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DOSSIER GEORGES DE LA TOUR Mme Mareau Magalie et M. Lecaillon Dominique Enseignants Chargés de Mission au Musée Départemental de Vic-sur-Seille Résumé Georges de La Tour est un artiste qui, malgré un siècle de recherches par les historiens de l’art, demeure énigmatique. Son succès auprès du public est toujours important. Ce dossier propose de découvrir le peintre Lorrain à travers une approche de son environnement historique et d’éléments biographiques. Il présentera aussi des liens avec des artistes contemporains et des œuvres présentées au Musée Départemental Georges de La Tour de Vic-sur-Seille. Figure 1 : Saint Jean Baptiste dans le Désert - Musée Départemental Georges de La Tour

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DOSSIER GEORGES

DE LA TOUR

Mme Mareau Magalie et M. Lecaillon Dominique Enseignants Chargés de Mission au Musée Départemental de Vic-sur-Seille

Résumé Georges de La Tour est un artiste qui, malgré un siècle de recherches par les historiens de

l’art, demeure énigmatique. Son succès auprès du public est toujours important. Ce dossier propose de découvrir le peintre Lorrain à travers une approche de son

environnement historique et d’éléments biographiques. Il présentera aussi des liens avec des artistes contemporains et des œuvres présentées au Musée Départemental Georges de

La Tour de Vic-sur-Seille.

Figure 1 : Saint Jean Baptiste dans le Désert -

Musée Départemental Georges de La Tour

1

Service pédagogique du musée départemental Georges de La Tour

Vic-sur-Seille

Georges de La Tour

Dossier Enseignants

1 : Contexte historique

2 : Chronologie 1570 - 1680

3 : Le Tour de Georges en 10 dates

4 : Georges de La Tour : éléments biographiques

5 : Choix d’œuvres dans des musées du monde

6 : Choix d’œuvre dans des musées français

7 : Bibliographie succincte et subjective

8 : Trois œuvres contemporaines inspirées par Georges de La Tour

2

Figure 2 : Sébastien Vrancx - Scène de pillage

Comment m’entendez-vous ? je parle de si loin…

René Char

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Georges de La Tour a connu au début de sa vie une Lorraine prospère et riche puis

brutalement, à partir des années 1630, il a vécu les horreurs de la Guerre de Trente ans et ses

suites funestes pour le duché.

Ce contexte historique même si il est, le plus souvent, invisible dans les toiles du peintre, a

pesé et a influencé sa production artistique.

Figure 3 : Le Reniement de Sant Pierre - Georges de La Tour - Musée des Beaux-Arts à Nantes

3

Figure 4 : Lotharingia 1588

UNE LORRAINE PROSPERE 1590 - 1630

« En 1593, quand naît La Tour, le duc

de Lorraine s’appelle Charles III. Il

règne depuis 1545 et mène une

politique aussi prudente

qu’ambitieuse. Il va bientôt perdre

ses derniers espoirs de devenir roi de

France et une suite de mauvaises

récoltes, de 1592 à 1595, entrainera

quelques années difficiles. Mais la

reprise est rapide, et la Lorraine va

connaître ses années les plus

brillantes. »1

La Lorraine de cette fin du XVIe siècle

est un espace hétérogène où se

côtoient d’anciennes terres d’Empire,

des principautés et des domaines plus

ou moins indépendants ainsi que des

zones dans la mouvance de la

couronne de France.2

1 Page 15, Jacques Thuillier, Georges de La Tour, édition Flammarion

2 Le duché politique comprend trois parties, un espace avec Nancy comme capitale ainsi que le duché de Bar, divisé en

Barrois mouvant et Barrois non mouvant. Pour le Barrois mouvant, le duc rend hommage au roi de France.

4

Figure 5 : Carte de l'espace Lorrain vers 1580

Depuis plus d’un siècle, les ducs de Lorraine cherchent à affirmer leur pouvoir, à agrandir leurs possessions et

à conserver leur indépendance. Ils mènent une politique équilibrée entre leurs deux puissants voisins,

l’Empereur et le roi de France.

Cependant, plusieurs crises montrent la fragilité de l’équilibre. En 1552, en échange de son appui militaire, les

princes allemands offrent au roi de France les Trois Evêchés. Charles Quint attaque alors la ville de Metz qui

résiste. Metz, Toul et Verdun, ainsi que les territoires liés à ces villes et à leurs évêques, tombent

définitivement dans l’escarcelle des rois de France. Plus tard, le duc Charles III est entrainé dans les combats

de la Ligue (contre Henri III puis Henri IV). Champion du catholicisme, il espère obtenir la couronne de France.

Le Saulnois est le théâtre de plusieurs affrontements militaires. La paix est rétablie en 1593. Le bilan est assez

sévère pour Charles III, les populations ont beaucoup souffert, les finances sont au plus bas. Abandonnant sa

politique agressive, il participe au rétablissement de la prospérité de la Lorraine.

Vers 1550, les duchés comptent 300 000 habitants. Nancy, entre 1500 et 1550, passe de 1300 à 4300

habitants. Metz en compte 20 000 habitants, Verdun 7000 et Toul 5000.

Figure 6 : Plan de Nancy vers 1633

Figure 7 : Plan de Metz vers 1638

La société est fortement hiérarchisée : clercs, nobles de race, anoblis et roturiers. Il existe encore quelques

serfs. Les anoblissements sont fréquents, de 10 à 20 par ans, pour services rendus ou achat de titre. Les

anoblis peuvent perdre leur titre s’ils ne vivent pas noblement. Les archives révèlent aussi de nombreux

procès mettant en cause de « faux nobles ».

Plus de 90 % de la population vit de la terre. Sur les terres pauvres des Vosges, la culture temporaire se

pratique encore, exploitation d’un lieu durant deux ou trois années puis sa mise en friche durant deux ou trois

décennies. Pour les autres terres, l’assolement triennal se généralise (blé d’hiver, céréale de printemps, friches

avec pacages. Les rendements sont de 4 à 5 pour un. Les arbres fruitiers sont présents partout, et vers 1570, le

mirabellier apparait. La vigne est une culture importante qui bénéficie de l’apport de nouveaux cépages. Suite

à des défrichages, de nouvelles communes sont créées.

5

Les corporations règnent sur les métiers. Elles régulent le fonctionnement et l’installation de leur groupe

professionnel. Les responsables des corporations font également respecter le règlement sur la qualité. Les

cordonniers de Marsal sont regroupés en corporation en 1612.

Les verreries se développent, elles sont souvent « mobiles ». Elles exploitent les ressources quelques années

(bois et sable) puis se déplacent.

Le sel est exploité à Marsal, Moyenvic et Rosières, Château-Salins et Dieuze. Le duc loue les salines à l’évêque

tout au long du XVIe. Les profits sont très importants. Les 5 salines représentent une bonne part de l’apport

financier du duc. Le muid de sel (529 litres) est produit pour 5 à 13 francs et est vendu 70 francs aux Lorrains.

