discours 67ème foire de chalons en champagne

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Page 1 sur 1 Discours de M. Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Inauguration de la Foire-Exposition de Châlons-en-Champagne Vendredi 30 août 2013 Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil régional, Monsieur le Président du Conseil général, Monsieur le Maire de Chalons en Champagne, Madame la Maire de Reims, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Messieurs les Présidents de l’Union commerciale, industrielle et artisanale de Chalons et organisateurs de la foire, Monsieur le Commissaire général de la foire de Chalons, Mesdames et Messieurs, Merci du fond du cœur de m’accueillir pour inaugurer cette édition 2013 de la Foire de Châlons-en-Champagne. Merci à tous les organisateurs de cet événement qui ont déployé, cette année encore, des trésors d’énergie. Je l’avais déjà vue à l’œuvre, cette énergie, en 2008, lors de ma première venue ici parmi vous. C’est donc aujourd’hui ma « deuxième ». Jamais deux sans trois, dit-on. Vous voilà prévenus, à peine arrivé, j’attends déjà avec impatience votre prochaine invitation ! Merci à tous les élus de Champagne-Ardenne présents ici. Je vous salue, et à travers vous, je rends hommage à tous les élus de France qui, toute l’année, « mouillent le maillot », ne comptent pas leur temps, quelquefois de façon bénévole, pour améliorer la vie de nos compatriotes.

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Page 1: Discours 67ème foire de chalons en champagne

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Discours de M. Claude Bartolone

Président de l’Assemblée nationale

Inauguration de la Foire-Exposition

de Châlons-en-Champagne

Vendredi 30 août 2013

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Monsieur le Président du Conseil général,

Monsieur le Maire de Chalons en Champagne,

Madame la Maire de Reims,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Messieurs les Présidents de l’Union commerciale, industrielle et artisanale de Chalons

et organisateurs de la foire,

Monsieur le Commissaire général de la foire de Chalons,

Mesdames et Messieurs,

Merci du fond du cœur de m’accueillir pour inaugurer cette édition 2013 de la Foire de

Châlons-en-Champagne.

Merci à tous les organisateurs de cet événement qui ont déployé, cette année encore,

des trésors d’énergie. Je l’avais déjà vue à l’œuvre, cette énergie, en 2008, lors de ma

première venue ici parmi vous. C’est donc aujourd’hui ma « deuxième ». Jamais deux

sans trois, dit-on. Vous voilà prévenus, à peine arrivé, j’attends déjà avec impatience

votre prochaine invitation !

Merci à tous les élus de Champagne-Ardenne présents ici. Je vous salue, et à travers

vous, je rends hommage à tous les élus de France qui, toute l’année, « mouillent le

maillot », ne comptent pas leur temps, quelquefois de façon bénévole, pour améliorer

la vie de nos compatriotes.

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Chers amis, lorsqu’on m’a relayé votre invitation, on m’a dit : « Monsieur le Président,

vous allez être invité à vous exprimer sur le monde rural…

Et c’est par-là que je veux commencer. Le monde rural. Qui ne connait pas cette

expression ? Une expression douce à nos oreilles parce qu’elle figure la terre, la vie,

l’effort, la tradition.

Mais une expression moins douce si l’on se met à considérer les Français qui vivent et

travaillent dans le rural comme appartenant à un monde à eux qui serait distinct des

autres.

Notre pays souffre trop de ses fractures, de ses divisions, de ses fragmentations. Les

villes contre les campagnes, les jeunes contre les anciens, les salariés contre les

chômeurs, les actifs contre les retraités… Ne donnons jamais à croire à un Français,

par des expressions malheureuses, qu’il ne serait pas du même monde qu’un autre

Français.

C’est pourquoi je ne suis pas venu vous parler du monde rural.

Je suis venu vous parler de la France. De la mosaïque France, faite de territoires, de

terroirs, de tradition et de modernité, et surtout de la fierté qui doit être la nôtre de faire

Nation commune.

Je suis venu vous parler de nous tous, dans les villes ou dans les campagnes, aux

centres ou aux périphéries, et de ce que nous pouvons faire les uns les autres pour que

notre pays aille de l’avant.

Je suis venu vous parler de cohésion nationale. De quelques idées simples autour

desquelles nous pouvons, nous devons, je le crois, nous rassembler.

Première idée, la confiance. La France doit être confiante dans ses atouts.

