dossier chasse et trappe : une passion · pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un...

12
181 Monsieur Ti-Na Page 48 Sophie, la petite trotteuse Page 17 «Attention! 4 chasseurs» Page 32 NOVEMBRE 2014 - FÉVRIER 2015 I 9,75 $ MAGAZINE D’HISTOIRE Chasse et trappe : une passion . EXPÉDITION DE CHASSE À GASPÉ, FIN 19 e SIÈCLE . ROSELINE BUJOLD, UNE PIONNIÈRE DE LA CHASSE . « DANS MON SHACK », UN SUCCÈS RADIOPHONIQUE . DONALD KENNEY : LE MÉTIER DE TRAPPEUR www.museedelagaspesie.ca MAGAZINE GASPÉSIE DOSSIER

Upload: others

Post on 21-Feb-2021

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

181 Monsieur Ti-Na Page 48

Sophie, la petite trotteusePage 17

«Attention! 4 chasseurs»Page 32

NOVEMBRE 2014 - FÉVRIER 2015 I 9,75 $MAGAZINE D’HISTOIRE

Chasse et trappe : une passion. EXPÉDITION DE CHASSE À GASPÉ, FIN 19e SIÈCLE

. ROSELINE BUJOLD, UNE PIONNIÈRE DE LA CHASSE

. « DANS MON SHACK », UN SUCCÈS RADIOPHONIQUE

. DONALD KENNEY : LE MÉTIER DE TRAPPEUR

www.museedelagaspesie.ca

MAGAZINE GASPÉSIE

DOSSIER

Page 2: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534
Page 3: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

Novembre 2014 - Février 2015 – MAGAZINE GASPÉSIE 1

DossierCHASSE ET TRAPPE : UNE PASSION

3 LA CHASSE ET LA TRAPPE : TRADITION ET PASSION Jean-Marie Fallu

9 LE MYSTÉRIEUX ATTRAIT OU LA MAGIE DE LA FORÊT Jean-Marie Pitre

12 L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE LA TRAPPE Bernard Dubé

17 SOPHIE, LA PETITE TROTTEUSE Jean-Paul Dubé

19 RAOUL POIRIER, CHASSEUR ET TRAPPEUR Robert Arsenault

22 ROSELINE BUJOLD : UNE PIONNIÈRE DE LA CHASSE Jean-Marie Fallu

26 ENTRE LE SHACK ET LES MAISONS, LA RADIO Ariane Aubert Bonn

28 DONALD KENNEY : LE MÉTIER DE TRAPPEUR Jean-Marie Fallu

32 ATTENTION ! 4 CHASSEURS : L’HISTOIRE D’UN SUCCÈS Simon Côté

35 LA CHASSE ET LE PIÉGEAGE : DES ACTIVITÉS IMPORTANTES POUR LA RÉGION Martin Dorais

38 POUR L’AVENIR DES ÉCOSYSTÈMES GASPÉSIENS Gisèle Benoit

Chroniques 41 « Archives »

PHOTOREPORTAGE D’UNE EXPÉDI-TION DE CHASSE À GASPÉ À LA FIN DU 19E SIÈCLE Jeannot Bourdages

44 « Objets de musée »

L’IMAGINAIRE DE LA CHASSE : LES OBJETS D’ART ANIMALIER Vicky Boulay

46 « Anniversaires »

EN VEDETTE, 1864 ET 1914 Jean-Marie Fallu

48 « Personnages »

MONSIEUR TI-NA Louis Fallu

51 « À lire »

UNE RÉCOLTE DE QUALITÉ SOUS LE SIGNE DE LA DIVERSITÉ Jean-Marie Fallu

54 « Le Magazine et vous! »

AU CŒUR DE LA GASPÉSIE CHANTÉE Jean-Marie Fallu

Novembre 2014 - Février 2015181, Vol. 51, no 3

2 Le mot de l’éditeur

SOMMAIRE

Édité par le

PAGE COUVERTURELes chasseurs sont toujours fiers de montrer leur trophée comme ces chasseurs de Carleton : Roger Bernard, Rémi Lebreux et Laurent Roy, 20 octobre 1959.Photo : Charles-Eugène Bernard. Musée de la Gaspésie. Fonds Charles-Eugène Bernard. P67/B/2a/2/2.

