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LA DIVINE LITURGIE La tradition chrétienne situe le paradis terrestre décrit dans la Bible sur le territoire arménien. L’arche de Noé se serait posé sur le Mont Ararat, le plus haut sommet de l’Arménie (5158m), et Noé aurait cultivé la pre- mière vigne dans la plaine de l’Ararat. Peu de temps après la mort du Christ, la foi fit son apparition en Arménie. Les apôtres Thadée, Barthélemy & Jude, qui prêchaient l’Evangile dans le pays de l’Ararat apportèrent le christianisme en Arménie, mais les rois de Perse et d’Arménie soumirent les chrétiens à de cruelles persécutions. Le grand évangélisateur de l’Arménie fut Krikor Loussavoritch (Grégoire l’Illuminateur). Il obtint la conversion de Tiridat III (dernier roi païen d’Ar- ménie) et la reconnaissance du christianisme comme religion d’Etat, vers l’an 300, soit une quinzaine d’années avant l’Empereur Constantin de Rome. C’est alors que les temples païens furent rasés et remplacés par des églises. En 2001 l’Arménie a célébré le 1700ème anniversaire de l’in- stauration du christianisme comme religion d’Etat. Le siège de l’Eglise arménienne se trouve à Etchmiadzine (à 15 km d’Ere- van). Etchmiadzine signifie «le lieu où le Fils unique est descendu». C’est là que Grégoire l’Illuminateur fit élever au début du IV siècle un édifice, première cathédrale au monde, l’un des plus anciens et des plus beaux édifices de l’architecture chrétienne, siège du Katholicos. Grand digni- taire et chef suprême de l’Eglise apostolique arménienne, le Katholicos a joué au cours des siècles le rôle de souverain de la nation arménienne privée de ses droits politiques. Il en résulte donc pour cette charge un grand rôle moral et intellectuel vis-à-vis de la nation arménienne. Cette dignité, comparable à la papauté, fait de l’Eglise Apostolique arméni- enne l’égale de l’Eglise Byzantine Orthodoxe, et de l’Eglise Catholique Romaine. C’est pourquoi l’Eglise arménienne est un des trois gardiens, avec les catholiques et les orthodoxes, du Saint Sépulcre à Jérusalem. Eglises et couvents construits dans les provinces de Dovine, Sisse, Akhta- mar et surtout d’Ani, constituent le joyau du patrimoine architectural ar- ménien. Architectures, sculptures et bas-reliefs font de ces édifices les précurseurs du ghotisme de l’occident chrétien. Relevons ici-même que les Croisés, à leur retour de Jérusalem, ont em- mené avec eux des architectes arméniens pour la construction de leur forteresse (c’était le cas de Richard Cœur-de-Lion) et l’édifice de leurs cathédrales. Le dernier roi d’Arménie, Léon V Lusignan repose auprès des rois de France à la Basilique St.Denis, en France.

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Page 1: Divine Liturgie

LA DIVINE LITURGIE

La tradition chrétienne situe le paradis terrestre décrit dans la Bible sur leterritoire arménien. L’arche de Noé se serait posé sur le Mont Ararat, leplus haut sommet de l’Arménie (5158m), et Noé aurait cultivé la pre-mière vigne dans la plaine de l’Ararat.

Peu de temps après la mort du Christ, la foi fit son apparition en Arménie.Les apôtres Thadée, Barthélemy & Jude, qui prêchaient l’Evangile dansle pays de l’Ararat apportèrent le christianisme en Arménie, mais les roisde Perse et d’Arménie soumirent les chrétiens à de cruelles persécutions.

Le grand évangélisateur de l’Arménie fut Krikor Loussavoritch (Grégoirel’Illuminateur). Il obtint la conversion de Tiridat III (dernier roi païen d’Ar-ménie) et la reconnaissance du christianisme comme religion d’Etat, versl’an 300, soit une quinzaine d’années avant l’Empereur Constantin deRome. C’est alors que les temples païens furent rasés et remplacés pardes églises. En 2001 l’Arménie a célébré le 1700ème anniversaire de l’in-stauration du christianisme comme religion d’Etat.

Le siège de l’Eglise arménienne se trouve à Etchmiadzine (à 15 km d’Ere-van). Etchmiadzine signifie «le lieu où le Fils unique est descendu». C’estlà que Grégoire l’Illuminateur fit élever au début du IV siècle un édifice,première cathédrale au monde, l’un des plus anciens et des plus beauxédifices de l’architecture chrétienne, siège du Katholicos. Grand digni-taire et chef suprême de l’Eglise apostolique arménienne, le Katholicosa joué au cours des siècles le rôle de souverain de la nation arménienneprivée de ses droits politiques. Il en résulte donc pour cette charge ungrand rôle moral et intellectuel vis-à-vis de la nation arménienne. Cettedignité, comparable à la papauté, fait de l’Eglise Apostolique arméni-enne l’égale de l’Eglise Byzantine Orthodoxe, et de l’Eglise CatholiqueRomaine. C’est pourquoi l’Eglise arménienne est un des trois gardiens,avec les catholiques et les orthodoxes, du Saint Sépulcre à Jérusalem.

