dossier 1re partie musique & neurologie

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REVUE PLURIDISCIPLINAIRE EN NEUROLOGIE MUSIQUE & NEUROLOGIE 10 ANS DE DÉCOUVERTES d www.neurologies.fr EN PRATIQUE Diagnostiquer une diplopie : le rôle du neurologue Laurent Laloum  CONNAÎTRE Effets psychotropes des antiépileptiques : risques et bénéfices Jean-François Visseaux et Anne Thiriaux Mai 2014 • Volume 17 • n°168 • Cahier 1 • 9 La 1 re revue française en Neurologie DPC Développement Professionnel Continu DOSSIER 1 re partie 1. La musique, une fenêtre secrète sur le cerveau Emmanuel Bigand et Barbara Tillmann 2. Comprendre le cerveau musicien avec les patients épileptiques Séverine Samson Coordonné par Gérard Mick PROFESSION L’erreur de diagnostic : simple erreur ou faute ? Laetitia Cros

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Page 1: dossier 1re partie Musique & Neurologie

r e v u e p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n n e u r o l o g i e

Musique & Neurologie10 ans de découvertes

d www.neurologies.fr

eN pratique

Diagnostiquer une diplopie :

le rôle du neurologue

Laurent Laloum

 coNNaître

Effets psychotropes des antiépileptiques :

risques et bénéfices Jean-François Visseaux

et Anne Thiriaux

Mai 2014 • Volume 17 • n°168 • Cahier 1 • 9 €

La 1re revuefrançaise en Neurologie

DPCDéveloppementProfessionnel

Continu

dossier 1re partie

1. La musique, une fenêtre secrète sur le cerveau emmanuel Bigand et Barbara tillmann

2. comprendre le cerveau musicien avec les patients épileptiquesséverine samson

Coordonné par Gérard Mick

professioN

L’erreur de diagnostic : simple erreur ou faute ?

Laetitia Cros

Page 2: dossier 1re partie Musique & Neurologie
Page 3: dossier 1re partie Musique & Neurologie

n Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 156

L'erreur de diagnosticUne simple erreur ou une faute ?Laetitia Cros (Paris)

n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 161

Musique et neurologie : 10 ans de découvertes

1re Partie Coordonné par Gérard Mick (Lyon)

1 n La musique, une fenêtre secrète sur le cerveau . . . . . . p. 162 Emmanuel Bigand (Dijon) et Barbara Tillmann (Lyon)

2 n Comprendre le cerveau musicien avec les patients épileptiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 168 Séverine Samson (Paris)

n à connaître . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 174

Effets psychotropes des antiépileptiques Risques et bénéfices Jean-François Visseaux et Anne Thiriaux (Reims)

n en Pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 181

Diplopie et diagnostic oculomoteur Le rôle du neurologue Laurent Laloum (Paris)

n ActuAlitÉs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 154n Prix et bourses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173n bulletin D’Abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 184n renDez-vous De l'inDustrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 185n neuroAgenDA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 185

sommaire

.Cette publication comporte 2 cahiers : cahier 1 (36 pages) et cahier 2 (4 pages).

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 et 4 pages) et un bulletin d'inscription aux Rencontres de Neurologies (2 pages) Surcouverture Biogen Idec France (4 pages) - Image de couverture: © ktsdesign - Fotolia

Mai 2014 • Vol. 17 • N° 168 • Cahier 1www.neurologies.fr

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Relectrice : Fanny Lentz • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne, 2 Av Berthelot, ZAC de Mercières BP60524 - 60205 Compiègne Cedex

RédacteuR en chef

Pr Franck Semah (Lille).

comité de Rédaction

Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Benjamin Cretin (Strasbourg), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Pr Emmanuel Touzé (Paris), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris).

comité de lectuRe

Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), Dr Florent Borgel (Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy),

comité scientifique

Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-François Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), Pr Olivier Lyon-Caen (Paris), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr Jean-Pierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris)

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154 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

actualités

Mouvements anormaux

Un guide sur le tremblement essentielL’association APTES (Association des

personnes concernées par le trem-blement essentiel) édite “Le guide du tremblement essentiel“, document pra-tique destiné aux patients et à leur en-tourage coordonné par le Pr Emmanuelle Apartis-Bourdieu (présidente du conseil scientifique), le Pr Emmanuel Broussole (vice-président du conseil scientifique),

et Fabrice Barcq (président de APTES). Au sommaire : “Mieux connaître sa ma-ladie” (Le tremblement essentiel, Les signes moteurs, Le handicap, La phy-siopathologie, La génétique, Syndromes secondaires, L’anxiété sociale, La pho-bie sociale, Les syndromes dépressifs), “Mieux vivre son parcours de soins” (Par-cours de soins, Neurologie, Neuropé-

diatrie, Médicaments, Toxine botulique, Stimulation cérébrale, GammaKnife, Traitements pédiatriques, Kinésithérapie, Prise en charge, Aide psychologique).

• Pour en savoir plus :APTES100 rue Boileau, 69006 Lyonwww.aptes.org ß

Patients

Annonce et accompagnement du diagnostic d’une maladie chronique La HAS propose un “Guide parcours de

soins”, document de soutien pratique destiné aux médecins qui ont à annoncer des diagnostics de maladie chronique dans un contexte de premier recours. Ce guide évoque notamment les spé-

cificités et contraintes fréquentes dans le contexte ambulatoire, où le médecin doit établir une relation de soin auprès de patients parfois déjà informés plus ou moins complètement sur leur dia-gnostic, ainsi que des échanges avec les

autres spécialistes et l’hôpital.• Pour en savoir plus www.has-sante.fr/portail/jcms/ c_1730418/fr/annonce-et- accompagnement-du-diagnostic-dun-patient-ayant-une-maladie-chronique ß

A visiter

« Charcot : une vie avec l’image » Au sein du groupe Pitié- Salpêtrière, à Paris, jusqu’au 9 juillet 2014 (Eglise Saint-Louis). Un hommage à Jean-Martin Charcot (1825-1893), qui pra-tiqua dans cet hôpital à partir de 1862, et à sa méthode de recherche. La scénographie s’organise en trois temps : une première séquence à la fois chronologique et théma-tique, illustrant le parcours de Charcot au travers de des-

sins originaux, de montages audiovisuels thématiques ainsi que d’agrandissements d’œuvres mises à l’échelle du lieu ; une deuxième séquence, sous la coupole centrale où le cercueil de Charcot avait été exposé à sa mort, centrée au-tour de l’évocation d’une le-çon de Charcot et de 3 objets emblématiques, dont la robe de l’Institut ; une troisième séquence consacrée aux tra-vaux d’artistes contemporains

faisant écho à l’œuvre de Charcot.Organisée par le Dr Catherine Bouchara, médecin psychiatre à la Pitié-Salpêtrière, le Pr David Cohen, chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la Pitié-Sal-pêtrière, et Philippe Pumain, architecte.• Pour en savoir plus : h t t p : / / m u s e e - a p h p . f r /exposition- charcot-une-vie-avec-limage/ ß

à LIRE

« Une fenêtre sur les rêves : neuropathologie et pathologies du sommeil »Isabelle Arnulf Editions Odile Jacob2014, 224 pages

Il existe une approche scientifique des rêves  : on peut désormais savoir si hommes et femmes rêvent des mêmes choses, si nous volons tous en rêve ou

si nous rêvons tant que cela de sexe... L’étude des rêves permet aussi de mieux comprendre les maladies du sommeil  : hallucinations, somnambulisme, terreurs nocturnes, narcolepsie et trouble com-portemental en sommeil paradoxal. Entre ses expéditions chez les moines contemplatifs qui « rêvent du diable », les

rêves de ses patients, et ses expériences au laboratoire du sommeil, Isabelle Arnulf (di-rectrice de l’Unité des patho-logies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière), ouvre une fenêtre fascinante sur ce “théâtre de la nuit”. ß

Page 5: dossier 1re partie Musique & Neurologie

Profession

156 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168

Le neurologue a reçu la patiente mais n’a pas jugé nécessaire de procéder à des examens com-plémentaires, se contentant de prescrire un antimigraineux et, en cas de fortes migraines, un anti-inflammatoire.

Regagnant aussitôt l’Angleterre, la patiente ne reverra pas ce médecin. Six mois plus tard, un scanner cé-rébral a mis en évidence que la patiente était en réalité atteinte d’une importante tumeur céré-brale : un « astrocytome anapla-sique (grade III OMS) de la taille d’une pomme »…

Aujourd’hui, après des séances de radiothérapie et trois interven-tions chirurgicales, les séquelles sont lourdes : Madame E. présente une cécité unilatérale, une agueu-sie et une anosmie. Elle ressent un sentiment d’aban-don de la part du corps médical : « Je me pose toujours la même question : pourquoi, pourquoi, avec ce que j’ai décrit, mes douleurs, ma souffrance, rien n’a été fait pour me rassurer ? Un examen complémentaire comme l’IRM aurait pu m’être proposé ».

L’erreur de diagnosticUne simple erreur ou une faute ?

n Un cas récent mettant en évidence une erreur de diagnostic commise par plusieurs médecins

concernant une patiente nous conduit à rappeler les conditions dans lesquelles un médecin peut voir

sa responsabilité engagée dans l’élaboration de son diagnostic.�

� Laetitia Cros*

*Avocat à la Cour, Paris

C’est l’histoire de Madame E., âgée de 29  ans, résidant en

Angleterre, qui a ressenti su-bitement de violents et inces-sants maux de tête, accompa-gnés de plusieurs malaises sur son lieu de travail et à son do-micile avec la “vision d’étoiles”.

Conduite plusieurs fois aux ur-gences à Londres à la suite de ces malaises, elle en sortira à chaque fois sans qu’aucun examen médi-cal ne soit réalisé. Les douleurs sont ensuite deve-nues de plus en plus violentes et invalidantes, à tel point que la pa-tiente a été contrainte d’abandon-ner son emploi.

Inquiète, la mère de la patiente a alors décidé de lui prendre ren-dez-vous avec un médecin fran-çais neurologue, à qui elle a dé-crit les troubles subis par sa fille, l’absence de tout examen médi-cal antérieur réalisé par les méde-cins anglais, et a fait part de sa plus grande inquiétude.

Dans quel cas l’erreur de dia-gnostic peut-elle engager la res-ponsabilité du médecin ? Dans le cas de Madame E., qu’auraient dû faire les méde-cins pour éviter une telle er-reur de diagnostic ?

La distinction entre La faute et L’erreur de diagnosticDepuis le célèbre et très ancien ar-rêt Mercier rendu par la Cour de cassation, confirmé par la loi du 4 mars 2002, la responsabilité du médecin ne peut être engagée qu’en cas de faute. Le médecin est tenu à une obligation de moyens, et non de résultat, à l’égard de son patient, et doit ainsi mettre tout en œuvre pour délivrer au patient « des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science » (art. R.4126-32 du Code de la santé publique). L’ar-ticle R.4127-33 du même Code prévoit également que « le méde-cin doit toujours élaborer son dia-gnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques

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L’erreur de diagnostic

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168 157

les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés ».

La médecine n’étant pas une science exacte, ce qui explique l’obligation de moyens et non de résultat qui pèse sur chaque méde-cin, la jurisprudence estime que l’erreur ou le retard de diagnos-tic ne constitue pas en principe une faute. Le médecin n’enga-gera pas sa responsabilité si, par exemple, son erreur est due à un tableau symptomatique atypique du patient, si les symptômes appa-rents du patient au moment où il a été vu par le médecin excluaient un tel diagnostic ou encore au re-gard de la rareté de la maladie qui rendait particulièrement diffi-cile de poser le bon diagnostic, en particulier pour un médecin non spécialiste.

En revanche, l’erreur de dia-gnostic deviendra une faute dès lors qu’elle résultera d’omis-sions ou de négligences de la part du médecin. Tel est le cas par exemple d’un médecin qui ne se donne pas les moyens de poser le bon diagnostic en ne prescrivant aucun examen médical en dépit des symptômes présentés par le patient, ou qui examine très som-mairement son patient. Ainsi, la jurisprudence a pu retenir la res-ponsabilité d’un médecin neuro-logue « pour ne pas avoir diagnosti-qué ou poursuivi des investigations permettant de dépister la compres-sion médullaire dont souffrait Mme A. en raison d’un méningiome im-planté en T5 constitue un manque-ment compte tenu des troubles dé-crits et de leur évolution » (CAA de Nancy, 3e Chambre, 5 mai 2011, n°10NC00624), ou encore, après avoir constaté « l’absence d’examen neurologique approfondi, alors que l’intéressé présentait des troubles à prédominance digestive mais

également des troubles visuels » qui auraient permis de diagnostiquer l’accident vasculaire cérébral dont était atteint le patient (CAA de Marseille, 2e Chambre, 7 juin 2011, n°09MA00583). En revanche, la responsabilité d’un centre hos-pitalier n’a pas été retenue pour un patient qui reprochait que la constitution d’un accident vascu-laire cérébral lors de son hospita-lisation n’avait pas été détectée par plusieurs praticiens hospitaliers aux motifs que « le diagnostic d’ac-cident vasculaire cérébral était dif-ficile en raison de la nature des lé-sions artérielles constatées » (CAA de Versailles, 4e Chambre, 29 dé-cembre 2009, n°08VE02135).

Le Juge appréciera ainsi au cas par cas, au regard des symptômes pré-sentés par le patient, de sa situa-tion personnelle (antécédents mé-dicaux, familiaux) des diligences accomplies par le praticien (exa-men clinique consciencieux et ap-profondi du patient, prescription d’examens médicaux, investiga-tions approfondies), du contexte (urgence thérapeutique) ou en-core des données acquises de la science au moment des faits. Il se référera ainsi au bonus pater fa-milias pour apprécier si, dans la même situation, un autre médecin aurait agi de la même manière.

