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Dossier pédagogique

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Dossier pédagogique

sommaire

Introduction - Synopsis

Alé abreu et le mondeune démarche audacieuseUne esthétique hybride et hors normeUnvoyage déconcertant au pays des sensUne expérience sensorielle et esthétiqueUn univers infantile réalisteun film à hauteur d’enfantLe sacrifice d’une vie

témoignage des étudiantscritique écrite par tanguy bossellivu d’en face...

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P.5p.6P.7P.8P.11p.12p.12p.13

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«L’enfant,c’estlanaïveté,l’innocenceetlapureté.C’étaitlapossibilitéderegarderlemondedemanière«vierge».Ledésird’adopterlepointdevued’ungarçon,aufond,c’estlavéritableoriginedufilm.Sonidéecentrale,esthétiqueetradicale.»

Alê Abreu

Synopsis Souffrantdel’absencedesonpère,unpetitgarçonquittesonvillageetdécouvreunmondefantastiquedominépardesanimaux-machinesetdesêtresétranges.Uneanimationhorsducommunfaitedediversestechniquesartistiquesquiillustrelesproblèmesdumondemoderneàtraverslesyeuxd’unenfant.

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Alê Abreu et le monde

Alê Abreu est né à SãoPaulo, auBrésil, le 6Mars 1971.Attirédepuis l’enfancepar ledes-sin, il suit dès l’âgede treizeansdes cours d’animation au Muséedel’ImageetduSon(MIS)deSãoPaulo. C’est à cette période qu’ildécouvreRenéLaloux, le réalisa-teurdeLa Planète SauvageetdesMaîtres du temps (il ne verra lesfilmsqueplus tard, à l’âgede19ans,c’estunstoryboardquilepas-sionne dans un premier temps),ainsi queMoebius, ledessinateuret scénariste de Blueberry. Cesdeux artistes français imprimentsurlejeuneAlêAbreuleurmarque«ils m’ont montré une autre facette de l’animation, grâce à eux, je n’ai plus eu de doute sur ce que je voudrais faire de ma vie».HayaoMiyazaki, pour la place qu’il ac-cordeàl’enfancedanssafilmogra-phie,etSylvainChometavecLes Triplettes de Belleville, sont desinfluences importantes énoncéesparleréalisateur.

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Une démarche audacieuseExtraitd’uneinterviewpubliéele13octobre2014,parGersendeBollutsurlesiteChronicart/http://www.chronicart.com

Au-delà du graphisme atypique et de la profusion de couleurs qui évoquent délibérément des dessins d’enfants, le film frappe par son absence de décors. Peut-on y voir la métaphore d’une page blanche sur laquelle l’enfant est encore libre d’écrire sa vie ?

Ale Abreu:Levide,l’arrière-planblanc,esteneffetuneidéetrèsimportantedansmonapprochedufilm.Lelieumétaphysiqued’oùnousvenonsetoùnousallonstous,ainsireprésenté,estuneparenthèseentrelaquellesenichelavie.J’essayetoujoursdereprésenterlestoutpremierssentiments,ceuxquicorrespondentànotrevenueaumonde.Lespremièressensationssontassezproches,àmonsens,decellesdelafindenotrevie,quandcelle-ciestderrièrenousetquel’onseretrouvefaceauvidemétaphysique.Regarderleschosessouscetanglepermetd’atteindrecettesimplicitédelaviequ’ontrouvedanslesyeuxd’unenfant.

Il y a un contraste saisissant entre des teintes douces, un graphisme rond et enfantin, et des thèmes durs comme la dictature, l’exploitation, le profit permanent, la déforestation… D’où vous vient cette sensibilité militante ?

Pourvousrépondre,ilmefautreveniràlasourcemêmeduprojet.J’étaisentraindetravaillersurundocumentaireaniméretraçant500ansd’histoireenAmériquelatine,Canto Latino,et,toutenécoutantdelamusiqueprotestatairedesannées70-80,jesuistombé,dansmescarnetsdecroquis,surl’ébauched’unpetitgarçon,quej’aidécidédedévelopper.Jecherchaisàcomprendrepourquoicegarçonétaitlà,sousformeembryonnaire,etquelleétaitsarelationaumonde.J’aicréédespetitesséquencesoùonlevoyaitportéparlevent,courirdansuneforêt,rencontrerd’autrespersonnages.Lefilmestainsinédeques-tionnementspolitiques.J’aid’abordvoululierlafictionaudocumentaire.Maisaufuretàmesure,lepersonnagedel’enfantaprisdel’importance,etj’aieuenviedemettredanssesyeuxcemondequenousavionsenarrière-plan.L’idéedebasedufilms’estimposéequandj’aidécidéd’utilisercepointdevue.

Une des scènes les plus symboliques du film est la lutte entre l’oiseau aux mille couleurs et l’aigle noir symbole de l’oppression. Comment est venue cette image ?

