dossier avocat détaché en entreprise · ex-juriste d'entreprise, aujourd'hui associée...

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NOV/DEC 13Bimestriel

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Eléments de recherche : SEVERINE ELIE : uniquement en tant qu'avocate associée du cabinet SBKG, toutes citations

DOSSIER

Avocat détaché en entreprise

UNE PRATIQUE EN QUÊTEDE RÈGLES




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IPar Bruno Walter

Chaque année, des centaines d'avocats effectuent des "missions" en entreprise, pour quèlques joursou plusieurs mois. Plébiscitée par les clients et leurs conseils, la pratique prospère. Mais en toutediscrétion, faute de cadre juridique et de règles professionnelles daires.

__ ^1 • e parlez pas de " détachement",« 1% I c'est à la limite de la légalité. »

I ^M Dans ce cabinet où la pra-I ^B tique cst pourtant courante,

on prend dcs pincettes lexicales avec lesjournalistes. Dans d'autres, on évite le su-jet, en expliquant que le détachement n'estpas le genre de la maison ou en annulantles interviews prévues en raison d'une di-rective « venue d'en haut ». Pourtant, surle terrain, les avocats "en mission" pourquèlques semaines ou quèlques mois chezle client sont légion. Un rapport de l'Uniondes jeunes avocats (UJA) de Paris datantde 2010 estime ainsi à 400 le nombre decollaborateurs en mission. Mais l'absencede cadre juridique formel, associée àquèlques dérives qui ont donné lieu à lamise en cause de certains cabinets (lire l'ar-ticle page 30), explique la prudence et ladiscrétion qui entourent bien souvent cettepratique. Ainsi que les réticences liées àdes questions d'image : la pratique du dé-tachement ne cadre pas toujours avec l'idéede services haut de gamme que l'on aimevéhiculer.

IMMERSION TOTALE, MAISSANS PERDRE LE CONTACT

AVEC LE CABINET

Bien que rares, ceux qui acceptent d'enparler s'accordent tous à vanter l'intérêtdu détachement. Ainsi, chez Linklaterscomme chez August & Debouzy ou chezSBKG & Associés, on n'hésite pas à met-tre en avant les avantages de cette pra-tique pour toutes les parties prenantes :le cabinet, l'entreprise, et l'avocat déta-ché. Même si, petit détail sémantique,chez Linklaters on ne parle pas de "déta-chement" mais de v. prestations juri-diques en entreprise ».

« Le détachement a été pour moi un accé-lérateur de carrière formidable par l'expé-

rience et l'expertise que j'en ai retirées »,témoigne Mahasti Razavi, associée chezAugust & Debouzy. Au tout début desannées 2000, alors jeune avocate, elle estenvoyée plusieurs mois en mission chezMicrosoft : « Lorsqu'on débute sa car-riére juste après l'école, il arrive souventque l'on traite des dossiers sous l'aspectuniquement juridique sans forcémentavoir conscience de la réalité opération-nelle, relève-t-elle. Chez le client, on voitoù et comment il travaille, on s'intègre àses équipes, pour être totalement immergédans l'organisation et mieux la compren-dre. »

Collaboratrice chez Linklaters, AgatheMotte vient, pour sa part, de passer sixmois en mission au sein d'une grandebanque. « Dans l'entreprise, nous nesommes pas qu'entre juristes et nouscôtoyons le client de manière à lû fois for-melle et informelle, explique-t-elle. C'estprobablement le plus important pouracquérir un vocabulaire commun et mieuxcomprendre ses problématiques. Depuiscette mission, nos rapports sont plusfluides. »

Ex-juriste d'entreprise, aujourd'huiassociée chez SBKG, Séverine Elie sou-ligne, elle aussi, l'intérêt de cette immer-sion pour de jeunes avocats sansexpérience de l'entreprise. « Au sein ducabinet, nous sommes un certain nombred'anciens juristes d'entreprise à connaîtreparfaitement le fonctionnement et lesbesoins d'une sociétê. Ce n'est pas le casdes jeunes qui sortent de l'école d'avocats.Aller en entreprise est très positif poureux car ils acquièrent celte connais-sance. »

Chez August & Debouzy, MahastiRazavi relève que « chaque entreprise ason langage : on parle différemment chezNike ou Lapeyre. Le détachement chez le

client permet d'acquérir ses codes et saculture. Et après, quel gain de temps ! »D'ailleurs, « lorsque l'on hésite sur unrecrutement, on se pose la question : leverrait-on en détachement ? Cela va au-delà de la technicité. » Enthousiaste, ellen'hésite pas à parler dc « supplémentd'âme » chez ses confrères ayant connu"la mission".

Mais si l'avocat détaché doit savoir s'in-tégrer dans l'entreprise, il ne doit jamaisperdre le contact avec son cabinet.« J'avais mon associé réfèrent régulière-ment au téléphone, témoigne AgatheMotte, che/ Linklaters. J'étais conviée àtous les événements sociaux du cabinet etj'avais gardé mon bureau, mon adressemail... » Une proximité qui faciliteensuite le retour au sein de l'équipe. « //ne m'a pas fallu deux jours pour retrouvermes marques avec mes confrères », recon-naît-elle. Mahasti Razavi, elle, passaittous les soirs à son cabinet « pour ne pasperdre le lien ». Et aujourd'hui, quandelle sent un «flottement » chez l'undes avocats détachés de son équipe, elleinstaure un «jour virtuel» au coursduquel il travaille pour le client depuis lecabinet.

