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Tech Porc Juillet - Août 2012 - n°6
Mycotoxines : que se passe-t-il si les porcelets sont exposés ?
La principale mycotoxine des céréales, appelée déoxynivalé-nol (ou DON), est produite au champ par le champignon Fu-sarium présent sur les épis. Les progrès récents de la lutte variétale et phytosanitaire contre les fusarioses ainsi que les outils d’analyse et de prévision des contaminations réduisent désormais le risque d’une contamination lon-gue et importante dans l’alimentation des animaux. Les enquêtes d’Arvalis et FranceAgriMer montrent que le blé ten-dre récolté en France a une concentration faible en DON, pres-que toujours inférieure à 1250 mg par tonne, à l’exception de l’année 2007 où environ 10 % des surfaces dépassaient cette teneur. Le risque de présence d’une autre mycotoxine sur blé (zéaralénone ou ochratoxine) reste très modéré.
Recommandation maximale à 900 mg par ton- Ine d’aliment
Le porc est l’espèce la plus sensible au DON. Sa présence dans l’aliment fait non seulement baisser la consommation et le gain de poids, mais modifie aussi la réponse immunitaire, ce qui pourrait nuire à l’état sanitaire. De précédents essais d’Ar-valis et de l’Ifip ont montré que les faibles teneurs, jusqu’à 900 mg par tonne d’aliment, n’ont pas d’effet visible sur la santé, la consommation et la vitesse de croissance des porcelets ou des porcs en engraissement. Ce niveau corres-pond à la valeur que l’Union européenne recommande de ne pas dépasser (cf encadré). D’une manière générale, il est pré-férable d’utiliser des céréales peu contaminées en DON dans les aliments porcs et de valoriser les céréales moyennement contaminées pour les espèces les moins sensibles, comme les ruminants (recommandation : 2 000 mg/t).
Une contamination ponctuelle peut survenir ICependant, compte tenu des difficultés pratiques pour connaître le niveau de chaque lot ou parcelle, et du fait que les teneurs en mycotoxines sont généralement hétérogènes dans un même lot, une contamination ponctuelle peut sur-venir lors des années à risque. Une expérimentation a été me-
née afin d’évaluer l’impact d’une courte exposition initiale en deuxième âge à un niveau de DON supérieur à la recomman-dation européenne. L’effet sur la santé et les performances lors de cette exposition puis sur l’arrière-effet pendant l’ensemble de l’engraissement ont été mesurés.
Légère baisse de consommation pendant l’ex- Iposition… mais compensée sur la pharse de deuxième âge
En deuxième âge, la consommation d’aliment des deux grou-pes de porcelets exposés au DON a été légèrement mais non significativement diminuée pendant les 11 premiers jours d’ex-position. Toutefois, ceci ne s’est pas traduit pour la totalité de la phase de 2ème âge par une modification de la consomma-tion journalière (moyenne: 1057 g/j), de la croissance quoti-dienne (693 g/j) ou de l’indice de consommation (1,53 kg/kg). Les performances globales obtenues en 40 jours de post-sevrage sont très bonnes (572 g/j de GMQ et 1,45 d’IC entre 8,0 et 30,9 kg).
La répartition hétérogène des mycotoxines dans les céréales peut expliquer des teneurs dépassant ponctuellement la valeur recommandée pour l’alimentation des porcs en Eu-rope. Une expérimentation montre qu’une courte exposition initiale à un niveau de déoxy-nivalénol supérieur à la recommandation n’a pas d’effet visible sur la santé des porcs et les performances d’engraissement.
© IFIP
14 ou 26 jours d’exposition à 1500 mg I336 porcelets mâles et femelles, sevrés à 8,0 kg et 28 jours d’âge, ont reçu à partir de 12,9 kg un aliment deuxième âge à base de tourteau de soja et de blé sain (groupe témoin), ou pendant 14 jours un aliment aux mêmes caractéristi-ques nutritionnelles contenant 66 % de blé contaminé en DON puis l’aliment sain (groupe DON), ou bien l’aliment contaminé pendant 26 jours (groupe DON+). L’aliment contaminé contenait 1500 mg de DON par tonne, soit une teneur supérieure à la valeur maximale de 900 mg/t recom-mandée pour l’alimentation des porcs.
