la capacité des gouvernements et de la société civile mondiale à évaluer et comparer ces contributions nationales entre mars et décembre 2015 et si possible, créer une pression suffisante pour que tous les Etats se fixent des objectifs plus ambitieux. Il s’agit aussi de fixer le champ de cette contribution. Pour les pays développés, les contributions concernent uniquement l’atténuation. Pour une partie des pays en développement (PED), les contributions des pays développés doivent autant concerner l’atténuation que les financements qu’ils comptent fournir pour appuyer les PED. Pour certains, c’est le seul moyen de sécuriser et de renforcer la prévisibilité des financements publics après 2020 et ainsi, l’ambition des contributions nationales des pays en développement. Un atelier à Bonn en mars a permis à plusieurs pays de présenter l’état de leurs préparatifs pour leur contribution nationale mais pour l’instant, il manque les indicateurs pour les comparer. Il est attendu que la COP20 à Lima précise les informations ex ante qui formateront les contributions. Mais la discussion pourrait s’envenimer sans résolution de la question du financement dans le cadre de ces contributions. Quelle que soit l’approche retenue, le plus important reste la comparabilité des efforts, et donc, la transparence et l’adoption d’une nomenclature commune à tous les Etats. Pour les ONG, il est impératif d’adopter des nomenclatures type pour présenter les contributions nationales d’ici à mars 2015, afin de faciliter la comparabilité, la transparence et in fine, l’équité. Parmi nos propositions • Les nomenclatures doivent être adaptées et différenciées en fonction des responsabilités
et capacités des Etats. Celle applicable aux PMA devrait cibler en priorité les politiques et mesures et des objectifs de déploiement des énergies renouvelables, et celles des principaux pollueurs des objectifs de réduction d’émissions et de déploiement des solutions absolus
• La nomenclature pour les contributions des pays développés doit inclure des provisions claires en matière d’appui financier aux pays en développement.
• La nomenclature des pays en développement doit permettre aux pays de préciser les besoins financiers pour aller plus loin.
• Toutes les nomenclatures doivent faire une place aux politiques de cohérence mises en œuvre pour maximiser les efforts de réduction d’émissions (par exemple, en matière de fiscalité).
• Toutes les nomenclatures doivent faire une place, au-‐delà des objectifs et mesures de réduction d’émissions, aux objectifs et mesures de déploiement sectorielle des solutions : comme les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la gestion des forêts.
Préparer la capitalisation du Fonds Vert et accroître les financements publics pour l’adaptation L’engagement des pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 reste lettre morte à ce jour. Si les pays ont effectivement accru les volumes d’aide consacré au changement climatique, il s’agit le plus souvent d’une redirection de l’APD vers le climat au détriment de la santé ou l’éducation. Et trop rarement pour l’adaptation. La confiance entre les Etats se dégrade un peu plus chaque année et l’absence de financement nourrit maladroitement les tactiques de défense des pays qui ne souhaitent pas s’engager sérieusement dans les négociations ADP. La COP19 n’a pas été la COP des financements espérée par la société civile et le G77. Elle a permis, in extremis, de sauver le Fonds pour l’Adaptation avec les 100 millions manquants pour ses activités 2014, mais bien loin des 100 milliards promis d’ici 2020. Quelques pays ont annoncé leurs contributions financières pour 2014 et 2015 mais de manière disparate et incomparable et le plus souvent, uniquement sur REDD+. La France, fortement attendue sur ses engagements financiers, ne s’est pas exprimée. Parmi les décisions prises : celles d’organiser des réunions ministérielles une COP sur deux pour présenter les progrès pour la mobilisation des 100 milliards de dollars, et celle de continuer les efforts pour mobiliser des financements publics additionnels. Deux ateliers sur la suite des financements climat sont prévus le 7 et 12 juin, pendant les négociations, l’occasion pour les pays développés de préciser leurs intentions financières (objectifs, montants, sources) à la fois pour 2014-‐2020 et pour après 2020. La