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COMPRÉHENSION DE LA POLITIQUE 39 Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne 3 Démocratie et citoyenneté « ....de nombreux leaders ont une perception négative du pouvoir, qu’ils assimilent au contrôle et à la domination, à un concept qui ne peut pas être partagé sans ébranler son centre, au lieu de le percevoir d’une manière positive comme quelque chose qui rend possible .... » Zimbabwéen 1999¹ «« Martin Luther King, Jr. définit le pouvoir comme la capacité à atteindre un but. Que le pouvoir soit bon ou mauvais dépend du but ». Grassroots Policy Project, 2001 2 Le pouvoir est une dynamique qui fait partie intégrante de la politique. La définition, l’ana- lyse et l’organisation du pouvoir constituent une partie essentielle et permanente du plai- doyer citoyen. Cependant, le pouvoir s’avère être l’un des thèmes les plus délicats et diffi- ciles à traiter dans notre ouvrage. Le pouvoir peut sembler particulièrement mo- nolithique et impénétrable pour les personnes ayant vécu sous des régimes qui interdisent ou répriment la participation citoyenne. Notre ex- périence a montré que les personnes qui s’en- gagent pour la première fois dans la politique, et même certains militants plus chevronnés, ont souvent une vision sinistre et immuable du pouvoir. Une telle perspective unidimension- nelle peut compromettre l’efficacité des analyses et des actions. En réalité, le pouvoir est à la fois dynamique et multidimensionnel, et évolue en fonction du contexte, des circons- tances et des intérêts. Ses expressions et formes vont de la domination à la collaboration et de la résistance à la transformation. Ceci est d’ailleurs une bonne nouvelle pour les acteurs du plaidoyer dont les stratégies dépendent des nouvelles opportunités et ouvertures qu’offrent l’exercice et les structures du pouvoir. Cependant, et en dépit de l’importance que les analystes accordent à ces dynamiques, les programmes en faveur du plaidoyer et de la démocratie cherchent rarement à comprendre les relations de pouvoir et les intérêts sous-jacents. Le fait de ne pas prendre en compte les complexités du pouvoir peut aboutir à des opportunités manquées et des mauvais choix stratégiques. Pire, cela peut s’avérer risqué et contreproductif, non seulement pour les acteurs du plaidoyer mais également pour les donateurs et les autres promoteurs du développement et de la démo- cratie (voir l’encadré de la page suivante). Les spécialistes des domaines de la résolution des conflits et de la construction de la démocratie mettent l’accent sur la nécessité d’intégrer le pouvoir dans leurs analyses et actions (voir la section Pouvoir, plaidoyer et conflit, page 46). Dans ce chapitre, nous tenterons de démysti- fier et de dévoiler les nombreuses facettes du pouvoir. Nous considérons le pouvoir comme une force individuelle, collective et politique qui peut soit ébranler, soit émanciper les ci- toyens et leurs organisations. Cette force peut aussi bien faciliter, accélérer ou stopper le pro- cessus de changement encouragé par le plai- doyer. Cette discussion s’appuie sur la théorie et sur des expériences pratiques, concernant en particulier la pauvreté et les droits des femmes. Le pouvoir y a été analysé sous l’an- gle de la subordination et de la discrimination. Ce chapitre porte sur la définition du pouvoir, tandis que la deuxième partie présente une diversité d’outils et de cadres permettant de cerner et d’analyser le pouvoir et les intérêts. Remarque La compréhension du pouvoir implique à la fois une analyse personnelle et politique des institutions et des valeurs. Étant donné que les valeurs reflètent des croyances fortement ancrées, leur analyse demande une certaine diplomatie. Par conséquent, il vaut mieux faire les exercices portant sur ces questions dans un environnement où les participants se sen- tent à l’aise et en confiance avec les autres. PART 1 CHAP 3 (39-58)_V3:BAT 19/12/08 16:31 Page 39

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39Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne

3 Démocratie et citoyenneté

« ....de nombreux leaders ont une perception négative du pouvoir, qu’ils assimilent au contrôle et à la domination, à un concept qui ne peut pas être partagé sans ébranler son centre, au lieu de le percevoir

d’une manière positive comme quelque chose qui rend possible .... » Zimbabwéen 1999¹

«« Martin Luther King, Jr. définit le pouvoir comme la capacité à atteindre un but. Que le pouvoir soit bon ou mauvais dépend du but ».

Grassroots Policy Project, 20012

Le pouvoir est une dynamique qui fait partie intégrante de la politique. La définition, l’ana-lyse et l’organisation du pouvoir constituentune partie essentielle et permanente du plai-doyer citoyen. Cependant, le pouvoir s’avèreêtre l’un des thèmes les plus délicats et diffi-ciles à traiter dans notre ouvrage.

Le pouvoir peut sembler particulièrement mo-nolithique et impénétrable pour les personnesayant vécu sous des régimes qui interdisent ourépriment la participation citoyenne. Notre ex-périence a montré que les personnes qui s’en-gagent pour la première fois dans la politique,et même certains militants plus chevronnés,ont souvent une vision sinistre et immuable dupouvoir. Une telle perspective unidimension-nelle peut compromettre l’efficacité des analyses et des actions. En réalité, le pouvoirest à la fois dynamique et multidimensionnel,et évolue en fonction du contexte, des circons-tances et des intérêts. Ses expressions etformes vont de la domination à la collaborationet de la résistance à la transformation. Ceci estd’ailleurs une bonne nouvelle pour les acteursdu plaidoyer dont les stratégies dépendent desnouvelles opportunités et ouvertures qu’offrentl’exercice et les structures du pouvoir.

Cependant, et en dépit de l’importance que lesanalystes accordent à ces dynamiques, les programmes en faveur du plaidoyer et de la démocratie cherchent rarement à comprendre lesrelations de pouvoir et les intérêts sous-jacents.Le fait de ne pas prendre en compte les complexitésdu pouvoir peut aboutir à des opportunités manquées et des mauvais choix stratégiques.Pire, cela peut s’avérer risqué et contreproductif,non seulement pour les acteurs du plaidoyer

mais également pour les donateurs et les autrespromoteurs du développement et de la démo-cratie (voir l’encadré de la page suivante). Lesspécialistes des domaines de la résolution desconflits et de la construction de la démocratiemettent l’accent sur la nécessité d’intégrer lepouvoir dans leurs analyses et actions (voir lasection Pouvoir, plaidoyer et conflit, page 46).

Dans ce chapitre, nous tenterons de démysti-fier et de dévoiler les nombreuses facettes dupouvoir. Nous considérons le pouvoir commeune force individuelle, collective et politiquequi peut soit ébranler, soit émanciper les ci-toyens et leurs organisations. Cette force peutaussi bien faciliter, accélérer ou stopper le pro-cessus de changement encouragé par le plai-doyer. Cette discussion s’appuie sur la théorieet sur des expériences pratiques, concernanten particulier la pauvreté et les droits desfemmes. Le pouvoir y a été analysé sous l’an-gle de la subordination et de la discrimination.

Ce chapitre porte sur la définition du pouvoir,tandis que la deuxième partie présente une diversité d’outils et de cadres permettant decerner et d’analyser le pouvoir et les intérêts.

Remarque

La compréhension du pouvoir implique à lafois une analyse personnelle et politique desinstitutions et des valeurs. Étant donné que lesvaleurs reflètent des croyances fortement ancrées, leur analyse demande une certainediplomatie. Par conséquent, il vaut mieux faireles exercices portant sur ces questions dansun environnement où les participants se sen-tent à l’aise et en confiance avec les autres.

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3 Pouvoir et émancipation

40 Pouvoir, peuple et politique : Une Nouvelle Trame

Le chaînon manquant du pouvoir

En examinant les initiatives de démocratie menées par les États-Unis à l’étranger, Thomas Carothers duCarnegie Endowment for International Peace met l’accent sur ce qu’il appelle « le chaînon manquant dupouvoir », qu’il considère comme un facteur clé, susceptible de saper les efforts de changement. Le fait denégliger les structures du pouvoir et les intérêts, souligne-t-il, a conduit à l’échec de nombreux pro-grammes, depuis les efforts de réforme judiciaire jusqu’aux campagnes pour le changement législatif.

« ....en réponse au manque de justice formelle dans un pays, les organismes d’aide évaluent le système judiciaire, par exemple, et concluent qu’il est insuffisant à cause de la lenteur de traitement des dossiers,du manque de formation et de documentation juridique à jour pour les juges, de l’inadéquation de l’infra-structure, etc. Ils proposent alors les solutions suivantes : réforme de l’administration des tribunaux, formation et documentation juridique pour les juges, équipements pour les tribunaux, etc. Le plus souvent,ils ne se posent pas les questions suivantes : pourquoi le système judiciaire est dans un état lamentable, àqui profite sa faiblesse et quels intérêts seraient menacés ou favorisés par les réformes ?. L’assistance peutsupprimer temporairement certains symptômes, mais les pathologies systémiques sous-jacentes subsistent».