Page 4: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

MAGAZINE GASPÉSIE – Juillet 2013

Le mot de l’éditeurEn cette période de l’année, quoi de plus naturel que de faire le choix du thème de la chasse et de la trappe pour ce numéro du Magazine Gaspésie. Partout en Gaspésie en cette saison où les arbres se colorent et où le froid s’installe tranquillement, le temps s’arrête pour faire place à cette coutume transmise de génération en génération. Dans plusieurs secteurs de la Gaspésie, des villages se vident de leurs citoyens et travailleurs. Où sont-ils tous? Mais dans la forêt!

Personne ne reste indifférent face à ce sujet, la chasse, qui devient parfois l’objet de divisions chez certaines familles ou de moments de rencontres chez d’autres. La chasse peut être vue sous divers angles comme étant utilitaire, louable, économique, abusive et destructrice. Il y a les passionnés qui en font une religion, les amants de la nature qui s’y opposent, les gardiens forestiers qui essaient de la contrôler et les braconniers qui en abusent. On y retrouve aussi des femmes qui se l’approprient, des jeunes qui s’y initient et des veuves de chasse qui en profitent pour sortir.

Pour certains, la chasse et la trappe remplissent leur besoin de prédation, leur instinct de survie ; c’est même devenu un rite de passage à l’âge adulte. Pour d’autres, la nature et la plénitude ressentie lors de la marche en forêt et la contemplation des paysages et l’observation des espèces fauniques, deviennent un moment sacré. À travers les textes de nos collaborateurs, ce sont toutes ces facettes de la chasse et la trappe que vous découvrirez. Bonne lecture!

Quoi de neuf au Musée !Dernière chance ! Jusqu’au 30 janvier, venez voir l’exposition « Les veillées en Gaspésie » et laissez-vous envoûter par les chan-sons, contes et musiques traditionnelles dans une ambiance des veillées d’autrefois. Amenez-y votre famille et partagez avec elle vos souvenirs d’antan! Jusqu’au printemps 2015, venez célébrer le 100e anniversaire de naissance de Félix Leclerc en visitant l’exposition « Un hamac dans les voiles … La mer de Félix Leclerc ». Vous y découvrirez l’amour qu’avait ce grand chanteur et poète pour la mer et la Gaspésie. Ces deux expositions sont conçues et réalisées par le Musée de la Gaspésie grâce à la collaboration de plusieurs bénévoles et partenaires. À ne pas manquer, les 28-29 et 30 novembre, notre 9e édition du Salon de Noël. Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534.

Nathalie Spooner Directrice générale, Musée de la Gaspésie

Novembre 2014 – Février 2015No 181, volume 51, numéro 3

Éditeur : Musée de la GaspésieFondé en 1963, le Magazine Gaspésie est publié trois fois l’an par le Musée de la Gaspésie. Par sa mission, le Magazine vise la diffusion des connaissances relatives à l’histoire, au patrimoine

culturel et à l’identité des Gaspésiennes et des Gaspésiens. Il est membre de la Société de déve-loppement des périodiques culturels québécois (SODEP).

Comité de gestionCarole Bouchard, Claude Camirand, Jean-Marie Fallu, Jean-Paul Fournier et Nathalie Spooner.

Comité de rédactionJules Bélanger, Jeannot Bourdages, Jean Carbonneau, Jean-Marie Fallu,

Ginette Roy et Nathalie Spooner.Coordination, abonnements et ventes

Carole Bouchard / Tél. : 418 368-1534 poste 102Courriel : [email protected]

Rédacteur en chefJean-Marie Fallu, Patrimoine 1534

1155, boulevard de Douglas, Gaspé (Québec) G4X 2W9Téléphone : 418 360-1245 / Courriel : [email protected]

Recherche iconographiqueJean-Marie Fallu et Jeannot Bourdages.

AuteursRobert Arsenault, Ariane Aubert Bonn, Gisèle Benoit, Vicky Boulay, Jeannot Bourdages,

Simon Côté, Martin Dorais, Bernard Dubé, Jean-Paul Dubé, Jean-Marie Fallu, Louis Fallu et Jean-Marie Pitre.

PublicitéNathalie Spooner, Musée de la Gaspésie

Tél. : 418 368-1534 poste 105 / Téléc. : 418 368-1535Courriel : [email protected]

Distribution en kiosqueCamille Leduc

Conception graphique et infographieTVA Accès

Révision linguistiqueRoger Lavoie

Pelliculage et impressionImprimerie des Anses

Plateformes numériquesLe Magazine est disponible sur les plateformes numériques ANEL et ÉRUDIT.

Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec,Bibliothèque nationale du Canada, ISSN 1207-5280

Copyright Magazine Gaspésie Reproduction interdite sans autorisation

Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien.

