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Diocèse de Marseil le

Écouter et Partager la Parole de Dieu

La Pâque de Jésus : récit de la passion Un grand merci au P. Paul Bony et à l ’‛équipe qui l ’‛entoure de nous convier cette année au cœur du mystère pascal : récit de la Passion et ouverture sur les récits de la résurrection. Nous sommes au cœur de notre foi chrétienne, au cœur de notre contemplation du Christ, Fi ls de Dieu Sauveur ! Quel étonnant mystère qui se cache derrière ces évènements ! Nous n’‛aurons jamais fin de le creuser, de le comprendre ! Il est grand le mystère de la foi , chantons nous à l ’‛eucharistie. A l ’‛ image de ce qui est arrivé à ceux qui accompagnaient le Christ, ces événements sont troublants pour nous aussi . Que de souffrances, que d’‛amour ! Le drame du mystère pascal se poursuit dans ce temps qui est le nôtre : que de souffrances et que d’‛amour ! L ’‛Esprit poursuit dans le monde la victoire du crucifié. Que nous sachions nous faire proches des souffrants d ’‛aujourd’‛hui en vivant avec et auprès d ’‛eux le plus grand amour possible. Puissions -nous être ainsi les témoins de Celui qui a donné sa vie pour nous et pour la multitude, de Celui qui a donné sa vie pour nous et pour la multitude, de Celui qui a fait de sa vie un don “pour que les hommes aient la vie et l ’‛aient en abondance.” Celui qui était mort est ressuscité, premier -né d’‛une multitude de frères !

Georges PONTIER Archevêque de Marseil le

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion

Réalisation du parcours : Père Paul BONY Avec une équipe du diocèse de Marseil le,

Sœur Marie-Magdeleine Berthiaux, Annie Guinard, Cécile Hayot,

Anne-Marie Lambert, Béatrice Maurras .

Version internet : Annie Guinard Chants (sur le site) service pastoral de musique l iturgique

du diocèse de Marseil le Dessins : Frère Yves, La Pierre qui Vire

Transcripteur : Janette Gouel

Éditions SEDIF, Le Mistral

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CONTACTS Père Paul BONY e-mail : [email protected] Pour un courrier électronique : Cécile HAYOT e-mail : [email protected] Pour un contact téléphonique : Anne-Marie LAMBERT 04 91 08 16 10 Pour informations et bibliographie : Thierry BERRATO 04 91 15 77 77 Librairie Saint Paul 47, bd Paul Peytral 13006 Marseille Service de musique liturgique : CENTRE DIOCÉSAIN LE MISTRAL e-mail : [email protected] Pour une information sur le site INTERNET : Annie GUINARD e-mail : [email protected] Ce dossier est accessible gratuitement sur le site du diocèse de Marseille à partir de la page "Parcours bibliques": http://marseille.catholique.fr/Parcours-Bibliques Adresses des anciens parcours sur internet : “A l’écoute des prophètes” 2012-2013 "Suivre Jésus dans l’annonce l’Évangile" 2011-2012 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-Suivre-Jesus-dans-l-annonce-l-.html "Prier avec les Psaumes" 2010-2011 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-Parcours-bibliques-.html Les "Actes des apôtres" (Chap. 13 à 28) 2009-2010 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-Parcours-Les-Actes-des-apotres-.html Parcours Saint Paul, 2008-2009 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-Un-parcours-avec-Saint-Paul-2008-.html Les "Actes des Apôtres" (Chap. 1 à 12) 2007-2008 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-1ere-partie-Chapitres-1-a-12-2007-.html Le parcours Saint Luc - Récits d’Évangile-2006-2007 : http://www.diocesemarseille.com/archive/-Le-parcours-St-LUC-Recits-d-.html Adresses "Amitié Judéo-Chrétienne" : Sur le site du diocèse de Marseille : http://marseille.catholique.fr/AJC-Amitie-Judeo-Chretienne Site régional : http://www.ajcf-provence.org/ Site national : http://www.ajcf.fr/

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SOMMAIRE

Déroulement d’une rencontre page 5 Introduction page 7 La Pâque de Jésus : récit de la Passion Bibliographie page 13 1ère rencontre page 15 Gethsémani, la prière de Jésus. 2ème rencontre page 29 L’arrestation, le Fils de l’Homme livré aux mains des pêcheurs. 3ème rencontre page 41 Dieu nous a parlé en un Fils. 4ème rencontre page 55 Jésus, le frère des hommes. 5ème rencontre page 63 Jésus devant le Sanhédrin 6ème rencontre page 81 Jésus devant Pilate. 7ème rencontre page 101 Récit du crucifiement de Jésus. 8ème rencontre page 115 Les femmes au tombeau, sépulture et résurrection. 9ème rencontre page 129 Relecture du parcours de l’année.

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 5 -

DÉROULEMENT D’UNE RENCONTRE Nous connaissons des groupes bibliques, des groupes de parole, des groupes de prière… L’originalité de la démarche que nous proposons est de réunir ces trois facettes : 1. Le texte : Analyse du texte selon une méthode qui allie une recherche personnelle et des apports “pour aller plus loin” accessibles à tous. (Un lexique regroupe dans chaque fiche les mots qui nécessitent une explication particulière). 2. Pistes pour actualiser (relire nos vies à la lumière de la Parole). 3. Pistes pour la prière. Ce parcours de neuf rencontres s’adresse à tous : aumôneries, mouvements, paroisses… Durée d’une rencontre : deux heures environ. Chacun vient avec sa Bible et de quoi écrire. Rythme des rencontres : une fois par mois en général, à votre convenance. C’est très copieux ! Il sera plus que jamais nécessaire : - d’inviter les participants à regarder le texte avant la rencontre - d’équilibrer le temps consacré à chaque partie du questionnaire (Il sera peut être utile pour cela de choisir les questions qui correspondent le mieux au groupe, ce ne sont que des propositions ! ou de traiter vos propres questions !) - sans oublier la prière - puis de retravailler seul la fiche du mois.

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 6 -

PLAN DE CHAQUE FICHE LE TEXTE Le texte biblique à étudier, Bible de Jérusalem, T.O.B., Bible de la Liturgie, Nouvelle Second, traduction parfois légèrement modifiée par Paul BONY. FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS Un document composé de trois parties : I – POUR LIRE On lit ensemble la première partie de la fiche. Elle est accompagnée : d’un lexique, parfois de quelques textes bibliques complémentaires. II – ET MAINTENANT AU TEXTE L’animateur invite au travail du groupe sur le texte. III – ACTUALISATION IV – PISTES POUR LA PRIÈRE - un psaume - un cantique - le Notre Père - une oraison Toutes ces pistes sont indicatives. Pour chacune de ces parties, l’animateur choisira avec le groupe ce qui lui sera le mieux adapté. Il est important de privilégier les questions du groupe. FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS Il ne s’agit pas pour les animateurs d’avoir des connaissances bibliques particulières, mais de savoir conduire une réunion, gérer le temps de parole, veillant à ce que personne ne l’accapare, que chacun s’exprime, qu’il n’y ait pas “instruction” mais “partage”. V – CLÉS DE LECTURE Ce document est à destination de l’animateur pour qu’il puisse le travailler avant la rencontre et exploiter les éléments de compréhension théologique du texte. Les participants peuvent les consulter après la réunion. VI – POUR ALLER PLUS LOIN Éléments complémentaires éventuels.

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 7 -

LA PÂQUE DE JÉSUS : RÉCIT DE LA PASSION

INTRODUCTION I - POURQUOI AVOIR CHOISI CE RÉCIT ? 1. Un récit de très haute origine Il y a tout lieu de penser qu'il appartient à la couche la plus ancienne des évangiles. Cela n'est pas étonnant quand on se rappelle que l’événement pascal est l'origine et le cœur de la foi chrétienne. C'est ce qu'attestent les plus anciennes confessions de foi (vers 50) ; c'est ce que les Actes des apôtres font dire à Pierre en monde juif à Jérusalem : “ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l'a ressuscité” (Ac 2, 32;36 ; 5, 30-31 ; 10, 39-40). Il est infiniment vraisemblable que, lors des réunions des communautés pour célébrer le repas du Seigneur, on était amené à évoquer le drame de la Passion. La croix est au cœur de ce repas tel que Paul l'évoque dans la Première épître aux Corinthiens (vers 54) bien avant la rédaction des évangiles ; et quand il parle de “la nuit où le Seigneur Jésus fut livré”, il implique, sans le dire, une connaissance des événements qui ont conduit à son procès et à son exécution. 2. De l'annonce pascale au récit de la Passion Naturellement on ne fait mémoire de la Passion de Jésus que parce que l'on est convaincu de sa résurrection. C'est sa lumière qui ôte le discrédit et le scandale de la croix, événement ignominieux s'il en est, par son horreur et par les jugements qu'elle inspire : “Maudit soit celui qui pend au gibet” (Ga 3, 13). On n’a jamais prêché la croix toute seule, mais la croix dépassée dans la résurrection ; ce que les hommes ont fait, Dieu l’a surmonté. Et c'est d'abord à l'acte de Dieu ressuscitant le Christ que l'on a attaché la force du salut. Mais très vite on a mis en relief l'articulation des deux faces du mystère pascal. La croix du Christ Jésus est l'interprétation (l'herméneutique) de Dieu. Viendra le moment où la maturité de la foi dans le milieu johannique du 4ème évangile ira jusqu'à reconnaître la révélation de la gloire de Dieu dans la croix elle-même : “Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'Homme (sur la croix, et de ce fait dans la gloire), dit Jésus, alors vous connaîtrez que Je-Suis” (Jn 8, 28). 3. La Pâque de Jésus C'est pourquoi nous avons intitulé ce parcours non pas simplement “le récit de la Passion” ; mais “La Pâque de Jésus : récit de la Passion”. Ce qui intéresse les évangiles, c'est précisément la signification “pascale” de l'événement. Comme le dira le 4ème évangile : “Avant la fête de la Pâque, sachant que l'Heure était venue pour lui de passer de ce monde au Père, Jésus, qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout” (Jn 13, 1).

C'est parce que le Christ Jésus est allé jusqu'au fond de l’abaissement que Dieu l'a super-exalté et l'a révélé comme porteur du Nom qui est au-dessus de tout nom, à savoir le Nom divin lui-même (Ph 2, 6-11). La croix apparaît alors comme le lieu et l’événement où se reconnaît la véritable identité divine : c'est en son Fils crucifié par amour et par solidarité avec toute l’humanité que Dieu révèle qui Il est.

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 8 -

Les quatre évangiles situent le procès de Jésus et son crucifiement dans le cadre de la fête juive de la Pâque, certes avec des différences entre les évangiles synoptiques et l'évangile de Jean, sur lesquelles nous nous expliquerons ; mais tous donnent sens à l'événement par ce contexte de la grande fête juive de la Pâque qui actualise la libération d'Égypte, de la servitude, de l'idolâtrie et du péché. Or, aux yeux de la foi chrétienne, Jésus a actualisé cette libération une fois pour toutes, en son sens le plus profond et en son extension universelle. Désormais, dira Paul, “le Christ notre Pâque (notre agneau pascal) a été immolé ; célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni avec un levain de malfaisance et de méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité” (1 Co 5, 8). 4. Le récit d'un combat spirituel Notre lecture de la Passion ne doit pas être une lecture doloriste. Certes le Christ “a souffert”, comme l'expriment l’évangile de Luc (24, 26) et la 1ère épître de Pierre (2, 21) avec insistance, soulignant ainsi la communion des épreuves entre lui et ceux qui souffrent à cause de lui, ou ceux qui souffrent purement et simplement. Mais ce n'est pas sa souffrance comme telle qui est la cause de notre salut, mais l’engagement total de sa personne qui s'exprime à travers elle, par amour des hommes et au nom de l'amour du Père qui l'envoie. Il ne faut pas confondre non plus “Passion” et “passivité”. Nous ne compren-drons le sens de la croix que si nous l'articulons avec tout le ministère qui l'a précédée et qui l'y a conduit. Si la tradition évangélique a commencé par le récit de la Passion, il a fallu très vite lui adjoindre un préambule : le récit du ministère qui l'a amené jusque là. Jésus : “Le Prophète assassiné”, a-t-on pu écrire. Très vite il a perçu que les autorités religieuses de son peuple chercheraient à se débarrasser de lui comme jadis dans l'histoire d’Israël on a voulu faire taire les prophètes. Aux Pharisiens qui l'avertissent de se méfier d'Hérode Antipas, qui a déjà fait exécuter Jean-Baptiste, il répond : “Allez dire à ce renard : je chasse des démons, et j’accomplis des guérisons aujourd'hui et demain ; le troisième jour j'en aurai fini. Mais il faut que je poursuive ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant ; car il n'est pas possible qu'on fasse périr un prophète hors de Jérusalem” (Lc 13, 22-23). La Passion ne prend son sens que si on la comprend comme le dernier combat que livre Jésus au service de l'annonce du Règne de Dieu. Vient un moment où Jésus ne peut plus agir par la parole, par les signes, par les rencontres, par les appels de disciples, par le rassemblement des foules ; “le Fils de l'Homme est livré entre les mains des hommes” ; mais il peut continuer à témoigner de l’Évangile dans le silence par la manière d'affronter cette épreuve jusqu'au don de sa vie. Le combat se déplace des affrontements extérieurs à l'affrontement intérieur avec soi-même, avec le dessein du Père lui-même, comme en témoigne en particulier la prière de Gethsémani. Le récit de la Passion met fortement en évidence l'engagement libre qui a été le sien sur ce chemin, dans la prière, dans la patience, dans la non-réversion des

Le Christ de Paul est essentiellement le Christ du passage : il est passé lui-même et il fait passer l'humanité entière avec lui d'une condition humaine marquée par la faiblesse de la chair et les ravages du péché à une condition humaine habitée désormais par la force et la sainteté de l'Esprit. C'est ce qui paraît déjà dans la manière dont Jésus a vécu les souffrances, les humiliations, le rejet et la mort que le péché du monde a fait peser sur lui.

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offenses, dans le courage et la fidélité à la mission reçue du Père, sans transiger ni faire intervenir quelque force extérieure pour se protéger, et cela jusqu'à la suprême épreuve de l'angoisse : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?”, reprenant et vivant jusqu'au bout la détresse des “pauvres de Yahvé”. 5. Un récit trempé dans l'encre des Écritures Comme l'indique ce verset du Psaume 22 dans la bouche de Jésus sur le point d'expirer, sans que le récit ait besoin de dire : “ainsi qu'il est écrit”, le récit ne cesse de faire allusion aux Écritures, spécialement aux psaumes où les pauvres crient leur détresse devant la violence et le triomphe insolent de leurs ennemis. Cette écriture allusive en langage scripturaire se fait parfois au détriment de l'exactitude des détails, mais la peinture d'une icône n'est pas une photographie. Cette lecture de l'événement en correspondance avec les saintes Écritures nous invite à le situer dans l'histoire (l'économie) du salut, comme un accomplissement des figures de croyants (prophètes, psalmistes, justes) qui ont précédé le Christ, mais aussi comme un encouragement et une promesse pour les disciples à venir, “car le Christ lui-même a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous marchiez sur ses traces” (1 Pi 2, 21). II - MISE EN ŒUVRE DE NOTRE PARCOURS : EN SUIVANT LE RÉCIT DE MARC DE BOUT EN BOUT Le récit de la Passion est présent dans les quatre évangiles. La force de la tradition est si grande ici qu’ils ne se sont pas affranchis d'une structure identique, conservant les mêmes épisodes, quitte à les enrichir de certaines données propres et à apporter au récit d'ensemble un éclairage en accord avec leurs accents théologiques. On peut / on doit dresser une image de la Passion selon Marc, selon Luc, selon Matthieu, selon Jean. Par exemple Marc met fortement en relief l'antithèse abaissement / gloire ; sa préoccupation est principalement christologique. Luc s'intéresse davantage au déclenchement de la conversion que les épisodes de la Passion provoquent chez les disciples (Pierre), chez les femmes qui se lamentent sur le chemin, chez l'un des larrons crucifiés avec Jésus, finalement chez les foules ; dans le déroulement de la Passion continue de se révéler l'Évangile des grands pardons. On pourrait faire des observations analogues chez Matthieu (plus grande attention à l’accomplissement des Écritures) et chez Jean (liberté et maîtrise de Jésus sur l'événement : “Ma vie, nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne”). Nous ne pouvions pas aborder l'ensemble de ces quatre récits, cela nous aurait conduits trop loin par rapport au temps et aux moyens dont nous disposons. Nous ne voulons pas non plus faire un “quatre évangiles en un seul”, qui obscurcirait l'originalité de chaque présentation. Nous avons choisi de suivre de bout en bout le récit de Marc, parce qu'il est la source, presque exclusive, des deux autres évangiles synoptiques (Luc et Matthieu). Cependant, tout en suivant la trame de Marc, nous vous proposerons parfois un regard bref sur le texte parallèle d'un autre évangile (par exemple Luc, ou Jean), qui en lisant Marc à sa façon enrichit notre lecture. Dans un cas nous joindrons à une lecture brève de Marc une lecture approfondie de Jean sur le même épisode, à savoir le procès devant Pilate, comme un exemple de l'éclairage théologique que le 4ème évangile projette sur la tradition des évangiles synoptiques.

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Nous n'avons pas ajouté les préludes de la Passion que constitue la célébra-tion du dernier repas (soit dans les Synoptiques, l’eucharistie ; soit en Jean, le lavement des pieds). Nous nous en sommes tenus au récit de la Passion lui-même, qui a son unité propre. Nous avons prolongé cependant notre lecture jusqu'aux épisodes des femmes au tombeau, d'abord pour la sépulture, ensuite pour la visite au matin de Pâques. Ainsi la lecture éprouvante de la Passion trouvera son épilogue dans un récit pascal. Nous avons pensé aussi qu'il serait bienvenu au temps des fêtes de Noël de proposer un excursus, qui, sans s'échapper du thème de la Passion, lui apporterait l'éclairage du mystère de l'Incarnation. L'épître aux Hébreux, dont on lit des extraits dans la liturgie du jour-même de Noël, évoque la double solidarité du Christ avec Dieu dont Il est le Fils et avec les hommes qu'Il “ne rougit pas d'appeler frères” et dont Il se fait le pionnier vers le salut en partageant avec eux et pour eux leurs épreuves. “Fils de Dieu” et “frère des hommes”, n'est-ce pas en cette double qualité qu'Il entre dans sa Passion ? Proposition de calendrier :

Octobre 1ère rencontre : Gethsémani, la prière de Jésus (Mc 14, 32-42)

Novembre 2ème rencontre : L’arrestation, le Fils de l’Homme livré aux mains des pécheurs (Mc 14, 43-52)

Décembre 3ème rencontre : Dieu nous a parlé en un Fils (He 1, 1-4)

Noël

Janvier 4ème rencontre : Jésus, le frère des hommes (He 2, 5-18)

Présentation 2 février

Février 5ème rencontre : Jésus devant le Sanhédrin (Mc 14, 53-65)

Mars 6ème rencontre : Jésus devant Pilate (Jn 18, 28-19, 16)

Avril 7ème rencontre : Récit du crucifiement de Jésus (Mc 15, 20b-41)

Mai 8ème rencontre : Les femmes au tombeau, sépulture et résurrection (Mc 15, 40-47 ; 16, 1-8)

Juin 9ème rencontre : Relecture du parcours de l’année

L'évangile de Marc

Quelques mots sur l’enracinement communautaire de l'évangile de Marc : destiné dans les années 70 à des communautés romaines , constituées surtout de croyants des nations, mais en contact étroit dès l'origine avec des judéo-chrétiens ; les chrétiens pour lesquels Marc rédige l'évangile ont sans doute été marqués par la souffrance des martyrs de Rome (Néron, 64) ; on constate l'apparentement de la christologie de Marc avec celle de Paul (années 50) : c'est la croix qui est le test de l'authentique filiation divine de Jésus. L'évangile de Marc Quelques mots sur l'enracinement communautaire de l'évangile de Marc : destiné (dans les années 70) à des communautés romaines, surtout des croyants des nations, mais en contact étroit dès l'origine avec des judéo-chrétiens ; les chrétiens pour lesquels Marc rédige l'évangile ont sans doute déjà été marqués par la souffrance des martyrs de Rome (Néron, 64) ; apparentement de la christologie de Mc avec celle de Paul : c'est la croix qui est le test de l'authentique filiation divine de Jésus.

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 11 -

III - QUESTIONS D'HISTORICITÉ Ne pas confondre “vérité” et “exactitude” Même si les récits de la Passion ont de très forts enracinements dans l'histoire, nous ne pourrons pas ne pas achopper à des données qu'il n'est pas facile, ou qu'il est même impossible, d’accorder les unes avec les autres ; par exemple, Jésus a-t-il été crucifié le jour même de la Pâque (Synoptiques), ou l'après-midi de la veille du repas pascal (Jean) ? La dernière parole de Jésus en croix a-t-elle été : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?” (Mc-Mt), ou “Père, en tes mains je remets mon esprit” (Lc), ou “Tout est accompli” (Jn) ? Ce sera l'occasion pour nous de comprendre où se situe exactement “la vérité historique” des évangiles. Pas nécessairement dans l’exactitude de tous les détails de temps, de lieu, de modalités, d'acteurs de l'événement; mais dans l'authenticité de la figure de Jésus qui supporte et même réclame plusieurs regards pour se laisser approcher. Ce regard n'est pas seulement celui des évangélistes eux-mêmes, doués d’une forte personnalité littéraire et théologique, mais aussi des diverses communautés chrétiennes dont ils ont reçu et répercuté le témoignage apostolique. Cette lecture des évangiles dans leur diversité ne devrait pas nous déstabiliser, mais être une leçon de choses sur ce que c'est que d’écrire l'histoire, surtout quand il ne s’agit pas seulement ni d'abord de rapporter des faits bruts, mais de rapporter ces faits en en révélant le sens. Il n'y a pas d'histoire neutre. Cela est vrai aussi de l'histoire de Jésus telle que la rapportent les évangiles. C'est pourquoi “nous devons accepter que des motifs apologétiques aient coloré les évangiles : n'oublions pas l'enseignement officiel de notre Église... qui dit que dans la prédication apostolique et dans la rédaction des évangiles le souvenir de ce qui s'est passé durant la vie de Jésus est affecté par la situation qu'ont connue les communautés chrétiennes” (R.E. BROWN, Lire les évangiles pendant la Semaine sainte et à Pâques, p 14). Cela se vérifie spécialement en deux domaines : 1. La figure de Pilate : Il est présenté comme de plus en plus convaincu de l'innocence de Jésus (même s'il ne suit pas sa conviction) ; c'est une réponse à l'opinion romaine, dont l'historien Tacite se fera plus tard l'écho : Jésus aurait été un criminel condamné à juste titre par le préfet de Judée. 2. La responsabilité des Juifs dans la mort de Jésus. L'hostilité qui régnait à la fin du 1er siècle entre les communautés chrétiennes et le judaïsme officiel a conduit les rédacteurs des évangiles (surtout Jean) à s'exprimer parfois comme si Jésus lui-même n'était pas un Juif, ou à faire porter sur l'ensemble du monde juif l'opposition à Jésus. En réalité les textes eux-mêmes, y compris chez Jean, laissent bien voir que cette opposition est essentiellement celle d'un certain nombre de responsables religieux (grands-prêtres, scribes). Il faut donc veiller dans l’Église d’aujourd’hui, ce qui n'a pas toujours été fait - loin de là - dans le passé, à ne pas reporter sur tous les Juifs de tous les temps la responsabilité d'une opposition attribuable à quelques-uns en un temps déterminé. Le concile Vatican II a expressément réprouvé cette accusation : “Encore que des autorités juives avec leurs

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 12 -

partisans, aient poussé à la mort du Christ (Jn 19, 6) ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps” (Nostra Aetate, 4).

Jésus condamné par les autorités juives comme faux prophète ? “L’exacte responsabilité des autorités juives dans la mort de Jésus est une question compliquée. La tradition juive ancienne du Talmud de Babylone admet sans ambages la responsabilité juive dans la “pendaison” de Jésus, la veille de la Pâque, “parce qu’il égarait Israël” (Sanhédrin 43 a) (ibidem p 15-16). N.B. Ce genre d’accusation vise un faux prophète. Le terme “pendaison” fait référence à une manière de dire l’exposition sur le gibet (Dt 21, 23 ; Ac 5, 30). “Si, durant tout son ministère Jésus a été en discussion avec les Pharisiens, les Juifs qui ont le plus particulièrement participé à sa condamnation à mort sont les prêtres, peut-être mis en colère par ses critiques prophétiques du Temple”. Il se pourrait aussi que Pilate ait prêté main-forte pour avoir eu écho des prétentions messianiques attribuées à Jésus.

“Il serait bien étonnant que le groupe des chefs juifs qui avait affaire à Jésus n'ait pas comporté quelques politiciens “ecclésiastiques” vénaux cherchant à se débarrasser d'un danger possible menaçant leur position (la famille du Grand-Prêtre Anne dont faisait partie Caïphe est mal notée dans la mémoire juive). Il serait tout aussi étonnant que la majorité d'entre eux n'ait pas été composée d'hommes sincèrement religieux qui pensaient servir Dieu en débarrassant Israël d'un fauteur de troubles comme Jésus (voir Jn 16, 2). A leurs yeux Jésus pouvait être un faux prophète, détournant le peuple du droit chemin par son attitude permissive quant au sabbat et envers les pécheurs ; les quolibets des Juifs après la comparution de Jésus devant le Sanhédrin prennent pour base son statut de prophète (Mc 14,65) et, selon la Loi de Deutéronome 13, 1-6, le faux prophète devait être mis à mort de peur qu’il ne détourne Israël du vrai Dieu”.

“J'ai suggéré qu'en nous assignant un rôle dans l'histoire de la passion de Jésus, nous nous découvririons peut-être parmi ses opposants. Il en est ainsi parce que les lecteurs de l'Évangile sont souvent des gens sincèrement religieux profondément attachés à leur tradition. Jésus était un défi à la tradition religieuse parce qu'il en soulignait l'élément humain – un élément trop souvent identifié à la volonté de Dieu (voir Mt 15, 6). Si Jésus fut traité avec dureté par les gens étroitement religieux de l'époque, qui étaient des Juifs, il est fort probable qu'il serait traité avec la même dureté par les gens étroitement religieux d’aujourd’hui, y compris chrétiens. L’élément fondamental de la réaction à Jésus n'est pas l'arrière-fond juif mais une certaine mentalité religieuse”.

R.-E. BROWN, Les évangiles de la Semaine sainte...p 14 à 16

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La Pâque de Jésus : récit de la Passion - 13 -

BIBLIOGRAPHIE

Le nombre d'astérisques* va du plus abordable au plus difficile

- sur le récit de la Passion seulement :

**** Raymond E. BROWN, La Mort du Messie, Paris, Bayard 2005, édition américaine originale 1994, 1695 pages.

* Raymond E. BROWN, Lire les Évangiles pendant la Semaine sainte et à Pâques, Lire la Bible 157, Paris, Les Éditions du Cerf, 2009, 181 pages. Commente succinctement mais profondément, chaque récit de la Passion dans l'ordre : Marc, Matthieu, Luc, Jean. Très lisible.

- commentaires des évangiles en leur totalité :

*** Camille FOCANT, L'Évangile selon Marc, Commentaire biblique / Nouveau Testament 2, Les Éditions du Cerf, Paris 2004. 662 pages. Commentaire scientifique, mais accessible.

* Elian CUVILLIER, L'évangile de Marc, Bayard, Labor et Fides, Paris, 2002 ; 324 pages, lecture facile d'un exégète réputé.

* Hugues COUSIN, Jacques HERVIEUX, Alain MARCHADOUR, Claude TASSIN, Philippe GRUSON, Les Évangiles. Textes et commentaires, Bayard 2001. Commentaire pastoral des quatre évangiles ; très accessible.

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Gethsémani

La prière de Jésus.

(Mc 14, 32-42)

1ère Rencontre

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He 5:7 C'est lui qui, au cours de sa vie terrestre, offrit prières et supplications avec grand cri et larmes à celui

qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de sa soumission. 8 Tout Fils qu'il était, il apprit par

ses souffrances l'obéissance, 9 et, conduit jusqu'à son propre accomplissement, il devint pour tous ceux qui

lui obéissent cause de salut éternel, 10 ayant été proclamé par Dieu grand prêtre à la manière de Melkisédeq.

Gethsémani 17

Gethsémani : la prière de Jésus (Mc 14, 32-42) GETHSÉMANI, LA PRIÈRE DE JÉSUS

Marc 14:32 Ils arrivent à un domaine du nom de Gethsémani et il dit à ses disciples: “Restez ici pendant que je prierai.” 33 Il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean*. Et il commença à ressentir frayeur et angoisse. 34 Il leur dit: “Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez.” 35 Et, allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait pour que, si possible, cette heure passât loin de lui. 36 Il disait: “Abba*, Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe*! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux !” 37 Il vient et les trouve en train de dormir; il dit à Pierre: “Simon, tu dors! Tu n'as pas eu la force de veiller une heure! 38 Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation*. L'esprit est plein d'ardeur, mais la chair est faible.” 39 De nouveau, il s'éloigna et pria en répétant les mêmes paroles. 40 Puis, de nouveau, il vint et les trouva en train de dormir, car leurs yeux étaient appesantis. Et ils ne savaient que lui dire. 41 Pour la troisième fois, il vient; il leur dit: “Continuez à dormir et reposez-vous! C'en est fait. L'heure* est venue: voici que le Fils de l'Homme* est livré aux mains des pécheurs*. 42 Levez-vous! Allons! Voici qu'est arrivé celui qui me livre.”

Luc 22:39 Il sortit et se rendit comme d'habitude au mont des Oliviers, et les disciples le suivirent. 40 Arrivé sur place, il leur dit: “Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation.” 41 Et lui s'éloigna d'eux à peu près à la distance d'un jet de pierre; s'étant mis à genoux, il priait, disant: 42 “Père, si tu veux écarter de moi cette coupe... Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! ” 43 Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. 44 Pris d'angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre. 5 Quand, après cette prière, il se releva et vint vers les disciples, il les trouva endormis de tristesse. 46 Il leur dit: “Quoi! Vous dormez! Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ! ”

Jn 12 contexte (v. 20-26) : des Grecs demandent à voir Jésus ; parabole du grain de blé. 27 Maintenant mon âme est troublée, et que dirai-je? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c'est précisément pour cette heure que je suis venu. 28 Père glorifie ton nom Alors une voix vint du ciel : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore » La foule qui se trouvait là et qui avait entendu disait que c'était le tonnerre ; d'autres disaient qu'un ange lui avait parlé. 30 Jésus reprit la parole : « Ce n'est pas pour moi que cette voix a retenti, mais bien pour vous. 31 C'est maintenant le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors. Pour moi quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes.

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FICHE POUR LES PARTICIPANTS I – POUR LIRE 1. La prière de Jésus à Gethsémani, prélude du récit de la Passion. Sans cette prière, nous ne connaîtrions l'événement que de l'extérieur. Les évangiles ont eu cette intuition qu'ils ne pouvaient pas le raconter sans nous dire d'abord comment Jésus y était entré. Où ont-ils puisé leur information ? Les disciples qui dormaient “à la distance d'un jet de pierre” ont-ils perçu quelque chose du contenu de cette prière ? Ils savaient au moins que Jésus priait, avec intensité, tandis qu'ils avaient le souvenir d'avoir été là sans être à la hauteur. Par ailleurs ils connaissaient bien la prière “filiale” de Jésus, sa manière tout à fait particulière de s'adresser à Dieu comme un fils à son Père plein de tendresse (abba, papa). Ils ne pouvaient pas imaginer que Jésus ait été moins “filial” au bord de la Passion que pendant tout le reste de son ministère, ce qui voulait dire, certes, la confiance, mais aussi une grande liberté de parole. Jésus pouvait-il être moins libre qu'un prophète Jérémie pour dire à Dieu son désarroi devant le sort infâme que le monde pécheur allait lui infliger ? C'est dans cette double perception fondée sur leur expérience de leur fréquentation intime et assidue de Jésus qu'ils ont transmis la mémoire de ce moment décisif. Les récits des évangiles ont ensuite rendu l'événement avec les couleurs qui leur paraissaient les plus suggestives pour introduire leurs communautés à la contemplation du Christ Jésus et les inciter à le suivre au moment où elles seraient elles aussi mises à l'épreuve. 2. Deux centres d'intérêt gouvernent en effet la rédaction de ces récits : Intérêt pour la personne de Jésus : - Comment pouvait-il s'éprouver “le Fils bien-aimé” du Père dans cette situation ? - Avec quelle humanité ? (intérêt christologique chez Marc). Intérêt pour les disciples : - Comment l'ont-ils ou ne l'ont-ils pas “accompagné” ? Leur déficience à répondre à l'exhortation pressante que leur adressait Jésus de veiller et prier “pour ne pas entrer en tentation” n'est-elle pas un appel pour les chrétiens aujourd'hui, s'ils se souviennent avec Pascal que “Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde” ? (intérêt d'exhortation ecclésiale). 3. Ces deux centres d'intérêt sont toujours les nôtres aujourd'hui. A travers le récit de la Passion nous apprenons à connaître Jésus, à le recon-naître pour ce qu'Il est vraiment, car c'est dans l'épreuve qu'une personne laisse voir ce qu'il y a de plus authentique en elle, ce qui “résiste” quand il n'y a plus le bonheur, la réussite, les soutiens extérieurs. Nos images toutes faites d'un Jésus tellement divin qu'Il ne serait plus sujet à l'angoisse vont être mises à rude épreuve. Mais alors nous allons nous demander si un Jésus aussi humain peut encore nous être de quelque secours et si nous pouvons honorer la confession de foi que nous lui adressons traditionnellement : “Tu es le Christ, le Fils de Dieu”. Déjà des païens cultivés du 3ème siècle, en lisant le récit de Gethsémani, ironisaient sur ce Dieu qui avait peur de la mort...