L’inspirationm’estvenue,sansquejepuissevraimentl’expliquer,durantleproces-susdecréationdufilm.Aprèscoup,j’aitentédetrouveruneexplication,maislefaitestquelesmanifestantsdufilmsonttrèscolorés,ontdesinstrumentségalementcolorés,orilexistedesoiseauxcolorés.LecondorestunoiseautypiquedesAmérindiens.Parailleurs,leBrésilaconnuunearméerépressive,aussi j’aichoisid’adopter lacouleurnoirepourreprésenterl’absenced’espoir,deliberté.Aprèsavoirconçul’oiseaunoir,j’aitrouvéperti-nentd’enfaireunoiseaunazi.Pourcomplétermapensée,j’aimeraisévoquerletravaildupercussionnistebrésilienNanáVasconcelos,quiacrééavecl’aidededeuxmicroslamu-siquepourlecombatentrelesdeuxoiseaux.Tandisqu’ilregardaitlesimages,ilfaisaitlaprisedesondesmanifestantscolorésenutilisantuneméthodederéverbérationetd’échopourcréerlesondelarépression.Àcemoment-là,nouscomprenonsquelabatailleestuncombatpourlavie.C’estlepremiercombatquenousdevonsgagneravanttoutebataille.

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Une esthétique hybride et hors norme C’estavecbeaucoupd’enthousiasmequ’AlêAbreuexpliquequel’ani-mationl’accompagnedepuisses13ans.Ilconsidèrequec’estunetechniquequipermetde«mettreenmouvement»afinderaconterquecesoitàtraverslafiction,ledocumentaireouautre. Aucoursd’unéchangesurunplateautélé(Metropolis,Brésil)entreAlêAbreuetLuizBolognesi,nousapprenonsquelecinémad’animationbrésilientrouvesasingularitédanssacapacitéd’absorberdesinfluencesquiviennentdumondeentier.Enoutre,cecinémad’auteurconnaîtenfinuneretconnais-sanceaufestivald‘Annecy,référenceinternationaleenmatièred’animation.

Uma Historia de Amor et Furia (Une histoire d’amour et de fureur),réaliséparLuizBolognesi,estlepremierfilmbrésilienencompétition,ilremporteleCris-taldulongmétrageen2013etl’annéesuivantec’estautourdeO menino e u mundo (Le petit garçon et le monde). Selon Luiz Bologe le fait que le Brésil ait gagné deux fois de suitemarqueledébutd’unphénomènecomparableàlaBossaNovaenmusiquedans les années 1960.AleAbreu revendique les influences plurielles qu’ilcultivedepuisplusdevingt-cinqans.Depuissesdébuts,ils’estouvertàdi-verscourantsettechniques,nonseulementenanimation,maiségalementen

peintureetenillustrationpourfinalementalliercestroisexpressionsgraphiquesetchoisirdeprendrele risquededessineravec lanaïvetéet la liber-té d’un enfant. Les techniques expérimentalesdenarration,qu’ellessoientsonoreouvisuelles,nouséloignentdel’exotismeetdesclichésliésauBrésil(véhiculéparfoisparleBrésillui-même).La bande son joue un rôle capital dans le film,elle a des allures de bricolage sonore quimêlebruit et musique, rap mélancolique, ambiances,bruitages,percussionscorporellesenadéquationavectoutcequ’ilyad’organiquedanslefilm.Lespercussionssontunrepèredelamusiquepopu-lairebrésilienne,ellesdonnentuncôtéenjouéàl’universdeMenino.

LaréalisationdeO menino e o mundoaapportéàAlêAbreu pleine satisfaction. Il revendique saposture radicale, artisanale, en marge des stu-diosaméricains.Ilsalueégalementleseffortsducinémad’auteur,et l’importancedufestival inter-nationald’animationAnimamundi,crééen1993(RioetSãoPaulo),aujourd’hui leplus importantd’Amériquelatineetendeuxièmeplaceàl’échellemondiale.LeBrésildoitmaintenantconsoliderlaformationgrâceàdesécolesspécialiséesetdesuniversités.

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Un voyage déconcertant au pays des sens commentaires sur les dix premières minutes du films

Dèsquelefilmcommencenousnousretrouvonsplongésdansunpériple.Lespectateurestàlafoiscontemplatifetenrecherchedesens.LevoyagecommencepourMenino,lepetitgarçon,àlaportedechezlui.Aprèsmaintespéripéties,c’estlàqu’ils’achèvera,aumomentoùlecycledelavieseboucle,enprésenced’enfantsquijouentdelamusique.Cettepetitefanfareannoncelavierevenuedanslevillage.Lesadultestravaillentdansleschampsquisemblentplusfertiles,unoiseaudecouleurlessurvole.Notrehérosquantàluiestépuisé,ilestàl’hiverdesavie.Ilaparcourusonexistencedanslaplusgrandesoli-tude,sansliensamicauxnifamiliaux.Ilfermelesyeuxsurcemonde,bercéparladoucemélodiedel’enfancejouéeàlaflûteparsonpèreetlessouvenirsdesafamilleunie.Lepointdudébut(sortedepetit-poisdecouleur)estlemêmequelepointdelafinets’effacepourlaisserplaceàlapageblanche.

LesquestionsexistentiellesabordéessontcontextualiséesenAmérique latineetplusparticulièrementauBrésil.Lespectateuraverti reconnaîtra legraphismeetlescouleurs,laforcedelanatureauxalluresdeforêtamazonienne(fauneetflore),lesquartierspopulairessurleshauteursdelaville,laplagesurpeuplée,lamégapoleaméricaniséeàlaBlade Runner,levillagerural,lesmoyensdedéplacementetlestransports,lamusique,lapublicité,lesvêtementsartisanaux(importancedutissage,dutricot,destextures),lesdéchargespeupléespardesenfantsetdesadultes,etc.Mêmesiilyauneabsencededialoguesintelligibles,c’estduportugaisquiestprononcéparlespersonnages(bandemagnétiqueinversée),enrevanchelesparolesd’unechansonsonttrèsclairementidentifiablesenbrésilien.Touscesindicesdonnentaufilmuncertainancrageidentitaire,unecouleurlocaleàlafoisbrésilienneetlatino-américaine,sanspourautantluiôtersaportéeuniverselle.