Regardez plutôt. Il n’y a qu’à lever les yeux pour voir.

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Regardez la foire de Châlons, cette tradition vieille de 67 ans, cette vitrine des

traditions agricoles, artisanales et industrielles françaises. C’est la vitrine de nos

savoir-faire exposés devant des visiteurs du monde entier.

Regardez toutes les richesses de la Champagne-Ardenne, deuxième région

agroalimentaire de France, ses productions légumières, de betteraves à sucre, ses

produits laitiers. Sans oublier, bien sûr, le champagne !

Je vous le dis en tant que Président de l’Assemblée et au nom de toute la

Représentation nationale : la France est fière de ses agriculteurs ; la France leur

fait confiance pour être l’un des moteurs de sa prospérité de demain.

Et je ne dis pas cela par coquetterie. Laissez-moi vous rappeler quelques vérités brutes.

Un, la France est la première puissance agricole d’Europe. Elle se place largement en

tête avec près de 20% de la production de l’Union, soit plus de 65 milliards d’euros.

Nous sommes loin devant l’Allemagne (13%) et l’Italie (12%). Je pose une question

simple : dans combien de secteurs économiques pouvons-nous nous vanter de

distancer l’Allemagne ?

Deux, l’agriculture française est un secteur privilégié de formation, avec 814

établissements d’enseignement technique et 20 écoles d’enseignement supérieur.

L’intelligence française, le savoir français, ce sont aussi une intelligence et un savoir

agricoles.

Trois, l’agroalimentaire est le premier secteur industriel français, avec 20% du chiffre

d’affaire de l’industrie manufacturière. Il emploie 600 000 salariés dans 13 000

entreprises – dont de très nombreuses PME.

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Quatre, l’industrie agroalimentaire est un secteur qui délocalise très peu : 80 % des

produits consommés sont fabriqués en France. Malgré la concurrence déloyale que

nous livrent certains pays européens, on note même une tendance à relocaliser.

Mesdames et Messieurs, quatre vérités qui sont autant de coups portés à toutes les

Madame Soleil du soi-disant grand déclin agricole français.

Alors laissez-moi vous dire que je ne supporte plus les prophètes de la décadence et les

professeurs en déclinologie, qui nous expliquent à longueur de journée que nous ne

sommes pas assez ceci ou que nous sommes trop cela. Qu’il faudrait arrêter d’être

nous-mêmes pour copier d’autres pays, d’autres modèles.

Arrêtons de nous dénigrer à longueur de journée ! Soyons un peu plus patriotes !

Retrouvons confiance en nous-mêmes ! Pas une confiance béate ou arrogante, mais

une confiance éclairée et enthousiaste qui nous permette de regarder droit dans les

yeux les atouts qui sont ceux de la France, notamment grâce à son agriculture et ses

industriels de l’agroalimentaire.

Une France confiante, disais-je, mais une France consciente. Consciente de ses

difficultés et de l’impérieuse nécessité d’y apporter des réponses d’envergure.

Je ne suis pas venu repeindre la vie à la campagne, en rose.

Je le disais il y a un instant, la France n’est pas l’empilement, et encore moins la

cohabitation, de plusieurs mondes. Mais bien souvent, la réalité que vivent un certain

nombre de nos compatriotes peut le laisser croire.

Je connais les difficultés que l’on peut rencontrer dans les campagnes. Chacun d’entre

nous les mesure.

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Nous savons bien qu’en 10 ans, l’agriculture française a perdu un quart de ses

exploitations, que ce sont des petites et moyennes exploitations qui ont massivement

disparu, et que les petits élevages bovins laitiers ont pratiquement été rayés de la carte.

Nous connaissons la fragilité de ces territoires qui sont extrêmement vulnérables à

toute mauvaise nouvelle. Le battement d’ailes de la perte d’un seul emploi peut

déclencher une tornade à l’autre bout du village. Un emploi en moins, c’est un revenu

en moins, mais aussi une famille en moins sur le secteur, une baisse des ventes du seul

commerce de proximité qui peut ainsi disparaître, et enfin le risque de fermeture de la

dernière classe du bourg.

Nous savons que les déserts médicaux sont une réalité qui a cru ces derniers temps.

Dans les campagnes, un médecin doit assumer la charge de 3000 patients, en moyenne.

Il verra défiler 80 patients dans la journée, dix minutes par consultation.

