dossier brésil revue des mines - mai juin05

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Où en sommes-nous aujourd´hui ? Force est de constater que le Brésil a retrouvé du tonus: •Le chemin retrouvé de la croissance économique, 5,2% en 2004 contre 2% en moyenne sur les 20 der- nières années. • Des politiques budgétaires et financières devenues plus responsables, •Un meilleur équilibre entre le développement des marchés externes et internes •Une nouvelle ambition politique sur la scène inter- nationale: candidature au Conseil de Sécurité, coor- dination d´une mission de casques bleus en Haïti, création du G20,... Les camarades qui ont participé à ce dossier possè- dent une grande expérience du Brésil et nous per- mettent de vérifier qu’il offre aux Ingénieurs des Mines des opportunités professionnelles extrême- ment riches et passionantes tant sur le plan humain que technique. Ceci à la mesure de l´énorme poten- tiel et des défis gigantesques de ce pays classé dans le top 6 mondial à l´horizon 2050 par l´étude publiée par Goldman Sachs fin 2004 sur les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). C hacun sait maintenant que nous célébrons l´Année du Brésil en France ! Ce pays attire une très grande sympathie, certes, du grand public, mais il n´est pas toujours très bien considé- ré, quand on aborde des sujets d´ordre profession- nel, scientifique ou économique. Les brésiliens, champions de l´auto-dérision, aiment d´ailleurs rap- peler que le Général de Gaulle aurait dit en visite offi- cielle, “le Brésil n´est pas un pays sérieux !”. Nation ayant eu la plus grosse croissance du PIB au monde entre 1900 et 1970, le Brésil s´est forgé, au cours du XXème siècle, la réputation de grande puis- sance du futur. Puis sont venues les crises des années 80 et 90, et deux décennies “dites perdues”: moratoire de la dette, hyperinflation, baisse durable des investissements étrangers, stagnation écono- mique, dévaluations successives, chomage,... Pendant ce temps, les pays émergents asiatiques gagnaient en vigueur économique et commençaient à canaliser les flux d´investissements internatio- naux. Le Brésil, oublié de la compétition Orient-Occident ou l’une des puissances du futur ? Dossier BRÉSIL Frédéric DONIER (E85) J’ai vu le Brésil grandir Louis Jean-Baptiste COUVE de MURVILLE (N47) avec du brouillard le matin. Maintenant, cette rue est devenue une avenue de grande circulation. À l´époque les brésiliens ont decidé de fabriquer des autos. J´étais bien jeunet à ce moment là et je me disais: “ils sont fous ces brésiliens de vouloir faire des autos avec toute la précision mécanique et électrique nécéssaire” Puis, est arrivé la “fusquinha”, que l´on connait en Europe comme la “coccinelle”, petite auto de Volkswagen qui a eu un grand succès et qu´on trou- ve encore partout au Brésil, parce qu´un bon mécani- cien arrive toujours à la faire marcher. Peu après sont arrivés d´autres modèles plu sophistiqués et, en voyant le g rand marché automobile qui existe maintenant, je me dis: “ils ne sont pas fous ces brésiliens”. Les routes sont toujours en développement. J´ai vu construire la “Dutra”, belle autoroute qui relie les grandes villes de São Paulo et Rio de Janeiro. Maintenant, on va presque partout au Brésil sur de très bonnes routes, en général. Ensuite, les brésiliens ont decidé de construire des avions. Le jeunet a perdu ses cheveux et a acquis du Il y a 50 ans, j´ai débarqué à Rio, venant de Paris, avec une petite valise, “bagage aviation”, abimée. J´ai appris, à mes dépens, qu´en voyage, les bagages doivent être très résistants ! Après quelques jours, j´ai commencé à aimer la nourriture brésilienne. Dans un petit restaurant voisin de l´usine, le serveur José me proposait un déssert; “goiabada com catupiry”, froma- ge et crème de goyave sucrée, ce qui me faisait dire : “non merci!”, alors que maintenant j´en raffole. On évolue vite dans ce pays. Puis, j´ai vu installer dans la ville voisine de l´usine, un feu rouge, le premier à l´époque. Le monteur a installé les deux feux dans le même sens, ce qui a été corrigé tout de suíte, mais qui m´a laissé rêveur sur la forma- tion des mécani- ciens de la ville. Pour arriver à l´usine, il fallait prendre une rue étroite et pavée, 1960 - 1980 - Brasilit São Paulo Contrôle de Qualité des usines 1956 - 1960 - Brasilit São Paulo Fabrication Tuyaux Plastique 1953 - 1955 - Situbos Rio de Janeiro Production 1950 - 1952 - Pont à Mousson Paris

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Articles Ingénieurs des Mines au Brésil

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Page 1: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

Où en sommes-nous aujourd´hui ? Force est deconstater que le Brésil a retrouvé du tonus:•Le chemin retrouvé de la croissance économique,

5,2% en 2004 contre 2% en moyenne sur les 20 der-nières années.

•Des politiques budgétaires et financières devenuesplus responsables,

•Un meilleur équilibre entre le développement desmarchés externes et internes

•Une nouvelle ambition politique sur la scène inter-nationale: candidature au Conseil de Sécurité, coor-dination d´une mission de casques bleus en Haïti,création du G20,...