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Une expérience sensorielle et esthétique

Nous découvrons dans ce film un fa-buleux travail sur les couleurs, lesmélodies,ledessin,lesformespsychédéliques,lessonsd’unbattementdecœur,etc.Toutcommencepar une page blanche, un écran blanc. Unson,unpetitpointaumilieuderien,unchantde femme. C’est alors que des cercle, desformestrèscolorésprennentvieaurythmedelamusique,doucemélodiequireviendratoutaulongdufilm.Làdesimagesenkyrielleseten kaléidoscope viennent envahir l’écranac-compagnéesparunbruitderespirationetdesbattementsdecœur,cesindicessonoressontévocateursdelaprésenced’unenfant.NousentendonsMenino,lepetitgarçon,avantdelevoir.Lescouleurspastelvivesquidansl’ima-ginairecollectifsontrattachéesaumondedel’enfance, sont ici évocatrices d’une natureluxuriante,delaflore,dumondetelquelevoitMenino.Lemouvementnousinviteàplongerdansl’image,puisunplansefigesurdestraitscolorés dessinés à la craie grasse qui dé-bordentunpeud’uncercle.L’universenfantins’affirme.Ilnes’agitplusd’unpointmaisd’unesortedecercleirrégulier,cequiluidonneforceetauthenticité. tMeninoestémerveillépar lespetiteschosesquil’entourent.Iljoue,sedéplace,sortducadrepuisyrevient.Cedécorépurééveillenotrecuriosité.Unefaçonderamenerlespec-tateurvers l’enfance,momentoù l’onnevoitpas tout et où l’on ne se concentre que sur«l’essentiel»,surcequi,pouruneraisonouuneautre,nousimportevraiment.

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Nous sommes à hauteur d’enfant au sens propre su terme. Nousvoyonscequ’ilsepasseaurasdusol,nousnoussentonsplusprochesdelaterre.Peud’indicessontdévoilés,néanmoinsilssesuccèdent,aurythmeoùMeninolesdécouvre.Fraîcheurdespremièresrencontresdumonderural,nousvoyonsd’abordlesanimaux,poussins,poules,ânes,ouchevauxenli-berté.Meninoestportéparunélanvitalpresquefrénétique,riennesembleluifairepeurdanscetenvironnement,levoyageacommencé. L’eauapparaîtégalement,d’abordparlebruitpuisparletrait,cenou-velélémentpermetlejeu.Toutcelavit.Menino,tâtonne.Ildécouvreentouteliberté, iln’yapasd’adulteà l’horizon, l’environnementsemblebienveillant.Nouspassonsduterrestreaumondeaquatique(lespoissons).Lessonsnesontpastotalementréalistes(sonsexpérimentaux),maisilsdonnentunesen-sationdevraisemblance troublanteetdélicieuse.Tout celaa la saveurdeschosesauxquellesongoûtepourlapremièrefois. Lesfleurs,lesarbres,lesinsectes(pluspetitsquelui),luiapparaissentcomme par magie, ils forment une symphonie sonore et visuelle. Meninosemblepénétrerdansune forêt, leblancdisparaîtpeuàpeu, ilestcommerecouvertparl’exubérancedelanature.L’universsonoreestdeplusenplusdense,maistoujoursdélicat.Meninogrimpe,escalade,riennel’arrête.Ilat-teint le ciel, saute sur lesnuages. Il chemineavecagilité, avidededécou-verte!Ondevinegrâceauxplanstrèsserrésqu’ilapeut-êtretrébuchédanssacourse(cequiesttypiquechezlesenfantsdecetâgequinemaîtrisentpasencoretotalementl’équilibre),maistoujoursilrepart,grimpeauxarbres. Ildominecemondequ’ilvientd’explorer,etcelal’amuse,ilrit.Ilplongedanslesnuagesdontlatexturesembletrèsdouce.Sonexpérienceressembleàunrêved’enfant,quinedurerapas...Laruptures’annonce. Unnuagegrisfoncé,duventetdesbruitsmécaniquesfontleurappa-ritiondanslecadre.Meninoselèveets’immobilisepourlesregarder,onsentqu’ilnecomprendplus.Ilaperçoitunemachineàvapeur,symboledesdébutsdel’industrialisation.