question politique incontournable et en filigrane de toutes les négociations reste celle de la capitalisation initiale du Fonds Vert. Depuis Varsovie, le Fonds Vert s’est réuni à deux reprises, a décidé d’allouer 50% de ses ressources à l’adaptation dans un premier temps, et vient d’être déclaré en mesure de recevoir et décaisser des financements. Les décisions prises imposent le lancement des discussions financières dans les trois mois qui viennent et appellent à finaliser la capitalisation d’ici novembre 2014. Une autre question importante reste celle des financements pour l’adaptation, souvent déficitaires. Le 5ème rapport du GIEC a d’ailleurs souligné le manque de financement pour l’adaptation. Depuis, le Fonds Vert a adopté une décision visant une allocation de 50% des ressources pour l’adaptation. Ce premier pas doit créer un précédent pour l’ensemble des contributions financières des pays bailleurs. Pour les ONG, cette capitalisation initiale devra… • Se faire en 2014 impérativement • Se situer dans une fourchette de 10 à 15 milliards de dollars • être assortie d’une échéance pour une nouvelle capitalisation via une procédure
d’abondement formelle (vs. Efforts ad hoc et volontaires) avant 2020. • Commencer à Bonn avec la proposition d’un volume minimum/fourchette pour cette
capitalisation initiale. Nous attendons de la France qu’elle pilote les négociations pour une capitalisation du Fonds Vert substantielle en 2014. En tant que pays bailleur important et en tant que future présidente de COP, sa contribution sera sous les projecteurs et entraînera ou démotivera d’autres bailleurs potentiels. Pour les associations françaises, au regard de son poids dans l’APD (10%), la France doit contribuer près d’1 milliard d’euros au Fonds Vert pour atteindre les 15 milliards recherchés. C’est moins que son engagement « fast-‐start » entre 2010 et 2012 (1,24 milliards €). Les recettes prévues dans le cadre de la TTF ne suffiront pas à créer la dynamique politique nécessaire et la France doit mobiliser des ressources additionnelles. Les pays développés doivent s’engager à allouer 50% de leurs financements climat pour l’adaptation.
Préparer le plan de travail et cadrer le comité exécutif sur les pertes et dommages Introduit pour la première fois dans le cadre de la Convention à Bali en 2007, le concept de pertes et dommages fait référence aux impacts négatifs du changement climatique face auxquels l’adaptation ne peut apporter de réponse. Il s’est peu à peu imposé dans l’enceinte des négociations à cause du manque d’ambition et d’actions en termes de réduction d’émission et d’adaptation. Suite aux engagements pris par les états à Doha en 2012, le «mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages » a été officiellement établi lors de la COP19 en 2013. Il a pour but de renforcer les connaissances sur les approches et réponses envisageables aux pertes et dommages, d’améliorer les échanges, la coordination et la cohérence des initiatives entre les parties prenantes impliquées dans ce domaine, et de contribuer à une mobilisation et une action accrues pour répondre aux pertes et dommages. Il est prévu de rediscuter les modalités du mécanisme créé à Varsovie en 2016, pour définir ses fonctions et son mandat dans l’accord après 2020. Entre temps, le niveau d’ambition jusqu’en 2020 déterminera en partie les futurs pertes et dommages auxquels les pays les plus vulnérables devront faire face. Il est essentiel de trouver une place aux pertes et dommages dans la plateforme de Durban avant et après 2020, mais cette question est loin de faire consensus.
Il s’agit aussi de développer les modalités de gouvernance du futur comité exécutif (ExCom) permanent sur les pertes et dommages. Le comité temporaire instauré a pour mandat de développer une proposition de plan d’action de 2 ans pour 2015 et 2016 ainsi qu’un modèle de gouvernance pour le futur ExCom qui seront soumis à l’approbation des parties à l’occasion de la COP20. Lors de sa première rencontre à Bonn en mars 2014, l’ExCom temporaire a permis la participation d’observateurs de la société civile mais les progrès sur le plan d’action restent pour l’instant très limités. Il devrait se réunir encore 2 fois d’ici à la COP20. Les mois à venir constituent un moment important car la fenêtre pour débattre des propositions de l’ExCom sera limitée à la COP20.