Toute personne intéressée à faire paraître des textes conformes à la politique rédactionnelle du Magazine Gaspésie est invitée à soumettre son manuscrit à l’attention du rédacteur en chef.

Ce dernier présente ensuite les articles reçus au Comité de rédaction qui décide des textes à paraître, soit dans l’édition imprimée ou dans le site Web. Les auteurs sont priés de joindre à leurs

textes les illustrations pertinentes. La rédaction se réserve le droit d’ajouter ou de modifier les textes de présentation, les titres et intertitres dans les textes soumis et d’abréger les lettres des lecteurs.

Le Magazine Gaspésie n’est pas un média écrit d’opinion, mais encourage le pluralisme des idées pour autant qu’elles reposent sur des fondements. La politique rédactionnelle laisse aux auteurs la responsa-

bilité de leurs textes. Seuls les textes où cela est spécifiquement mentionné relèvent de l’éditeur. En acceptant que son article soit publié, l’auteur cède sans restriction au Magazine Gaspésie ses

droits d’auteur et tout autre droit sur le texte ainsi que le matériel visuel fourni. Cette cession de droits autorise le Magazine à diffuser éventuellement l’article sur son site Web et à l’inclure

dans diverses bases de données électroniques et numériques, conformément aux législations en vigueur. Il va de soi que l’auteur conserve ses droits de publier son texte ailleurs, conditionnelle-ment au respect d’un délai de quatre mois suivant la parution de son article dans le Magazine.

Droits d’auteur et droits de reproductionToutes les demandes de reproduction doivent être acheminées à :

Copibec (reproduction papier) : 514 288-1664 / 1 800 717-2022 / [email protected] de l’abonnement (taxes et frais de poste inclus)

1 an (3 nos) : Canada, 27 $; É.-U., 50 $; Outre-mer, 75 $ (Veuillez préciser à partir de quelle parution vous souhaitez commencer votre abonnement :

mars, juillet, novembre).Devenez membre actif du Musée de la Gaspésie pour l’année et obtenez un rabais

sur le duo abonnement au Magazine et membre du Musée.Vente en kiosques

Prix à l’exemplaire : 9,75 $ (taxes en sus).Gaspésie : Tabagies et librairies (liste sur le site web).

Rimouski : Musée régional de Rimouski et Librairie L’AlphabetSept-Îles : Musée régional de la Côte-Nord

La Pocatière : Librairie L’OptionMontréal : Château Ramezay

Magazine Gaspésie80, boulevard de Gaspé, Gaspé (Québec) G4X 1A9

Tél. : 418 368-1534. Téléc. : 418 368-1535 Site web : www.museedelagaspesie.ca/magazine

Courriel : [email protected]é par

Page 5: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

Novembre 2014 - Février 2015 – MAGAZINE GASPÉSIE 3

La chasse et la trappe : tradition et passionEn Gaspésie, la chasse et la trappe sont d’anciennes coutumes qui remontent aux premiers Gaspésiens, les Mi’gmaq, qui transmettent leurs savoir-faire aux Euro-Gaspésiens. De la trappe découle le commerce des fourrures, l’activité économique prépondérante au régime français. Graduellement, la pratique de la chasse et de la trappe s’implante et évolue. De génération en génération, on chasse pour subvenir aux besoins alimentaires de la famille. On en fera ensuite un loisir, devenu pour plusieurs une passion voire une religion.

Jean-Marie Fallu Rédacteur en chef « Nos Sauvages* (Gaspésiens) n’ont pas d’emploi plus honorable que la chasse, après la guerre. ».

- Chrestien Le Clercq, 16911.

Si en Europe, la chasse est un privilège réservé à certaines classes, ici l’Européen, devenu

coureur des bois, en fera un mode de vie, un symbole de liberté. Le Gaspésien sera d’abord chasseur par nécessité. Apparentée à la guerre et exigeant de la force et de la robus-tesse, la chasse sera longtemps l’affaire des hommes de qui dépend la survie alimentaire des familles.

Chez les Mi’gmaq, un mode de vie et de survieLe premier échange commercial documenté entre les Européens et

Chasseurs d’orignaux dans la région de Gaspé, vers 1920.Photo : Musée de la Gaspésie. Fonds Gordon H. Miller. P265/1/87.

Autochtones chassant des oiseaux sauvages au fusil, dans un canot apparemment d’origine mi’gmaq, vers 1839. Image : Musée de la Gaspésie. Collection Richard Gauthier. P162/5/66.