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Quant à l’Église, elle doit bien faire face, constamment au cours de son histoire, tantôt ici tantôt là, au risque de disparaître, engloutie dans l'acharne-ment qui veut sa perte. Quelle doit être alors sa vigilance, sa prière, pour ne pas lâcher ce Dieu qui paraît l'abandonner ? 4. Comment procéder dans notre lecture ? La prière de Jésus à Gethsémani nous est présentée dans les trois évangiles de Marc, Matthieu et Luc. Le 4ème évangile ne comporte pas le récit de cette prière au début de son récit de la Passion, il commence directement par le récit de l'arrestation. Mais Jean montre qu'il la connaît, par un autre courant de tradition, quand il fait s'exprimer Jésus quelques jours avant la Passion : malgré sa tendance à exalter la “divinité” de Jésus (le Verbe), il n'a pu s'empêcher de le montrer tout à coup “troublé” par la perspective de la croix. Nous vous proposons de centrer votre lecture sur Marc ; mais afin de mieux en saisir l'originalité, nous jetterons un regard sur Luc et sur son “bien propre” qu'il combine avec la tradition reçue de Marc. Lexique * Abba : vocatif araméen emphatique (accentué) ; Mc 14, 36 le traduit en grec “Père” ; son usage semble bien avoir été caractéristique du sentiment filial de Jésus envers Dieu, qu'il considère comme son Père en un sens fort, unique. Jusqu'à présent il n'est pas attesté dans les textes de la piété juive contemporaine ; mais on trouve l'hébreu “Père” ou “mon Père” (abî). Ce n'est pas très différent, mais il y a une note d'intimité plus forte dans “abba”. On retrouve ce terme dans la prière chrétienne (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15) comme participation à la prière filiale de Jésus grâce à l'Esprit. * Coupe : elle peut être un symbole positif : “le Seigneur est mon partage et ma coupe” (Ps 16, 5), ou négatif (on parle souvent dans l'A.T. de la coupe de la colère que Dieu verse aux nations païennes pour les faire chavirer). Il ne peut être question pour Jésus de boire la coupe de la colère de Dieu ; mais elle symbolise dans sa pensée les souffrances de sa Passion (Mc 10, 38 ; 14, 24). * Épreuve / tentation, ne pas entrer en tentation : en grec le mot “peirasmos” peut se traduire tantôt par “épreuve” (“vous avez été avec moi dans mes épreuves” Lc 22, 28), tantôt par “tentation” (“ayant achevé toute tentation, le Diable s'éloigna de lui” Lc 4, 13) ; l'épreuve peut devenir tentation si elle ne rencontre pas une résistance spirituelle suffisamment forte chez le fidèle. Dans le Notre Père, nous demandons littéralement “ne nous conduis pas dans le “peirasmos”, soit au sens que Dieu nous épargne l'épreuve, qui serait dangereuse pour nous, soit qu'il nous donne de ne pas entrer dans le jeu de la tentation, “fais que nous ne succombions pas à la tentation”. Ici, dans la prière de Gethsémani, Jésus invite les disciples à se tenir éveillés dans la prière pour “ne pas entrer en tentation”, pour que l’épreuve dans laquelle ils vont être engagés ne tourne pas en tentation à laquelle ils céderaient. * Heure : ce terme de l'Heure occupe une place de choix dans le récit du 4ème évangile ; elle désigne le moment décisif de l’élévation sur la croix, commencement de l'élévation en gloire parce qu'elle révèle l'amour porté à son extrême limite. C'est l'Heure du passage de Jésus de ce monde au Père

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(Lire Jn 13, 1). Elle n'a pas encore chez Marc toute cette richesse théologique ; elle vise directement l'heure de la Passion. * le Fils de l'Homme : à l'origine “un fils d'homme” désigne seulement un humain ; mais avec le double article défini : “le Fils de l'Homme”, l'expression désigne, dans les apocalypses juives, cet homme unique, l'Homme céleste, qui est le Messie, qui n'est plus d'ici-bas, mais qui vient d'auprès de Dieu. C'est le titre préféré de Jésus pour parler de lui-même avec un certain mystère, “l'homme que je suis”, soit pour se désigner quand Il viendra à la fin des temps pour le jugement, soit pour se désigner comme déjà là, dans l'humilité et la pauvreté “Il n' a pas où reposer la tête”, avec cependant le pouvoir de pardonner les péchés ; paradoxe, l'Homme céleste, messianique, dont Il assumera pleinement la figure en sa Venue eschatologique, sera d'abord le crucifié . * Les pécheurs : terme courant dans le judaïsme pour désigner les impies, qu'ils soient d'entre les nations (“nous ne sommes pas de ces pécheurs des nations”, Ga 2, 15) ou d'entre Israël (ceux qui se moquent de la foi et de la Loi). Contraste violent : “le Fils de l'Homme (saint, céleste) sera livré aux mains des hommes”, ou “aux mains des pécheurs” ; Dieu peut-il laisser faire cela ? * Pierre, Jacques et Jean : les trois intimes que Jésus prend avec lui comme témoins de sa puissance de salut (résurrection de la fille de Jaïre, Mc 5, 37-38) puis de sa transfiguration (Mc 9, 2) ; cette nuit de sa prière et de son abattement... * Synoptiques : les trois évangiles de Marc, Luc et Matthieu, ainsi désignés parce qu'ils peuvent être mis étroitement en parallèles. II – ET MAINTENANT, AU TEXTE : 1. Lire Marc dans sa continuité : relever les personnes, les mouvements, les lieux, les paroles... Puis, lire Luc dans sa continuité (même démarche). Remarquer les insistances, les répétitions. 2. Reprendre les deux textes en parallèle (Mc 14, 32 et Lc 22, 39 etc...), surligner ou entourer de façon différente ce qui est semblable ou presque, et ce qui est différent. Voir dans le lexique: “synoptique”. 3. Jésus : qu’est-ce que ce texte me fait découvrir de son humanité ? Voir dans le lexique : “Fils de l'Homme”. Quels sentiments successifs l'habitent? En quoi se montre-t-il : “Fils de Dieu” ? Voir dans le lexique : “épreuve /tentation”. 4. Les disciples : Qu’est-ce qui nous frappe, chez Marc ? Chez Luc ? 5. Lire Jean, (si possible à partir de 12,27-33) Différences et convergences avec les synoptiques ?

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III - ACTUALISATION 1. “Et il commença à ressentir frayeur et angoisse” (Mc 14, 33) : - Qu'est-ce que ce verset me fait connaître de Jésus ? - En quoi ce récit me rend Jésus plus humain et plus proche ? 2. En repensant à une épreuve que j'ai traversée: quels sentiments m'ont habité(e) ? Comment l'ai-je traversée? Seul(e) ou avec d'autres ? 3. “veillez et priez” (Mc 14, 38): Ai-je déjà accompagné une personne dans l'épreuve ? Comment ? D’après mon expérience de la souffrance, qu'est-ce que je souhaite privilégier dans la manière d'accompagner? 4. “Ne nous soumets pas à la tentation” : Est-ce que je comprends mieux cette demande quand je prie le Notre Père? (voir lexique). IV – PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer He 5, 7-10 : “Aux jours de sa chair il a offert à grands cris et dans les larmes, des prières et des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et il a été exaucé en raison de sa piété. Tout Fils qu'il était, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert. Une fois porté à son accomplissement, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un salut éternel, Dieu l'ayant déclaré grand prêtre selon l'ordre de Melchisédek”. Psaume 42 Comme un cerf altéré cherche l'eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai-je m'avancer, paraître face à Dieu ? Je n'ai d'autre pain que mes larmes, le jour, la nuit, moi qui chaque jour entends dire: “ Où est-il ton Dieu ? Je me souviens, et mon âme déborde : en ce temps-là, je franchissais les portails ! Je conduisais vers la maison de mon Dieu la multitude en fête, parmi les cris de joie et les actions de grâce. Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, et gémir sur moi ? Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu ! En moi mon âme est troublée, je me souviens de toi, depuis les terres du Jourdain et de l'Hermon, depuis mon humble montagne. L'abîme appelant l'abîme à la voix de tes cataractes, la masse de tes flots et de tes vagues a passé sur moi. Au long du jour, le Seigneur m'envoie son amour ;

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et la nuit, son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. Je dirai à Dieu, mon rocher : Pourquoi m'oublies-tu ? Pourquoi vais-je assombri, pressé par l'ennemi ? Outragé par mes adversaires, je suis meurtri jusqu'aux os, moi qui chaque jour entends dire : Où est-il ton Dieu ? » Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, et gémir sur moi ? Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu ! Ne descends pas dans le jardin D. RIMAUD, H 119 Ne descends pas dans le jardin, Oh ! Jésus, Ne descends pas dans le jardin Avant le jour ! Si je ne descends pas dans le jardin En pleine nuit, Qui donc vous mènera vers les soleils Du Paradis ? Je descendrai dans le jardin En pleine nuit. Notre Père Oraison Tu as eu besoin du soutien, du réconfort et de la proximité de tes disciples particulièrement de Pierre, Jacques et Jean. Tu leur parles avec le langage des psaumes. Comme les prophètes, tu as fais l’expérience de la solitude avec la ferme détermination d’aller au bout de la mission que le Père t’a confiée. Donne-nous, Jésus, de prier comme toi, dans nos épreuves, nos solitudes, nos angoisses, afin qu’avec la puissance de la prière, l’Esprit Saint nous relève du découragement. Amen.

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V – CLÉS DE LECTURE A.- Le récit de Marc 1. La construction de la scène. Lieu(x) Une fois arrivé à Gethsémani le récit construit trois lieux où va se dérouler l'action : - le lieu où le groupe des “disciples” reçoit l'ordre de “rester” pendant que Jésus ira prier, et c'est à ce lieu qu'il reviendra à la fin ; - le lieu où Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean, qui seront plus près de lui, pour qu'ils puissent communier de plus près à cette prière et à l'angoisse qui le saisit ; - le lieu où Jésus, seul, se tient en prière. C'est comme une distance progressive qui se met en place entre Jésus et les disciples, même avec les plus intimes. Mouvement Le récit de Marc institue par trois fois un va-et-vient entre Jésus et les disciples, entre le lieu où Jésus prie et le lieu où les trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, ont été invités à “demeurer” et à “veiller”, mais où ils “dorment”. Ce va-et-vient souligne à la fois le désir de Jésus de trouver auprès d'eux un réconfort humain et spirituel et l'impossibilité de le trouver. Solitude de plus en plus grande où Jésus est confiné malgré son souci de partager son épreuve. Silence de Dieu, sommeil des disciples. Il vivra seul le temps de sa Passion. Cadre A la fin comme au début le récit met le lecteur en présence de ce que Jésus ressent et devient. Abattu au moment où il entre dans la prière devant “l'heure” tragique qui s'approche, il apparaît à la fin debout et décidé : “L'heure est venue où le Fils de l'Homme est livré aux mains des pécheurs”. Malgré l'insistance sur la déficience des disciples (qui est une leçon pour tous les chrétiens) l'intérêt de Marc se porte avant tout sur la personne de Jésus, sur la manière dont il affronte “l'Heure” décisive où se joue l'enjeu de sa mission. 2. La posture de Jésus. Quelle figure fait le Jésus de Marc dans ce récit ? Jamais les traits humains n'auront été aussi appuyés. A peine arrivé à Gethsémani, peu de temps après la célébration de la Cène et la joie des chants hymniques de tonalité pascale (Mc 14, 26-27), “Il commença à ressentir frayeur et angoisse” (14, 33) ; ces

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mots très forts ont été adoucis dans le texte de Matthieu et sont absents de Luc. Jésus fait part à ses trois intimes du saisissement qui l'accable. Il emprunte aux psaumes des lévites du temple, écartés de la présence divine par un exil, leurs accents de plainte et de tristesse : “Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ?” (Ps 70 ;41, 6 ; 42 5) ; Jésus ajoute : “triste à en mourir”, une tristesse mortelle. Bien plus, allant un peu plus loin, “Il tombait à terre” (14, 35) ; Matthieu adoucit la formule : “Il tomba la face contre terre” (26, 39), et Luc lui donne carrément une posture liturgique : “s'étant mis à genoux” (22, 41). La violence de l'émotion qui le jette à terre dans le récit de Marc contraste avec la sérénité des annonces antérieures de la Passion et la confiance avec laquelle Il invitait les disciples à le suivre au risque de leur vie (Mc 8, 34-35). C'est seulement au terme de sa prière qu'Il restera debout et invitera ses disciples à “se lever”, eux aussi (14, 42). Ainsi commence déjà la Pâque de Jésus. C'est en sa prière qu'Il fait le passage. 3. La prière de Jésus. Ce n'est pas la première fois que Marc parle de la prière de Jésus (voir 1, 35 ; 6, 46), mais c'est la première fois qu'il en indique le contenu. Il en parle d’abord au style indirect : “Il priait pour que, si possible cette heure passât loin de lui”, et il reprend au style direct : Il disait : Abba, Père, écarte de moi cette coupe! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que toi (tu veux)”. “L'heure” et “la coupe” : deux manières d'exprimer la Passion qui se profile. “L'Heure” est un terme johannique très fort, indiquant le moment décisif de la réalisation du dessein de Dieu, qui est simultanément l'heure de la Passion et l'heure de la glorification. En Marc elle est uniquement l'heure redoutable, dont la mention encadre le récit de la prière : ayant d'abord demandé qu'elle l’épargne (14, 35), c'est lui qui finit par aller résolument au-devant (14, 41). “La coupe” est un symbole de la souffrance et de la mort, selon les paroles précédentes de Jésus aux disciples Jacques et Jean (10, 38 : “pouvez-vous boire la coupe que, moi, je dois boire, ou recevoir le baptême que, moi, je dois recevoir ?”), et à la dernière cène (14, 24 “la coupe de mon sang de l'alliance répandu pour la multitude”). C'est comme si maintenant le fruit salutaire de sa Passion était occulté à ses yeux et ne lui restaient plus présents que l'échec et l'horreur de la souffrance et de la mort, de la trahison et de l'abandon qui se profilent. La prière formulée au style direct par l'évangéliste est elle aussi très révélatrice de l'humanité de Jésus. Certes Il a bien conscience d'être “le Fils” bien-aimé de celui qu'Il nomme “abba” (voir le Lexique) ; Marc a gardé ce terme araméen. Mais sans précaution de religieux respect (du genre : “si tu veux...” Luc 22, 41), le Jésus de Marc dit carrément : “écarte de moi cette coupe !”; et c'est seulement dans un second temps qu'Il ajoute : “pourtant, non pas ce que je veux... ”. Cette formulation selon laquelle Jésus travaille à adapter sa volonté à celle du Père servira plus tard, lors des débats christologiques, à montrer qu'il y a bel et bien en Jésus une volonté humaine, et pas seulement la volonté divine éternelle du Verbe qui ne laisserait plus de place à un vouloir humain, et que cette volonté humaine est vraiment autonome, appelée à se décider librement, parfois laborieusement, en accord avec ce qui lui est révélé du dessein de Dieu. Cette prière de Jésus se renouvelle trois fois (14, 39-40 implicitement) : expression stéréotypée de son intensité. Ce n'est pas “pour la forme”, que Jésus demande que lui soit épargnée cette coupe.

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4. L'exhortation aux disciples. Elle tient une bonne place dans le récit. Jésus ne veut pas entrer seul dans sa Passion, même si finalement il s'y trouvera contraint. Pour une part, le va-et-vient entre Jésus et les disciples, la distance sans séparation, manifestent le réconfort qu'il en attend, mais aussi le souci qu'il se fait de leur fidélité. S'il évoque “la tentation”, c'est que “l'épreuve” (voir lexique) peut tourner à “la tentation” à laquelle ils succomberaient. Tel paraît bien être le sens ici de “prier pour ne pas entrer en tentation”: non pas de demander qu'ils soient préservés de l'épreuve ; pas plus que lui, ils ne vont y échapper ; mais de se tenir dans la vigilance et la prière (c'est la même chose) pour que l'épreuve ne tourne pas pour eux en “tentation” de l'abandonner. La motivation de cette exhortation prend un tour proverbial : “l'esprit est ardent mais la chair est faible” (14, 38) ; elle vise l'inconstance humaine, elle s'adresse à tous les disciples, mais elle tombe à point sur “Simon” qui avait fanfaronné devant tous les autres, sur le chemin de la Cène à Gethsémani, que, si tous l'abandonnaient, lui, jamais (14, 29-31). “Pierre” est bel et bien “Simon” (14, 37). Lors de la seconde visite, Jésus les trouve endormis, “car leurs yeux étaient appesantis, et ils ne savaient que lui dire” (14, 40). Cette dernière formule rappelle la scène de la Transfiguration (Mc 9, 6). Qu'il s'agisse de la révélation du Fils en gloire ou en “abattement”, les plus intimes de Jésus eux-mêmes sont complètement dépassés. Luc leur fournira une bonne excuse, en disant qu'ils étaient “endormis de tristesse” (22, 45) ; la tristesse a changé de place entre le récit de Marc et celui Luc : de Jésus, “triste à en mourir”, elle est devenue celle des disciples “tristes à en dormir” (dormir, plutôt que d'être témoins d'une telle situation). À la troisième visite, Jésus ironise si on lit les verbes à l’impératif (“continuez à dormir... ”), ou bien il dit sa déception, si on les lit à l'indicatif : “vous dormez maintenant, ce n'est pas le moment ; c'en est fait, l'heure est venue, debout... ”. Cette lecture s'accorde mieux au contexte en soulignant que les disciples se comportent complètement à contretemps. C'est de mauvais augure pour la suite. Le récit de l'arrestation va se conclure par leur débandade (14, 50-52). B - Le récit de Luc 1. Jésus et les disciples. Luc suit le récit de Marc, mais à distance. Il abrège et il ajoute, et, par cet ajout comme par certaines omissions, il donne une autre figure de Jésus au mont des Oliviers. - l’encadrement du récit : alors que Marc l’encadrait par les traits personnels de Jésus (accablé, décidé), Luc l'encadre par l'exhortation aux disciples de “prier pour ne pas entrer en tentation” (22, 40.46). Par sa prière plus instante, au cœur du récit (22, 43), Jésus sera le modèle des vrais disciples, de ceux qui se sont mis à le suivre (22, 39). Mais y réussiront-ils ? Pas avant Pâques ... - Il n'y a pas trois allées et venues entre le lieu de la prière de Jésus et l'endroit où se trouvent les disciples, mais une seule (22, 45). Dans cet

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unique retour vers eux, il les trouve “endormis de tristesse” (voir plus haut ; manière d'excuser ces pauvres disciples, à la différence du regard de Marc sans complaisance). 2. La prière de Jésus Tout est concentré sur la prière de Jésus lui-même et sur le réconfort qu'il reçoit du ciel. Jésus ne fait pas confidence de la tristesse qu'il éprouverait ; il n'est pas saisi d'effroi ; il s'éloigne des disciples, sans en prendre trois plus près de lui, il se tient à une distance relative du groupe (un jet de pierre, ni trop près, ni trop loin) ; il n'est pas prostré à terre, mais il se met à genoux dans la posture liturgique de la prière. La formulation de la prière évite d'être aussi “vigoureuse” que chez Marc, le mot “Père” est employé, mais pas son substrat araméen, “abba”. 3. L'ange et la sueur de sang (43-44)1 La nouveauté, “le bien propre” de Luc, est la scène de l'ange qui vient le réconforter et le fortifier. La Passion de Jésus est calquée sur les récits des martyrs d’Israël et des premiers martyrs chrétiens : eux aussi sont assistés par des visions célestes ou angéliques dans leur combat pour Dieu et pour la foi2. Le récit de Luc présente Jésus comme le modèle des martyrs. Dieu ne le dispensera pas de la coupe, mais il le fortifie pour affronter sa Passion. Il ne convient pas de parler d'agonie, ce n'est pas le sens du mot grec “agônia” ; ce mot signifie d'abord le combat du stade, puis la tension, l'angoisse, qui s'empare de l'athlète au moment où il va s'y engager. C'est ce donné culturel qui permet de comprendre l'image du Jésus de Luc ici : n'est-il pas le pionnier du combat de la foi ?3 On comprend alors que l'intervention de l'ange soit suivie de la mention de cette angoisse à en suer “comme du sang” (sueur si abondante qu'elle ressemble à du sang qui dégouline à terre4). On peut retrouver ici, mais avec une autre nuance, “l'angoisse” dont Jésus parlait au début du récit de Marc ; ce n'est plus la peur, mais la tension avec laquelle il engage le combat. Jésus comprend que le secours de l'ange signifie qu'il ne sera pas dispensé du combat, mais au contraire qu'il devra l'affronter avec toute son énergie ; la réponse du Père à sa prière n'est pas de l'en dispenser, mais de le fortifier ; c'est pourquoi il continue de prier plus instamment, afin de pouvoir éviter pour lui-même ce qu'il demandait aux disciples : ne pas succomber à l'épreuve, qu'elle ne tourne pas à la tentation. Effectivement quand Jésus se relève de sa prière, il invite ses disciples à se lever eux aussi et à prier pour ne pas entrer en tentation (22, 46).

1 Ces versets sont absents de certains manuscrits importants ; pourtant la critique textuelle est

portée à les maintenir comme faisant bien partie du texte originel de Luc. L'omission peut s'expliquer par les débats christologiques postérieurs sur la divinité de Jésus.

2 Daniel 3, 95 ; 3 Maccabées 6, 18 ; Ac 6, 15. Le service des anges que Lc n'avait pas mentionné lors de la tentation au désert (Lc 4, 13 comparé avec Mc 1, 13, Mt 4, 11) se trouve transposé à cette ultime tentation au jardin des Oliviers pour laquelle Satan devait revenir (Lc 4, 13).

3 Dont parlera He 12, 1-2: « courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est le pionnier de notre foi et qui la porte à son accomplissement. Au lieu de la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix, méprisant la honte, et il s'est assis à la droite du trône de Dieu »

4 Ce genre de comparaison avec « comme » est attesté en d'autres cas « des langues comme de feu », Ac 2, 3 ; voir aussi Lc 15, 12 ; 22, 41).

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C – Un regard sur le texte de Jean (12, 27-31) Le 4ème évangile n'a pas de récit de la prière de Jésus la nuit-même de son arrestation au jardin des Oliviers. Mais il comporte un dialogue de Jésus avec les disciples quelques jours avant la Pâque, lorsque des Grecs demandent à “voir Jésus”, qui débouche sur un moment de prière. “Le grain doit d'abord tomber en terre, afin de porter du fruit” ; allusion symbolique à sa mort qui aura une fécondité universelle. Au même moment il exprime un instant son désarroi en disant “mon âme est troublée”, mots proches de la tradition synoptique (“mon âme est triste”), qui font allusion eux aussi aux psaumes 41 et 42. Et il se demande s'il doit prier en disant “Père sauve-moi de cette heure”. Il corrige aussitôt ce mouvement qui s'esquissait en lui : “Mais c'est précisément pour cette Heure que je suis venu. Père glorifie ton Nom”. Se produit alors un phénomène de voix céleste, qui, dans les récits de tradition juive, est l'indice d'une communication divine : “Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore”. La foule ne comprend pas, mais se rend compte de quelque chose de surhumain : “un ange lui a parlé”. Jésus commente : cette voix n'était pas pour lui, mais pour la foule, pour qu'elle comprenne le sens de sa mort : l'élévation du Fils de l’Homme sur la croix sera le commencement de son élévation en gloire auprès du Père, ainsi sera manifestée la fécondité de l'amour qui attirera à lui tous les hommes, tandis que “le Prince de ce monde” (Satan) sera éjecté de son pouvoir sur l'humanité. Ce dialogue comporte beaucoup de points communs avec le récit de la tradition synoptique : le trouble de Jésus face à la Passion toute proche, sa prière qui pourrait demander d'en être préservé, le langage de l'Heure (comme en Marc, mais avec plus de profondeur théologique, voir plus haut, Lexique) ; par contre, il n’ y a pas le langage de la coupe, mais le correctif immédiat de s'accorder avec la mission reçue du Père, et bien sûr la prière qui s'adresse au “Père”. Il y a même l'ange du récit de Luc, mais dans l'inter-prétation qu'en donne la foule. Les différences sont aussi importantes : tout cela se passe en public, Jésus n'est pas en prière, il est troublé un instant (c'est “énorme” pour le Christ du 4ème évangile, il lui reste malgré tout ce trait d’humanité, comme aussi devant la mort de son ami Lazare) ; il ne demande pas réellement au Père de le sauver de cette Heure, il est trop conscient que son élévation sur la croix est l'accomplissement de sa mission ; si la voix céleste se fait entendre (un ange, pense la foule), ce n'est pas que Jésus ait besoin d'être fortifié comme dans le récit de Luc, c'est pour confirmer le sens que Jésus donne à sa Passion auprès de la foule (pas pour moi, mais pour vous). Nous mesurons combien la profondeur et la beauté de la christologie johannique (“le Verbe s'est fait chair”) risquent de masquer le réalisme de l'humain en Jésus. Heureusement on y échappe, de justesse. Heureusement aussi la tradition synoptique garde toute sa valeur et sa vérité dans la collection des quatre évangiles.

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L’arrestation

Le Fils de l'Homme livré aux mains des pécheurs.

(Mc 14, 43-52)

2ème Rencontre

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L’arrestation : le fils de l'homme livré aux mains des pécheurs. (Mc 14, 43-52)

Marc 14:43 Au même instant, comme il parlait encore, survient Judas, l'un des Douze,* avec une troupe armée d'épées et de bâtons, qui venait de la part des grands prêtres, des scribes et des anciens. 44 Celui qui le livrait avait convenu avec eux d'un signal : “Celui à qui je donnerai un baiser, avait-il dit, c'est lui! Arrêtez-le et emmenez-le sous bonne garde.” 45 Sitôt arrivé, il s'avance vers lui et lui dit : “Rabbi” et il lui donna un baiser. 46 Les autres mirent la main sur lui et l'arrêtèrent. 47 L'un de ceux qui étaient là tira l'épée, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui emporta l'oreille. 48 Prenant la parole, Jésus leur dit : “Comme pour un bandit*, vous êtes partis avec des épées et des bâtons pour vous saisir de moi ! 49 Chaque jour, j'étais parmi vous dans le temple à enseigner et vous ne m'avez pas arrêté. Mais c'est pour que les Écritures soient accomplies.” 50 Et tous l'abandonnèrent et prirent la fuite. 51 Un jeune homme le suivait, n'ayant qu'un drap sur le corps. On l'arrête, 52 mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu.

Luc 22:47 Tandis qu'il parlait encore, voici une foule, et à sa tête marchait le nommé Judas, l'un des Douze, qui s'approcha de Jésus pour lui donner un baiser. 48 Mais Jésus lui dit : " Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme ! "

49 Voyant ce qui allait arriver, ses compagnons lui dirent : " Seigneur, faut-il frapper du glaive ? " 50 Et l'un d'eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui enleva l'oreille droite. 51 Mais Jésus prit la parole et dit : "Restez-en là." Et, lui touchant l'oreille, il le guérit. 52 Puis Jésus dit à ceux qui s'étaient portés contre lui, grands prêtres, chefs des gardes du Temple et anciens : "Suis-je un bandit*, que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons ? 53 Alors que chaque jour j'étais avec vous dans le Temple, vous n'avez pas porté les mains sur moi. Mais c'est votre heure et le pouvoir des Ténèbres.” 54 L'ayant donc saisi, ils l'emmenèrent et l'introduisirent dans la maison du grand prêtre. Quant à Pierre, il suivait de loin.

Jean 18:1 Ayant ainsi parlé, Jésus s'en alla, avec ses disciples, au-delà du torrent du Cédron; il y avait là un jardin où il entra avec ses disciples. 2 Or Judas, qui le livrait, connaissait l'endroit, car Jésus s'y était maintes fois réuni avec ses disciples. 3 Il prit la tête de la cohorte* et des gardes fournis par les grands prêtres et les Pharisiens*, il gagna le jardin avec torches, lampes et armes. 4 Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s'avança et leur dit : “Qui cherchez-vous ?” 5 Ils lui répondirent: “Jésus le Nazôréen*” Il leur dit : “C'est moi.” Or, parmi eux, se tenait Judas qui le livrait. 6 Dès que Jésus leur eut dit “c'est moi”, ils eurent un mouvement de recul et tombèrent. 7 À nouveau, Jésus leur demanda : “Qui cherchez-vous ?” Ils répondirent : “Jésus le Nazôréen” 8 Jésus leur répondit : “Je vous l'ai dit, c'est moi. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci” 9 C'est ainsi que devait s'accomplir la parole que Jésus avait dite : “Je n'ai perdu aucun de ceux que tu m'as donnés.” 10 Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, dégaina et frappa le serviteur du grand prêtre, auquel il trancha l'oreille droite; le nom de ce serviteur était Malchus. 11 Mais Jésus dit à Pierre : “Remets ton glaive au fourreau! La coupe que le Père m'a donnée, ne la boirai-je pas ?” 12 La cohorte, le tribun militaire et les gardes* des Juifs s'emparèrent alors de Jésus et le lièrent...

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L’ARRESTATION : LE FILS DE L'HOMME LIVRÉ AUX MAINS DES PÉCHEURS

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I - POUR LIRE 1. Quel paradoxe ! Dans le récit de Marc l'arrestation de Jésus au jardin des Oliviers suit immédiatement la parole du Maître aux disciples : “L'Heure est venue, voici que le Fils de l'Homme est livré aux mains des pécheurs. Debout, allons ; voici que celui qui me livre s'est approché” (Mc 14, 41-42). Jésus n'est donc pas surpris, il a vu lucidement arriver l'événement et il en dit l'aspect révoltant : lui, “Le Fils de l'Homme”, l'Homme par excellence, qui vient d'auprès de Dieu, “le Saint de Dieu”, est livré aux mains des “pécheurs”, au pouvoir des “sans foi ni loi”. En cela Jésus vit le destin de tous les justes qui, dans le cours de l'histoire, subissent cette agression de la méchanceté humaine et de la révolte contre Dieu. Le récit de son arrestation met en relief ce paradoxe insoutenable. Ainsi commencent les humiliations du Christ en sa Passion. 2. Le Christ de Marc et le Christ de Jean En lisant Marc, nous assistons à une scène bien humaine : baiser de Judas comme signe de reconnaissance, arrestation immédiate, coup d'épée inutile d'un assistant, parole de Jésus pour dire l'incongruité des circonstances de son arrestation, fuite des disciples. Il y a bien quelques variantes chez Matthieu et chez Luc, qui, tout en dépendant du texte de Marc, font preuve d'originalité. Mais la différence majeure est avec le récit de Jean. D'un côté une arrestation à laquelle Jésus se soumet sans la moindre velléité de résistance ; de l'autre une scène que domine de très haut la souveraine liberté de Jésus, de celui qui s'affirme comme “Je-Suis”: on l'arrête parce qu'il veut bien se faire arrêter ! Rien ni personne ne peut tenir devant lui. Il faut nous habituer à lire les récits évangéliques non pas comme de purs et simples reportages, mais comme des mises en scène de ce qui a été vécu par Jésus, mises en scène qui intègrent des éléments historiques, mais qui les situent à l'intérieur d'une certaine image de sa personnalité : il y a le Jésus de Marc ou de Matthieu, de Luc ou de Jean. Nous n'atteignons pas Jésus en direct, mais à travers les différentes figures qu'en ont reconstituées les témoins oculaires et les communautés chrétiennes postpascales. En effet les évangiles sont tous des récits d'après Pâques. La lumière de Pâques éclaire en retour les événements d'avant Pâques, en particulier en donnant plus de relief à la liberté et à la maîtrise de Jésus sur les événements qu'il vivait. 3. Pour lire le récit de Marc (14, 43-52) Le récit de Marc comporte trois étapes : - L’arrivée de la troupe et le baiser de Judas, signe de reconnaissance en vue de l'arrestation (43-46)

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- le geste de l'épée qui atteint l'oreille du serviteur du Grand-Prêtre, occasion d’une prise de parole de Jésus ( 47-49), la seule avant celles de son procès - l'abandon des disciples et l'épisode du jeune homme qui s’enfuit tout nu (51-52). Lexique * Bandits : dans les récits contemporains des évangiles (l’historien juif JOSEPHE), il ne s'agit pas nécessairement de “bandits des grands chemins”, mais de juifs épris d'indépendance qui faisaient des coups de main contre l'occupant romain (désignation péjorative dont on affuble des résistants). * Cohorte : unité de l'armée romaine de 600 hommes, commandée par un tribun. * Douze (les) : désignent les douze disciples, les plus rapprochés, que Jésus a choisis pour représenter et étendre son action à l'ensemble des douze tribus d'Israël. Judas Iscariote était l'un d'entre eux. Simon, surnommé Pierre par Jésus, était le premier des Douze. * Gardes du temple : milice juive préposée à l'ordre public sur l'espace du Temple. * Nazôréen : cette désignation de Jésus se trouve en Mt 2, 23, plusieurs fois dans les Actes des apôtres et ici dans Jn 18,5-7. Il peut être un équivalent de Nazarénien (habitant de Nazareth) ou (et) faire allusion au “nazir”, figure de consacré. * Pharisiens : mouvement religieux de laïcs, interne au judaïsme contem-porain de Jésus, désireux de faire de tout Israël un peuple saint moyennant une observance fidèle, mais adaptée, de la Loi (la Loi écrite commentée par la Loi orale). Les Pharisiens sont les plus proches de Jésus au temps de son ministère public ; c'est souvent avec les plus proches que l'on a le plus l'occasion et des raisons de débattre (lois de pureté, observance du sabbat, etc...). Plus tard, au temps du quatrième évangile (90 après JC), les Pharisiens seront devenus les guides de la communauté juive, en l'absence des grands prêtres éliminés par la ruine du Temple, et ils se montreront décidément opposés à la foi chrétienne en Jésus, Christ, Fils de Dieu; c'est ce qui explique que Jean en fasse les représentants de l'opposition à Jésus dès le temps de son ministère public ; il y a là une schématisation qui dépasse la pure réalité historique ; il est vrai, cependant, que la liberté de Jésus posait déjà la question de son identité. II - ET MAINTENANT AU TEXTE 1. Lire dans la continuité le récit de Marc, puis celui de Luc. Constater les ressemblances et les différences : Personnages - la troupe : sa composition - Judas : son hypocrisie - Jésus : le paradoxe

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Évènements - l'oreille: mystère de la non-défense de Jésus - le moment de l'arrestation: ici, maintenant ; pourquoi pas avant, au Temple? - le commentaire de Jésus : Mc 49b, Lc 53 - les silences de Luc : rôle de Judas, fuite des disciples... - chercher autour des termes "ils abandonnèrent": v 24 (Mc 1, 18-20 ; Mc 8, 34) ; "livrer” : (Mc 3, 19 ; 10, 33 ; 14, 11-18 ; 15, 1 ; 1 Co 11, 23 ; Rm 8, 32 ; Jn 10-18). 2. Lire Jean Quelles sont les différences les plus importantes ? Personnages - les Romains - les Pharisiens - l’attitude de Jésus : "sachant" v 4… Il n'est pas conduit par les évènements, c’est Lui qui les conduit. (Jn 1, 47-48; 6, 61-64 ; 71...) - “Qui cherchez-vous?” (Jn 1, 38 ; 7, 34-36 ; 8, 21 ; 13, 33 ; 20, 15) - "C'est moi”: “Je suis". C’est le nom divin révélé à Moïse : Exode 3 ,14 relire Jn 18, 6. - "Laissez aller ceux-ci” : Jésus les libère, qu’est-ce que cela signifie ? Comparez Mc 14,48 et Jn 18,9. III - ACTUALISATION 1. Dans une attitude de prière, contempler Jésus. - Que me font découvrir ces textes de la personne de Jésus? (Liberté, force intérieure, dignité, refus de la violence...). - Quel trait me touche davantage aujourd'hui? 2. Relire le mystère du Christ dans l'histoire des hommes. - Comment le dessein de Dieu s'accomplit-il aujourd'hui en moi, dans le monde? -Par exemple : la non-défense de Jésus, il ne réplique pas à la violence par la violence. (Repenser au 4ème chant du serviteur Isaïe 53, 7-8). -En quoi cela m'interroge-t-il aujourd'hui ? (prise de conscience de certaines de mes pulsions, ou au contraire de la paix dont je suis porteur... ?) 3. Observer Judas, Pierre, les autres disciples: Sans moraliser, ni culpabiliser... - M'est-il arrivé d'être trahi(e), moi aussi? Comment l'ai-je vécu? Ce qui m'a aidé(e)? - Ai-je le souvenir d'un moment où j'ai "abandonné" ce à quoi je m'étais engagé(e) ?