Pour résoudre ce problème, Carothers présente l’un des défis majeurs auxquels nous tentons de répondredans ce Guide : comment intégrer une analyse des intérêts et des relations de pouvoir dans nos stratégies.

« Certains promoteurs de la démocratie se raccrochent à ce qu’un critique appelle « la vision Walt Disneyde la démocratisation », où tout se termine toujours bien, sans que personne ne soit blessé. Ils ont du malà se tourner vers une vision du monde plus réaliste, une vision qui ne suppose pas que la concentration indéboulonnable du pouvoir politique se liquéfiera...

« ...de nombreux projets ne lancent pas une réflexion approfondie sur ces questions, et s’appuient sur desidées simplistes de modélisation institutionnelle, comme par exemple, enseigner aux juges et aux politi-ciens que la corruption est illégale dissuadera la plupart d’entre eux d’accepter des pots-de-vin, ou encoresensibiliser les citoyens à l’importance du vote secouera leur apathie politique, etc.

« Étant donné que les promoteurs de la démocratie accordent plus d’importance aux intérêts et aux relationsde pouvoir...ils ne doivent pas s’attendre à des réponses toutes faites... La prise en compte des intérêts et desrelations de pouvoir exige surtout une analyse rigoureuse et approfondie de la situation locale... L’importancedes intérêts et du pouvoir pousse inévitablement les organismes d’aide à s’intéresser plus au processus qu’aurésultat, à trouver des solutions pour stimuler et aider les processus de changement sociopolitique au lieu dereproduire simplement les formes [institutionnelles]... En se basant réellement sur le contexte local, ils se ren-dent compte que les efforts d’aide risquent d’être beaucoup plus lents, difficiles et risqués ».

Thomas Carothers, Aiding Democracy Abroad: The Learning Curve. Washington, DC: Carnegie Endowment for InternationalPeace, 1999.

Description du pouvoir

La compréhension du pouvoir peut commen-cer comme un processus personnel où le sim-ple fait d’en discuter ouvertement peut aiderles personnes à surmonter la controverse et lagêne qui entourent le sujet. Les deux exer-cices ci-après aident à initier une réflexion surle pouvoir en partant d’hypothèses et d’expé-riences personnelles. Ils encouragent les per-

sonnes à identifier leurs propres sources de pouvoir afin de remettre en question les visions restrictives sur le pouvoir et l’impuissance. Ces exercices peuvent être sui-vis de l’exercice Fleur du pouvoir du chapitre 6qui traite plus en détail de l’identité et du pouvoir public.

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41Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne

Concepts de base du pouvoir

« Le pouvoir peut être défini comme le degré de contrôle exercé par différentes parties de la société surdes ressources matérielles, humaines, intellectuelles et financières. Le contrôle de ces ressources devientune source de pouvoir individuel et social. Le pouvoir est dynamique et relationnel, et non absolu – il estexercé dans les relations sociales, économiques et politiques entre les individus et les groupes. Il est égale-ment réparti de manière inégale – certains individus ou groupes ont un contrôle accru sur les sources depouvoir tandis que d’autres ont un contrôle limité voire nul. L’étendue du pouvoir d’un individu ou d’ungroupe dépend du nombre de ressources différentes auxquelles il peut accéder et qu’il peut contrôler.

Les différents degrés de pouvoir sont maintenus et perpétués par les divisions sociales telles que le genre,l’âge, la caste, la classe, l’ethnie, la race, le nord-sud, et par les institutions telles que la famille, la religion,l’éducation, les médias, la législation, etc. Notre compréhension du pouvoir serait incomplète si nous nementionnions pas son partenaire, l’idéologie. L’idéologie est une structure complexe de croyances, valeurs,attitudes, modes de perception et d’analyse de la réalité sociale. Les idéologies sont largement diffusées etappliquées dans les institutions et les structures sociales, économiques, politiques et religieuses comme lafamille, le système éducatif, la religion, les médias, l’économie et l’État, avec ses branches administratives,législatives et militaires. Les institutions et les structures économiques, politiques, juridiques et judiciairescréées et assurées par l’État tendent à renforcer l’idéologie dominante et le pouvoir des groupes domi-nants, même si leurs objectifs et politiques déclarés sont en apparence égalitaires. Alors que l’idéologiemaintient plus efficacement une structure de pouvoir inégale que la contrainte et la domination pure etdure, nous ne devons pas oublier qu’elle est toujours renforcée par la menace de la force, s’il nous venait àl’esprit de nous rebeller contre le système dominant.

Mais ni le pouvoir et l’idéologie, ni l’État ne sont statiques ou monolithiques. Un processus continu de résis-tance et de contestation se développe dans les sections les moins puissantes et marginalisées de la so-ciété, ce qui entraîne des variations dans la structure du pouvoir. Lorsque la force et l’ampleur de cescontestations atteignent un niveau suffisant, elles peuvent aboutir à une transformation totale de la struc-ture du pouvoir ».

Étude menée par ASPBAE (Asia Pacific Bureau of Adult Education), 1993, durant la campagne contre la faim de la FAO, comme citéedans le document Women’s Empowerment in South Asia - Concepts and Practices, Srilatha Batliwala, ASPBAE/FAO (Draft), 1993.

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3 Exercice : Identification des sources et Utilisations du pouvoir

42 Pouvoir, peuple et politique : Une Nouvelle Trame

Objectif

Présenter le concept de pouvoir et encourager les personnes à reconnaître leur propre pouvoir et po-tentiel. Cet exercice permet d’avoir une idée rapide de ce que les participants pensent du pouvoir. Sinous avons du temps supplémentaire, l’exercice suivant permet une analyse plus approfondie.

Déroulement

(Durée : entre 30 minutes et 1 heure et demie)

1. Distribuons des copies des illustrations dela page suivante, accompagnées des ins-tructions suivantes :

• Identifions et décrivons le type de pou-voir présenté dans chacun des quatredessins.

• Expliquons l’impact de ce type de pou-voir sur la participation citoyenne.

2. Une discussion enrichissante doit êtreguidée par deux questions. Les réponsesdoivent être notées sur un tableau.

• Quelles sont les principales sources depouvoir ?

• Quelles sont nos sources potentiellesde pouvoir en tant que citoyen ?

Suivi

Cet exercice traite des aspects visibles du pouvoir. L’exercice suivant, Sentiment de pouvoir et d’im-puissance, présente les aspects psychologiques, émotionnels et sociaux les plus invisibles du pouvoir.

« Pour influencer efficacement les structures dupouvoir au sein du gouvernement ou de l’entre-prise, d’autres sources de pouvoir doivent êtreutilisées. Dans le contexte du plaidoyer public,les six principales sources sont les suivantes :

• Le pouvoir de la mobilisation des personneset des citoyens

• Le pouvoir de l’information et des connais-sances

• Le pouvoir des garanties constitutionnelles

• Le pouvoir de l’expérience et des relationsdirectes à la base

• Le pouvoir de la solidarité

• Le pouvoir des convictions morales »

John Samuel, National Centre for AdvocacyStudies, Inde

Réponses courantes à la question sur les « sources de pouvoir »• contrôle• argent et richesse• position• connaissances et informations• puissance et force• abus• capacité à inspirer de la peur

Réponses courantes à la question sur les « autres sources »• persévérance• informations• équité• organisation et planification• nos propres connaissances• notre propre expérience• engagement• droiture morale• nombres*• solidarité• humour

Cette liste regroupe les réponses de militants de 10 pays différents.

* Le pouvoir du grand nombre représente une source de pouvoir majeure, mais il n’est généralement pas utilisé à bon escient. Parexemple, dans la plupart des pays, les femmes représentent la majorité des électeurs, mais elles sont sous représentées dans lesprises de décisions et bénéficient d’un accès limité aux ressources publiques. La mobilisation d’autres sources de pouvoir nécessitede trouver des solutions pour combattre un profond sentiment d’impuissance.

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3Identification des sources et Utilisations du pouvoir (suite)

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3 Exercice : Sentiment de pouvoir et d’impuissance

44 Pouvoir, peuple et politique : Une Nouvelle Trame

Objectif

Analyser les expériences personnelles en matière de pouvoir et d’impuissance, et expliquer cequ’elles nous apprennent sur les autres sources du pouvoir politique.