Page 6: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

MAGAZINE GASPÉSIE – Novembre 2014 - Février 20154

les autochtones du Québec a lieu le 6 juillet 1534 au banc de Paspébiac. Des Mi’gmaq viennent présenter des peaux de fourrure à l’explorateur Jacques Cartier. « ils sautèrent* et descendirent à terre un grand nombre de gens lesquels faisaient un grand bruit et nous faisaient plusieurs signes (pour) que nous allions à terre nous montrant des peaux sur des bâtons ». Le lendemain, ils refont le même céré-monial à Port-Daniel : « ils étaient

venus pour trafiquer avec nous. Et nous montrèrent des peaux de peu de valeur de quoi ils s’accoutrent2. » Ils procèdent de la même manière le 9 juil-let à la pointe Tracadièche (Carleton) avec des peaux de loup-marin.

Les Mi’gmaq chassent tant pour se vêtir que pour se nourrir. En 1691, le père LeClercq atteste de ces usages : « avant l’établissement* des Français dans ce nouveau Monde, ils ne se couvraient que de peaux d’orignac, de

castors, de martres & de loups marins, dont sont encore à présent vêtus plusieurs de ces Peuples3. » Ils se nourrissent, précise-t-il, surtout de viande d’orignal, mais aussi de castor, de loup-marin, de porc-épic, de perdrix, d’outarde, de sarcelles, de canards et de bécasses.

À partir des observations du père Le Clercq4, on sait que ces premiers Gaspésiens préfèrent l’hiver pour chasser l’orignal qu’ils approchent plus

« Une fâcheuse habitude du Gaspésien est de tirer du fusil sur tout ce qui bouge et sur tout ce qui vole. » Photo : seconde moitié du 19e siècle. Musée de la Gaspésie. Collection Lynden Bechervaise. P57/26/12/31.

Les adeptes de la chasse et de la pêche, une clientèle visée par l’hôtel Baker à Gaspé. Musée de la Gaspésie. Collection Suzanne Langlois. P139/1/1.

Page 7: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

Novembre 2014 - Février 2015 – MAGAZINE GASPÉSIE 5

facilement grâce à leurs raquettes. À l’automne, à la période du rut, pour attraper l’orignal mâle, le Mi’gmaq « contrefait le cri de la femelle ». On apprécie le castor pour sa peau qui est à la base du commerce avec les Français, mais aussi pour sa chair délicate, sem-blable à celle du mouton, ainsi que pour les rognons utilisés « pour soulager les femmes en couche ».

Peu d’information est disponible sur la chasse au régime français. Par ailleurs, les vestiges ostéologiques pré-levés lors de fouilles archéologiques au site du bourg de Pabos révèlent que les pêcheurs mangent beaucoup de viande de gibier car les espèces domestiques ne représentent que 13 % des vestiges trouvés. La viande d’orignal est la plus populaire5.

La chasse, une ancienne coutumeLa chasse est une ancienne coutume chez le Gaspésien, habitué de longue date à ne devoir compter que sur ses propres moyens pour survivre. Comme le Mi’gmaq, il chasse et trappe la plupart des espèces de gibier.

Lors de longues expéditions en forêt, il arrive qu’il mange du porc-épic.

« Nous avons attrapé un porc-épic qui pesait au moins 20 lbs. Après nous être campés pour la nuit, on l’a fait cuir, et avant d’arriver à l’autre campement, il avait été mangé ainsi que la ration ordinaire de provisions […]6. »

En visite à Grande-Rivière, en 1836, l’abbé J.B-A. Ferland constate que « dans ce lieu tous les hommes sont chasseurs ». Il note que chez son hôte, Baptiste Couture-Bellerive, « trois lourds et forts fusils ornent sa grande chambre; ils ont sept pieds de longueur, et c’est, nous dit-il, la taille ordinaire des fusils dans ces parages. » L’été, ils chassent les « gibiers noirs » et l’automne les canards et les outardes. L’abbé Ferland observe que le fait de chasser le dimanche leur attire des malédictions. « Beaucoup de mains dégarnies d’un doigt ou d’un pouce attestent cependant que, si la chasse a des délices, elle offre aussi des dangers. Par une coïncidence remarquable, les accidents de ce genre sont toujours arrivés le dimanche ou un jour de fête d’obligation7. »

La faune en périlComme un peu partout au Québec, la chasse tombe vite dans l’abus. Une

fâcheuse habitude du Gaspésien, signalée par plusieurs, est de tirer du fusil sur tout ce qui bouge et sur tout ce qui vole.