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IV - PISTES POUR LA PRIÈRE Psaumes 41,10 "Même l'ami sur qui je comptais, et qui partageait mon pain, a levé le talon sur moi." 55,13-15 "Ce n'est pas un ami qui m'insulte, car je le supporterais... Mais c'est toi, un homme de mon rang, mon familier, mon intime..." 44,7 "Je ne comptais pas sur mon arc, mon épée ne me donnait pas la victoire..." Ne descends pas dans le jardin (D. RIMAUD, Prière du temps présent p 208) Ne laisse pas lier tes mains, Oh ! Jésus, Ne laisse pas lier tes mains Sans dire un mot ! Si je ne laisse pas lier mes mains Comme un voleur, Qui donc pourra détruire les prisons Dont vous souffrez ? Je laisserai lier mes mains Comme un voleur. Notre Père Oraison Toi, l’Envoyé du Père, Lumière née de la Lumière, c’est en pleine connaissance de cause et dans la liberté que tu avances vers Judas venu te livrer. C’est le moment de la rencontre avec les Ténèbres, avec le Prince de ce monde. Le bon berger est celui qui se livre librement à la mort afin de sauver la vie des brebis. Jésus, à ta suite, donne-nous la volonté de suivre les voies de Dieu notre Père et non celles des hommes. Amen

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FICHE POUR LES ANIMATEURS

V – CLÉS DE LECTURE A – Le récit de Marc 1. Le baiser de Judas La troupe que Judas conduit est envoyée par les autorités juives : grands-prêtres, scribes, anciens, c'est-à-dire les trois composantes du Sanhédrin ; elles sont censées avoir convenu avec Judas d'un signe de reconnaissance ; la troupe est armée d'épées et de bâtons, comme si elle s’attendait à une résistance de Jésus ou de ses partisans, mais cela s’avérera inutile, sans rapport avec la décision et le comportement de Jésus. “L'un des Douze” Selon Mc-Mt-Lc, Judas s'était accordé avec les grands prêtres quelques jours avant la Pâque pour leur livrer Jésus ; selon Mc 14, 10-11 pour de l’argent ; selon Mt 26, 14-16, moyennant trente deniers ; pour Luc, c'est alors que “Satan entra en Judas” (Lc 22, 3-6). Jean ne parle pas de cette entente préalable, mais, comme Luc, il dit qu'au moment du dernier repas, “le diable avait déjà mis au cœur de Judas, fils de Simon Iscariote, le dessein de le livrer” (Jn 13, 2), ce qui se réalise pleinement quand Jésus lui tend la bouchée : “c'est alors que Satan entra en lui” (Jn 13, 26-27). Les évangélistes ne donnent aucune raison qui expliquerait le geste de Judas. Jésus en avait-il eu la prescience ? Oui clairement pour Jean, et depuis longtemps (Jn 6, 70-71 ; 13, 27) ; selon Matthieu, à la dernière cène (Mt 26, 25) ; Marc et Luc se contentent de dire que Jésus pensait à “l'un des Douze”, à “l'un de vous qui mange avec moi” , à “l'un des Douze qui met la main avec moi dans le même plat” (Mc 14, 18.20) ; “celui qui me livre est à cette table avec moi” (Lc 22, 21). Ce que tous ces textes soulignent, c'est l'odieux de la trahison par un ami, conformément à la plainte du psalmiste (Ps 41, 10) “Même mon ami, celui qui avait ma confiance, et qui mangeait mon pain, lève le talon contre moi” (allusion en Mc 14, 20 ; citation en Jn 13 ,18). En outre, Judas est expressément désigné par le narrateur comme “l'un des Douze” (Mc 14, 43). Cette désignation de Judas à propos de Jésus livré se trouve dans les quatre évangiles (Mt 26, 14-47 ; Mc 14, 10-43 ; Lc 22, 3-47 ; Jn 6, 70-71). Il avait déjà été désigné ainsi quelques lignes plus haut dans le récit de Marc, lors de l’entente avec les grands-prêtres (Mc 14, 10). La répétition n'a pas pour objectif d'identifier quelqu'un qui serait un inconnu des lecteurs, mais de souligner le scandale de la trahison par l'un de ceux que Jésus avait associés de si près à son annonce du règne de Dieu. “et il lui donna un baiser” (45) C'est un geste normal de disciple à maître (voir Mt 26, 49) “salut, Rabbi/ Maître”. Le verbe employé par Mc indique une action intensive, qu'on pourrait rendre par “embrassa tendrement”. Le narrateur souligne ainsi l'hypocrisie du geste. Le thème de celui qui embrasse un rival pour l'abattre insidieusement fait partie des anciens récits bibliques (2 Sa 20, 9). Luc a trouvé ce geste tellement odieux qu'il ne le raconte pas, mais qu'il le laisse seulement

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entrevoir dans la question prévenante de Jésus : “Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'Homme ?” (Lc 22, 48). Le Christ de Marc n'exprime aucune réaction au baiser de Judas, il ne mani-feste aucun désir de résistance, il a déjà accepté le dessein du Père dans sa prière et il est immédiatement arrêté par ceux auxquels Judas l'a désigné, en disant “arrêtez-le et emmenez-le sous bonne garde” (44). “Ils mirent la main sur lui” (46), formule qui reprend l'annonce de Jésus à la fin de la prière de Gethsémani : “le Fils de l'Homme est livré aux mains des pécheurs” (14, 42). Au contraire, le récit de Luc attend que Jésus ait dit quelques mots sur l'incongruité de son arrestation (Lc 22, 52-53) avant de raconter finalement que l'on s'est emparé de lui (Lc 22, 54) (même organisation du récit chez Jn 18, 10-12). 2. L'épisode de l'épée (Mc 14, 47-49) Selon Marc un quidam “parmi ceux qui se tenaient là” - mais Marc ne précise pas de quel côté il se trouvait : parmi les adversaires ou les disciples, ou simplement les curieux s'il y en avait ; on verra que la tradition voudra préciser – tire l'épée et tranche le lobe de l'oreille “du serviteur du grand-prêtre”. Ce n'est pas quelque valet secondaire, mais l'assistant du grand-prêtre ; or le voici déshonoré, rendu par cette blessure impropre à l'exercice du sacerdoce ; à travers lui, c'est aussi le grand-prêtre qui se trouve atteint.

A la différence de Matthieu-Luc-Jean, Jésus ne commente pas le geste, quels qu'en aient été l'auteur et l'intention. Il s'en prend à ceux qui l'ont arrêté et à leurs commanditaires : incongruité de l’arrêter “comme un bandit” (voir lexique), de nuit, au moyen d'épées et de bâtons – alors qu'on aurait pu l'arrêter ailleurs et pour d'autres motifs : “j'étais parmi vous dans le Temple à enseigner et vous ne m'avez pas arrêté” (49). La figure du Maître qui enseigne la parole de Dieu dans le lieu saint est déshonorée et travestie en figure de dangereux hors-la-loi. En ce destin d'humiliation, qui ne fait que commencer, s'accomplissent les Écritures (49b). Voilà ce qui, aux yeux de Marc, était important à souligner. Le Christ de Luc – le doux Luc – commence par guérir l'oreille entamée, puis il calme les siens, auxquels est censé appartenir celui qui a frappé pour le défendre (Lc 22, 49). Il tient ensuite le même discours qu'en Marc, mais il conclut sur une note de gravité qui dit l'enjeu de l'action engagée contre lui : “C'est votre heure et le pouvoir des ténèbres” (Lc 22, 53). 3. L'abandon des disciples ; le jeune homme qui s’échappe tout nu. En un mot Marc dit au sujet des disciples : “Et l'ayant abandonné, ils prirent la fuite, tous” (14, 50). Tel fut le courage de ceux qui avaient juré solennellement quelques heures auparavant de ne jamais l'abandonner (14, 38). Placé en dernière position, le sujet de la phrase : “tous”, a beaucoup de force. Luc n'a pas mentionné cette fuite des disciples ; il se montre plus indulgent que Marc à leur égard. Le seul récit de Marc évoque alors la tentative d'un jeune homme qui suivait Jésus – donc quelqu'un qui au moins voulait être disciple – et qui, dans la circonstance, alors que tous les disciples patentés s'enfuyaient, continuait de vouloir le suivre. Mais il n'y réussit pas plus que les autres : comme la police l’arrêtait lui aussi, il s'enfuit tout nu en se débarrassant du drap qui lui servait de vêtement. Le récit de cet épisode s'est prêté à de multiples interprétations.

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On ne réussit pas à lui reconnaître un sens purement factuel. A cause du “sindon” (linceul), ce drap qui sert de vêtement à sa nudité, à cause de sa qualité de jeune homme, traits que l'on retrouve dans le récit du tombeau ouvert. Ne serait-il pas là, dans le récit de Marc, comme une prémonition symbolique du sort de Jésus qui, maintenant arrêté, puis gisant dans le linceul du tombeau, s'en révélera libéré ; déjà s'annoncerait en la figure de ce jeune homme la liberté et la gloire du Ressuscité (voir Mc 16, 5 : le jeune homme assis à droite vêtu d’une robe blanche)? D'autres interprétations sont plus modestes : personne ne peut suivre Jésus dans sa Passion avec les meilleures intentions du monde et ce message pourrait renvoyer à l'Écriture : “en ce jour-là le plus brave des braves s'enfuira tout nu” (Am 2, 16). B - Le récit de Jean (18, 1-11) La structure d'ensemble ressemble à celle des Synoptiques : arrivée d'une troupe avec Judas pour arrêter Jésus, essai avorté d'un coup d'épée pour s'opposer à cette arrestation, mise au point de Jésus, qui, finalement, se laisse arrêter et lier. Mais dans cette séquence semblable à grands traits, il y a de considérables différences de présentation des personnages et des événements. Je les énumère sans les interpréter en détail : 1. Jean commence le récit de la Passion directement par l'arrestation de Jésus au jardin des Oliviers (sans la prière de Gethsémani) ; ce lieu habituel de réunion avec les disciples est connu de Judas, lequel a quitté le cénacle avant les autres, quand “il faisait nuit”, notation symbolique, que l'on retrouve dans Lc 22, 53 : “c'est votre heure et la puissance des Ténèbres”. 2. La troupe qui arrive avec Judas est composite : elle est romaine (la cohorte et son tribun) et juive (gardes du temple fournis par les grands-prêtres ; pharisiens) et elle est impressionnante : la cohorte = 600 hommes. Pourquoi la mention d'une telle quantité, plus encore pourquoi des éléments de l'armée romaine avec la police du Temple ? Jean est-il témoin d'une tradition historique ? Le pouvoir romain aurait-il été à l'origine de l'arrestation de Jésus ? Cela paraît invraisemblable, quand on voit le centurion conduire son prisonnier chez le grand-prêtre (18, 13). Sans doute la tradition des moqueries de “toute la cohorte” dans le prétoire de Pilate (Mt 18, 27 ; Mc 15, 16 ; Jn 19, 2-3) a pu conduire à anticiper la présence de cette cohorte dans le récit johannique de l'arrestation ; de ce fait les puissances humaines des Juifs et des Nations, hostiles à Jésus, se trouvent rassemblées devant lui pour éprouver ensemble l'inanité de mettre la main sur lui tant que lui-même ne se livre pas. Et cette troupe doit s'éclairer de torches et de lampes pour arrêter celui qui est la lumière du monde (ironie johannique). 3. Judas ne joue aucun rôle pour la reconnaissance de Jésus. C'est lui, Jésus, qui “sachant ce qui allait lui arriver” (tel est bien constamment le Christ johannique, surtout quand il s'agit de la Passion, voir Jn 13, 1) prend l'initiative de se présenter en demandant à cette troupe : “Qui cherchez- vous” ? 5 À leur réponse : “Jésus le Nazôréen”, fuse par deux fois le mot-clé de l'identité johannique transcendante de Jésus : “c'est moi” = JE SUIS. Devant la puissance fulgurante de ce “Je Suis”, les opposants romains et juifs

5 Question-clé qui traverse tout le 4ème évangile : recherche positive, Jn 1, 38 ; 6, 24 ; 1 3, 33 ;20, 15 ; recherche négative, agressive : 7, 33-34 ; 8, 21.

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ne peuvent que s'effondrer à terre, exactement comme, dans les Psaumes, les opposants à Dieu s'effondrent à terre. C'est Jésus qui se livrera lui-même ; alors seulement le tribun militaire et les gardes des Juifs pourront le lier. 4. Les disciples ne l'abandonnent pas vraiment, c'est Jésus qui les libère en contrepartie de son arrestation : “si c'est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci”. Ainsi s’accomplit la parole de Jésus, mise sur le même rang que la parole de l’Écriture : “je n'ai perdu aucun de ceux que tu m'as donnés” (voir Jn 17, 12). 5. L'épisode de l'épée est attribué à Simon-Pierre, qui se voit reprocher (une fois de plus) de ne pas comprendre la décision de Jésus d'entrer dans sa Passion : “la coupe que le Père m'a donnée ne la boirai-je pas ?” On retrouve ici l'élément-clé de la prière de Gethsémani (Synoptiques) qui donne tout son sens à la Passion. La tonalité de ces deux récits (Marc et Jean) est assez différente. Ils ont cependant en commun la décision de Jésus de ne pas résister à son arrestation parce qu'à ses yeux la Passion fait partie du dessein de Dieu ; Jean a fortement accentué son initiative et sa liberté, mais il ne l'a pas inventée, il l'a rendue d'une manière symboliquement forte. Même le “Je-Suis” de Jésus en Jean n'est pas sans parenté avec le “Il est ” (c'est lui) que dit Judas en Mc 14, 43. Mais si Jean met l'accent sur la transcendance de Jésus, Marc souligne l'humiliation paradoxale du Fils de l'Homme, livré aux mains des pécheurs.

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Dieu nous a parlé en un Fils.

(He 1, 1-5 ; 2, 5-8)

3ème Rencontre

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Jésus, Fils de Dieu et frère des hommes (He. 1, 1-5 ; 2, 5-8) 1, 1-5 : Dieu nous a parlé en un Fils 1 Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées ; 2 mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé en un Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes*. 3 Resplendissement de la gloire du Père, expression parfaite de son être, ce Fils, qui porte l'univers par la puissance de sa Parole, après avoir accompli la purification des péchés*, s'est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux ; 4 et il est placé bien au-dessus des anges, car il possède par héritage un nom bien plus grand que les leurs.

5 Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit : “Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré” ?

2, 5-18 : Le frère des hommes 5 À qui Dieu a-t-il soumis le monde à venir ? Ce n'est pas à des anges, 6 puisque l'auteur d'un psaume déclare ceci :

Ô Dieu, qu'est-ce que l'homme, pour que tu penses à lui, le fils de l'homme, pour t'occuper de lui ? 7 Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur ; 8 tu as mis sous ses pieds toutes choses.

Quand Dieu lui a tout soumis, il n'a rien exclu de cette soumission. Cependant en fait nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis. 9 Mais Jésus avait été abaissé un peu au-dessous des anges, et maintenant nous le voyons couronné de gloire et d'honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l'expérience de la mort, c'est, par grâce de Dieu, pour le salut de tout homme.

10 En effet, puisque le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu'à la gloire, il était normal qu'il mène à l'accomplissement, par la souffrance, celui qui est à l'origine de leur salut. 11 Car le sanctificateur et les sanctifiés ont la même origine ; et, pour cette raison, il n'a pas honte de les appeler ses frères, 12 quand il dit :

Je proclamerai ton nom devant mes frères, je te louerai en pleine assemblée. 13 et encore : Je mettrai toute ma confiance en lui, et encore : Me voici avec les enfants que Dieu m'a donnés.

14 Ainsi donc, puisque les enfants ont en commun le sang et la chair, lui aussi, pareillement, partagea la même condition : ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l'impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable, 15 et il a rendu libres ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d'esclaves. 16 Car ceux qu'il vient aider, ce ne sont pas les anges, ce sont les fils d'Abraham. 17 Il lui fallait donc devenir en tout semblable à ses frères, pour être, dans leurs relations avec Dieu, un grand prêtre miséricordieux et digne de confiance, capable d'enlever les péchés du peuple. 18 Ayant souffert jusqu'au bout l'épreuve (de sa Passion), il peut porter secours à ceux qui subissent l'épreuve.

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INTRODUCTION À L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 1. Une pause, pas une digression Dans notre parcours sur le récit de la Passion nous marquons une pause pour honorer le temps de Noël. Nous vous proposons de lire deux passages, étroitement liés, de l'Épître aux Hébreux. Mais il ne s'agit pas d'une digression, car, dans ces deux extraits, il s'agit de contempler le Christ Jésus comme le Fils de Dieu qui est devenu le frère des hommes afin de les conduire à Dieu. Et il l'a fait en participant pleinement à la condition humaine, prenant part à leurs épreuves jusqu'à la souffrance et la mort de la croix. Dans la liturgie de Noël, c'est le Prologue de l'épître (1, 1-4) qui est lu à la messe du jour, parce qu'il exprime la révélation que Dieu nous fait en la personne de son Fils. Le jour de la Présentation au Temple (2 février), on lira un autre extrait de cette épître (2, 5-18) qui souligne l'autre aspect du mystère de l'Incarnation : le Fils de Dieu est devenu le frère des hommes. Étant donné la richesse de ces textes, nous vous proposons de les lire en deux temps, le premier si possible en décembre, un peu avant Noël ; le second en janvier. 2. L'épître aux Hébreux L'auteur de l'épître aux Hébreux est un inconnu ; ce n'est pas saint Paul, mais un croyant de la 2ème ou 3ème génération, un chrétien d'origine juive, très familier avec l’Ancien Testament et avec la liturgie du Temple, où l'on venait non seulement pour louer Dieu, mais pour implorer son pardon. Il veut faire comprendre à ses lecteurs, qui sont des judéo-chrétiens eux aussi, assez nostalgiques de cette liturgie, qu'ils ont bien mieux en la personne de Jésus. C'est Lui, le Grand-Prêtre véritable et définitif. Il n'a pas officié dans un sanctuaire d'ici-bas comme le Temple de Jérusalem. Il a “officié” dans sa vie, sur la croix, quand Il s'est offert en personne pour exprimer un amour absolument fidèle à Dieu et à ses frères humains. C'est alors que Dieu l'a accueilli en lui-même et nous tous avec lui. Il a réalisé le grand Pardon (Kippour), une fois pour toutes. 3. Le Fils et le Frère. Pour fonder ce message, l'auteur met sous nos yeux la figure de Jésus, telle que le confesse la foi chrétienne : Il est le Fils de Dieu et Il est le frère des hommes, indissolublement. Parce qu'Il est le Fils, Il a pu être parfaitement fidèle, parce qu'Il est le frère Il a pu être plein de compassion. S'Il n'était que Fils, Il pourrait être lointain et distant ; s'Il n'était que frère, Il pourrait nous laisser dans notre misère. Mais parce qu'Il est l'un et l'autre, alors Il peut nous prendre en charge : être notre prêtre, notre médiateur, notre pionnier pour nous conduire jusqu'à Dieu. 4. L'articulation entre les grands “moments” de l'histoire du salut Le Prologue de l'épître aux Hébreux tient sous un seul regard les grands moments de l'histoire du salut. Il nous invite à voir l'unité du dessein de Dieu sur la création et l'humanité, à comprendre chacun de ces “moments” (création, révélation, incarnation, croix, résurrection, salut final) comme s’appelant l'un l'autre de l'intérieur et non pas comme des “additions” extrinsèques (sans lien profond). Il vaut la peine d'y réfléchir.

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Création en vue de l’Incarnation Le Prologue de l'épître aux Hébreux nous invite à reconnaître le lien profond qui existe entre la présence du Fils à l'acte même de la création et le salut qu'il réalise par le mystère pascal (croix et glorification). Bien souvent on s'exprime comme si l'Incarnation était une opération de rattrapage pour faire face à “l'échec” de la création, abîmée par le péché. Il n'y aurait d'Incarnation dans le dessein de Dieu que parce qu'il aurait fallu accomplir la rédemption de l'humanité pécheresse. Ce n'est pas ainsi que s'expriment les textes du N.T. D'entrée de jeu, la création (et l'humanité dans la création) est créée “en Christ”, “en lui” et “par lui” (1 Co 8, 6 ; Col 1, 16) ; c'est par le Verbe que tout a été fait (Jn 1, 3-4), ce Verbe qui, depuis toujours, est “la lumière des hommes en venant en ce monde” dans les consciences et dans les cultures, (Jn 1, 10), et qui, un jour, entrera en histoire comme “Parole incarnée” (Jn 1, 14). Pourquoi ? Parce que d'emblée Dieu le Père crée une humanité appelée à entrer en communion de vie avec Lui par son Fils, habitée et conduite par l'Esprit. Dès le premier instant de la création l'Incarnation est en vue, avant toute considération du péché. Si, de fait, dans cette histoire il y a la croix, c'est que le Fils ne pouvait réaliser ce dessein d'amour du Père inauguré dans la création qu'en prenant en charge une humanité blessée.

La croix et la résurrection de Jésus La résurrection de Jésus n'est pas une simple réhabilitation, encore moins une revanche, ni un simple signe apologétique que Jésus avait raison. Elle est le terme d'un itinéraire, l'aboutissement d'un passage. L'épître aux Hébreux se la représente comme l'arrivée auprès de Dieu du chemin engagé par Jésus dans sa Passion, “à travers le voile de sa chair”. Il est allé à Dieu avec tout son être. Et Il y est arrivé, pour lui et pour nous. Dans la même ligne, selon le 4ème évangile, la résurrection est la glorification du don de soi qu'Il a vécu jusqu'à l'extrême sur la croix. C'est celui qui a librement donné sa vie, qui a repris vie, et quelle vie ! Toujours dans la même ligne, une vie communi-catrice d'elle-même ; ce qu'Il fait quand Il envoie l'Esprit. C'est ainsi qu'Il accomplit “la rédemption”, car c'est l'Esprit lui-même qui est la rémission des péchés : quand l'Esprit vient habiter un cœur humain, le péché s'efface. Quand, à la Pentecôte, les premiers disciples ont fait l'expérience de recevoir l'Esprit du Christ ressuscité, ils ont compris aussi par le fait-même qu'Il devait être reconnu et confessé comme “le Seigneur” (Ac 2, 36) ; de là ils ne seront pas longs à comprendre qu’Il était présent à l'origine de la création comme Il le sera à son terme.

Le Fils a dû se faire le bon Samaritain, mais lui, le Fils, ne passait pas là par hasard. C'était depuis toujours son chemin, de venir vers les hommes. Ce n'est pas l'Incarnation qui dépend de la Croix, mais la Croix qui dépend de l'Incarnation.

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Première fiche de partage sur le prologue de l'épître aux Hébreux

DIEU NOUS A PARLÉ EN UN FILS Hébreux 1, 1-5 1 1 Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées ; 2 mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé en un Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes*. 3 Resplendissement de la gloire du Père, expression parfaite de son être, ce Fils, qui porte l'univers par la puissance de sa Parole, après avoir accompli la purification des péchés*, s'est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux ; 4 et il est placé bien au-dessus des anges, car il possède par héritage un nom bien plus grand que les leurs.

5 Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit : “Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré” ?

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FICHE POUR LES PARTICIPANTS

I - POUR LIRE 1. Un Dieu qui se révèle en un Fils Notre Dieu est un Dieu qui “parle”, il communique, il veut se livrer dans sa Parole. Parler à quelqu'un, c'est entrer en relation, cela peut même consister à se livrer à lui. Dieu avait commencé de le faire jadis “par les prophètes” ; il le fait aujourd’hui de manière définitive “en un Fils”, qui est le sommet de la révélation de Dieu à l'humanité. Il ne nous parle pas de loin, par des idées, mais de près, par la présence de son Fils. Cette affirmation nous fait prendre conscience du sens de la naissance de Jésus que nous fêtons à Noël comme “parole de Dieu”. Le texte ne nomme pas encore ici ce Fils par son nom de Jésus, il le fera pour la première fois en 2, 9, mais c'est bien de lui qu'il s'agit, puisqu'il va parler aussitôt de son œuvre rédemptrice et de sa glorification pascale (1,3). 2. L'ampleur de l’œuvre du Fils Ce qui va nous surprendre, sans doute, c'est que cette œuvre rédemptrice du Fils s'inscrit dans une œuvre beaucoup plus large, qui va de la création à l'accomplissement ultime (eschatologique) de l'histoire. Nous pouvons être surpris par son ampleur. Il nous faut prendre acte du fait que le Christ, en tant qu'il est le Fils éternel de Dieu, est présent au monde et à l'humanité, bien avant le moment de l'Incarnation. Nous ne sommes pas loin du Prologue du 4ème évangile : “Tout est venu à l'existence par lui (par le Verbe / la Parole/ de Dieu) et rien n'est venu à l'existence sans lui. Ce qui est venu à l'existence en lui était vie, et la vie était la lumière des hommes” (Jn 1, 3-4). L'auteur de l'épître aux Hébreux dit déjà que le Fils “porte tout” par sa parole puissante... Lexique * Mondes : la littérature juive parle volontiers des “mondes” au pluriel, c'est-à-dire des deux mondes, le monde présent et le monde à venir; ils sont à la fois successifs et superposés. “Le monde à venir” est le monde définitif ; il surplombe déjà “le monde présent” ; il est le monde de la pleine participation à la vie divine, il est le monde de la résurrection. Mais “le monde présent”, tout provisoire qu'il soit, n'est pas sans importance ; première étape de la création, il prépare le monde à venir. * Préexistence : pour dire que le Christ, en tant que Fils de Dieu, n'est pas seulement un être de ce monde, mais qu'il appartient de toute éternité à l'être même de Dieu, on emploie volontiers ce langage de “préexistence” ; mais ce langage imagé est imparfait : le temps n'existe que comme dimen-sion de la création ; il n'y a pas de temps avant la création. Il vaudrait mieux dire “surexistence”. Dieu est au-delà de tout créé ; il en est ainsi de son Fils en lui.

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* Purification des péchés (ayant accompli la purification...): ce langage fait allusion à la liturgie de Kippour, la grande fête juive de l'Expiation (= du Pardon). Chaque année, à Kippour, le Grand-Prêtre entrait dans le Saint des saints, “à travers le voile” qui fermait le Saint de saints, en présence de Dieu, avec le sang des sacrifices qui était le symbole de la communion de vie restaurée avec Dieu. Ce n'était là qu'une figure, dit l'auteur de l'épître. Jésus est entré dans le Saint des saints véritable, au ciel ; “à travers le voile de sa chaircrucifiée” (10, 20), il a accédé à Dieu-même. Son sang versé aura été l'expression de sa vie donnée, moyennant laquelle il est allé à Dieu en personne, en nous y introduisant tous avec lui. * Saint des saints = le lieu très saint, le lieu le plus saint du sanctuaire, là où se trouvait l'arche d'alliance, qui était symboliquement le piédestal de la présence divine, entre les deux ailes des Chérubins ; c'est là que le Seigneur se donnait à rencontrer. C'est sur le “propitiatoire”, la plaque d'or qui recou-vrait l'arche d'alliance, que le Grand-Prêtre faisait les onctions de sang sacri-ficiel le jour de Kippour (le seul jour où il entrait dans le Saint des saints). * Sang sacrificiel : dans les sacrifices, l’essentiel n'est pas l'immolation qui n'est qu'un rite préalable, mais les onctions de sang que le prêtre fait sur les lieux qui symbolisent la présence de Dieu (l'autel, le “propitiatoire” de l'arche d'alliance) ; “le sang est la vie” : Dieu le donne à Israël comme expression symbolique du rétablissement d'alliance ; au Sinaï Moïse avait aspergé de sang, d'une part, le peuple, d'autre part, l'autel, symbole de la présence divine, en disant : “Ceci est le sang de l'alliance que le Seigneur conclut avec vous”. C'est un contresens de présenter le sang sacrificiel comme symbole d'un châtiment divin exercé sur une victime substituée au pécheur. L'auteur de l'épître aux Hébreux voit le sang sacrificiel dans la vie donnée du Christ : c'est cette vie donnée qui exprime et réalise l'alliance entre Dieu et l'humanité. “Ceci est mon sang de l'alliance, versé pour vous et pour la multitude”, dit Jésus à la dernière Cène. II – ET MAINTENANT, AU TEXTE : 1. Portons notre regard sur le verbe principal du v. 1 et 2 : Dieu a parlé. A qui est adressée cette parole ? Citons quelques passages de l'Écriture où Dieu parle... (Genèse, prophètes …) 2. Les titres du Fils : (v. 2) - Il est héritier de toutes choses (accomplissement) - Il a créé les mondes (origine) - Il porte toutes choses (permanence) Toute une histoire ... Le commencement et la fin, Alpha et Oméga. 3. Gloire (v. 3) : “rayonnement /s'est assis / expression parfaite…” Classons : - ce que le Fils fait lui-même - la place que Dieu lui donne - la relation Père / Fils

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III – ACTUALISATION 1. Un Dieu qui parle : nos contemporains ne disent-ils pas plutôt que Dieu se tait ? Dieu parle. Dieu se tait. On fait parler Dieu. Comment vous situez-vous par rapport à ces diverses interrogations ? Où et quand entendons nous Sa parole ? Où la cherchez-vous le plus volontiers : conscience, Bible, évangile, événements …? Seuls ou en partage avec d'autres ? Quelle est la portée de cette Parole de Dieu pour vous, au-delà de ce qui serait pure connaissance religieuse ? 2. Comparons les idées communes que l'on se fait sur “le dieu commun” (an-ciennes religions, déistes et cultures contemporaines) et notre Dieu : Père, Fils, Esprit en relation. 3. Bien avant sa conception humaine, celui qui s'appellera Jésus est déjà le Fils, le Verbe, la Parole ! Déjà, dès l'origine de la création, il venait dans le monde, il venait vers les hommes (Prologue de St Jean). Cela bouscule nos manières habituelles de penser : qu'en disons-nous ? Quels changements cela peut-il apporter à notre manière de voir le monde ? IV - PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer le Prologue du 4ème évangile (Jn 1, 1-18, extraits). Se laisser porter par l'histoire du Verbe de Dieu qui vient à l'homme : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes... Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, lui par qui le monde s'était fait, mais le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a conduit à le connaître.

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Cantiques : Source nouvelle L 47 - 2 Source nouvelle, Vie éternelle Fontaine vive en nos déserts : L’esprit fait naître l’univers. Christ est lumière au cœur de pauvres Christ est lumière au cœur du monde Touche nos oreilles U 28 Dieu silence tu nous as parlé : Lumière dans nos yeux Ferment dans notre pain. Touche nos oreilles Nous entendrons Souffles sur nos lèvres Nous parlerons Donne ta lumière Nous brillerons Montre-nous la route Nous marcherons Notre Père Oraison Jésus, Fils de Dieu (L’Éternel Sauveur), Emmanuel (Dieu avec nous), Merveilleux-Conseiller, Dieu fort, Prince de paix, ton Père a dit : “Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le”. Toi Fils, l’égal du Père, la Parole de Dieu faite chair, apprends-nous à mieux connaître le Père. Amen

Source en attente, Partout présente Mêlée au souffle créateur : L’Esprit se tait pour dire Dieu. Christ est silence au cœur des pauvres Christ est silence au cœur du monde

Tourne ton visage, Nous te verrons. Coule dans nos veines, Nous guérirons. Vienne l'espérance, Nous t'attendrons. Brille ton étoile, Nous partirons.

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V – CLÉS DE LECTURE Le Fils de Dieu (Le prologue, He 1, 1-4) Après avoir parlé jadis de manière fragmentaire et variée par les prophètes, Dieu nous a parlé en ces temps qui sont “les derniers” en un Fils, qui est en personne la parole définitive de Dieu. Pour déployer toute la richesse de cette communication divine, l'auteur est amené à préciser l’identité de ce Fils, à dire sa participation à l’œuvre du Père dans la création et dans l'histoire. Essayons de recueillir d'abord tout ce qu'il dit de lui ; ensuite de comprendre quel lien il met entre ce qu’Il est et ce qu'Il fait. 1. Ce qu'Il est

Il est le Fils, dans un sens transcendant. Ce titre nous est bien connu depuis les lettres de saint Paul et depuis les évangiles. Ce qu'il y a de nouveau ici, c'est un langage qui projette sur lui des expressions caractéristiques de la Sagesse créatrice de Dieu dans l'Ancien Testament (Sg 7, 25 ; Pr 8, 22-31), et même il les amplifie : ce Fils est “le reflet resplendissant de la gloire du Père, l'expression parfaite de son être”. Il est comme un autre lui-même. Plus tard notre Credo dira de lui : “lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu”, “ de même nature que le Père”. Dieu l'a établi “héritier de tout” ; n'est-ce pas normal puisqu'Il est son Fils ? Encore faut-il apprendre par quel chemin Il l'est devenu. C'est ce que nous allons apprendre quand on va nous dire ce qu'Il a fait et comment Il l'a fait. 2. Ce qu'Il a fait / ce qu'Il fait / ce qu'Il fera C'est par lui que le Père a procédé à la création : “Par lui il a fait les mondes”*. Le Fils n'intervient pas seulement dans l'Incarnation, il est déjà présent et actif dans l'acte même de la création. Ce Fils “porte tout par sa parole puissante”. “Porter” dans ce contexte culturel veut dire “gouverner” : porter une ville = la gouverner. C'est lui qui conduit le monde et son histoire à son achèvement. Il le fait par sa Parole qui est celle-là même de Dieu. Il a procédé dans l'histoire à une démarche qui nous a valu le Pardon définitif : “après avoir accompli la purification du péché”. Cela est dit en projetant sur lui l'image du grand-prêtre qui chaque année entrait dans le Saint des saints avec le sang sacrificiel* pour symboliser la réconciliation de Dieu avec son peuple ; cela n'était qu'une image de ce qu'a fait Jésus une fois pour toutes : par sa vie donnée jusqu'à la mort sur une croix il a accédé à Dieu-même, pour lui et pour nous ; Il a réalisé le grand Pardon en son humanité filiale et fraternelle. “Il s'est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux” : ce langage d'élévation tient lieu ici, comme en d'autres passages du N.T., de l'affirmation pascale, car la résurrection de Jésus signifie sa glorification ; il apparaît dès lors qu'Il est en mesure de conduire l'histoire humaine jusqu'au salut, jusqu'à son accomplissement final (eschatologique). C'est ainsi qu'Il est devenu “l'héritier de tout”.