Les camarades qui ont participé à ce dossier possè-dent une grande expérience du Brésil et nous per-mettent de vérifier qu’il offre aux Ingénieurs desMines des opportunités professionnelles extrême-ment riches et passionantes tant sur le plan humainque technique. Ceci à la mesure de l´énorme poten-tiel et des défis gigantesques de ce pays classé dansle top 6 mondial à l´horizon 2050 par l´étudepubliée par Goldman Sachs fin 2004 sur les paysBRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). ■

C hacun sait maintenant que nous célébronsl´Année du Brésil en France ! Ce pays attireune très grande sympathie, certes, du grand

public, mais il n´est pas toujours très bien considé-ré, quand on aborde des sujets d´ordre profession-nel, scientifi que ou économique. Les bré s i l i e n s ,champions de l´auto-dérision, aiment d´ailleurs rap-peler que le Général de Gaulle aurait dit en visite offi-cielle, “le Brésil n´est pas un pays sérieux !”.

Nation ayant eu la plus grosse croissance du PIB aumonde entre 1900 et 1970, le Brésil s´est forgé, aucours du XXème siècle, la réputation de grande puis-sance du futur. Puis sont venues les crises desannées 80 et 90, et deux décennies “dites perdues”:moratoire de la dette, hyperinflation, baisse durabledes investissements étrangers, stagnation écono-m i que, dévaluations successives, ch o m a ge , . . .Pendant ce temps, les pays émergents asiatiquesgagnaient en vigueur économique et commençaientà canaliser les flux d´investissements internatio-naux.

Le Brésil, oublié de la compétitionOrient-Occident ou l’une despuissances du futur ?

DossierBRÉSIL

Frédéric DONIER(E85)

J’ai vu le Brésil grandir

Louis Jean-BaptisteCOUVE de MURVILLE

(N47)

avec du brouillard le matin. Maintenant, cette rue estdevenue une avenue de grande circulation.

À l´époque les brésiliens ont decidé de fabriquer desautos. J´étais bien jeunet à ce moment là et je medisais: “ils sont fous ces brésiliens de vouloir faire desautos avec toute la précision mécanique et électriquenécéssaire” Puis, est arrivé la “fusquinha”, que l´onconnait en Europe comme la “coccinelle”, petite autode Volkswagen qui a eu un grand succès et qu´on trou-ve encore partout au Brésil, parce qu´un bon mécani-cien arrive toujours à la faire marcher. Peu après sontarrivés d´autres modèles plu sophistiqués et, en voyantle g rand marché automobile qui existe maintenant, jeme dis: “ils ne sont pas fous ces brésiliens”. Les routessont toujours en développement. J´ai vu construire la“Dutra”, belle autoroute qui relie les grandes villes deSão Paulo et Rio de Janeiro. Maintenant, on va presquepartout au Brésil sur de très bonnes routes, en général.

Ensuite, les brésiliens ont decidé de construire desavions. Le jeunet a perdu ses cheveux et a acquis du

Il y a 50 ans, j´ai débarqué à Rio, venant de Paris,avec une petite valise, “bagage aviation”, abimée.

J´ai appris, à mes dépens, qu´en voyage, les bagagesdoivent être très résistants ! Après quelques jours, j´aicommencé à aimer la nourriture brésilienne. Dans unpetit restaurant voisin de l´usine, le serveur José meproposait un déssert; “goiabada com catupiry”, froma-ge et crème de goyave sucrée, ce qui me faisait dire :“non merci!”, alors que maintenant j´en raffole. Onévolue vite dans ce pays.

Puis, j´ai vu installer dans la ville voisine de l´usine, unfeu rouge, le premier à l´époque. Le monteur a installéles deux feux dans le même sens, ce qui a été corrigétout de suíte, mais qui m´a laissé rêveur sur la forma-

tion des mécani-ciens de la ville.Pour arri ver àl´usine, il fa l l a i tp re n d re une ru eé t roite et pavé e ,

1960 - 1980 - Brasilit São PauloContrôle de Qualité des usines

1956 - 1960 - Brasilit São PauloFabrication Tuyaux Plastique

1953 - 1955 - Situbos Rio de JaneiroProduction

1950 - 1952 - Pont à Mousson Paris

Page 2: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

Le développement de technologi e spour la production de p é t ro l een eau pro fonde au Brésil

DossierBRÉSIL

Gilles De NAUROIS(P69)

bon sens. À voir l´industrie aéronautique au Brésil, Embraer entête, avec de très bons avions sur le marché international en plei-ne croissance, l´enthousiasme pour le Brésil continue malgré sesdifficultés. Ils ne sont pas fous du tout ces brésiliens!

Que ce soit dans la culture du soja, du maïs, du sucre, ou dansl´élevage des bovins, des poulets, etc., dans ce pays immense, ily a chaque fois plus d´intéressés à développer les activités du sec-teur primaire. Le Brésil est le seul pays au monde qui possèdeencore une réserve disponible de terres cultivables de 100 millionsd´hectares.

Après 50 ans, je suis devenu brésilien de coeur et pense que cepays va encore se développer dans le monde grâce à ses dimen-sions et à l´abondance de ses ressources naturelles, dont l´eau enpremier lieu, que ce soit pour la consomation humaine ou pour laproduction d´énergie. Le Brésil a un énorme potentiel de déve-loppement (agriculture, industrie, matières première, commer-ce...), pouvant devenir une des puissances économiques du futur.