Lamusiquedevientplusinquiétante,auloinonaperçoitdessortesdecônes(sortesdechâteaux),leventsouffle,etMeninotombe,sarespirations’accé-lère. Ilentameune longuechutevers la forêt.Ondécouvredavantage lafaune,leblancreprendsaplace.Lepetitgarçons’accroche,ilnes’agitpasd’unechutelibre.Ilatterritjusteaudessusducercledecoloriédudébutquial’apparenced’uncaillousonoreduquels’échappelavoixféminineetlamélo-diedelaflûte.Ilprêtel’oreille,uneclochel’appelle,ilpartencourantcettefois-civerslagauchedel’écran,alorsqu’ilétaittoujoursalléversladroite(verscequiétaitàdécouvrir).Seulresteàl’imagelecailloucolorésurfondtotalementblanc. Meninorevientsursespas,iln’aplusletempsdes’émerveiller,mêmes’il recroisecertainsanimaux.Sonsoufflesemblesourd. Ilarriveauniveaud’unefemme.Ellesortd’unepetitemaisonetouvreuneombrelle,ils’agitcer-tainementdelamère.C’estlepremièrepersonneadultequ’ilcroise. Lepèreetlamères’éloignentversunedirectionencoreinconnuepourMenino.Lepèreestdedosavecunevaliseausolaucentredel’image.Ilfaitfaceàsondestinavecrésignation.Lamèreauneattitudesemblable.NiMeni-nonilespectateurcomprennentlasignificationdudialoguedesadultes.Pour-tantcemessagetransmetdesémotions,letondelavoixévoquelamêmeré-signationquelapostureducorpsdespersonnages.Meninosecramponne,ilneréagitpasaveclamêmepudeuretpondérationdelamère.Leventsouffle,ceventannonceunailleursmenaçantettoutproche.C’estcetautremondequeMeninovadécouvrir. Cettelongueerrancequiattendlapetitgarçonseralivréeauspecta-teurcommeuntémoignagepoignantsuruneviefaitedesouffranceetdesoli-tudepournotrehéros.Savieluiéchappe,ilestesclavedu«progrès»decettenouvellesociétéquinepermetpasàsafamilledecontinueràexploitersonchamp,raisonpourlaquellelepèreetlefilspartentendirectiondelagrandeville.

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Cettelongueintroductionjusqu’àlarupturefatalenousplongedansuneréalitésocialerudeetcruelle.Paradisperdu,retrouvéenfindefilm,maissanssesparentsettropvieuxpour«recommencer».L’espoirrésidemaintenantdanslesautresenfants.

Lamusiqueapparaîticicommel’héritagelaisséparlepère.Ilsepencheverslefils,àsahauteurpourjouerunemusiqueàlaflûte,desbullesdecouleurss’envolentdel’instrumentaveclégèreté.Puisilseredresseetpartattendreletrain.Surlequaislesdétailss’effacentetlepèreseretrouveseulaucentredel’image,résigné,droit,savaliseàsespieds.L’aurevoirfutbref,pasdedémonstrationd’affection. Meninoetsamèreeuxaussisontseulsaucentredelapageblanche.Lamèreestimmobile,seulMeninobouge,regarde,essaiedecomprendre.Letrainchenillearriveaumilieudel’image,etemportelepèredontlasilhouettesemblaitdéjàs’êtreéloignée(étantdevenuetoutepetite).Lachenilletraversel’écranets’enva,emportantlepèrepourtoujours.C’estlàqu’apparaît,suiteàlapageblanche,unpointetletitre,lepointc’estceluiduideMenino. Lefilmcommencealors,leparadisdel’enfancen’estplus.Seulsrestentlessouvenirs,l’imagedessouvenirs...Entreréalitéetvisiononirique.

Ce que nous percevons des échanges entre le couple lors-qu’ilssequittentsontdesvoixdouces.Lamusique,lessons,lesbruitsdonnentunedimensionpoétiqueaurécit.Onrevientausilence,àlapageblanche.Meninone trouveplus le repos,ni lapaix,etencoremoinsl’innocencedel’enfance.Ildécidealorsdepartiraccompagnéparunevalise,toutàfaitdisproportionnéeparrapportàsapetitetaille.Cellequel’onvoitsurl’affichedufilmetquirenfermelaseulephoto-graphiedelafamilleréunie,imagedubonheur.Lanuits’obscurcit,leventsouffleplusfort,lesnuagesviennentmasquerlalune. Le fond de l’écran est devenu noir, les souvenirs s’entre-choquent,semêlent.L’imagesemblepasserdelacouleuraunoiretblanc.Lesrailsdeviennentdesgoûtesdepluie.Ilseformeuntourbil-lonquil’arracheauterritoiredel’enfance. Unnouveaumondes’ouvreaupetitgarçonetauxspectateurs.Lescouleursontchangé,lesimagessontpluscomplexes,latexturedes dessins aussi, il ne s’agit plus seulement de dessins principa-lementà la craiegrasse,etauxcouleurs trèsvives.Lecollage faitsonapparition.Lesindividussemblenttousseressembler,lesrudestâches des travailleurs aussi (déshumanisation due au travail à lachaîne).Cecontesevoitteintédetristesse,mêmes’ilsedégageunegrandebeautédesimages.L’animationn’estpaslàpourmasquerlaréalité,elleapresqueunevaleurdocumentairepourtransmettrel’inef-fable :conditionsociale tisséed’injusticeséconomiquesetsociales.Lasociétédeconsommationetlafutilitédesmédiasontmontréesdudoigt. Les techniques artisanales d’animation font écho aux tech-niquesartisanalesdeproductionqui ontétébalayéespar le«pro-grès»,maisquisontreprisesdanslenouveaulangagehybrided’AlêAbreu.

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Un univers infantile réaliste L’enfanceestvuecommeunlieuimaginairedanslequelleréalisateursesentlibre.Ils’autoriseà«dessinercommeunenfant»,enmélangeanttouteslestechniquespossibles:pastelsàl’huile,crayonsdecouleurs,feutreshydrographiquesetmêmestylosàbille,ainsiquetouslestypesdepeinturesetdecollages.Etsurtout,choixaudacieuxetpoétique,iljoueavecleblanc,delamêmefaçonqu’iljoueaveclessons,lamusique,lessilencesetlanarration(leschémanarratifclassiquen’estpasrespecté).Cesexpérimentationssontpeucourantesdanslecinémad’animation.C’estainsiqu’ilaffirmesaposturecritique,enprenantlerisquedecréerautrement.