Des contrats sont aussi passés avec les villes de Berne, Luxembourg.

Une industrie du fer se développe. Il existe de nombreux points de production. Moyeuvre est un grand centre.

Des mines d’argent sont exploitées dans les Vosges. Elles produisent, au plus fort de leur production, vers

1550/1570, 1300 kg d’argent par an. Vers la fin du siècle, des filons de cuivre sont découverts.

Figure 8 : 3 parties du Frontispice de la Pompe Funèbre de Charles III – La métallurgie, les salines, les verreries

Des collèges religieux sont créés au XVIe : Mirecourt (1504), Pont-à-Mousson 1574, Metz 1590,…

L’Université de Pont-à-Mousson fondée en 1572, est confiée aux jésuites dès 1574. Elle connait un très grand

succès. En 1575, elle accueille 400 étudiants, 800 en 1588, 1500 en 1604 et 2000 en 1607. Ils sont originaires

de Lorraine, des Pays Bas, d’Allemagne et des îles britanniques.

Peu avant 1500, Metz possède des presses d’imprimerie. Tout au long

du XVIe siècle, la ville conserve sa prééminence. Des humanistes comme

Agrippa de Nettersheim ou Rabelais séjournent à Metz.

A partir de 1550/60, de nouveaux ateliers d’imprimerie s’ouvrent :

Nancy (1566), Pont-à-Mousson (1582) puis, au début XVIIe siècle, à

Saint-Mihiel et Mirecourt.

Les Lorrains sont attirés par la religion du voir. Les grands spectacles, les

mystères, attirent les foules de fidèles. Dans les églises, les grands

décors peints se déploient. Les saints intercesseurs sont représentés –

comme à l’église de Sillegny. Le gothique flamboyant domine toujours

l’architecture et la figure de la Vierge est très présente. Les images du Figure 9 : Piéta de l'église Saint Laurent

de Lunéville - XVIe siècle

6

Christ souffrant ont aussi les faveurs du public : en croix, aux liens, en piétas ou en mise au tombeau.

Cette religion du voir, intimement liée à la mort du Christ s’accompagne d’une piété de la demande

d’intercession des saints.

Les idées de Luther apparaissent à Metz en 1518 (Luther sera excommunié en 1522). Et malgré une répression

irrégulière, une forte communauté calviniste se développe. Dans le duché, la Réforme, interdite, ne prend pas.

Durant les Guerres de Religions, la Lorraine connait de quelques batailles rangées : Pont-à-Mousson en 1567,

Moyenvic et Nomeny en 1590.

Peu à peu la Contre-Réforme prend pied en

Lorraine. Des ordres religieux sont réformés

(les prémontrés entre 1605 et 1613). Les

Jésuites s’installent à Verdun puis à Nancy

1616. Les ordres mendiants connaissent de

nouvelles fondations, ainsi, en 1613 les

Capucins s’installent à Vic-sur-Seille. Alix Le

Clerc (1576-1622), aidée par Pierre Fourier,

fonde en 1597 des écoles destinées aux filles.

Cependant, la population est souvent attachée

aux anciennes pratiques qu’elle souhaite

maintenir. A Vic, le Beau Bernard bénéficie des

faveurs populaires (mort en 1458, il est béatifié

en 1481) ; il est invoqué pour soulager les

possédés et les déments. En 1560, l’évêque fait

enlever les ex-voto qui encombrent l’église de

Vic. En 1595, elles sont toujours aussi

nombreuses. Nicolas Rémy écrit : « je me souviens d’avoir vu dans l’intérieur de ce temple des colonnes

garnies de petits linges où pendaient des morceaux de pots cassés, de charbon, de pelottes d’étoupe ou de

cheveux, de vieilles serviettes, des débris de vitres, des pointes d’épées, de peaux de lézards et de crapauds

vomis ou rendus de quelques parties du corps par les malades qu’on y avait amenés pour retrouver la santé. Il

y avait en outre, un grand nombre de béquilles et de bâtons qu’ils avaient laissé après leur guérison. »

Figure 10 : Façade renaissance de l’ancienne Université de Pont-à-

Mousson

7

LE TEMPS DES MALHEURS : LA LORRAINE DANS LA GUERRE 1631 - 1661

En ce début de XVIIe siècle, la Lorraine est un espace de prospérité. Les ducs mènent une politique de

neutralité et d’équilibre qui préserve partiellement leurs terres de la guerre et de la misère. Mais ce bel

équilibre se lézarde dès les années 1620 et s’écroule en 1630.

<<La Lorraine, si riche si heureuse, si respectée sous les règnes des ducs Charles III et Henri II allait voir succéder à tant de prospérité des calamités inouïes. La peste, la famine et la guerre devaient s'unir pour faire un désert du plus beau pays d'Europe>>.

Auguste Digot

La Lorraine est un espace ouvert parsemé de forts, places fortes, châteaux,… Les villes et places fortes

bastionnées les plus importantes sont Thionville, Montmédy, Metz, Toul, Verdun, Nancy et La Mothe.

Durant la première phase de la Guerre de Trente ans la Lorraine n’est pas épargnée. Le Saulnois est traversé

par les troupes et Vic est pillée en 1622 par les hommes du général protestant Mansfeld. En 1625, la peste

refait surface.

De plus, une crise dynastique envenime les relations entre la France et la Lorraine.

En 1624, Nicole de Lorraine, la fille d’Henri II hérite du duché. Son époux Charles, qui est aussi son cousin,

complote contre elle et parvient à l’éliminer de la succession. François frère d’Henri II prend le titre de duc et

abdique rapidement en faveur de son fils Charles (1626). Rapidement, il prend position pour l’Empire et quitte

la neutralité qui avait partiellement protégée le duché.

Figure 11 : Portraits de Henry II, Nicole de Lorraine, François II et Charles IV

Charles IV est un personnage très controversé. L’historien Philippe Martin le décrit comme « Traite à sa parole,

versatile, capable de mener de front des intrigues contradictoires, il réussit à indisposer toutes les cours

d’Europe et ses propres amis. » 3

3 Une guerre de Trente ans en Lorraine – 1631-1661 Philippe Martin - Editions Serpenoise

8

A partir de 1630, l’armée de Louis XIII mène plusieurs campagnes dans le duché. Chacune se termine par des

traités 4 qui ne seront pas respectés par Charles IV. A partir de 1634, la Lorraine subit une occupation militaire.

Figure 12 : Le siège de La Mothe 1634 - Abraham Brosse

A partir de 1634, le duc est plus un entrepreneur de guerre, sillonnant l’Europe, qu’un duc légitime. Son duché

devient l’enjeu de luttes qui opposent Français alliés aux Suédois (Bernard de Saxe-Weimar) aux Impériaux,

Espagnols, Lorrains, Polonais,…

A Metz, la France resserre son emprise administrative et symbolique. Elle

instaure une cour souveraine, supprime les anciennes juridictions et

impose la création de baillages sur le modèle français.