Un des grands défis cependant qui reste encore selon moi à com-bler pour que le Brésil rejoigne la “première division” de la com-pétition mondiale est celui de la rationalisation de la bureaucratie,

des lois et des règlements qui sont nombreux, difficiles à suivre etpeuvent par fois décourager les investisseurs, étrangers, ou brési-liens. Le premier ministre espagnol, M. Zapatero, récemment envisite au Brésil, rappelait très justement que le renforcement de lasécurité juridique est une condition nécessaire fondamentale pourattirer de nouvelles vagues d´investissements étrangers. Alors quela concur rence pour l´attraction de capitaux stables devient pla-nétaire et que certains pays orientaux redoublent de voracité eninvestissements, cette question cruciale redevient plus que jamaisd´une actualité brûlante pour le Brésil.

A l`heure où la globalisation semble s´essouffler quelque peu, etoù certaines grandes nations paraissent parfois “jouer la montre”pour essayer de préserver des situations acquises, à en juger parl´enlisement ces dernières années des grandes négociations mul-tilatérales, le Brésil lutte plus que jamais pour prendre sa placedans l´économie mondiale. Le développement accéléré de sesexportations et le renforcement, graduel mais constant, de sonpoids politique au sein des forums internationaux (ONU, OMC,G20, Davos,...demain peut-être le Conseil de Sécurité...) sont dessignes tangibles qui témoignent de cette volonté réaffirmée. Ilssavent très bien où ils veulent arriver ces brésiliens et la folie ducarnaval a été remisée depuis longtemps ! ■

différents composants ( têtes de puits, conduitessous-marines, systèmes de connexion et d’interven-tion, etc...)

Petrobras a lancé des programmes de R&D successifs,à travers son centre de recherche, CENPES, et en coopé-ration avec des sociétés de services internationales,pour viabiliser ces nouvelles technologies et certifier leséquipements, jusqu’à 1000mts, puis 2000mts de pro-fondeur.

Arrivé au Brésil en 1981, j’ai eu la chance de participerà quelques-uns de ces programmes. Aventure passion-nante tant sur le plan humain que technique.

Le pétrole offshore au Brésil

Le Brésil ne produit encore que 80% de ses besoins enpétrole. La grande majorité des réserves brésiliennes sesitue offshore, en eaux profondes et très profondes, soitau-delà de 1000mts de profondeur d’eau.Dès les années 80, la compagnie nationale Petrobras,qui bénéficiait d’un monopole d’exploitation, a fait unénorme effort d’investissement dans le développementde ces champs.Les technologies pour produire du pétrole à ces profon-deurs n’existaient pas à l’époque de leur découverte et

Pet ro b ras a du développer des technologies pionnière s .

Le développement de latechnologie

La stratégie originale de développement choisiepar Petrobras était basée sur :• La production sous-marine à grande échelle,c.a.d. avec des têtes de puits situées au fond lamer, reliées à des plate-formes flottantes.• L’emploi de systèmes de production anticipés,pour maximiser le cash-flow de production etobtenir une meilleure connaissance des réser-voirs. • Le réaménagement permanent des systèmes deproduction, facilité par une standardisation des

Engin d’intervention télécommandé (ROV)

Depuis 2003 je suisconsultant à temps partielpour Technip et meconsacre aux activités deBusiness Angel.En 1999 j’ai rejointCoflexip pour y développerune capacité d’ingénierieconceptuelle en production sous-marine et coordonnerles programmes R&D desmoyens navals.En 1995 j’ai été consultanten stratégie pour StoltEn 1981 j’ai pris la direc-tion de la filiale Comex etpris en 1994 la directiondu groupe Stolt-Comex

Mai/Juin 2005 - Revue des Ingénieurs ■36

Page 3: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

L’environnement économiquebrésilien

Le Brésil est resté longtemps une économie très fer-mée, avec une inflation galopante jusqu’en 1994, etdes crises financières et politiques répétées.Nous signions avec Petrobras des contrats de servicelong terme, trois à cinq ans, renouvelables,payés en monnaie locale ( qui dévaluait et changeaitde dénomination régulièrement ), avec des clausesde réajustement qu’il fallait renégocier en cours decontrat.Il était donc impératif de maximiser le contenu localde nos prestations, tant les équipes que les fourni-tures.Certaines sociétés, rares heureusement, qui n’avaientpas eu le temps de faire cet effort de brésilianisation,ont été obligées de résilier leurs contrats.Encore aujourd’hui, malgré une très nette améliora-tion, le marché brésilien reste beaucoup moins

L’effort essentiel portait sur la sélection et la formation du personnel, tantplongeurs que techniciens en surface, et nous avons créé à Rio un centre deformation à la plongée profonde, formant plus de 200 professionnels enquelques années.L e Brésil reste le seul pays qui a connu des campagnes intensives de plon-gée au-delà de 300 mètres.Pour aller plus profond, la seule solution était l’emploi d’engins télécomman-dés (ROVs).Nous importions les premiers engins et décidions d’embaucher du personnelbrésilien surqualifié ( ingénieurs plutôt que techniciens ) pour les opérer. Trèsvite, nos ingénieurs électroniciens brésiliens faisaient le pari de créer leurpropre système de contrôle, en coopération avec une université locale.Ceci nous permettait de monter localement des engins nationalisés à plus de70%, qui se sont révélés plus fiables et moins coûteux à opérer.Ces mêmes ingénieurs ont participé plus tard, en Mer du Nord, à la définitiondes nouvelles générations d’engins pour le groupe.