Le caribou, pourtant en abon-dance en Gaspésie, sera victime avec les années d’une chasse à outrance menant à son élimination. Il faudra attendre jusqu’en 1949 pour que la chasse au caribou soit bannie au sud du Saint-Laurent. En 1868, le journal

Les dix Commandements du ChasseurEn 1887, un auteur se moque des chasseurs en publiant « Les dix Commandements du Chasseur10 »(Extraits)- Sans rechigner tu sauteras, De ton lit matinalement. […]- Beaucoup de chasseurs tu verras, Mais de gibier aucunement.- L’œuvre de mort n’accompliras, Que dans tes rêves seulement.

[…] - Vers huit heures tu rentreras,

Anéanti complètement.- Et ne rapportant dans tes bras, Qu’un moineau mort d’isolement.

Ces chasseurs de Bonaventure, Maurice Bernatchez et Alyre Gauthier, attendent de voir si le call de leur collègue donnera des résultats. Photo : Musée acadien du Québec, fonds Sylvio Gauthier, F101, P2, 1c, 60.

Chasse au caribou dans la région de Gaspé, 1924.Photo : Musée de la Gaspésie. Fonds Gordon H. Miller. P265/1/70.

Page 8: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

MAGAZINE GASPÉSIE – Novembre 2014 - Février 20156

Le Canadien nous apprend que « les caribous abondent cet hiver à Gaspé », ajoutant qu’on en voit « fréquemment près des habitations et un parti de chasseurs a abattu récemment 12 de ces animaux8. »

Mais déjà en 1856, on remarque les conséquences des abus de la chasse. « Il n’y avait en 1856 aucun orignal ni caribou dans la région (Gaspé-Nord), bien que les vieillards affirmaient que ce gibier était en grande abondance avant cette période. Un nonagénaire que l’on nommait le père Langlois, pré-disait cependant que les orignaux et les caribous reviendraient encore. […] Ce vieillard me raconta que dans le temps

où l’orignal était en abondance dans la région on n’y voyait aucun porc-épic. Il concluait en disant : “ Le porc-épic s’en ira et l’orignal reviendra ”9. »

L’exploitation forestière avec ses camps forestiers et l’ouverture de l’ar-rière-pays gaspésien à la colonisation rendent la forêt davantage accessible aux chasseurs. Il n’est pas rare qu’on approvisionne les camps forestiers de viande d’orignal et de chevreuil. La présence accrue des chasseurs aura des conséquences graves sur la faune sauvage qui diminue dramatiquement, ce qui incite le gouvernement à mettre en place des mesures de conservation. Il instaure dans les années 1880 un

régime de clubs privés de chasse et de pêche. Dans l’acte d’incorporation du Ristigouche Salmon Club, en 1880, on indique que son but est de procurer à ses membres, tous des Américains de New York, « la récréation par l’exercice de la pêche et de la chasse. » Son territoire comprend « une étendue de terre sur les rivières Ristigouche et Matapédia […]11 » Ces clubs ont des obligations à respecter touchant la conservation de la faune par un système de gardiennage.

À cette époque, la chasse sportive se développe grâce au développement du chemin de fer qui ouvre les terri-toires de chasse aux sportsmen. Le gou-vernement provincial structure cette

Conservation et éducation- 1883 : mise sur pied du Service de chasse et de pêche.- 1905 : création de la Réserve forestière de la Gaspésie, la première au Québec.- 1937 : création du Parc de la Gaspésie, le premier parc de conservation intégrale au Québec.- 1940 : le permis de chasse et de pêche devient obligatoire pour tous.- 1945 : implantation de la Réserve faunique de la Rivière-Petite-Cascapédia, la première au Québec.- 1946 : création de la Fédération des Associations de Chasse et Pêche.- 1962 : création de la Réserve faunique de Matane. Autres réserves : Causapscal (1964); Port-Daniel (1965);

Baillargeon (1967); Cap-Chat (1968); Rivière Sainte-Anne (1969); Baldwin (1971); Dunière (1972).- 1978 : abolition des clubs privés de chasse et de pêche et création des Zones d’exploitation contrôlées (ZEC).

Arsène Fallu et Xavier Leblanc viennent d’abattre un chevreuil en mer, Caps-de-Maria, 8 novembre 1952. Il arrivait souvent que des chevreuils en fuite prennent la mer. Photo : collection Gaston Fallu.