Pour autant, si l’existence d’une faute est prouvée, encore faut-il démontrer le lien de causali-té direct et certain entre cette faute et le préjudice subi par le patient pour engager la res-ponsabilité du médecin. C’est là le rôle essentiel de l’expertise médicale ordonnée par le Juge. Si la triple condition d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de cau-salité entre les deux est mise en évidence, le médecin engagera alors sa responsabilité devant les

juridictions civiles ou la responsa-bilité de l’établissement de santé public devant les juridictions ad-ministratives pour une faute com-mise dans le cadre de ses fonctions hospitalières et non détachable de sa fonction publique, pour ré-parer notamment le préjudice de perte de chance pour le patient. La responsabilité disciplinaire du médecin pourra également être engagée devant les juridictions or-dinales sur le fondement des ar-ticles R.4127-32 et R.4127-33 du Code de la santé publique, sous réserve que les négligences ou omissions du praticien soient fla-grantes et qu’ainsi l’appréciation de sa faute dans l’établissement du diagnostic ne relève pas d’un débat d’ordre technique, auquel cas seul le Juge civil ou le Juge administra-tif serait compétent.

Quelles sont les précautions à prendre pour un médecin afin d’éviter autant que possible une erreur de diagnostic ?

Le rôLe essentieL de L’anamnèse dans L’étabLissement du diagnosticL’étape essentielle qui ne doit pas être négligée par le praticien avant de poser son diagnostic est l’anam-nèse. L’anamnèse est en effet l’étape incontournable et essen-tielle de l’activité de tout méde-cin : elle est à la fois le ciment de la relation médecin-patient et la clé de voûte de la prise en charge mé-dicale. En fonction des informa-tions recueillies, le médecin pour-ra ainsi déterminer les symptômes présentés par le patient, posera des hypothèses diagnostiques, dé-finira le traitement à mettre en place, les examens et actes médi-caux éventuels à réaliser, etc. L’ef-ficacité de la prise en charge du

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160 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168

Profession

patient est donc conditionnée par cet échange et la manière dont le médecin conduira cet entretien permettra d’instaurer ou non une relation de confiance avec son patient.

Mener à bien l’anamnèse n’est cependant pas chose si aisée en pratique.

Une anamnèse bien menée doit en effet répondre à deux critères, l’un objectif, portant sur les informa-tions de nature médicale (symp-tômes, antécédents médicaux, interactions médicamenteuses, risques allergiques, infectieux, etc.), l’autre subjectif, relatif à la personnalité du patient, sa culture, son niveau d’instruction, sa sincé-rité, ses conditions et habitudes de vie, etc. Ce critère subjectif, diffi-cile à appréhender pour un méde-cin, est aussi important que le re-cueil des informations médicales : deux patients présentant des pro-blèmes similaires peuvent décrire de manière très différente leurs symptômes et influencer ain-si sensiblement le médecin dans l’établissement de son diagnostic. Aucun questionnaire, aussi précis soit-il, ne peut donc répondre à ce critère subjectif, seul un interro-gatoire oral et consciencieux pour-ra satisfaire à ce second critère et conduire ainsi à une prise en charge adaptée. Le cas de Madame E. témoigne de la difficulté en pra-tique de mener à bien l’anamnèse ; elle indique avoir décrit au méde-cin neurologue l’intensité de ses douleurs et son vécu mais que ce-lui-ci n’a prescrit aucun examen d’imagerie médicale.

Une seconde difficulté tient natu-rellement à l’urgence thérapeu-tique dans laquelle peut se trouver le médecin qui n’aura pas d’autre choix que d’établir rapidement son diagnostic. De manière plus générale, au-delà même de l’ur-gence, le manque de temps du fait de l’importance quantitative de l’activité médicale est aujourd’hui majoritairement invoqué par les médecins comme une limite à l’anamnèse.

Une autre difficulté que rencontre un médecin dans la pratique, et qui explique peut-être l’absence de prescription de tout examen médical dans le cas de Madame E., est le difficile équilibre à trouver entre l’obligation de moyens qui pèse sur chaque médecin, c’est-à-dire l’obligation de mettre tout en œuvre pour guérir ou soulager le patient, et les dispositions de l’ar-ticle L.162-2-1 du Code de la Sécu-rité sociale, selon lesquelles les mé-decins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions de veiller à « la plus stricte économie ». Pour autant, on relèvera que ce même article précise que ces préoccupa-tions financières doivent être com-patibles avec « la qualité, la sécu-rité et l’efficacité des soins » (dans le même sens : art. R.4127-8 du CSP). Un médecin ne peut donc se prévaloir de considérations d’ordre financier qui limitent sa liberté de prescription pour justifier un quelconque défaut de diligences.

D’autres difficultés tenant à la multiplication des spécialités, à l’hypertechnicité de la médecine

actuelle ou encore à l’absence de formation à la communication professionnelle sont également des limites à l’anamnèse. Sur ce dernier point, il est à noter qu’un progrès significatif pourrait être fait d’une manière simple et rapide en intégrant dans les facultés de médecine une formation universi-taire relative à la communication professionnelle.

En effet, depuis de nombreuses an-nées, la littérature médicale (no-tamment de nombreuses études canadiennes) a établi les effets bé-néfiques de la communication mé-dicale sur la qualité des soins.Pourtant, en dépit de ces nom-breuses études, il demeure en France une idée très forte selon laquelle le “savoir-communiquer” s’acquiert par le praticien après des années d’expérience. Une telle idée doit être bien évidemment combattue au regard de l’inté-rêt du patient et de l’éthique de la profession. Il est en effet primor-dial de faire de la communication professionnelle un enseignement universitaire c’est-à-dire une véri-table compétence indispensable à l’exercice de la médecine et non un trait de personnalité propre à cha-cun. L’enjeu est de taille, tant pour les médecins au regard de leur bien-être personnel et des chances de voir engager leur responsabili-té, que pour la qualité des soins dé-livrés aux patients. n

correspondance

Laetitia Cros

Avocat à la Cour, Paris

E-mail : [email protected]

Page 8: dossier 1re partie Musique & Neurologie

Musique et Neurologie : 10 ans de découvertes

1re partieCoordonné par Gérard Mick

1 La musique, une fenêtre secrète sur le cerveau � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 162

Emmanuel Bigand (Dijon) et Barbara Tillmann (Lyon)

2 Comprendre le cerveau musicien avec les patients épileptiques � � p� 168

Séverine Samson (Paris)

> A paraître dans un prochain numéro de NEUROLOGIES :

• Maladie de Parkinson : le rythme de la musique au secours de la maladie

Simone Dalla Bella et Charles-Etienne Benoît (Montpellier, Varsovie)

• Etudier la maladie d’Alzheimer en musique

Hervé Platel (Caen)

• La musique adoucit les douleurs

Gérard Mick (Lyon-Bron), Lolita Mercadié (Brest) et Emmanuel Bigand (Dijon)

dossier

M usique et Neurologie sont déjà de vieux amis. Nombreux sont ceux parmi nous qui apprécient, pra-tiquent, enseignent parfois, la musique. Ce sont aujourd’hui les chercheurs qui enrichissent ces liens déjà forts tout autant que notre pratique et notre savoir : la musique entre de plain-pied dans le monde

de l’épilepsie - ou encore du Parkinson, de l’Alzheimer, ou de la douleur, comme cela sera dévelopé dans un pro-chain numéro de NEUROLOGIES. La dynamique collective du projet EBRAMUS (Europe Brain and Music), portée par les contributeurs de ce dossier thématique, en est une illustration convaincante. Ou comment, avec le rythme, la mélodie, l’émotion, le patient peut s’inscrire dans un cadre thérapeutique de plus en plus codifié. Et lorsque l’art musical se mêle à la pratique quotidienne, savourons…

Gérard Mick (Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur , Hôpital Neurologique, BRON, et CNRS UMR 5022)

Page 9: dossier 1re partie Musique & Neurologie

162 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168

dossier

La musique : une énigme pour Les neurosciences En 1989, lors du premier grand congrès des sciences cognitives de la musique en France, I. Peretz af-firmait que la musique offrait un moyen unique de comprendre le fonctionnement du cerveau. La musique serait une activité hu-maine spécifique, reposant sur des processus modulaires spécia-lisés, qui requièrent une approche particulière pour être comprise. Mais pour quelle raison une activi-té sans valeur adaptative évidente pourrait-elle bénéficier de proces-sus de traitement spécialisés ?

Cette proposition fut contestée par d’autres chercheurs, soute-nant que le traitement cérébral des phénomènes musicaux em-prunte des réseaux neuronaux dé-veloppés pour l’adaptation.

• Selon Pinker [1], la musique se­rait une production humaine dérivée de l’adaptation, qui uti-liserait la “boîte à outils cogni-tive” sélectionnée par l’évolution pour des activités indispensables

à la survie et la reproduction. Pour Pinker, cette « boîte à outils peut cependant servir pour élaborer des projets, le dimanche, dont la valeur adaptative est douteuse », et « la musique pourrait disparaître dans notre espèce, le reste de notre mode de vie resterait pratiquement in-changé ». La position de Pinker est évidemment choquante pour les amateurs d’art, mais elle témoigne d’une conception dominante dans les sociétés économiquement fa-vorisées : la musique est le plus souvent considérée comme une valeur ajoutée, rarement comme une valeur fondamentale pour la société.

• D’autres alternatives ont été en-visagées [2]. La musique pour­rait être un “vestige” de l’adap­tation, dont les réseaux ont été réutilisés avec l’évolution humaine pour d’autres fonc­tions, mais elle n’aurait rien de spécifique.

• Une position opposée est celle de Patel [3] : à la différence de ce que l’on peut observer pour le langage, rien ne prédestinait l’espèce hu-maine à développer une aptitude musicale. Il s’agirait d’une “in­vention” récente, accidentelle,

qui a cependant eu un impact majeur sur le développement de nombreuses aptitudes cogni­tives. Patel propose ainsi de com-prendre la musique comme une “technologie transformationnelle de l’esprit”, qui, au même titre que la lecture par exemple, prend son origine dans des aptitudes généti-quement déterminées, mais mo-dule ensuite considérablement l’évolution du cerveau.

En somme, l’aptitude humaine pour la musique se présente comme une énigme à résoudre pour les neurosciences : aptitude dérivée de l’adaptation ? Vestige d’une aptitude archaïque à com-muniquer par les sons et les cris ? technologie transformationnelle ? aptitude spécifique génétique-ment déterminée ? A cela, nous ajouterions la proposi-tion de Darwin, reprise par de nom-breux psychologues du dévelop-pement : la musique traduirait une compétence innée à com­muniquer par les sons. Elle peut ainsi préfigurer l’émergence du lan-gage, qui est la véritable techno logie transformationnelle de l’esprit, en s’appuyant sur une aptitude plus fondamentale, celle à communiquer émotionnellement par les sons.

1 La musique...Une fenêtre secrète sur le cerveau

n La musique est encore une énigme pour les neurosciences. Aptitude dérivée de l’adaptation ?

Vestige d’une aptitude archaïque à communiquer par les sons et les cris ? Technologie transfor-

mationnelle ? Aptitude spécifique génétiquement déterminée ?

� Emmanuel Bigand1 et Barbara Tillmann2

1 Université de Bourgogne & Institut Universitaire de France, Dijon 2 Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon

Page 10: dossier 1re partie Musique & Neurologie

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168 163

Musique et Neurologie

chez des enfants musiciens par rapport à des non- musiciens (voir [7] pour une revue).

Plus récemment, des études longitudinales ont été réalisées afin d’exclure l’éventualité que les aptitudes des musiciens diffèrent de celles des non-musiciens avant l’apprentissage musical.

Langage et musique contiennent des informations liées à la hau­teur du son, ainsi que des struc­tures temporelles telles que le rythme et la métrique. La comparaison entre musiciens et non-musiciens a révélé que la dimension de hauteur est plus fi-nement représentée au niveau cognitif chez les musiciens que chez les non-musiciens, permet-tant ainsi aussi un meilleur trai-tement de la prosodie linguistique [8]. L’hypothèse d’un partage des mécanismes de traitement de la hauteur pour la musique et le lan-gage a été renforcée avec l’étude de l’amusie congénitale : les individus concernés présentent un déficit du traitement de la hauteur non seu-lement pour un matériel musical mais également pour un matériel linguistique [9].

Le traitement partagé pour lan­gage et musique concernant la dimension temporelle (rythme, métrique) est également suggéré par des études révélant que des en-fants dysphasiques ou dyslexiques présentent également des défi-cits du traitement rythmique et métrique des informations non langagières ou musicales, ce qui a été exploité afin d’améliorer le trai-tement du langage par stimulation rythmique et/ou musicale [10].

Enfin, de façon plus spécifique, la perception de la parole des enfants sourds est améliorée lorsqu’un

Le débat n’est pas nouveau et il agi-tait déjà les intellectuels du Siècle des Lumières : pour le composi-teur Rameau, le son musical « est le support de la structuration de la conscience à partir duquel a pu se construire et se développer l’esprit humain ». L’analyse des activités cérébrales que la musique sollicite pourrait-elle contribuer à éclairer ces ques-tions ? Même si l’énigme demeure, l’ensemble des travaux entrepris depuis bientôt 30 ans permet de privilégier certaines hypothèses.

musique et LangageLa musique est une activité com-plexe qui s’observe dans toutes les sociétés humaines. Elle n’a pas d’équivalent dans le règne animal, et elle accompagne les civilisations depuis des temps anciens. La dé-couverte de flûtes préhistoriques taillées dans l’os datées d’environ 40 000 ans révèle l’existence très précoce d’une manufacture ins-trumentale sophistiquée, et l’on peut penser que des formes non instrumentales d’activité musicale puissent être apparues plus tôt en-core, il y a 250 000 ans [2].

Dans les recherches en neuro­sciences et sciences cognitives, une attention particulière a été ac-cordée aux liens entre musique et langage. Si la musique traduit une forme de compétence à commu-niquer par l’intermédiaire de sons non signifiants, dans la plupart des sociétés humaines, elle repose sur des règles de composition et des mécanismes d’exécution d’une re-marquable complexité. Cela nous renseigne sur la structure d’une pensée humaine non verbale : ana-lyser l’organisation des systèmes musicaux contribue à comprendre le fonctionnement des processus

mentaux des acteurs qui les pro-duisent, les reçoivent, et les trans-mettent, et des auditeurs qui les perçoivent [4]. La compétence syn-taxique musicale diffère de celle que l’on observe pour le langage, car elle articule des données non sym-boliques [5]. A ce titre, elle aurait donc pu jouer le rôle d’un véritable laboratoire pour la communication orale, préparant l’émergence de formes symboliques d’expression.