Technip, les conduites sous-marines

L’emploi de conduites sous-marines flexibles pour les liaisons fond-surfaceétait indispensable dans la stratégie de développement choisie par Petrobras.Le groupe Technip, leader mondial dans ce secteur, a fortement investi auBrésil, dans un esprit de partenariat avec Petrobras.La stratégie de développement comprenait :• L’implantation d’une usine de fabrication à Vitoria en 1984, incluant une

base de chargement des navires de pose, permettant de réduire les coûts etdélais de fabrication et d’installation.

•La mise en place d’une forte équipe d’ingénierie à Rio, près des bureaux dePetrobras.

•Un effort important de R&D, partagé entre les bureaux d’études français etbrésiliens, couvrant la création de nouvelles structures, l’incorporation denouveaux composants, l’élaboration de nouvelles règles de design et l’ap-probation de ces règles et des tests de certification par des sociétés indé-pendantes.

Ceci permettait de qualifier de nouvelles structures de conduites pour des pro-fondeurs d’installation de 1000, puis 2000 mètres. •Le développement et la mise à disposition en permanence de navires de pose

spécifiques au Brésil. Le Sunrise, mis en opération en 1994, présentait unsystème de pose vertical original (VLS) capable de supporter des tensionsen tête de 270 tonnes, soit le double de la capacité des équipements exis-tant à l’époque.

Technip a ensuite bâti sur sa forte implantation locale pour développer unecapacité d’ingénierie en systèmes de production flottants et participe aujour-d’hui à la fabrication de deux plate-formes semi-submersibles pour Petrobras,en association avec un shipyard singapourien implanté au Brésil. Pour la pre-mière fois, la coque d’une de ces plate-formes sera fabriquée intégralement auBrésil.

Les résultats

Petrobras a régulièrement battu les records de production de pétrole en eauprofonde, franchissant la barre des 1000mts dès 1994, sur le champ deMarlim, puis 1800mts en 2000 avec la mise en production du champ géant deRoncador, et reste aujourd’hui la référence en matière de production sous-marine profonde.Cette compétence, ainsi que celle de ses principaux fournisseurs a été recon-nue par l’attribution de nombreux prix internationaux, tels que les prestigieuxOTC excellence awards, à plusieurs reprises. Les technologies développées au Brésil, ont ensuite été exportées, tant parPetrobras que par ses fournisseurs.Technip en particulier, a bâti sur son expérience brésilienne pour développerun navire de pose ultra-profond et de nouvelles conduites flexibles intégrées

Structure de conduite sous-marine

ouvert que les grands marchés occidentaux ou dusud-est asiatique. Les importations restent chères, lesfournisseurs locaux parfois peu fiables, la bureaucra-tie brésilienne lourde et la législation fiscale chan-geante. Pour surmonter ces difficultés, les brésiliens font sou-vent preuve d’une imagination étonnante.

Comex, l’intervention en eauprofonde

Au milieu des années 80, Petrobras installait les pre-miers systèmes de production avec des manifoldssous-marins dans des profondeurs d’eau entre 300 et400 mètres.300 mètres était la limite commerciale admise mon-dialement pour la plongée humaine.Nous avons dû élaborer de nouvelles tables de plon-gée en saturation, adaptées à des campagnes delongue durée, avec le support du centre hyperbare deMarseille.

■ Revue des Ingénieurs - Mai/Juin 2005 37

Page 4: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

de gros diamètre, qui vont être installées sur lechamp de Dalia en Angola dans 1400mts deprofondeur.

Les défis futurs

Petrobras a lancé un nouveau et ambitieux pro-gramme de R&D pluriannuel, PROCAP 3000,pour viabiliser la production de pétrole jusqu’à3000 mts de profondeur, axé sur le développe-ment de nouvelles technologies et la réductiondes coûts.Parmi les technologies innovantes, figure enparticulier le concept Subsea to Shore, déjàemployé, en Norvège par exemple, pour laproduction de gaz, reliant directement les têtesde puits à la terre par des réseaux de conduitessous-marines de très grande longueur, élimi-nant ainsi la mise en place de plate-formesflottantes extrêmement coûteuses.L’adaptation de cette technologie a la produc-tion de pétrole en très grande profondeurnécessitera de nombreuses années de dévelop-pement dans des domaines tels que : la sépa-ration sous-marine, le pomp a ge multipha-sique, la réinjection sous-marine d’eau de merdans les réservoirs.Technip participe à ces développements encoopération avec d’autres sociétés françaises.

La formation de personnel

Dans ces différentes expériences le facteur cléde succès a toujours été la formation deséquipes et en particulier des cadres dirigeantscapables d’intégrer les difficultés locales etd ’ a r b i t rer au mieux entre les contra i n t e sconflictuelles des clients et de la maison mère.Le recours au siège pour des décisions difficilesn’étant pas toujours la meilleure solution.La sélection le plus tôt possible de cadres diri-geants brésiliens de haut niveau et leur forma-tion, y compris par des séjours de longuedurée à l’étranger, est certainement le meilleurgage d’une implantation réussie sur le longterme et permet ensuite d’exporter leur savoirfaire à travers leur mobilité internationale.