Eglises et couvents construits dans les provinces de Dovine, Sisse, Akhta-mar et surtout d’Ani, constituent le joyau du patrimoine architectural ar-ménien. Architectures, sculptures et bas-reliefs font de ces édifices lesprécurseurs du ghotisme de l’occident chrétien. Relevons ici-même que les Croisés, à leur retour de Jérusalem, ont em-mené avec eux des architectes arméniens pour la construction de leurforteresse (c’était le cas de Richard Cœur-de-Lion) et l’édifice de leurscathédrales. Le dernier roi d’Arménie, Léon V Lusignan repose auprèsdes rois de France à la Basilique St.Denis, en France.

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L’Église Apostolique arménienne est demeurée conservatrice. La liturgiearménienne s’est fortement inspirée de la musique des rites païens. Il y adans ces chants fidèles aux Ecritures Saintes implorant le Tout-Puissantou célébrant les beautés de la nature, quelque chose à la fois de mys-térieux, et de mélancolique. Toutes ces formes musicales peuvent êtreconsidérées comme les développements de certaines cellules rytmiquesfondamentales. Ces formules (lignes mélodiques, phrases, rythmes,mesures métriques) ont été transmises oralement avec une constanceremarquable.

Au IV siècle, Sahag Bartev et Mesrop Mashdots ont écrit et établi lestextes de bases de toute la liturgie arménienne. La tradition s’est per-pétrée durant tout le moyen-âge. A noter que c’est Mesrop Mashdotsqui, au début du IV siècle, a inventé l’alphabet arménien.

L’office principal dans la liturgie arménienne est la «Badarak», la DivineLiturgie, (la Messe). La Divine Liturgie est composée de deux parties: laSynaxe et L’Eucharistie. La Synaxe, qui veut dire assemblée, consiste àla lecture des passages de l’Evangile. L’Eucharistie (d’origine grecque)qui veut dire remerciements, consiste à des actes de foi en mémoire dudernier souper du Christ.

La culture musicale arménienne est imprégnée d’un grand souffle spir-ituel. A l’origine elle était chantée à une voix ou par un chœur à l’unisson(comme toute forme primaire de musique sacrée occidentale). Elle étaitdonc d’essence monodique et ne comportait pas d’accompagne-ment. Elle était établie sur un choix de gammes phrygiennes (4 notes mi,fa, sol, la) donc grecques, qui n’avaient rien à voir avec les modes ma-jeurs ou mineurs de l’occident. La mélodie reposait sur une note tenue,le bourdon : une même note jouée de manière continue, sert de baseaux divers rapports de hauteur. Ce style d’interprétation pourrait être unhéritage des Troubadours et Trouvères du Moyen-Âge, que les Achougsd’Arménie auraient adopté.

Vers la fin du XIXème et le début du XXème une personnalité religieuseva entreprendre un travail colossal de collection et de composition detous les chants religieux et populaires arméniens : Soghomon GevorkiSoghomonian, plus connu sous le non de Komitas, est un Vartabed (ec-clésiastique), ethnomusicologue, compositeur, chanteur, pédagogue,et conférencier arménien, né en 1869 à Kütahya en Turquie, et décédéle 22 octobre 1935 à Villejuif en France.

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Après ses études de théologie et de musique au séminaire d’Etchmi-adzine, ses aptitudes musicales exceptionnelles lui valurent d’être en-voyé à Berlin pour compléter et parfaire sa culture musicale. De retouren Arménie, Komitas a su retrouver les éléments les plus essentiels et lestraits nationaux les plus caractéristiques de la musique populaire arméni-enne : Il en révéla les plus beaux morceaux, les travailla et les perfec-tionna. Grâce à un travail acharné mené de façon éclairée, Komitas aété, tout comme Bartok pour la musique hongroise, le grand artisan dumaintien de l’intégrité du patrimoine national spirituel arménien.

Se trouvant en Turquie en 1915, il fut déporté dans une région désertiqued’Anatolie avec tous les autres intellectuels arméniens de Constantino-ple (Istambul). Il fut providentiellement épargné par les massacres, alorsque tous ses compagnons d’infortune périrent sous ses yeux. Sa raisonen demeura ébranlé à jamais. Amené à Paris en 1919 pour y être soigné,il y restera interné dans un asile à Villejuif jusqu’à sa mort en 1935. Sadépouille repose aujourd’hui à Erevan depuis 1936.

Auteur d’une «Messe» sublime, son œuvre, malheureusement in-achevée, se compose notamment de plus de trois mille pièces, qu’il atranscrites ou harmonisées, et reste une source d’inspiration pour les mu-siciens contemporains. Ses travaux et ses recherches font autorité dansle monde musical et touchent à l’histoire de la musique arménienne, àson esthétique, à l’origine et à la technique des instruments de musique,ainsi qu’à la langue arménienne. Hymnes, chants populaires et musiquede danses, auraient péri dans l’oubli sans le dévouement de Komitas.C’est à lui que revient le mérite d’avoir sauvé une grande part de larichesse de la culture musicale arménienne.

Etienne Kupélian