Un film à hauteur d’enfant Unfilmàhauteurd’enfant,veut-ilforcémentdireunfilmpourenfant.Danslecasprésentlaquestionsepose.Mêmesic’estàpartirdesept-huitansquelesspectateurspeuventvoirlefilm,cesontseulementlesadultesquipeuventincontestablementsaisirlesecondniveaudelecture.Onpeutpenserquecefilmouvreledialogueentreparentsetenfantsetentrel’adulteetl’enfantquiestenchacundenous. Lecourageetl’espoirsontdesvaleursintrinsèquesàl’enfance.Lacruautédumondequiesticimontréen’ariendefictionnelle,lesimagesd’archivesmettentfinàtoutenaïveté.Jemedemandecommentontréagilesjeunesenfants,etdequellefaçonont-ilssaisilessubtilitésdelanarration(notammentlehérosetsondouble,lesdérivesetlesconséquencessurlespopulationsdelasociétédeconsommation).Ilm’aétédifficilederassemblerdestémoignages,maisl’expérienceseraitintéressante.Jepensequ’unaccompagnementestnécessaireavantlefilm(seréférerpourcelaaudossierdisponibleenlignesurlesitedesFilmsduPréau).

Tantl’exoderuralquelarecherchedupèresontdesthématiquesrécurrentesdanslecinémaetlalittératured’Amériquelatine.Lasymboliquedupèreestàconsidérerdanslesensd’unepartie,deceluiquitransmetlesbasesetquisurvientauxbesoinsdelafamille.Menino,petitpersonnagelégersansnometsansbouche,alacertitudequetoutestpossibleetdoncqu’ilvapourvoirretrouversonpère.Cettepenséeluidonnelaforcedepréparersavaliseenymettantlaseulephotoqu’iladesafamilleréunie.C’estlemanquedupèrequilepousseàpartirdesonvillage,oulemanqued’argent...(cequel’onpourraitdéduireàlafindufilm). L’enfance de Menino évoque en quelque sorte, l’enfance de l’Amérique latine d’un point de vue politique et économique, industrialisation et globalisation au détriment du peuple, seule une minorité semble en avoir profité. La souffrance et la précarité des travailleurs, des paysans, sont mises en lumières à travers le témoignage de ce petit être en devenir.

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Le sacrifice d’une vie Lorsque l’on observe l’affiche du film, on est d’abord séduit par lescouleurspasteletpar lasimplicitéet l’expressivitédeMenino.Maissionyregardedeplusprès,cequel’ondécouvreensecondplanc’estl’industrialisa-tion«animalisée»etmenaçante(lescharspointentleurcanonverslesrailsosetrouveMenino).Lesrailsévoquentledestin,lecheminquelepetitgarçondevraparcouriraccompagnéd’uneénormevalise.Menino,regardelespec-tateur,ilestaucentredel’image,sansbouchepoursourire,lemondequiestderrièreluic’estceluiquel’onvadécouvriraufildufilm,maisdontondevinemall’existenceàpremièrevue.

Nous nous sommes entretenu sur ce sujet avec notre ami, David Bis-bano, que nous avions connu lors de son passage aux Rencontres des Ciné-mas d’Amérique latine de Toulouse en 2005 pour la présentation de son opéra prima B (corta). David Bisbano est né en 1974 à Buenos Aires, Argentine. Il travaille comme réalisateur de cinéma de fiction et de cinéma d’animation en Argentine (Rodencia y el diente de la princesa, coproduction Argentine-Pérou, 2012).

Ilyaluunprofondpessimismedanslefilm.Meninomèneunevietrèssolitaireetleretourauvillagesurvientaumomentdesamort.L’espoirestdif-ficileàpercevoir.Meninoestunesortedesacrifié,commetantd’autres.Son