Conclusion

Par ses particularités géographiques, le Brésilest un pays d’exception en Amérique latine etmême a l’échelle mondiale pour le développe-ment de nouvelles technologies dans des sec-teurs tels que l’énergie, les mines, l’agri c u l t u re . . .Les entreprises françaises et internationales quiont fait le pari d’une forte implantation sur lelong terme, malgré les aléas économiques etfinanciers, ont le plus souvent été récompen-sées, non seulement par le succès de leursfiliales brésiliennes, mais aussi par la contribu-tion de celles-ci à leur développement tech-nique et opérationnel international. ■

Ventes et production d’automobiles (voitures et utilitaires légers)au Brésil entre 1992 et 1997

Un équipementiera u t o m o b i l eau Brésil : entredésillusions eto p p o r t u n i t é sDossier

BRÉSIL

Antoine PREVOST(P90)

L’histoire de Vallourec do Brasil Autopeças est un casd’école de la vie d’une entreprise, filiale d’un groupe mul-

tinational, au Brésil. Au cours de ses sept années d’existence,cet équipementier auto de rang 1 servant les constructeursRenault et PSA aura connu plusieurs périodes : la fièvre dudémarrage et de la découverte de l’environnement brésilien, lacroissance et les espoirs de développement, la crise et l’exi-gence de flexibilité, puis enfin le réalisme et l’acceptationd’une nouvelle donne stratégique.Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette ex p é ri e n c e .

En 1997, le groupe Renault, afin d’accélérer son internationa-lisation, décide d’implanter à Curitiba dans l’Etat du Parana sapremière usine brésilienne qui fabriquera des Clio et Scenic.Le groupe Vallourec, actuel leader mondial de la productionde tubes sans soudure et de produits tubulaires pour applica-tions industrielles, est sélectionné pour accompagner Renaultet fournir les modules de suspension des deux véhicules.

Le marché automobile brésilien en 1997 est à son plus hautniveau historique (voir graphique) après une phase de crois-sance de 12% en moyenne de ses ventes domestiques et de16% de sa production. Quatre acteurs (Fiat, VW, GM et Ford)se partagent ce marché porteur. Rendus optimistes par desindicateurs traduisant le potentiel de ce marché (ex. nombred’habitants par véhicule), de nombreux observateurs croienten la poursuite de cette croissance.

Depuis 2002 :Directeur site deCuritibaVallourec doBrasil Autopeças/ BentelerSistemasAutomotivos(depuis fev/05)

2000 - 2001 :Contrôle degestion (groupeVallourec)

1997 - 1999 :Responsabled'exploitationValtimet usinedes Laumes(Joint-VentureVallourec/Timet)

1995-1996 :Ingénieur R&D -QualitéSpécitubes(groupe Va l l o u r e c )

Pour Vallourec, le démarrage de cette première unité au Brésilest un défi stratégique, industriel, culturel et financier.Le Groupe se positionne pour la première fois en fournisseurde modules de suspension avant et arrière, intégrant non seu-lement une activité industrielle de fabrication et d’assembla-ge mais également un service logistique. L’idée est d’approvi-sionner les composants dans un premier temps majoritaire-

Mai/Juin 2005 - Revue des Ingénieurs ■38

Page 5: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

Ventes et production d’automobiles (voitures et utilitaires légers)au Brésil entre 1997 et 2004

Plusieurs modules de suspension assemblés par Vallourec do Brasil / BentelerSistemas Automotivos sur son site de Curitiba

ment à partir d’Europe puis peu à peu à partir du Brésil et del’Argentine, et livrer les modules complets en juste-à-tempssur la ligne d’assemblage du constructeur. Ce mode de fonc-tionnement, dit “synchrone” permet de réduire les stocks surl’ensemble de la chaine logistique, ainsi que les délais d’ap-provisionnement.

Le défi est également culturel ; l’organisation mise en placepermet une rapide intégration des managers brésiliens ausein du Groupe ainsi que des échanges importants entre laFrance et le Brésil afin de faciliter le transfert de technologieet de compétences. De nombreuses difficultés émergentcomme la compréhension de la fiscalité brésilienne, l’impor-tation d’équipements ou de composants ou encore la quali-té des fournisseurs locaux.Enfin, le pari est également financier, les investissementsconsentis étant élevés, notamment après la décision deconstruire une deuxième implantation pour servir le clientPSA, sur son site de Porto Real dans l’état de Rio. Les sou-bresauts du Real, la monnaie brésilienne, des taux d’intérêtslocaux et de l’inflation compliquent l’équation.

D’autant plus que très rapidement les désillusions se multi-plient : le marché automobile s’effondre petit à petit, entrai-né par plusieurs crises (crise monétaire des pays émergents,crise argentine, élections présidentielles de 2002 etc.). Il nedevrait pas retrouver avant 2005 son niveau historique de1997.

Après une phase de conquête de part de marché (1999 -2001) rendue possible par les qualités de leur offre, lesconstructeurs français Renault et PSA doivent affronter uneconcurrence féroce dans un contexte de fortes surcapacités.