Pour les ONG • Les pertes et dommages doivent figurer à l’ordre du jour de la plate forme de Durban. • La création d’un espace technique séparé permettra d’étudier diverses solutions entre
experts techniques, afin de faire des recommandations aux décideurs politiques. • Le plan de travail sur les pertes et dommages doit inclure des propositions d’activités
spécifiques avec des résultats concrets, et s’assurer de la mise à disposition de moyens de mise en œuvre. Il doit également prévoir la création d’une base de données des pertes et dommages affectant les populations les plus vulnérables aux changements climatiques. Cette base de données devrait notamment inclure les pertes non-‐économiques (territoire, héritage culturel), les effets des phénomènes à évolution lente (montée du niveau des mers, fonte des glaciers) et prendre en compte les mouvements migratoires dus aux changements climatiques.
• Afin d’assurer une bonne gouvernance du mécanisme, il est nécessaire de porter une attention particulière à la définition des modalités de représentation et de sélection des membres du comité exécutif. Il s’agira également de faciliter l’engagement d’experts et observateurs, selon les besoins, notamment à travers la mise en place de taskforces spécifiques ; afin d’identifier des solutions à des problématiques compliquées, et de garantir la transparence des débats.
Préserver l’agriculture familiale et la sécurité alimentaire et nutritionnelle Les négociations patinent depuis plusieurs années, du fait de divergences sur les priorités à établir entre l’adaptation et l’atténuation. Derrière ces divergences se cachent notamment a) les craintes de certains pays en développement de se voir imposer à terme des réductions d’émission pour le secteur agricole aux dépens des enjeux d’adaptation ; b) les craintes de certains pays émergents que l’on évolue à terme vers des barrières aux échanges commerciaux pour leurs exportations vers les pays développés; c) la volonté de certains pays développés de mettre en place des politiques d’atténuation du secteur, potentiellement via des mécanismes de marché et les craintes associées à l’égard de mesures susceptibles de générer de nouvelles pressions sur l’agriculture familiale et la sécurité alimentaire. Se pose ainsi la question de l’intégration de l’agriculture dans les marchés carbone. Or, ce sont les grandes exploitations agricoles et l’industrie agroalimentaire, et non les petites exploitations, qui seraient susceptibles d’attirer la plupart des investissements dans la séquestration du carbone dans les sols. Par ailleurs, il n’existe pas de méthodologie fiable pour mesurer le carbone contenu dans les sols qui permet de quantifier le CO2 séquestré afin de générer des crédits correspondants. Enfin, l’inclusion de l’agriculture aux marchés du carbone pourrait également entraîner davantage d’accaparement de terres, dans la mesure où les investisseurs seraient attirés par les gains financiers associés à l’acquisition de terres, aux dépens des petits producteurs, des cultures traditionnelles et de la biodiversité. En parallèle de ce « patinage » des négociations officielles, se développe le projet d’une « Climate Smart Agriculture Alliance » qui devrait être lancée à l’occasion du Sommet de Ban Ki Moon en septembre prochain, et qui pose de nombreuses questions. Il s’agit d’un concept largement porté par le secteur privé et par l’agro-‐business, portés par la recherche de nouveaux marchés. Le concept est assez flou pour englober de l’agro-‐écologie aux OGM et semble nier l’existence de différents modèles agricoles qui n’ont pas les mêmes impacts sur l'environnement/climat et sur la sécurité alimentaire. L’alliance pourrait faire la part belle aux partenariats publics-‐privés et aux entreprises multinationales ou rester une coquille vide de communication, sans financement additionnel ni capacité réelle d'orientation des projets financés. L’alliance est portée par les organisations internationales et les Etats (exemples des Etats Unis, de la Banque Mondiale) qui se sont positionnés très clairement en faveur de l'intégration de l'agriculture dans les marchés carbone. Enfin, le processus contourne délibérément les espaces de négociations onusiens où tous les Etats sont représentés.