courageetsaténacitéfontdeluiunhéros.Lalutten’estpasdansdevicto-rieusesbatailles,maisdanslasurviefaceàl’adversité.Lesdérivesdelaso-ciétéindustrielleetlaglobalisationlepoussenthorsdecettevilletentaculairedansundernierélanenfindevie.Durantsonpéripleilnesefaitpasd’ami,ilnerencontrepasnonplusl’âmesœur,ilresteenmargedesmouvementsso-ciaux,desrévoltes,ducarnaval.Ilpasse,ilobservecemondequ’iltraverseetquiestparfoisonirique,parfoiscauchemardesque,souventteintédenostalgieetdecruauté. Onpeutlireenfiligranelaquestiondelapertedel’identitédanscesmégapolesoùlasurvieestaussirudequedanslemonderural.Lasagesseenfindevielepousseàretournerverssesracines.Peut-onylireunelueurd’espoir?Laréalitédupersonnageestassezterrible.Toutsemble joyeux icienAmé-riquelatine,maisc’estpourmieuxsupporterlacruelleréalité,surtoutpourleshabitantsdeszonesrurales. Lorsquej’aivulefilmpourlapremièrefoisj’étaisjurépourunfestivaldecinémajeunepublic,àmonsenscefilmn’estpasdestinéauxenfants.Sionsefieseulementaupremierniveaudelectureonvoitunenfantquipartàlarecherchedesonpère,maisendéfinitiveils’agitd’unvieilhommetrèsmarquéparlarudessedelaviequipartàlarecherchedel’enfantqu’ilaété. Ils’agitd’unfilmextrêmementbienréaliséetpensé,uneœuvredegé-niequial’airtrèssimplemaisquiesttrèscomplexe.S’iln’yavaitpastantdecouleur,auboutd’unedemi-heuretutemetsàpleurerettuparsducinéma. Onneserendpascomptedecettetristessedésledépart,seulementàposteriori,sinonlefilmseraitdifficilementsupportable.Ils’agitd’unsouvenir,celuidel’enfantquiappartientaupassé,c’estcettefatalitéquejetrouveter-rible.C’estseulementl’enfantdupasséquipeutvoirl’hommequ’ilsera.L’am-biancedelavilledeRioal’airfestive,pourtantlorsqu’ilregagnesonquartier,etqu’iln’enfinitpasdemonter,toutn’estquetristesse.Lafêteneconcernequ’uneminoritéenréalité.MaisleBrésilvendetviedecette«joie»,ellegé-nèredesemploispourungrandnombrej’imagine.Ilesthabituelqueplusieursréalitéssecroisentdansunmêmepays.Unréalisateurdoitenchoisiruneetlarelateràsafaçon.Situenracontesplusieursdansunmêmefilmtufinisparneriendire.Lefilmd’animationRiovéhiculecequelestouristesachètentauBrésil.Le garçon et le mondemontreuneautrefacetteduBrésil.Enrevanchecesdeuxaspectssontbienréels.

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avec l’Utopia Bordeaux témoignages des étudiants en Prépa Cinéma-Audiovisuel et Prépa Graphisme Multimédia de l’ESMI IlaétédemandéauxétudiantsdelireledossierdesFilmsduPréauavantd’assisteràlaprojectionduGarçonetlemondeensalle.Nousavonsconsacréuneséancededeuxheuresàlacontextualisationdufilm,éclairépardesarticlesdepresseetlevisionnementd’extraitsdefilm(enprisedevueréelle)surleBrésiletl’Amériquelatine.Lasalleavaitétéréservéepournotreécole,unediscussionaensuiteeulieuentreétudiantsetenseignants(encinéma,civilisationlatino-américaineetillustration).Lesétudiantsontétésurprisparlabeautédufilmgrâceàlaforcedesimagesetdelabandeson.

Unbonnombred’élèvesdeclassedepremièreannéeontsignifiéaprèslaséanceétéplutôtréticentsàladécouverted’informationsavantd’avoirétévoirlefilm.Ilsreconnaissentparlasuite,queledossieraéclairéleurregard,maisqu’ilsauraientpréféréêtredansunplaisirderéception,plaisiresthétique.D’autresaucontraireontsaisidavantaged’éléments(notammentsurlaconceptiondufilmetladémarcheengagéduréalisateur)grâceàcetravailenamont.

Séance organisée en partenariat

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Jelivreiciquelquestémoignages:

Romain Houdaille « Malgré des appréhensions dues au visionnage à la télévision de do-cumentaires, reportages sur le tiers monde, trop moralisateurs, j’ai été agréablement surpris. En effet, j’ai découvert un film d’une honnêteté et d’une fraîcheur tout à fait singulière. Fini les doigts accusateurs cherchant à pointer des responsables. »

Camille Blavy «J’aiétéétonnéeparlaconcordancede lamusiqueavec l’image, je trou-vaisqueçarendait l’imageextrême-mentvivanteetdynamique,malgrélasimplicitédutrait.»

Coraline Charrier « J’ai apprécié que ce soit un film à hauteur d’enfant. J’ai été particu-lièrement sensible à l’utilisation du graphisme qui mélange plusieurs médiums. J’ai parfois éprouvé une sensation de longueur sur certaines scènes qui peut s’expliquer par l’in-tensité des émotions ressenties par le spectateur (fond et forme). L’ima-gination du petit garçon est d’une in-nocence désarmante face à des pro-blèmes sociaux pourtant bien réels. Ce film reste prenant et intéressant : un film à voir. »

Alex Bard «Laduretédufilm,dudiscours,n’estpas adaptée à un jeune publicmal-gré le style graphique enfantin. Lesenfantssemblentavoirbesoind’êtretenusenhaleine,alorsqu’ici lessé-quencessonttrèscontrastées.»

Camille Blavy « Le blanc est souvent dérangeant, alors qu’ici il met en valeur la pureté et le caractère du personnage. Nous ar-rivons ainsi à entrer dans son esprit, à pénétrer dans son innocence infantile qu’il semble conserver tout au long de son existence. Les personnages semblent sortis tout droit d’un dessin d’enfant ou d’un dessin animé POUR enfant, alors que le message trans-mis est paradoxalement très réaliste, pour preuve la séquence en prise de vue réelle montrant la forêt dévas-tée. Cet extrait apparaît comme un cri dans le film, le feu qui consume la nature de même que l’écran. Comme si la pellicule était en train de brûler et que tout pouvait disparaître en un instant, la forêt comme le film. »

Basile Garoufalakis « Ce film nous transmet une visionduBrésilquisembleréaliste.Malgrélesdifficultés,lalutte,lajoieetlamu-siquesontbienprésentes,finalementil faut toujours des gens, le peuplepourmaintenir l’utopie. Le petit gar-çon vieillit, il est résigné,mais on al’impression que c’est la générationfuturequiestporteused’espoir.»