Et nous savons combien les agriculteurs souffrent quelquefois de se vivre comme les

grands malaimés de la Nation. Combien ils sont blessés par l’image injuste et

mensongère que tentent de véhiculer des gens qui ne connaissent rien et qui voudraient

faire passer les agriculteurs pour des pollueurs, des assistés de Bruxelles ou de simples

conservateurs du patrimoine, eux qui souvent travaillent 7 jours sur 7.

Finalement, Mesdames et Messieurs, les maux que connait la campagne sont assez

semblables aux maux que connaissent les banlieues. Un mélange de sentiment de

déconsidération et de difficultés quotidiennes. Le décor est différent, c’est tout.

Face à cela, nous avons une responsabilité pour les années qui viennent : l’égalité

territoriale. Mieux que cela : la République partout.

La République sur chaque parcelle du territoire national, qu’elle soit faite de terre ou

de goudron.

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La République par la présence d’un service public de qualité, présent partout, parce

que le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine.

La République par l’accès à la santé de proximité, parce que la première des inégalités

c’est l’inégalité face à la mort, et qu’il n’est pas acceptable, dans un grand pays

comme la France, que l’on rende pratiquement 3 ans d’espérance de vie à un habitant

de Champagne-Ardenne quand on est un habitant d’Ile-de-France.

Et bien sûr, la République par ce par quoi tout commence et tout finit : l’emploi,

l’emploi, l’emploi. Tout doit être entrepris durant cette législature pour combattre ce

cancer du chômage de masse.

On peut bien inventer tous les filets de protection sociale du monde, il n’en reste pas

moins que sans travail, pas de confiance et soi et dans les autres ; sans travail, pas de

but lorsqu’on se lève le matin ; sans travail, pas de sentiment d’appartenir à la

collectivité.

Tous les leviers doivent être activés puissamment et simultanément. L’emploi par des

politiques actives et les emplois aidés qui sont indispensables pour ne pas laisser

dévisser un certain nombre de nos compatriotes les plus éloignés de l’emploi.

L’emploi surtout par la reconquête d’une croissance durable. J’y viens.

Une France confiante et consciente, mais surtout une France conquérante.

Je vous le dis, nous avons tous les atouts pour nous projeter conquérants dans la

compétition internationale, dès lors que nous prenons les bonnes décisions et que nous

entreprenons les deux paris gagnants.

D’abord le pari de la renaissance industrielle.

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Ne laissons jamais s’installer l’idée que notre pays serait le simple musée de l’Europe.

Celui que les pays émergents viendraient photographier « en mémoire du temps

où »… La France est une grande Nation industrielle qui n’entend pas se résigner au

déclin dans la mondialisation.

Une usine qui ferme, une exploitation qui disparait, c’est un peu de notre souveraineté

nationale qui s’en va, c’est un peu de la puissance de la France qui s’éteint. La priorité

est de cesser la saignée industrielle qui a entraîné la suppression de 800 000 emplois

industriels en dix ans.

Cette renaissance doit passer par la mobilisation de tous les secteurs économiques : les

services et l’industrie certes, mais aussi l’agriculture et l’agroalimentaire qui sont des

gisements d’emploi et de développement considérables. Notre savoir-faire et notre

réputation dans ces secteurs, comme le démontre cette Foire, sont grands. Alors, ne

nous gênons pas.

Ce combat doit être mené sur tous les fronts.

Un front intérieur : celui de la montée en gamme de nos produits pour permettre à nos

industriels d’aller se frotter à la compétition internationale. Et c’est pourquoi je salue

la mise en place du CICE, de la Banque publique d’investissement ou encore les

efforts en matière de recherche et de développement. Ces instruments sont

perfectibles. Il faudra les évaluer et les améliorer. Le parlement jouera son rôle.

Un front européen aussi : celui de la réorientation de la politique de l’Union. Nous

avons besoin d’une Europe qui protège d’une mondialisation qui trop souvent laisse

sur le bas-côté les plus vulnérables. Pas d’une Europe protectionniste, mais d’une

Europe qui protège.

Alors, oui, nous avons une confrontation politique à mener face aux tenants de

l’Europe minimum, de l’Europe des règles et des disciplines. Je l’assume. On ne gagne

jamais une bataille des idées en commençant par déclarer forfait.