En 1635, le Saulnois devient un vaste camp de stationnement des lorrains

et des impériaux. En automne et hiver, cette armée souffre de la peste et

les morts sont nombreux, le ravitaillement manque. Les populations sont

très éprouvées par les pillages et les massacre. Les destructions sont

nombreuses.

« L'an 1635 apporta encore de plus grandes

calamités que la précédente et acheva de ruiner ce

malheureux pays, parce la Lorraine fut inondée de

toutes les bêtes dont parle l'Apocalypse, savoir

l'écume des nations polonaises, hongroises,

bohémiennes, suédoises, allemandes, lorraines,

françaises, italiennes, espagnoles, à qui le duc Charles IV la laissa à l'abandon ».

Le marquis de Beauvau

Le pillage et les massacres à Saint-Nicolas de Port marquèrent particulièrement les esprits.

1636 peut être considérée comme l’année la plus terrible. La Lorraine est sillonnée par toutes les troupes.

4 Traité de Vic (1632), Traité de Liverdun (1632) et Traité de Charmes (1633)

Figure 13 : Médecin se protégeant

de la peste - XVIIe siècle

9

"Les habitants sont contraints de fuir à tout moment de lieu à aultre pour se soustraire des mains inhumaines de ceux qui les questent comme loups ravissans et les pourvans surprendre les tuent et massacrent, les bourellent par toutes sortes de gehennes et martirs, pour les rançonner sur leurs immeubles et les forcer à découvrir les trésors qu’ils imaginent cachés, ou bien encoires par le seul plaisir de veoir leurs morts et tourments, de rostir et bruler a petit feus hommes faits, femmes, enfants, jusques a lever et escorcher les semelles ou la peau des plantes, percer les extremitez des doigts et au travers des ongles avec des fers aigus, planter des épingles entre les ongles et le vif, déchiqueter et détrancher le corps à coups menus, lents, et dispenser, verser de l’eau bouillante dans l’estomach et les entrailles par une corne percée enfoncée dans le gosier, les brusler avec des fers ardens et embrasez aux parties viriles et aultres endroits du corps, les crever en leur marchant et frappant sur le ventre, les pendre aux foyers, fumiers et cheminées pieds en contre-haut, testes contrebas, les fouetter par tout le corps et les meurtrir avec des nerfs de bœufs…… et de toutes ces vilainies faire suivre la mort, ce sont espèces et exploits de leur cruaulté desquels les exemples sont advenus et adviennent encoires".

Jean Delhotel, curé d'Avioth5

En 1638, les troupes du duc s’avancent jusqu’à Lunéville. Les Français la reprennent puis la quitte après l’avoir

incendiée. Puis, la ville est à nouveau occupée par les troupes françaises.

En 1641, le duc de Lorraine se rend à Paris et signe le traité de Saint-Germain-en-Laye. Il s’engage à ne plus

combattre au côté de l’Empire et de l’Espagne. Il retourne à Nancy où il est fêté comme un libérateur.

Figure 14 : Callot - Soldats pillant un village

5 http://lissey.e-monsite.com/pages/annexe/campagne-du-m-de-chatillon.html article avec nombreux témoignages cités

10

Mais, il ne respecte pas ses engagements et passe aux Pays-Bas espagnols avec son armée. L’armée française

entre en Lorraine et reprend Bar-le-Duc, Pont-à-Mousson, Neufchâteau,… Dieuze résiste.

Richelieu meurt fin 1642. Louis XIII le suit de peu. Mais leur politique se poursuit.

1643 : les français prennent Thionville puis Sierck.

Ils organisent l’administration du duché. Henri, marquis de La Ferté-Sénectère occupe le poste de gouverneur

jusqu’en 1661. C’est un soldat, il continue à participer aux guerres de Louis XIV. Il a la réputation d’aimer

l’argent et les honneurs et se livre à la prédation financière. Il cherche cependant à organiser le retour au

calme et à redresser l’économie.

Charles IV installe sa maigre cour à Luxembourg. Puis, à partir de 1655,

elle s’installe à Trèves et en 1660 à Bitche.

En 1648, le traité de Munster affirme l’appartenance de Metz, Toul et

Verdun à la France. Mazarin après avoir envisagé l’annexion complète,

s’oriente vers une organisation de type état vassal, zone tampon entre

la France et les états germaniques.

Charles IV, toujours indécis et versatile, est lâché par l’Espagne et

l’Empereur.

Après les Traités de Westphalie (1648), la paix s’impose dans les états

allemands mais la guerre continue entre la France et l’Espagne. La

Fronde relance aussi le conflit.

De 1650 à 1653, la Lorraine est à nouveau prise dans la spirale de la

guerre entre Espagnols, Lorrains, troupes des princes révoltés contre

Mazarin, Français.

Durant la seule année 1652, Marsal fut prise et reprise trois fois.

Le 26 février 1654, à la surprise générale, Charles IV est arrêté par les

Espagnols. Il restera prisonnier jusqu’en 1659.

Peu à peu, les Lorrains se rapprochent de la France, en 1657, des troupes Lorraines participent, aux côtés des

Français, à la prise de Montmédy. En septembre, le roi Louis XIV est acclamé à Metz, Thionville et Nancy.

Figure 15 : Portrait de Charles IV

par Claude Deruet

11

Au Traité des Pyrénées (1659), Louis XIV reçoit de nombreuses places fortes dont Moyenvic. « Charles IV était

remis en possession de ses Etats, mais devait accepter que les troupes françaises puissent les traverser, raser

les fortifications de Nancy et fournir du sel au Trois-Evêchés. 6»

En octobre 1659, il rencontre Mazarin puis se rend à Paris. De longues discussions s’en suivent qui se

terminent par la Traité de Vincennes en 1661.

En mars 1661, Charles IV rend hommage au roi, à genoux, tête nue et sans épée.

Puis, il regagne ses états.

Figure 16: Médaille commémorative du Traité de Vincennes

urant ces longues années de conflit, la vie quotidienne est très difficile du fait de la présence des

soldats, de l’imbroglio administratif, des destructions, des contributions demandées, de la famine…

L’économie s’est effondrée. Les bâtiments ne sont plus reconstruits, les pillages succèdent aux

destructions. La population est déplacée. L’agriculture est dans un état pitoyable, les animaux de trait ont

disparu, les champs sont pillés ou ne sont plus exploités.

Les lorrains doivent faire avec le manque de nourriture. Entre pillage, réquisitions et incendie, la famine se

développe. Des cas de cannibalisme supposé sont signalés à Château-Salins ainsi que dans le Saulnois.

Les épidémies se développent facilement dans ces corps affaiblis. En 1623, la peste est signalée dans le

Saulnois. A partir de 1630, c’est la « peste de Hongrie » qui se développe. Les premiers cas sont signalés dans

le Saulnois. En 1632, lui succède une épidémie de typhus. En 1635, c’est la peste suédoise…

L’émigration, la mobilisation et la chute de la natalité se joignent aux massacres, à la famine et aux épidémies

pour provoquer un effondrement démographique.