Déroulement(Durée : 2 heures)

1. Remettons à chaque participant unegrande feuille de papier et des marqueurs.

2. Demandons-leur de dessiner un trait au mi-lieu de la feuille. Sur un côté, ils doiventdessiner une situation qui leur a donné unsentiment de pouvoir. Sur l’autre côté, ilsdoivent dessiner une situation qui leur adonné un sentiment d’impuissance.

3. Demandons à chaque personne d’expliquer son dessin.

4. Une fois que tous les dessins ont été expliqués, copions nos notes sur une nouvelle feuille.Montrons que les mots utilisés par les participants pour décrire leurs expériences avec le pou-voir illustrent leur gêne. Par exemple, les associations avec les termes contrôle, violence, abus,force et argent donnent souvent aux personnes un sentiment de honte. Sélectionnons les récitsqui démontrent que les personnes ne sont pas totalement impuissantes. Par exemple, elles ontdu pouvoir à travers l’organisation, le travail collectif, la résolution des problèmes, l’accès auxinformations ou le comportement éthique.

Les expériences personnelles sur le sentiment de pouvoir et d’impuissance peuvent encourager lesparticipants à utiliser des méthodologies d’émancipation. Les acteurs du plaidoyer pensent souventqu’ils doivent parler au nom des communautés pour lesquelles ils travaillent et résoudre leurs pro-blèmes. À travers cet exercice, ils peuvent se rendre compte qu’il est plus utile d’offrir des compé-tences et des informations qui permettront aux communautés de résoudre leurs propres problèmes.

De nombreuses personnes ne se sentent pas àl’aise en dessin. Elles peuvent demander à écrireleur réponse avec des mots. Expliquons-leur quele dessin est souvent une manière plus efficacede montrer et d’exprimer nos émotions. Le faitd’avoir à réfléchir de manière créative sur la ma-nière d’exprimer ce qu’on pense amène souventà porter un regard neuf sur ses expériences. En-courageons les personnes les plus réticentes àutiliser des symboles et des personnages. Laqualité du dessin n’a aucune importance.

Réponses courantes pour les « situations quinous donnent un sentiment de pouvoir »• surmonter ma peur ou un sentiment d’igno-

rance en me forçant à agir• reconnaissance par les autres de ce que j’ai fait• trouver une solution créative à un problème

qui semblait insurmontable• être capable de gérer une tâche difficile• réussir en tant que leader• s’intéresser aux autres et les aider• rejoindre un groupe de personnes ayant le

même problème• capacité à inspirer de la peur

Réponses courantes pour les « situa-tions qui nous donnent un sentimentd’impuissance »• manque de respect et rejet• être ignoré• être l’objet de préjugés et être privé de la

possibilité de faire ses preuves• manque de contrôle• perte• ignorance• honte• isolement

Écoutons les sentiments et les actions qui incarnent les aspects émotionnels, spirituels et psychologiquesdu pouvoir et de l’impuissance. Notons-les sur une feuille de papier. Voici des exemples extraits d’ateliers.

Cette liste regroupe les réponses de plusieurs pays.

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45Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne

Expressions du pouvoir

Pour comprendre les diverses sources et ex-pressions du pouvoir – positives comme néga-tives – les distinctions ci-après peuvents’avérer utiles.

Pouvoir dominant

Cette forme de pouvoir la plus couramment re-connue a de nombreuses connotations néga-tives pour les personnes, par exemple larépression, la force, la contrainte, la discrimi-nation, la corruption et l’abus.3 Le pouvoir estconsidéré comme une relation de type ga-gnant/perdant. Ceux qui ont du pouvoir leprennent nécessairement à d’autres, puis l’uti-lisent pour dominer et empêcher les autres dele prendre. En politique, ceux qui contrôlent lesressources et les décisions ont du pouvoir surceux qui ne contrôlent rien. Lorsque les per-sonnes ne peuvent pas accéder à des res-sources importantes comme la terre, les soinsde santé et l’emploi, le pouvoir dominant per-pétue l’inégalité, l’injustice et la pauvreté.

En l’absence d’autres modèles et d’autres in-fluences, les personnes ont tendance à répéterle modèle pouvoir dominant dans leurs rela-tions personnelles, leurs communautés et leursinstitutions. Ceci est également vrai pour lespersonnes appartenant à des groupes margi-nalisés ou « impuissants ». Lorsqu’elles accè-dent au pouvoir dans des postes deleadership, elles ont parfois tendance à « imiterl’oppresseur ». Par conséquent, les acteurs duplaidoyer ne peuvent pas s’attendre à ce quel’expérience de l’exclusion les prépare à deve-nir des leaders démocratiques. De nouvellesformes de leadership et de prises de décisionsdoivent être explicitement définies, enseignéeset récompensées afin de promouvoir desformes de pouvoir plus démocratiques.

Les professionnels et les universitaires ontcherché des solutions plus arrangeantes pourexercer et utiliser le pouvoir. Trois solutions –pouvoir collectif, pouvoir intrinsèque et pouvoirintérieur– offrent des modes d’expression posi-tifs du pouvoir, permettant d’établir des rela-tions plus équitables. En affirmant la capacité

des personnes à agir de manière créative, ellesoffrent des principes de base à l’élaborationde stratégies d’émancipation.

Pouvoir collectif

Le pouvoir collectif consiste à trouver unconsensus entre différents intérêts pour créerune force collective. Basé sur le soutien, la so-lidarité et la collaboration mutuelle, ce pouvoirmultiplie les connaissances et les talents indi-viduels. Il permet de concilier différents inté-rêts afin de transformer ou de réduire lesconflits sociaux, et de promouvoir les relationséquitables. Les groupes de plaidoyer recher-chent des alliés et créent des coalitions en sebasant sur la notion de pouvoir collectif.

Pouvoir intrinsèque

Le pouvoir intrinsèque fait référence au po-tentiel unique de chaque personne à façonnersa vie et son monde. Lorsqu’il est basé sur lesoutien mutuel, il multiplie les possibilitésd’actions communes, et devient alors pouvoircollectif. La sensibilisation des citoyens et ledéveloppement du leadership pour le plai-doyer sont basés sur l’idée selon laquellechaque personne a le pouvoir de faire la différence.

Pouvoir intérieur

Le pouvoir intérieur fait référence à laconfiance en soi et la connaissance de sa pro-pre personne ; il inclut la capacité à reconnaî-tre les différences individuelles tout enrespectant les autres. Le pouvoir intérieur estla capacité à imaginer et à avoir de l’espoir ; ilaffirme que la recherche de dignité et d’épa-nouissement doit être commune aux hommes.De nombreux efforts à la base s’inspirent desexpériences et des réflexions individuellespour aider les personnes à affirmer leur valeurpropre et à reconnaître leur pouvoir intrinsèqueet leur pouvoir collectif. C’est sous le nomd’intervention (capacité à agir et à changer lemonde) que ces deux formes de pouvoir ontété désignées par des universitaires, dansleurs écrits sur le développement et le change-ment social.

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3 Pouvoir, plaidoyer et conflit

46 Pouvoir, peuple et politique : Une Nouvelle Trame

« Le pouvoir fait partie intégrante de tous les conflits…les professionnels doivent prendre conscience de leurpropre pouvoir, de leur interprétation du pouvoir et des valeurs et objectifs qu’ils véhiculent dans des situations

conflictuelles. En outre, ils doivent évaluer explicitement le rôle du pouvoir dans les relations conflictuelles, déterminer leur propre influence et,lors de conflits résultant d’un déséquilibre important du pouvoir, ils doivent

rechercher la solution la plus appropriée.

« Dans chaque situation conflictuelle, il est important de se poser un certain nombre de questions, par exem-ple : Quelles sont les sources de pouvoir des personnes en conflit ? Y a-t-il un déséquilibre important

du pouvoir ? Y a-t-il une mauvaise utilisation ou une utilisation abusive du pouvoir ? Comment les personnes lesmoins puissantes peuvent-elles gagner un peu plus de pouvoir? Quelle intervention est la plus appropriée ? »

Carolyn Shronk-Shenk4

Adam Curle, l’un des pionniers en matière de résolution des conflits, met l’accent sur les problèmesde pouvoir dans le rétablissement de la paix, et souligne que la prise de conscience, le plaidoyer et la négociation sont des moments importants du processus. Le tableau ci-après présente un synopsis de ses idées (voir aussi John Paul Lederach). Il trace le mouvement allant des relationsconflictuelles aux relations pacifiques en comparant les niveaux de pouvoir à des niveaux deconscience et des moments du processus. Lorsqu’un conflit est caché ou latent, la sensibilisationet la prise de conscience aident les personnes à se rendre compte du problème et des déséquili-bres du pouvoir inhérents à la situation (voir chapitre 4).