Alfred Bernard de Carleton vient d’une famille (Alfred, son frère Clovis et son fils Simon) où la chasse était plus qu’une religion. Soigneusement endimanché, il vient d’abattre un orignal à Causapscal en 1952.Photo : Charles-Eugène Bernard. Musée de la Gaspésie. Fonds Charles-Eugène Bernard. P67/B/2a/2/16.

Page 9: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

Novembre 2014 - Février 2015 – MAGAZINE GASPÉSIE 7

activité qui devient un produit d’appel notamment auprès des Américains. Des hôteliers en font la promotion touristique dont l’hôtel Restigouche à Matapédia et l’hôtel Baker à Gaspé. Les Américains seront des adeptes de la chasse à l’ours en Gaspésie. D’ailleurs, trois d’entre eux, trouvant la mort dans la forêt gaspésienne en 1954, seront à l’origine de la célèbre Affaire Coffin.

Pour contrer la pression exercée sur la faune, le gouvernement instau-rera d’autres mesures, dont la mise en place de réserves et de parcs.

Chasse utilitaire ou braconnageLa présence de clubs privés de chasse encourage le braconnage qui, à une certaine époque, se pratique à grande échelle. Parfois, les boucheries domes-tiques d’automne ne permettant pas de passer l’hiver, on s’adonne à la chasse utilitaire et, en termes moins polis, au braconnage de l’orignal et du chevreuil.

En 1935, à Saint-Maurice-de-l’Échouerie, un chasseur braconnier qui est reconnu coupable doit payer une amende de 2 $ et se voit saisir son fusil et la viande braconnée.

Ceux qui chassent le long des rivières comme la Bonaventure savent tirer profit de leur connaissance de la rivière et de l’utilité du canot. « Un voyage de chasse à l’orignal durait une dizaine de jours dont presque la moitié était passée dans le canot. […] Si le canot était utile pour monter le maté-riel, il devenait indispensable pour rap-porter le produit de la chasse. Il n’était pas rare que les chasseurs tuent deux orignaux. Dans ce cas, ils désossaient l’animal pour alléger la charge. […] Certains autres braconniers utilisent le canot pour transporter l’orignal ou le chevreuil qu’ils tuent pendant l’été. Il leur est ainsi plus facile de tromper la vigilance des gardiens qui, eux, cir-culent surtout en véhicule motorisé13. »

Un métier ingratLe métier de garde-chasse, aujourd’hui agent de la faune, est ingrat. Dans de petits milieux où tout le monde se connaît, il doit sévir au risque de subir des représailles de toutes sortes. Au siècle dernier, plusieurs exercent ce travail sur une base bénévole. « Métier d’une grande solitude, à pied et en raquettes plus souvent qu’autrement,

sans ressource et sans moyen, le garde-chasse et pêche du début du siècle (20e siècle) fait figure de parent pauvre dans l’organisation de la chasse et de la pêche14.»

Pendant longtemps, la chasse aura été une activité de subsistance, complémentaire à l’agriculture et à la pêche. Dans les années 1960 et 1970, l’accès à une civilisation du loisir et

Braconnage à Saint-Maurice-de-l’Échouerie« On partait ainsi de bonne heure le matin afin de se rendre au rendez-vous fixé […] afin de dénicher les ravages […] et les traces laissées dans la neige. Dès qu’on l’avait déni-ché, on partait immédiatement à la poursuite de l’animal traqué. […] Et une fois la bête abattue, on se chargeait de le « plemer » (pleumer, enlever la peau) et de l’éventrer. On entassait les quartiers sur les traînes et l’on reprenait alors le chemin du retour, en ayant soin de regagner le village de nuit, pour éviter de se faire prendre par les gardes-chasses12. »

Bien endimanchés, ces chasseurs de Carleton exposent leurs panaches : André Lacroix, Simon Bernard, Alfred Bernard, Clovis Bernard, Léo Poirier et Jean Gauthier, vers 1954.Photo : collection Michel Poirier.

Page 10: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

MAGAZINE GASPÉSIE – Novembre 2014 - Février 20158

l’abolition des clubs privés ouvrent la porte à une démocratisation de la chasse sportive. Chaque village se dote de son Association de chasseurs et chaque famille a ses adeptes de la chasse.

De nos jours, la chasse sportive à l’orignal et au chevreuil est devenue pour certains une passion voire une véritable religion. On s’y prépare dès l’été et le temps de la chasse (octobre et novembre) a été sacralisé. Pas question d’aller en forêt durant cette période si on ne s’adonne pas à la chasse. On dirait que la vie s’arrête. Toute la Gaspésie semble vivre au rythme de la chasse : les hommes enva-hissent la forêt et des femmes – ces « veuves de chasse » – en profitent pour se rencontrer.