Entre le début XVII et 1660, la région a perdu environ 60% de sa population. 4 villages ont complètement

disparu dans le Saulnois.

6 Une guerre de Trente ans en Lorraine – 1631-1661 Philippe Martin - Editions Serpenoise

D

12

Offices Evolution de la population entre 1585 et 1668

Pop. de la campagne Pop de la ville

Blâmont

Sarreguemines

Epinal

Dieuze

Nancy

- 78 %

- 76 %

- 76 %

- 74 %

- 56 %

- 85 %

- 51 %

- 72 %

- 12 %

+ 118%

La situation désespérée des Lorrains émeut toute l’Europe,

on peut noter l’aide apportée par Vincent de Paul qui

distribue plus de 2 000 000 livres d’aumônes de 1639 à 1649.

Pour expliquer ou justifier leurs malheurs, les populations

lorraines ont tendance à se tourner vers des explications

surnaturelles. Tout événement naturel devient signe. La

guerre retrouve ainsi sens dans un dessein qui dépasse les

humains. La croyance aux miracles permet d’entretenir

l’espoir d’une aide divine.

La protection de la vierge est la plus ardemment

recherchée.

Pour une partie des clercs, la guerre montre la colère de

Dieu contre l’humanité pécheresse. Des processions sont

organisées afin de demander la fin des épidémies, le

retour à la paix, la protection des récoltes,… Les reliques

sont mises en avant. Contre la peste, on implore Saint

Sébastien et Saint Roch.

La dévotion à Saint Joseph se développe, Père humain du

Christ et patron de la Bonne mort. On l’implore car il peut

intercéder facilement et son fils ne peut lui refuser son

aide.

La Vierge est, elle aussi, l’objet d’une dévotion renforcée

(Notre Dame d’Avioth, Notre Dame de Lorette, Notre

Dame de Benoite-Vaux, Notre Dame de Sion,…).

Figure 18 : Saint Roch par Siméon Drouin 1645

Figure 17 : Les restes de la Guerre - Le Lorrain et l'Espagnol

transformés en mendiants - Pierre Bertrand 1659

13

Quelques artistes ont représenté le conflit.

Jacques Callot (1592-1635) – représente le Siège de Bréda pour l’Infante d’Espagne. Louis XIII lui demande de

réaliser des gravures sur ses principaux faits d’armes. La série de 17 gravures des Misères et malheurs de la

guerre décrit de façon saisissante, les horreurs de la guerre (travail terminé vers 1632).

Dans la toile Job et sa femme, longtemps appelée Le Prisonnier, Georges de La Tour peut chercher à décrire la

condition humaine face aux horreurs de la guerre. « La tension entre la lumière et l’ombre, la contraction des

corps dans l’attente, le vide des arrière-plans traduisaient parfaitement le climat des années de guerre

lorraine : un univers dans lequel les repères habituels n’existaient plus, où l’homme se sentait livré à lui-même,

incapable de prévoir ses lendemains et s’interrogeant sur son destin cruel. »

14

Claude Deruet (1588-1660) peint le portrait de Madame de Saint-Baslemont. Il représente aussi un monde qui

a subi un renversement. Une femme lettrée, guerrière, qui défend arme au poing à la fois ses paysans et les

objets de piété.

La paix de 1661 permis au duc de retrouver ses terres. Mais il revenait dans un espace meurtri, ruiné, exangue.

Le royaume de France renforçait sa position en obtenant de vastes portions de territoires qui formait un

couloir de circulation vers les possessions alsaciens.

Peu à peu, la mémoire de ce conflit se transforma. Historien, mémorialistes, conteurs accusèrent les

« cravate7s » et les « suédois » d’être à l’origine de toutes les destructions.

7 Mot sans doute issu d’une déformation du mot « croate »

15

Puis, au milieu du XIXe siècle, certains évènements ressurgirent, l’histoire de Madame de Saint-Baslemont,

celle de Charles IV qui se para de nuances romantiques. Les recherchent des érudit locaux se concentrèrent

aussi sur les témoignages d’époque. Le site de La Mothe devint un symbole de la résistance Lorraine, tout

comme la citadelle de Bitche avait tenu face aux Prussiens en 1870.

Les érudits cherchèrent aussi des traces dans la mémoire populaire. Ils en retrouvèrent dans la toponymie (le

trou des Suédois, la mare des Suédois) et dans des histoires transmises oralement (en général souvenirs de

massacres et d’actes de cruauté). Quelques légendes se développèrent dont celle du « pilier qui pleure » de

Saint-Nicolas-de-Port : « Lors du sac de la ville en 1635, les soudards pillèrent l’église avant d’y mettre le feu.

Face au danger, sur le point d’être capturé, Dom Moye chercha à protéger le Saint-Sacrement en se cachant

derrière un pilier de la Tour Saint-Pierre. A sa plus grande surprise, la colonne s’ouvrit pour l’accueillir avec son

précieux dépôt, puis brutalement se referma ; jamais on ne revit le courageux bénédictin. Cependant, selon

Emile Badel en 1930, les vieilles personnes assuraient entendre sortir de la pierre une voix lointaine, suave

toute céleste qui chante les hymnes et les antiennes en l’honneur de l’Eucharistie, en souvenir du miracle de

1635. Si les fidèles voyaient de l’eau qui suintait à travers la pierre, c’est encore l’emmuré de 1635 qui fait

savoir que de graves évènements sont proches. 8»

De nos jours, des romanciers continuent à placer leur intrigue au sein des misères du XVIIe ainsi Michel Caffier

dans L’arbre aux pendus, Pierre Pelot et son magistral Est-ce ainsi que les hommes vivent (2016), Jean Henrion

dans Moi, Georges de La Tour, peintre fameux (2000)…

« Mais la guerre rodait et ne me laissait pas de répit. Je devais survivre. Voilà la cause

de mon égoïsme. Au fond mon Art était en lutte contre l’Histoire. Tandis que mon Art

apaisait, l’Histoire détruisait. La nuit de mes peintures, c’est l’homme avec son histoire,

pleine de sang et de fureur, et mes personnages sont l’éternité de la foi.9 »

Figure 19 : La Madeleine à la veilleuse - Georges de La Tour

8 Une guerre de Trente ans en Lorraine – 1631-1661 Philippe Martin - Editions Serpenoise

9 Jean Henrion dans Moi, Georges de La Tour, peintre fameux, Editions Appoline (2000)

16

Georges de La Tour

1 : Chronologie et contexte artistique

2 : Le tour de Georges en10 dates

3 : Eléments biographiques

4 : Choix d’œuvres dans les musées du monde

5 : Choix d’œuvres dans les musées français

6 : Bibliographie succincte et subjective

7 : Trois œuvres contemporaines inspirées par

Georges de La Tour

17

Rois de France

Henri III (1574-1589) Henri IV (1589-1610) Louis XIII (1610-1643) Louis XIV (1643-1715)