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3. Quel lien entre ce qu'Il est et ce qu'Il fait ? Nous cherchons maintenant à comprendre quels liens ce croyant, auteur de l'épître aux Hébreux, met entre ces différents attributs et les différents aspects de l’œuvre du Christ. Comment procède sa foi ? Qu'est-ce qui illumine son regard sur Jésus ? Peut-être sa démarche de foi pourrait guider aussi la nôtre … 1 - D'abord ce Fils transcendant et préexistant* de Dieu, il ne le connaît qu'à partir de la figure humaine d'un certain Jésus, celui de la grande tradition chrétienne des origines : Jésus le crucifié, que les premiers disciples ont été amenés à reconnaître comme le Ressuscité, “le premier-né d'entre les morts” (Col 1, 18), inaugurant en sa personne une nouvelle création, fondée sur le don de soi jusqu'à l'extrême. 2 – En effet il faut prendre la mesure du choc qu’a été sur les disciples l'événement pascal. La résurrection de Jésus leur est apparue comme un événement inouï, qui les mettait aux bords de la Fin. Quel autre achèvement de l'histoire pouvait-il y avoir que d'y participer ? En lui et par lui6, ils seraient victorieux même de la mort. Il leur a même fallu du temps pour comprendre que, cependant, l'histoire devait durer encore. Mais l'événement décisif avait eu lieu. Oui, c'est bien lui, ce crucifié du Vendredi saint, qui mène l'histoire à son terme : “Dieu l'a établi héritier de tout”. 3 – Alors le regard du croyant se retourne de la fin vers le commencement : “un Fils qu'Il a établi héritier de tout, par lequel aussi Il a fait les mondes*”. A la lumière de la glorification pascale de Jésus, qui le désigne comme “le Seigneur” et le révèle comme l'achèvement de la création et de l'histoire, ce croyant comprend que le Fils devait être aussi à l'origine : s'Il était responsable et capable d'achever, c'est qu'Il devait avoir été responsable et capable de commencer. C'est son œuvre qu'Il viendrait achever, plus précisément l'œuvre du Père par lui. On projette alors sur “le Fils” des attributs qui étaient ceux de la Sagesse créatrice de Dieu dans les livres de sagesse de l'A.T. ; bien mieux que cette figure littéraire, le Fils est “le rayonnement de sa Gloire, l'empreinte de son être”, et c'est par lui que “Dieu a fait les mondes”. Il est, dès l’origine, celui qui “porte tout”. 4 – Mais alors si le Fils qui participe à l'acte créateur du Père est “l'héritier de tout”, s'Il est “celui qui porte tout”, comment a-t-Il honoré sa responsabilité de conduire l'histoire à son terme ? L'a-t-Il fait de l'extérieur ? Non, mais de l'intérieur, en étant non seulement “le Fils” en Dieu de toute éternité, mais quelqu'un parmi les humains ; quelqu'un qui les a pris en charge jusqu'à assumer leur faiblesse et leurs épreuves et réaliser le Pardon qui leur était nécessaire pour entrer en communion de vie avec Dieu. Voilà pourquoi Il a reçu un Nom qu'Il est seul à porter – que même les anges ne portent pas -, un nom que l'auteur dévoilera plus loin dans l'épître (2, 17): le Prêtre unique et véritable ; c'est lui, parce qu'Il est à la fois le Fils de Dieu et le frère des hommes.

6 Le Père est glorifié « par lui, avec lui et en lui », chante la liturgie eucharistique, parce que

c'est ainsi que l’œuvre du salut est réalisée.

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4. Quelle lumière ce cheminement de foi peut-il nous apporter aujourd'hui ? En notre monde sécularisé, nous avons de la peine à croire en Dieu. L'homme moderne craint de perdre son autonomie, sa liberté, sa dignité, s'il s'en remet à un créateur qui régit son existence, qui norme son action, qui sanctionne ses actes. D'ailleurs nous demandons où est Dieu. Où et quand entendons-nous sa parole ? La réponse du N.T. consiste à faire part d'une expérience. Certes il y avait, en soubassement, héritée des cultures anciennes, une certaine idée de Dieu, qui précède, qui préside, qui juge, “le Dieu commun” des religions et de notre imaginaire religieux... Mais déjà l'histoire d'Israël, et bien plus encore l'histoire de Jésus a complètement transformé la donne. Dieu : nous ne le connaissons pas par des raisonnements philosophiques, ni par “la religion naturelle”, mais par le fait qu'Il vient à nous dans une histoire qu'Il réalise avec nous et non pas “par-dessus nous”. Là est sa révélation, “en un Fils...” Dans cette histoire, la vie de Jésus, son ministère, sa Passion et la certitude de sa résurrection ont porté la lumière à l'incandescence : non, nous ne sommes pas les enfants du hasard, nous n'avons pas été appelés à l'existence pour le néant ; oui, notre histoire est habitée et conduite ; le Dieu qui nous a appelés à l'existence est aussi, en son Fils, celui qui prend part à notre histoire et la mène à son achèvement de l'intérieur ; Il ne nous infantilise pas, Il nous responsabilise. Cette théologie “décoiffe”. Nous sommes habitués, hélas, à parler de la création, de l'incarnation et de la croix comme de moments isolés les uns des autres. Habitués aussi à parler de la création comme la spécialité de Dieu, de l'Incarnation et de la Croix comme la spécialité du Fils; quant à l'Esprit on lui laisse de gérer l’Église. Ce sont là des manières de voir étrangères au N.T. Les personnes divines sont engagées toutes les trois, chacune selon son identité, dans tout le processus de l'économie du salut depuis la création jusqu'à son achèvement final (eschatologique). En outre l'Incarnation et la Croix ne sont pas des opérations de rattrapage. D'entrée de jeu le Père crée en son Fils pour appeler l'humanité à communier à lui dans l'Esprit ; de toute éternité Il engendre ce Fils comme celui qui sera aussi, dans l'histoire, le premier-né d'une multitude de frères (Rm 8, 29 ; Col 1, 15.18), et qui ne pourra le devenir qu'en participant à leur condition de faiblesse, en tout semblable à eux hormis le péché. C'est précisément ce que nous dit le second extrait de cette lettre aux Hébreux (2, 5-18).

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Jésus, le frère des hommes.

(He 2, 5-18)

4ème Rencontre

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Jésus, Fils de Dieu et frère des hommes (He. 1, 1-5 ; 2, 5-8) 1, 1-5 : Dieu nous a parlé en un Fils 1 Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées ; 2 mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé en un Fils qu'il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes*. 3 Resplendissement de la gloire du Père, expression parfaite de son être, ce Fils, qui porte l'univers par la puissance de sa Parole, après avoir accompli la purification des péchés*, s'est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux ; 4 et il est placé bien au-dessus des anges, car il possède par héritage un nom bien plus grand que les leurs.

5 Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit : “Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré” ? 2, 5-18 : Le frère des hommes 5 À qui Dieu a-t-il soumis le monde à venir ? Ce n'est pas à des anges, 6 puisque l'auteur d'un psaume déclare ceci :

Ô Dieu, qu'est-ce que l'homme, pour que tu penses à lui, le fils de l'homme, pour t'occuper de lui ? 7 Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur ; 8 tu as mis sous ses pieds toutes choses.

Quand Dieu lui a tout soumis, il n'a rien exclu de cette soumission. Cependant en fait nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis. 9 Mais Jésus avait été abaissé un peu au-dessous des anges, et maintenant nous le voyons couronné de gloire et d'honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l'expérience de la mort, c'est, par grâce de Dieu, pour le salut de tout homme.

10 En effet, puisque le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu'à la gloire, il était normal qu'il mène à l'accomplissement, par la souffrance, celui qui est à l'origine de leur salut. 11 Car le sanctificateur et les sanctifiés ont la même origine ; et, pour cette raison, il n'a pas honte de les appeler ses frères, 12 quand il dit :

Je proclamerai ton nom devant mes frères, je te louerai en pleine assemblée. 13 et encore : Je mettrai toute ma confiance en lui, et encore : Me voici avec les enfants que Dieu m'a donnés.

14 Ainsi donc, puisque les enfants ont en commun le sang et la chair, lui aussi, pareillement, partagea la même condition : ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l'impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le diable, 15 et il a rendu libres ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d'esclaves. 16 Car ceux qu'il vient aider, ce ne sont pas les anges, ce sont les fils d'Abraham. 17 Il lui fallait donc devenir en tout semblable à ses frères, pour être, dans leurs relations avec Dieu, un grand prêtre miséricordieux et digne de confiance, capable d'enlever les péchés du peuple. 18 Ayant souffert jusqu'au bout l'épreuve (de sa Passion), il peut porter secours à ceux qui subissent l'épreuve.

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Deuxième fiche de partage sur le prologue de l'épître aux Hébreux (2, 5-18)

JÉSUS, LE FRÈRE DES HOMMES

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I - POUR LIRE 1. De “Fils” à “frère” Dans un premier temps de son discours (1, 5-14), l'auteur a exalté l'excel-lence divine du Fils. “Auquel des anges (les plus hautes créatures que l'on vénérait en ce temps-là), Dieu a-t-il jamais dit : “Tu es mon Fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui ?” (1, 5) À aucun, mais à lui seul. Et c'est bien à lui, pas à des anges, que Dieu “a soumis le monde à venir” (2, 5), le monde définitif*, qui surplombe le monde présent*. Et cela enclenche le second temps de son discours (2, 5-18), qui va prendre appui sur le Psaume 8. 2. En relisant le Psaume 8 Le Psaume 8 dit la vocation étonnante d'un “fils d’homme”, d'un humain dans le dessein de Dieu : l'homme, un être minuscule au milieu du monde, appelé pourtant à régner sur le monde ; presque l'égal d’un dieu, dira l'auteur en parlant la langue de son temps : tout lui est soumis, ou du moins doit lui être soumis. Notre auteur relit le psaume 8 en pensant à Jésus, le Fils de l'Homme. Le contraste entre petitesse et gloire, l'auteur va le retrouver, non seulement dans la condition humaine de Jésus, mais plus encore dans son itinéraire. Non seulement Il a été “petit” dans le monde comme tout être humain, mais Il a même été abaissé plus qu'Il n'aurait dû l'être. Il sera parvenu à la gloire par un chemin d'abaissement. Pourquoi ? Parce qu'Il devait conduire à Dieu des frères humains, et c'est la raison pour laquelle Il a connu comme eux et pour eux une vie éprouvée. C'est ainsi que le Fils de Dieu a été vraiment le frère des hommes. “Le Verbe s'est fait frère”, ont dit les moines de Tibhirine en actualisant la parole de saint Jean : “le Verbe s'est fait chair” ; Lexique : Voir le Lexique de la fiche précédente II - ET MAINTENANT AU TEXTE 1. Abaissement et gloire : relever les termes négatifs et positifs : abaissé, couronné… Qu'y a-t-il de surprenant dans cet itinéraire ? 2. Solidarité : qu’est-ce que Dieu voulait faire avec Lui et par Lui ? (v. 10) “rendit parfait” : Fils, il l'est ; que pouvait-il donc lui manquer ? Par sa pleine participation à la condition humaine de quoi nous libère-t-il ? 3. “Grand Prêtre” : à quels titres l'est-il devenu? (voir 2, 17-18) ?

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III - ACTUALISATION 1. L'incarnation et la croix ne sont pas des moments isolés les uns des autres : les trois Personnes divines sont engagées toutes les trois dans tout le processus... Cela bouscule notre manière habituelle de voir : que pouvons-nous en dire ? 2. "Mais vous, vous croyez, vous avez de la chance, vous n'avez pas peur de la mort" (entendu après un enterrement) : Quelle est réellement ma foi en Jésus ressuscité ? Quand nous proclamons ensemble la dernière partie du Symbole de Nicée-Constantinople, quelle conscience en avons-nous ? Quelle foi lui donnons-nous ? 3. La suite Jésus nous pousse à communier aux épreuves de nos frères en humanité pour les accompagner sur leur chemin de vie. Exemples... IV - PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer Isaïe 53, 11-12 A cause de ses souffrances ; il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes. il se chargera de leurs péchés. C’est pourquoi je lui donnerai la multitude en partage. les puissants seront la part qu’il recevra, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs. Psaumes Ps 8 Didier RIMAUD Au plus haut du ciel, la gloire de Dieu ! Sur toute la terre, aux hommes la paix ! Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée Par la bouche des tout-petits Qui donc est l’homme pour que tu penses à lui ? Qui donc est l’homme pour que tu l’aimes ? Tu l’établis sur les couvres de tes mains, Et tu as mis toute chose à ses pieds. Ps 73(72), psaume de ceux qui se portent bien et qui se moquent pas mal de leurs frères (l'anti-fraternité)

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Cantique Puisqu’il est avec nous... (Prière du temps présent, p. 956) Puisqu’il est avec nous Tant que dure cet âge, N’attendons pas la fin des jours Pour le trouver... Ouvrons les yeux, Cherchons sa trace et son visage, Découvrons-le qui est caché Au cœur du monde comme un feu !

Puisqu’il est avec nous Pour ce temps de violence, Ne rêvons pas qu’il est partout Sauf où l’on meurt... Pressons le pas, Tournons vers lui notre patience, Allons à l’homme des douleurs Qui nous fait signe sur la croix !

Notre Père Oraison Jésus, Verbe tourné vers le Père, Verbe en venant dans le monde tu as illuminé tout homme. Tu es venu au plus proche de l'humain, dans la condition même de l'humanité. Tu es le visage de Dieu sur terre, la Parole de Dieu parmi nous. Celui qui aime Dieu aime aussi son frère. Donne-nous de nous aimer les uns les autres comme tu nous l’as appris. Amen

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V - CLÉS DE LECTURE 1. Relire le Ps 8 en pensant à Jésus, le Fils de l’Homme, abaissé et glorifié Le Psaume 8 est une louange à Dieu qui a entouré d'un tel honneur ce mortel, “ce rien du tout”, qu'est un homme, “un fils d'homme”. C'est à peine si tu l'as fait moindre qu'un dieu. “Tu l'as couronné de gloire et d'honneur, tu as tout mis sous ses pieds”. Et si on relisait ce psaume en pensant aussi et d'abord à Jésus ? N'est-il pas “un fils d'homme”, n'est-il pas “le Fils de l'homme” ? Et si le psaume nous disait sa faiblesse, son “amoindrissement”, et pourtant sa gloire ? Nous ne voyons pas pour le moment que “tout lui soit soumis” ; pourtant par notre foi pascale nous le voyons déjà couronné de gloire et d'honneur. Nous, les croyants de Pâques, nous le voyons ainsi ; les autres n'ont sans doute qu'une piètre idée de Jésus, ce crucifié, qui peut passer même pour un maudit de Dieu (Ga 3, 13). Nous sentons que notre auteur veut faire face à cette humiliation, à cet “amoindrissement” de Jésus, comme si c'était une contre-indication, une tare, pour le Messie, pire encore pour celui que nous confessons comme “le Fils de Dieu”. Mais justement non ! Car, pour réaliser sa mission de Fils il a dû participer pleinement à la condition humaine, y compris à tout ce qu'elle comporte de faiblesse et d'épreuves. Et l'on va expliquer pourquoi. Mais déjà, avec les mots du Psaume, on peut comprendre que le même puisse être “abaissé” et “couronné” ; abaissé pour une part et pour un temps, couronné aux yeux de ceux qui sont témoins et bénéficiaires de l'action de Dieu en sa faveur. Et couronné, il l'a été en raison même de cet abaissement, “à cause de sa Passion et de sa mort”, si l'on tient compte du sens qu'elles prenaient dans le dessein de Dieu. Selon ce dessein, “il a goûté (fait l'expérience de) la mort pour le salut de tous”, et cela était une grâce de Dieu ; pas la mort pour elle-même, mais sa mort vécue en solidarité. 2. Le dessein de Dieu : le but et le chemin C'est alors que notre auteur réfléchit justement à ce dessein de Dieu. Que voulait-il faire avec lui et par lui ? Il voulait “conduire à la gloire une multitude de fils”. Il a déjà un Fils – et quel Fils ! - en lui-même. Mais, dans la surabondance de son amour créateur, Il a voulu se donner une multitude de fils dans un monde, dans une histoire. Et ces fils, Il ne veut pas les abandonner à leur précarité physique et spirituelle, pour les vouer finalement à la mort, au néant. Il a voulu d'emblée le salut et la gloire de tous. Alors son Fils serait le guide et le pionnier de cette multitude de fils. Mais pour cela il fallait le qualifier : il fallait mener ce Fils à son “accom-plissement”, dira souvent l'épître ; comprenons : il ne s'agit pas seulement de perfection morale ; il s'agit de qualification pour remplir une mission ; il fallait qu'Il devienne un guide “accompli”, “parfait”. Pour cela, ce n'est pas son identité filiale qui pouvait lui faire défaut, mais son appartenance à la condition humaine ordinaire, puisque ce n'était pas à des anges qu'il venait au secours, mais à des humains. Participer à la condition humaine, c'est, bien sûr, participer à la maîtrise que Dieu a donnée à l'homme sur la création, c'est une manière de se réaliser en étant soi-même “créateur”, ce qu'a fait d'une

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certaine manière “le charpentier de Nazareth”, et plus encore le prédicateur du Royaume de Dieu en guérissant, en rassemblant, etc. Mais il y a aussi la dimension éprouvante de la vie, qui amène à une “dé-maîtrise”, pour s'en remettre à l'accueil des autres et de Dieu-même, une maîtrise dans la dé-maîtrise. Les épreuves ne sont elles pas le lot commun des humains ? Et n'est-ce pas à travers ces épreuves, qu’ils font leurs preuves ? C'est pourquoi “il était normal de mener à son accomplissement, par la souffrance, celui qui serait à l'origine de leur salut”. 3. Le Fils et ses frères Cette raison de convenance (“il était normal”) se fonde sur une communion d'origine : “le sanctificateur (Jésus) et les sanctifiés ont même origine” (2, 11)7: ils appartiennent à la même humanité, et ils viennent, eux et Lui, d'un seul et même Dieu, même si c'est de façon différente (Lui, il est le Fils, eux sont des fils). “Et, pour cette raison, il n'a pas honte de les appeler frères”, comme l'atteste un verset du Ps 22 : “je proclamerai ton nom devant mes frères, je te louerai en pleine assemblée”. Voilà : le mot “frères” est lâché : le Fils, qui est “le resplendissement de la Gloire du Père, l'effigie de son être” (1, 3), est aussi un homme parmi les hommes, et Il n'a pas honte de les regarder comme ses frères. Il n'a pas honte de la famille. “Me voici avec les enfants, que Dieu m'a donnés” (Is 8, 18)8. Dans la famille de Dieu, il y a d'autres enfants que lui, le Fils. Dieu les lui a donnés pour qu'Il s'en charge. 4. Jusqu'au bout de la condition humaine Et c'est pourquoi il est allé jusqu'au bout. Il a pleinement assumé ce qu'ils sont : faibles, éprouvés, mortels, “en tout semblable à eux, hormis le péché” (4, 14). “Les enfants (les enfants d'Abraham, les hommes) ont une nature de sang et de chair” (2, 14) ; le langage biblique habituel dit dans l'ordre inverse “la chair et le sang”, pour dire la faiblesse humaine congénitale, mais le sens est le même. Il est mort (2, 14) et, par sa mort, Il les a délivrés de la crainte de la mort, mais ce n'est pas sans l'avoir éprouvée lui aussi, puisqu'il sera dit qu'“avec grands cris et larmes Il a supplié celui qui pouvait le délivrer de la mort” (5, 7). Sa mort a réduit à l'impuissance l'instigateur du péché (“le diable”), qui, par là, tenait les humains enfermés toute leur vie dans l’esclavage de la crainte de la mort ; c'est une belle manière, pas la seule, de dire la rédemption comme une œuvre d'affranchissement total : spirituel, psychologique, physique. Cette libération a impliqué une telle solidarité parce que le Fils ne venait pas en aide à des anges9, mais aux enfants d'Abraham (2, 16b). L'auteur parle à des judéo-chrétiens, à des enfants d'Abraham. Il ne limite pas pour autant la

7 En grec, il y a seulement de manière laconique : « d'un seul tous ». La TOB sur 2, 11 : « Verset

interprété de différentes façons. L'origine commune est placée par les uns en Dieu (voir 1Co 8,6), par les autres en Adam, en Abraham, dans la race humaine. L'auteur veut souligner la nécessaire solidarité entre le Christ et les hommes »

8 Il ne s'agit pas des enfants du Christ (encore qu'il arrive à Jésus, en Jn 13, 33 ; 21, 5 de dire aux disciples : « les enfants »), mais des enfants de Dieu donnés à Jésus ( en St Jean : « ceux que tu m'as donnés » pour leur donner la vie divine).

9 Les anges, si prisés dans ce monde religieux, sont « out », soit pour ce qui est de la soumission du monde à venir (2, 5 : ce n'est pas à eux que Dieu a soumis le monde à venir) , soit pour ce qui est des destinataires de l'aide rédemptrice ( 2, 16).

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solidarité du Christ au peuple d'Israël, il exprime sa relation avec le genre humain en sa première proximité (son peuple, selon le réalisme de l'Incarnation : Jésus est né Juif). Ce qui est dit de son rapport aux enfants d'Abraham concerne d'ailleurs aussi tout homme, comme le suppose le Psaume qui sert de base à toute la réflexion10. L'objectif de sa mission était bel et bien ce monde humain, soumis à la mort, et non pas le monde angélique. En conclusion (17-18), il est dit que cette solidarité fait de lui “un grand-prêtre miséricordieux et digne de confiance”. “Miséricordieux”, car Il a fait l'expérience des mêmes épreuves que ses frères humains ; “digne de confiance”, parce que sa fidélité absolue à la volonté du Père permet à l'humanité qui a besoin de sa médiation de compter sur lui. Fils et frère, Il peut nous comprendre, Il peut être prêtre. L'épître aux Hébreux nous permet de comprendre le rapport étroit entre l'Incarnation et la Croix. Elle nous met en face de l'unité du dessein de Dieu, qui va de la création à l'accomplissement eschatologique. Le Christ Jésus y est présent dès l'origine, dans le projet éternel du Père. Par ce Fils Dieu a fait “les mondes” (le monde présent et le monde à venir). La croix n'apparaît pas comme un “accident” malheureux, mais comme l'expression fidèle de l'engagement du Fils à mener à son terme l'histoire dont Il est, dès l'origine, l'auteur comme instrument du Père. Il ne pouvait le faire qu'en se rendant au cœur de cette humanité, qui lui est fraternelle parce qu'appelée à la même vie filiale qui est la sienne en plénitude et en propre. Nulle part autant que dans les souffrances de sa Passion et dans le réalisme de sa mort Il n'a été avec autant de vérité le frère des hommes. Mais on doit dire aussi que jamais Il n'aura autant honoré sa dignité d'être “le resplendissement de la gloire du Père”, si cette gloire est de se révéler, de se communiquer, de se livrer.

10 La traduction liturgique a explicitement universalisé le texte en traduisant « les hommes », « la

condition humaine », là où le texte disait « eux », « les enfants ont en commun la chair et le sang»...

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Jésus devant le Sanhédrin

(Mc 14, 53-65)

5ème Rencontre

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Jésus devant le Sanhédrin. - 65 -

JÉSUS DEVANT LE SANHÉDRIN

Matthieu 26:59 Or, les grands prêtres et le Sanhédrin* tout entier cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir ; 60 et ils n'en trouvèrent pas, bien que des faux témoins se fussent présentés en grand nombre. Finalement il s'en présenta deux, 61 qui déclarèrent : " Cet homme a dit : - Je puis détruire le Sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours. " 62 Se levant alors, le Grand Prêtre lui dit : - " Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens attestent contre toi ? " 63 Mais Jésus se taisait. Le Grand Prêtre lui dit : - " Je t'adjure par le Dieu Vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu*." 64 - " Tu l'as dit, lui dit Jésus. D'ailleurs je vous le déclare : dorénavant, vous verrez le Fils de l'Homme* siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. " 65 Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant : "Il a blasphémé ! qu'avons-nous encore besoin de témoins ? Là, vous venez d'entendre le blasphème*! 66 Qu'en pensez-vous ?" Ils répondirent : - " Il est passible de mort. " 67 Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d'autres lui donnèrent des coups 68 en disant : - "Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t'a frappé. "

Marc 14:55 Or, les grands prêtres et tout le Sanhédrin cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mourir et ils n'en trouvaient pas. 56 Car plusieurs déposaient faussement contre lui et leurs témoignages ne concordaient pas. 57 Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage : 58 " Nous l'avons entendu qui disait : Je détruirai ce Sanctuaire fait de main d'homme et en trois jours j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme. " 59 Et sur cela même leurs dépositions n'étaient pas d'accord. 60 Se levant alors au milieu, le Grand Prêtre interrogea Jésus : " Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens attestent contre toi ? " 61 Mais lui se taisait et ne répondit rien. De nouveau le Grand Prêtre l'interrogeait, et il lui dit : - " Tu es le Christ, le Fils du Béni* ? " 62 - " Je le suis, dit Jésus, et vous verrez le Fils de l'Homme* siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel. " 63 Alors le Grand Prêtre déchira ses tuniques et dit : - " Qu'avons-nous encore besoin de témoins ? 64 Vous avez entendu le blasphème*, que vous en semble” ? Tous prononcèrent qu'il était passible de mort. 65 Et quelques-uns se mirent à lui cracher au visage, à le gifler et à lui dire : - " Fais le prophète ! " Et les valets le bourrèrent de coups.

Luc 22:63 Les hommes qui le gardaient le bafouaient et le battaient ; 64 ils lui voilaient le visage et l'interrogeaient en disant : " Fais le prophète ! Qui est-ce qui t'a frappé ? " 65 Et ils proféraient contre lui beaucoup d'autres injures. 66 Et quand il fit jour, le conseil des Anciens du peuple s'assembla, grands prêtres et scribes. Ils l'amenèrent dans leur Sanhédrin* 67 et dirent : - " Si tu es le Christ, dis-le-nous. " Il leur dit : - " Si je vous le dis, vous ne croirez pas, 68 et si je vous interroge, vous ne répondrez pas. 69 Mais désormais le Fils de l'Homme siégera à la droite de la Puissance de Dieu ! " 70 Tous dirent alors : - " Tu es donc le Fils de Dieu* ! " Il leur déclara : - " Vous le dites : je le suis. " 71 Et ils dirent : - " Qu'avons-nous encore besoin de témoignage ? Car nous-mêmes l'avons entendu de sa bouche !

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JÉSUS DEVANT LE SANHÉDRIN

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I - POUR LIRE 1. La minute de vérité Selon l'évangile de Marc, Jésus aussitôt après son arrestation est conduit au palais du Grand-Prêtre et comparaît, de nuit, devant le Sanhédrin, c'est-à-dire l'instance suprême de la communauté juive ; le Sanhédrin n'a cependant plus le droit de faire exécuter des sentences de mort (Jn 18, 31), c'est le gouver-neur romain qui se réserve ce droit11. C'est pour cela que le Sanhédrin devra livrer Jésus à Pilate. Dans le récit des évangiles synoptiques, il y aura donc deux procès : un procès juif devant le Sanhédrin, un procès romain devant Pilate. Au point de vue de l'évangile de Marc, c'est le procès juif qui est le plus important : c'est là que Jésus va être provoqué à confesser publiquement qui Il est, et Il le fera avec clarté. Au cours de son ministère Jésus imposait le silence sur son identité de Messie pour éviter toute représentation autre que celle d'un messie crucifié ; maintenant ce risque n'existe plus. Dans la progression de l'évangile de Marc nous atteignons donc un point décisif, qui est de grande importance pour les communautés chrétiennes ; c'est, pourrait-on dire, la minute de vérité. Quant à l'accusation mise en avant contre lui devant Pilate, en le présentant comme “roi des juifs”, comme personnage subversif, ce sera une déformation de sa véritable identité messianique. 2. Les deux chefs d'accusation Dans le récit de Marc-Matthieu, on cherche des témoignages pour faire condamner Jésus à mort. C'est un simulacre de procès ; il faut aboutir coûte que coûte à cette décision. La première tentative est de le faire accuser par de (faux) témoins d'une parole sacrilège contre le Temple. Comme cela ne réussit pas (Mc 14, 59), le Grand-Prêtre prend l'initiative d'amener Jésus à se déclarer sur son identité messianique : est-il le Christ, le Fils de Dieu ? Sur sa réponse affirmative, le Grand-Prêtre crie au blasphème et obtient des Sanhédrites une déclaration qu'il mérite la mort. Le récit de Luc omet le premier chef d’accusation (la parole contre le Temple) et concentre tout sur la filiation divine. L'organisation du récit pointe donc vers l'issue que seul Jésus pourra fournir : ce ne sont pas les "faux" témoignages contre lui qui vont faire la décision, mais seulement la déclaration qu'il va prononcer au sujet de son identité. De fait, le récit se conclut à ce moment-là : la fin (v.63-64) fait inclusion avec le début (v. 55) : "le Grand-Prêtre" (63) et" "tous"(64) renvoie à "les grands-prêtres et tout

le Sanhédrin"(55); "quel besoin de témoignage" (63) renvoie à "chercher un témoignage"

(55) ; "mérite la mort" (64) renvoie à "faire mourir" (55).

11 Raison pour laquelle Jésus ne sera pas lapidé, mais crucifié.

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3. La mise en récit d’un différend qui s’est précisé et approfondi. Malgré l'apparence, les récits des évangiles ne sont pas les “minutes” d'un “procès”. On y trouverait d'ailleurs de nombreuses causes d'irrégularité ou d'invraisemblance, à commencer par la tenue d'une assemblée du Sanhédrin au complet pendant la nuit et l'absence de délai entre l'audience et la déclaration de la sentence de mort. Naturellement, désireux d'être expéditifs à cause de la proximité de la Pâque, les membres du Sanhédrin ont pu ne pas être trop regardants sur les règles à observer. Nous verrons cependant que le récit de Luc et surtout la présentation de Jean nous invitent à une reconstitution plus plausible du déroulement des événements. Il n'y eut probablement pas de procès en règle à ce moment-là, mais une simple concertation sur les moyens de mettre en œuvre une décision déjà prise. Alors quelle est “la vérité” de ce “procès” juif devant le Sanhédrin ? Les évangiles en parlent en projetant sur lui ce qui est devenu plus clairement “ le ” sujet de contestation entre les communautés chrétiennes et la commu-nauté juive dont elles sont issues. Ils ne se contentent pas d'un simple rappel du passé pour lui-même ; ils le montrent porteur des développements ultérieurs. Pour ce faire, leur mise-en-récit du procès juif fusionne deux images dans une sorte de “fondu-enchaîné”. On y laisse voir : - première image, ce qui relève des causes du conflit entre Jésus et les autorités religieuses de son peuple en son temps : il contestait “leur religion du Temple” ; - et, seconde image, ce qui est devenu, après Pâques, la cause de l'opposition la plus nette entre les communautés chrétiennes et la communauté juive : la foi pascale en Jésus, Christ et Seigneur, Fils de Dieu au sens transcendant. De ces deux chefs d'accusation : le pouvoir sur le Temple, la revendication de filiation divine de Jésus, la seconde est passée au premier plan, mais elle n'était pas sans enracinement dans le ministère de Jésus et dans l'affirmation qu'il impliquait, en actes et en paroles, sur sa personne : son autorité, sa liberté, sa responsabilité dans l'ordre du salut, son “être-Fils”. Nous ne serons donc pas étonnés de retrouver ces deux chefs “d'inculpation” dans les récits du “procès” devant les autorités juives, et de voir poussée au premier plan l'inculpation “blasphématrice” de se dire “le Fils de Dieu”, titre entendu désormais au sens transcendant le plus clair de la foi chrétienne, y compris quand il est mis dans la bouche de Caïphe (qui, naturellement, est censé le connaître, mais le rejeter). Grille d'analyse Nous partons du récit de Marc. Ce premier parcours aidera à mieux situer l'originalité du texte de Luc. Jean sera lu en dernier lieu ; il aidera à se faire une représentation sans doute plus exacte des événements.

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Structure du récit de Marc 14, 53-72 : - une brève introduction (14,53): Jésus est conduit chez le Grand-Prêtre où tout le Sanhédrin se rassemble ; - une mise en place du personnage de Pierre (14,54) : dans la cour, à se chauffer avec les valets ; - le procès lui-même (55-64) : il se déroule en deux temps : vv 55-61a : recherche de témoignages contre Jésus vv 61b-64 : interrogatoire de Jésus par le Grand-Prêtre. Suit une scène d'outrages par quelques Sanhédrites et par les valets (65) - retour au personnage de Pierre: son triple reniement (65-72) - une notice (15,1) qui sert de transition entre le procès devant le Sanhédrin et le procès devant Pilate: le matin, nouvelle réunion du Sanhédrin, sans qu'on en dise le contenu, mais qui aboutit à livrer Jésus à Pilate. Observer cette construction littéraire de Marc “en sandwich” qui met en parallèle la “confession” de Jésus devant le Grand-Prêtre et tout le grand Conseil et le reniement de Pierre devant une servante et devant des valets.²

Pierre a suivi Jésus (attitude du disciple), mais "de loin"(54)12

, avec prudence! Pierre est "en bas dans la cour" (14, 66), ce qui suppose Jésus en haut, dans le palais. Devant le Grand-Prêtre et tout le Grand Conseil, Jésus “confesse”. Devant une servante et des valets, Pierre renie

13. Jésus est maltraité; Pierre

s'esquive. La figure de Jésus prend tout son relief sur ce fond de ténèbres. Lexique * Blasphème: manque de respect envers le Nom divin, envers la sainteté divine, telle qu'il arrive aux hommes d'en commettre (Mc 7,22) ; une atteinte caractérisée à la sainteté divine, dont l'exemple peut être fourni par Mc 2,7 // Mt 9,3 où des scribes font grief à Jésus de s'arroger le pouvoir divin de pardonner les péchés; ou par Jn 10,33-36 où Jésus est accusé de blasphémer parce qu'il a dit "Je suis le Fils de Dieu". C'est exactement le type de blasphème qui correspond à la situation du Procès dans Mc. Le simple fait de se dire "le Messie" ne constitue pas un blasphème. L'accusation de blasphème ne se comprend que par rapport à la signification transcendante des titres revendiqués ici par Jésus ; donc par rapport à leur signification chrétienne.