Une période d’adaptation s’ouvre alors, avec des exigences fortes deréductions des coûts, et d’augmentation du contenu local permettantentre autres de diminuer l’exposition de change. Des solutions origi-nales sont trouvées illustrant la créativité et la capacité d’adaptationdes brésiliens. Les relations commerciales entre clients et fournisseursse tendent sur toute la chaine... En bref, tout le monde fait le gros dos!

En 2004, suite à une revue stratégique de ses activités, le groupeVa l l o u rec décide de se séparer de ses filiales auto Merc o s u r.L’acquisition de Vallourec do Brasil Autopeças par un groupe alle-mand, spécialiste de la fonction, a été conclue en février 2005. Ellesigne le démar rage d’une nouvelle période pour les équipes, dans uncontexte de croissance du marché automobile. Croissance plusmodeste mais croissance durable ? ■

• Réduire au maximum les inves-tissements (faire simple et bonmarché !)

• Mettre en place une organisationtrès flexible (structures réduites,aptitude à augmenter ou réduirerapidement les effectifs, àaccroitre les capacités...)

• Maintenir un rapportdettes/fonds propres faible

• Diversifier son portefeuilleclients / exporter

• “Nationaliser” ressources (per-sonnel, technologie) et matières-premières

• Investir temps et ressources surles sujets financiers et fiscaux

• Grande volatilité de l’activité

• Structure des coûts (g rande pro-portion de coûts fixes)

• Coût élevé du capital (prime derisque, taux d’intérêt, inflation)

• Surcapacité globale chez lesconstructeurs automobiles

• Tension sur le prix des matièrespremières

• Environnement fiscal et règle-mentaire complexe et instable

Problèmes - clés Recommandations

Quelques enseignements de cette expérience

Création du Club Intermines Brésil

Premier dîner Intermines Brésil le 18 novembre 2004 à la Maison Saint-Gobain àSão Paulo.De gauche à droite: Louis Couve de Murville (N47), Cécile Kirchmeyer, BeatrizCouve de Murville, Alain Kirchmeyer (P86), Jean-Pierre Floris (P67), Anne Floris,Jean-Didier Catillon (P76), Frédéric Donier (E85), Guiomar Donier.

MESSAGE IMPORTANT :

Camarades habitant le Brésil, ayant l´occasion d´y séjour-

ner ainsi que tous ceux qui sont remplis de “saudade” de

cette terre tropicale, n´hésitez pas à prendre contact avec le

Club Intermines Brésil afin que nous puissions vous informer

de nos activités.

Courriel: [email protected]

Tél : +55.11.3845 9040 • Fax : +55.11.3045 1752

■ Revue des Ingénieurs - Mai/Juin 2005 39

Page 6: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

Saint-Gobain et le BrésilUne histoire de bientôt 70 ans

DossierBRÉSIL

Emmanuel NORMANT(CM93)

Le projet polypropylène

En 2002, le Groupe Saint-Gobain m’a proposé de pas-ser quelques temps au sein de Brasilit, filiale brésilien-ne “matériaux de construction”. Brasilit produit princi-palement des plaques de couverture et des caisses àeau en fibrociment. Ces produits à très faible coût sontdestinés avant tout aux classes les plus pauvres de lapopulation - la mise en place d’une toiture peut revenirà 3 le m2, installation comprise. Longtemps un desproduits phare de Pont-à-Mousson puis de Saint-Gobain (marque Everite en France), cette activité n’estplus exercée par Saint-Gobain qu’au Brésil. En effet, cesproduits ont pendant longtemps été fabriqués en utili-sant de l’amiante comme fibre de renfort.

En 1999, la décision est prise par Saint-Gobain d’arrêtertoute production en amiante. La réponse au défi, nonseulement tech n o l o g i que de la substitution d’unematière première aussi importante que l’amiante pour lefibrociment, mais également économique afin de pou-voir continuer à fabriquer un produit compétitif dans unmarché qui n’a pas interdit l’amiante, s’est faite en deuxtemps : dans une première phase, l’introduction auBrésil d’une technologie utilisée en Europe, technique-ment efficace, mais occasionnant un surcoût de 50%pour les produits fabriqués - le fil de renfort utilisé ensubstitution à l’amiante était le PVA (polyvinylalcool) ;dans une deuxième phase, le développement d’un fil derenfort en polypropylène en substitution au PVA. En2002, la décision est prise de construire dans l’Etat deSão Paulo, à Jacareí, une usine de fabrication de ce filde polypro pylène pour le re n fo rt du fi b ro c i m e n t .Aujourd’hui, tous les produits de Brasilit sont fabriquésavec ce fil de renfort, et le surcoût par rapport au pro-duit traditionnel en amiante n’est plus que de 15%.

LeGroupe Saint-Gobain a choisi depuis de nom-breuses années de se développer au Brésil. En

1937, deux filiales de Pont-à-Mousson sont créées auBrésil, la Companhia Metalúrgica Barbará pour la fabri-cation de tuyaux en fonte par centrifugation, et uneusine de tuyaux de bétons est installée à Rio de Janeiroqui constitue les débuts de Brasilit. Ces deux entre-prises existent encore aujourd’hui. Saint-Gobain effec-tue sa première acquisition dans le domaine du verre, laSanta Marina, en 1960. La Santa Marina avait été fon-dée en 1896.