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- - - -

Ducs et duchesse de Lorraine

Charles III (1545-1608) Henri II (1608-1624) Nicole de Lorraine (1624-1625)

François II (1625)

Charles IV (1625-1675)

- - - -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Chronologie

1580 1590 1600 1610 1620 1630 1640 1650 1660 1670

Vie de Georges de La Tour

1593 : Naissance 1617 : Mariage avec Diane Le Nerf – Il est qualifié de « maître Georges de la Tour paintre »

1620 : Installation à Lunéville

1621 : Naissance d’Etienne

1634 : Il prête serment de fidélité à Louis XIII, il est qualifié de noble

1638 : Lunéville pillée et brulée par les troupes françaises

1639 : il est à Paris, qualifié de « peintre ordinaire du roi »

1641 : retour à Lunéville

1647 : Mariage d’Etienne

1652 : décès Diane puis de Georges

Vie artistique

- - - ----------------------------------------------------------------------------------------Jacques Bellange 1575 – 1616

Jacques Callot 1592 – 1635------------------------------------------------------------------------------------------

Nicolas Poussin 1594-1665-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Claude Gellée vers1600-1682------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Philippe de Champaigne 1602-1674----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Rembrandt 1606-1669----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Charles Le Brun 1619-1690----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- - - -

18

Le Tour de Georges en 10 dates

1593

Le 14 mars : fils de Jean de la Tour et de Sybille Melian, Georges est baptisé à Vic-sur-Seille. Il est le second d’une

famille qui comptera 7 enfants. Il est issu d’un milieu d’artisans aisés : son père est boulanger.

Figure 20 : Extrait du registre des baptêmes

1617

Le 2 juillet : il épouse Diane le Nerf, fille de l’argentier du duc de Lorraine. A cette occasion, Georges de La Tour

est qualifié de « maître Georges de la Tour paintre ». Parmi les témoins de ce mariage figure Alphonse de

Rambervilliers, lieutenant général du baillage, collectionneur et fin lettré. Le jeune couple s’installe à Vic-sur-Seille

et y vivra 3 années.

1620

Le 10 juillet : il obtient du duc de Lorraine un statut social privilégié et l’exemption de tous impôts « sa vie

naturelle durant ». Il s’installe à Lunéville.

Le 19 aout : il prend comme apprenti Claude Baccarat. Durant quatre ans, il s’engage à lui « monstrer et

apprendre fidellement et diligemment (…) l’art de la peinture (…) luy fournir les couleurs nécessaires à faire son

apprentissage dudit art. ».

1638

Septembre-octobre : Lunéville est pillée, dévastée et incendiée par les

troupes françaises. Georges de La Tour avait à plusieurs reprises montré

son allégeance au roi de France alors qu’une bonne partie des notables et

de la population de la ville se sentaient toujours proche du duc de Loraine.

1641

15 août : après avoir vécu à Nancy et Paris, La Tour est à nouveau résident

à Lunéville, il est qualifié de « peintre ordinaire de sa Majesté ». Figure 21 : Louis XIII par Philippe de

Champaigne

19

1646

7 avril : un acte mentionne comme témoins « les sieurs de La Tour père et fils, peintres demeurant à Lunéville ».

C’est la première fois qu’Etienne, âgé de 25 ans est qualifié de peintre.

18 juillet : les habitants de Lunéville adressent à Charles IV de Lorraine une

requête dans laquelle ils protestent contre les privilèges dont jouissent

certains lunévillois, dont Georges de La Tour. Ils l’accusent de ne pas

participer aux contributions financières alors qu’il est très riche, d’élever des

chiens en grande quantité et de gâter les récoltes lors des chasses.

1650

Janvier : comme chaque

année depuis 1645, Georges

de La Tour livre au

gouverneur de Lorraine,

Henri de la Ferté-Senneterre

un tableau. L’achat est à la charge de la municipalité de Lunéville

(700 francs pour une représentation d’un Saint Sébastien).

1652

15 janvier : La femme du peintre disparaît brutalement : son

acte de décès, à Lunéville, indique simplement « Janvier, Le 15e

mourut Dam (ois) elle Diane Le Nerf, femme de Sr Georges de La

Tour, de fiebvre accompagné d’un battement de cœur ».

30 janvier : « Janvier. Le 30 Le sieur Georges de La Tour mourut

d’une pleurésie. »

1670

19 mars : Charles IV de Lorraine accorde à Etienne des lettres

d’anoblissement qui sont enregistrées le 26 juin suivant.

1915

Hermann Voss publie un article décisif pour la redécouverte de

Georges de La Tour. Après plus de deux siècles d’oubli, l’artiste lorrain

se prépare à faire un retour triomphal.

Figure 22 : Charles IV de Lorraine

Figure 23 : Saint Sébastien soigné par Irène –

Musée du Louvre

Figure 24 : Catalogue de l'exposition

de 1934, Les Peintres de la Réalité

20

Georges de La Tour : Eléments

biographiques

Célèbre et apprécié de son vivant, Georges de La Tour tombe rapidement dans l’oubli après sa mort en 1552. De

nombreuses de ses œuvres ont été anéanties et nous disposons de peu d’informations sur sa vie. Il ne fut

redécouvert qu’au début du XXème siècle.

Le Nouveau-né exposé au musée de Renne en 1900 interpelle de nombreux critiques d’art dont Hermann Voss,

Hippolyte Taine, etc. Les critiques émirent de nombreuses suppositions avant de l’attribuer à Georges de La Tour.

Mais c’est Hermann Voss qui ressuscite Georges de La Tour grâce à ces « mystérieuses signatures de Nantes ».

Hermann Voss rend sa grandeur et sa gloire à George de La Tour après trois siècles d’oubli. « Nous rencontrons en

lui un artiste qui maintient, de façon quelques peu provinciale mais originale et personnelle, la tradition du clair-

obscur propre aux peintres caravagesque, […]. Le traitement rigide de la ligne et le dessin dur des membres de ses

personnages est compensé par d’admirables couleurs […]. »

Au début, les critiques ne lui attribuent que des scènes nocturnes. Mais en 1931, Hermann Voss bouleverse cette

idée en lui attribuant des tableaux diurnes. Il mentionne le tableau le Tricheur rattaché à Georges de La Tour par

la signature distinctement calligraphiée : « Georgius De La Tour Fecit ». Un véritable engouement se développe

autour de Georges de La Tour. Les publications se multiplient. De nouvelles œuvres sont découvertes. Les

historiens d’art et les amateurs avertis se passionnent pour ce peintre redécouvert.

Figure 25 : Ouvrage de François-Georges Pariset Figure 26 : Hermann Voss

21

L’exposition de 1934 à l’Orangerie des Tuileries date pour Georges de La Tour. L’artiste est exposé au milieu de

chefs-d’œuvre. Il est avec Le Nain au centre de l’exposition. Georges de La Tour gagne encore en importance dans

l’histoire de l’art grâce à la thèse soutenue en Sorbonne par François Georges Pariset en 1948.