12 Pierre qui suivait "de loin" (14,54) annonce les femmes qui "regardaient de loin" (15,40): le

récit de la Passion est ainsi encadré par des traits qui soulignent la solitude de Jésus et l’impossibilité d'être complètement disciple tant que la Passion n'est pas achevée.

13 Même construction par encadrement en Mt, en dépendance de Mc; également chez Jn 18,12-26 où l'encadrement est encore beaucoup plus prononcé. Par contre Lc raconte d'abord le reniement de Pierre et les outrages envers Jésus pendant la nuit (22,54-65), puis la "confession" de Jésus devant le grand Conseil réuni «lorsqu’il fit jour" (22,66-71).

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* Grands-Prêtres (voir Sanhédrin) * Sanhédrin : ce grand conseil constitue, au temps de Jésus et des apôtres, la plus haute autorité religieuse de la communauté juive ; le pouvoir politique est aux mains du préfet romain (Pilate), lequel se réserve, sauf quelques exceptions, le droit de sentence capitale. Le Sanhédrin (de 70 membres) est constitué de trois éléments, régulièrement énumérés par les évangiles : les Grands-Prêtres, les Anciens et les Scribes. Les Grands-Prêtres représentent les grandes familles sacerdotales ; c'est parmi elles que le Grand-Prêtre en exercice est choisi par le pouvoir romain ; au temps de Jésus, il s’appelait Caïphe ; son beau-père dont parle le 4ème évangile s'appelait Anne et continuait d'avoir une grande influence ; sa famille gardera la fonction de grand-prêtre pendant plusieurs décades. Les Anciens sont des notables laïcs de la communauté juive. “Les scribes” sont des spécialistes de l'interprétation de la Loi ; certains pouvaient être d'obédience pharisienne (qui adapte la Loi au concret de la vie). Mais la dominante religieuse du Sanhédrin, où prévalaient les Grands-Prêtres, responsables du culte du Temple, était celle, beaucoup plus conservatrice, des “sadducéens”, (dénommés ainsi à partir des “fils de Saddoq”, l'une des grandes familles sacerdotales de l'histoire d’Israël). * Fils du Béni : “du Béni” pour éviter de nommer Dieu par respect de sa transcendance. Le titre de “Fils de Dieu” ne suffit pas à lui seul pour exprimer la divinité de Jésus ; il est employé en effet pour caractériser des personnages très divers qui ont en commun une certaine proximité avec Dieu, les anges (qui forment sa “cour” céleste) ; le roi de la lignée de David, qui est adopté par Dieu comme son fils le jour de son intronisation (“je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils”, 2 Sa 7) ; Israël, en tant qu’il a été choisi par Dieu comme son peuple particulier parmi tous les peuples ; les juges qui sont des “dieux” en raison de leur pouvoir ; les justes, en raison de leur piété... Habituellement Jésus ne se dit pas “le Fils de Dieu” (d'autres pourront le dire de lui), mais Il se dit “le Fils” de manière absolue en corrélation avec celui qu'Il désigne comme “le Père” : “personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui auquel le Fils veut le révéler” (Mt 11, 27 ; Lc 10, 22). Cette relation de réciprocité absolue implique l'appartenance de Jésus à l'être même de Dieu, sans qu'Il cesse pour cela d'être un homme parmi les hommes. Quand Caïphe demande à Jésus s'il est “le Fils du Béni”, le sens de la question est ambiguë (le sens pourrait être seulement celui de la filiation adoptive), mais la réponse de Jésus dissipe l’ambiguïté en reprenant à son compte un autre titre : celui “du Fils de l'Homme”... si bien que le Grand-Prêtre criera alors au blasphème. * Le Fils de l'Homme : figure qui apparaît dans les apocalypses juives (écrits de révélation) ; on ne peut plus se contenter d'un “messie” qui serait seulement un personnage de ce monde ; on fait du Messie une figure d'En-Haut, qui vient d'auprès de Dieu, qui assurera le salut des fidèles et exercera le jugement sur les impies, d'entre les Juifs comme d'entre les Nations. Cette figure sert à Jésus (lui seul l'emploie) pour dire ce qu'Il sera et ce qu'Il commence de manifester ; c'est déjà Lui et pas encore Lui ; cette désignation est son titre préféré, la manière dont Il aime dire “ Je ” (c'est une sorte de Je-Il, une figure finale dans laquelle Il se projette, mais qu'Il commence déjà d'investir). Jésus transforme cette figure en l'assumant. Il sera bien le Juge final des derniers temps, investi par Dieu ; “Il viendra ” Mc 8, 38 ; mais Il est déjà venu Mc 10, 45. Il paraîtra dans la gloire, mais Il est déjà présent à l'histoire dans une condition très commune (précarité, pauvreté : “le Fils de l'Homme n'a pas où reposer la tête”, Lc 9, 58) : “le Fils de l'Homme est livré

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aux mains des pécheurs”, Mc 14, 41. Il est doté d'un pouvoir divin, mais c'est d'abord pour pardonner Mc 2,10, avant de juger. Il est paradoxalement destiné à servir au lieu d’être servi Mc 10,45; comparer Daniel 7,14, jusqu'à donner sa vie; d'où son emploi dans les trois annonces de la Passion (Mc 8, 31 ; 9, 31 ; 10, 33). Plus que le titre de “Fils de Dieu” (assez élastique), cette figure énigmatique est la plus apte à dire le mystère de sa personne : un homme certes, mais pas un homme quelconque ; il a son origine en Dieu, il en exprime toute l'autorité, mais sous une forme qui subvertit complètement l'image que l'on se fait trop souvent de la transcendance et de la puissance de Dieu. Il fusionne la gloire divine et l'abaissement de la croix. * Messie : transcription du mot hébreu "mashiah" = oint (d’huile); traduit en grec, cela donne : christos (adjectif verbal formé sur le verbe grec, chriô, oindre) ; le français comme le latin ne fait que transcrire cette traduction grecque : christ. Dire Jésus, Christ, ou le Christ, cela revient à dire : Jésus, Messie, le Messie. Mais qu'y a-t-il sous le mot “ messie ” ? Tout roi de la lignée de David (10ème siècle. av JC) était un "messie", marqué par une onction d’huile sainte, choisi pour être instrument de l'alliance entre le Seigneur et son peuple. On en attendait un règne de justice et de paix, spécialement attentif aux pauvres (voir Ps 72). Mais la plupart de ces rois ont été décevants, aucun n’a été "le" Messie. Chaque fois cependant l’espérance a été relancée. Même après l’interruption de la dynastie davidique, après l’Exil (586-538), l’espérance d'Israël continuera de se porter vers le Messie royal, fils de David. Cependant la figure royale n'était pas la seule à porter l'espérance d'Israël ; à Qumran, il y a le Messie-Roi et le Messie-Prêtre ; dans les apocalypses, la figure dominante de l'auteur du salut est “le Fils de l'Homme” (voir ci-dessus). Jésus a été fort discret en matière de titres ; il arrive qu'il se laisse acclamer “fils de David” (Mc 10, 47 ; 11, 8-9), reconnaître comme “le Christ” (Mc 8, 30), mais c'est aussitôt en corrigeant l'image de gloire terrestre (Mc 8, 31-34). “Christ” (Messie) sera l’une des figures que les chrétiens reporteront sur Jésus ressuscité : Dieu l’a fait Seigneur et "Christ" ce Jésus que vous avez crucifié (Ac 2, 36), mais il ne s'agit plus d'un messie “royal” de ce monde ; il agit comme “le Seigneur” en donnant l'Esprit-Saint comme le montre le récit de Pentecôte (Ac 2) Dans le langage moderne, l’adjectif "messianique" en est venu à caractériser tout personnage ou toute réalisation qui oriente l’histoire vers son achèvement positif ; en se généralisant il s’est aussi sécularisé. * La Puissance : manière indirecte de parler de Dieu. II - ET MAINTENANT, AU TEXTE - Lire Mc 14 et Lc 22 : Voyez-vous des écarts importants entre les deux, en particulier sur les chefs d'inculpation ? (Reportez-vous à l'introduction générale). Notez les ressemblances et les différences ; quel est le point décisif ? - Sur quoi portent d'abord les accusations des Grands Prêtres et du Sanhédrin (Mc 14, 55-61)?

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Jésus devant le Sanhédrin. - 71 -

Que représente le Temple pour eux ? - Quels reproches les prophètes ont-ils déjà formulés ? (Jérémie 7, 1-4 et 12-15) - Recherchez les paroles de Jésus à propos du Temple (Mc 13, 1-2 ; Jn 2,19 ; Mc 11,15-19 ; 27 contre les sacrifices). - Quels autres points de tension connaissons-nous entre Jésus et les autorités religieuses tout au long de son ministère? - Lire Jean 18. Y a-t-il chez Jean le récit d'un procès ? Renvoi au sanhédrin précédent, relire Jean 11, 45-53. Sur quoi est-il interrogé ? C’est toute la manière d’être de Jésus qui l’a conduit là. Donc qui est-il ? (le fils de Joseph ? le fils de l’Homme ? le Messie ? le fils du Dieu béni ?) Sur ces titres, allez voir le Lexique “Et vous, qui dites-vous que je suis” ? (Mc 8, 29) III – ACTUALISATION 1. “Si je vous le dis, vous ne me croirez pas” (Lc 22, 67-70) Et moi ? Et vous, en qui croyez vous? Quelle place tient pour moi la personne de Jésus, dans l'énoncé de notre foi, lorsque nous disons le symbole des Apôtres ? Est-ce qu’il m’arrive de prier seul(e) le Credo ? 2. Comment est-ce que j'écoute sa Parole ? Suffisamment pour la mettre en pratique ? Suffisamment pour rendre compte de ma foi à ceux qui me questionnent ? Si nous ne sommes pas des faux témoins, il nous arrive de donner des contre-témoignages : comment, en tant que disciples, avons-nous à répondre de l’enseignement de Jésus ? 3. “Mais lui gardait le silence ; il ne répondit rien” (Mc 14,61). Quelles sont “les agressions” auxquelles nous sommes confrontées aujour-d'hui ? (par exemple ringardisés dans les médias). Comment réagissons-nous? “Demande à ceux qui m'ont entendu, ils savent bien, eux, ce que, moi, j'ai dit” Jean 18, 21. Comment est-ce que nous le vivons ?

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IV – PISTES POUR LA PRIÈRE Psaume 27, 11- 12 (le Pauvre exposé aux faux témoins) Seigneur, enseigne-moi ta voie, conduis-moi dans le sentier de la droiture, à cause de mes détracteurs. Ne me livre pas au désir de mes adversaires, car de faux témoins se dressent contre moi, respirant la violence. Oh ! Si je ne croyais pas voir la bonté du Seigneur sur la terre des vivants ! Mets ton espérance dans le Seigneur ! Sois fort, que ton cœur soit courageux ! Mets ton espérance dans le Seigneur ! Cantique Qui donc est Dieu L 82-3 Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi, fils de la terre ? Qui donc est Dieu si démuni si grand si vulnérable ? Qui donc est Dieu pour se lier d'amour à part égale ? Qui donc est Dieu s'il faut pour le trouver un cœur de pauvre ? Qui donc est Dieu, s'il vient à nos cotés prendre nos routes ? Qui donc est Dieu, qui vient sans perdre cœur à notre table ? Qui donc est Dieu, que nul ne peut aimer s'il n'aime l'homme ? Qui donc est Dieu, qu'on peut si fort blesser en blessant l'homme ? Qui donc est Dieu pour se livrer perdant aux mains de l'homme ? Qui donc est Dieu, qui pleure notre mal comme une mère ? Qui donc est Dieu, qui tire de sa mort notre naissance ? Qui donc est Dieu pour nous ouvrir sa joie et son royaume ? Prière du père Antoine Chevrier, fondateur du Prado (1856) Ô Verbe! Ô Christ ! que vous êtes beau ! que vous êtes grand ! Qui saura vous connaître ? Qui pourra vous comprendre ? Faites, ô Christ que je vous connaisse et que je vous aime. Puisque vous êtes la lumière, laissez venir un rayon de cette lumière sur ma pauvre âme, afin que je puisse vous voir et vous comprendre. Mettez en moi une grande foi en vous, afin que toutes vos paroles soient pour moi autant de lumières qui m'éclairent

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et me fassent aller à vous, et vous suivre, dans toutes vos voies de la justice et de la vérité. Parlez, Seigneur, vous êtes mon Seigneur et mon Maître et je ne veux écouter que vous. Notre Père Oraison : Jésus, le Sanhédrin et tout le conseil quêtaient un faux témoignage contre toi pour te livrer à la mort, et ils n’en trouvaient pas, quoique beaucoup de faux témoins se fussent présentés. Nous te demandons pour chacun de nous, Jésus, de nous soutenir sur notre propre chemin de vie, pour manifester cet amour donné, reçu, partagé. Amen.

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V – CLÉS DE LECTURE 1 La parole de Jésus contre le Temple (55-61a) Dans le contexte de la religion juive on ne s'en prend pas impunément au Temple ; il symbolise la résidence divine au milieu d'Israël ; il est le lieu des sacrifices où s'opèrent continuellement la réconciliation avec Dieu et le pardon des péchés. Annoncer la destruction du Temple, c'est proférer une menace inconciliable avec la décision de Dieu d'y faire “habiter son Nom”. Dans le passé, Jérémie avait risqué sa vie pour avoir osé critiquer le culte formaliste du Temple (vous en avez fait une caverne de voleurs), et il l’avait menacé de la même destruction que l'ancien sanctuaire de l'arche à Silo, au temps de Samuel (Jr 7). Jésus s'est inscrit dans la même tradition (Mc 11, 17 ; 13, 2). Etienne encourra le même reproche (Ac 6, 11.14)14. Faux témoins ? La question se pose de savoir en quoi le récit considère que les témoignages étaient faux, en plus de n'être pas concordants, quant à la parole sur le Temple attribuée à Jésus (Mc 14, 57-59). Cela peut tenir à la formulation prêtée à Jésus. Certes il a bien prophétisé la ruine du Temple, mais il n’a pas dit que ce serait lui qui le détruirait15. Chez Marc, le faux témoin fait dire à Jésus : “je détruirai ce Temple fabriqué par des mains humaines et en trois jours j'en construirai un autre qui ne sera pas fabriqué par des mains humaines”16 (Mc 14, 58). Naturellement ce temple édifié par Dieu n'est pas du même ordre que le temple où se déroule le culte sacrificiel ici-bas. Il s'agit d'un temple spirituel. Ce qui est faux, c'est au moins l'interprétation matérialisante de la parole prêtée à Jésus. Mais la parole prêtée à Jésus, de détruire et de construire, est plus vraie qu'elle n'en a l'air : “Dans sa double proposition, cette prétendue parole de Jésus se fonde sur des propos qu'il a effectivement tenus, même si le sens en a été faussé. D'abord Jésus a bien annoncé la destruction du Temple (Mc 13, 2) à la nuance près, mais elle est de taille, qu'il n’a pas prétendu le détruire lui-même. Et pourtant le lecteur peut se demander si son attitude ne constitue pas, d'une certaine manière, une destruction du Temple d'un genre particulier : en pardonnant lui-même les péchés (2, 1-12), et en chassant les vendeurs de l’enceinte du sanctuaire (11, 15-19), n'a-t-il pas symboliquement détruit le Temple ? Ne l'a-t-il pas disqualifié ? Dans le même temps n'en a-t-il pas “reconstruit” un autre, non fait de main d'homme ? Sa prétention à faire advenir, dans sa 14 Environ trente ans plus tard, un « simple d'esprit », passant pour animé « d'esprit prophétique »,

un certain Jésus fils d'Ananias, fut arrêté pour avoir proféré des imprécations contre Jérusalem et contre le Temple ; livré au procurateur romain pour avoir troublé l'ordre public, il ne fut relâché que sur le constat de sa « faiblesse mentale », voir Fl. JOSEPHE, Guerre 6, 5, 3, § 300-304.

15 « Détruisez (vous « les Juifs ») ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » ( Jn 2, 19) ; Mt 26, 61 a édulcoré la parole du témoin : non pas « je détruirai», mais « je peux détruire ».

16 Les adjectifs « fait de main d'homme », « non-fait de main d'homme » reflètent, en langage grec, la théologie juive hellénistique de la substitution, à l'ère eschatologique, du vrai temple, céleste, au temple terrestre. La théologie johannique y verra le corps du Christ ressuscité

(Jn 2 , 21).

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parole, le Règne de Dieu ne constitue-t-elle pas une autre forme de rapport à Dieu, une nouvelle forme de “culte”, dont la médiation n'est plus le sanctuaire mais sa personne même, et plus précisément pour les premiers chrétiens, sa résurrection “après trois jours” (Mc 14,58 // 8, 31 ; 9, 31 ; 10, 34) ? N'est-il pas la pierre angulaire d'un nouvel édifice (Mc 12, 10-11) ?17 Le silence de Jésus Des témoins “s'étaient levés”. À son tour le Grand-Prêtre “se lève” ; il vient se mettre au milieu (60): la confrontation se précise entre le représentant de l'autorité religieuse d'Israël et Jésus : qu'a-t-il à dire sur cette accusation concernant le Temple? “Jésus se taisait et ne répondit rien” (Mc 14,61a // Mt 26, 63a). Ce silence de Jésus est un thème caractéristique du récit de la Passion, silence qui n'est pas passivité, mais interrogation de ceux qui l'interrogent, silence qui rappelle aussi celui du Serviteur (Is 53, 7 ; 1 Pierre 2, 22-24), comme expression de la confiance absolue en Dieu dans la docilité à son dessein.

2. L'identité messianique de Jésus (Mc 14,61b – 64) Le Messie (le Christ), le Fils de Dieu Devant l'impasse où s'est enfermée la déposition des faux témoins sur le Temple, le Grand-Prêtre essaie une autre voie : il somme Jésus de répondre à la question de son identité. Le passage d'une question à l'autre (autorité sur le Temple, identité personnelle) n'est pas tellement étrange : un courant de la tradition juive établissait un lien entre l'édification du temple eschatologique et la venue du Messie royal, fils de Dieu18. Le Grand-Prêtre formule lui-même la question avec le respect dû au Nom divin : “Es-tu le Christ, le Fils du Béni”19 . Les deux titres, “Christ” et “Fils de Dieu”, pouvaient aller ensemble dans la pensée juive (le Messie royal était déclaré par Dieu comme son Fils, 2 Sa 7 ; Ps 2), mais ils n'étaient pas équivalents ; c'est la foi chrétienne qui a confessé Jésus comme Christ en le confessant comme le Fils de Dieu, et cela au sens propre, en un sens transcendant, pas seulement au sens d'une filiation adoptive... 20La réponse ne peut être que positive “Je le suis”; bien

17 Elian CUVILLIER, L'évangile de Marc, Bayard, Labor et Fides, 2002, p. 291. 18 Voir C. FOCANT, L'évangile selon Marc, Paris, Cerf, 2004 p. 552. 19 Mt, pourtant plus juif, a transcrit : Fils de Dieu ». 20 La question du grand-Prêtre unit le titre de "Fils du Béni" à celui de "Christ". Sans être un

titre courant du Messie, la tradition héritée de 2 S 7,14 et de l'idéologie royale (Ps 2,7) portait à lui reconnaître au moins cette dignité de fils adoptif. Mais une manière aussi nette de joindre les deux titres: "Le Christ, le Fils de Dieu", se ressent de la christologie chrétienne: c'est dans les écrits du N.T. que le titre de Fils de Dieu est donné de manière prédominante au Christ Jésus et se substitue presque à lui (Mc 1,1; Mt 16,16; Lc 1,35; Jn 20,31; Rm 1,1-4). Mc fait donc en sorte que le Grand-Prêtre pose la question messianique à Jésus en termes déjà chrétiens, et selon l'intelligence que les chrétiens ont acquise du titre de Fils de Dieu quand il s'agit de Jésus.

“Jésus ne sortira de son silence que pour proclamer son identité personnelle; c'est cela et seulement cela qui sera jugé blasphématoire et entraînera sa condamnation. Aucun témoignage n'est suffisant pour

condamner Jésus. Finalement, c'est le témoignage qu'il porte sur lui-même qui le condamne”. (M. QUESNEL)

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plus Jésus renchérit pour éviter ce qui minimiserait sa messianité et sa filiation divine ; il reprend à son compte le titre mystérieux du Fils de l'Homme, qui disait l'origine céleste et transcendante du Messie21. Le Fils de l'Homme La littérature juive des apocalypses désignait en cette figure le Juge eschatologique de l'humanité. En l'employant Jésus fait d'une pierre deux coups : il indique son origine supra-humaine, et il se présente comme le Juge de ses juges : “Vous verrez le Fils de l'Homme siégeant à la droite de la Puissance (= de Dieu) et venant avec les nuées du ciel” (dans l'appareil symbolique de la manifestation divine). Il s'agit de sa Venue finale (eschatologique). Matthieu a ajouté à la déclaration de Jésus un “désormais” / “à partir de maintenant” : c'est dire que l'essentiel est joué, les dés sont jetés, en entrant dans sa Passion le Christ accède à sa session céleste et à sa venue eschatologique. Luc n’a pas “gratifié” les sanhédrites de cette vision, même si elle devait constituer leur jugement ; il s'est contenté de dire la glorification désormais acquise de Jésus : à partir de maintenant le Fils de l’Homme siègera à la droite de la puissance de Dieu (Lc 22, 69). Dans cet interrogatoire de Jésus par Caïphe se conjoignent les trois titres de la christologie de Marc: Christ, Fils de Dieu, Fils de l’Homme. Ils ont tout leur sens dans leur conjonction : "Fils de Dieu” exprime la transcendance du Messie qu'il est, et "Fils de l'Homme” interprète cette figure céleste, d'origine divine, comme celle du service et non de la domination. Mais c'est aussi cette transcendance-là qui jugera l'histoire. Blasphème Le Grand-Prêtre crie au blasphème, il déchire ses vêtements, signe de déchirement intérieur (Gen 37, 29.34 ; 2 Sa 13, 19 ; Jb 1, 20). En quoi pouvait bien consister ici le “blasphème” (s'arroger une prérogative qui ne peut être que celle de Dieu)? Pas dans le fait de se dire le Messie22 ; ni même de se dire “Fils de Dieu” au sens du messie royal de 2 Samuel 7 ; mais au sens de la confession de foi chrétienne en la divinité de “Jésus, Seigneur ”. Toute cette scène reflète le conflit qui s'est affirmé, à l'intérieur du judaïsme, entre la foi juive traditionnelle et la nouveauté du mouvement de Jésus après Pâques. Le récit a transféré à l'intérieur du procès de Jésus devant le Sanhédrin ce qui était devenu de plus en plus nettement le contentieux entre juifs et judéo-chrétiens, mais non sans racine dans la manière dont Jésus s'était affirmé lui-même dans le rôle qu'il s'était attribué par rapport au salut. La déclaration unanime des sanhédrites (il mérite la mort23) est suivie d'une scène d'outrages auxquels se livrent quelques-uns de ces nobles personnages en commun avec la valetaille : lui cracher au visage, le gifler, en lui disant : “Fais le prophète” ; ce qui rappelle les outrages infligés au Serviteur du 3ème

21 Jésus reprend ici son titre préféré de "Fils de l'Homme": celui qu'il avait substitué au titre de

"Christ" en 8,31. Il ne s'agit certes pas de nier qu'il soit le Christ, bien plus le Fils de Dieu, mais il ne manifeste l'authenticité de cette désignation qu'à travers la mystérieuse figure du Fils de l'Homme ( le "Je-Il" de Jésus).

22 Rabbi Aqiba (135 de notre ère) n'a pas été accusé de blasphème pour avoir présenté Bar Khokeba (chef de la seconde révolte juive contre Rome) comme Messie, ni Bar Kokheba pour s'être pris comme tel.

23 C'était en effet le châtiment infligé aux blasphémateurs.

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Chant, qui subit cela précisément en accomplissant sa mission prophétique (Is 50). L'humiliation continue, mais laisse justement voir en lui la figure de l'authentique Serviteur de Dieu. VI – POUR ALLER PLUS LOIN La rédaction lucanienne Il n'y a pas de séance de nuit, mais seulement le matin, ce qui a dû lui paraître plus vraisemblable, et ce qui lui permet de donner un contenu à la seconde séance que mentionnait Marc. Dans l'interrogatoire (collectif) il omet la question du Temple, et par consé-quent la recherche de témoins à charge (il réemploiera cet élément de tradition quand il racontera le procès d'Etienne en Ac 6) ; toute la lumière de son récit est braquée sur la seule question de l'identité de Jésus. Le Sanhédrin procède en deux temps. : 1. Es-tu le Christ ? Jésus répond en se faisant lui-même interrogateur : je ne pourrais vous répondre qu'en faisant appel à votre foi, mais si je vous interroge, vous ne répondrez pas... car, au fond, vous ne voulez pas savoir ce qui vous engagerait trop. Puis il ajoute : “le Fils de l'Homme (que je suis) siégera désormais à la droite de la Puissance de Dieu”. 2. C'est devant cette réponse que les sanhédrites s'écrient : - “alors tu es le Fils de Dieu”. – “Vous l'avez dit”, rétorque Jésus. Les sanhédrites sont donc censés avoir bien compris qu'en assumant la figure céleste du “Fils de l'homme” Jésus disait sa transcendance de “Fils de Dieu”. On retrouve ainsi regroupés chez Luc les trois titres christologiques du récit de Marc, mais dans un ordre tel que celui de “Fils de Dieu” occupe la place dominante : Messie, Fils de l'Homme, Fils de Dieu (comparer avec Marc : Christ, Fils de Dieu, Fils de l'Homme). Il n'y a pas de sentence de condamnation à mort. Mais la prise à témoins qu'il n'y a pas besoin de “témoignages” pour s'en prendre à Jésus : les sanhédrites sont des témoins directs de cette déclaration de filiation divine. Si Luc ne parle pas de “blasphème” à ce propos, c'est sans doute pour éviter un langage obscur pour ses lecteurs, peu au courant des arguties juives. Le récit johannique Jésus n'est pas conduit directement chez Caïphe, le Grand-Prêtre en exercice, mais chez son beau-père, Anne, qui avait aussi le titre de Grand-Prêtre. Jean ne parle pas de réunion du Sanhédrin cette nuit-là ; il en a raconté une précédemment, sous l’initiative de Caïphe qui a persuadé les sanhédrites de se défaire de Jésus, s'ils ne voulaient pas risquer la ruine du Temple (Jn 11, 47-53). On voit donc que la question du Temple amenée dans le récit du procès de Mc-Mt appartient aussi à la tradition johannique. Cette nuit, pas de procès, mais un interrogatoire informel de Jésus “sur sa doctrine et ses disciples”. Jésus répond en renvoyant à ce que l’on a pu constater et entendre de sa part dans tous les lieux publics de la vie et du culte juif : temple et synagogues ; il n'y a rien de secret dans son enseignement. Cette réponse est

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jugée effrontée par un valet qui le soufflette (// soufflets en Mc-Mt). Là-dessus, Anne envoie son prisonnier à Caïphe, d'où il sera ensuite conduit au prétoire de Pilate sans que soit raconté un procès devant le Sanhédrin). Il est probable que le récit de Jean reflète de manière plus exacte que la tradition de Mc-Mt le déroulement des faits durant cette nuit et cette matinée. Le jugement du Sanhédrin sur le cas-Jésus était fait ; il ne restait qu'à trouver la manière la plus pertinente de le présenter à Pilate pour obtenir son exécution. Ce qui a fort bien pu se préparer grâce à l'audition chez Anne et grâce à une réunion de quelques sanhédrites au lever du jour autour de Caïphe (comme le reflète le récit de Luc).

L'arrière-plan scripturaire du récit de Marc

1. Le langage de Marc projette sur Jésus la figure des pauvres, des justes exposés à la calomnie, à la déconsidération, aux procès injustes et bâclés:

- Les faux témoins qui se lèvent : Ps 27,12; 35,11.

- Le silence de Jésus (trait répété du récit de la Passion: Mc 14,61; 15,4.5; Lc 23,9; Jn 19,9) évoque d'abord le silence du Serviteur (Is 53,7 bis); mais aussi Ps 38,14-16: c'est YHWH qui répondra. - Condamnation du Juste à une mort infâme, en tournant en dérision le fait qu'il se dit "fils de Dieu”: Sg 2,18-20. - En contrepartie, la réhabilitation du Juste devant ses persécuteurs (Le Fils de l'Homme juge de ses juges), voir Sg 5,1-2.

2. Les outrages (crachats et soufflets), la dérision du “prophète”, rappellent la figure du Serviteur du 3ème Chant (Is 50,6).

Ce langage référentiel confirme la dimension théologique, et non platement “historique” (au sens positiviste) du récit de Marc. Responsabilité juive dans la mort de Jésus Dans le contentieux entre juifs et chrétiens se pose la question de la respon-sabilité juive de la mort de Jésus. On a parfois cru pouvoir l'éliminer en vertu de la mise en cause de la crédibilité historique des récits évangéliques du procès devant le Sanhédrin. Tout reposerait uniquement sur la comparution de Jésus devant le gouverneur romain ; seuls les Romains seraient impliqués dans la mort de Jésus. Plusieurs niveaux de questionnement sont à distinguer. 1er niveau : “l'historicité” du récit de comparution devant le Sanhédrin. Nous devons faire la part entre l'exactitude contestable de la représentation du cours des événements de la nuit et la réalité de l'engagement des autorités juives dans la décision d'éliminer Jésus ; c'est à ce niveau qu'il faut placer “l'historicité” de ces récits, comme nous l'avons expliqué au cours de la lecture. Nous n'avons pas “la minute” d'un procès, mais nous pouvons prendre au sérieux l'attestation d'une concertation des autorités religieuses du judaïsme à l'encontre de Jésus. 2ème niveau : celui des causes qui ont conduit Jésus à la croix, causes religieuses ou causes politiques. Sous prétexte que le procès romain fut déterminant et que l'écriteau de la croix portait “Jésus le Nazarénien roi des Juifs”, des historiens ont cru pouvoir dire que Jésus avait été exécuté

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uniquement pour des raisons politiques et se sont débarrassés aisément du “procès” juif. L'inculpation politique est bien celle en effet qui a été mise en avant par les autorités sacerdotales en présentant “l'affaire-Jésus” à Pilate ; mais, en dehors même des récits évangéliques de la Passion, des textes chrétiens (Actes, épîtres pauliniennes, 1 Th 2, 15), des textes juifs, religieux (Talmud) ou profanes (Josèphe)24 affirment clairement que les raisons de le déférer à Pilate étaient d'ordre religieux, comme mettant en cause l'identité juive et sa foi. On peut contester l'historicité du “procès” juif devant le Sanhédrin tel qu'il est raconté dans les évangiles synoptiques, sans être autorisé pour autant à occulter leur force et leur vérité quant aux motivations religieuses. Celles-ci semblent bien avoir concerné au premier chef des prises de position de Jésus à l'égard du Temple, à la manière des prophètes, elles n'excluent pas l'importance religieuse donnée à sa personne (qui est en lien avec sa position sur le Temple). 3ème niveau : celui de la responsabilité de l'ensemble du peuple juif 25; il ne peut être question de l'affirmer, ni pour la génération contemporaine de Jésus, ni, encore moins, pour les générations qui lui ont succédé ; les récits évangéliques montrent bien que les acteurs principaux qui ont livré Jésus à Pilate sont les autorités sacerdotales du Temple ; “la foule” manipulée par les Grands-Prêtres au cours du procès romain ne représente qu'un rassemblement occasionnel, qui, en aucun cas, ne saurait représenter la communauté juive en son ensemble ; même Matthieu dans la parabole des vignerons homicides (Mt 21,22 - 46) ne s'en prend expressément qu'aux grands prêtres et aux pharisiens (21, 45). Les généralisations ultérieures, en particulier celle du 4ème évangile, sont l'écho du contentieux entre les jeunes communautés chrétiennes et les synagogues qui excluaient ceux d'entre les juifs qui croyaient dans le Christ (Jn 9, 22). Le “déchirement” qui commence de s'opérer entre juifs et chrétiens explique le langage du récit johannique de la Passion, qui met en scène comme opposants “les juifs”, comme si Jésus n'était pas lui-même “juif” ; c'est la déchirure post-pascale qui a produit ce langage, lequel ne peut pas être tenu pour une affirmation de critique historique, car l'on voit bien que, dans ce récit johannique de la Passion “les juifs” sont habituellement l'équivalent des “grands-prêtres”. 4ème niveau : quand on dit que nous sommes tous responsables de la mort de Jésus parce que nous sommes tous pécheurs26, nous émettons un jugement théologique qui a sa vérité, mais cela ne nous dispense pas de rendre compte de la situation historique qui a conduit Jésus à la croix, et cela importe aussi à la compréhension théologique de la violence qui lui a été faite : c'est en entrant pleinement dans l'histoire de son peuple, en ce temps-là, en y tenant les positions religieuses qu'il y a tenues, qu'il s'est exposé au rejet et à la croix ; elle est l'aboutissement tragique de son ministère. Le “prophète” a été défiguré en impie et “le Fils” en criminel, et certains responsables juifs ont même pu le faire de bonne foi (comme plus tard envers les chrétiens, Ga 1, 13-14 ; Jn 16, 2). Ce n'est pas en faisant l'économie de ce détour historique que l'on atteste l'amour de Jésus – et de Dieu en Jésus – pour l'humanité.

24 Voir Introduction générale 25 Voir Introduction générale : Vatican II, Déclaration de Nostra Aetate 4 26 Voir Nostra Aetate 4.

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Jésus devant Pilate.

(Jn 18, 28 – 19, 16)

6ème Rencontre

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Jésus devant Pilate. - 83 -

Jésus devant Pilate (Jn 18, 28 – 19, 16)

Introduction Conclusion

18 : 28 Cependant on avait emmené Jésus de chez Caïphe à la résidence du gouverneur*. C’était le point du jour. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans la résidence pour ne pas se souiller et pouvoir manger la Pâque*.

19 : 16 C’est alors qu’il le leur livra pour être crucifié.

A Scène 1 18 : 19 Pilate* sortie donc à l’extérieur vers eux et dit : “Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?” 30 ils répondirent : “Si cet individu n’avait pas fait le mal, te l’aurions-nous livré ? 31 Pilate leur dit alors : “Prenez le et ju-gez le vous-même suivant votre loi.” Les Juifs lui dirent : “il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort* !” 32 C’est ainsi que devait s’accomplir la parole par laquelle Jésus avait si-gnifié de quelle mort il devait mourir.

Scène 7 19 : 13 Dès qu’il entendit ces paroles, le fit asseoir Pilate amena Jésus dehors et alla siéger au tribu-nal, à la place qu’on appelle Lithostrôtos – en hébreu Gabbatha. 14 C’était le jour de la Préparation de Pâque, vers la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : “Voici votre roi !” 15 Mais ils se mirent à crier : “A mort ! A mort ! Crucifie-le !” Pilate reprit : “Me faut-il crucifier votre roi ?” Les grands prêtres répondi-rent : “Nous n’avons pas d’autre roi que César.”