Langage et musique : des activations cérébraLes simiLairesDes activations cérébrales simi-laires pour la perception d’un ma-tériel langagier et d’un matériel musical ont été rapportées, no-tamment lorsque l’auditeur doit traiter une violation des struc-tures syntaxiques dans une phrase ou une mélodie [3, 6]. Par exemple, il a été montré par EEG une négativité précoce et une positivité tardive lors du traite-ment des violations des structures des deux domaines, c’est-à-dire langagières ou musicales, et par imagerie cérébrale fonctionnelle qu’une manipulation des struc-tures musicales évoquait une acti-vation de l’aire de Broca et son ho-mologue dans l’hémisphère droit, similaire à celle observée lors d’une manipulation des structures linguistiques. Ces constants sug-gèrent l’hypothèse de ressources neuronales partagées pour le trai-tement des structures syntaxiques du langage et de la musique, et d’une influence potentiellement bénéfique de l’entraînement musi-cal sur le traitement d’autres pro-cessus, y compris le langage.

La musique améLiore Les aptitudes LinguistiquesDes travaux récents ont en effet montré une amélioration du traite-ment des structures linguistiques

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structures cérébrales qui génèrent la sensation de plaisir par anti-cipation de moments musicaux particulièrement intenses se dis-tinguent même de celles qui sont intensément activées au point culminant (frissons) de ces climax musicaux [11]. Un effet émotionnel intense lié à l’écoute musicale peut également se produire lorsque les auditeurs ne connaissent pas au préalable les œuvres [12]. De plus, la magnitude des activations au niveau des noyaux du striatum ventral puis du cortex auditif est étroitement corrélée au montant que les participants sont prêts à payer pour acheter l’œuvre ain-si découverte afin de l’écouter à nouveau.

L’enfant naît “musicaL”Comment un stimulus hautement culturel, qui n’apporte aucune in-formation précise sur le monde extérieur, peut-il avoir un impact émotionnel aussi important que des stimuli biologiquement très pertinents ? Comment les traite-ments cognitifs et émotionnels interagissent-ils et par quels ré-seaux neuronaux ces stimuli sont-ils traités ?

L’étude des réponses du nour-risson à la musique suggère que ce stimulus est immédiatement identifié comme écologiquement pertinent. Il est remarquable de constater que des pièces musi-cales entendues in utero peuvent être reconnues un an après la nais-sance, même si elles ne sont pas présentées à nouveau [13]. La voix de la mère entraîne plus de réac-tions d’éveil du bébé lorsqu’elle est chantée que lorsqu’elle est parlée, la voix chantée régulant également le taux de cortisol chez le bébé [14]. Enfin, les bébés diffé-rencient des groupes rythmiques relativement complexes et sont

mot ou une phrase est précédé(e) par un rythme musical qui pos-sède une structure métrique simi-laire au mot ou à la phrase.

Homo musicaLisL’apport essentiel de Lerdahl et Jackendoff [5] a été de montrer comment l’ensemble des infor-mations perceptibles pouvait être intégré afin de conduire à une représentation mentale d’une œuvre musicale sous la forme d’un emboîtement de relations hiérarchisées de tensions et dé­tentes, structures dites de “pro-longation”. Ces structures sont essentielles, car elles sont inter-prétables d’un point de vue émo-tionnel et expressif.

émotions et cognitionEn proposant un cadre unifié entre cognition et expression mu-sicale, ils montrent que la mu­sique constitue un excellent modèle d’étude des relations entre émotion et cognition. La musique est un stimulus cultu-rel dont les implications adapta-tives sont bien moins immédiates que la vue d’un stimulus biologi-quement signifiant pour la survie, pour lequel les réponses émotion-nelles peuvent être remarquable-ment intenses et variées. La mu-sique peut cependant tout à la fois calmer les humeurs des enfants, stimuler la libido des adolescents, exacerber les motivations belli-queuses des soldats, majorer la ré-sistance à la douleur.

Les études en imagerie céré­brale montrent que la musique stimule les mêmes circuits neuro-naux que ceux activés par des sti-muli biologiquement pertinents (sexe, nourriture, drogue) et peut moduler le fonctionnement du système dopaminergique. Les

capables de discriminer des dif-férences fines d’intervalles mélo-diques, distinguent les fonctions tonales des sons, parviennent à différencier des modulations dans des tons proches et des tons éloi-gnés, et sont capables de perce-voir les structures de phrases mu-sicales et d’apprendre rapidement les règles fondamentales de nou-veaux langages musicaux [15].

Ces constats accréditent l’idée que l’humain naît “musical” ; cela sup-pose que les compétences musi-cales soient largement partagées dans la population, ce qui a été confirmé par de nombreux tra-vaux. Entre autres, lorsque les tâches perceptives demandées ne partagent pas de similitudes avec les exercices d’écoute auxquels les musiciens ont été entraînés, les performances des auditeurs sans formation musicale ne dif-fèrent pas de celles des musiciens [16, 17]. La compétence pour la musique se développe ainsi dans le grand public tout comme une compétence linguistique, sous le simple effet des interactions avec l’environnement.

La musique pour stimuLer Le cerveauLa résistance de l’aptitude musi-cale à certaines pathologies et son usage potentiel pour la rééduca-tion de certains déficits neuropsy-chologiques constituent tout à la fois un champ de recherche fon-damentale pour éclairer les ap-titudes musicales et un champ de recherche clinique pour dé-finir de nouvelles perspectives thérapeutiques.

La musique a des effets dynamogéniquesElle peut modifier le rythme res-piratoire, l’amplitude ventilatoire,

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Musique et Neurologie

le rythme cardiaque ou le débit cardiaque. Ces modifications, exploitées dans les clubs d’aérobic, améliorent la tension et l’endurance muscu-laires et accroissent la résistance physique à l’effort. La musique a également des effets anxioly-tiques, affecte les taux de testo-stérone et stimule les structures cérébrales habituellement acti-vées par des stimuli biologique-ment pertinents tels que la nourri-ture ou les stimulations érotiques [10, 18].

La musique modifie Le fonctionnement cognitifEn 1993, Rauscher et al. rappor-taient que 10 minutes d’écoute d’une sonate de Mozart amé-liorent le QI spatial par rapport à une situation de relaxation [19]. Bien que cette étude pionnière ait été sujette à de nombreuses cri-tiques, dont celle de sa difficul-té de réplication, l’effet bénéfique de la musique sur les fonctions cognitives a depuis donné lieu à de très nombreuses recherches, et celles-ci ont montré que la mu-sique améliore les performances dans des tâches cognitives di-verses telles que la conscience phonémique, la lecture, la mé-moire verbale, les épreuves de rai-sonnement et de mathématiques [20].

Le pouvoir le plus surprenant de la musique est probablement il-lustré par les études cliniques. O. Sacks [21] décrit un grand nombre de cas pathologiques dans lesquels les aptitudes mu­sicales demeurent préservées, ce qui suggère de mettre en œuvre de nouvelles stratégies thérapeu-tiques. Le programme européen EBRAMUS approfondit une telle perspective (http://leadserv.u-bour-gogne.fr/ebramus/), notamment à

propos des effets de la musique sur les compétences perceptives, cogni-tives et motrices [18].

Des recherches récentes ont mon-tré que l’écoute de la musique contribue à réduire ou compen­ser les conséquences cognitives des atteintes cérébrales :

• Les patients héminégligents dé-tectent plus facilement des cibles présentées dans le champ hémi-négligent lorsqu’ils écoutent de la musique plaisante [22].

• Un groupe de patients ayant pré-senté un AVC et ayant écouté pen-dant minimum une heure chaque jour pendant 2 mois des mu-siques de leur choix ont des per-formances meilleures à 3 et 6 mois en termes de mémoire de travail, fluence verbale, attention focali-sée, et attention soutenue qu’un groupe apparié écoutant pendant la même durée des textes de leur choix ou un groupe contrôle ayant des séances régulières de rééduca-tion conventionnelle [23]. De plus, le groupe ayant écouté de la mu-sique s’est révélé moins dépres-sif et d’humeur plus stable que les deux autres. Pour les auteurs de ce travail, la musique serait un vec-teur de plasticité cérébrale d’au-tant plus actif que le cerveau serait en phase d’organisation ou réorga-nisation, comme au cours de l’en-fance ou après un AVC. Chez des patients sans formation musicale, apprendre à jouer des gammes et des mélodies simples sur un piano ou un piano-percussion au cours de 15 séances pendant 3 semaines après un AVC permet de retrouver des gestes plus rapides, plus précis et plus articulés, et d’être confron-té à moins de difficultés d’adapta-tion motrice à la vie quotidienne que les patients d’un groupe contrôle [24].

La musique, une activité compLexe Ces travaux suggèrent que la mu-sique peut potentiellement sti-muler les capacités sensorielles, cognitives et motrices, et induire ainsi des transferts positifs vers des aptitudes non musicales. A ce titre, la musique semble agir comme une technologie transfor-mationnelle de l’esprit, comme le propose Patel [3].

La musique est en effet une ac­tivité complexe qui sollicite de nombreuses aptitudes à diffé­rents niveaux de l’architecture cognitive. Les processus sensoriels contri-buent à l’extraction de la hauteur fondamentale du son, la fusion des composantes spectrales, la discri-mination de changements fins de fréquence, d’intensité ou de durée. L’organisation perceptive consiste ensuite à séparer les flux sonores et extraire des organisations lo-cales ayant des qualités formelles saillantes sur la dimension de la hauteur, telle que le contour mé-lodique, ou du temps, telle que la métrique. Une phase d’intégration similaire à l’intégration linguistique des mots en phrases intervient également. Tout langage musical crée des régu-larités entre les sons musicaux, im-plicitement analysées par les audi-teurs pour en déduire une syntaxe. La perception de sons musicaux, i.e. la musique, active chez l’audi-teur des connaissances implicites du système musical, ce qui contri-bue, dans le cas de la musique oc-cidentale qui est la plus étudiée, à intégrer les sons musicaux dans un réseau complexe de relation hiérar-chique [4, 5, 16]. Cette phase d’inté-gration suppose le traitement si-multané en mémoire de travail des informations sensorielles liées aux sons et des attributs plus abstraits

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liés aussi bien au contexte musical dans lequel les sons musicaux sur-viennent qu’aux régularités statis-tiques propres au langage musical. La mémoire de travail joue un rôle crucial dans le déroulement d’un processus musical à petite et à grande échelle de temps, une pièce musicale étant organisée à un ni-veau rhétorique comme un dis-cours [25].

Conjointement à l’intervention de ces processus cognitifs, et par-fois même en relation directe avec eux, l’auditeur va ressentir des émotions, parfois intenses sur le plan neurophysiologique, qui évo-luent de façon dynamique avec l’œuvre [11, 12]. La musique ayant également des qualités dynamiques qui proviennent de son organisa-tion temporelle hiérarchique, elle est aussi une invitation au mouve-ment. Selon la culture et le contexte social, cela peut conduire à des comportements complexes tels que la danse, ou de simples mouve-ments accompagnant de façon syn-chrone la rythmicité de la musique. Bien d’autres opérations cognitives, émotionnelles et motrices peuvent être décrites en considérant le mu-sicien interprète. Les interprètes doivent transformer une informa-tion visuelle fournie par la partition en actions motrices qui sont préci-sément organisées dans l’espace et le temps, et doivent produire une structure sonore inductrice d’émo-tions. Lorsque plusieurs inter-prètes jouent ensemble, ils doivent également développer des compé-tences afin d’être en synchronie, faute de quoi le résultat sonore sera incohérent ou sans intérêt expres-sif pour l’auditoire.

L’activation d’un Large réseau neuronaLIl est probable qu’aucun des mé-canismes neuronaux impliqués

ne soit spécifique à la musique, mais on peut considérer que la musique est l’une des rares acti-vités humaines engageant l’en-semble de ces processus d’une fa-çon synchrone.

Cela se traduit par l’activation d’un large réseau neuronal, bien au­delà des cortex auditifs primaire et secondaire. Selon Janata [26], la caractéris-tique la plus remarquable des ac-tivations cérébrales induites par l’écoute de la musique est d’enga-ger à la fois un réseau neuronal dé-dié à la gestion des actions orien-tées vers le monde extérieur, et le réseau neuronal qualifié de “ré-seau du mode par défaut” orienté vers la vie intérieure du sujet et im-pliqué dans les états de conscience du soi intégrant pensées, émotions, et relations sociales. La fonction principale du premier réseau est d’organiser le comportement dans le temps dans l’environnement extérieur, il nécessite un cou-plage entre perception et action ainsi que la mobilisation des res-sources attentionnelles et la mé-moire de travail. La majeure partie de ce réseau peut être activée par des stimulations de nature musi-cale. Par exemple, le gyrus fron-tal inférieur et l’operculum frontal sont activés, avec une asymétrie à droite, lorsque les auditeurs en-tendent des séquences d’accords qui obéissent ou non aux régulari-tés syntaxiques de la musique oc-cidentale tonale [6, 27]. L’autre ré-seau est en revanche engagé dans diverses formes de réponses af-fectives et dans les processus au-to-référentiels. Plusieurs aires de ce réseau sont activées par la mu-sique, telles que, par exemple, le cortex préfrontal ventro-médian, l’amygdale, l’hippocampe, le gyrus parahippocampique ou le cortex orbito- frontal [27].

Une façon de comprendre l’impact de la musique sur le cerveau hu-main est de considérer que la mu-sique parvient à activer deux ré-seaux neuronaux, intimement liés, et qui assurent chacun des fonc-tions complémentaires. Le béné-fice adaptif de la musique pour-rait résider, entre autres, dans les conséquences de la synchronisa-tion fonctionnelle qu’elle suscite au sein de ces réseaux. L’activation de ces réseaux par la stimulation mu-sicale aurait ainsi des effets béné-fiques potentiels sur l’ensemble des compétences cognitives, émotion-nelles et motrices des individus. n

RemerciementsPour les soutiens de l’Agence Natio-nale pour la Recherche (ANR-09-BLAN0310-02) et du 7th FP Ma-rie Curie Initial Training Network EBRAMUS (no. 238157).

correspondance

• Emmanuel Bigand

Université de Bourgogne

LEAD CNRS UMR 5022, Pôle AAFE - Es-

planade Erasme, 21065 Dijon Cedex

E-mail : emmanuel.bigand@

u-bourgogne.fr

• Barbara Tillmann

CAP - Cognition Auditive et Psychoa-

coustique, Centre de Recherche en

Neurosciences de Lyon

Inserm U1028 - CNRS UMR5292

Université Claude-Bernard Lyon1

50 avenue Tony Garnier

69366 Lyon Cedex 07

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cognition, musique, Langage,

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Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168 167

Musique et Neurologie

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16es RENCONTRESDE NEUROLOGIES

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Cerveau et musiqueL’étude des relations entre cer-veau et musique a été initiée par Bouillaud [1], contemporain de Broca, qui a publié la première série de patients présentant des troubles musicaux consé-cutifs à l’apparition d’une lé-sion cérébrale. Il s’agissait alors de rechercher l’existence d’une asymétrie cérébrale dans l’accom-plissement des tâches musicales, comparable à la prédominance de l’hémisphère gauche sur l’hémis-phère droit pour le langage.