1. Georges de La Tour un artiste Lorrain, un jeune peintre natif de Vic-sur Seille

Georges de La Tour est né en 1593 à Vic-sur Seille. Il est issu d’une famille de boulanger, fils de Jean de La Tour et

Sybille de Crospaux. Il est le deuxième des sept enfants du couple.

La formation de Georges de La Tour

Les historiens ne possèdent aucun document direct sur la formation initiale de notre peintre. Aussi, plusieurs

hypothèses s’affrontent ou se complètent.

Jacques Thuillier, grand spécialiste du peintre lorrain, propose plusieurs hypothèses.

Alphonse de Rambervillers, lieutenant général de baillage et collectionneur passionné, se serait intéressé

au jeune Georges de La Tour qui aurait réalisé son apprentissage de 1605 à 1611. Mais on ne retrouve

aucune trace, aucun document, aucun de contrat signé chez un notaire attestant ce fait.

A partir de l’observation de sa signature, il déduit que Georges de La Tour a pu être formé chez le peintre

nancéien Jacques Bellange.

Il postule aussi pour un voyage de formation de notre peintre lorrain en Italie. Tous les peintres

importants de l’époque partaient pour l’Italie. Il serait étonnant que Georges de La Tour ne s’y soit pas

rendu. Jacques Thuillier met également en lumière son absence de Vic-sur Seille de 1613 à 1616 alors que

la Lorraine à ce moment-là, entretien des relations très privilégiées avec Rome.

Figure 27 : Jacques Thuillier

22

La carrière de Georges de La Tour

Georges de La Tour est présent en Lorraine en 1616. Il a alors 23 ans. Il se marie le 2 juillet 1617 à Vic-sur-Seille

avec Diane Le Nerf, membre d’une famille noble de Lunéville. Georges de La Tour et Diane eurent 10 enfants (3

survivront à leurs parents). En plus de son travail de peintre, il gère de nombreux biens fonciers hérités de son

père, de sa mère et de sa belle-famille. A sa mort, il sera à la tête d’une belle fortune.

1620 est une année déterminante : il s’installe à Lunéville, le duc de Lorraine lui accorde un statut privilégié ainsi

qu’une exemption de tous impôts, il prend son premier apprenti Claude Baccarat.

Ce qui démontre que Georges de La Tour possède déjà un atelier et qu’il bénéficie d’une activité régulière à

Lunéville. C’est dans cette ville que l’essentiel de sa carrière va se construire.

La Tour, un artiste provincial

Il est un artiste moderne, en rupture partielle avec les productions de son temps. Il ne propose pas de grands

décors pour les palais ou des retables pour les églises. Georges de La Tour réalise des œuvres que son inspiration

lui dicte. Il sait aussi réutiliser des thématiques bien maîtrisées : la série des saints Jérôme, celle des Magdeleine.

Il acquiert ainsi une bonne renommée et la solide fortune qui l’accompagne. Jacques Thuillier, dans son ouvrage

intitulé Georges de La Tour, indique que « son pinceau lui a beaucoup rapporté ».

2. Un peintre réaliste

Beaucoup d’œuvres de Georges de La Tour ont disparu suite à la Guerre

de Trente Ans, aux pillages et à l’incendie à Lunéville en 1639. .

Actuellement, une trentaine d’œuvres seulement a pu être authentifiée.

Lors de ces évènements tragiques, le peintre fuit Lunéville et trouve

refuge à Nancy et/ou à Paris.

Le réalisme brut

Jacques Thuillier parle de « réalisme caravagesque » à propos des

Apôtres d’ALBI. Pour cette série, que les experts s’accordent à considérer

comme une des premières réalisations du peintre, deux portraits sont

Figure 28 : Saint Jacques le mineur -

Musée Toulouse-Lautrec à Albi

23

attribués à notre artiste lorrain : Saint Jacques Le Mineur et Saint Jude Thaddée. Les dix autres sont des copies

anciennes. Jacques Thuillier suppose que La Tour fit poser des paysans pour ces toiles. L’artiste montre des

visages travaillés par le temps, des doigts déformés. Il peint sans indulgence. Il a la volonté de saisir le particulier,

le singulier.

Chez Georges de La Tour, la lumière met en avant la réalité, elle ne sert pas à dramatiser la scène.

Il montre la difficulté du quotidien, les miséreux, les gens du peuple. En cela, il appartient à une « école » dont les

artistes, à partir de 1600, mettent en avant la pauvreté, la guerre, la laideur. Mais Georges de la Tour, montre au-

delà de cette simple exhibition, il représente des personnages dignes, habités.

Les séries

La Tour a une particularité. Il reprend sans cesse ses sujets, les répète, les modifie jusqu’à la perfection totale.

Jacques Thuillier le qualifie de « peintre des variations et des séries ». L’illustration parfaite de cette particularité

se trouve dans ses différentes versions du Tricheur à l’as, des Madeleine, etc. Pour cette dernière série, six

compositions sont connues. L’artiste la dévoile au « regardeur » à la fois, comme une femme et une pècheresse.

Figure 29 : Trois exemples de Madeleine

24

Les scènes de genre à mi-corps

Georges de La Tour réalise également des scènes de genre. Leur composition est souvent en largeur et contient

plusieurs personnages à mi-corps : La Rixe des musiciens, La Diseuse de bonne aventure,….

Georges de La Tour se détache du Maniérisme et du Baroque. Ses toiles représentent des sujets populaires traités

sans fioriture, sans ornementation, une réalité brute mise en avant par la lumière.

Figure 30 : La Diseuse de bonne aventure - Metropolitan Museum of Art

Figure 31 : La Rixe des musiciens - The Paul Getty Museum

25

Les grandes figures isolées

Georges de La Tour ne dessine pas. Il représente son sujet le pinceau à la main, multipliant les versions du même

sujet jusqu’à la perfection.

Le Joueur de vielle ou Le Vielleur est une de ses grandes figures isolées. Le réalisme de ce tableau s’inscrit dans la

tradition de Caravage et des peintres espagnols. Les yeux clos, la bouche ouverte et édentée, la barbe grise, des

cheveux rares et hirsutes sur le côté, donnent à ce visage une expression de souffrance infinie. Le réalisme est

renforcé par le manteau élimé, la culotte déchirée au genou,…

Figure 32 : Trois œuvres de la série des Vielleurs

3. La peinture et sa gloire

Georges de La Tour subit les vicissitudes de la Guette de Trente Ans en Lorraine. Après la destruction de Lunéville, il

se réfugie à Nancy et voyage à Paris.

Peintre ordinaire du Roi

Dès 1630, Georges de La Tour se tourne vers Paris pour organiser la vente de ses œuvres. Il semble y trouver une

reconnaissance publique de son travail. La présence de sa signature sur des toiles est liée à l’organisation du

commerce des objets d’art. En effet, il était de coutume de signer ses toiles lorsque celles-ci passaient par des

marchands pour des audiences lointaines.