* L’ancien français a été adapté au français contem-porain.

Merci de leur collaboration à Carol Allard, Yolande Boudreau, Louise Cyr, Pierre Cyr, Martin Dorais, Louis Lacroix, Mario Leclerc, Suzanne Taché-Leblanc, Roger Lefebvre, Michel Poirier, Paquerette Poirier.

Le texte intégral est disponible au www.museedela-gaspesie.ca

Notes1. Chrestien Le Clercq, Nouvelle relation de la Gas-

pésie, Paris, Amable Auroy, 1691, p. 470.

2. Michel Bideaux, Jacques Cartier. Relations, Mon-tréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1986, 504 p. (Coll. : « Bibliothèque du Nouveau Monde »), p. 110-112.

3. Le Clercq, op.cit., p. 52-53.4. Ibid., chapitre XVIII, « De la chaffe des Gafpe-

siens », p. 470-496.5. Pierre Nadon, La Baie du Grand Pabos. Une

seigneurie gaspésienne en Nouvelle-France au 18e siècle, Les Recherches ARKHIS/Corporation du Bourg de Pabos, Pabos. 1992, p. 129-132

6. Rapport du lieutenant Frederick Henry Baddeley, cité dans Réginald Day, « La Gaspésie en 1833 », Gaspésie, vol. 31, no 3, (no 123), septembre 1993, p. 14.

7. Jean-Baptiste-Antoine Ferland, La Gaspésie, Québec, A. Côté et cie, 1877, p. 142-144.

8. Le Canadien, 12 février 1858, p. 2, cité dans Donald Guay, La chasse au Québec. Chronologie com-mentée (1608-1900), Québec, Société d’histoire du loisir, 1982, p. 101. (Coll. Temps Libre, vol. 3)

9. Timothée Auclair, « Gaspé-Nord en 1860», dans Revue d’Histoire de la Gaspésie, vol. 1, no 4, (no 4), octobre-décembre 1963, p. 182.

10. J a m e s M c P h e r s o n LeMoine, Chasse et pêche au Canada, Québec, N.S. Hardy, 1887, p. 151.

11. « Acte pour incorporer le Ristigouche Salmon Club », Statuts de la province de Québec, 1880, chapitre XXXII, cité dans Donald Guay, op. cit., p. 119.

12. Maurice Joncas, St-Mau-rice de l’Échouerie : 70 ans d’histoire, 1985, p. 328.

13. Richard Gauthier, La présence du canot dans la vie traditionnelle à

Bonaventure, Québec, Université Laval, 1977, p. 105, 107, 114.

14. Paul Lemieux, C’est arrivé chez-nous. Tourisme, Chasse, Pêche, Loisir. L’histoire d’un ministère dans L’Est du Québec, ministère des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche, 1986, p. 128.

Sources- Jean-Paul DUBÉ, Histoires de chasse vécues en

Gaspésie, Montmagny, Dallac Éditeur, 1987, 162 p.- Jean-Marie FALLU, Une histoire d’appartenance -

La Gaspésie, Québec, Les Éditions GID, 2004, 557 p.

- Paul-Louis MARTIN, La Chasse au Québec, Éditions du Boréal, 1990, 416 pages.

- Esdras MINVILLE (sous la direction de), Pêche et chasse, Montréal, Éditions Fides, 1946, 580 p.

- Jean PROVENCHER, Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Boréal, 1996, « La chasse et la pêche », p. 540-549.

À Carleton, au camp forestier de Jean-Baptiste Leclerc, sur le chemin à Bona, se retrouvent le beau-frère des Leclerc, Germain Leclerc, Armand (Ti-Mand) Allard et Jean-Baptiste Leclerc, Carleton, vers 1946.

Harold Arsenault s’adonne à un type de chasse remarquable. Chasseur d’images, il filme les animaux depuis plus de trente ans. Sous l’eau, sur terre ou dans les airs, il a au cours des années capté les comportements de centaines d’animaux un peu partout à travers le monde. C’est cependant chez-lui en Gaspésie qu’il préfère travailler. Il tourne présentement son 15e documentaire sur les ours noirs du Parc Forillon. Parmi ses œuvres portant sur la faune terrestre, notons : La dernière harde en 2013 (réalisateur) et L’amour au pays des orignaux en 2011 (réalisateur, producteur et scénariste).Photo : Harold Arsenault, 2007.