Ce n’est qu’un siècle plus tard que l’étude des bases cérébrales de la fonction musicale a été à nouveau abordée avec les travaux menés à l’Institut Neurologique de Montréal avec des patients épileptiques. • Tout d’abord, Penfield avait dé-couvert que les stimulations du cortex temporal réalisées durant la chirurgie de l’épilepsie provo-quaient des sensations auditives

telles que bruits, voix ou musique. Toutefois, l’écoute de la musique était plus fréquemment rapportée après stimulation des régions tem-porales droites que gauches, souli-gnant l’importance de aires audi-tives de l’hémisphère droit dans le traitement musical [2, 3]. • A la même époque, Milner, déjà connue pour ses recherches sur le rôle du lobe temporal et en par-ticulier de l’hippocampe dans la mémoire, réalisait la première étude de groupe sur les capacités musicales de patients qui avaient bénéficié d’une chirurgie cérébrale pour traiter une épilepsie pharma-corésistante. En comparant les résultats obtenus avant et après résection unilatérale, Milner a dé-montré la supériorité du lobe tem-poral droit sur le lobe temporal gauche dans la discrimination de la durée d’un son, du timbre musi-cal, et de la mélodie (4). Ces travaux ont ainsi ouvert la voie à une approche anatomo-fonctionnelle de la musique tout à fait adaptée à cette popu-lation clinique, améliorant ainsi nos connaissances sur le cerveau musicien.

De nombreuses données, publiées ultérieurement chez des patients comparables, ont confirmé l’exis-tence de cette asymétrie fonction-nelle en faveur des aires auditives droites dans diverses tâches impli-quant la détection d’un changement de hauteur dans une mélodie [5-12], et la perception d’une modifica-tion de timbre [13, 14] ou de rythme musical [15]. Cependant, certaines études ont nuancé ces résultats en mettant en évidence la contri-bution du gyrus de Heschl gauche dans la perception mélodique (5,7). Bien qu’il ne fasse aucun doute que les aires auditives pri-maires et associatives de l’hé-misphère droit jouent un rôle important dans la perception musicale, ces données sou-lignent la participation addi-tionnelle des aires auditives de l’hémisphère gauche, indi-quant une implication bilaté-rale des lobes temporaux dans certains traitements de l’infor-mation musicale.

Après un bref exposé du contexte clinique dans lequel ont été réalisés ces travaux, nous discuterons les

2 Comprendre le cerveau musicienavec les patients épileptiques

n Dans cette synthèse, nous présentons les données neuropsychologiques obtenues dans

l’épilepsie pharmacorésistante du lobe temporal, permettant de préciser le rôle respectif de

l’hippocampe et de l’amygdale dans les émotions musicales.

Comprendre les processus d’organisation et de réorganisation cérébrale associés à l’épilepsie

à partir de l’utilisation d’un support musical généralement attractif ouvre des perspectives de

prise en charge des patients prometteuses et innovantes.� Séverine Samson*

*Laboratoire de Neurosciences Fonctionnelles et Pathologies (EA 4559), Université Lille-Nord, & Unité d’Epilepsie Groupe Pitié-Salpêtrière, Paris

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Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168 169

Musique et Neurologie

aptitudes mnésiques et émotion-nelles qui dépendent de l’intégrité du lobe temporal à partir des don-nées des patients épileptiques.

épilepsie du lobe temporalCompte tenu du rôle de l’hippo-campe et de l’amygdale dans la mé-moire et les émotions, l’épilepsie du lobe temporal est un modèle humain idéal pour étudier les bases cérébrales des processus mnésiques et émotionnels.

L’épilepsie pharmacorésistante du lobe temporal, très souvent accom-pagnée d’une sclérose hippocam-pique, est remarquablement amélio-rée par la chirurgie. Cette dernière consiste à réséquer le lobe tempo-ral médian, et en particulier l’hip-pocampe et l’amygdale, ainsi qu’une partie importante des cortex avoisi-nants. Le caractère irréversible de cette approche thérapeutique rend l’évaluation neuropsychologique indispensable afin de s’assurer que l’intervention n’aura aucune réper-cussion significative sur la mémoire, le langage, ou les émotions [16, 17]. D’une manière générale, ces pa-tients présentent l’avantage d’être jeunes (moyenne d’âge : 30 ans) et ne souffrent d’aucun déficit neuro-logique additionnel. Leurs scores aux tests neuropsychologiques sont comparés à ceux d’un groupe de par-ticipants témoins sans maladie neu-rologique, appariés en terme d’âge, sexe, niveau de scolarité et expé-rience musicale. En IRM structu-relle, est détectée la manifestation macroscopique la plus caractéris-tique de la sclérose de l’hippocampe et sont quantifiés les volumes des cortex adjacents : temporo-polaire, périrhinal, entorhinal, parahippo-campique [18].

Les anomalies constatées

repré sentent des témoins morpho - logiques d’une lésion des structures du lobe temporal médian analy-sables au regard des données neu-ropsychologiques, améliorant ain-si la précision des corrélations anatomo-cliniques.

L’IRM fonctionnelle ou par ten-seur de diffusion permet enfin d’examiner la réorganisation des réseaux cérébraux résultant de la sclérose hippocampique [19, 20], fournissant des informations complémentaires aux données de la neuropsychologie comporte-mentale. Ainsi, l’épilepsie du lobe temporal offre l’opportunité de réa liser des études originales chez des patients examinés avant et/ou après traitement chirurgical, en adoptant une démarche pluri-disciplinaire qui associe la neuro-psychologie à la neuro-imagerie structurelle et fonctionnelle.

HippoCampe et mémoire mélodiqueLes déficits mnésiques constituent souvent le symptôme prédomi-nant de l’épilepsie du lobe tempo-ral, et l’étude de ces troubles dans le domaine musical peut fournir une contribution unique pour amé-liorer la compréhension de la mé-moire humaine, les modèles exis-tants ayant été généralement testés avec des stimuli verbaux et visuels. Plusieurs tests de mémoire musi-cale ont été développés afin d’exa-miner systématiquement les diffé-rents registres de fonctionnement de la mémoire humaine, en distin-guant la mémoire à court terme de la mémoire à long terme, en analysant séparément les modes de représen-tation explicite et implicite de l’in-formation musicale, ou encore en étudiant les mécanismes d’intégra-tion des informations musicales et verbales dans une chanson.

MéMoire à court terMeInspirée par les travaux de Deutsch [21] démontrant l’exis-tence d’une dissociation fonc-tionnelle entre mémoires à court terme musicale et ver-bale, l’étude des patients épilep-tiques a montré que cette dissocia-tion se manifestait également au niveau anatomique.Contrairement au domaine ver-bal qui dépend de l’intégrité de régions de l’hémisphère gauche, le maintien en mémoire à court terme musicale (i.e., comparaison de deux notes séparées par une mélodie interférente) nécessite la contribution prédominante de la partie antérieure du lobe tem-poral droit (également des ré-gions frontales droites) [8]. Etant donné que le déficit n’est pas exa-cerbé par une résection étendue de l’hippocampe, il semble que la capacité à conserver l’informa-tion musicale dans le cadre d’une tâche de mémoire à court terme n’implique pas les régions hip-pocampiques. Cette hypothèse, confirmée ultérieurement par des résultats en imagerie cérébrale, est également appuyée par le fait que les patients épileptiques ne présentent pas de déficit dans ce type de test lorsque la lésion tem-porale est limitée aux structures hippocampiques (22).

MéMoire à long terMeLa mémoire à long terme mu-sicale, contrairement à la mé-moire verbale, n’est pas clai-rement latéralisée au niveau cérébral. Selon diverses études neuropsy-chologiques, les patients ayant bénéficié d’une résection unila-térale du lobe temporal, quelle que soit la latéralisation de la lé-sion, présentent des perturbations dans l’apprentissage de mélodies, témoignant d’une implication

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bilatérale des lobes temporaux dans la mémoire musicale [5, 23]. Il en est de même pour les patients présentant une sclérose hippo-campique testés avant chirur-gie, qui présentent également une lenteur d’apprentissage lors de l’écoute de mélodies au cours d’essais successifs, ainsi qu’un dé-ficit du maintien à long terme des mélodies (après délai de 24 heures), suggérant la contribution bilatérale du lobe temporal mé-dian dans la mémoire des extraits mélodiques.Cependant, le sentiment de fa-miliarité déclenché par l’écoute d’un très court fragment (500 ms) extrait d’une pièce orchestrale connue, tâche accomplie sans dif-ficulté par des sujets non entraînés musicalement, ne semble pas alté-ré par ce type de lésion temporale incluant l’hippocampe. L’absence de déficit dans ces circonstances suggère que le cerveau s’engage instantanément dans des traite-ments efficaces pour détecter la familiarité musicale d’un extrait connu depuis longtemps, indé-pendamment de l’intégrité du lobe temporal médian droit ou gauche. La reconnaissance des extraits très familiers et la reconnaissance des extraits auxquels on a été récem-ment exposé dépendraient ainsi de réseaux cérébraux distincts.

la MéMoire iMpliciteAlors que les études précédem-ment citées ont évalué la mémoire explicite, peu de recherches ont examiné la mémoire implicite en musique. Une méthode qui semble très ro-buste pour mesurer la récupéra-tion implicite des souvenirs utilise les jugements de préférence. Dans la phase initiale du test, la présenta-tion des mélodies est suivie d’un test de jugement de préférence dans le-quel des mélodies précédemment

entendues et des mélodies nou-velles sont présentées. La tâche du sujet consiste à juger sa préférence sur une échelle. Généralement, les mélodies précédemment enten-dues sont préférées à celles qui n’ont pas été entendues. Ce phé-nomène, connu sous le nom d’effet d’exposition [24], est décrit en psy-chologie sociale depuis longtemps [25]. Les résultats obtenus chez les patients épileptiques présentant une lésion unilatérale du lobe tem-poral montrent que cet effet, qui se manifeste normalement chez des patients atteints de lésion tempo-rale gauche, ne s’observe plus avec une lésion comparable à droite. Ce résultat pourrait s’expliquer par un déficit de la mémoire implicite, bien que l’origine émotionnelle de ce trouble ne puisse être complè-tement écartée [26]. En revanche, la reconnaissance explicite de ces mêmes mélodies est perturbée chez tous les patients, quelle que soit la latéralisation de la lésion dans le lobe temporal, confirmant les résultats rapportés précédem-ment. Les récupérations implicite et explicite des mélodies n’impli-queraient donc pas le même subs-trat neural.

la MéMoire des chansonsEnfin, les bases cérébrales de la mémoire des chansons, combi-naisons naturelles de paroles et de mélodie, restent encore mal connues. Certaines théories ré-centes proposées dans le domaine visuel suggèrent un rôle important de l’hippocampe et des aires sen-sorielles unimodales dans la créa-tion des représentations unifiées. Pour aborder cette question dans le domaine musical, les effets d’adaptation de la réponse céré-brale hémodynamique ont été mesurés en IRMf durant l’écoute passive de chansons, dans la conti-nuité d’une recherche menée chez

des volontaires sains [27]. Il a ainsi été mis en évidence un traitement intégré de la composante verbale et musicale des chansons dans une région motrice de l’hémisphère gauche impliquée dans le couplage audio-moteur de la représentation auditive avec le geste vocal, mais également dans la partie posté-rieure du lobe temporal dédiée à l’audition. En revanche, un traite-ment séparé des paroles a été ob-servé dans la partie antérieure du lobe temporal. Afin de tester l’implication de l’hippocampe dans la création de cette représentation unifiée, des patients épileptiques présentant une sclérose hippocampique uni-latérale ont été soumis à ce même paradigme [8]. Ces résultats ont montré une réduction des effets d’adaptation en présence d’une lé-sion de l’hippocampe gauche, sug-gérant le rôle de cette structure dans l’intégration des paroles et de la mélodie des chansons.

amygdale et émotion musiCaleLe pouvoir émotionnel de la mu-sique est intriguant. Pouvant sus-citer des émotions très fortes, l’écoute musicale peut être accom-pagnée de manifestations physio-logiques variées.

A ce titre, on peut citer l’intense plaisir musical qui se traduit par un frisson, dont les bases neurales et physiologiques ont été identi-fiées grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle couplée à l’enregis-trement d’indices neurovégétatifs [29, 30]. Cependant, les expériences musi-cales peuvent également traduire la peur, ce qui est largement ex-ploité dans les musiques de films. En neuropsychologie, une par-tie importante des études

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Musique et Neurologie

neuropsychologiques sur les émo-tions musicales concerne des pa-tients épileptiques [31-36]. Une étude visant à vérifier le rôle de l’amygdale dans la recon-naissance de la peur induite par l’écoute d’une musique a permis de mettre en évidence un déficit sélectif de la perception de la peur via la musique associé à la pré-sence d’une lésion unilatérale de l’amygdale [31, 35]. En revanche, ces mêmes lésions cérébrales n’af-fectent pas la perception des émo-tions de joie, de tristesse, ou la sen-sation d’apaisement. Ces données ont démontré pour la première fois le rôle de l’amygdale dans la perception de la peur musi-calement induite, validant ainsi les résultats obtenus dans des contextes non musicaux (i.e. visages, voix).

Il est important de souligner que, dans ces études (comme dans beaucoup d’autres réalisées avec des stimuli musicaux), aucun ef-fet de la latéralité hémisphérique de la lésion n’a été retrouvé. Toute-fois, une étude menée sur le même type de patients n’a pas reproduit ce déficit de reconnaissance de la peur [37]. Contrairement à la procédure utilisée dans les autres études, le paradigme employé était alors beaucoup moins exigeant sur le plan cognitif : une réponse en

choix forcé était demandée et au-cune évaluation additionnelle de l’intensité perçue de chaque émo-tion n’était requise, soulevant la question du manque de sensibilité d’une telle mesure avec cette po-pulation clinique (encadré 1).