Une présence ancienne et massive

Aujourd’hui, le Brésil constitue une des plus fortesimplantations de Saint-Gobain hors Europe et horsEtats-Unis. Fort d’un e ffectif de plus de 12 000 personnes,pour un effectif mondial du Groupe de plus de 180 000personnes, et d’un total de 50 usines et carrières, l’ac-tivité de Saint-Gobain au Brésil a eu en 2004 un chiffred’affaire de 4,8 Mrds R$, soit environ 1,4 Mrds , ce

Entrée de la Santa Marina au début du XXème siècle

Usine de Jacarei - opération de filage du polypropylène

1996-1999 :Chef du ServiceRégional del’EnvironnementIndustriel - DRIREAlsace1999-2001 :Ministère chargé del’environnement -chef de bureausites et sols pollués2001-2002 :Conseiller auCabinet de YvesCochet, Ministrechargé de l’envi-ronnementFin 2002 : Adjointau Directeur géné-ral de Brasilit, char-gé du projet poly-propylèneDepuis avril 2004 :Directeur des opé-rations de Brasilit.

qui représente 4,5% de l’ensemble du chiffre d’affairedu Groupe. Toutes les activités y sont représentées, dela production de verre plat à sa transformation pour laconstruction ou l’automobile, de la production de bou-teilles à celle de produits domestiques en verre, desabrasifs aux matériaux de haute performance, de la fibrede verre à la laine de verre, des matériaux de construc-

tion à la canalisation. Lesd éveloppements les plusrécents ont été dans la distr i-bution des matériaux dec o n s t ruction avec l’acqu i s i-tion et le développement deTelhanorte dans la région deSão Paulo. L’activité deTe l h a n o rte est aujourd ’ h u iforte de 21 magasins.

Telhanorte Morumbi

Mai/Juin 2005 - Revue des Ingénieurs ■40

Page 7: Dossier Brésil Revue des Mines - Mai Juin05

L’usine installée à Jacareí est une première mondiale et lat e chnologie développée est désormais ex p o rtée ve r sd’autres pays en développement, comme c’est le cas pourl’Inde. Le développement de la solution polypropylène etla mise en place de la nouvelle unité de production a étéfaite en un temps record - 2 ans entre la décision de déve-loppement et le fonctionnement à pleine capacité de l’usi-ne, grâce notamment à la qualité et au professionnalismedes équipes brésiliennes. L’opportunité offerte par Saint-Gobain à un jeune ingénieur des Mines de 32 ans de par-ticiper à un tel projet au Brésil et les responsabilités qui endécoulent sont remarquables.

A la re ch e rche de l’exc e l l e n c ei n d u s t ri e l l e

Le professionnalisme des équipes brésiliennes sur le projetpolypropylène est à l’image de ce qui est observé dansl’ensemble des usine de Saint-Gobain au Brésil. Tout visi-teur, notamment européen, est d’emblée impressionné parla propreté, l’ordre, la qualité ressentie des produits fabri-qués et par la sécurité des usines brésiliennes du Groupe.Les résultats en terme de sécurité sont ainsi parmi lesmeilleurs de Saint-Gobain au niveau mondial. 17 sites fontpartie de Club des Millionnaires sur un total au niveaumondial de 80, 12 ayant plus de un million d’heures-homme travaillés sans accident avec arrêt sur 41 au niveaumondial, et cinq ayant plus de cinq ans sans accident avecarrêt sur 39 au niveau mondial. Pour maintenir la compé-titivité des usines brésiliennes face aux pays à plus faiblecoût de main d’œuvre que sont la Chine et l’Inde, et pourencore améliorer la qualité des produits et l’efficacité duservice aux clients, la Délégation Générale de Saint-Gobainau Brésil a décidé de lancer un programme de World ClassManagement (WCM). Ce programme consiste en l’im-plantation dans les divers sites du Groupe, notammentdans ceux qui agissent sur un marché mondial, de diversoutils en vue de renforcer les résultats en terme de :•sécurité ;•ordre et propreté (5S) ;•amélioration continue de la productivité ;• réduction de la durée des arrêts pro grammés des

machines ;• réduction de la durée pour les changements de fabrica-

tion ;•amélioration continue de la qualité des produits ;•élimination des étapes non nécessaires de production ;• réduction systématique des rejets ;• prise en compte de l’environnement, tant au plan inter-

ne, qu’externe.L’objectif ainsi visé est celui de l’excellence industrielle etd’une meilleure compétitivité.

Le Brésil constitue encore aujourd’hui une des priorités dedéveloppement pour le Groupe Saint-Gobain, et ce, alorsque le Groupe y est implanté depuis bientôt 70 ans. Lenombre d’expatriés brésiliens en dehors du Brésil dépasseaujourd’hui le nombre d’expatriés au Brésil. La plupart desfiliales brésiliennes de Saint-Gobain sont désormais diri-gées par des brésiliens. L’enthousiasme et le dynamismedes professionnels brésiliens et l’expérience acquise dansce pays sur un projet de haute technologie, marqueront,j’en suis certain, longtemps mon cara c t è re pro fessionnel. ■

Industrie etl o gistique auBrésil :quelques réflexions àmener pour une entre-prisespécialisée dans lesbiens deconsommation

DossierBRÉSIL

Cette réflexion est naturelle pour toute entrepri-se désirant se développer au Brésil car ce pays

est perçu comme un réservoir de croissance impor-tant. Quelle que soit la stratégie marketing et com-merciale retenue, la réflexion industrielle et logis-tique doit s’adapter à un contexte particulier et àune logique un peu différente des logiques tradi-tionnelles d’optimisation de flux.