Lorsque les personnes prennent conscience d’un conflit et de leurs propres intérêts, nombre d’entreelles passent à l’action et affrontent le problème par le biais du plaidoyer et du militantisme. En casde succès, le processus améliore l’équilibre des forces et légitime leurs efforts de changement. Unefois que les injustices ont été identifiées, et seulement à ce moment-là, les négociations et la paixdurable deviennent possibles.

3. Négociation 4. Paix durable

1. Sensibilisation/ 2. Confrontation /

Prise de conscience Plaidoyer

Conflit latent Conflit ouvert

Équilibré

Déséquilibré

Pouvoir

Adam Curle, Framework for Moving to Peaceful Relations in Making Peace, Tavistock, 1972.

John Paul Lederach, Preparing for Peace: Conflict Transformation Across Cultures, Syracuse UP, 1995.

Faible Élevé

Conscience du conflit

RELATIONS

Conflictuelles Pacifiques

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47Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne

Plusieurs niveaux de pouvoir politiqueParce qu’il ne s’exerce pas toujours sous desformes visibles, le pouvoir politique est encore plus difficile à analyser et à affronter. Pour aider les militants et les acteurs du plaidoyer à mieux appréhender le pouvoir, nous présentons ici trois dimensions interactives du pouvoir dominant qui définissent les paramètres de la participation et duplaidoyer politiques. Elles vont des dimensions lesplus évidentes et visibles à celles qui se passent en coulisse, presque totalement inaperçues. Nousdécrivons également certaines stratégies visant à influencer et à utiliser ces différentes expressionsdu pouvoir. Les dimensions les moins visibles sont,bien évidemment, les plus difficiles à mettre enœuvre, dans la mesure où le pouvoir a tendance àêtre dissimulé et diffus, noyé dans les normes et les pratiques culturelles et sociales.5

1. Pouvoir visible : prises de décisions observables7

Ce niveau comprend les aspects visibles et définissables du pouvoir politique – règles, structures, autorités, institutions et procédures formelles de prises de décisions. Parmi les exem-ples, on peut citer les élections, les partis poli-tiques, les lois, les corps législatifs, les budgets, la politique des entreprises, les statuts, etc. Lepouvoir visible s’oppose à certains intérêts ou cer-taines personnes de deux manières principales :

• Par des lois et des politiques partisanes, qui peuvent sembler « neutres », mais qui servent manifestement un groupe de personnes au

détriment des autres, par exemple les poli-tiques en matière de santé qui ne sont pasadaptées aux besoins spécifiques desfemmes, ou d’autres formes d’exclusionplus manifestes comme les critères d’âge etde genre en matière d’embauche ;

• Par des structures décisionnelles fermées,corrompues ou non représentatives, qui neprennent pas suffisamment en compte lesvoix ou les intérêts des personnes qu’ellessont censées servir.

Naturellement, les citoyens et les donateurs accor-dent une très grande importance au fait d’influen-cer les expressions visibles du pouvoir, et d’yrépondre, par exemple par l’élection de plus defemmes ou de minorités à des postes de respon-sabilité, ou par la réforme des lois discriminatoires.Ce sont des stratégies importantes, mais elles nesuffisent pas à supplanter les règles tacites de lasociété et les dynamiques du pouvoir qui préva-lent souvent sur les règles formelles du système.

Malgré l’existence de lois et de structures déci-sionnelles impartiales, les politiques ne sont jamaisélaborées dans des conditions égales pour tous.En coulisse, des forces politiques, économiques,sociales et culturelles mettent tout en œuvre pourpeser sur le choix des personnes qui s’assoiront àla table des prises de décisions. L’exemple pré-senté dans l’encadré de la page suivante, Pro-grammes d’action visibles et invisibles illustreces dimensions cachées et invisibles du pouvoir.

2. Pouvoir caché : définition du programmepolitique

Ce niveau de pouvoir dominant est moins évi-dent, et par conséquent, plus difficile à exercer.Certaines personnes et institutions puissantesconservent leur poids en contrôlant les personnesqui s’assoient à la table des prises de décisions,influençant jusqu’à l’ordre du jour. Ces dyna-miques excluent et dévaluent les préoccupationset la représentativité des autres groupes moinspuissants tels que les femmes et les pauvres. Lesgroupes exclus soulignent souvent que leurs pro-blèmes, par exemple les déchets toxiques, lesdroits fonciers ou la violence domestique, sont àla fois invisibles pour l’ensemble de la société etabsents du programme politique. Les difficultésd’accès à une couverture médiatique peuvent li-miter davantage la visibilité et la légitimité des re-vendications, dans la mesure où les médias ne

« Les normes et les institutions socialessont les principaux obstacles auxquels sontconfrontés les femmes et les hommes pau-vres lorsqu’ils tentent d’améliorer leursconditions de vie. Leurs expériences dé-montrent, encore et encore, que les règlesinformelles ou les normes sociales sont pro-fondément ancrées dans la société et queles « règles en vigueur » l’emportent sur lesrègles formelles. . . Du fait du profond an-crage des normes sociales, tout change-ment dans une partie du système n’induitpas de changement systémique. . .“

Deepa Narayan, Can Anyone Hear Us?6

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considèrent pas les problèmes de ces groupescomme « faisant partie du courant dominant » oudignes d’intérêt.

Dans certains contextes, des intérêts politiqueset économiques puissants tentent de discrédi-ter les groupes défavorisés, en empêchant lescitoyens sans ressources ni affiliation de faireentendre leurs voix, si nombreuses soient-elles.Dans certains cas, les leaders sont dénigrésvoire tués. En empêchant que des opinions etdes questions importantes soient portées à laconnaissance d’un public impartial, les prisesde décisions peuvent être détournées pour pro-fiter à une minorité, au détriment de la majorité.

Les groupes de plaidoyer remettent en causece niveau de pouvoir dominant, en créant desgroupes d’intérêts élargis pour la réforme poli-tique et institutionnelle, aptes à réduire lesdiscriminations. La création d’organisationspuissantes et responsables leur permetd’exercer leur pouvoir avec les autres, afind’accéder à la table des prises de décisions.Ils analysent les contextes et élaborent d’au-tres perspectives sur leurs problèmes poli-tiques. Ils tentent également de nouer desrelations avec des alliés puissants, afin de

renforcer leur voix et réaffirmer leur présencepolitique. Ces stratégies ont été efficacementappliquées, entres autres, par des groupesluttant pour la protection de l’environnement,contre le SIDA, pour les femmes et pour lerespect des droits.

3. Pouvoir invisible : modification du sens

La plus insidieuse des trois dimensions du pou-voir fonctionne de telle sorte que les intérêts etles questions en jeu deviennent invisibles. Lesproblèmes importants sont non seulement éli-minés de la table des prises de décisions, maiségalement des esprits et de la conscience desdifférents acteurs concernés, et même de ceuxqui sont directement affectés par le problème.En influençant la réflexion des personnes surleur place dans le monde, ce niveau de pouvoirfaçonne leurs croyances, leur conscience etleur acceptation de leur propre supériorité ouinfériorité. Dans de nombreuses sociétés, parexemple, on a enseigné aux hommes et auxfemmes à accepter naturellement leurs rela-tions et rôles respectifs. Le consentement so-cialisé les empêche de poser des questions, oud’envisager la possibilité de changer ces rela-tions ou de combattre les injustices.

Programmes d’action visibles et invisibles

L’expérience du plaidoyer vécue par des groupes de femmes au Zimbabwe illustre les complexités des dy-namiques visibles et invisibles du pouvoir. Ces groupes étaient préoccupés par les droits de succession etde propriété des femmes. En effet, un nombre croissant de femmes et d’enfants se voyaient dépossédésde leurs biens à la mort du chef de famille à cause d’un phénomène social couramment appelé « expro-priation ». Immédiatement après le décès, la belle-famille s’appropriait rapidement la propriété du couple,laissant la veuve démunie. Au début des années 90, des groupes ont lancé une campagne de plaidoyerpour réformer les lois sur la propriété, afin que les veuves puissent bénéficier d’une protection légale debase contre ces injustices. Ils pensaient que le soutien général du public, conjugué à la réalité des faits, in-citeraient les législateurs à réformer les lois. Malheureusement, les acteurs du plaidoyer n’ont pas tenucompte du pouvoir de la tradition, des coutumes ou des lois non écrites de la société. Ils ont sous-estimél’opposition des parties intéressées et négligé les dimensions culturelles du problème.