Vers 1638-1639, il aurait offert au Roi Louis XIII un Saint Sébastien et un Saint Jérôme à Richelieu. « La Tour

présenta au Roi : « un tableau à sa façon qui représentait un Saint Sébastien dans une nuit, cette pièce était d’un

goût si parfait que le Roi fit ôter de sa chambre tous les autres tableaux pour n’y laisser que celui-là. » Pascal

Quignard, Georges de La Tour

26

Les grands chef-d ‘œuvres diurnes

« Toutes lumières chez La Tour désigne et déclare ; elle est à la fois symbole et révélation »

Marcel Arland, Georges de La Tour

Figure 33 : Saint Jérôme pénitent - Musée de Grenoble

Les toiles de Georges de La Tour sont difficiles à dater Les scènes diurnes sont nombreuses : Saint Thomas, le

Veilleur, Saint Jérôme, etc. Elles mettent en avant une analyse clinique d’un corps souvent vieillissant, une

« décrépitude de la chair ».

27

Le développement des nocturnes

« Un tête à tête de l’homme avec lui-même à l’aide d’une flamme »

Pascal Quignard, Georges de La Tour

Figure 34 : L'Argent versé - Musée des Beaux-Arts de Lviv

Vers 1638 – 1642, les nocturnes représentent l’essentiel de sa production. L’Argent versé serait la première

nocturne de Georges de La Tour. Les scènes nocturnes sont peu présentes chez Caravage qui travaille le clair-

obscur pour lui-même. Georges de La Tour représente ses sujets à la lumière de la chandelle. La lumière d’une

chandelle ne peut se définir sans l’ombre, ce qui dramatise les scènes nocturnes et dévoile une spiritualité

affective. Ses scènes nocturnes montrent une grande maîtrise technique et propose un questionnement religieux

sur la place de l’homme dans l’univers et son rapport à Dieu.

28

La géométrisation des formes

Job est le tableau le plus audacieux et le plus cruel de Georges de La Tour selon Jacques Thuillier. Les personnages

sont enfermés, encastrés par les limites du format. Le corps de la femme est complètement courbé. Georges de

La Tour géométrise au maximum les volumes dans ce tableau. Les formes sont simplifiées laissant place aux jeux

des couleurs, au rouge spécifique à Georges de La Tour et à la puissance de la lumière.

De Georges de La Tour à Etienne de La Tour

A la fin de sa vie, La Tour semble produire essentiellement des scènes religieuses. Il est sans doute marqué par les

horreurs de la Guerre de Trente Ans et peut avoir participé au regain de la religiosité en Lorraine. Il meurt le 30

janvier 1652 quelques jours après sa femme Diane, et son valet Jean « dit Montauban ».

Son fils Étienne (né en 1621) qui a été son apprenti, seul héritier du peintre avec deux sœurs qui ne se marieront

pas, va alors réaliser le rêve de son père : acheter le domaine franc de Mesnil près de Lunéville, et gagner ses

lettres de noblesse. L’atelier de peinture n’y survivra pas et Georges de La Tour sombrera dans l’oubli jusqu’au

début du XXe siècle.

Figure 35 : Job raillé par sa femme - Musée

départemental d'art ancien et contemporain

à Epinal

29

Choix d’œuvres dans les musées du monde

Figure 36 : La Rixe des musiciens - Musée de Malibu en Californie

Figure 37 : Les Mangeurs de pois - Staatliche Museen - Berlin-Dalhem

30

Figure 38 : La Diseuse de bonne aventure - Metropolitan Museum - New York

Figure 39 : Saint Jérôme lisant - Musée du Prado – Madrid

31

Choix d’œuvres dans les musées français

Figure 40 : Le Tricheur à l'as de carreau - Musée du Louvre – Paris

Figure 41: Job raillé par sa femme - Musée d'Epinal

32

Figure 42 : Le Nouveau-Né - Musée des Beaux-Arts de Rennes

Figure 43 : La Femme à la puce - Musée historique Lorrain - Nancy

33

Bibliographie succincte et subjective

Georges de La Tour De Jacques Thuillier

2013

318 pages

Flammarion

L'ABCdaire de Georges de la Tour De Olivier Bonfait et Béatrice Sarrazin

1999

119 pages

Flammarion

Georges de la Tour Album De Li-An et Laurence Croix

2015

56 pages

Glénat

Saint Jérôme et Georges de la Tour Collectif

2013

270 pages

IAC Editions

34

Georges de La Tour : Histoire d'une redécouverte De Jean-Pierre Cuzin et Dimitri Salmon

1997

176 pages

Gallimard – Découvertes Gallimard

Georges de La Tour Broché

De Pierre Rosenberg et Jean-Pierre Cuzin

1997

319 pages

Réunion des Musées Nationaux (RMN)

La Malédiction de Zar Georges de La Tour

De Hélène Kérillis et Xavière Devos

32 pages

L'Elan vert

La Tour du bout des doigts Un livre animé pour découvrir une œuvre avec

tous ses sens.

De Monique Voisin

2013

30 pages

Circonflexe et CNED

35

Lei III 04 de Jean-Luc Tartarin 103 x 128 x 4,7 cm

2005

« En regardant ces portraits, on ne peut qu’être saisi par la ressemblance de Lei avec certains

portraits de Georges de La Tour. Eclairage de côté, la source lumineuse est souvent identifiable

comme chez le peintre (…) A l’image de La fillette au brasier du peintre, au contact de cette source

lumineuse les couleurs deviennent chaleureuses, le visage de Lei émergeant des ténèbres est tout en

nuance de rouge. »10 Muriel Enjalran

Jean-Luc Tartarin est un photographe né en 1951 à Metz. Il vit et travaille en Lorraine. En

1979, il reçoit le prix Niepce. Il a exposé dans de nombreux lieux : galeries, musées. Son œuvre

est principalement consacrée à la nature, plus rarement à l’homme. Un entretien sur le site

actuphoto permet de mieux cerner son travail et son parcours.11

10 Murie Enjalran : Lei Jean-Luc Tartarin, Lei, catalogue d’exposition Musée départemental Georges de La Tour, 2005

11 http://fr.actuphoto.com/23220-entretien-avec-jean-luc-tartatin-dans-le-cadre-de-son-exposition-a-la-maison-europeenne-

de-la-photographie.html

36

Sylvain Lang Installation vidéo

2015

Sylvain Lang est né en 1965. Il vit et travaille à Nancy.

Son travail est varié : peinture, installation vidéo, art numérique.

« Depuis 2008, Sylvain Lang incorpore les codes du Street-art dans ces tableaux, il s’inspire directement de

l’art de la rue. Il pose un regard anachronique sur la peinture traditionnelle dite de chevalet et l’art urbain,

mélangeant ainsi graffs, tags, pochoirs, chef d’œuvres de la renaissance et peinture figurative : la Vénus de

Botticelli, tatouée et peinte sur un mur taggé, la dame à l’hermine de Léonardo Da Vinci avec pochoirs, tags,

graffs, la Sixtine de « Mike Angelo » sans oublier ses « danseuses-graffeuses »12

Son site Internet présente l’installation vidéo « La Toussaint 2007». Il indique que « la surface de l’écran d’un téléviseur est peinte au silicone transparent (…). Une vidéo est réalisée avec des figurants jouant une scène dont la lumière, la mise en scène, les costumes les décors se confondent avec l’époque(…). Un ralenti donne une touche de poésie à l’ensemble. L’écran du téléviseur est encadré avec un cadre à moulures dorées. Il est accroché au mur du musée comme un tableau.