Sur la base des études discutées ci-dessus, il semble que l’amygdale reste la structure essentielle à l’évaluation cognitive d’un sti-mulus exprimant la peur, que ce soit par l’intermédiaire de la mu-sique [31], de la voix [25], ou des visages [33], suggérant une repré-sentation non modale de la peur. Son implication dans la reconnais-sance de stimuli musicaux ambi-gus, jugés neutres par des sujets témoins, a également été démon-trée (37). La catégorie “neutre” est sélectionnée lorsque les indices

disponibles sont insuffisants pour promouvoir une émotion spéci-fique, et est à ce titre intéressante à explorer dans un contexte cli-nique. La difficulté à détecter l’ab-sence d’émotion, tout aussi gê-nante que la difficulté à identifier une émotion, semble dépendre du fonctionnement de l’amygdale. L’amygdale serait impliquée plus globalement dans des processus de décision liés aux émotions, en inte-raction avec le cortex préfrontal.

Juger du caractère excitant ou dynamique d’un stimulus semble également dépendre de l’amygdale. Dans le domaine mu-sical, cette question a été abordée chez des sujets épileptiques devant évaluer l’excitation émotionnelle de chaque extrait sur une échelle de ré-ponse (très calme/très excitant) [31] (encadré 2). Il a été mis en évidence une altération de l’évaluation de l’excita-tion émotionnelle, sans altération du jugement de valence (agréable/désagréable), ce qui suggère que les dimensions émotionnelles d’exci-tation (ou éveil) et de valence n’im-pliqueraient pas les mêmes réseaux cérébraux. A la différence des études neuro -psychologiques précédemment rap-portées qui ont évalué la percep-tion des émotions musicales, une seule étude à notre connaissance s’est intéressée au ressenti des

Pour évaluer la capacité à reconnaître des émotions non ambiguës comme la joie, la tristesse, la peur ou l’apaisement exprimés dans la musique, le test consiste à apparier des extraits musicaux (soigneu-sement sélectionnés pour correspondre à une catégorie émotionnelle particulière) et des labels linguistiques par une méthode de choix forcé, afin de reconnaître l’émotion exprimée dans la musique et quantifier, si le patient en est capable, l’intensité de chaque catégorie d’émotion sur une échelle (0 = “Pas du tout” à 9 = “Beaucoup”). Méthode initialement proposée par Adolphs et al. [39] et matériel musical décrit dans Vieillard et al. [40].

1. Comment évaluer la reconnaissance des émotions primaires dans le domaine musical ?

La dimension d’éveil (arousal) correspond au caractère relaxant (apai-sant) ou excitant (dynamique) d’un stimulus, et peut être évaluée en demandant au participant de juger l’excitation émotionnelle de chaque extrait musical sur une échelle de réponse (0 =“Très calme” à 9 = “Très excitant”). La dimension de valence correspond au sentiment plaisant (positif, agréable) ou déplaisant (négatif, désagréable) véhiculé par l’écoute musicale, et peut être évaluée en demandant au participant de juger de la valence (émotion négative ou positive) d’un extrait musical sur une échelle de réponse (0 = “Désagréable” à 9 = “Agréable”).

2. Comment évaluer les dimensions émotionnelles dans le domaine musical ?

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émotions musicales chez ces pa-tients épileptiques en adoptant une approche émotiviste sans néces-sité de réponse verbale. Pour cela, les jugements de similarité émo-tionnelle durant l’écoute d’extraits musicaux ont été recueillis chez les patients après traitement chirurgi-cal d’une épilepsie temporale uni-latérale ainsi que chez des témoins [38] (encadré 3). Aucune difficulté n’a été mise en évidence chez les pa-tients pour cette tâche, suggérant que les jugements implicites de valence et d’excitation (les partici-pants n’ayant pas conscience des dimensions manipulées dans cette tâche) seraient préservés. Il pour-rait donc exister une dissociation entre les accès implicite et explicite à l’émotion musicale, et plus géné-ralement à la musique.

en ConClusionCette courte synthèse, loin d’être exhaustive, fournit quelques in-formations sur les déficits ré-sultant d’une épilepsie du lobe temporal pharmacorésistante, dans les sphères mnésiques et émotionnelles. Il semble cependant qu’il existe une certaine autonomie du sys-tème émotionnel par rapport au système de mémoire musicale, sug-gérant que la reconnaissance de la musique d’une part, des émotions musicales d’autre part, recrutent des réseaux cérébraux fonction-nellement et anatomiquement dis-tincts, comme cela a été décrit dans d’autres domaines (vocal). Il faut toutefois noter que ces troubles du traitement musical passent souvent inaperçus. En ef-fet, les données obtenues chez les patients épileptiques montrent

que les aptitudes musicales im-pliquent les lobes temporaux bi-latéralement, les fonctions mu-sicales du lobe temporal intact pouvant alors compenser un éven-tuel déficit. C’est pourquoi les ef-fets d’une épilepsie sur la fonc-tion musicale, lorsque celle-ci est clairement latéralisée dans un hémisphère cérébral, seront par-fois difficiles à identifier, et il fau-dra utiliser des tests spécifiques pour les mettre en évidence. Comprendre les processus d’or-ganisation et de réorganisation cérébrales associés à l’épilepsie à partir de l’utilisation d’un support musical généralement attractif ouvre ainsi des perspectives de prise en charge des patients pro-metteuses et innovantes. n

RemerciementsCette synthèse a été réalisée grâce au soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR-09-BLAN-0310-02) et du 7th FP Marie Curie Initial Trai-ning Network EBRAMUS (n°238157).

Correspondance :

Séverine Samson

UFR de psychologie - Université de Lille 3

BP 60 149 - 59653 Villeneuve d’Ascq Cedex

Tél. : +33 3 20 41 64 43

Fax : +33 3 20 41 63 24

E-mail : [email protected]

Mots-clés : musique, Cerveau, epilepsie,

mémoire musicale, emotion musicale,

peur, lobe temporal, aires auditives,

Hippocampe, amygdale

La perception ou la reconnaissance des émotions musicales fait référence à tous les cas où l’auditeur perçoit ou reconnaît une émotion exprimée par la musique, sans qu’il ressente nécessairement cette émotion.

Dans la pratique clinique, il est souvent conseillé :• d’évaluer en parallèle la perception musicale ;• de s’assurer que les termes émotionnels employés pour identifier les

échelles ou les catégories émotionnelles soient bien compris ;• de faire passer des questionnaires d’évaluation de l’humeur et de

personnalité afin d’étudier les relations entre jugements émotionnels et états affectifs (i.e., pour une analyse du lien entre peur et anxiété).

En effet, l’influence de certaines pathologies psychiatriques sur les jugements émotionnels est connue, et ces précautions sont nécessaires pour vérifier l’origine du trouble du jugement émotionnel dans le domaine musical et s’assurer que le déficit émotionnel n’est pas imputable à d’autres difficultés de nature perceptive ou verbale ou à une perturbation de l’humeur. Il est également possible de centrer l’évaluation de l’émo-tion sur le ressenti subjectif et les réponses physiologiques induites par l’écoute musicale, par l’enregistrement des réponses électrodermales, du rythme cardiaque, et des contractions des muscles faciaux (pour une illustration de cette approche, voir [41]).

3. Précautions à prendre lors de l’évaluation des émotions.

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Neurologies • Mai 2014 • vol. 17• numéro 168 173

Musique et Neurologie

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BiBliographie

priX et bourses

Lutte contre la douleur : Prix scientifique 2014 Fondation Unité-Guerra-Paul-Beaudoin-Lambrecht-MaïanoChaque année, cette fondation attribue un prix de 15 000 euros destiné à récom-penser un chercheur français ou étranger (travaillant dans un laboratoire de re-cherche français) ayant acquis une noto-riété internationale dans le domaine de la lutte contre la douleur (recherche fonda-mentale ou recherche clinique), pour lui permettre de récompenser ses travaux.

Le Prix 2013 a été attribué à Sophie Pezet (ESPCI-ParisTech et Laboratoire de Plasti-cité du Cerveau, CNRS UMR 8249) pour son projet de recherche portant sur l’« Étude de la plasticité neuronale au cours de la douleur chronique ». ß

Dépôt des dossiers : à retourner, en deux

exemplaires, au plus tard le 15 octobre 2014

• Par courrier à :

Fondation Unité-Guerra-Paul-Beaudoin-

Lambrecht-Maïano de l’Institut de France

À l’attention de Madame Dalila Raposo

Institut de France

23, quai de Conti - 75270 PARIS cedex 06

Tél. : 01 44 41 44 33

• Par courriel à : [email protected]

Site : www.institut-de-france.fr/

Page 21: dossier 1re partie Musique & Neurologie

à connaître

174 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

état des lieux des prescriptions d’antiépileptiques La littérature nous apporte une vision objective et récente des prescriptions d’antiépileptiques à l’échelle d’un pays : Landmark et al. [1] quantifièrent l’usage des antiépileptiques dans l’épilepsie mais également dans d’autres in-dications telles que la psychia-trie, les douleurs neuropathiques et les céphalées, au sein de la po-pulation norvégienne entre 2004 et 2007, grâce à la base de don-nées centralisée des prescrip-tions de Norvège (soit un total de 5,1 millions de prescriptions pour 144 653 patients).

L’indication des prescriptions des AE restait majoritairement l’épi-lepsie, suivie par les indications psychiatriques puis les douleurs

neuropathiques et enfin les mi-graines. La répartition des pres-criptions d’AE selon l’indication clinique est présentée en figure  1. De façon globale, les trois molé-cules les plus employées en terme de volume de prescriptions sont la carbamazépine, la lamotrigine et le valproate. Les nouvelles gé-nérations d’AE concernent es-sentiellement les prescriptions pour migraine ou douleurs neu-ropathiques (96 et 94 % du vo-lume total des prescriptions dans ces indications), alors qu’en psy-chiatrie elles ne représentent que 64 % des prescriptions et seu-lement 49 % pour une indica-tion d’épilepsie. Les prescriptions d’AE toutes indications confon-dues sont à la hausse entre 2004 et 2007 avec une augmentation de 642 % pour la migraine, 360 % pour les douleurs neuropathiques,

effets psychotropes des antiépileptiques

Risques et bénéfices

n Les antiépileptiques (AE) sont connus pour leurs propriétés psychotropes positives au travers

de leurs nombreuses indications dans le champ de la psychiatrie. Et ces indications peuvent

guider des prescriptions chez des patients épileptiques porteurs de symptômes psychiques

associés. Cependant, la connaissance des effets psychotropes négatifs de cette classe médi-

camenteuse est moins certaine et fait souvent appel à l’expérience personnelle des prescrip-

teurs. Or il s’agit d’un questionnement primordial pour le médecin neurologue car l’épilepsie

en elle-même, plus qu’une autre pathologie chronique, est associée à des pathologies psychia-

triques telles que les troubles de l’humeur, les troubles anxieux, la psychose…

� Jean-François Visseaux1 et Anne Thiriaux2

1. Psychiatre, Hôpital Maison Blanche, service de Neurologie, CHU de Reims 2. Neurologue, Hôpital Maison Blanche, service de Neurologie, CHU de Reims

L’objectif de notre tra-vail était de réaliser une revue de la littéra-

ture afin d’éclairer cette question des effets psychotropes des traite-ments antiépileptiques tant posi-tifs que négatifs et de proposer des pistes d’optimisation des prescrip-tions en tenant compte du terrain sous-jacent. Au lieu de présenter les résultats molécule par molé-cule comme cela est souvent le cas dans ce type de travail, nous avons souhaité catégoriser les effets psy-chotropes par grandes fonctions psychiques impactées ou classe de symptômes psychiatriques in-duits, pour plus de lisibilité.

Page 22: dossier 1re partie Musique & Neurologie

EffEts psychotropEs dEs antiépilEptiquEs

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168 175

200 % en psychiatrique et 7 % dans l’épilepsie.

Il conviendra de retenir de ces données qu’il existe une utilisa-tion large des AE, avec une prédo-minance des nouvelles molécules, ainsi qu’une tendance à la hausse des prescriptions plus marquées en dehors des indications pour épilepsie.

physiopathologie des effets psychotropes et usage en psychiatrieLes antiépileptiques font main-tenant partie des thérapeutiques médicamenteuses utilisées régu-lièrement en psychiatrie. La litté-rature identifie avec un fort niveau de preuve des indications cliniques en psychiatrie où les AE ont mon-tré une efficacité clinique notable [2] : efficacité des benzodiazépines et du phénobarbital dans l’insom-nie, efficacité des benzodiazé-pines et de la gabapentine dans les troubles anxieux, efficacité de la carbamazépine, de l’oxcarbazé-pine et du valproate dans la phase maniaque des troubles bipolaires, efficacité de la lamotrigine dans les

phases de dépression du trouble bipolaire et enfin de la carbamazé-pine et des benzodiazépines dans le sevrage de l’alcool.

Cette efficacité et plus largement les effets psychotropes des AE sont liés à une physiopathologie spéci-fique. Les effets psychotropes des antiépileptiques s’expliquent par deux mécanismes principaux [3], à savoir : • un premier mécanisme reposant sur le profil psychotrope de l’AE avec deux polarités définies par Ketter et al. [4], l’une GABAergique et l’autre anti-glutamatergique ;• et  un  second  mécanisme  ré-sultant d’une interaction entre l’AE et le processus épileptique sous-jacent. A ces deux mécanismes viennent s’ajouter deux mécanismes mi-neurs complémentaires de nature à engendrer des effets psycho-tropes (5) : • les  phénomènes  de  toxicité dose-dépendante ;• et  les  syndromes  de  sevrage  à certaines molécules.

Précisons que le blocage des ca-naux sodiques voltage-dépen-dants ne semble pas participer

à la production d’effet psycho-trope [4], bien qu’il s’agisse d’un mécanisme d’action majeur des antiépileptiques.