Les autorités traditionnelles se sont en effet fermement opposées à la réforme. Elles estimaient qu’en re-mettant en cause la loi coutumière, cette nouvelle loi risquait de fragiliser le contrôle qu’elles exercent surleurs communautés. Par ailleurs, ces autorités représentaient la principale source de soutien politique duPrésident dans les zones rurales, et possédaient une influence considérable. De nombreux autres hommespolitiques se sont opposés à la réforme, estimant que cette revendication féministe, importée de l’Occident,détruirait la famille africaine. La réforme n’avait aucune chance d’aboutir.

Les acteurs du plaidoyer ont porté l’affaire devant le Tribunal de grande instance. Ils espéraient gagner leprocès en invoquant le fait que les coutumes entraient en contradiction avec la constitution. Nouvel échec !Les militants ont navigué avec habileté dans les procédures formelles de la politique publique, mais le pou-voir invisible de la culture et des parties intéressées l’a emporté.

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Les processus de socialisation, de culture etd’idéologie perpétuent l’exclusion et les inéga-lités, en définissant ce qui est normal, accepta-ble et sans risque. Les écoles, les médias, lesintérêts collectifs et les leaders religieux et po-litiques, entre autres forces d’influence, façon-nent les valeurs et les normes et empêchenttout changement. Dans de nombreux pays, lesvaleurs et les préjugés concernant les femmeset les minorités raciales sont mis en évidenceet renforcés par des récits et des images quiapparaissent dans les manuels scolaires, lespublicités ou la presse. Ils perpétuent des sté-réotypes négatifs qui limitent les rôles et lesaspirations de ces groupes. Les femmes et lesminorités, quant à elles, intériorisent souventces idées, et se rejettent la responsabilité.

Paradoxalement, ce type de pouvoir dominantpeut également favoriser la résistance et l’ac-tion des personnes lorsqu’elles travaillent en-semble sur des problèmes communs. Lespersonnes peuvent tirer parti du pouvoir inté-rieur et collectif pour changer les situations quiles blessent et les entravent. Par exemple, lesefforts de prise de conscience et de sensibili-sation des femmes ont contribué à la modifica-tion des programmes scolaires et à lasensibilisation des médias (voir le chapitre 13,page 246). Ces stratégies collaboratives ontpermis aux ONG, aux gouvernements et ausecteur privé de mettre en place des réformesvisant à donner une image plus positive desjeunes filles et des femmes, ou à garantir unereprésentation ethnique plus variée.

Ce troisième niveau du pouvoir dominant utiliseégalement le contrôle de l’accès aux informa-tions pour dissimuler les problèmes. Si les per-sonnes ne sont pas informées d’une question,elles ne peuvent pas prendre des décisions avi-sées ou participer aux débats publics pouvantcontribuer à sa résolution. Par exemple, denombreuses communautés dans le monde ontsouffert de maladies graves, ou sont mortes àcause des déchets toxiques. Lorsqu’ils ont étéconfrontés à la question, les responsables de lapollution ont souvent nié que les substancesétaient dangereuses. Pourtant, les actions enjustice ont révélé par la suite qu’ils connais-saient les impacts potentiels sur la santé, maisavaient préféré dissimuler ces informations.

Pour les communautés marginalisées, lemanque d’accès aux informations peut renfor-cer leur sentiment d’impuissance, d’ignoranceet de responsabilité, mais il peut également lesinciter à agir. Dans de nombreux pays, les acti-vités de plaidoyer se sont parfois transforméesen campagnes sur le droit de savoir, lorsqueles gouvernements et les autres institutions ontrefusé de fournir des informations. Pour faireface à cette dimension du pouvoir, les ONG etles groupes communautaires collaborent sou-vent avec des établissements universitaires oudes journalistes d’investigation pour détermi-ner la nature et l’étendue d’un problème.

Quel que soit le contexte, ce niveau de pouvoirest le plus difficile et litigieux à traiter. Les va-leurs et les croyances sociales sont extrême-ment sensibles et subjectives. En politique,l’idéologie, plus que tous les autres domainesde conflit, semble être un champ de bataille oùles compromis sont limités. Ce sujet sera traitéplus en détail au chapitre 15.

Le graphique de la page suivante présente lesmécanismes du pouvoir visible, caché et invisi-ble, et les types de stratégies de plaidoyerpouvant être utilisés pour les contrecarrer.

Pour ceux qui souhaitent approfondir ces ques-tions, il y a en annexe d’autres informations etexercices sur les dynamiques du pouvoir domi-nant. Nous y avons inclus une analyse des com-portements et des facteurs d’exclusion et dediscrimination, dominants et secondaires.

Remarque

Tout au long du Guide, nous présentons diverscadres d’investigation. Nous les proposonsnéanmoins avec certaines réserves. Ces cadresaident à condenser et à résumer des informa-tions complexes, et par conséquent, ils fournis-sent une présentation rapide des idées et desrelations. Mais ils peuvent également entraînerune simplification excessive, et perdre le dyna-misme et les complexités qu’ils tentent de re-présenter. En examinant les questions qu’ilssoulèvent, nous pouvons être amené à lesadapter et les restructurer afin qu’ils corres-pondent mieux à chacune de nos situations.

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Mécanismes et stratégies

Mécanismes : différentes expressions et formes de pouvoir

La participation dans les prisesde décisions publiques semblerelativement simple à premièrevue. Elle semble déterminée parle contexte politique, l’influence,les ressources et l’expertise desdifférents acteurs politiques. Cependant, les mécanismes invisibles et cachés du pouvoirdéterminent l’efficacité de la participation citoyenne. Ces mé-canismes peuvent mener à l’impuissance, au conflit, à la marginalisation et à la résistance.

Différentes stratégies sont requises pour neutraliser ces mécanismes, afin de généraliserla participation politique, et de permettre aux personnesd’exercer leurs droits et devoirsde citoyens. (Voir ci-dessous).

Pouvoir visible

Institutions, représentantset instruments formels :les mécanismes visiblesdu pouvoir déterminentles règles de base for-melles de la société.

Institutions et représen-tants formels : le Prési-dent, le Premier ministre,le pouvoir législatif, les tri-bunaux, les ministères, lapolice, l’armée, etc., lesNations unies, le FMI, laBanque mondiale ; le sec-teur privé : industries, mul-tinationales, chambres decommerce, entreprises, etc.

Instruments : politiques,lois, constitutions, bud-gets, réglementations,conventions, mécanismesen place etc.

Formes de discrimination :lois/politiques partiales(par exemple, les poli-tiques de santé qui nes’intéressent pas aux be-soins des femmes en ma-tière de procréation) ;structures de prises de dé-cisions fermées et non re-présentatives (parlements,tribunaux, etc.)

Pouvoir caché

Exclusion et absence delégitimité : certainsgroupes (et leurs revendi-cations) sont exclus desprises de décisions du faitdes pratiques, institutionset règles tacites de la so-ciété, et de l’échiquier po-litique. Les médias neconsidèrent pas toujoursque les revendications deces groupes sont impor-tantes ou médiatiques.

Ces groupes et leurs do-léances sont rendus invisi-bles par l’intimidation, ladésinformation et la récu-pération. Les leaders sontqualifiés de trouble-fêtesou de non représentatifs ;les questions telles que laviolence domestique sontreléguées à la sphère pri-vée de la famille, et donchors de portée de l’actionpublique.

Pouvoir invisible

Socialisation et contrôlede l’information : les pro-cessus, les pratiques, lesnormes culturelles et lescoutumes façonnent lacompréhension qu’ont lespersonnes de leurs be-soins, de leurs rôles et deleurs potentiels, à tel pointque cela peut entraverune action efficace pour lechangement.

Dans les groupes margi-naux, la socialisation dé-veloppe, tout en lesintériorisant, des senti-ments de subordination,d’apathie, d’autocritique,d’impuissance, d’absencede mérite, d’hostilité, decolère, etc.

Les informations vitalesrestent dissimulées etinaccessibles.

Stratégies : principales stratégies de plaidoyer pourlutter contre l’impuissance et l’exclusion

Le plaidoyer pour la justice sociale nécessite des stratégiesd’action globales s’intéressantaux différentes formes de pou-voir visible, caché et invisible, etexploitant les sources alterna-tives du pouvoir (pouvoir collec-tif, intérieur et intrinsèque).

(Les flèches reflètent les relationsinteractives existant entre les diffé-rentes formes de pouvoir et les différents types de stratégie.)

- Lobbying et surveillance- Négociation et procédure

judiciaire- Sensibilisation publique

et médias- Recherches de poli-

tiques, propositions- Rapports fantômes- Marches et

manifestations- Vote et candidature- Innovations- Collaboration- Etc.