« NOUS ENVOYONSLES MEILLEURS

EN DÉTACHEMENT »

Ces missions sont en général confiées àdes collaborateurs, plus rarement à desassociés. « Près de lû % de nos collabora-teurs ont effectué une mission en entre-prise », précise Thierry Riguet, associéchez Linklaters, où la pratique concerneexclusivement les collaborateurs, et surla base d'une volonté partagée. « Nousencourageons nos collaborateurs à alleren mission danti l'entreprise, mais on endiscute », poursuit-il. Ainsi, la mission




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PARTICULIEREMENT SOUPLE, LA FORMULE PERMET AU CLIENTDE BÉNÉFICIER POUR UNE DURÉE DÉTERMINÉE DES RESSOURCES

QUI FONT DÉFAUT À LA FONCTION JURIDIQUE EN INTERNE

d Agathe Motte, prévue pour durer unan, a ete réduite a six mois, parce que lajeune collaboratrice, tout comme sonassocie réfèrent, ne souhaitait pas untemps de détachement si long

Chez August & Debouzj, « notre poli-tique est d envoyer les meilleurs dans lamesure ou nous devons avoir uneconfiance totale en eux, expliqueMahasti Raza\i Vous confiez votre clienta un collaborateur et inversement vousintégrez a I entreprise une émanation ducabinet II ne faut donc pas se tromperEt pour construire avec eux dans la duieeil faut s assurer que les collaborateurs endétachement s y sentent bien » Et si leclient souhaite plutôt le concours d'unassocie ^ «Ce nes i pas un problème,affirme-t-elle On ne peut pas ne pas etrela Et puis e est une forme de dossiercomme une autre »

Chez SBKG & Associes, qui regroupe 26avocats dans trois bureaux (Pans, Mar-seille et Londres), la clientele est constituee pour beaucoup de petites etmoyennes entreprises, notamment aMarseille « L e\ternahsation des servicesjuridiques est un moyen pour ces petitessocietes d'avoir un juriste », expliqueSéverine Elie, associée, qui pratique elle-même tres régulièrement le détachementCette fois pas de missions de six mois atemps plein, maîs plutôt d'une ou deuxjournees par semaine « Nous devons proposer une flexibilite totale pour les PMEpoursuit sa consœur, Delphine Brune!,également associée Certains ont besoind une presence en interne quèlques jourspar semaine d'autres moins Cest aucabinet de s adapter »

UN OUTIL AU SERVICE

DE LA RELATION CLIENT

Dans les faits les clients sont de plus enplus demandeurs de ce type de presta-

tions Files font aujourd'hui partie desarguments commerciaux pour séduire denouveaux clients et de la longue liste desadded value services figurant dans lesappels d'offres La nature des missionsest tres variée II peut s agir notammentde pallier une absence (conge materniteou maladie ) ou de faire face a un sur-croît de tra\ail tempoiane (operation defusion, acquisition restructuration )Sur le plan financier, ces missions tresprisées des clients ne sont en revanchepas les prestations les plus remuneia-tnces pour les cabinets « La rémunéra-tion ? Cest hi plus grande difficulté'C est une négociation de gie a gré quiaboutit a un forfait, affirme Nicolas Gue-rin, directeur juridique du GroupeOrange et membre du conseil d'admims-tration du Cercle Montesquieu ChezOrange nous v avons recours principale-ment pour des operations de fuswn-acqui-sition Les cabinets gagnent moins s'ilsdétachent un avocat che: nous maîs ilssavent que d'autres dossiers viendrontcompenser leur effort Et au final ils s vretrouvent » Un investissement au ser-vice de la relation client, donc, et unoutil de fidehsation Ainsi, quinze ansapres son détachement chez Microsoft,Mahasti Razavi est encore, aujourd'huil'associée en charge de ce client chezAugust & Debouzy Qui plus est, «y aiconnu tous les directeur juridiques deMicrosoft qui sont tous des apporteursdaffanes potentiels, ajoute t elle Celapermet cle developper considérablementson reseau » Enfin, outre le volet commercial et marketing, « cela apporte unebonne visibilité au cabinet, qui nous permet aussi de recruter», complète Séve-rine Elie chez SBKG & Associes

Bien sur, il arrive beaucoup plus sou-vent que chacun veut bien en convenirque I entreprise tente et parvienne adébaucher l'avocat envoyé en missionpar le cabinet « C est arrive che: nousavec un avocat de chez Latham & Wat-

kim qui a finalement choisi de nousrejoindre », se souvient Nicolas Guerin,chez Orange La pratique n'est donc passans risque pour le cabinet des lors qu'ilpeut s'agn d'une mission sans retourUn risque que Thierry Riguet associechez Lmklaters, relativise toutefois « Ledémarchage existe de toute façon, de lapart des confrères comme des entre-prises » Et puis, une fois 'dans laplace", l'ancien collaborateur peut aussis'avérer precieux, pour les dossiers avenir