12 http://xinart.fr/artistes/sylvain-lang/

37

Cette touche de silicone épaisse, transparente laisse apparaître à l’écran une image animée floue, (…), modifiant ainsi la perception du réel. Le concept de cette œuvre réside dans la transposition d’un mouvement pictural vers un médium de notre époque (la vidéo) avec des matériaux contemporain (le silicone). »13

Plusieurs sites permettent de découvrir les œuvres de cet artiste foisonnant. 14

13 https://www.slang-artiste.com/musee-des-beaux-arts-de-nancy

14 http://www.artjingle.com/contemporary/fr/expositions/sylvain-lang-95.html et le site dédié à l’artiste, un incontournable : https://www.slang-artiste.com/

Figure 44 : Béjart Crew - 1,10 m sur 0,84 m

38

PATRICK NEU

Patrick Neu est né en 1963. Formé à l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, il obtient son diplôme en 1986. Depuis la fin des années 80, il mène deux activités en parallèle : un emploi salarié aux cristalleries de Saint-Louis, où il conçoit des prototypes et, un parcours d’artiste multiforme qui l’a conduit de la villa Médicis (Italie) à la villa Kujoyama (Japon), des musées de Strasbourg au musée Bourdelle, du Louvre au Centre Pompidou-Metz où trois œuvres ont été exposées dans le cadre de l’exposition inaugurale « Chefs d’œuvre. En 2015, il a exposé seul au palais de Tokyo à Paris. Cependant, installé dans les Vosges du Nord où il a passé son enfance, Patrick Neu vit loin de toute vie culturelle mondaine. Il ignore les grandes foires et des vernissages importants de l’art contemporain.

Figure 45 : Patrick Neu - Détail de Job raillé par sa

femme Verre en cristal et dessin – Artothèque de Metz

- 2007

39

Patrick Neu travaille les matières fragiles. Lorsqu’il emploie des matériaux nobles, c’est moins pour leur préciosité que pour explorer un décalage, par exemple entre la feuille d’or et la mie de pain, le cristal et la plume. Lorsqu’il dessine, Patrick Neu a recours à des supports inattendus : ailes de papillon, noir de fumée déposé à l’intérieur d’un verre de cristal, papiers carbonisés. Ses œuvres travaillent aussi bien la mémoire de l’art que la série et les faux-semblants. Elles demandent souvent une maîtrise parfaite du geste créateur et placent le spectateur en situation de recherche, l’oblige à envisager l’œuvre selon différents points de vue, sensuellement et intellectuellement.

«Je crois que je travaille très vite. Mais je reviens souvent sur un travail, pour le reprendre, pour le refaire, pour faire mieux, et c’est ce qui donne l’impression de lenteur. Je n’ai pas à prouver

quelque chose, une virtuosité, ou... c’est juste de la rigueur. Voilà. Je n’ai pas à être virtuose, je m’en fous. C’est pas mon problème. Ce qui est important, c’est l’objet final, le concept, ou

l’idée. [...]dans mon travail, on ne voit pas tout d’un coup. C’est important qu’on soit obligé de chercher, qu’on découvre.» (Patrick Neu)

Quelques vidéos :

https://vimeo.com/134591112 Présentation de l’exposition du Palais de Tokyo http://www.artube.fr/fr/video/show/visite-guidee-patrick-neu-l-homme-minutieux-qui-sculptait-avec-des-ailes-d-abeilles Patrick Neu présente quelques œuvres https://www.youtube.com/watch?v=Pc82FIwPh4c Patrick Neu explique et montre sa technique du dessin sur cristal et suie de bougie. http://www.filmsdocumentaires.com/films/4257-le-complexe-de-la-salamandre Bande annonce d’un film qui lui est consacré http://www.francefineart.com/index.php/14-agenda/agenda-news/1789-1655-palais-de-tokyo-patrick-neu Interview de Katell Jaffrès, commissaire de l'exposition du Palais de Tokyo

40

JOB Le Livre de Job est un texte de l’Anicien Testament. L’histoire met en scène un homme puissant et intègre qui, suite à un pari entre Dieu et Satan, est frappé par le malheur. Sa situation donne lieu à des échanges avec sa femme puis avec ses amis qui cherchent à comprendre. A la fin de l’ouvrage, Job est récompensé pour sa fidélité. Sa femme intervient dans le récit à un moment particulièement tragique : Job a perdu ses enfants, ses richesses, il est malade et seul. Il « s'assit au milieu du tas des cendres et ramassa un débris de poterie pour se gratter. Sa femme lui dit : « Tu persistes à rester irréprochable. Mais tu ferais mieux de maudire Dieu et d'en mourir ! » « Tu parles comme une femme privée de bon sens, lui répondit Job. Si nous acceptons de Dieu le bonheur, pourquoi refuserions-nous de lui le malheur ? » Dans cette nouvelle épreuve Job ne prononça aucun mot qui puisse offenser Dieu. »

Le poète René Char a vu dans ce tableau, au temps où on l’appelait simplement Le Prisonnier, tout autre chose : un prisonnier

réconforté dans sa cellule par une figure féminine. Pour lui, il s’agirait d’une allégorie intemporelle, donc applicable aussi à un contexte historique déterminé, ici l’oppression nazie.

« La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore. Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains !

(Feuillets d’Hypnos, 1943-1944)

Léon Bonnat dont le musée expose plusieurs œuvres, a représenté Job en 1880. Il choisit la vision d’un vieillard solitaire, nu et dépouillé, installé à même le sol. Les marques de l’âge accentuent la dimension dramatique même si sa longue barbe lui confère un reste de dignité. Les yeux levés et les bras écartés, il donne à la fois l’impression de questionner et de se remettre totalement à Dieu.

Figure 46 : Job raillé par sa femme – Musée

départemental d’Epinal

Figure 47 : Job, Léon Bonnat - Musée d'Orsay

41

D’autres œuvres de Patrick Neu font écho aux collections du musée de Vic. (A voir les œuvres présentées par une galerie hollandaise : https://www.dezaal.nl/en_GB/kunstenaar/15/patrick-neu )

Figure 51 : Petit Prince et Poupée Rose - Patrick Neu

2002 - cristal

Figure 48 : Le Christ Mort, d'après Holbein le Jeune - 2008 - gouache sur papier brulé - 31 sur 14

cm

Figure 50 : Ne bouge pas poupée - Françoise

Petrovitch – Cristal et argent

Figure 49 : Le Christ mort- Anonyme - XIXe siècle -

Huile sur toile