- Création de groupesd’intérêts actifs autourde préoccupations communes

- Renforcement des organi-sations, des coalitions, etdes leaders responsables

- Mobilisation autour deprogrammes communs ;démonstration d’influence à travers l’action directe

- Recherche participativeet diffusion d’informa-tions légitimant les problèmes des groupesexclus.

- Développement de laconfiance en soi, éduca-tion à la citoyenneté, àla collaboration, à laprise de conscience poli-tique, à l’analyse poli-tique et à l’utilisation demédias alternatifs.

- Échange d’expériences,communication et rela-tion avec d’autres per-sonnes, affirmation de larésistance, mise en rela-tion de problèmesconcrets et quotidiensavec les droits basiques

- Enquête, recherche-action et diffusion d’in-formations dissimulées

Pouvoir, participation politique et changement social

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D’autres réflexions sur les aspects publics et privés du pouvoir politiqueLa théorie sur le genre ajoute une nouvelleperspective dans la compréhension des diffé-rents niveaux et expressions du pouvoir s’ap-pliquant aussi bien aux femmes qu’auxhommes. Elle critique l’importance accordéeau pouvoir visible comme étant le creuset oùtoutes les politiques prennent forme. Les uni-versitaires et les spécialistes de l’émancipationdes femmes expliquent que le pouvoir poli-tique prend forme à trois niveaux complémen-taires de la vie d’une femme. Ils expliquentqu’un changement est possible à conditionque les stratégies politiques s’intéressent aupouvoir et l’abordent dans les domaines pu-blics, privés et intimes.

Le domaine public du pouvoir fait référence àla face visible du pouvoir lorsqu’il affecte lesfemmes et les hommes dans leurs tâches, leuremploi, leur vie publique, leurs droits légaux, etc.

Le domaine privé du pouvoir fait référence aux relations et aux rôles dans les familles,entre amis, dans les relations sexuelles, le mariage, etc.

Le domaine intime du pouvoir fait référenceà soi, à la confiance personnelle, à la psycho-logie et à la relation avec le corps et la santé.

Pour chaque femme, l’expérience du pouvoirou de l’impuissance sera différente selon larace, la classe ou l’âge, et peut même êtrecontradictoire dans différents domaines de sa vie. Par exemple, une femme politique

Lorsque les femmes exercent le pouvoir

« L’expérience montre qu’en général lorsque les femmes sont entrées en politique et dans les institutionspolitiques, l’un des deux scénarios suivants s’est produit :

• elles ont été cooptées et/ou corrompues par la culture politique dominante (ce qui signifie souventqu’elles s’éloignent des besoins et des problèmes de la majorité des femmes) • elles ne veulent pas appliquer les règles du jeu, et sont rendues politiquement inefficaces et marginalisées.

« Dans les deux cas, ni la cause des femmes n’a été améliorée, ni la nature de la politique proprement diten’a été remise en cause ou modifiée de manière significative. À mon avis, trois raisons principales expli-quent cet état de fait.

• Absence d’une masse critique de femmes dans les institutions politiques.

• Absence de liens entre les femmes en politique et les mouvements féministes.

• Expérience du pouvoir par les femmes dans la sphère privée et publique.

« Étant donné que les femmes ont été exclues du pouvoir dans le domaine public pendant des millénaires, leurunique expérience de l’exercice du pouvoir se situe globalement dans la sphère familiale ou privée. Même dansle domaine privé, la plupart des femmes ont dû exercer indirectement le pouvoir, à travers leur influence sur leshommes de la maison. Elles ont été ainsi conditionnées à respecter le pouvoir masculin, et à rechercher dupouvoir à travers leur influence sur les hommes. Elles n’ont pas assez d’expérience en matière de collaborationavec les hommes – beaucoup moins qu’avec d’autres femmes – pour participer à des projets sociaux degrande envergure, et pas assez de pratique non plus en matière d’utilisation du pouvoir à une autre fin.

« À l’inverse, leur seul modèle d’exercice du pouvoir dans la sphère publique est celui créé par la classe etla caste dominante patriarcale. La culture du pouvoir qu’elles ont connue est celle du pouvoir dominant, etnon le pouvoir au nom d’une cause ou pour un bien social élargi. Le modèle de pouvoir politique signifiedésormais amasser de la richesse et de l’influence pour soi, pour la communauté et pour le parti, faire dumécénat et promouvoir des intérêts restreints ».

Srilatha Batliwala, Political Representation and the Women‘s Movement, Conférence organisée en mai 1997 à Hyderabad, en Inde,sous les auspices de Women and Society Forum of ASMITA.

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qui semble à l’aise en public peut accepter unrôle secondaire dans sa famille ; elle peutmême être victime d’abus dans ses relationsprivées tout en respectant les contraintes etl’image liées à ses fonctions publiques. Par-tout dans le monde, il est courant qu’unefemme soit confrontée aux mêmes contraintesprofessionnelles que son partenaire masculin,mais qu’elle soit la principale ou la seule per-sonne à s’occuper de la gestion de la maisonet des enfants. La difficulté de la préventioncontre le SIDA illustre davantage certainescontradictions constatées dans les relations depouvoir dans le domaine intime. Partout, denombreux hommes et femmes apparemmentinstruits et émancipés ne prennent pas les pré-cautions nécessaires pour se protéger contrela maladie, en dépit des connaissances et desressources disponibles.

La prise en compte de ces aspects et de cescontradictions peut être utile pour comprendreles tensions générées par l’émancipation denombreuses femmes. Les stratégies de chan-gement et de plaidoyer politiques, lorsqu’elless’appliquent uniquement au domaine public,peuvent occulter certaines difficultés majeuresauxquelles sont confrontées les femmes lea-ders, citoyennes actives ou fonctionnaires,lorsqu’elles retournent dans leurs maisons etfamilles. En partant de cette perspective, lesmilitantes affirment que la bonne citoyennetépour les femmes et les hommes ne concernepas uniquement le comportement public.

Le graphique ci-dessous8 permet d’expliquercomment les trois couches différentes inter-agissent avec les facteurs d’exclusion et dediscrimination (voir l’annexe, page 337), déter-minant ainsi les obstacles et les opportunitésd’émancipation.

Analyse et exploration des différents niveaux du pouvoirQu’implique cette méthode de classificationdu pouvoir en termes de planification du plai-doyer et d’action ? Elle indique surtout quel’analyse doit explorer plusieurs angles et mul-tiplier les stratégies afin de pouvoir générer duchangement à tous les niveaux du pouvoir.Autre difficulté : généralement, tous les ni-veaux ou formes de pouvoir fonctionnent si-multanément à un moment donné. Les effortsde plaidoyer se concentrent souvent sur lesaspects du pouvoir les plus visibles, et occul-tent les autres aspects. Cela limite leur impactà long terme.

La plupart des groupes ne peuvent pas entre-prendre toutes les actions nécessaires pourexplorer les dynamiques du pouvoir. Chaquegroupe apporte ses propres forces et res-sources au plaidoyer. Ce n’est qu’en renfor-çant leur pouvoir avec d’autres groupes qu’ilspeuvent élaborer des stratégies globales plusefficaces.

GENRE CLASSERACE / ETHNIE

ORIENTATION

SEXELLERELIGION ETC.

Intime- estime de soi- image de soi

Privé- partenaire- famille- enfants

Public - local- régional- international

Relation entre les trois domaines du pouvoir

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Les deuxième et troisième parties de ce Guidedétaillent les stratégies s’appliquant à tous lesniveaux du pouvoir. Dans le chapitre 10, nousprésenterons un cadre de planification globaledu plaidoyer qui tente d’appliquer la planificationà tous les niveaux et domaines du pouvoir. Dansle chapitre suivant, nous décrivons les approchespédagogiques axées sur l’émancipation des ci-toyens, approches qui s’appuient sur les troisaspects du pouvoir présentés plus haut.

Qu’est-ce que l’émancipation ? Comment le plaidoyer peut-il répondre auxformes et aux résultats négatifs du pouvoir dominant ? Comme nous l’avons soulignédans la précédente discussion, le changementde politique à lui tout seul ne suffit pas pourcette tâche à plusieurs niveaux.

Les promoteurs de la justice sociale veulentque leurs stratégies encouragent les personnesà défendre leurs droits, et qu’elles contribuentà créer des sociétés équitables et saines. Dece fait, l’émancipation est à la fois une stratégieet un objectif du plaidoyer citoyen. Cependant,à l’instar de nombreux concepts liés au chan-gement social, l’émancipation est un sujet trèscontroversé. Malgré la popularité du terme, ellecomporte de nombreuses significations quipeuvent parfois prêter à confusion.