B Scène 2 18 : 33 Pilate rentra donc dans la résidence. Il appela Jésus et lui dit : “ Es-tu le roi des Juifs ?” 34 Jésus lui répondit : “Dis-tu cela de moi toi-même ou d’autres te l’ont –ils de moi ? 35 Pilate lui répondit : ”Est-ce que je suis Juif moi ? Ta propre nation, les grands prêtres t’on livré à moi ! Qu’as-tu fait ?” 36 Jésus répondit : “Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, les miens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma royauté, maintenant, n’est pas d’ici.” 37 Pilate lui dit alors : “tu es donc roi ? ” Jésus lui répondit : “c’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est de la Vérité écoute ma voix.” 38 Pilate lui dit : “Qu’est-ce que la Vérité ?”

Scène 6 19 : 8 Lorsque Pilate entendit ce propos, il fut de plus en plus effrayé. 9 Il entra de nouveau dans la résidence et dit à Jésus : “D’où es-tu, toi ?” Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. 10 Pilate lui dit alors : “C’est à moi que tu refuses de parler ! Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher comme j’ai le pouvoir de te faire crucifier ?” 11 Mais Jésus lui répondit : “Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut ;; et c’est bien pour-quoi celui qui m’a livré à toi porte un plus grand pé-ché.” 12 Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher, mais les Juifs se mirent à crier et ils disaient : “Si tu le relâ-chais, tu ne te conduirais pas comme l’ami de César ! Car quiconque se fait roi, se déclare contre César.”

C Scène 3 18 : 38b Sur ce mot, il sortit de nouveau vers les Juifs et leur dit : “Pour ma par, je ne trouve contre lui aucun chef d’accusation. 39 Mais comme il est d’usage chez vous que je vous re-lâche quelqu’un au moment de la Pâque, voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs* ? ” 40 Alors ils se mirent à crier : “Pas celui-là, mais Barabbas !” Or ce Barabbas était un brigand.

Scène 5 19 : 4 Pilate sortit de nouveau à l’extérieur et leur dit (aux Juifs) : “Voyez, je vais vous l’amener dehors : il portait la couronne d’épines* et le man-teau de pourpre. Pilate leur dit : “Voici l’Homme !” Mais dès que les grands prêtres et leurs gens le vi-rent, ils se mirent à crier : “Crucifie*-le !

Crucifie-le !” Pilate leur dit : “Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le ; quant à moi, je ne trouve pas de chef d’accusation contre lui.” 7 Les Juifs lui répliquèrent : “Nous avons une loi et selon cette loi il doit mourir parce qu’il s’est fait Fils de Dieu !”

D Scène 4 19 : 1 Alors Pilate emmena Jésus et le fit fouetter. 2 Les soldats, qui avaient tressé une couronne avec des épines*, la lui mirent sur la tête et ils jetèrent sur lui un manteau de pourpre. 3 Ils s’approchaient de lui et disaient : “Salut, le roi des Juifs !” Et ils se mirent à lui donner des coups.

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JÉSUS DEVANT PILATE

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I - POUR LIRE 1. Un haut lieu de l'évangile de Jean Les quatre évangiles s'accordent pour faire du procès de Jésus devant le gouverneur (Pilate) le lieu décisif de sa condamnation à mourir crucifié. Mais tandis que les évangiles synoptiques sont relativement brefs sur le déroulement de ce procès, le quatrième évangile en a fait un haut-lieu de la confrontation entre Jésus et “le monde”, entre la lumière et les ténèbres, entre la vérité et le mensonge. Le récit du Procès est une grande page de théologie johannique. C'est cette présentation qui retiendra notre attention. Cependant, si originale qu'elle soit, elle reprend les éléments hérités de la tradition transmise par les évangiles synoptiques. Nous les rappelons afin de ne pas négliger ce qui habite notre mémoire des événements de la Passion et surtout de mieux mettre en valeur la relecture qu'en fait le 4ème évangile. 2. La tradition synoptique La tradition que reflètent les évangiles synoptiques (Mc, Mt, Lc) comporte les éléments suivants : a - L'interrogatoire du “roi des Juifs” (Mc 15, 2-5) Les autorités religieuses juives livrent Jésus à Pilate, sans que le récit dise aux lecteurs de quoi elles l'accusent ; Pilate est censé le savoir puisque il demande à Jésus s'il est “le roi des Juifs”, titre que l'on n'a jamais entendu jusqu'à maintenant dans les récits du ministère public ; il apparaît ici comme une déformation de ce qui a pu correspondre à l'acclamation populaire de Jésus, “fils de David” (Mc 10, 47-48 ; 11, 9-10 ; Mt 9, 27), “roi d'Israël” (Mc 15, 32) (Mt 27, 42), titres à signification premièrement religieuse; mais “roi des Juifs” évoque immédiatement une royauté politique à la manière de celle qui fut exercée aux deux derniers siècles, juste avant l'occupation romaine (la royauté tyrannique des Hasmonéens, et finalement celle du roi Hérode le Grand de -37 à -4). Si Jésus peut être dit “roi d'Israël”, cela n'a rien à voir avec cette figure politique, qu'elle soit soumise ou hostile au pouvoir romain. Après la multiplication des pains, la foule enthousiaste avait voulu le proclamer roi, mais il s'était aussitôt retiré dans la montagne (Jn 6, 15). Aussi bien à la question de Pilate : “Es-tu le roi des Juifs ?” (Mc 15, 2) Jésus ne répond qu'en lui laissant la responsabilité de cette affirmation : “c'est toi qui le dis” (Mc 15, 2). Autrement dit Jésus n'assume pas cette revendication de royauté dans le sens où Pilate peut la comprendre. Comme les Grands-Prêtres insistaient en de nombreuses accusations (mais Marc ne précise pas lesquelles, et Luc 23, 2-5 comblera cette lacune), Pilate interroge à nouveau Jésus : qu'a-t-il à répondre ? Mais cette fois Jésus “se taisait” (Mc 15, 3), silence qui étonne le gouverneur. Nous verrons que dans le 4ème évangile Jésus ne se tait pas, mais conduit un dialogue impressionnant.

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b - La proposition : Jésus ou Barabbas ? (Mc 15, 6-15 ; Mt 27, 15-26 ; Lc 23, 18-23) Pilate ne semble donc pas convaincu par les accusateurs juifs (voir Mc 15, 10 ; voir aussi Introduction, p 6-7). Il tente alors l'issue de sortie que pourrait lui offrir la coutume d'une amnistie (à l'occasion d'une fête ou de “la” fête pascale : libérer un prisonnier). À “la foule” qui est montée pour réclamer cette amnistie, il offre le choix entre Jésus et un certain “Barabbas” (= le fils du père) coupable de meurtre au cours de “l'émeute” (une émeute supposée récente et bien connue, sans doute à Jérusalem même). Les Grands-Prêtres persuadent la foule de réclamer Barabbas. Pilate se voit alors réduit à céder aux cris de la foule qui demande le crucifiement de Jésus, dont il reconnaît pourtant l'innocence : “qu'a-t-il fait de mal” ? Le récit de cet épisode n'est pas sans poser d'insolubles questions historiques ; en particulier, en dehors des récits évangéliques, on n'a pas trouvé d'attestations de l'existence coutumière d'une telle amnistie ; en outre Pilate semble s'en remettre à un jugement par acclamation (“vox populi” ; cela aussi fait difficulté dans le droit romain). Il est probable que les récits évangéliques ont voulu mettre en valeur le fait choquant que, dans une même période, un émeutier notoire a bénéficié de la grâce romaine alors que Jésus innocent a été condamné. Cet épisode ne tiendra que peu de place dans le récit johannique (Jn 18, 39-40). c - la scène de dérision royale (Mc 15, 16-20 ; Mt 27, 27-31) Après la décision de Pilate de livrer Jésus aux soldats pour le crucifier, toute la cohorte s'en empare pour s'amuser de ce “roi des Juifs”. Jésus est déguisé en roi de carnaval (manteau de pourpre, couronne d'épines) et reçoit, avec génu-flexions, coups et crachats sur le visage. Après la dérision de Jésus prophète (lors de la séance du Sanhédrin, Mc 14, 65) on a maintenant la dérision de Jésus roi. Nous verrons que Jean a déplacé ce moment de dérision au cœur du Procès lui-même (Jn 19, 2-3) et en a fait la révélation pathétique de l'humain incarné par Jésus : Voici l'Homme ! 3. Les ajouts de Matthieu et de Luc Ces trois éléments du récit “traditionnel” de Marc : l'interrogatoire sur “le roi des Juifs”, l'option Jésus-Barabbas, la scène de dérision et d'outrages, se trouvent réinvestis dans les récits parallèles de Matthieu et de Luc, qui y ajoutent de leur cru. Matthieu accentue l'opposition entre “les deux Jésus” : “Jésus Barabbas” et “Jésus que l'on appelle Christ”. Il ajoute le rêve de la femme de Pilate en faveur de l'innocence de Jésus (Mt 27, 19) et le geste de Pilate qui “se lave les mains” (Mt 27, 24), c’est-à-dire qui se défausse de la responsabilité de la mort de Jésus en la faisant porter à la foule juive qui l'assume en disant : “que son sang retombe sur nous et sur nos enfants” (Mt 27, 25). Parole très dure qui s'explique dans le contexte de polémique entre juifs et chrétiens à la fin du premier siècle. Quant à Luc, il a ajouté au récit “traditionnel” la comparution devant Hérode Antipas, tétrarque de Galilée (Lc 23, 6-12). Celui-ci s'était montré hostile à Jésus comme à Jean-Baptiste durant son ministère public (Lc 13, 31-33). Sa curiosité de lui voir faire quelque miracle n'étant pas satisfaite, il le tourne en

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dérision (23, 11)27 et le renvoie à Pilate, profitant de l'occasion pour se réconcilier avec lui d'une brouille antérieure. Luc a établi un parallèle entre Jésus (évangile) et Paul (Actes28) : l'un et l'autre comparaissent devant le Sanhédrin et devant un roi Juif, créature et allié du pouvoir romain (Hérode-Antipas pour Jésus en 30, Hérode-Agrippa II pour Paul vers 56) ; c'est la même histoire qui continue de Jésus aux disciples ; Luc ne cesse de montrer cette histoire parallèle (Jésus// premiers disciples, premières communautés), l’Évangile continue, c'est toujours actuel. 4. La relecture johannique : L’alternative entre la lumière et les ténèbres. Jean a construit son récit du Procès sur l'alternance de scènes qui se déroulent au dehors et au dedans : Pilate sort vers “les Grands-Prêtres” ou vers “les Juifs” et entre dans le prétoire pour débattre avec Jésus. Au dehors, ce sont les ténèbres, au dedans ce pourrait être la lumière si Pilate était capable d'écouter la vérité dans le témoignage de Jésus. Le va-et-vient joue un rôle dramatique en rendant visible l’hésitation permanente de Pilate qui ne parvient pas à choisir franchement pour l’innocence de Jésus contre la pression “des Juifs”, “des Grands-Prêtres”. Pilate représente l’homme inca-pable d’adhérer à la Vérité qui est en face de lui, en personne, car “il n’est pas de la Vérité” ; c‘est la raison pour laquelle il va céder à la demande des Juifs. Pilate prend sa place dans la série johannique des personnages qui, soit refusent de croire, soit n’accueillent pas pleinement Jésus pour ce qu’il est réellement. “Nous devrions regarder le Pilate johannique non comme une personnification de l’État, mais comme un autre représentant de la réaction à Jésus qui n’est ni la foi ni le rejet. Pilate est typique, non de l’État qui devrait rester neutre, mais de l’honnête homme, bien disposé qui voudrait adopter une position moyenne dans un combat qui est total” (R.-E. BROWN, The Gospel according to John…p 864) Tout le récit se déroule entre la requête de condamnation à mort (18, 29-32) et son obtention (19, 13-16). Deux moments sont particulièrement dramatiques : la présentation de Jésus : “Voici l’Homme”, quand Pilate sort et fait sortir Jésus flagellé et couronné d’épines (19, 5) et “l’apostasie” des grands-prêtres quand ils déclarent devant Pilate : “Nous n’avons pas d’autre roi que César” (19, 15). C’est alors que Pilate leur livre Jésus pour qu’il soit crucifié. Lexique. * Couronne d'épines, scène de dérision royale : comme parallèle on peut citer, à Alexandrie en 38, l'épisode de partisans anti-juifs, qui affublèrent l'idiot Karabas d'insignes et d'hommages royaux : feuille de papyrus arrangée en diadème, couverture en guise de robe royale, sceptre de papyrus dans la main ; encadré de gardes du corps, il est salué et supplié de rendre la justice, mais sans violence physique ; il s'agissait de se moquer, à travers lui, du roi juif Hérode Agrippa 1er29 .

27 Du coup Lc a omis la scène de dérision de la cohorte au prétoire de Pilate, évitant ainsi un

doublet. 28 Ac 23, 1-11 ; 25, 13 ; 26, 1-32 29 Voir R.-E. BROWN, La mort du Messie, p 968-969. On a fait valoir aussi jadis les indices

d'un « jeu du roi » sur le pavé de la forteresse de l'Antonia (à l'angle NW du temple, qui aurait

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* Crucifixion : supplice d'origine perse, la crucifixion était hélas ! extrême-ment fréquente ; adoptée par l'empire romain pour les esclaves désobéissants et les rebelles politiques, elle a été pratiquée même par des responsables juifs (le roi Alexandre Jannée, en -96, a fait crucifier 800 pharisiens pour mater une révolte). Le supplice qui fut infligé à Jésus n'était pas “exceptionnel”. Dans le fait qu'il ait été non pas “lapidé” (cf tentatives avortées, Jn 8, 59 ; 10, 31), mais “crucifié” “élevé” sur la croix, l'évangile de Jean voit l'expression du sens de sa mort : elle était le début de son “élévation” dans la gloire (parce que révélation de son amour, Jn 3, 14 ; 8, 27 ; 12, 32-33 ; 18, 32).

* Droit de peine capitale (“jus gladii”, “droit de glaive”): dans les provinces romaines (telle la Judée depuis l'année –6),“le préfet” ou “le gouverneur” se réservait les peines capitales, qui étaient donc enlevées aux autorités locales (dans notre cas, le Sanhédrin cf. Jn 18,31) sauf cas particulier où la religion juive se trouvait particulièrement offensée et entraînait une punition immédiate, par exemple le cas des non-Juifs qui franchissaient la barrière séparant “le parvis des nations” et “le parvis d'Israël”(cf Ac 21, 28-29).

* Pilate : “praefectus Judaeae”, “préfet de Judée”, selon une inscription trouvée à Césarée/s/Mer ; Ponce-Pilate est avec Marie et Jésus, l’un des trois noms propres inscrits dans le Credo ; il exerça son mandat sur la Judée et la Samarie de 26 à 36 ; il exerça plusieurs fois des actes de répression violente à l'égard des Juifs ; on insistait sur son caractère systématiquement anti-juif, mais cela est devenu moins évident30.

* Prétoire : autrefois la tente du général (le “prae-itor” : celui qui va devant), ensuite la résidence du gouverneur qui exerce des responsabilités à la fois militaires, civiles et judiciaires. C'est dans l'ancien palais du roi Hérode le Grand (vestiges visibles aujourd'hui près de la porte de Jaffa), que le préfet / gouverneur de Judée s'installait quand il montait de Césarée (sa résidence habituelle) à Jérusalem, à l'occasion des fêtes, où il y avait davantage le risque de troubles.

* Roi des juifs : ce titre a un sens politique qui n'est pas l'équivalent de “roi d'Israël”, dont la connotation, en ce temps-là, est religieuse (voir Jn 1, 49 ; 12, 13).

servi de « prétoire »), mais il est devenu clair que le prétoire de Pilate était ailleurs (ancien palais d'Hérode) et le pavé en question d'époque bien postérieure. Néanmoins les Sœurs de Sion, dont le couvent est établi en ce lieu, identifié (à tort) par elles au « Lithostrotos », le font toujours visiter et le chemin de croix traditionnel part de cet endroit.

30 Dans les provinces romaines comme la Judée, « surtout lorsque la peine capitale était en jeu, le procès n'était pas conduit par un juge indépendant entouré d'un jury local, mais par le représentant de l'empereur exerçant à la fois les fonctions de magistrat et de juge. Pilate jouissait donc d'une grande liberté dans la conduite des débats. C'est à lui qu'incombait le droit de convoquer les parties au procès, de les écouter, d'évaluer la culpabilité de l'accusé, puis de fixer la sentence sans devoir se référer à une loi précise... Dans le cas de Jésus... Pilate instruisit un véritable procès. Il donna d'abord la parole aux plaignants, les chefs juifs, qui accusèrent Jésus de troubler l'ordre public et de s'opposer à l'occupant romain en raison de ses prétentions messianiques à caractère politique. Il offrit ensuite à Jésus la possibilité de réfuter les accusations portées contre lui. Selon la tradition synoptique (Mc 14, 61 ; 15, 4-5), différente en cela de Jn, Jésus opposa le silence aux attaques dont il était l'objet ; il refusa donc d'endosser le rôle de l'accusé et de recourir aux moyens traditionnels dont se servaient les prévenus pour émouvoir les juges. A supposer qu'ils soient historiques, c'est là que prirent place l'épisode de Barabbas et le comportement de la foule réclamant la mort de Jésus. Quoi qu'il en soit, Pilate prononça un verdict de culpabilité assortie d'une peine de mort » (J. ZUMSTEIN, L'Evangile selon saint Jean (13-21), Genève 2007, p 221-222).

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Vocabulaire théologique Pâque, manger la Pâque (l'agneau pascal). : Le repas pascal est le mémorial de la libération d'Égypte, en cette nuit où les Hébreux avaient marqué du sang protecteur de l'agneau les portes de leurs demeures. La Pâque se célèbre dans la nuit du 14 au 15 Nisan (mars/avril) déterminé par la pleine lune de printemps. Les évangiles synoptiques (Mc-Mt-Lc) et le 4ème évangile (Jn) s'accordent sur le fait que Jésus a été crucifié un vendredi après-midi, la veille d'un sabbat. Mais ils divergent sur la date de la Pâque. A lire les synoptiques, le dernier repas de Jésus avec ses disciples le jeudi soir (veille de la Passion) serait le repas pascal (Mc 14, 12-16 ; Mt 26, 17-19 ; Lc 22, 7-13). Mais selon le 4ème évangile, les Grands-Prêtres s’apprêtent à “manger la Pâque” le vendredi soir (18, 28) et Jn 19, 14 désigne le jour et le moment, où Pilate prononce le verdict de la crucifixion de Jésus, comme le jour de “la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure” (= midi). C'est en effet dans l'après-midi du 14 nisan que l'on immolait au Temple les agneaux qui seraient consommés en famille dans la nuit pascale. Dans cette notation précise de temps Jean a vu un indice que Jésus est le véritable agneau pascal (cf. Jn 1, 29 ; 19, 36 : “aucun de ses os ne sera brisé” ; à ce trait rituel concernant l’agneau pascal, Ex 12, 46, correspond le fait que les soldats ne brisent pas les jambes de Jésus, Jn 19, 33). Que Jésus ait accompli en sa mort sur la croix la figure de l'agneau pascal n'est pas une innovation johannique ; cette interprétation est déjà celle de Paul et des communautés chrétiennes dans les années 50 (le Christ notre Pâque = notre agneau pascal a été immolé, 1 Co 5, 7)31 . Fils de Dieu, “il se fait Fils de Dieu” (19, 7) : Nous avons vu dans la fiche précédente sur le Procès devant le Sanhédrin que Jésus avait bien assumé cette identité de sa personne en lien avec sa mission. Encore fallait-il bien la comprendre. A ses yeux elle n’offense pas la foi juive au Dieu unique (Dt 6, 4) qui est aussi la sienne (Mc 12, 29.32-34). En effet, si le Dieu de Jésus est unique, il n’est pas seul, car Jésus expérimente en lui-même d’en être le Fils, en un sens propre et unique. Nous en avons plusieurs échos dans les récits évangéliques, par exemple quand, recherché et trouvé au temple par Marie et Joseph, il répond en disant qu’il doit être aux affaires de “son” Père (Lc 2, 49). S’il nous enseigne de prier Dieu comme “notre Père”, il parle, quant à lui, du Père qui est son vis à vis comme personne d’autre : “Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui auquel le Fils veut bien le révéler” (Mt 11, 25-27 ; Lc 10, 21-22). Il nous faut donc maintenir à la fois la pleine humanité de Jésus et sa divinité de Fils. Il partage pleinement la condition humaine, Il cherche, Il apprend, Il ne sait pas tout à l’avance, Il prie, Il se détermine librement, même si douloureusement – voir sa prière à Gethsémani – et tout cela Il le vit au titre de sa filiation divine. Il n’y a pas un impossible mélange des natures (humaine et divine), l’union se fait dans la personne : pour le 4ème évangile, c’est le même qui est le Verbe et qui est cet homme, Jésus de Nazareth.

31 Comment résoudre la contradiction sur la date de la Pâque, cette année-là, entre évangiles

synoptiques et johannique ? Il est hautement probable qu'il faille donner raison à la chronologie de Jean. Les synoptiques, quant à eux, ont transposé sur le dernier repas (« jeudi saint ») la figure du repas pascal ; en réalité ils ne parlent pas d'un repas avec herbes amères et agneau pascal ; mais pour la mémoire de leurs communautés ce dernier repas était « la Pâque de Jésus », vu le sens qu'il lui avait donné.

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II – ET MAINTENANT AU TEXTE 1. Les personnages : étudier les différentes façons de les désigner. Les Romains:

Pilate v. 28 ; v.29; Lire lexique “Pilate” et note 4. Les soldats v.19, 2 César (Tibère) v.19, 12; 19,15

Les Juifs : v. 28 ; v. 31 ; v.34 ; v.35 ; v.36 ; v. 38 ; 19,4 ; 12, 15 ; Que représente ce mot dans le texte ?

Est-ce le peuple juif dans son ensemble?

Barabbas : 18, 40 qui est-ce ? Jésus:18, 28-29 ; 30 ; 33 ; 37 ; 39 ; 19, 1 ; 5 ; 7 ; 14 ;

Lire vocabulaire théologique “Fils de Dieu” Quels sont les titres donnés à Jésus ? Quels malentendus dissipe-t-il ? Qu’est ce qui est vrai pour Lui ?

2. Les mouvements, les lieux

Remarquer l'aspect théâtral, dramatique, de la scène. 18;29. 33. 38 ; 19, 4-5 ; 8. ; 13.. A quoi correspond cette alternance de scènes dedans/dehors? Voir lexique “prétoire” 3. Le temps:18,28 ; 19,14. Dans le 4ème évangile, la Cène du jeudi soir n'était pas présentée comme la Pâque des Juifs. Lire vocabulaire théologique : “Pâques” et note 31. Jean situe la mise à mort de Jésus à l'heure rituelle de la mise à mort des agneaux. Pourquoi ? III – ACTUALISATION 1. Les Juifs:18, 28 Contradictions entre les prescriptions cultuelles de pureté et l'authentique pureté intérieure de l'homme (évoquer le bon Samaritain, les pharisiens....). Pour nous, relecture de nos pratiques, de nos contradictions (sans se culpabiliser). 2. Pilate Contradictions entre ce qu'il pense : 19, 4 ; 19 ,12 ; et ce qu'il décide : 19, 16 ; voir “pour lire” Quelque part, nous sommes tous des “Pilate”. Comment est-ce que je me situe par rapport à la vérité, qu’est-ce que la vérité pour moi ? (Jn 14,6)

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3. Jean est témoin d'un temps où les judéo-chrétiens sont exclus de la syna-gogue. Dans l'histoire les chrétiens ont persécuté les juifs. Aujourd'hui heu-reusement les relations ont beaucoup évolué; le Concile Vatican II a souligné l'enracinement de l’Église dans la foi juive. Cependant les enjeux fondamentaux demeurent : où est le cœur de l'histoire du salut ? Quel est le don définitif de Dieu à l'humanité : la Loi ou la personne de son Fils Jésus ? Connaissons-nous les rencontres des Amitiés judéo-chrétiennes (voir INTERNET) où l'on échange en connaissant et respectant ces différences ? IV - PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer 1 Timothée 6, 11-16 La Première épître à Timothée établit un parallèle entre le témoignage rendu par Jésus devant Pilate et le témoignage que les chrétiens sont appelés à rendre en accord avec la profession de foi baptismale : 6, 11 “Pour toi, homme de Dieu... cherche à être juste et religieux, vis dans la foi et l'amour, la persévérance et la douceur. 12 Continue à bien te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie éternelle ; c'est à elle que tu as été appelé, c'est pour elle que tu as été capable d'une si belle affirmation de ta foi devant de nombreux témoins. 13 Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à toutes choses, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate dans une belle profession de foi (Jn 18, 36-37), voici ce que je t'ordonne : 14 Garde le commandement du Seigneur, en demeurant irréprochable et droit jusqu'au moment où se manifestera notre Seigneur Jésus Christ. 15 Celui qui fera paraître le Christ au temps fixé, c'est le Souverain unique et bienheureux, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, 16 le seul qui possède l'immortalité, lui qui habite la lumière inaccessible, lui que personne n'a jamais vu, et que personne ne peut voir. A lui, honneur et puissance éternelle”. Amen. Prendre un temps de contemplation et de silence : Jésus était une question pour les communautés juives de son temps, spécialement pour les autorités. Jésus est-il encore une question pour nous aujourd’hui, dans notre communauté, notre Église, en quel domaine en particulier ? Et pour toi, qui suis-je ? Cet Homme ? L’Homme ? Le témoin de la vérité ? La Vérité ? Le Fils de Dieu ? Est-ce vraiment Lui que nous annonçons ? Est-ce Lui qui est la référence de notre vie humaine, chrétienne, apostolique ? Quels moyens prenons-nous pour le connaître ? Où les chrétiens sont-ils engagés pour lui rendre témoignage?

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Cantique Tu fais ta demeure en nous Chants de l’Emmanuel S. Drouineau Tu es là présent vivré pour nous Toi, le tout petit le serviteur Toi le Tout-Puissant, Humblement tu t’abaisses. Tu fais ta demeure en nous Seigneur. Par le don de ta vie, tu désires aujourd’hui reposer en nos cœurs, brûlé de charité, assoiffé d’être aimé, tu fais ta demeure en nous Seigneur. Unis à ton Amour, tu nous veux pour toujours ostensoirs du Sauveur, en notre humanité, tu rejoins l’égaré, tu fais ta demeure en nous Seigneur. Notre Père, avec la finale empruntée à 1 Tm (ci-dessus) : car c'est Toi le Souverain unique et bienheureux, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, 16 Toi seul qui possèdes l'immortalité, Toi qui habites la lumière inaccessible, Toi que personne n'a jamais vu, et que personne ne peut voir mais que ton Fils nous a révélé. A Toi, honneur et puissance éternelle. Amen. Oraison : Jésus, ton heure est arrivée, l’heure de passer de ce monde à ton Père. La Vérité éclate par tout ton être condamné en disant à Pilate : “Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la Vérité. Tout homme qui appartient à la Vérité écoute ma voix”. Par ces mots tu révèles la Vérité de nos vies. Mets-nous à l’écoute de ta voix de Vérité. Amen

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FICHE POUR LES ANIMATEURS

V - CLÉS DE LECTURE Scène 1 (au dehors) : obtenir une condamnation, qui sera celle de la croix (18, 28-32). 1. Les Juifs n’entrent pas dans le Prétoire*, parce qu’ils doivent être en état de pureté légale pour célébrer la Pâque, qui commencera dès le vendredi après-midi. Contraste entre leur préoccupation de pureté cultuelle et l’exécution qu’ils veulent à tout prix faire endosser par le gouverneur. Selon la chronologie pascale de Jean, Jésus mourra sur la croix le vendredi après-midi, à l’heure où les prêtres immolent l’agneau de la Pâque dans le Temple. 2. Pilate est censé ignorer la raison pour laquelle Jésus est déféré à son tribunal. Première réponse des Grands-Prêtres : il est un malfaiteur (18, 30). Réponse très générale, qui cache les véritables motivations. C’est parce qu’il encourt la condamnation à mort, disent ses accusateurs, qu’ils l’ont livré à Pilate, seul à détenir le pouvoir de faire exécuter une telle sentence (18, 31). Ainsi, nous dit le narrateur, la dévolution de la cause au gouverneur romain aura permis que se réalise la parole par laquelle Jésus avait indiqué de quelle mort il devait mourir, à savoir l’élévation sur la croix ; au lieu d’être lapidé par les Juifs, Jésus sera crucifié (par les Romains), crucifié et donc “ élevé ”. Cette parole de Jésus (Jn 12, 32-33 ; 3, 14) a pour Jean la même dignité que l’Écriture et doit être accomplie (18, 32) comme elle. Scène 2 (au dedans) : La royauté de Jésus (18, 33-38a). “Roi des Juifs ?”, mais qui le dit ? Le contenu de l'accusation des Grands-Prêtres se précise à travers la question que Pilate pose à Jésus : “Tu es le roi des Juifs” ? Jésus ne répond pas immédiatement, mais c'est lui maintenant qui interroge Pilate : d'où tient-il cette accusation ? Il lui laisse entendre que sa question sur la royauté n’est pas vraiment la sienne, mais qu’elle lui vient d’autres, pas forcément objectifs. Pilate se rengorge, vexé : “Est-ce que je suis Juif, moi ?”, pour être au courant des affaires juives ? Ces “autres” ne sont rien moins que “ta nation” et “les grands-prêtres”, qui t’ont livré à moi. Que Jésus s’explique : “Qu’est-ce que tu as fait ?”, comme si c’était à l’accusé de faire la preuve de son crime. Mais avec les mêmes mots “roi” et “royauté”, Pilate et Jésus ne parlent pas de la même chose. Bien plus, les Grands-Prêtres et Pilate font l'amalgame entre la dignité messianique telle que peut la revendiquer Jésus et une revendication politique. La réponse de Jésus met alors aussitôt le doigt sur la nature de sa royauté : elle n’est pas “de ce monde”. Si elle l’était, il aurait à sa disposition des gardes qui auraient combattu pour lui et ne l’auraient pas laissé livrer aux Juifs. La non-violence et la faiblesse de Jésus face aux pouvoirs de ce monde signent sa différence. La nature de la royauté de Jésus est corrélative de son origine. Il n’est pas dit qu’elle ne s’exerce pas dans ce monde, mais qu’elle n’est pas de ce monde. La question de l’origine de Jésus, de sa mission, de son pouvoir, des biens qu’il apporte est une question-clé du 4ème évangile. La même question reviendra dans la bouche de Pilate dans la scène 6 : “D’où es-tu ?”

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(19, 9). Roi, si l'on veut, mais pour un témoignage (37-38) Comme dans les autres dialogues johanniques, l'interlocuteur est d'abord complètement dépassé. Il arrive qu'il fasse le dépassement, conduit par Jésus. Mais quand Pilate réitère sa question: “Donc tu es roi ?” (v. 37), il n’a toujours pas compris, et Jésus, pour s'expliquer, change de registre : il passe du langage de la royauté à celui du témoignage (v 37-38). “C’est toi qui dis que je suis roi”. Quant à moi, je préfère m’exprimer en termes moins ambigus. “Je suis né” : ce n’est pas sans faire allusion à une dignité de naissance qui caractérise la royauté. Mais cette naissance est une venue en ce monde, non pas une naissance tout humaine (comme on dit “venir au monde” pour un enfant ordinaire), mais, selon le Prologue, il s’agit du Verbe qui “venait dans le monde, comme la vraie lumière” (1, 11). Et précisément je suis né et venu dans le monde “pour rendre témoignage à la Vérité”. Le Jésus johannique ne prêche pas “le Royaume” (ou si peu), comme dans les Synoptiques, mais il rend témoignage à la Vérité en révélant le Père et son dessein. Pour comprendre qui il est, il faut appartenir à ce royaume de la Vérité dont il est le témoin unique, parce que, “Fils unique engendré”, “il repose sur le sein du Père et l’a raconté” (1, 18). Jésus n’a pas de sujets comme un roi de ce monde, mais des disciples qui écoutent sa voix. Thème constant du 4ème évangile : l’accès à la connaissance de Jésus suppose une parenté spirituelle : “celui qui fait la Vérité vient à la lumière” (3, 21). “Qu’est-ce que la Vérité ?” Pilate esquive toute implication personnelle, montrant bien par là qu’il n’en est pas. “Cette répartie n’est pas une vraie question, elle exclut même toute réponse. C’est une fin de non-recevoir. Les dires de ce juif, un illuminé, n’intéressent pas Pilate” (X. LÉON-DUFOUR, L'Évangile de Jean, IV, p 89). Il va dire aux Juifs qu’il ne trouve aucune charge à retenir contre Jésus (18, 38), mais il se moquera bien d’en tirer les conséquences dans son jugement. En cela, il tourne le dos à la Vérité. Quelle importance ? Scène 3 (au-dehors) : Jésus ou Barrabas ? La proposition de faire jouer une amnistie coutumière à l'occasion d'une fête (ou de “la Fête” pascale) est un point hérité de la tradition sous-jacente aux Synoptiques. La relecture johannique de l'épisode se caractérise par trois insistances : 1. la déclaration d'innocence de Jésus : elle fonde la proposition de Pilate (Jn 18, 38b-39) ; elle fait antithèse avec la désignation de Barabbas comme un “brigand” qui tombe avec force à la fin de la phrase, sans préalable ; ainsi se trouve mis en relief le fiasco auquel conduit l'indifférence de Pilate à la Vérité : l'innocent est condamné, le malfaiteur est élargi. 2. La prévalence des Juifs comme acteurs du dénouement ; Pilate s'est laissé dicter sa conduite par le péché du monde qui se dérobe à la Vérité. “Le monde” enferre dans ses griffes ceux qui prennent parti contre la Vérité. Ils aliènent leur liberté. 3. La désignation méprisante de Jésus, dans la bouche de Pilate, comme “le roi des Juifs ; en réalité ce “roi des Juifs”, méprisé par Pilate et rejeté par les Juifs, est bel et bien le véritable “roi des Juifs” ; la vérité éclate sous la

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dérision et le rejet qui voudraient la recouvrir. Ce thème reviendra dans la présentation de “l'Homme” couronné d'épines. Jésus seul reste fidèle à lui-même alors que Pilate y laisse son pouvoir et les Juifs leur cohérence : ils livraient Jésus comme malfaiteur et maintenant ils réclament l'élargissement d'un criminel. Scène 4 (au-dedans) : Flagellation et dérision du “ roi des Juifs ” (19, 1-3) La flagellation (Jn 19, 1) La flagellation est une préparation cruelle à la crucifixion ; elle suppose la condamnation à la croix décidée ; c’est bien ainsi que Mc-Mt la présente, à la fin du procès (Mc 15, 15 ; Mt 27, 26). Lc 23, 16 ne parle pas de la flagella-tion, mais de l’intention de Pilate, au cours du procès, de donner une correction à Jésus pour contenter ses accusateurs, puis de le relâcher ; ce qui, en fait, ne se produira pas. C'est aussi dans cette perspective de “correction”, mais réalisée, que Jean parle de la flagellation qui, avec la scène d'outrages de la cohorte, mettra Jésus dans un état pitoyable au moment de le présenter aux “Juifs”. Les outrages (Jn 19, 2-3) Il y a deux scènes d’outrages dans les récits évangéliques de la Passion : 1. Une scène d’outrages juifs dans le cadre de la comparution devant le Sanhédrin (Synoptiques sauf Lc : dérision du prophète, Mc 15, 65 ; Mt 26, 67-68). 2. Une scène d’outrages par les soldats romains (Mc-Mt et Jn : dérision du “roi”) ; à la dérision s’ajoute des gestes de violence physique (gifles, crachats, coups chez Mc-Mt, gifles chez Jn)32. Jean a bien gardé le souvenir d'outrages en contexte juif (le soufflet du garde chez Anne, 18, 22) et d'outrages en contexte romain (au prétoire de Pilate, 19, 2-3) ; il a réuni lui aussi dans ce contexte violences physiques (flagellation, 19,1 ; gifles, 19,3) et scènes de dérision. Jean est très proche de Mc-Mt pour la dérision du “roi des Juifs” : “manteau de pourpre”, “couronne d’épines”; gestes de vénération royale ;; verbes à l’imparfait de répétition chez Jean : “ils venaient vers lui et disaient : Salut, roi des Juifs”. Flagellation et gifles encadrent la scène johannique. Derrière la dérision et la violence faite au “Roi des Juifs” se profilent l’outrage et la violence faite au Serviteur d’Is 50, 3-6 : “il tend le dos au fouet et les joues aux gifles”. Jean a placé la flagellation et la scène d’outrages en plein milieu du procès devant Pilate. Mais ce déplacement, anormal du point de vue des faits, a une fonction littéraire dans sa construction d’ensemble du procès. Il prépare la présentation que Pilate fera de Jésus dans la scène suivante (19, 4-7) : un roi des Juifs insignifiant, qui devrait plutôt faire pitié et qui démontre l’inanité de toute prétention royale juive, s’il y en a. Plus profondément, la scène de dérision interprète la royauté de Jésus qui ne laisse plus de place à une quelconque ambiguïté ; le “roi” est “le serviteur souffrant” (Is 50).