Page 11: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

Novembre 2014 - Février 2015 – MAGAZINE GASPÉSIE 51

À LIRE

LA RÉCOLTEpar Bernard Dubé, New Richmond, 2014, 159 p.Originaire de New Richmond, l’auteur a plusieurs cordes à son arc. Il trappe depuis 60 ans, il est un artiste multidis-ciplinaire et il est vice-président de la Fédération des Trappeurs gestionnaires du Québec – Conseil de la Gaspésie. Son recueil de 105 recettes, une première en Gaspésie, a la particularité d’offrir des plats à base de plantes sauvages, de petits fruits, de champignons forestiers, de poissons et de gibier. Parmi les recettes novatrices, notons la gelée du thé du Labrador, la terrine de perdrix, la langue d’orignal, l’ours aux fruits, les brochettes de foie de castor, le lynx à la moutarde, le rat musqué à l’érable et l’écureuil aux fines herbes. Plus qu’un livre de recettes, c’est un livre d’art bien illustré et d’une présentation graphique fort soignée.

CAP-CHAT, GASPÉSIE. HISTOIRE ET ATTRAITS TOURISTIQUESpar Steeve Landry, Québec, Les éditions GID, 2014, 179 p.

Quel magnifique livre ! À chaque page qu’on tourne et retourne, on est sollicité par une multitude de photos anciennes et actuelles de grande qualité dont la présentation soignée nous séduit. On parcourt Cap-Chat à travers la géographie, la toponymie, l’histoire, les phénomènes naturels uniques, la faune, l’arrière-pays, la mer, la rivière et la vie contemporaine. Ouvrage pour les épicuriens, il se termine par des recettes du terroir suggérées par le chef Yvano Tremblay.

SAINT-SIMÉON 1914-2014. 100 ANS AU CŒUR DE LA BAIEpar le Comité de l’album du 100e anniversaire de Saint-Siméon, Saint-Siméon, 2014, 296 p.La paroisse de Saint-Siméon est fon-dée en février et la municipalité en novembre 1914. Cette municipalité paraît jeune, mais en réalité, elle est très ancienne par son peuplement, car elle faisait partie auparavant de Bonaventure. Les premières familles à s’y établir dès les années 1760 sont des Arsenault, Babin, Bourdages, Bujold

et Poirier. La paroisse s’agrandit en 1916 par l’annexion de la partie est de Caplan (secteur Ruisseau-Leblanc). De belle facture, l’ouvrage fournit une manne d’information sur l’histoire de Saint-Siméon : le peuplement, l’écono-mie, l’éducation, la vie religieuse, la vie municipale, les organismes, les loisirs, les récits de vie et la galerie de photos anciennes. Un ouvrage de référence à garder près de la main.

VIVRE LA CONQUÊTE. TOMES 1 ET 2Sous la direction de Gaston Deschênes et Denis Vaugeois, Septentrion, (Tome 1, 2013, 249 p.), (Tome 2, 2014, 317 p.) En deux tomes, on y porte un regard neuf sur cette période trouble que fut la Conquête anglaise. Cet ouvrage collectif présente, en cinquante biographies, les parcours exceptionnels d’hommes et de femmes qui ont fait montre d’une incroyable force d’adaptation durant cette guerre de Sept-Ans (1756 à 1763) qui a marqué la destinée du pays. La Gaspésie n’est pas laissée pour compte grâce à la contribution de l’historien

Une récolte de qualité sous le signe de la diversité

Jean-Marie Fallu Rédacteur en chef

On ne cesse d’écrire et de publier sur la Gaspésie. La sortie récente de plusieurs titres illustre bien cette vitalité du livre en Gaspésie où la qualité et l’intérêt n’ont d’égal que leur diversité.

Page 12: DOSSIER Chasse et trappe : une passion · Pour l’occasion, profitez-en pour donner en cadeau un abonnement au Magazine Gaspésie! Pour ce faire, contactez-nous au 418 368-1534

MAGAZINE GASPÉSIE – Novembre 2014 - Février 201552

DOSSIER

SOUTENEZ LE MUSÉE DE LA GASPÉSIE ET PARTICIPEZ À L’HISTOIRE!TOUT DON, QUEL QUE SOIT SON MONTANT, EST UN APPORT PRÉCIEUX POUR VOTRE MUSÉE RÉGIONAL

DON IMMÉDIAT

MERCI DE VOTRE GÉNÉROSITÉ !