La plupart des définitions proviennent d’expé-riences de travail avec des femmes et descommunautés pauvres en vue de promouvoirun développement participatif. Ces définitionsprésentent des caractéristiques communes qui

sont utiles pour le travail de plaidoyer. Elles as-socient les objectifs visant à renforcer laconfiance à d’autres objectifs visant à combat-tre l’exclusion et l’impuissance.

Save the Children définit (le résultat final de)l’émancipation comme suit : « les personnespeuvent alors faire des choix et prendre desdécisions pour elles-mêmes en touteconfiance, à partir d’une position économique,politique et sociale forte ». 9

Par ailleurs, Srilatha Batliwala décrit le proces-sus comme suit :

« Le terme émancipation fait référence à un éventaild’activités allant de l’affirmation de soi à la résistance,de la protestation à la mobilisation collective, et qui re-mettent en cause les relations de pouvoir de base.Pour les individus et les groupes dont la classe, lacaste, l’ethnie et le genre déterminent leur accès auxressources et au pouvoir, l’émancipation commencenon seulement lorsqu’ils reconnaissent l’ensemble desforces qui les oppressent, mais également lorsqu’ilsagissent pour changer les relations de pouvoir exis-tantes. Par conséquent, l’émancipation est un proces-sus qui vise, dans un contexte donné, à changer lanature et le sens des forces de marginalisation ». 10

Des militants asiatiques définissent l’émanci-pation des femmes comme « le processus et lerésultat du processus » :

• de remise en question de l’idéologie de ladomination des hommes et de la subordina-tion des femmes ;

• d’assistance aux femmes afin qu’elles puis-sent bénéficier d’un accès et d’un contrôleégalitaires sur les ressources (matérielles,humaines, intellectuelles et financières) ;

« Le changement institutionnel est souvent plus facile que le changement personnel…la plupart despersonnes résistent aux changements dans leur espace personnel, même lorsque cela impliqued’étendre leurs horizons. Il n’est pas facile pour les personnes d’atteindre... une conscience critiquedans leur vie en raison d’un besoin intrinsèque d’appartenance et de repères. En Afrique ou dans lespays en développement, l’assurance que confère le sens de l’appartenance l’emporte sur les fonctionsde bien-être social de l’État, ce qui crée des obstacles majeurs quant à la cohérence de la consciencepolitique. Ce que fait une personne dans un contexte institutionnel est souvent différent des compro-mis acceptés dans la vie privée par souci d’appartenance, en particulier pour un groupe marginalisécomme celui des femmes. On ne peut pas parler d’incohérence, car la capacité à reconnaître le pou-voir et ses usages, et à agir dans un contexte d’instinct de conservation est en réalité une « force ».

Hope Chigudu, Chair, Global Fund for Women, personal correspondence, 2001

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• de transformation des systèmes, des insti-tutions (famille, éducation, religion, médias,etc.) et des structures (légales, politiques,économiques, sociales) à travers lesquelsl’idéologie et la pratique de la subordinationsont renforcées et reproduites.11

À la page suivante, nous présentons deux ca-dres d’émancipation qui illustrent, sous formede graphiques, les différents éléments etphases du processus. Le Processus d’émanci-pation politique, en haut de la page a été éla-boré pour les militants des droits de l’homme.Il décrit certaines dimensions et certains com-posants de l’émancipation qui contribuent àcréer de nouvelles formes de pouvoir politique,par le biais notamment de l’action citoyenne.Les flèches montantes de ce graphique montrent que les personnes développent uneconscience politique et collective en réfléchis-sant et en analysant leur propre vie, mais aussi en étudiant les problèmes de manièrecollective.

En dessous, le Cadre d’émancipation desfemmes a été conçu pour aider les spécialistesdu développement à comprendre et à résou-dre les problèmes interactifs de pauvreté et dedisparité entre les sexes. Dans ce cadre, lemouvement ascendant va de la prise encharge des besoins de base aux droits de par-ticipation et de contrôle. Ces deux cadrespeuvent être utilisés pour stimuler la discus-sion sur la signification, le processus et les difficultés de l’émancipation pour le plaidoyercitoyen.

Conflits et risques liés à l’émancipationL’émancipation est un processus impliquant ladécouverte et le changement individuels. Laplupart des discussions sur l’émancipation lacomparent à un processus d’évolution gra-duel. Cependant, elle est loin d’être linéaire,prévisible ou facile. L’émancipation ressembleplutôt à une danse consistant à faire deux pasen avant, trois pas en arrière, puis à se dépla-cer lentement en spirale.

Elle implique que les hommes comme lesfemmes se posent des questions sur leursrôles dans le monde qui les entoure. Cesquestions peuvent susciter la gêne, voire lacolère des amis, de la famille et de la commu-nauté dans son ensemble. Ces tensions créentchez les femmes des niveaux d’émancipationcontradictoires en public et à la maison (voircitation ci-dessous), et peuvent inciter cer-taines personnes à se retirer du processus,même s’il promet des retombées positives surle long terme. Cette situation représente undéfi majeur dans la création d’un nouveau lea-dership, et en particulier à la base. Par ailleurs,les efforts de changement politique impliquantsurtout les droits des groupes et les croyancessociales, par exemple l’organisation desfemmes, peuvent susciter des réactions hos-tiles et présenter des dangers pour les per-sonnes concernées. Pour éviter ces réactionshostiles lorsqu’on travaille avec des femmes,la solution consiste parfois à inclure leshommes dans le processus afin qu’ils ne sesentent pas menacés. Nous présenteronsd’autres solutions pour résoudre les conflitscausés par le changement dans les autreschapitres de ce Guide, et plus en détail auchapitre 16.

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Processus d’émancipation politique

Dimensions ComposantsPouvoir politique Leaders politiques responsables et droits

Reconnaissance générale des droits et du savoir des citoyensImplication du citoyen dans la conduite des changementsPuissantes organisations citoyennes consultées régulièrement par le gouvernementRéforme institutionnelle des lois, de la politique et de l’état

Émancipation Réflexion sur les stratégies d’actionApparition de nouveaux leaders Création de groupes de citoyensLobbying Planification et implémentation de stratégiesOrganisation et diffusion d’informations sur les droits, les lois et les problèmesAcquisition de compétences

Conscience collectiveAnalyse des problèmes communsQuestionnement sur la raison d’être des chosesAuto-réflexion

Conscience individuelle Dialogue avec les autres

Adaptation de Margaret Schuler, Empowerment and the Law: Strategies of Third World Women, OEF International, 1986.

Le cadre d’émancipation des femmes

Niveaux Descriptiond’émancipation

Contrôle Femmes et hommes exercent un contrôle identique sur la production et la répartition des bénéfices.

Participation Femmes et hommes participent de la même manière aux prisesde décisions pour l’ensemble des programmes et des politiques.

Prise de conscience Femmes et hommes pensent que les rôles de genre peuvent êtremodifiés et que l’équité est possible.

Accès Femmes et hommes ont un même accès aux ressources telles que la terre, le travail, le crédit, la formation, les services publics,les droits légitimes.

Aide sociale Les besoins matériels des femmes et des hommes, comme la nourriture, le revenu et les soins de santé, sont satisfaits.

Développé par Sarah Hlupekile Longwe, Spécialiste des questions de genre, Zambie.

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La structure Chaz! (Aha!)La structure Chaz!, ci-dessous, illustre le processus d’émancipation contradictoire enforme de spirale. Ce cadre d’émancipation etde conscience politique des femmes a été créépar des leaders féminins lors d’un atelier sur leplaidoyer en Amérique centrale. 12 Tout en tirant parti de l’expérience des femmes en matière d’organisation, il offre des perspectivesimportantes pour le plaidoyer en faveur desgroupes marginalisés. Le graphique a été élaboré en réponse à la question suivante :Qu’est-ce que la conscience politique et comment la promouvoir ?

La structure commence dans sa partie supé-rieure gauche par le processus sans fin duchangement et de l’émancipation. Les deuxcercles représentent le soi (moi) et le collectif(nous). Lorsque les deux cercles se rejoignent,tous deux accèdent au pouvoir. Cette

approche est représentée par les bords mobiles externes du cercle. Les symbolesmasculins autour des cercles représentent leslimites de la patriarchie que l’émancipationdes femmes doit permettre de franchir.

En avançant dans le sens des aiguilles d’unemontre, la zone suivante du cadre décrit leprocessus de « conscientisation ». Ce proces-sus commence par des informations qui suscitent des questions et de la colère chezla femme qui prend alors conscience de l’injustice et de son impuissance. Lorsqu’elledialogue avec d’autres personnes, elle décou-vre des problèmes communs et commence àdéculpabiliser. Elle approfondit sa réflexion enexplorant des idées telles que la discrimina-tion, l’égalité, l’équité et les droits. Ces idéesl’aident à mieux définir ses problèmes et à légitimer son désir de changement.