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Certains – entendez la commission de Bruxelles – ont une idée : l’austérité matin, midi

et soir. Baissez les salaires des Européens, coupez les dépenses de protection sociale,

abandonnez les services publics, laissez les agriculteurs livrés à eux-mêmes ; là, nous

aurons de belles colonnes de chiffres bien alignés, et vous verrez tout ira mieux.

La France se fait une autre idée. Cette idée, c’est qu’à force de ruiner les peuples

européens, on ruine les entreprises, on ruine la croissance, on ruine les recettes

fiscales, on ruine les Etats, et les trois seules choses que l’on fait augmenter, c’est le

chômage, la dette et le populisme.

Nous ne voulons pas de cela. C’est d’une Europe protectrice et offensive dont nous

avons besoin dans ce nouveau monde. On n’a jamais vu une idée traverser une pièce

toute seule sans qu’elle soit portée dans le cadre d’une confrontation : à nous

d’imposer à la commission européenne notre idée de l’Europe.

Second pari, le pari de la transition écologique et de l’agriculture du futur.

Vous savez de quoi je parle ici dans cette région qui a fait le choix d’une croissance

verte et vertueuse. Qui investit dans la chimie verte. Une région qui a réussi le pari des

énergies renouvelables en étant aujourd’hui la première région éolienne de France.

Je l’ai déjà dit : on peut vivre avec 4% de déficit, pas avec 4 degrés de plus. Nous

avons une responsabilité devant les générations qui viennent. Nous ne prônons pas la

croissance zéro ni le retour à l’âge de pierre. C’est même tout le contraire. La France

doit être dépositaire du processus de transition écologique et aller à la conquête des

emplois verts, ceux-là même qui nous tendent les bras. L'objectif de 100 000 nouveaux

emplois verts d'ici 3 ans, c’est possible.

Et ça commence dans l’agriculture. Grâce à la transition énergétique, nous avons

l’opportunité de faire de l’agriculture, métier ancestral, le métier du futur.

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C’est un fait, nous sommes en train de sortir de l’idéologie des énergies fossiles. Dans

ce cadre, l’agriculture va forcément redevenir un métier central.

Demain appartient donc à l’agriculture. Mais à une agriculture de l’énergie, une

agriculture du soleil, une agriculture de l’eau, une agriculture de la forêt. Une

agriculture du futur que nous avons la responsabilité de préparer dès aujourd’hui, et

que nous devons faire vivre aux côtés d’une agriculture plus traditionnelle qui a toute

sa place.

Pour cela, la France a besoin d’un nouveau grand pacte agricole avec ses agriculteurs,

comme nous avons su le faire aux 19e et 20e siècles.

Une loi est en préparation. Elle arrivera à l’Assemblée nationale au mois de janvier

prochain. Je serai attentif à ce que les débats parlementaires permettent à ce texte de

répondre aux ambitions qui sont les nôtres.

***

Mesdames et messieurs, j’en termine.

Nous sommes entrés dans un nouveau monde, marqué à la fois par la question

démographique et par la question énergétique. Dans ce nouveau monde, l'agriculteur

est un acteur clé. Je crois même qu’il est l’une des cartes secrètes de la France.

L’agriculteur est au centre de la grande question qui rythmera les trente années qui

viennent : comment nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, dans des

conditions écologiquement responsables ?

Alors je crois urgent de sortir de la vision passéiste du « rural qui meurt ».

L’agriculture, c’est une des clés de l’avenir de la France et de sa capacité à continuer à

jouer dans la cour des grands.

La France est à la croisée des chemins.

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Ou bien elle subit la mondialisation et son cortège de souffrances, d’inégalités,

d’injustices. Et nous savons quels territoires en souffriront le plus.

Ou bien elle va, consciente, confiance et conquérante, à la recherche d’une prospérité

nouvelle, qui permette d’en redistribuer les fruits à tous les Français et de répondre aux

questionnements posés par l’entrée dans un monde nouveau.

Nous tous ici faisons ce choix. Et pour cela, la France a besoin du rassemblement de

toutes ses forces. Dans les villes et dans les campagnes. Jeunes et anciens. Salariés,

artisans, commerçants, chefs d’entreprises, capitaines d’industries. Citoyens électeurs

et citoyens élus !

La France a des atouts. Elle a déjà surmonté des crises. Elle a déjà été confrontée à la

nécessité du changement. A chaque fois, elle a su être au rendez-vous de l’Histoire.

Chers amis, cette fois encore, soyons à l’heure.

Je vous remercie.