32 Luc suit sa voie propre : une scène de dérision (habit resplendissant) lors de la comparution

devant Hérode (23, 11), et les outrages des soldats, devant Jésus crucifié (23, 36).

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Scandale pour les Juifs, folie pour les païens “Les lecteurs du 1er siècle pouvaient entendre la scène (des outrages des soldats romains) comme décrivant de façon succincte non seulement la question qui intéressait les Romains (la royauté), mais aussi l’attitude des gentils envers un roi crucifié – tout comme les moqueries du sanhédrin dramatisaient l’horreur juive du faux prophète. De façon concise, les deux moqueries illustrent le double élément de 1 Co 1, 23 : Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les gentils. Si nous réfléchissons sur ce parallélisme, tout le sanhédrin a condamné Jésus à mort et certains ont commencé à se moquer du prophète (Mc 14, 64-65) ; Pilate a condamné Jésus à la crucifixion, et toute la cohorte est rassemblée pour se moquer du “roi”. L’idée que les évangiles disculperaient les gentils, mais condamneraient les Juifs n’est vraiment pas étayée par le portrait, tout aussi négatif, des deux bandes de tourmenteurs” '(R.-E. BROWN, La mort du Messie, p. 972) Scène 5 (au dehors) : “Voici l’Homme”, “Fils de Dieu” (19, 4-7) Cette scène correspond à la scène 3 : même déclaration d’innocence (19, 4.6 // 18, 3). A la tentative de Pilate de faire bénéficier de l’amnistie pascale “le roi des Juifs”, jugé insignifiant (18, 39) correspond maintenant la présentation d’un “homme” en loques : cette sévère “correction” pourrait satisfaire leur réclamation et amener sa relaxe. 1. “Voici l’Homme” (19, 5). Pilate présente Jésus flagellé et déguisé en roi en disant “Voici l’Homme” (19, 5). Cette parole doit être entendue à double niveau, selon la pratique habituelle de Jean qui fait dire à des personnages plus qu’ils ne comprennent (exemple : Caïphe, 11, 49-53). Seul le lecteur chrétien accédera à l’intelligence supérieure et vraie de ce qui est dit. Pour Pilate, Jésus est “cet homme” qui lui a été livré par les Grands-prêtres (18, 29), et il le leur renvoie : “Voici l’homme”, sans commentaires, mais avec ironie et sarcasme. Quelle pitié ! Inutile d’en faire cas, et c’est ce qui attendrait toute prétention “royale” si elle se manifestait réellement. “Pilate démontrait que Jésus était pathétique et ne menaçait ni Rome ni les Juifs”. (R.-E. BROWN, op cit 919) Au niveau du lecteur chrétien plusieurs rapprochements peuvent être propo-sés avec des textes scripturaires et johanniques : - équivalent de “Fils de l'Homme” ? Pilate ne peut pas employer ce titre, mais Jean a pu mettre un équivalent dans sa bouche, à son insu. - l’homme : un contrepoint de “Fils de Dieu”, selon la logique de l’incarnation ; plusieurs fois, en Jean, Jésus est d’abord reconnu et désigné comme un homme (9, 11 ; 10, 33 ; 11, 50 ; 18, 14). C'est dans la même scène 5 que paraissent les deux désignations, d'abord “l’homme”, puis “le Fils de Dieu” (19, 5.7). La vérité humaine de Jésus importe à la révélation de son identité. C'est au cœur de cette condition humaine que se révèle la transcendance du Fils de Dieu.

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- “l’homme des douleurs” : “Méprisé et abandonné des hommes, homme des douleurs, habitué à la souffrance, semblable à celui de qui on se détourne” (Is 53, 3) ; “tant son aspect défiguré n’était plus celui d’un homme, son appa-rence n’était plus celle des êtres humains” (Is 52, 14). Mais c’est précisément celui qui était considéré comme un “sous-homme” qui était destiné à devenir le responsable des multitudes humaines. Cette référence serait cohérente avec la présentation des outrages comme ceux du Serviteur d’Is 50. 2. Fils de Dieu (19, 7) Devant cette présentation de Jésus, bien loin d'être apitoyés, les Grands-Prêtres et les gardes réclament à grands cris sa crucifixion. Pilate essaye de se désister en déclarant une troisième fois l’innocence de Jésus. Les Juifs sont alors amenés à dévoiler leur véritable grief, d’ordre religieux : il se fait Fils de Dieu, et, selon leur loi, il encourt la mort. Au début ils se retranchaient derrière la loi romaine pour remettre l’affaire à Pilate (18, 31). Maintenant ils invoquent leur propre loi pour justifier la crucifixion. Lévitique 24, 16 prescrit la lapidation pour le blasphème. Pour le lecteur de Jean, ce n’est pas Jésus qui se fait Fils de Dieu ; il l’est en vérité (10, 36 ; 20, 31). Jean explicite le conflit religieux entre Juifs et chrétiens à la fin du 1er siècle, mais ce conflit avait déjà ses racines au temps de Jésus. Devant le titre de “Fils de Dieu” une crainte sacrée s’empare de Pilate, tout comme la révélation du “Je-Suis” avait mis la cohorte à terre au jardin de l’arrestation (18, 8). Personne ne tient face à Jésus. Pilate va essayer de s’affranchir de cette crainte en interrogeant Jésus sur son origine et en faisant étalage de son pouvoir lors de l’entretien suivant, à l’intérieur (19, 10). Scène 6 (à l’intérieur): Où est le pouvoir ? Qui intimide qui ? (19, 8-12) La scène 6 et la scène 2 ont beaucoup de points parallèles : l’intérieur, la confrontation seul à seul de Pilate et de Jésus, la question d’origine, celle de la royauté et du pouvoir. Dans cette scène on assiste à un double essai d’intimidation : celui de Jésus par Pilate (manqué), celui de Pilate par les Juifs (réussi, ou en voie de l’être). 1. Le silence de Jésus et l’essai d’intimidation de Jésus par Pilate “D’où es-tu? ” Question parallèle à celle de la scène 2 sur l’origine de sa royauté. Cette fois Jésus ne répond pas, du moins pas tout de suite. Jn a placé ici le “silence” de Jésus qui caractérise la tradition sur le procès de Jésus (Mt 26, 63 ; Mc 15, 3-4 ; Mt 27, 12-14 ; Lc 23, 9).33 Le Jésus johannique est beaucoup moins silencieux que celui des Synoptiques, surtout devant Pilate. Mais il a aussi des moments de silence, quand la situation l'exige, comme c'est le cas ici : “il ne lui donna pas de réponse” (19, 9). Pilate n’est pas en état de recevoir une réponse sur l’origine divine de Jésus. Mais ce silence est ressenti par Pilate comme méprisant pour son pouvoir. Et il réagit en cherchant à intimider Jésus. Peine perdue ! Sa réaction donne occasion à la mise au point solennelle de Jésus : Pilate n'aurait aucun pouvoir sur lui si cela

33 Il évoque le silence du juste souffrant dans les psaumes, surtout du Serviteur souffrant : Is 53,

7 : « il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l’abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent : elle est muette, lui n’ouvre pas la bouche ». 1Pi 2, 22-23 donnera ce silence du Christ en sa passion, comme forme de non-violence, en modèle aux chrétiens qui souffrent pour leur foi.

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ne lui était donné d'En-Haut. Il ne tient son pouvoir sur Jésus en ce moment qu'en vertu d'un dessein de Dieu qui le dépasse34. “Celui qui a livré” Jésus à Pilate est coupable d’un plus grand péché. S’agit-il de Judas ? Ne s’agit-il pas plutôt du Grand Prêtre et des autorités juives, qui se sont fermées à la lumière35. Pilate est un instrument ; il n’est pas sans péché, Jean ne le disculpe pas puisque, malgré sa conviction d’innocence, il va céder à la pression des autorités juives, mais celles-ci portent une bien plus lourde responsabilité. C’est Jésus, et non Pilate qui établit les différents degrés de culpabilité. Le véritable juge, c’est lui. 2. Les cris des Juifs et l’intimidation de Pilate par les Juifs (19, 12). “A partir de cela”, Pilate cherchait à le relâcher. Mais les cris des Juifs (opposés au silence de Jésus) l'intimident et ils menacent de le dénoncer à César comme complice d’un rival de César : “Tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi se déclare contre César”. Les Juifs en reviennent au grief politique, seul capable d’impressionner Pilate. Par opportunisme, le grief de “se faire roi” reprend le dessus par rapport au grief de “se faire Fils de Dieu”. Dans cette scène (12), Pilate, qui se trouve encore à l’intérieur, entend les cris des Juifs qui sont à l’extérieur, comme s’il y avait une pénétration de l’extérieur dans l’intérieur ; une pression des opposants sur la décision de Pilate. C’est “après avoir entendu ces paroles” (13a) qu’il sort pour le dernier épisode. Scène 7 (au dehors) : La condamnation de Jésus à la crucifixion (19, 13-16) Impressionné par la menace des Juifs, Pilate se décide à prononcer une sentence. “Il amena Jésus dehors et il alla siéger au tribunal”. Au moment où Pilate s’apprête à rendre le verdict, il est normal que, par suite du va-et-vient, entre l’intérieur et l’extérieur, Jean le montre prenant place sur le siège du magistrat. C’est l’indice du moment décisif du jugement. La notation de lieu est une précision de réalisme historique. Jean donne le nom du lieu en grec : Lithostrôtos (étendue pavée) et en araméen : Gabbatha (sens de “hauteur, élévation”). Donc deux noms différents : le grec n’est pas la traduction de l’araméen. Jean ne cherche pas à traduire l’araméen pour signaler un sens symbolique, comme il le fait en d’autres cas (1, 41 ; 9, 7). Par contre l’indication de temps “la 6ème heure, le jour de la Préparation de la Pâque” peut recevoir une portée symbolique : c’est à partir de midi que commençait l’immolation des agneaux de la Pâque au temple. Or Jésus est figuré par l’agneau pascal (cf. 19, 31-37). Le dialogue entre Pilate et les Juifs est organisé par Jean de manière à conduire les Juifs à une véritable apostasie :

34 Ne pas lire ici quelque allusion à l'origine divine du pouvoir politique ; le texte vise la

situation concrète de Jésus livré à Pilate : qui a véritablement la main sur cette situation ? 35 « Si je n'étais pas venu, si je ne leur avais pas adressé la parole, ils n'auraient pas de péché;

mais à présent leur péché est sans excuse…Si je n'avais pas fait au milieu d'eux ces œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient pas de péché; mais à présent qu'ils les ont vues, ils continuent à nous haïr, et moi et mon Père; mais c'est pour que s'accomplisse la parole qui est écrite dans leur Loi: Ils m'ont haï sans raison » (Jn 15, 22-25).

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- “Voici votre roi !” En un sens il l’est vraiment, pas au sens politique comme Jésus le lui a fait comprendre, mais c’est bien de royauté à leur égard qu’il s’agit. Pilate dit plus vrai qu’il ne pense (comme aussi Caïphe en 11, 51). - “A mort ! A mort ! Crucifie-le !” - “Vais-je crucifier votre roi ?” - “Nous n’avons pas d’autre roi que César” Comme s’ils oubliaient que pour la tradition d’Israël, Dieu seul règne sur son peuple. VI - POUR ALLER PLUS LOIN La date de Pâque, l'année où Jésus est mort : Les évangiles synoptiques (Mc-Mt-Lc) et le 4ème évangile (Jean) s'accordent sur le fait que Jésus a été crucifié un vendredi après-midi, la veille d'un sabbat. Mais ils divergent sur la date de la Pâque. A lire les Synoptiques, le dernier repas de Jésus avec ses disciples le jeudi soir (veille de la Passion) serait le repas pascal (Mc 14, 12-16// Mt 26, 17-19 // Lc 22, 7-13). Mais selon le 4ème évangile, les Grands-Prêtres s’apprêtent à “manger la Pâque” le vendredi soir (18, 28) et Jn 19, 14 désigne le jour (vendredi) et le moment (midi), où Pilate prononce le verdict de la crucifixion de Jésus, comme le jour de la “Préparation de la Pâque, vers la sixième heure”. C'est en effet dans l'après-midi du 14 nisan que l'on immolait au Temple les agneaux qui seraient consommés en famille dans la nuit pascale. Dans cette notation précise de temps Jean a vu un indice que Jésus est le véritable agneau pascal (cf. Jn 1, 29 ; 19, 36 : “aucun de ses os ne sera brisé” ; à ce trait rituel concernant l’agneau pascal, Ex 12, 46, correspond le fait que les soldats ne brisent pas les jambes de Jésus, (Jn 19, 33). On est porté à donner raison à la chronologie de Jean. Que Jésus ait accompli en sa mort sur la croix la figure de l'agneau pascal n'est pas une innovation johannique ; cette interprétation est déjà celle de Paul et des communautés chrétiennes dans les années 50 (le Christ notre Pâque = notre agneau pascal a été immolé, 1 Co 5, 7). Les synoptiques, quant à eux, ont transposé sur le dernier repas (“jeudi saint”) la figure du repas pascal ; en réalité ils ne parlent pas d'un repas avec herbes amères et agneau pascal ; s'ils présentent le repas du Jeudi-saint comme le repas pascal, c'est parce que ce repas est devenu dans les communautés chrétiennes la Pâque de Jésus, son mémorial. Pour un recentrage de la foi chrétienne : Le récit de la Passion et l'enjeu du procès de Jésus tel qu'il est présenté dans le 4ème évangile (et déjà dans les Synoptiques) remettent en pleine lumière ce qui est au centre de la foi chrétienne : le mystère pascal et la filiation divine de Jésus comme révélation, l'un et l'autre, du Dieu véritable que nous confessons. Dieu n'est pas seul en lui-même, il est communion de personnes, et il s'ouvre à l'humanité jusqu'à partager en son Fils la condition humaine, pour faire passer cette humanité avec lui et en lui. Trinité, Incarnation, Pâque

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“se donnent la main” pour nous révéler qui est Dieu et qui est l'homme. Ce sont les accents de la lettre : LES ÉVÊQUES DE FRANCE, Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Les Éditions du Cerf, Paris 1997. “Cet appel à aller résolument au cœur de la foi, l’Église l'a entendu bien des fois au cours de son histoire. C'est même là une loi constante de la croissance de la foi. Dans les périodes critiques, c'est toujours d'un approfondissement de la foi qu'ont procédé les grandes réformes religieuses et spirituelles, les mouvements de renouveau théologique et apostolique... Les catholiques français désirent et pratiquent ce retour aux sources. Aujourd'hui ils ne sont plus simplement déistes : ils découvrent l’importance de la communion trinitaire de Dieu. La profondeur de leur adhésion au mystère pascal impres-sionne aussi. Une conception trop étroitement moraliste de la foi cède le pas devant une compréhension infiniment plus ample de la vie chrétienne comme vie dans l'Esprit” (p 39-40).

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(Mc 15, 20b-41)

7ème Rencontre

Récit du crucifiement de Jésus.

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Récit du crucifiement de Jésus (Mc 15, 20b – 41)

Mt 27 Mt 27,34 Ps 69, 22 du vin mêlé de fiel

CHEMIN DE CROIX. SIMON DE CYRÈNE Marc 15 20 Puis, quand ils se furent moqués de lui, ils lui ôtèrent la pourpre et lui remirent ses vêtements. Ils le mènent dehors afin de le crucifier. 21 Et ils réquisitionnent pour porter sa croix*, Simon de Cyrène*, le père d'Alexandre et de Rufus, qui passait par là, revenant des champs. CRUCIFIEMENT 22 Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha, ce qui se traduit lieu du Crâne. 23 Et ils lui donnaient du vin parfumé de myrrhe*, mais il n'en prit pas. 24 Puis ils le crucifient et se partagent ses vêtements en tirant au sort ce qui reviendrait à chacun. 25 C'était la troisième heure* quand ils le crucifièrent. 26 L'inscription qui indiquait le motif de sa condamnation était libellée : " Le roi des Juifs." 27 Et avec lui ils crucifient deux brigands, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. [28]

DÉRISION 29 Les passants l'injuriaient en hochant la tête et disant : - " Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, 30 sauve-toi toi-même en descendant de la croix !" 31 Pareillement les grands prêtres se gaussaient entre eux avec les scribes et disaient : " Il en a sauvé d'autres et il ne peut se sauver lui-même ! 32 Que le Christ, le Roi d'Israël, descende maintenant de la croix, pour que nous voyions et que nous croyions ! " Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l'outrageaient. TÉNÈBRES ET CRI DE JÉSUS 33 Quand il fut la sixième heure, les ténèbres se firent sur la terre entière jusqu'à la neuvième heure. 34 Et à la neuvième heure Jésus clama en un grand cri : " Élôï, Élôï, lema sabachthani ", ce qui se traduit : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" 35 Certains des assistants disaient en l'entendant : " Voilà qu'il appelle Élie* !" 36 Quelqu'un courut tremper une éponge dans du vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, il lui donnait à boire en disant : " Laissez ! que nous voyions si Élie va venir le descendre !" 37 Or Jésus, jetant un grand cri, expira. SIGNES, RÉACTIONS 38 Et le voile du Sanctuaire* se déchira en deux, du haut en bas. 39 Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s'écria : " Vraiment cet homme était fils de Dieu !" 40 Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé, 41 qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée ; beaucoup d'autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem.

Proverbes 31,6 Donnez de l'alcool à celui qui va disparaître, du vin à celui qui est amer. Ps 22 (21) 19 : Ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma tunique. Ps 22 8-9 Tous ceux qui me voient se moquent de moi, ils ouvrent les lèvres, hochant la tête : Remets ton sort au Seigneur ! Il lui donnera d'échapper, il le sauvera puisqu'il a pris plaisir en lui. Amos 8, 9-10 Il adviendra en ce jour-là - oracle du Seigneur Yahvé - que je ferai coucher le soleil en plein midi et que j'obscurcirai la terre en un jour de lumière. 10 Je changerai vos fêtes en deuil et tous vos chants en lamentations; je mettrai le sac sur tous les reins et la tonsure sur toutes les têtes. J'en ferai comme un deuil de fils unique, sa fin sera comme un jour d'amertume. (Am 8, 9-10) Ps 22 2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

pris plaisir en

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Récit du crucifiement de Jésus.- 104 -

RÉCIT DU CRUCIFIEMENT DE JÉSUS

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I - POUR LIRE Nous en arrivons maintenant au récit de la crucifixion. Nous vous proposons de le lire dans le texte de Marc, qui est à la base des deux autres évangiles synoptiques (Matthieu et Luc). Nous touchons là du doigt un texte très ancien, au cœur même du récit entier de la Passion. Tout descriptif qu'il soit, il est en même temps écrit avec l'intention de mettre l'événement sous le regard des Écritures, pour faire comprendre que Jésus crucifié accomplit les Écritures, spécialement quand elles présentent la figure des pauvres, dont la vie de foi subit l'épreuve de la moquerie, des outrages et de la persécution à mort des sans foi ni loi. Ainsi la Passion de Jésus n'est-elle pas un démenti, mais au contraire un accomplissement de sa mission telle que la préfigurait l’Écriture, parole de Dieu, spécialement dans les Psaumes. Dans la présentation du texte, nous avons mis en parallèle avec le récit de Marc les références les plus apparentes, celles qui se rapportent au Psaume 22 (21)36. Il n'est jamais dit en Marc “comme il est écrit”, mais c'est écrit en un langage aussi proche que possible du texte des Écritures ; les gens familiers avec elles sont censés le reconnaître immédiatement ; cela est moins évident pour nous, mais aussi indispensable. C'est à ce regard à la fois théologique et très humain sur la crucifixion que nous convie le récit des évangiles. L'horreur d'un tel supplice est bien connue des évangélistes ; mais ce n'est pas d'abord sur elle qu'ils attirent notre regard, comme l'a fait telle production cinématographique, mais sur l'engage-ment personnel de Jésus dans cette épreuve, sur l'abaissement auquel il a été exposé et auquel il a consenti pour réaliser sa mission. Le récit de Marc en particulier se caractérise par le contraste qu'il établit entre l'abaissement jusqu'au plus profond de la détresse humaine et la glorification qui commence alors de poindre dans la confession du “Fils de Dieu” par la bouche du centurion qui a présidé à sa crucifixion. L'abaissement aura été le chemin de la révélation du véritable Messie. Structure du texte On peut se satisfaire d'une division simple du texte en deux parties : 1 - La crucifixion de Jésus (15, 20b -32) 2 - Sa mort en croix (15, 33- 41) Mais on peut remarquer aussi des correspondances qui encadrent le bref verset de la mort de Jésus (15, 37) soit en contraste, soit en parallélisme : - la double dérision autour du Temple et de l'identité messianique de Jésus (29-31) // le voile du Temple déchiré (38) et la déclaration du centurion sur “le Fils de Dieu” (39). 36 Nous l'avons étudié l'année sur les Psaumes.

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- le cri de Jésus (bis 34 et 37) // le cri du centurion (39) - la double présentation d’une boisson vinaigrée (23 // 36) - la figure de Simon de Cyrène requis de porter la croix (21) // celles des femmes qui avaient suivi Jésus en Galilée et qui regardaient à distance (40-41). Ces antithèses ou ces parallélismes peuvent frapper le lecteur et l'aider à entrer dans la signification du récit. Le fait qu’elles encadrent le simple verset qui dit la mort de Jésus en révèle le sens, soit méconnu, soit confessé. De même encore la récurrence du verbe “voir” (32.36.39) ou “regarder” (40) sert à caractériser la position des témoins (et des lecteurs ?) devant Jésus crucifié. L'ensemble du récit est fortement marqué par le contraste entre abaissement, élément le plus long (20b-37), et réhabilitation sinon déjà glorification, élé-ment le plus court (38-39). Voici une proposition possible en chiasme (en enveloppement a-b-c-d-c'-b'-a’) dont l'élément central est la mort de Jésus. Les éléments [a] [b] [c] disent l’abaissement jusqu'à la détresse et la mort [d] ; les éléments [c'] [b'] [a'] esquissent la glorification.

Lexique * Croix (portement de croix) : le condamné portait seulement la barre trans-versale qui serait fixée au sommet d'un poteau (en forme de T) ou juste un peu au-dessous dans une encoche du poteau ; ce dut être le cas de la croix de Jésus puisqu'elle portait en haut l'écriteau du motif de sa crucifixion. Le poteau restait sur place. Ce que devait porter Jésus et que Simon de Cyrène a porté à sa place, c’est la barre transversale. * Cyrène : actuellement en Lybie entre Benghazi et Tobrouk ; elle abritait une importante colonie juive. Les Juifs de Cyrène disposaient d'une syna-gogue à Jérusalem (Ac 2, 10 ; 6, 9), en particulier lors des pèlerinages; certains d'entre eux ont participé à l'évangélisation des habitants d'Antioche de Syrie (Ac 11, 20) ; le récit de Marc, en indiquant que Simon de Cyrène était le père d'Alexandre et de Rufus (15, 21), suppose qu'ils étaient connus de quelques communautés chrétiennes comme des juifs devenus croyants en Jésus. La tradition évangélique de Marc recueille par eux un témoignage très proche de l'évènement.

[a] La compagnie de Jésus : Simon de Cyrène réquisitionné (20-21) et deux brigands (22-26)

[b] Dérision juive : Temple et Messie (29-32) [c] Signes cosmiques : Ténèbres (33)

[d] Cri de détresse et mort (34- 37) [c'] Signes cosmiques : Voile du sanctuaire déchiré (15,38)

[b'] Déclaration du centurion (Fils de Dieu) (15, 39) [a'] La compagnie de Jésus : les femmes qui l'avaient suivi en Galilée et regardaient à distance (40-41) ; transition vers la mise au tombeau et la résurrection qui invite à le rejoindre en Galilée

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* Elie : célèbre prophète du 9ème siècle av. J.C., “enlevé au ciel”, attendu comme devant revenir préparer la venue du Messie (Mc 9, 11). Le nom d'Elie en hébreu : 'Eliyahu, parfois abrégé en 'Eliya, signifie YHWH est mon Dieu. La différence entre ce que Jésus a crié et ce que des gens ont compris ou voulu comprendre, montre une fois de plus, selon Marc, qu'ils passaient complè-tement à côté du sens de l'événement. Jésus avait déjà dit (Mc 9, 11) qu'il n'y avait plus à attendre Elie pour préparer le peuple à la venue messianique : Elie était bien venu, mais en la personne de Jean-Baptiste, exécuté en raison de son témoignage, et c'est par la souffrance que celui-ci avait préludé à la venue du Christ en sa Passion ; donc pas question qu’Élie vienne descendre Jésus de la croix. * Heure : Le récit de Marc est scandé par les trois heures de la journée, qui, dans le système romain, indiquent autant la durée que l'heure précise : à la 3ème heure (9h du matin) Jésus est crucifié, de la 6ème heure (midi) à la 9ème heure (15h) les ténèbres couvrent la terre entière, et à la 9ème heure Jésus jetant un grand cri expira. Ce cadrage horaire pourrait signifier la maîtrise de Dieu sur le tempo de ce récit, comme dans les apocalypses. * Myrrhe : résine aromatique ; en poudre, elle pouvait servir de parfum ou d'encens (voir le récit des Mages en Mt 2, 11) ; en liquide, mélangée au vin, elle avait une action enivrante et anesthésiante : offrir ce mélange à Jésus au moment de la crucifixion (Mc 15, 23) était un acte charitable ; mais Jésus ne le prit pas. Le texte parallèle de Matthieu a remplacé la myrrhe du texte de Marc par du “fiel” (symbole d'amertume) : “ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel” (Mt 27, 33), ce qui fait allusion à la méchanceté des ennemis d'un psalmiste, figure de Jésus crucifié : “Et ils m'ont donné pour nourriture du fiel, pour étancher ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre” (en grec Ps 68, 22). La mention du vinaigre se retrouvera chez Mc-Mt dans une seconde proposition, moqueuse cette fois, lorsqu'au bout d'une tige de roseau on présentera à Jésus une éponge imbibée de vinaigre (Mc 15, 36 // Mt 27, 48), soi-disant pour lui donner le temps d'attendre le secours du prophète Elie. Nous constatons une certaine liberté des récits évangéliques dans la figuration des détails, en fonction de l'image qu'ils veulent donner de Jésus et de l'éclairage des Écritures qu'ils veulent projeter sur lui : Marc, le courage et la lucidité de Jésus ; Matthieu : la configuration de Jésus aux pauvres des Psaumes qui subissent toute sortes d'outrages pour leur fidélité à Dieu. L'un et l'autre sont vrais, même si certains détails peuvent être inexacts. * Voile du temple : il y avait un voile extérieur, immense et richement décoré, devant le vestibule et un voile intérieur entre le Saint et le Saint des Saints. Ce qui est visé par le récit de Marc est plutôt le voile extérieur, le seul visible par le public. Sa déchirure complète, irréparable, symbolise la désacra-lisation du Temple. Dans un texte du judaïsme tardif (1er s. av JC), Testament de Lévi (10, 3), il est dit que “quand Dieu ne peut plus supporter Jérusalem à cause de la méchanceté des prêtres, le voile est déchiré pour que leur honte ne puisse plus être couverte” (R.E. BROWN, 1210).

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II – ET MAINTENANT AU TEXTE 1. Par rapport à ce que nous avons en tête à propos du “chemin de croix” qu’est-ce que Marc ne dit pas ? Que dit-il ? 2. Les personnages : - ceux qui se moquent : observez ce qu’ils disent, ce qu’ils font.

- ceux qui aident : ce qu’ils font. 3. Les moqueries : sur quoi portent-elles ? 4. Le temps : (voir lexique) repérer ce qui se passe aux heures citées. Quelle progression ? 5. Les citations du Ps 22 : comparer verset à verset. Remarquer que dans l'ordre des citations “ça va à l’envers”. Qu’est ce que cela signifie ? 6. Les emplois du verbe voir, du verbe croire dans ce texte : quel lien entre les deux ? III – ACTUALISATION - Aujourd’hui, au pied de la croix, avec qui suis-je ? (le centurion, Simon de Cyrène, les femmes, les passants…) Approfondir ce que nous pouvons dire des figures de ces divers personnages. - La mission de Jésus est tournée en dérision : aujourd’hui l’Église aussi est critiquée, les chrétiens sont souvent moqués. Comment est-ce que je le vis ? - Les symboles de glorification : dans cette scène douloureuse et sombre, ne voit-on pas déjà paraître quelques lueurs ? Lesquelles ? Quels sont les traits positifs épars dans ce récit ? Et dans ma vie d’aujourd’hui ? IV – PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer ce texte : “Les personnes très démunies rejoignent une intuition cruciale portée par la tradition chrétienne : la communion passe par la reconnaissance en nous de ce qui manque à être, de ce qui demeure en attente qui a soif, qui est en souffrance, et qui bien souvent aussi est enfermé, voire même fermé tout court. Ce lieu est effrayant, car il nous plonge au bord du précipice, au bord du vide. Mais, comme chrétiens, nous découvrons avec stupéfaction que cet abîme n'est pas vide. Il est habité par quelqu’un, par le Christ, qui y a été plongé. C'est ce que nous célébrons le vendredi saint, et nous restons face à l'abîme jusqu'au chant de l'Exultet au cours de la veillée pascale. Cette descente du Christ au plus noir de la nuit, c'est sa Pâque, c'est la manière qu'il a eue de continuer d'être présent à nous, alors que nous ne voulions plus de lui et que nous l'avions signifié en le pendant au bois de la croix.

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Lui, expulsé de notre humanité et de ses jeux de reconnaissance mutuelle, déchu de la dignité d'homme, est demeuré présent à nous, en restant dans cette position d'exclu, de recalé de l’histoire. Et depuis ce gouffre, il a continué son passage ; il y a rencontré ses frères, eux aussi recalés, c'est leur main qu'il a d’abord saisie, comme on le voit sur l'icône de la descente aux enfers, il les a pris avec lui pour les mener vers son Père. Nous pouvons nous aussi nous inscrire dans cette marche...” E. GRIEU, Un lien si fort (p 90) Psaume 22, 2-22 “à l'envers” (selon l'ordre de reprise des versets dans le récit de la crucifixion) Tu me mènes à la poussière de la mort. sauve-moi de la gueule du lion et de la corne des buffles. Préserve ma vie de l'épée, arrache-moi aux griffes du chien ; Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide ! Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent. Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m'entoure. Ils me percent les mains et les pieds ; Ma vigueur a séché comme l'argile, ma langue colle à mon palais. Mon cœur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles. Je suis comme l'eau qui se répand, tous mes membres se disloquent. Des lions qui déchirent et rugissent ouvrent leur gueule contre moi. Des fauves nombreux me cernent, des taureaux de Basan m'encerclent. Ne sois pas loin : l'angoisse est proche, je n'ai personne pour m'aider. A toi je fus confié dès ma naissance ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu. C'est toi qui m'as tiré du ventre de ma mère, qui m'a mis en sûreté entre ses bras. Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête : Il comptait sur le Seigneur : qu'il le délivre ! Qu'il le sauve, puisqu'il est son ami ! « C'est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais. Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n'étaient pas déçus. Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple. Toi, pourtant, tu es saint, toi qui habites les hymnes d'Israël ! Mon Dieu, j'appelle tout le jour, et tu ne réponds pas; même la nuit, je n'ai pas de repos. Le salut est loin de moi, loin des mots que je rugis. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Cantiques Chant du vendredi saint, MYSTÈRE DU CALVAIRE H 44 Mystère du Calvaire, scandale de la Croix : Le Maître de la Terre, esclave sur ce bois ! Victime qui fait croire, toi seul es le Sauveur. Toi seul, le Roi de Gloire, au rang des malfaiteurs...