Moi subjectif

Nous collectif

Douleur Processus

Coûts Avantages

POUVOIR

Croissance

Colère DiscriminationÉgalitéÉquité

Action politique

InteractifTransformatifTransgressif

Conscience politique selon le genre

Éléments d’un ensemble

DéconstructionCnstruction

qu

e s t ionn

ement

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3Pouvoir et émancipation

COM

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57Le Guide d’action du plaidoyer et de la participation citoyenne

En bas à droite, une femme déconstruit(décompose) et reconstruit sa vision du mondeet son sens de soi par le biais de questionne-ments et de révolte. Il s’agit du point de départde son action politique. Elle comprend qu’ilest possible de changer les aspects restrictifsde sa vie. La conscience politique est Interac-tive (développée en relation avec les autres),Transformative et Transgressive (elle repousseles limites).

Enfin, les conflits d’émancipation sont représentés dans la partie inférieure gauche.Le processus implique une croissance, de ladouleur, des coûts et des avantages. Le cercle en forme de spirale avec les em-preintes de pieds sur le côté illustre l’ensem-ble du processus d’émancipation. Les questions,l’analyse et la colère mènent vers un chemininterne circulaire, jusqu’à ce que des décisionsdifficiles créent une nouvelle prise deconscience de la femme, (aha !) qui sauteen avant pour atterrir sur ses pieds, prête à recommencer le processus. Dans certains cas,la perte et la douleur peuvent être atténuéespar les relations et la solidarité collective. Cependant, le conflit est parfois tellement ex-trême que la femme fait marche arrière, prendpeur ou s’oppose au changement.

Mesure de l’émancipationLa mesure de l’émancipation est un élémentimportant, voire complexe, de suivi et d’éva-luation du plaidoyer citoyen. Elle fait partie deces variables qualitatives qui sont difficiles àidentifier, mais que l’on reconnaît générale-ment facilement quand on les voit. Les spécia-listes en matière de genre et de développementproposent les indicateurs ci-après comme éléments de mesure possibles :

• liberté de mobilité

• implication dans les principales décisionsdu foyer

• absence relative de contrôle familial

• conscience des lois et de la politique

• implication dans les activités communau-taires ou politiques

• sécurité économique• conscience des choix

• conscience de sa propre santé• participation à des groupes • désir d’informations et de nouvelles

expériences

Le sens du mot émancipation varie en fonctiondu contexte et de la personne qui l’évalue. Ce-pendant, on s’accorde sur le fait que les pro-cessus de suivi et d’évaluation les plusfavorables à l’émancipation doivent être parti-cipatifs. Dans un projet de recherche participa-tive sur la santé, des femmes ruralesmexicaines ont créé, avec l’aide d’un facilita-teur externe, un ensemble d’indicateursd’émancipation pour évaluer leurs change-ments personnels au fil du temps. Le proces-sus participatif était, en soi, une activitéd’apprentissage et d’émancipation pour lesfemmes concernées.13

Le graphique ci-après présente une sélectionet une synthèse des indicateurs qu’elles ontcréés. Les chiffres indiquent une progressionallant du moins émancipé (n° 1) au plus éman-cipé (numéro le plus élevé de la liste).

Dans le chapitre suivant, nous approfondironsla discussion sur l’émancipation dans le plai-doyer, en insistant sur la conscience politique.

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3 Pouvoir et émancipation

58 Pouvoir, peuple et politique : Une Nouvelle Trame

NOTES

1 Citation extraite de « Harnessing the Creative Energies of Citizens », par Ezra Mbogori et Hope Chigudu, dans la synthèse régionale afri-caine pour la société civile du projet New Millenium de la Commonwealth Foundation, Londres.

2 Grassroots Policy Project a créé un ensemble de documents de qualité qui aident à comprendre et à analyser le pouvoir. Consultonsleur site Web à l’adresse www.grassrootspolicy.org.

3 Réponses courantes à la question « Qu’est-ce que le pouvoir ? » proposées par des douzaines d’ateliers comprenant des acteurs dudéveloppement, des militants des droits, des enseignants et le gouvernement local en Afrique, en Asie, en Amérique Latine, en Eu-rope de l’Est et en Russie.

4 Carolyn Shronk-Shenk, Mediation and Facilitation Training Manual. Akron, PA: Mennonite Conciliation Service, 2000. 5 Voir John Gaventa (1980), Grassroots Policy Project (2001), Steven Lukes (1974), Naila Kabeer (1994). 6 Deepa Narayan, Can Anyone Hear Us?, (série Voices of the Poor) Banque Mondiale, 2000 7 Voir aussi Grassroots Policy Project, ibid. 8 Malena de Montis, Santa Fe Workshop, 1999 9 Extrait de Empowerment Through People, Programs and Institutions: A Report of the Facets Phase III Workshop. Save the Children, 1998. 10 Srilatha Batliwala, « The Meaning of Women’s Empowerment: New Concepts from Action » dans Population Policies Revisited, Sen,

Chen, Germain, Harvard University Press, 1994. 11 Srilatha Batliwala, 1994, op.cit., chapitre 1. 12 Atelier GWIP/Cenzontle Advocacy TOT qui s’est tenu au Nicaragua en juin 1998. 13 Le graphique a été créé par Gloria Sayavedra et Mayela Garcia, Red de Mujeres Pro Derechos de Educación y Salud. C’est le résultat

d’une recherche menée par la fondation MacArthur, sur la base de récits personnels de 40 femmes de 10 États du Mexique.

Exemples d’indicateurs d’émancipation relatifs aux questions de santé chez les femmes

Niveau d’études Autre type d’éducation Participation sociale Travail salarié Travail

domestique

1. N’a pas été à l’école2. Analphabète3. Enseignement primaire

inachevé4. Primaire5. Secondaire6. Lycée privé7. Diplôme universitaire8. Maîtrise9. Doctorat

1. Aucun atelier2. Quelques ateliers

ou cours3. Plusieurs ateliers4. « Multiplicateur »

ou animateur d’ateliers5. Conseiller, définit

des stratégies de programme

1. Aucune2. Prestataire3. Participation active4. Dispose d’une

situation professionnelle

5. Position et reconnaissance

6. Gestion7. Leadership

1. Ne travaille pas2. Travaille, économiquement

dépendante3. Travaille, dépense de l’ar-

gent pour elle, mais negagne pas assez d’argent pour être économiquementindépendante

4. Travaille, tient à sa contri-bution pour la famille

5. Travaille, tient à sa contri-bution pour elle-même

6. Entrepreneur, possède desbiens

1. S’occupe de plus de cinq personnes quin’aident pas

2. Trois personnes ouplus à charge qui n’ai-dent pas

3. S'acquitte seule destâches domestiques

4. Seules les femmes l'ai-dent

5. « D’autres personnes aident »

6. Son conjoint partageavec elle les responsa-bilités familiales

Disponibilité des services Cadre de vie Contraception Violence physique/

psychologique Violence sexuelle

1. Sans eau2. Avec eau et éclairage3. Avec sol en dur4. Avec assez

de nourriture5. Avec sécurité publique 6. Avec transport public7. Avec services éducatifs

et de santé

1. Vit avec d'autres parents2. Vit avec plus de cinq per-

sonnes3. Vit avec plus de deux

personnes par pièce4. Vit avec deux ou une

personne par pièce5. Possède son propre loge-

ment

1. Laisse l’autre prendreles décisions

2. N’est pas d’accord, le couple n’utilise aucune méthode de contraception

3. Désaccord, ils utilisentles méthodes naturellesde contraception

4. Désaccord, elle utiliseune méthode de contra-ception mais pas ouver-tement

5. Ils utilisent une mé-thode de contraception,les autres personnesdésapprouvent (belle-mère, prêtre, etc...)

6. Utilisent des préservatifs, accord

1. Elle est victime de mau-vais traitements, pleure,cache ses émotions

2. Elle passe sa frustrationsur les enfants

3. Violence occasionnelle,elle ne fait rien

4. Elle est victime de mau-vais traitements (coups,silence, colère)

5. Elle était victime de mau-vais traitements, sépa-rée, introvertie

6. Elle n’est pas victime demauvais traitements, dis-cute des choses pour ob-tenir un accord

7. Relation saine, soutienpsychologique

1. Il la force violem-ment lorsqu’elle refuse d’avoir des relations sexuelles

2. Violence sexuelle fréquente

3. Violence sexuelle occasionnelle

4. Absence de violencesexuelle

5. Elle ne permet pasles relationssexuelles forcées

6. Aucune violencesexuelle, seulementdu plaisir

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