Aurélien Audard « La ville volante fait penser à des villes futuristes (BD d’animation et films de SF). Mini montagnes, tours, qui tentent d’atteindre le ciel et de monter toujours plus haut, comme pour atteindre un idéal, un autre ni-veau de vie, « s’élever dans la socié-té » ne surtout pas se mélanger avec ceux du bas. Cette posture les isolent entre la terre et le ciel, mais n’ayant pas vraiment idée de ce qui se passe en bas. »

Natalie Lutz «J’ai trouvéqu’il était trèsagréabled’utilisercesupportpourcritiquerlesdysfonctionnementsdelasociétédeconsommation.»

Aurélien Audard « Ce film est trop exhaustif à mon sens, le réalisateur a souhaité mon-trer tous les problèmes qu’a engen-dré l’industrialisation du pays. Ce for-mat est trop court pour approfondir de telles problématiques. »

Camille Blavy «Lapoésieetlabeautédesimagesm’ont touchées, le sujet est dur, etparfois cette poésie accentue la du-reté des propos du fait qu’elle estexpliciteetpourtantdouce.Lagaietéque l’on peut lire dans les couleursévoque des traits culturels (ceux del’Amérique latine)mais l’aspect psy-chédéliquedonneauspectateurunesensation de vertige,mal-être d’uneépoque.»

Romain Houdaille« Tetris est un jeu vidéo qui évoque l’insouciance de l’enfance, comme

si l’industrialisation avait des aspects de jeux d’enfant, et pourtant les en-jeux n’ont rien de ludiques. Le jeu est peut-être à comprendre ici dans le sens de manipulation. »

Camille Blavy «Lespectateurestenimmersionto-tale,carcesmusiquessontpropresàl’Amériquelatine,doncauthentiques.Onaégalementl’impressionquelespersonnages et les décors dansentaveclamusique.Cetaccordentrelamusiqueetl’imagem’arappeléFan-tasia.»

Aurélien Audard « Le voyage initiatique du garçon est frénétique, il est sans cesse en mou-vement. »

Coraline Charrier «C’estunfilmsérieuxmaisquin’estpas alarmiste pour autant. Ilmontrel’industrialisationduBrésil,lescondi-tionsdetravailpénibles,letravailàlachaîne,lesconséquencedramatiquedel’activitéhumainesurl’écologie,lamanipulationdel’information.»

Alex Bard « Le film présente un aspect fataliste, on a l’impression que les choses ne vont pas changer. Que toujours il y aura des gens obligés de travailler à la chaîne et d’être exploités. Ils semblent malheureux malgré la pré-sence de la musique et du carnaval qui permettent une certaine légèreté, un sentiment d’évasion nécessaire pour supporter le quotidien (la dureté des conditions de vie). »

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étudiant en Prépa Cinéma-Audiovisuel Actuellement, le cinéma d’animation, si l’on en croit les médias, ne se résumerait qu’aux productions américaines. En effet, l’époque dans laquelle nous vivons est gouvernée par les prouesses techniques tridimensionnelles de grandes industries que sont Pixar, Sony, Blue Sky ou encore Dreamworks, pour ne citer que les plus prolifiques. Pourtant, le film Le Garçon et le Monde, venu tout droit du Brésil, échappe à toutes ces règles. Plus qu’un film d’ani-mation entièrement dessiné à la main - ce qui est déjà particulièrement im-pressionnant au vu du résultat final, il s’agit là d’une critique ambitieuse et surtout violente de notre monde vu par les yeux d’un enfant. Enfant que Alê Abreu, le réalisateur, cherche à assimiler à un spectateur occidental, naïf, sa-gement installé au fond de sa caverne en prise aux clichés et aux stéréotypes. Oubliez les perroquets mignons et les joyeuses intervalles musicales de Rio, vous êtes désormais dans le réel.

Il y a rarement des films qui marquent autant que celui-ci. Le Garçon et le Monde, ou en brésilien O Menino e o Mundo, narre l’histoire d’un en-fant, anonyme, qui rejoint la ville après que son père ait quitté le domicile familial situé en pleine campagne. Une fois arrivé en territoire urbain, il y dé-couvre l’envers d’un décor que semble ignorer par les populations rurales… Sans dialogues intelligibles, et seulement avec un crayon, le réalisateur Alê Abreu se pose les bonnes questions, en appuyant parfois un peu trop sur la mine - notamment sur son final, étiré jusqu’à s’enfoncer dans l’évidence - pour faire comprendre la détresse qu’il ressent vis-à-vis du monde dans lequel il vit. Le libéralisme économique, premier visé, n’échappe pas à la virulence du message véhiculé. Il est montré comme une force invisible uniformisant les personnes vivant en ville et créant une sorte de matrice du bonheur par le biais de symboliques extrêmement judicieuses et troublantes. Cousu de réfé-rences à la pop-culture, qu’il détourne allègrement pour y créer un sentiment de mal-être comme évoqué ci-dessus, le film se présente également comme une vision onirique des paysages dans sa manière de créer une distorsion de la réalité visuelle, en laissant libre cours à l’imagination de l’enfant dont on perçoit le point de vue tout au long du film. En particulier par le biais de son in-nocence et de sa prise de conscience progressive, indéniable. O Menino e o Mundo est extrêmement habile dans sa destruction d’idées fantasmées sur le

pays du Pain de Sucre, où le football, la musique et les danses traditionnelles ne sont plus qu’un cache-misère pervers. Le réalisateur se détourne des cli-chés du genre au profit de l’alarmante pauvreté visible derrière ce rideau.