UN REGARD EXTÉRIEUR,AU QUOTIDIEN

Les entreprises, elles, ont tout a gagnerau détachement Particulièrement sou-ple, la formule permet de bénéficier pourune duree déterminée des ressources quifont défaut a la fonction juridique eninterne, qu'il s'agisse dc traiter des dos-siers classiques ou de recourir a uneexpertise haut de gamme Et au-delà,parfois, «jepense que les clients viennentchercher plus qu une ressource une inde-pendance de i ue », estime MahastiRazavi Un regard exterieur associe aune totale confidentialite, qui fait del'avocat détache en entreprise un colla-borateur tres precieux pour les juristesau quotidien

« Nous touchons parfois a des domainesultraconfidentiels », souligne DelphineBrunet, associée chez SBKG SéverineElie participe même au comite de direc-tion de certains de ses clients PME« Nous y sommes associes et nous élabo-rons la strategie de I entreprise dans notredomaine avec une liberte de parole quen ont pas forcement les salaries » Selonelle la presence régulière d'un avocathors de la sphère du contentieux, permetaux dirigeants d'adopter de bons réflexeset « de dédramatiser I apport du juriste »Aux détachements d'avocats dans les




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PME font d'ailleurs régulièiement suitedes demandes de formation interne

Chez Orange, parmi les 374 juristes direc-tement rattaches au directeur juridiqueGroupe, 17 sont des spécialistes desfusions-acquisitions Or, pour ce typed'opérations, Nicolas Guérin aime« constituer dcs binômes » avec un avocaten détachement « C est important que lesavocats nom connaissent de l'intérieur etnous, on ne peut pas aller chez eux ' Tra-vailler ensemble améliore grandement nw*relation1! Ils sont comme de la janville »

SUR LE PAPIER, ET DANS

LA PRATIQUE

Une famille dont le chef n'est pas force-ment celui que I on croît En principe,l'avocat détache n'est subordonne aaucun lien hiei archique ni soumis auxhoraires de l'entreprise Ainsi, chezAugust & Debouzy, les contrats précisentbien que l'avocat reste sous la responsabi-lite du cabinet et sous la supervision d'unassocie (différent selon la nature de lamission) Cher Linklaters, ou l'on tient aune « approche consensuelle » entre le

cabinet, le collaborateur et le client, les«prestations juridiques en entreprise&font l'objet de conventions tnpartitesChez SBKG & Associes, elles sont regiespar des contrats d'abonnement ou desforfaits Maîs, dans la pratique, NicolasGuerin reconnaît, sans langue de bois,qu un avocat détache en entreprise en rai-son d un surcroît de travail « fait le metierd'un juriste d'entreprise » Bien sûr, « onsigne un contrat sw lequel il est bien spéci-fie qu'il est avocat avec des fonctions bienparticulières, poursuit-il, maîs en réalité ilrejoint nos equipes de juristes ».

AVOCAT DÉTACHÉ

ET AVOCAT SALARIÉ

EN ENTREPRISE

La problématique de l'avocat envoyé enmission en entreprise rejoint-elle donc laquestion, sensible, de la cieation d'unstatut d'avocat salarié en entreprise ?Faut-il y voir une étape intermédiaire, unpréalable qui permet de familiariser lesentreprises avec la presence d'avocatsdans leurs equipes ? Ou plutôt une alter-native a la creation d'un statut d'avocatsalarié de l'entreprise ' « L'avocat salarie

en entreprise est incompatible avec nosrègles professionnelles repond Jean-LucForget, president de la Conference desbâtonniers Maîs il faut repondre auxbesoins des entreprises et construire unerelation de confiance avec elles a partirdes valeurs qui fondent notre professionEn ce sens, le détachement est unealternative, une piste qui peut nous faireavancer »

En levanche, pour William Feugère, pré-sident de l'Association des avocatsconseils d entreprise (ACE), favorable austatut d'avocat salarie en entreprise, lesdeux debats sont bien distincts même siles pratiques sont complementaires« Le détachement existe pour répondre àdes besoins ponctuels Pour le statutd'avocat en entreprise les ob/ectifs sontdifférents les attentes de I entreprise sontdifférentes » Et si selon lui, la professiondevrait panenir sans difficulté à unumsensus sur l'encadrement des mis-sions effectuées par les avocats en entre-prise, elle reste en revanche tres diviséequant a la creation d'un statut d'avocatsalarié de l'entreprise. Dossier qui est,pour l'heure, enterré sous une pile d'au-tres priorités Q

En principe I avocat détache n est subordonne a aucun lien hiérarchique ni soumis aux horaires de l'entreprise En general les contrats précisent que I avocat reste sousla responsabilite du cabinet et sous la supervision d un associe

dossier avocat détaché en entreprise · ex-juriste d'entreprise, aujourd'hui associée...

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