La classification établie par Ketter et al. [4], bien que simpliste, auto-rise un cadre de réflexion autour du profil psychotrope des antiépi-leptiques. Ce dernier oppose d’un côté un effet GABAergique de type sédatif indiqué sur les symptômes psychiatriques, tels l’agitation et l’angoisse, avec de l’autre côté un effet antiglutamatergique de type stimulant indiqué principalement en cas de ralentissement et symp-tômes dépressifs. Les différents éléments et corollaires cliniques de cette classification sont repris dans le tableau 1.

effets psychotropes des antiépileptiquesAu travers d’une revue de la lit-térature [3-7], nous avons pu dé-gager des catégories au sein des grandes fonctions psychiques im-pactées ou des symptômes psy-chiatriques induits par les effets psychotropes des AE. Ces effets sont, pour une même catégorie, soit positifs, soit négatifs, allant dans le sens d’une amélioration ou d’une détérioration. Les grandes catégories ainsi iden-tifiées comportent : • la thymie, • le comportement, • l’anxiété, • la psychose, • la cognition,• et le sommeil. 

De façon accessoire existent éga-lement des effets anorexigènes ou confusiogènes. L’ensemble des ef-fets répertoriés par cette revue de la littérature est présenté dans le 

tableau 2.

figure 1 - répartition des prescriptions d’antiépileptiques en population générale

selon l’indication clinique. d’après landmark et al. [1].

Page 23: dossier 1re partie Musique & Neurologie

176 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

à connaître

facteurs de risque d’effet psychotrope négatifAu-delà de la mise en évidence d’ef-fets psychotropes négatifs, il est in-téressant pour le prescripteur de pouvoir identifier des facteurs de risque de survenue de ces effets.

Il existe quatre grands types de facteurs de risque :

1. Tout d’abord, Weintraub et al. [8] mettent en évidence des facteurs de risque liés à la molécule en elle-même : certains AE sont plus à risque de survenue d’effets psy-chotropes négatifs en terme de fréquence de survenue. Parmi les AE à risque élevé, on retrouve le lévétiracetam et la tiagabine ; pour les AE à risque intermédiaire on retouve le topiramate et le zonisa-mide ; et enfin, pour les AE à risque faible, on retrouve le vigabatrin, le felbamate, l’oxcarbazépine, la ga-bapentine et la lamotrigine.

2. Ensuite des facteurs de risque liés aux antécédents neurolo-giques sont soulignés par Mula et al. [9], avec comme seul para-mètre statistiquement significa-tif la survenue de convulsions fé-briles ; alors que l’âge de début de l’épilepsie, la durée d’évolution de l’épilepsie ou encore le type de syndrome épileptique ne présen-taient pas de significativité. Cette sensibilité plus grande aux effets psychotropes négatifs en cas de convulsions fébriles s’expliquerait par des lésions précoces du sys-tème limbique [10].

3. Bien entendu, les antécédents psychiatriques personnels et familiaux sont des facteurs de risque essentiels [8, 9]. Weintraub et al. objectivaient 23 % d’effets psychotropes négatifs sous AE contre 12 % en l’absence de tels an-técédents [8]. Il existe par ailleurs une continuité entre les antécé-dents psychiatriques personnels

et le symptôme potentiellement induit par l’effet psychotrope né-gatif : des antécédents de psy-chose ou de troubles de l’humeur auront tendance à engendrer des symptômes du même champ psy-chiatrique [11]. Au travers de ces constatations, se pose la question de savoir si l’effet psychotrope né-gatif constaté est uniquement à rapporter à la iatrogénie de l’AE, ou s’il constitue plutôt une pre-mière étape d’un processus patho-logique conduisant à une patholo-gie psychiatrique chronique [9].

4. Enfin, l’équilibre de la patho-logie épileptique en lui-même semble jouer un rôle dans la sur-venue de certains effets psycho-tropes, particulièrement les symptômes psychotiques, et plus accessoirement les comporte-ments agressifs et les troubles de l’humeur [9]. Il existe un lien entre l’apparition d’une sympto-matologie psychotique et la dispa-rition des crises d’épilepsie sous traitement, plus particulièrement en cas de contrôle trop rapide [9]. Cette association pourrait être une façon d’expliquer le concept de “normalisation forcée”, encore débattu à ce jour.

optimisation des prescriptions d’antiépileptiquesL’optimisation du traitement an-tiépileptique est à considérer se-lon deux grands axes de réflexion : • tout d’abord, l’adaptation de trai-tement AE aux comorbidités et antécédents psychiatriques du su-jet traité ; • ensuite,  selon  les  interactions médicamenteuses réciproques entre AE et psychotropes.

Le premier axe peut se décliner se-lon les quatre principaux cadres

tableau 1 - catégorisation des antiépileptiques selon leur profil d’action et considérations cliniques. d’après Ketter et al. [4].

profil gaBaergiqueprofil

antiglutamatergique

effets psychotropesSédatif, anxiolytique,

dépressogène,antimaniaque

Stimulant, anxiogène,antidépresseur

molécules

BarbituriquesBenzodiazépines

ValproateVigabatrinTiagabine

GabapentineTopiramate*Zonisamide

FelbamateLamotrigine

OxcarbazépineLévétiracétam*

profil psychique ”activé”1

Indiqué Contre-indiqué

profil psychique ”sédaté”2

Contre-indiqué Indiqué

1. Le profil psychique dit “activé” regroupe les symptômes psychiques suivants : insomnie, agitation, anxiété, tachypsychie et perte de poids.

2 . Le profil psychique dit “sédaté” regroupe les symptômes suivants : hypersomnie, asthénie, apathie, affects dépressifs, ralentissement idéo-moteur et prise de poids.

* Le topiramate et le lévétiracétam s’intègrent imparfaitement dans cette classification [4, 5] mais, par extension, on peut les classer ainsi [3].

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EffEts psychotropEs dEs antiépilEptiquEs

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168 177

tableau 2 - effets psychotropes positifs et négatifs des antiépileptiques.

effets psychotropes négatifs effets psychotropes positifs

thymie

Dépressogène :

• PB (adultes/enfants) avec idéations suicidaires

• PHT

• VGB (si antécédents de dépression)

• TPM (si polythérapie, titration rapide, antécédents

psychiatriques) avec troubles cognitifs

• FBM

• TGB (peu de données), avec possiblement troubles

cognitifs et psychose

• LEV (si antécédents de dépression)

• ZNS

Thymorégulateur :

• PHT (non confirmé)

• CBZ (thymorégulateur et antimaniaque)

• VPA (thymorégulateur, antimaniaque, antidépres-

seur)

• GBP

• LTG (thymorégulateur, antidépresseur)

• OXC (non confirmé)

comportement

Agitation, agressivité :

• PB : syndrome de désinhibition (dès faibles doses,

adultes/enfants, sur retard mental)

• PHT (enfants surtout)

• BZD : réaction paradoxale

• VGB, FBM (surtout enfants avec troubles des appren-

tissages)

• GBP (adultes/enfants, sur retard mental)

• LTG (rare, sur retard mental)

• LEV (sur épilepsie avec risque majoré chez les

enfants) possible passage à l’acte hétéro-agressif

Sédation :

• PB

• PHT (effet dose-dépendant)

• CBZ (moindre)

• BZD

• VPA (moindre)

• GBP

• ZNS

Effet anti-impulsif :

• CBZ

• VPA (pour troubles de personnalité, hors démences)

• TPM (pour troubles de personnalité et patients

institutionnalisés)

anxiété

Anxiogène :

• LTG (rare, avec symptômes obsessionnels compul-

sifs)

• FBM

• LEV (surtout si trouble anxieux préexistant)

Anxiolytique :

• PB

• CBZ

• BZD

• GBP (anxiété généralisée et trouble panique)

• TGB (anxiété généralisée)

• PGB (anxiété sociale)

psychose

Propsychotique :

• PHT (effet dose-dépendant)

• VGB (en post-ictal ou lors du sevrage), surtout si

épilepsie sévère

• TPM (adultes/enfants, si polythérapie et antécédents

psychiatriques, et même hors pathologie épileptique)

• LEV

• ZNS

Antipsychotique :

• VPA (pour schizophrénie résistante)

• BZD, CBZ, LTG (à un degré moindre)

Toujours en association à un neuroleptique pour

renforcer son activité antipsychotique

cognition

Altération cognitive :

• PB (dose-dépendant)

• PHT

• CBZ (modéré)

• BZD

• VPA (modéré)

• TPM (dose-dépendant, épilepsie ou non) avec

ralentissement, perplexité, troubles de concentration

et du langage

• ZNS (modéré)

Amélioration cognitive :

• LTG

• FBM

sommeil

Insomnie :• LTG (avec anxiété et irritabilité)• FBM (augmentation des capacités de veille et d’attention)

Hypnotique :• PB• BZD

autre

Confusion :• PB• PHT (possible encéphalopathie chronique)• BZD sur sevrage• VPA (encéphalopathie, effet dose-dépendant)

Anorexigène :• FBM• TPM• ZNS

PB (barbituriques) ; PHT (phénytoïne) ; CBZ (carbamazépine) ; BZD (benzodiazépines) ; VPA (valproate) ; VGB (vigabatrin) ; GBP (gabapentine) ; LTG (lamotrigine) ; FBM (felbamate) ; TGB (tiagabine) ; TPM (topiramate) ; OXC (oxcarbazepine) ; LEV (lévétiracétam) ; PGB (pregabaline) ; ZNS (zonisamide).

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178 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

à connaître

nosologiques psychiatriques ren-contrés en association avec l’épi-lepsie [5, 6] :1. Pour un patient épileptique présentant une comorbidité psychiatrique de type dépres-sion, il convient d’éviter les AE dépressogènes, et plus particuliè-rement le phénobarbital, le viga-batrin, la tiagabine, le topiramate et de préférer la lamotrigine.2. En cas de comorbidité de type psychotique, on évitera les AE propsychotiques, et plus par-ticulièrement le vigabatrin, le to-piramate, la phénytoïne . Et il conviendra de porter une atten-tion particulière en cas d’usage du lévétiracétam. On préférera utili-ser le valproate, possiblement en association à un neuroleptique si la clinique psychiatrique l’exige.3. En cas d’anxiété associée, on évitera les AE à effet anxiogène et plus particulièrement la lamotri-gine, le felbamate et le lévétiracé-tam au profil d’AE anxiolytiques, à savoir les benzodiazépines, la ga-bapentine et le prégabalin.4. Enfin, en cas d’agitation et ou trouble du comportement on évitera l’usage de la lamotri-gine pouvant entraîner insom-nie, anxiété, voire hypomanie, ainsi que le lévétiracétam de na-ture à déclencher des passages à l’acte violents. On préférera dans ce cas le valproate pour ses effets sédatifs et anti-impulsifs, et ce plus particulièrement si coexiste un trouble de la personnalité sous-jacent.

Le second axe doit prendre en compte les interactions réci-proques entre AE et psychotropes. Les principaux éléments du travail de Brodtkorb et al. (6) sur ce point sont repris ci-dessous :• La  première  donnée  à  consi-dérer est le pouvoir inducteur enzymatique de certains AE

(carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne) responsables d’une décroissance des taux plasma-tiques en psychotropes. Par op-position, le valproate ne pré-sente pas ce problème et devra donc être privilégié si l’on sou-haite minimiser ce premier type d’interaction. • Inversement, certains psycho-tropes sont de nature à modifier les concentrations circulantes d’AE. A ce titre, il conviendra de préférer les antidépresseurs séro-toninergiques aux tricycliques qui présentent moins d’interactions avec les AE et, au sein de cette classe la paroxétine, le citalopram et la sertraline qui ne semblent pas influer sur les concentrations d’AE. Pour ce qui est des neurolep-tiques, on privilégiera la risperi-done pour les mêmes raisons. • Ensuite, il faut considérer les ef-fets indésirables add-on syner-giques entre AE et psychotropes. Ces effets peuvent intéresser le système nerveux central, avec des symptômes comme la séda-tion, la prise de poids ou les trem-blements, ou encore le système

hématopoïétique, avec des risques d’anémie ou de leucopénie pou-vant aller jusqu’à l’agranulocytose (on se méfiera particulièrement de l’association carbamazépine/clozapine).• Si l’action principale des an-tiépileptiques est d’augmenter le seuil épileptogène, certains psychotropes présentent l’ef-fet inverse  : on évitera ainsi plus particulièrement la clozapine et la chlorpromazine pour les neu-roleptiques et le bupropion pour les antidépresseurs (12) qui pré-sentent un risque épileptogène élevé. Précisons que ce risque est faible pour la plupart des autres psychotropes à dose usuelle et en association à un traitement AE bien conduit.

consensus autour des trouBles neuro-comportementaux liés aux ae dans l’épilepsieBien qu’il n’existe pas de recom-mandations officielles en France concernant la prise en charge

1. Troubles neuro-comportementaux et AE :recommandations d’experts [13]Concernant l’estimation et la prise en charge des troubles neuro-com-portementaux des AE dans l’épilepsie, les recommandations issues du groupe de travail expert sont les suivantes :•  Risque plus élevé de troubles cognitifs et comportementaux : en cas 

de polythérapies, titration rapide, hauts dosages.•  Atteinte cognitive : plus marquée avec le phénobarbital et le topiramate, 

mais égale pour les autres molécules. Nécessité de prévenir le patient.•  Suivi plus régulier à l’introduction d’un AE si : épilepsie pharmaco-

résistante, épilepsie impliquant les régions temporo-limbiques, ou antécédents psychiatriques personnels ou familiaux.

•  Suivi régulier une fois le patient épileptique libre de crises si : antécé-dent de décompensation psychotique ou de modifications transi-toires du comportement.

•  Si décroissance d’un AE thymorégulateur : décroissance précaution-neuse et lente chez les patients avec des antécédents de troubles de l’humeur.

Page 26: dossier 1re partie Musique & Neurologie

EffEts psychotropEs dEs antiépilEptiquEs

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168 179

des effets psychotropes des anti-épileptiques, on peut trouver des recommandations d’experts à ce sujet [13]. Ces recommandations correspondent à une synthèse des données de la littérature ainsi qu’à des avis d’experts reconnus dans ce domaine spécifique (encadré 1).

ae et suicideDepuis 2008, un doute existe sur l’association entre suicide et médi-caments antiépileptiques. A ce su-jet, le Vidal® décrit dans sa section sur les précautions d’emploi des antiépileptiques : « une méta-ana-lyse des essais randomisés, contrô-lés, versus placebo portant sur les médicaments antiépileptiques a montré une légère augmentation du risque de pensées et compor-tement suicidaires », s’ensuivent des recommandations spécifiques en cas de dépression et/ou idées et comportement suicidaires.