La caractérisation des personnages tient également de l’ordre de la fascination. Sans artifices, au teint blanc, vecteurs de dialogues incompréhen-sibles car interprétables avec le cœur et non le cerveau, le réalisateur et son équipe de dessinateurs parviennent à insuffler un souffle émotionnel au film en marquant les traits, qui conservent tous une intention qui les différencient les uns les autres. Chaque couleur possède un sens, le rouge et le bleu laissent place à un gris et un noir sombres et presque annonciateurs d’une apocalypse urbaine. Chaque dessin possède sa métaphore, son allégorie, qui défie notre perception de la réalité et écrase les marques temporelles pré-définies tant

les personnages que rencontrent l’enfant lui semblent être sa représentation plus âgée. Les notes musicales, tout comme les aplats de couleur énoncés ci-dessus, per-mettent de ressentir et de valoriser les envo-lées lyriques lors des premières séquences, où l’onirisme est maître. Le thème lancinant et presque unique de la bande originale, qui fait office de tentative de retour à la pureté et à l’innocence dont le film pose un point de départ, invoque un goût de festivité puis d’amertume et de nostalgie selon l’avan-cée du périple de l’enfant. Le Garçon et le Monde donc, est une belle réussite, qui a le mérite d’oser se poser les bonnes ques-tions, sans pour autant s’enfermer dans une trame programmatique afin d’étonner, image par image, le spectateur transporté parfois malgré lui, depuis son fauteuil, qui devient tout de suite moins confortable.

Critique écrite par Tanguy Bosselli,

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Vu d’en face...

German Acuña fait partie des membres fondateur de Carburadores, agence de design et d’animation située à Santigo du Chili. Il a accepté de nous livrer son point de vue sur le film. J’aivucefilmaufestivald’Annecy,oùilareçuleprixdumeilleurlongmétrage...prixtrèsméritéd’ailleurs.Lapremièredeschosesquejepourraissouligner c’est sa démarche esthétique, qui est excellente. Je pense qu’ilsontréussicréerdesimagesmagnifiquesetévocatricesàtraversunstylegra-phiquetrèssimpleetuneanimationéconomique,maisdequalitéetpleinedevitalité.

Comme l’histoireest sansdialogues, lanarrationvisuelleest fonda-mentale,etdans lecasprésentparfaitementaboutie.Sansaucundoute, jepeuxdirequej’aiétéémuparcepetithérosetsesaventures.OMeninoeomundoestuntrèsbeaufilmquinousfaitréfléchirsurlavéritablevaleurdeschosesetdelavie.Ilnousinviteàêtreplussimplesdansunmondesaturédeproduitsdontnousn’avonspasbesoin.Ilnousrappellecettevisioninnocenteetdrôlequenousavionsenfants. Unautreaspectquiaéveillémacuriositéc’estlaBO..quiestimpres-sionnante !Elle reflètecette couleur si particulièrede la culturebrésilienneexubérante, joyeuse. Elle accompagne l’histoire jusqu’à atteindre des mo-mentsdélicieuxpourlessens.Enrésuméc’estunfilmquejerecommande,simple,honnête,magnifiqueetémouvant. Laia Machado, productrice du festival international d’animation Chile-monos basé à Santiago du Chili, a elle aussi très aimablement répondu à notre proposition. La fondation Chilemonos est un organisme spécialisé dans la pro-motionet le soutiende l’industriede l’animation latino-américaineà traverslemondeàpartirdequatreorientations :Festival Internationald’Animation.Chilemonos:MAI.Marchéd’animationetd’industrie,SolomonosMagazineetReelday,plate-formepourl’animationlatino-américaine.Chilemonosacommeobjectifd’êtreunpointderencontreentrel’animationlatino-américaineetl’ani-mationinternationale.Ilseprésenteaussicommeunespacedeformation. Jecroisqu’ilesttrèsintéressantd’observerlenouveauregardqu’offrel’animationlatino-américaine.DanslecasdeOmeninoeomundo,laculturelatino-américainetransparaîtdefaçonsingulière,notammentàtraverslafa-çondontlelecontrasteentrelesclassessocialesestdonnéàvoir:lesclassesdominantesd’unepartet lesclassesouvrièressecroisentàpeine,et lors-qu’ellessontenprésencelesinégalitésetlesinjusticessontfrappantes. Cequim’apluspardessustoutdanscefilmc’estsaportéeuniverselle.Ilpeutêtrecomprisdansn’importequelpays.C’estunparitrèsrisquécomptetenudespropositionsactuellesducinémad’animation. J’aivulefilmàAnnecy,ilavaitétéprojetéenpleinairparcequ’ilavaitreçu leprixCristal.Engénéral lepublic françaisest trèsréceptifducinémad’animationd’auteur.JenepeuxpasparlerdelanaturedesaréceptionauChilicariln’estpasencoresortiensalle.

RéalisationAlé Abreu

RemerciementsLes Films du Préau

RédactiondudossierLaure BedinEnseignante

ESMI Bordeaux

MiseenpageVincent Tavernier

Etudiant en BTS Design GraphiqueESMI Bordeaux