La réflexion qui suit est basée sur une expérience de près de deux annéesau Brésil, dans le cadre de mon activité de Directeur Administratif et desOpérations de la filiale brésilienne de L’Oréal, et plus particulièrementdans le cadre des échanges personnels et professionnels que j’ai pu avoir.

Bien évidemment, la première réflexion à mener concerne la dimensiongéographique du pays, un pays-continent grand comme 16 fois laFrance, peuplé de 183 millions d’habitants, et marqué par de forts désé-quilibres en termes de peuplement comme de revenus (55% de la popu-lation est localisée dans 30% du territoire et contribue à 75% de sonpouvoir d’achat). Pour répondre efficacement aux besoins des consommateurs et desclients (notamment dans un objectif de rapidité d’exécution des com-mandes), la logique est de positionner des centres de distribution dansles cinq grandes régions composant le pays, afin de pouvoir traiter lescommandes dans un laps de temps compris entre deux et cinq jours,pratique commune à la plupart des entreprises spécialisées dans lesbiens de consommation.

Cependant, d’autres réflexions doivent être intégrées à cette premièreapproche.

La seconde réflexion concerne l’infrastructure industrielle et logistiqueque le pays propose. Il s’agit de pouvoir définir la meilleure stratégie enterme d’implantation industrielle (production locale OU importation-exportation) et d’implantation géographique (dépendant essentielle-ment des moyens de transport à utiliser). Les taxes d’importation élevées sur certaines matières premières (notam-ment celles ne bénéficiant pas de structure industrielle nationale) impo-sent de développer avec des fournisseurs nationaux une stratégie de pro-duction locale pour les produits à faible valeur ajoutée. Les centres indus-triels dotés d’une infrastructure qualitative et diversifiée sont concentrésdans des grandes villes du pays comme São Paulo, Rio de Janeiro, PortoAlegre, Curitiba.

L’infrastructure du transport est inégale avec :• un réseau routier de mauvaise qualité sur une très grande partie du ter-

ritoire (75%), en dépit d’une très grande diversité offerte par les entre-prises de transport au niveau local

Philippe REALE (E87)

■ Revue des Ingénieurs - Mai/Juin 2005 41

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• un réseau maritime très axé sur des lignes internationales et desmarchandises à grand volume. Le cabotage, solution alternativeau réseau routier, existe mais n’est pas adapté en termes de fré-quence aux exigences de délais des clients et des consommateurs

• un réseau ferroviaire pratiquement inexistant bien que de qualitésur des liaisons très spécifiques

• un réseau aérien de qualité et impor tant, mais onéreux

Les choix s’imposent donc en fonction du service, de la qualité etdu coût.

La troisième réflexion s’articule autour des indicateurs écono-miques du pays, principalement les taux d’intérêts, traditionnelle-ment autour de 20% annuels depuis quelques années. Cela limite la capacité d’investissement dans les outils de produc-tion et les niveaux de stock, exigeant de piloter la trésorerie de l’en-treprise avec la plus grande rigueur. Une politique de stock réduitrépond à cette problématique mais pas forcément aux critères évo-qués précédemment.La quatrième réflexion est liée à l’organisation fiscale du pays, rele-vant d’un système complexe (partagé entre l’état fédéral et les 27

états composant le pays, chacun ayant sa législation propre),affecté par des changements fréquents (une nouvelle loi fiscalevoit le jour toutes les 30 minutes environ) et reposant sur plus de50 catégories d’impôts différents, liés davantage aux opérationsqu’à la valeur ajoutée. * L’exemple le plus concret de cette organisation fiscale estl’ICMS (équivalent approximatif de la TVA), à cause de quoi cer-taines entreprises sont amenées à avoir des logistiques physiquesnon optimisées. Le transport/stockage des marchandises d’unétat à l’autre génère, en effet, des gains fiscaux compensant lar-gement le coût du transport.

La dernière réflexion est plus liée à la stratégie d’une entrepriseinternationale ayant vocation à être présente sur la totalité du ter-ritoire du pays. * A la concurrence internationale traditionnelle, s’ajoute laconcurrence directe avec des marques régionales (le plus souventdifférentes d’un état à l’autre) bénéficiant d’implantations forteset historiques, et d’un important réseau de distribution et d’ap-puis logistiques nombreux.

Évidemment, d’autres clefs d’analyse existent, qui dépendent deschoix stra t é g i ques, du contexte et de l’histo ri que de l’entre p ri s e ,mais en conclusion, il faut noter que le Brésil est un pays où l ’ é qu a-tion logistique et industrielle est comp l exe et passionnante, l ’o r g a n i-sation étant au coeur de contraintes logistiques de proximité (afi nde pallier les problèmes d’infra s t ru c t u res de tra n s p o rt et d’égaler les e rvice des concurrents locaux) et de contraintes fi n a n c i è res et fi s-cales (ex i geant fl exibilité et gestion ri g o u reuse de la tré s o re rie).

Le Brésil reste un pays à fort potentiel, avec beaucoup d’oppor-tunités professionnelles et surtout (aspect peu évoqué dans cetarticle) peuplé de personnes dont l’optimisme et la gentillessesont à l’image de ce magnifique pays : immenses ! ■

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