Cette citation fait référence à une méta-analyse de la Food and Drug Administration (FDA) datant de mai 2008 [14], concernant des es-sais contrôlés, randomisés, en double aveugle, multicentriques, de type antiépileptique versus placebo. Onze antiépileptiques ont ainsi été testés (anciens et nouveaux), et les auteurs recher-chaient des comportements ou idées suicidaires au cours des es-sais contrôlés avec un antiépilep-tique. Cette méta-analyse incluait environ 28 000 patients sous AE pour 16 000 contrôles sous pla-cebo. Les indications de prescrip-tion des AE étaient l’épilepsie pour 25 %, la psychiatrie pour 27 %, et d’autres indications pour 48 % (mi-graine, douleurs neuropathiques). Les résultats retrouvaient 4 sui-cides, tous dans le groupe AE, mais aussi plus d’idéations ou compor-tement suicidaires sous AE que

sous placebo avec un Odd Ratio [OR] = 1,8 (IC 95 % : 1,24-2,66). De même, le risque relatif (RR) était plus élevé en cas de prescription pour une indication d’épilepsie (RR = 3,6 ; IC 95 % : 1,3-12,1) que pour une pathologie psychiatrique (RR = 1,6 ; IC 95 % : 1–2,4) ou pour une autre pathologie (RR = 2,0 ; IC 95 % : 0,8-4,8).

La communauté scientifique s’est penchée sur ces résultats et plusieurs études ont tenté de mieux caractériser le lien entre idées et/ou comportement sui-cidaire et médicaments antiépi-leptiques. Cependant, ces études étaient perfectibles puisque per-sistaient des biais méthodo-logiques importants [15], telle l’absence de contrôle systéma-tique d’antécédents de troubles de l’humeur ou d’antécédents de comportement suicidaires chez les sujets inclus (ces deux éléments sont des facteurs de risque majeurs de survenue d’idées ou comportement suici-daires et de ce fait systématique-ment recherchés lors d’une éva-luation clinique psychiatrique visant à déterminer le risque sui-cidaire d’un patient), ou encore

l’absence d’évaluation psychia-trique standardisée d’idées ou comportement suicidaire.

En 2013, des auteurs s’associent afin de pointer les limites de l’étude princeps de la FDA, et pré-ciser les liens existant entre mé-dicaments antiépileptiques, sui-cide et épilepsie [16] (encadré 2).• Les limites retenues intéressant l’étude de la FDA étaient les sui-vantes : absence de collecte pros-pective systématique des idées ou comportements suicidaires au profit d’un rapport spontané ; ex-tension du risque suicidaire éle-vé aux 11 antiépileptiques testés (alors que seuls le topiramate et la lamotrigine présentaient un risque statistiquement signifi-catif ) afin de ne pas modifier les pratiques de prescription ; et en-fin le plus grand nombre de trai-tements médicamenteux com-plémentaires dans le sous-groupe épilepsie par rapport aux sous-groupes troubles psychiatriques ou autres indications (92 contre 14 et 15 %).• Quant au lien entre suicide et mé-dicaments antiépileptiques, la lit-térature ne permet pas de conclure car il n’existe pas de contrôle des

2. AE et suicide : recommandations [16]A l’issue de ce travail, Mula et al. émettent des recommandations sur cette thématique :•  Le risque suicidaire est faible sous traitements antiépileptiques, et il 

existe un risque supérieur en cas d’arrêt ou de non-instauration d’un traitement antiépileptique indiqué par la clinique.

•  Le suicide est multifactoriel dans l’épilepsie. Il convient de prendre en compte les antécédents psychiatriques personnels et familiaux et les antécédents suicidaires surtout. Orienter vers un psychiatre si présence de ces éléments, mais ne pas arrêter le traitement antiépi-leptique en cours, même en cas de facteurs de risque de suicide.

•  Informer le patient à l’instauration ou au changement d’antiépilep-tique du risque de modification de l’humeur et/ou d’idéation suici-daire. Une évaluation standardisée du risque suicidaire est possible (avec l’échelle C-SSRS par exemple) [19].

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180 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

à connaître

1. Landmarka CJ, Larssonb PG, Rytter E et al. Antiepileptic drugs in epilepsy and other disorders. A population-based study of prescriptions. Epilepsy Res 2009 ; 87 : 31-9.2. Rogawski MA, Löscher W. The neurobiology of antiepileptic drugs for the treatment of nonepileptic conditions. Nat Med 2004 ; 10 : 685-92. 3. Cavanna AE, Ali F, Rickards HE et al. Behavioral and cognitive effects of anti-epileptic drugs. Discov Med 2010 ; 9 : 138-44. 4. Ketter TA, Post RM, Theodore WH. Positive and negative psychiatric effects of antiepileptic drugs in patients with seizure disorders. Neuro-logy 1999 ; 53 (5 Suppl 2) : S53-67.5. Schmitz B. Effects of antiepileptic drugs on mood and behavior. Epilep-sia 2006 ; 47 (Suppl 2) : 28-33. 6. Brodtkorb E, Mula M. Optimizing therapy of seizures in adult patients with psychiatric comorbidity. Neurology 2006 ; 67 (Suppl 4) : S39-44.7. Ettinger AB. Psychotropic effects of antiepileptic drugs. Neurolo-gy 2006 ; 67 : 1916-25. 8. Weintraub D, Buchsbaum R, Resor SR Jr et al. Psychiatric and behavio-ral side effects of the newer antiepileptic drugs in adults with epilepsy. Epilepsy Behav 2007 ; 10 : 105-10. 9. Mula M, Trimble MR, Sander JW. Are psychiatric adverse events of anti-epileptic drugs a unique entity? A study on topiramate and levetiracetam. Epilepsia 2007 ; 48 : 2322-6. 10. Gilliam FG, Santos JM. Adverse psychiatric effects of antiepileptic drugs. Epilepsy Res 2006 ; 68 : 67–69.11. Trimble MR, Rüsch N, Betts T et al. Psychiatric symptoms after therapy

with new antiepileptic drugs: psychopathological and seizure related variables. Seizure 2000 ; 9 : 249-54. 12. Pisani F, Spina E, Oteri G. Antidepressant drugs and seizure suscepti-bility: From in vitro data to clinical practice. Epilepsia 1999 ; 40 (suppl 10) : S48-S56.13. Kerr MP, Mensah S, Besag F, de Toffol B et al. International consensus cli-nical practice statements for the treatment of neuropsychiatric conditions associated with epilepsy Epilepsia 2011 ; 52 : 2133-8.14. FDA. Antiepileptic drugs and suicidality. 2008 Available at : http://www.fda.gov/downloads/Drugs/DrugSafety/PostmarketDrugSafetyInforma-tionforpatientsandProviders/UCM192556.pdf15. Mula M, Hesdorffer DC. Suicidal behavior and antiepileptic drugs in epilepsy: analysis of the emerging evidence. Drug Healthc Patient Saf 2011 ; 3 : 15-20.16. Mula M, Kanner AM, Schmitz B, Schachter S et al. Antiepileptic drugs and suicidality: an expert consensus statement from the Task Force on Therapeutic Strategies of the ILAE Commission on Neuropsychobiology. Epilepsia 2013 ; 54 : 199-203.17. Bell GS, Gaitatzis A, Bell CL et al. Suicide in people with epilepsy: how great is the risk? Epilepsia 2009 ; 50 : 1933-42.18. Hesdorffer DC, Hauser WA, Olafsson E et al. Depression and suicide at-tempt as risk factors for incident unprovoked seizures. Ann Neurol 2006 ; 59 : 35-41.19. Columbia Suicide Severity Rating Scale, available at : http://www.cssrs.columbia.edu/scales_practice_cssrs.html

BiBliographie

antécédents suicidaires dans les études traitant de cette probléma-tique. L’association suicide et médi-caments antiépileptiques est à consi-dérer selon les effets psychotropes précédemment décrits (en particu-liers les molécules à effet dépresso-gène). Enfin l’association entre sui-cide et épilepsie est avérée avec 3 fois plus de risque qu’en population gé-nérale (17), avec une relation com-plexe, multifactorielle et bidirec-tionnelle (de façon symétrique il y a 5 fois plus de risque de développer une épilepsie en cas d’antécédents de comportement suicidaire) [18].

conclusionsAu travers de cette revue de la lit-térature, nous pouvons constater des prescriptions croissantes de traitements antiépileptiques, avec une plus forte croissance intéres-sant les indications hors du champ de l’épilepsie.

Ces traitements s’accompagnent d’effets psychotropes de polarité

positive ou négative intéressant diverses fonctions psychiques ou symptômes psychiatriques tels la thymie, le comportement, l’anxiété, la psychose, la cogni-tion, le sommeil. Ces différents effets pourraient être expli-qués par le profil de la molécule utilisée soit gabaergique soit anti-glutamatergique.

Afin d’anticiper la survenue d’ef-fets psychotropes négatifs, il convient de prendre en compte les facteurs de risque (plus particu-lièrement le terrain psychiatrique sous-jacent) et les interactions médicamenteuses pour optimi-ser les prescriptions. Quelques re-commandations apparaissent afin de guider les prescriptions.

Quant  au  suicide, malgré  des  re-commandations officielles allant dans le sens d’une précaution im-portante, il faut maintenir l’at-titude thérapeutique habituelle tout en informant et surveillant les patients. En cas de facteur de

risque de suicide, il y a indica-tion à orienter les patients vers un psychiatre et à discuter d’une adaptation prudente du traite-ment antiépileptique (en privilé-giant les molécules thymorégu-latrices). Mais il ne faut en aucun cas, même si facteurs de risque de suicide, arrêter brutalement les antiépileptiques ou surseoir à un traitement antiépileptique que la clinique exige. n

correspondance

Dr Jean-François Visseaux et

Dr Anne Thiriaux

CHU de Reims

Hôpital Maison Blanche,

service de Neurologie,

45 rue Cognacq-Jay,

51092 Reims Cedex

E-mails : [email protected]

[email protected]

Mots-clés : antiépileptiques, effets psychotropes,

epilepsie, iatrogénie, suicide

Page 28: dossier 1re partie Musique & Neurologie

En pratiquE

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168 181

neurologue de prendre connais-sance de ce diagnostic oculomo-teur et d’orienter ainsi son dia-gnostic étiologique.

L’examen neuroLogique(Voir encadré page suivante)

Outre l’examen neurologique gé-néral, le neurologue recontrôlera personnellement les réflexes pho-tomoteurs, mais aussi la force des orbiculaires.Il vérifiera la cohérence entre les données d’interrogatoire et le dia-gnostic oculomoteur posé. Par exemple, une parésie du VI droit aurait bien du mal à expliquer une diplopie verticale.

queLques cas cLiniquesNous choisirons d’exposer des cas cliniques horribles mais inven-tés (enfin, certains), afin d’éviter des inventaires à la Prévert.

MMe. G., 78 ans, hypertendueDiplopie intermittente, parfois ho-rizontale, parfois oblique. Elle a été examinée alors que la di-plopie était absente et le diagnostic

Diplopie et diagnostic oculomoteurLe rôle du neurologue

n Devant une diplopie, le rôle du neurologue est multiple car il ne se limite pas au diagnostic étio-

logique. Le neurologue doit aussi s’assurer qu’un diagnostic oculomoteur a été posé, et savoir

qui a posé ce diagnostic, puisque, si le diagnostic oculomoteur est faux, tout le raisonnement

diagnostique est faux, et l’IRM ne permet pas toujours de redresser le diagnostic, loin s’en faut.

� Laurent Laloum*

*Ophtalmologiste, Paris

TouTe DipLopie binocuLaire esT une urgence

Ceci pour deux raisons :1. Le diagnostic de “diplopie non urgente” ne peut être que rétros-pectif, une fois le diagnostic étiolo-gique affirmé.

2. Une diplopie peut régresser ou se modifier très vite. Pouvoir af-firmer quelle était l’atteinte ocu-lomotrice initiale, donc préciser l’évolution, peut être essentiel au diagnostic, et éviter nombre d’ex-plorations. En effet, souvent, l’ima-gerie — nécessaire — n’offre pas le diagnostic sur un plateau.

Un examen ophtalmologique et un bilan orthoptique seront néces-saires et devront poser un diagnos-tic oculomoteur. Lorsque l’ophtal-mologiste et l’orthoptiste ne sont pas parvenus à un diagnostic ocu-lomoteur malgré la réalisation d’un coordimètre de Weiss ou d’un test de Lancaster, il leur appartient d’envisager un avis plus spécialisé.Pareillement, il appartient au

oculomoteur manque.Les photomoteurs sont normaux, les orbiculaires médiocres. La pa-tiente décrit aussi un épisode de voiles répétés d’un œil ou des deux (elle ne sait plus) durant 3 jours.Une IRM et un bilan de myasthé-nie sont prescrits, ainsi qu’un bilan biologique standard.Quatre jours après, la patiente rappelle car elle est devenue mal-voyante du fait d’une neuropathie optique ischémique aiguë.

Trois remarques :1. Tout patient de plus de 50 ans présentant un trouble neuro-oph-talmologique permanent ou inter-mittent impose VS et CRP (pro-téine C-réactive) en urgence : c’est le classique « Bonjour, VS et CRP ».2. Il faut prendre connaissance des résultats en urgence ou s’organiser pour qu’un confrère le fasse.3. Un patient qui décrit un voile vi-suel intermittent et une diplopie intermittente présente une mala-die de Horton jusqu’à preuve du contraire.

MMe s., 68 ans, diabétiqueDiplopie par atteinte du III, dou-loureuse, comme cela est sou-vent le cas au cours des atteintes

Page 29: dossier 1re partie Musique & Neurologie

En pratiquE

182 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

oculomotrices ischémiques. On voit bien sur cette photogra-phie (Fig. 1)... que l’on voit mal les pu-pilles ! Seul un examen très attentif permet de mettre en évidence une pupille peu réactive du côté du III extrinsèque. On affirme ainsi qu’il ne peut s’agir d’une atteinte ischémique du III, et la douleur évoque une rupture d’anévrisme. Une IRM est demandée en urgence, qui confirme le diagnostic. Mais, en revenant de l’IRM, la patiente rompt son anévrisme dans un ta-bleau rapidement catastrophique.