Les ONG attendent de la France et de l’Europe
• qu’elle place au centre des négociations l’objectif de sécurité alimentaire et défende dans ce cadre l’agriculture familiale et souligne que le développement agricole ne peut pas uniquement répondre à un objectif « carbone » ou d’augmentation des rendements mais bien aussi de contribution à la réduction de la pauvreté et à une gestion durable des ressources naturelles.
• qu’elle porte la reconnaissance la différence d’impact des agricultures industrielles et familiales sur la sécurité alimentaire locale et l’environnement et la différence des enjeux selon les modèles agricoles considérés (priorité à l’adaptation pour les agricultures familiales paysannes, atténuation là où les émissions sont les plus importantes à savoir dans l’agriculture industrielle)
• qu’elle porte, à la place du concept fourre-‐tout de « climate-‐smart agriculture », celui de l’agro-‐écologie qui repart des connaissances traditionnelles et s’ancre dans l’échelon local et s’inscrit dans une logique de développement territoires.
• qu’elle se positionne clairement contre l’intégration de l’agriculture dans les marchés carbone.
Questionner l’efficacité « climatique » et les risques pour les populations de l’approche par le marché et des mécanismes de marché
Le Mécanisme de Développement Propre (MDP), dont la réforme sera discutée en SBSTA, est largement critiqué au regard de la pertinence même de la logique de compensation et de marché sous-‐jacente., mais également pour ses manques et incohérences « opérationnel(le)s ». On constate notamment 1 des problèmes d’additionnalité et de double-‐comptage des émissions, de vraies lacunes en termes de participation de la société civile et de consultation préalable/recours des populations locales affectées, un manque de transparence, de règles communes et de suivi des critères de « développement durable » censés être pris en compte dans le cadre des projets MDP, et en termes de gouvernance. En outre, le mécanisme, qui soutient de fait un certain nombre d’investissements privés, ne fait pas explicitement référence à certain nombre de textes internationaux fondateurs et, notamment les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme qui imposeraient, entre autres, une obligation de « diligence raisonnable »2 aux entreprises soutenues. Il n’y a pas non plus de référence aux directives volontaires sur la gouvernance responsable du foncier élaborées dans le cadre du Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale, pour répondre au phénomène croissant d’accaparements de terres.
Les discussions à Bonn (SBSTA) porteront également sur les nouveaux mécanismes de marché, qui posent notamment la question d’une approche par secteur et d’une prise en compte des « land-‐based emissions », et sur le « cadre pour des approches variées » qui permettrait le commerce international des quotas carbone des pays. Ces négociations sont très opaques, et inquiètent la société civile. Cette approche ne peut fonctionner tant que les Etats ne se seront pas engagés sur des objectifs de réduction ambitieux. En outre, son efficacité en termes de lutte contre le changement climatique n’est pas démontrée. Enfin, les mécanismes de marché déjà existants comme le MDP ou les démarches « pilotes » engagées sur les marchés volontaires par exemple au nom du REDD sont largement critiqués et ont déjà eu des impacts négatifs sur les populations locales du Sud. Pour les ONG, Il est essentiel que le MDP a minima (sachant qu’il existe des questionnements plus profonds sur sa pertinence et la pertinence de sa logique sous-‐jacente)… • soit réformé pour prendre en compte les manques/incohérences existant(e)s • intègre dans ses règles de fonctionnement les Principes Directeurs des Nations Unies
relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme • ne soutienne pas, directement ou indirectement, de projets participant au phénomène
d’accaparement des terres et des ressources naturelles par des acteurs privés aux dépens des populations locales
Sur les nouveaux mécanismes de marché, nous doutons sérieusement de leur efficacité face à la crise climatique et sommes très inquiets quant aux risques d’incidence négative sur les populations locales dans les pays en développement. Nous souhaitons une meilleure visibilité sur les enjeux et évolutions de ces négociations et sur les positions défendues par la France et l’Europe sur ces sujets.
1 Pour plus de détails, cf des éléments de la soumission du réseau Carbon Market Watch en vue de la session SBI. 2 c’est-‐à-‐dire l’obligation d’identifier, prévenir et réduire les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement découlant de leurs activités.