A l’issue du post-sevrage, les porcs ont été répartis au poids moyen de 30,9 kg (68 jours d’âge) dans deux bâtiments d’engraissement de type caillebotis intégral ou partiel. Ils ont tous reçu des aliments non contaminés jusqu’au poids d’abattage.
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…sans conséquence sur les performances Iultérieure
Pendant l’engraissement, l’exposition antérieure au DON n’a pas eu d’effet négatif sur les performances, ni sur la qualité des carcasses à l’abattoir. Les porcs ayant préalablement reçu les régimes contaminés pendant le deuxième âge ont une crois-sance équivalente ou supérieure à celle des porcs témoins dans les deux bâtiments utilisés.
Les paramètres sanitaires inchangés IL’état sanitaire global a été satisfaisant. Les pertes et le nombre de porcs recevant un traitement vétérinaires individuel ne ré-vèlent pas d’effet du DON au cours du post-sevrage, ni de la période d’engraissement.
La réglementation européenne sur les mycotoxines fixe des teneurs maximales pour l’alimentation humaine (Règlements 1881/2006 et 1126/2007). En ce qui concerne l’alimentation animale, une teneur maximale n’est fixée que l’aflatoxine B1 et l’ergot du seigle, alors qu’il s’agit de recommandations pour les autres mycotoxines (Directive 2002/32 et Recommandation du 17/08/2006). Les valeurs sont fixées pour les matières premières et pour les aliments complets.
Quelle est la réglementation sur les mycotoxines en alimentation animale ?
en mg/tonne sauf mention Matières premières1 Aliment
Valeurs maximales réglementées2
Aflatoxine B1 céréales 20
ruminant adulte non laitier, volaille, porc
20
autres animaux 10
bétail laitier, jeune ruminant et volaille, porcelet
5
Ergot du seigle, mg/kg céréales 1 000 tous animaux 1 000
Valeurs maximales recommandées3
DON
céréales 8 000 tous animaux sauf : 5 000
coproduits du maïs 12 000jeune ruminant 2 000
porc 900
Fumonisines B1 + B2 maïs et coproduits du maïs 60 000
ruminant adulte 50 000
volaille et jeune ruminants 20 000
poisson 10 000
porc, cheval, lapin 5 000
Zéaralènone
céréales 2 000 ruminant 500
coproduits du maïs 3 000truie et porc charcutier 250
porcelet et cochette 100
Ochratoxine A céréales 250volaille 100
porc 501céréales: toutes céréales, coproduits, pailles. 2 Directive 2002/32. 3 Recommandation UE du 17/08/2006.
Les teneurs maximales en mycotoxines sont plus basses pour le porc, espèce la plus sensible.
le DON a un impact principalement sur la consommation volontaire et la productivité des porcs, plutôt que sur leur santé.
© IFIP
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Le DON affecte d’abord la consommation ICes résultats montrent que dans de bonnes conditions d’élevage une brève exposition d’animaux performants à 1500 mg par tonne de DON n’affecte pas leur état de santé et un niveau moyen leurs performances de crois-sance jusqu’au poids d’abattage. Toutefois, des études complémentaires doivent être effectuées sur de possibles in-teractions avec la fonction immunitaire lorsque les conditions sanitaires sont moins bonnes, ainsi que pour d’autres céréales, comme le maïs, pouvant contenir simultanément plusieurs mycotoxines (DON, zéaralénone, fumonisines). Enfin, cette étude confirme que le DON a un impact principalement sur la consommation volontaire et la productivité des porcs, plutôt que sur leur santé.
Eric ROYER IFIP - Institut du porc [email protected]
Planète élevageDu 11 au 14 sept - Rennes
LE SALON INTERNATIONAL DE L’ÉLEVAGETél. : 02 23 48 28 80 - fax : 02 23 48 28 81 - [email protected]
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éel -
Ren
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Figure 1 : Effet de la durée d’exposition à 1500 mg/t de déoxynivalénol (DON) en deuxième âge
sur la consommation d’aliment des porcelets
400
600
800
1000
1200
Témoin DON DON+
exposition au DON DON+
DON jours pre-exp. 1 - 4 5 - 8 9 - 11 12 - 14 15 - 26
La consommation des porcelets exposés au DON se redresse après quelques jours