Deux remarques :1. Un III intrinsèque et extrin-sèque douloureux est une rup-ture d’anévrisme. Les autres hy-pothèses sont théoriques et ne se voient jamais, ou alors dans un ta-bleau bien différent de tumeur du sinus caverneux.2. Lorsque la clinique affirme une rupture d’anévrisme, l’urgence n’est pas de confirmer le diagnos-tic par une imagerie, mais de transférer la patiente en milieu neurochirurgical.

M. L., 59 ansDiplopie par atteinte extrinsèque et intrinsèque du III gauche.L’IRM est normale... Donc elle mé-connaît la lésion responsable. Il faut la relire ou la répéter car un III intrinsèque et extrinsèque n’est ja-mais ischémique.Lors de la répétition de l’IRM, on

peut écrire au neuro-radiologue qu’il existe forcément une lésion sur le trajet du III (les exceptions sont exceptionnelles : amylose…), et que l’on a l’impression que cette lésion se trouve dans le sinus caverneux.

Pourquoi ?Parce qu’une large majorité des compressions du III méconnues sur une première IRM y est située.

MMe X., 43 ansDiplopie depuis 6 mois. La patiente se présente avec un vo-lumineux dossier, très complet : un scanner, deux IRM, une ponction lombaire, toutes les sérologies pos-sibles, un bilan cardiovasculaire, un bilan hématologique.Les pupilles sont normales. Après s’être jeté sur les pupilles, comme devant toute diplopie, on se pré-cipite sur les orbiculaires : ceux-ci sont très déficitaires. Il s’agit pro-bablement d’une myasthénie (plus probable qu’une myopathie).

Une seule remarque :Les orbiculaires, c’est spec ta culaire.

MMe y., 43 ansElle se présente un peu comme Mme X, mais on ne teste toujours pas les orbiculaires.On ne remarque pas sa voix naso-née, on ne lui demande pas si elle fait souvent des fausses routes — ce qui est le cas —, on ne note pas sa petite dyspnée.Le diagnostic sera fait avec beau-coup de retard, avec un passage en réanimation pour une détresse res-piratoire aiguë.

enfant r., 10 ansAdressé pour chirurgie de sa diplo-pie, sans cause retrouvée malgré un bilan neurologique extensif.L’examen au verre rouge permet d’affirmer qu’il n’existe pas de para-lysie oculomotrice.Les adhésifs et les traits jaunes montrent les centres optiques des verres, les lunettes ayant été chan-gées 5 mois plus tôt (Fig. 2).Le mauvais centrage des verres a provoqué un strabisme iatro-gène que R. a compensé pendant 5 mois, et que, brutalement (comme c’est souvent le cas), il n’a plus pu

Figure 1 - mme s., 68 ans, diabétique...

L’examen neurologique

• Evaluation des orbiculaires : Le patient ferme fort les yeux que l’on essaye d’ouvrir contre résistance, à la recherche d’une paralysie d’un orbiculaire.

• Etude des pupilles dans la pénombre puis à la lumière. En cas de paralysie du III extrinsèque, une mydriase peu ou pas réactive homolatérale signe une atteinte du III intrinsèque qui n’est jamais d’origine ischémique (l’étiologie est une compression du III, ou une cause raris-sime). Si l’IRM initiale est normale, il faut savoir la répéter, voire prescrire une artériographie.

Page 30: dossier 1re partie Musique & Neurologie

Diplopie et Diagnostic oculomoteur

Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168 183

compenser. La prescription de nou-velles lunettes correctement cen-trées a fait disparaître la diplopie instantanément.

Remarque :Si le diagnostic oculomoteur attes-tant de l’absence de paralysie oculo-motrice avait été posé, on aurait su d’emblée qu’il était inutile de faire un bilan neurologique.

M. b. , 32 ansDiplopie depuis 3 mois, IRM nor-male, jeu pupillaire normal, bons orbiculaires.OD = 12/10° sans correction.OG = 12/10° avec -0,75 (myopie mi-nime, le patient ne porte pas de lunettes).Il est adressé pour avis, avant réa-lisation d’une ponction lombaire pour étude de la composition et de la pression du LCR.L’examen au verre rouge élimine une paralysie oculomotrice, mais, surtout, le coordimètre de Weiss ré-alisé la première semaine de la di-plopie en donne immédiatement le mécanisme et le traitement (Fig. 3).Ce patient est en divergence minime, facile à compenser, lorsqu’il fixe avec son œil gauche, mais en convergence minime, impossible à compenser, lorsqu’il fixe avec son œil droit. Son œil gauche est devenu myope et l’ab-sence de correction par lunettes de cette petite myopie l’a fait changer d’œil dominant. Après 20’ de port de la bonne correction optique, la vi-sion est redevenue simple.

M. f., 39 ansCe patient présente une diplopie qui le gêne pour nager et faire du vélo car, dans ces deux sports, il faut utili-ser le regard vers le haut pour regar-der devant soit.Il a bénéficié d’un coordimètre de Weiss interprété, qui semble mon-trer une limitation du droit supé-rieur gauche (Fig. 4).

Cette interprétation est erronée : ce schéma est caractéristique de syn-drome de restriction sur le droit in-férieur gauche. Ce n’est pas le muscle droit supérieur qui ne se contracte pas, mais le muscle droit inférieur qui ne se laisse pas étirer lorsque le droit supérieur se contracte. Malgré le bilan thyroïdien normal, il s’agit presque certainement d’une maladie de Basedow.

Remarque :Le diagnostic oculomoteur pré-cis conduit souvent à un diagnostic étiologique.

sMokinG, no sMokinG...

• Mme S., l’urgence du dimanche...Elle présente une diplopie depuis le soir même, une impression d’ébrié-té et une démarche ébrieuse... Et elle a vraiment bu.L’examen au verre rouge est très va-riable d’un instant à l’autre. On a un doute sur la force des orbiculaires. Par ailleurs, la patiente voit 10/10° ODG, les photomoteurs sont nor-maux, ainsi que les FO. Une IRM est prévue dès le lendemain… mais la patiente décède dans la nuit.

Figure 2 - enfant r. ,10 ans...

Figure 3 - m. b., 32 ans...

Figure 4 - m. F., 39 ans...

Page 31: dossier 1re partie Musique & Neurologie

En pratiquE

184 Neurologies • Mai 2014 • vol. 17 • numéro 168

• Mme S., l’urgence du dimanche... Mais examinée par un élève du Dr Monique SchaisonOn complète l’examen clinique en testant le champ visuel par confron-tation, car celui-ci fait partie de l’examen neuro-ophtalmologique minimum, quelle que soit la symp-tomatologie. On retrouve une hé-mianopsie droite évidente, ce qui fait comprendre qu’il se passe des choses graves dans le territoire postérieur. L’IRM faite sur le champ montre une thrombose vertébro-basilaire et la patiente bénéficie dans la foulée d’une fibrinolyse. Elle gué-rira sans séquelle.

Remarque : Lorsque l’on sait le volume et le tra-jet des voies optiques, ne pas tester le champ visuel par confrontation, c’est se priver de précieux renseigne-ments, y compris en cas de diplopie

(pour mémoire, une hémianopsie homonyme et a fortiori une hémia-nopsie bitemporale peuvent décom-penser la fusion et faire voir double, sans paralysie oculomotrice).

concLusionToute diplopie est une urgence dia-gnostique. Le diagnostic des muscles responsables de la diplopie est une étape incontournable et urgente. Ce-lui-ci est le préalable nécessaire au bi-lan étiologique. C’est aussi le préalable nécessaire au traitement symptomatique : on n’opère pas de la même façon une paralysie du droit supérieur et un syndrome de restriction du droit in-férieur. On n’opère pas de la même fa-çon une paralysie d’origine vasculaire ou tumorale et une paralysie d’origine myasthénique... Mais on doit les opé-rer si le traitement médical n’a pas permis de rendre une vision simple.

L’existence d’une maladie évolutive responsable de la diplopie n’est pas une contre-indication chirurgicale. On voit encore souvent des patients adressés pour chirurgie de la diplopie alors qu’ils voient double depuis plu-sieurs années. Entre supporter une diplopie invalidante et supporter une chirurgie oculomotrice ambulatoire, sous anesthésie locale..., le choix des patients va clairement vers la chirur-gie, même en sachant qu’il faudra peut-être ré-intervenir un jour. En tout cas, ils doivent être informés de cette possibilité. n

correspondance

Dr Laurent Laloum

Ophtalmologiste, Paris

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Diplopie, Diagnostic, conduite à tenir,

examen neurologique, chirurgie

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Neu

ro 1

68

Page 32: dossier 1re partie Musique & Neurologie

rendez-vous de l’industrie

ScléroSe en plaqueS

résultats à 3 ans pour lemtrada®

l ors du Congrès de l’AAN, les laboratoires Genzyme ont mon-

tré que les résultats IRM obtenus avec Lemtrada® (alemtu-

zumab) se maintiennent lors de la 1re année de prolongation des

études de phase   III vs fortes doses d’IFN bêta-1a (CARE-MS I,

patients naïfs de tout traitement ; CARE-MS II, patients avec

maladie active sous un autre traitement) : effets sur l’activité T1

et Gd+ maintenus à 3 ans ; au cours de la 3e année, plus de 70 %

des patients sans signe d’activité (Gd+, ou lésions T2 nouvelles ou

ayant augmenté de volume) ; volume des lésions T2 augmenté

entre la 2e et la 3e année, mais resté inférieur au volume pré-trai-

tement ; taux d’atrophie, diminué à 2 ans, continuant de ralentir

la 3e année. Les effets indésirables les plus fréquents sont : réac-

tions liées à la perfusion (maux de tête, éruption cutanée, pyrexie,

nausées, fatigue, urticaire, insomnie, prurit, diarrhée, frissons,

vertiges et bouffées de chaleur), infections (voies respiratoires

supérieures et urinaires) et leucopénies. Des maladies autoim-

munes (thrombocytopénie immune, autres cytopénies, gloméru-

lonéphrite, troubles thyroïdiens) et infections graves peuvent sur-

venir. Un programme de gestion des risques intégrant des actions

d’éducation et surveillance permettra la détection et la prise en

charge précoces de ces risques. Les résultats de sécurité de la 1re

année de prolongation ont été rapportés dans le cadre des études

CARE-MS de Phase III ; aucun nouveau risque n’a été identifié. n

ScléroSe en plaqueS

Journée mondiale de la Sep

a l’occasion de la Journée Mondiale de la SEP, le 28 mai, l’Union

pour la lutte contre la sclérose en plaques (UNISEP) lance

une campagne de sensibilisation autour du ruban bleu, symbole

du soutien aux patients et à leur entourage. Différentes actions

reprendront ce thème : avec la ville de Paris, un immense ruban

bleu sur la façade du Châtelet, des vitrophanies géantes sur les

façades de Genzyme à Lyon et Sanofi Porte d’Orléans, un concours

de photo chez Capgemini mettant en scène le ruban afin de sensi-

biliser ses collaborateurs à la SEP et de faire connaître ce symbole

de soutien.

En savoir plus et télécharger le flyer grand public :

www.unisep.org

www.facebook.com/UNISEP.UnionPourLaLutteContreLaSEP n

neurovaSculaire

Former les patients sous anticoagulant

B oehringer Ingelheim propose un dispositif d’aide à la forma-

tion des patients atteints de fibrillation atriale et traités sous

anticoagulants oraux directs (AOD), la “F.A. Box”, réalisé par un

comité scientifique dirigé par le Pr Patrick Jourdain, Chef du dépar-

tement d’éducation thérapeutique à la faculté de médecine Paris

Descartes et Chef de pôle cardiovasculaire et métabolisme au

centre hospitalier René Dubos de Pontoise (Comité scientifique :

Pr P. Amarenco, Pr A. Cohen, Pr I. Elalamy, Pr O. Hanon, Pr J.Y. Le

Heuzey, Pr J.L. Mas, Pr P. Mismetti, A.Boireau). Ce jeu de l’oie, uti-

lisé à l’hôpital sous le contrôle d’un professionnel de santé (infir-

miers, médecins, pharmaciens…), réunit jusqu’à six patients, mais

aussi leurs proches. Grâce à des cartes “Connaissance” et “Mise en

situation”, ceux-ci répondent à des questions pratiques : « Vous

devez vous faire opérer. Que faites-vous par rapport à votre trai-

tement par AOD ? », « Vous avez oublié votre traitement par AOD

hier soir car vous étiez chez des amis, que faites-vous ? »... Les

joueurs acquièrent ainsi, grâce au jeu et à l’échange d’expériences,

des connaissances sur la maladie et les situations à risques de

la vie quotidienne. Boehringer Ingelheim commerciale Actilyse®

(altéplase) et Pradaxa® (dabigatran etexilate). n

international SympoSium on pediatric neuro-oncology (iSpno 2014) 28 juin-2 juillet 2014 Singapour• Renseignements et inscriptions Site : www.ispno2014.com/

9th FenS Forum oF neuroScience5-9 juillet 2014 milanFederation of European NeuroscienceSocieties• Renseignements et inscriptionsMs Rachel Gavrieli

Tél. : +41 22 9080488 Ext. 944

Site : http://fens2014.neurosciences.asso.fr/

World congreSS on neuro-therapeuticS - dilemnaS, deBateS , diScuSSion (dddn)4-7 septembre 2014, Bâle• Renseignements et inscriptionsCongressMed

5 Druyanov St. - Tel Aviv 6314305 - Israël

Tél. : 972 73 706 6953 - Fax : 972 3 725 6266

E-mail : [email protected]

Site : www.congressmed.com/neurology/

4th european headache and migraine truSt international congreSS (ehmtic)18-21 septembre 2014, copenhague• Renseignements et inscriptionsKenes International

1-3, rue de Chantepoulet - P.O. Box 1726

CH-1211 Genève 1, Suisse

Tél. : +41 22 908 0488 - Fax : +41 22 906 9140

E-mail : [email protected]

Site : www.ehmtic2014.com

17e JournéeS FrançaiSeS de l’épilepSie 12-15 novembre 2014, nancyLigue Française Contre l’Epilepsie (LFCE)• Thème : “Entre les crises...”

• Renseignements et inscriptionsJFE 2014 - ACTCOM

37 rue de l’aiguillerie, 34000 Montpellier

Tél. : 04 67 999 777 - Fax : 09 56 52 27 97

E-mail : [email protected]

Sites : www.lfce.fr / www.jfe-congres.fr

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