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Tu sais combien les hommes ignorent ce qu'ils font : Tu n'as jugé personne, tu donnes ton pardon. Partout des pauvres pleurent, partout on fait souffrir, Pitié pour ceux qui meurent, et ceux qui font mourir. Afin que vienne l'Heure promise à toute chair, Seigneur, ta Croix demeure dressée sur l'univers ; Sommet de notre Terre où meurt la mort vaincue, Où Dieu se montre Père, en nous donnant Jésus... Ne descends pas dans le jardin D. RIMAUD, H 119 Ne t’étends pas sur cette croix, Oh Jésus, Ne t’étends pas sur cette croix Jusqu’à mourir ! Si je ne m’étends pas sur cette croix Comme un oiseau, Qui donc vous gardera contre l’Enfer Où vous alliez ? Notre Père Oraison : Jésus, tu prends la voie de l’abaissement. Tu descends dans les ténèbres et la faiblesse humaine. Tout va s'accomplir. Jésus, vrai chemin, en nous rejoignant au creux de nos ombres et de nos solitudes, conduis-nous à la vie. Amen

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V - CLÉS DE LECTURE 1. Le chemin de croix : la faiblesse de Jésus (15,21-22) Ce sont les soldats romains qui le font “sortir”, non seulement du prétoire de Pilate, mais de la ville ; le lieu d’exécution se trouvait à l'une des portes de la ville (voir aussi Ac 7, 58) ; l’épître aux Hébreux donnera un sens fort à cette “ sortie ” : “Jésus a souffert hors de la porte de la ville. Sortons donc hors du camp pour aller à lui en portant son humiliation car nous n'avons pas ici-bas de cité permanente” (He 13, 12-13). Simon de Cyrène (voir Lexique) revenait des champs, il revenait de la campa-gne vers la ville. Il ne s'est pas présenté de lui-même comme volontaire, il a été réquisitionné. Ce qu'il doit porter est la traverse horizontale de la croix ; il la porte à la place de Jésus. Cette réquisition suppose que Jésus devait être très affaibli par la flagellation antérieure ; les soldats peuvent redouter que Jésus n'arrive pas vivant au lieu de l’exécution, ce qui contreviendrait aux ordres du Gouverneur. Un jour Paul écrira que le Christ “a été crucifié dans sa faiblesse, mais il vit en vertu de la puissance de Dieu ; nous aussi (les apôtres), nous sommes faibles en lui, mais nous vivrons avec lui, pour vous, en vertu de la puissance de Dieu” (2 Co 13, 4). Notre force dans la faiblesse ne sera pas un Simon de Cyrène seulement, mais la grâce du Christ qui se déploie dans la faiblesse (2 Co 12, 9). 2. Le crucifiement lui-même : le dénuement du Pauvre (15, 22-27) Le récit de Marc ne s'attarde pas sur les modalités ni sur les souffrances de la mise en croix ; cela est dit d'un mot : “ils le crucifient” (15, 24). Mais l'acte est encadré par des gestes qui disent le sens de ce qui se passe. Avant : Marc note le refus de Jésus de prendre la boisson anesthésiante qui aurait soulagé ses souffrances, mais aussi atténué la conformité entière au dessein du Père qu'il a accepté dans la prière de Gethsémani (“boire cette coupe” Mc 14, 36). Après : le partage de ses vêtements entre les soldats ; cela est dit en des termes qui reproduisent de très près le langage du juste souffrant du Ps 22 (21), 19, afin de montrer, sans avoir à le dire, sans formule de citation, que Jésus accomplit en sa Passion cette figure du Pauvre si souvent évoquée dans la prière des Psaumes, auquel on prend tout : sa vie, son honneur, ses vêtements. Il assume la figure des pauvres, mis à nu sous la violence et l'avidité de leurs oppresseurs. Le mépris affecte aussi la nudité. Ensuite l’écriteau selon la coutume romaine d'indiquer le motif de l’exécution. Marc a simplement "le Roi des Juifs", sans même son nom (ce que Mt 27, 37 a suppléé: "Jésus, le roi des Juifs"). C'est comme une notice d'information dissuasive à l'égard du grand public, à proximité d'une porte de la ville nécessairement très fréquentée. Jusqu'au dernier moment Jésus est victime de la fausse accusation de prétendre à la royauté37. La dérision en acte

37 « Le fait qu'une prétention à la royauté puisse susciter une réaction romaine violente peut être

vérifié par la crucifixion en masse qu'ordonna Varus, gouverneur romain, contre des rois autoproclamés et leurs adeptes après la mort d'Hérode le Grand » (RE BROWN, La mort du Messie, p 1066).

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prolonge cette fausse accusation : Jésus est crucifié entre deux brigands, comme entre ses deux assesseurs, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Les lecteurs de Marc peuvent se souvenir que Jacques et Jean, les fils de Zébédée, demandaient à Jésus la faveur de se trouver à sa droite et à sa gauche lorsqu'il paraîtrait dans sa gloire (10, 37) ; mais où sont-ils en ce moment où la vraie royauté de Jésus s'inaugure sur une croix? Au moment de l'arrestation, Jésus avait protesté que l'on était venu se saisir de lui avec des épées et des bâtons comme pour un bandit (14, 48) ; le voici maintenant crucifié comme tel. L'abaissement continue.

3. La dérision face à un Messie crucifié. Aussitôt après avoir “planté le décor” (la mise en croix entre deux brigands), le récit de Marc s’attarde sur des scènes de dérision (15, 29-32). Il y en a trois, en progression pour dire la solitude absolue de Jésus. Personne ne lui manifeste le moindre geste de compassion, au contraire. D'abord les “passants”, une foule anonyme comme il peut y en avoir à la porte d'une ville ; ils ont dû plus ou moins entendre parler de Jésus, des prétentions qu'on lui attribue, en particulier à l'égard de ce qui est le cœur de la nation et de la religion : le Temple. Ils “blasphémaient” Jésus en hochant la tête : la formule rappelle celle du Psaume : “tous ceux qui me voient me bafouent, ils hochent la tête” (Ps 22 (21), 8), joignant le geste à la parole. Jésus avait été accusé de blasphème lors du procès devant le Sanhédrin ; maintenant, aux yeux de l’évangéliste, ce sont eux qui “blasphèment” Jésus en déformant et ridiculisant sa revendication authentique d'inaugurer le véritable temple de Dieu. Ils l'interpellent directement : “Hé ! Toi qui détruis le temple...” Le défi de rebâtir le Temple en trois jours, selon leur réception de la rumeur, leur sert de prétexte pour mettre en question la puissance qu'elle implique : “sauve-toi toi-même en descendant de la croix”. Ensuite les Grands-Prêtres et les Scribes - deux composantes majeures du Sanhédrin - dont certains membres sont supposés être là pour assister à la réalisation de la condamnation réclamée; ils persiflaient entre eux au sujet de ses actes de guérisons (il en a sauvé d'autres) et de sa prétention messia-nique d'être “le Christ, le Roi d'Israël” (ils n'emploient pas ici un titre politique : “le roi des Juifs” mais un titre de signification religieuse). Même mise en demeure : descendre de la croix, car le Messie de Dieu ne peut pas, selon eux, être victime des païens ; alors, disent-ils en se moquant, ils verront et ils croiront. Enfin, ceux qui pourraient avoir de la compassion, les deux crucifiés à sa droite et à sa gauche : ils ne font que l'outrager (dans le récit de Marc il n'y a pas de “bon larron” comme dans Luc). Jésus est vraiment seul sous la dérision universelle. C'est une insistance forte du récit de la Passion chez Marc que de mettre en valeur la solitude de Jésus. On peut penser à la plainte du Ps 22, 7 : “mais moi injurié par les gens, rejeté par le peuple”. Mais il faut remarquer aussi et surtout l'insistance sur le défi fondamental qui traverse ces trois moments de dérision : c'est la croix elle-même, comme dénégation en acte de la prétention de Jésus à être et à faire ce qu'il prétend. On retrouve ici les deux thèmes du procès devant le Sanhédrin : la destruction et l'édification du Temple et son identité de Messie, Fils de Dieu. Pour chacun des deux, Jésus est sommé de descendre de la croix s'il veut

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qu'on lui donne raison. Évidemment ceux qui le réclament ne le croient pas. Et si Jésus répondait à leur demande il céderait au même genre de tentation que lorsqu'on lui demandait “un signe du ciel” (Mc 8, 11-13)38, où le spectaculaire dispenserait d'une démarche de foi et servirait de base à un messianisme de puissance. Réclamer de “voir” pour “croire” est ici une demande de mauvaise foi qui ne veut pas entendre parler du véritable messianisme de Jésus ni de la démarche spirituelle requise pour s'y accorder. Tel n'est pas en effet le messianisme de Jésus, comme cela apparaît dans les débats menés avec les disciples au cours de son ministère public lors des trois annonces de la Passion. Dès la première (Mc 8, 31-38) Jésus rabroue Pierre qui s'y oppose en le traitant de Satan : il fait figure de tentateur qui se met en travers du dessein de Dieu. Dans la deuxième (Mc 9, 30-37) et la troisième (Mc 10, 32-45), Jésus montre qu'en prenant le chemin de la Passion, il prend le chemin de l'humilité et du service jusqu'au don de sa vie, à l'envers de la volonté de promotion et de gloire qui habite les disciples. C'est pourquoi le défi qui lui est adressé quand il est sur la croix de se sauver lui-même, puisqu'il en a sauvé d'autres, contredit sa parole qui proclame : “Quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera” (Mc 8, 35). Il est le premier à avoir risqué ce tout pour le tout et c'est pourquoi il a pu inviter ceux qui veulent devenir ses disciples à prendre ce même risque à sa suite. Il ne va pas maintenant changer de route. Ce n'est pas parce qu'il chercherait à se sauver lui-même qu'il en sauverait d'autres ; le lui demander, ce serait lui demander de se renier lui-même et lui demander de promouvoir un salut qui est aux antipodes de l’Évangile qu'il proclame. “C'est seulement s'il reste sur la croix pour y mourir que l'on croira qu'il est vraiment le Fils de Dieu” (Mc 15, 39) (RE. BROWN). Paul saura dire que le Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs, est en réalité sagesse et puissance de Dieu pour nous, les croyants (1 Co 1, 23-25). 4. La mort dans l’extrême abandon (15, 33-38) Ce moment du récit est structuré de la manière suivante : Signe cosmique : les ténèbres en plein jour, (33) Cri de Jésus articulé : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ?… (34) Geste du vinaigre offert (35-36) Grand cri inarticulé (37a) et mort (37b) Signe cosmique : le voile du temple déchiré, (38)

La mort de Jésus elle-même (37) est donc encadrée par deux bouleverse-ments cosmiques, - elle est un événement cosmique, eschatologique - et par deux mentions d'un cri de Jésus, l'un articulé en forme de prière (34), l'autre sans contenu verbal, un grand cri (37). Entre l'évocation de ces deux cris, le récit comme en dernier sursaut - mais ce semble être une dernière moquerie - de l'attente de l’intervention du prophète Elie qui pourrait venir sauver Jésus (35-36).

38 Les lecteurs de Mt et de Lc penseront à la tentation de Jésus au désert : « Si tu es le fils de

Dieu, jette-toi d'en haut du pinacle du temple...» Mc n'a pas ce récit; pour lui la tentation se présente au cours de son ministère (Mc 8, 34) et elle se répète quand il est sur la croix.

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Récit du crucifiement de Jésus.- 113 -

a. Le premier signe cosmique des ténèbres avant la mort de Jésus, est l'expression classique dans les écrits des prophètes (So 1, 15; Jo 3, 4) de la Colère de Dieu et de son Jugement sur son peuple et les autres peuples pécheurs. Le plus clair à évoquer ici est celui du prophète Amos qui annonce le Jour de “YHWH” sur son peuple rebelle:

“Il adviendra en ce jour-là - oracle du Seigneur Yahvé - que je ferai coucher le soleil en plein midi et que j'obscurcirai la terre en un jour de lumière. 10 Je changerai vos fêtes en deuil et tous vos chants en lamentations; je mettrai le sac sur tous les reins et la tonsure sur toutes les têtes. J'en ferai comme un deuil de fils unique, sa fin sera comme un jour d'amertume.” (Am 8, 9-10)

b. Le second signe, juste après la mort, est celui du voile du temple qui se déchire en deux verticalement. L'interprétation de ce signe se partage entre ceux qui veulent y voir un signe positif : désormais le Sanctuaire est acces-sible à tous, même au profane, et ceux qui veulent y voir un signe négatif, comme celui des ténèbres : le Temple est désacralisé, il ne bénéficie plus de la présence divine. Cette seconde interprétation convient mieux au contexte. La mort de Jésus réalise en vérité la destruction du Temple ancien “fait de main d’homme” au profit du Temple nouveau qui sera la personne même du Christ confessé dans la foi (comme va le faire déjà, de manière anticipée, le centurion romain). En tous cas, Dieu qui semblait avoir abandonné Jésus commence déjà de donner des signes de sa réhabilitation. c. Le premier cri de Jésus est un cri de détresse emprunté au psaume 22 (21). Dans ce psaume, il est un vigoureux “Pourquoi” qui dit l'incompréhen-sion totale de l’abandon de Dieu à l'égard de celui qui est pourtant donné totalement à Lui dès sa naissance, qui n' a cessé de l'invoquer (“Mon Dieu, c'est Toi”), de s'appuyer sur Lui ; il paraît une exception incompréhensible au sein d'une histoire millénaire d’invocation et de salut ; pourquoi lui seul éprouve-t-il le silence de Dieu au moment le plus critique de sa vie, livré entre les mains des impies pour la cause même de son Dieu ? Ce “pourquoi ?” est celui-là même de Jésus crucifié. Il est vain et artificiel de prétendre qu'en disant le début du psaume Jésus renvoie à sa totalité, y compris à sa finale qui est un chant de louange pour l'intervention divine ; il n’est pas question ici, dans la prière de Jésus, de cette intervention et d'une louange anticipée. On remarquera que les citations ou allusions à la plainte du psaume 22 ne vont pas, dans le récit de Marc, du début à la fin du psaume (et donc de la détresse vers la louange), mais dans le sens inverse : des figures d’oppression humaine des ennemis et de l'entourage (24-29), vers le cri de détresse du début à l'endroit de Dieu lui-même (34) ; c'est en quelque sorte fermer toute issue. Jésus n’éprouve que la détresse d'un abandon conduit à l'extrême : aucun humain ne lui a manifesté la moindre compas-sion ; au contraire même ses compagnons crucifiés l'outragent, les ténèbres qui couvrent la terre ajoutent aux ténèbres de l'âme ; Dieu lui-même reste silencieux. Nous ne parlerons pas de désespoir, car celui qui prie ne désespère pas d'un désespoir absolu, mais l'angoisse atteint une profondeur insondable. En reprenant le “pourquoi ?” du psaume, Jésus n'invoque pas son “Père” (son “Abba”) comme à Gethsémani, mais “son Dieu”, comme s'il n'était plus qu'un serviteur parmi les autres, sans privilège d'une relation filiale spéciale. La seule parole que prononce Jésus depuis son procès est un “Pourquoi ?”, dont il

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Récit du crucifiement de Jésus.- 114 -

attend sans doute la réponse, mais qu'il ne connaîtra pas avant d'avoir rendu le dernier soupir. Le second cri est-il un doublet dans le récit de Marc ? Marc aime bien dire les choses deux fois. Mais cette fois le cri ne dit aucune parole. La violence et la force de ce cri sont-ils une manière de dire la maîtrise de Jésus : il ne laisse pas sa mort passer inaperçue ? d. L'épisode du vinaigre semble lui aussi faire doublet avec l'offre initiale du vin mêlé de myrrhe ; mais il a un tout autre sens. Il n'est pas un geste positif pour adoucir les souffrances. Il est présenté comme un geste d'ironie. Jésus appelle “Élie”, imagine-t-on à partir de son cri de détresse. Élie n'est-il pas le dernier recours des mourants dans le monde juif ? Surtout n'est-ce pas Élie qui devrait préparer la route à la manifestation du Messie ? Voir le lexique. Prolongeons le crucifié par un peu de piquette vinaigrée au bout d'une éponge, on verra bien si Élie vient à son secours. Cet épisode renforce l'aspect désespéré de la situation en y ajoutant une note d'ironie. 5. Les réactions : le début d'une glorification (15, 39-41) “Voyant qu'il avait expiré ainsi, le centurion s'écria : Vraiment cet homme était fils de Dieu”. Il est difficile de dire à quoi renvoie exactement la remar-que : “voyant qu'il avait expiré ainsi” ? Qu'a donc vu le centurion ? Est-ce l’attitude de Jésus ? Les bouleversements extérieurs ? (mais a-t-il pu voir la déchirure du voile du temple ?) Les deux à la fois ? Question oiseuse. Ce qui importe, c'est ce que l'évangéliste veut nous faire lire : la Passion vécue par Jésus dans son intégralité jusqu'à ce dernier cri est la véritable révélation de son identité de Fils de Dieu. Cela est conforme à la confession de foi chrétienne. Il n'est pas nécessaire que le centurion en ait compris et confessé à ce moment-là toute la profondeur ; mais le récit de Marc met en scène ce qui en est le véritable chemin : voir Jésus crucifié, non pas du regard neutre ou critique des passants et des contestataires, mais du regard positif sur une Passion et une mort profondément humaine, religieuse et fidèle. Ainsi, dans le récit de Marc, c'est seulement devant la croix que l'on peut confesser le véritable messianisme de Jésus et sa véritable identité de Fils de Dieu. C'est ici l'achèvement de tout le chemin de révélation que Marc a dessiné depuis le titre de son évangile (Mc 1, 1) : “Commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu”. Il a fallu dissiper bien des ambiguïtés, faire taire bien des proclamations inopportunes et indésirables, pour en venir à la confession de foi authentique, et c'est un païen qui a l’honneur de la proclamer le premier, signe de l'universalité de l’Évangile. Une dernière image clôt le récit, celle “des femmes qui avaient suivi et servi Jésus en Galilée”. Les deux verbes sont significatifs : il n'y avait pas que des hommes à le “suivre”, ce qui révèle l'ouverture féministe de Jésus, et elles le servaient, ce qui va devenir pas seulement un service matériel, mais ce qui annonce un service de la Parole, comme on le vit dans les Églises au temps de Marc. Elles sont là, certes à distance, parce que les soldats romains ne permettent pas au public de s'approcher du crucifié. Mais au moins elles ne se sont pas enfuies comme les disciples. Elles vont faire le lien entre la crucifixion, la sépulture et le tombeau ouvert.

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Les femmes au tombeau, sépulture et résurrection.

(Mc 15, 40 - 16, 8)

8ème Rencontre

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Les Femmes au tombeau. - 117 -

Les femmes au tombeau, sépulture et résurrection (Mc 15, 40-47 ; 16, 1-8)

Sépulture Mc 15, 40 – 16,8 15, 40 Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé, 41 qui le suivaient et le servaient lorsqu'il était en Galilée ; beaucoup d'autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem. 42 Déjà le soir était venu; or, comme c'était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer*, 43 Joseph d'Arimathie* intervint. C'était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d'aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. 44 Pilate, s'étonnant qu'il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. 45 Sur le rapport du centurion, il octroya le cadavre à Joseph39. 46 Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l'enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l'entrée du tombeau. 47 Or, Marie de Magdala et Marie, mère de Joset, regardaient l'endroit où on l'avait mis. Visite au tombeau (BJ) 16:1 Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps. 2 Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s'étant levé. 3 Elles se disaient entre elles : " Qui nous roulera la pierre hors de la porte du tombeau ? " 4 Et ayant levé les yeux, elles virent que la pierre avait été roulée de côté : or elle était fort grande. 5 Étant entrées dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche, et elles furent saisies de stupeur. 6 Mais il leur dit : " Ne vous effrayez pas. C'est Jésus le Nazarénien que vous cherchez, le Crucifié : il est ressuscité, il n'est pas ici. Voici le lieu où on l'avait mis. 7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. " 8 Elles sortirent et s'enfuirent du tombeau, parce qu'elles étaient toutes tremblantes et hors d'elles-mêmes. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur...

39 « octroya le cadavre » : modification (PB) de la traduction liturgique : « il permit à Joseph de

prendre le corps ».

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Les Femmes au tombeau. - 118 -

LES FEMMES AU TOMBEAU SÉPULTURE ET RÉSURRECTION

FICHE POUR LES PARTICIPANTS I – POUR LIRE Les femmes au premier plan de l'événement Nous lisons ensemble le récit de la sépulture et celui de la visite des femmes au tombeau le matin de Pâques. Ces quelques femmes avaient “suivi” Jésus en Galilée, à la manière des disciples, et elles le “servaient” (Mc 15, 40-41), témoignant ainsi du féminisme et de l'anticonformisme de Jésus. Les disciples se sont enfuis dès l’arrestation ; ces femmes, elles, sont encore là, même si l'évangéliste les représente à distance, car les soldats qui exécutent la sentence ne devaient laisser approcher aucun sympathisant. Ce sont elles encore qui seront les premières à être confrontées au tombeau laissé vide par Jésus ressuscité. L'indication de leur présence aux derniers moments et à la sépulture de Jésus (15, 40.47) fait le lien entre le récit de Passion qui s'achève et le récit de Pâques qui s'annonce. Le récit est tendu entre “le soir déjà venu” (15, 41) de la descente de croix et “le soleil déjà levé” (16, 2) de l'aube pascale. La nuit annonce le Jour. Quelle finale pour l'évangile de Marc ? Le récit de la visite des femmes au tombeau se termine de manière abrupte : les femmes sont tellement bouleversées par ce qu'elles voient et par ce qu'elles entendent qu'elles s’enfuient et ne disent rien à personne : “elles avaient peur” (Mc 16,8). C'est le dernier mot du récit, c'est aussi le dernier mot de l'évangile de Marc lui-même, tel qu'il nous reste entre les mains ; son évangile ne comporte aucun récit d'apparition pascale, bien qu'il en ait connaissance puisqu'il y fait allusion : “Il vous précède en Galilée, là vous le verrez” (16, 7). Comment expliquer cette interruption ? La finale aurait-elle été perdue ? Rien ne permet de le dire. Mais des éditeurs du texte au 2ème siècle ont voulu en ajouter une, brève ou longue (Voir VI Pour aller plus loin). Mais, si bien intentionné que ce fût, fallait-il inventer à l'évangile de Marc une autre finale que celle qui surprend et déroute son lecteur ? Et si c'était la visée de Marc de nous mettre en face de l'inouï incompréhensible de cette résurrection de Jésus ? Pour provoquer les disciples (et les lecteurs à leur suite) à revenir sur le récit de son ministère en Galilée, y retrouver les mêmes étonnements et se trouver propulsés par ce dernier retournement à annoncer ce qu'ils n'avaient pas su percevoir et comprendre auparavant ? C'est fini, on recommence ? Non, cette fois on commence vraiment et l'on peut intituler sans peur et sans crainte : “Commencement de l'évangile de Jésus, Christ, fils de Dieu” (Mc 1, 1).

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Lexique * Arco-solium (tombe en) : la pierre roulée ferme la salle funéraire autour de laquelle sont disposés des bancs de pierre surmontés d’un arc, bancs sur lequel reposent les cadavres.

* Arimathie : identifiable à l'ancien Ramata de 1Sa 1, 1 et au village actuel de Rentis à 30 km au nord-est de Jérusalem (C. FOCANT, op cit p 591) * Préparation (15, 42) : terme technique (parascève) du rituel juif qui désigne la préparation du sabbat ; cette notation indique l'urgence d'agir pour descendre le corps de la croix avant que le repos sabbatique, qui commence le soir, ne l'interdise II – ET MAINTENANT AU TEXTE 1. Joseph d'Arimathie qui est-il ? Que fait-il ? (Prendre le temps de regarder le personnage : son courage, sa hâte...) 2. Les femmes : qui sont-elles ? Leur nom ? Que font-elles ? Quel message reçoivent-elles? Son contenu ? 16, 1-8, 15, 40-41 3. Qui est ce jeune homme vêtu de blanc? Que fait-il? Que dit-il ? La réaction des femmes en 16, 8 vous surprend-elle ? 4. Pourquoi le rendez-vous est-il donné en Galilée ? Que représente la Galilée pour Jésus ? Relire Mc 1,14-15 ; voir aussi Mt 4, 12-17. III - ACTUALISATION - Que peuvent signifier pour moi, pour nous, lecteurs du XXIème siècle, le silence, la peur des femmes ? - Mes peurs, mes craintes, mon silence pour témoigner de l’Évangile de Dieu ne rejoignent-elles pas celles des femmes galiléennes ? Quel lien avec ma foi en la Résurrection de Jésus-Christ? - Homélie du pape François à la veillée pascale évoquant : “L'attitude des femmes devant le tombeau vide qui restent : hésitantes, perplexes, pleines de questions...Nous avons peur des surprises de Dieu... Il nous surprend toujours !”...

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IV – PISTES POUR LA PRIÈRE Lire et méditer cette réflexion d'un commentateur de Marc : “L'évangile n'est pas une histoire écrite par un cynique ou un auteur de roman noir. Il aurait pu en être ainsi. Il aurait suffi d'un verset en moins, le verset 6 du chapitre 16 ; un verset qui nous apprend que Jésus est ressuscité, qu'il n'est plus ici dans le tombeau du désespoir et de la mort. Il n'est plus ici. Mais où est-il ? Pas au ciel dans une majesté infinie et inaccessible; pas non plus dans le palais de Pilate ou devant le sanhédrin pour leur prouver qu'ils se sont tous trompés en voulant le supprimer. Non. Le Ressuscité est en Galilée où il précède et où il attend les disciples, pour recommencer. Recommencer à prêcher, à guérir, à marcher sur le chemin, à controverser avec les scribes, bref : recommencer à lire et à dire l'Évangile de Jésus de Nazareth, mais cette fois, à la lumière du tombeau vide. L'évangile n'est pas un roman noir; il n'est cependant pas non plus un roman à l'eau de rose, au happy end rassurant et féerique. Il n'est pas possible, une fois écoutée l'histoire du début à la fin, d'en ressortir comme l'on referme un roman d'amour, de se mettre à rêver de lendemains qui chantent et d'idylle romantique. Il ne suffit pas non plus de se repasser intérieurement l'histoire et de la comprendre à partir de ce fait nouveau qu'il est ressuscité : comme s'il s'agissait d'un puzzle patiemment construit dont il ne nous aurait manqué qu'une pièce maintenant en notre possession. Et la peur des femmes est bien la preuve qu'une telle attitude n'est pas possible. Il s'agit, plus radicalement, de “retourner à la case départ” de l'histoire de Jésus de Nazareth, mais cette fois en commençant le chemin avec Lui, en marchant avec Lui, en devenant un acteur de son histoire, qui deviendra alors la nôtre: “ Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez comme Il vous l'a dit.” Pour le lecteur croyant, ce retour en Galilée est synonyme d'un travail de relecture, de réinterprétation de l'existence de Jésus à la lumière de l'événement pascal: pour lui, il n'y a pas d'autre accès au Jésus de l'histoire que le Christ de la foi. Le silence des femmes laisse donc une place au lecteur, au-delà de cette peur qui trop souvent le paralyse et le fait taire, pour qu'il prenne lui-même la parole et témoigne de l'Évangile de Dieu. Et cet Évangile, cette Bonne Nouvelle, c'est que chacun est invité à rencontrer le Ressuscité là où il se révèle à l'homme, sur le chemin de son existence quotidienne. Un quotidien où il inscrit une rupture dans les déterminismes, une interpellation au cœur des fausses sécurités, un apaisement dans les tribulations, en un mot l'irruption de la grâce de Dieu dans la vie même de l'humain”. Elian CUVILLIER,op cit p 311-312

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Cantiques Il est vivant Prière du Temps Présent p 345

Il est vivant! Tu l’as vu la première. Parle, Marie de Magdala! Hors du tombeau, debout dans la lumière, Il dit Marie! c’était sa voix! Nous l’avons vu ressuscité, Nous, témoins de la vérité: Il est venu, il reviendra, Amen, alléluia! Amen, alléluia!

Est ce Jésus, celui qui t’a fait signe De l’approcher? Dis-nous, Thomas! Sur mon Seigneur et mon Dieu, moi, indigne, J’ai vu les marques de la croix. Nous l’avons vu ressuscité, Nous, témoins de la vérité: Il est venu, il reviendra, Amen, alléluia! Amen, alléluia!

Le cœur brûlant, vous alliez près du Maître, Vers Emmaüs, sur le chemin. Nous étions deux, il s’est fait reconnaître, Le soir à la fraction du pain. Nous l’avons vu ressuscité, Nous, témoins de la vérité: Il est venu, il reviendra, Amen, alléluia! Amen, alléluia!

Depuis Damas, tu ne peux plus te taire, Confirme nous ce que tu crois! Moi, Paul, je dis qu’ils étaient cinq cents frères, Témoins du Christ, tous à la fois. Nous l’avons vu ressuscité, Nous, témoins de la vérité: Il est venu, il reviendra, Amen, alléluia! Amen, alléluia!

Vous étiez onze, nous dit l’Écriture, La nuit couvrait Jérusalem. Il a paru, il montrait ses blessures, Il a soufflé son Esprit saint. Nous l’avons vu ressuscité, Nous, témoins de la vérité: Il est venu, il reviendra, Amen, alléluia! Amen, alléluia!

Ne descends pas dans le jardin D. RIMAUD, H 119 Ne descends pas dans le tombeau, Oh Jésus, Ne descends pas dans le tombeau Qu’ils on creusé ! Notre Père Oraison : Jésus, les femmes sont les messagères de ta Résurrection. Le tombeau est là mais il est ouvert, il est désormais habité par un vivant vêtu de blanc qui nous parle d'un autre Vivant, de toi Jésus le crucifié. Que ta lumière illumine nos ténèbres. Un nouveau monde vient de naître où la lumière est plus forte que les ténèbres. Comme aux femmes tu nous confies la mission de dire la prodigieuse nouvelle de ta résurrection. Donne-nous de nous laisser ensemencer par toi, le Vivant, et l’audace de porter la responsabilité de ce témoignage. Amen

Si je ne descends pas dans le tombeau Comme un froment Qui donc fera lever de vos cercueils Vos corps sans vie ?

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FICHE POUR LES ANIMATEURS V - CLÉS DE LECTURE 1. La sépulture (Mc 15, 41-47) Les personnages Joseph d'Arimathie Il est le seul personnage actif ; il était inconnu jusqu'à présent dans le récit de Marc. Originaire d'Arimathie*, le personnage n'est pas inventé. Bien qu’appartenant au grand Conseil qui, unanimement, s'est prononcé pour la condamnation de Jésus (mais cette “unanimité” était peut-être bien une généralisation de Marc), il est présenté sous un jour positif. Marc n'en fait pas un disciple, mais “il attendait le royaume de Dieu”. On a entendu parler aussi d'un scribe à qui Jésus avait dit : “tu n'es pas loin du royaume de Dieu” (Mc 12, 34). Comme Nicodème en St Jean, “il est à la charnière entre le monde des croyants et le monde incrédule. Il arrive cependant toujours un moment où ces croyants en secret apparaissent au grand jour et manifestent publiquement une solidarité avec le Christ, fût-ce avec son cadavre. A tout prendre, sans doute est-il préférable pour Marc, de se solidariser avec un Jésus mort qu'avec un thaumaturge triomphant”. (E. CUVILLIER, 308) Son intervention – de caractère plutôt expéditif - est motivée par le fait que le soir était déjà avancé et que, selon la Loi, il ne fallait pas laisser un condamné à mort passer la nuit pendu au gibet :

Dt 21, 22-23 : “si un homme coupable d’un péché passible de mort a été mis à mort et que tu l'aies pendu à un bois, tu l’enseveliras le jour même, car celui qui est pendu est une malédiction de Dieu ; tu ne rendras pas impure la terre que le Seigneur ton Dieu te donne comme patrimoine.”

Marc loue son audace : il ose demander à Pilate le cadavre de Jésus. En quoi est-ce audacieux ? Soit parce que la coutume romaine n'était pas d'accorder le cadavre des crucifiés, mais de les laisser aux bêtes sauvages ; soit parce que sa notabilité le signalerait – et l'exposerait - d’autant plus comme sympathisant d'un criminel condamné par le pouvoir. Pilate Il est étonné de la mort si prompte de Jésus, comme il avait été étonné de son silence lors du procès. Habituellement les crucifiés pouvaient passer des heures et des jours avant d'expirer. En mettant en scène une enquête du gouverneur auprès du centurion, le récit répond d'avance à ceux qui mettraient en doute le réalisme de la mort de Jésus et les renvoie à une attestation neutre et officielle. Pilate “octroya” le cadavre à Joseph, c'est un acte gracieux, auquel il n'était pas tenu. Les femmes (Deux seulement sont mentionnées ici : Marie de Magdala et Marie mère de Joset) : elles regardent, elles n'agissent pas (15, 47). Lc 23, 55 leur en fait faire un peu plus ...

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L’action De la sépulture, Marc donne une idée rapide et sommaire : achat d'un linceul (tissu de lin), descente de la croix, enveloppement du corps dans ce linceul sans l'avoir lavé ni embaumé ; pas de mention d'aromates : pour Marc, les rites ont été faits de manière symbolique par une femme lors du repas chez Simon le lépreux : “elle a embaumé mon corps pour l'ensevelissement” (Mc 14, 8) et il sera doublement inutile que le lendemain du sabbat les femmes achètent des aromates pour venir l'embaumer (16, 1). Déposition dans un sépulcre sans doute du type arco-solium*, creusé horizontalement dans le roc avec antichambre et banc de pierre sur lequel le corps est déposé. Marc ne donne aucun autre détail (où était ce tombeau, à qui il appartenait ; Matthieu et Jean donneront ces “précisions”). La pierre roulée permet d'éviter les déprédations qui pourraient être commises par des animaux. 2. La visite au tombeau (16, 1-8) Nous allons d'abord lire l'épisode lui-même, nous verrons ensuite pourquoi et comment il sert de conclusion à l'ensemble du récit de Marc. On va de surprise en surprise : - les femmes vont au tombeau dans l'intention d'embaumer le corps ; quand elles arrivent, elles se demandent entre elles (faute de l'avoir prévu!) qui va leur rouler la pierre ; or, que voient-elles (“ayant levé les yeux”)? Elle est roulée, cette pierre énorme ! - et quand elles entrent, croyant accéder au corps de Jésus déposé sur le banc de pierre, elles voient un jeune homme resplendissant tout vêtu de blanc, elles sont effrayées ; il tente de les rassurer et il leur adresse un message, en deux parties : v. 6 Ce Jésus que vous cherchez, et que vous venez embaumer comme un mort, s'est réveillé (de la mort) ; il n'est plus ici ; “voici le lieu où on l'avait déposé” (sous-entendu : vous voyez qu'il n'y est plus). v. 7 Allez porter ce message aux disciples et à Pierre, qu'il les précède en Galilée, “c’est là qu'ils le verront comme il l'avait dit”. - dernière surprise, pas pour elles, mais pour nous, les lecteurs : les femmes s'enfuient, saisies de peur. Le récit est donc organisé pour faire saisir aux lecteurs le caractère imprévi-sible, stupéfiant de la résurrection de Jésus, et cela pas seulement en lui-même, mais dans l'effet qu'il produit sur ceux qu'il touche quand ils sont mis à son contact. Voir Nous ne lisons pas un compte-rendu (voir les variantes des quatre récits évangéliques), nous lisons une mise en scène qui se veut évocatrice du saisissement que la vue du tombeau vide a pu provoquer. Au cœur du récit, il y a la proclamation du message pascal, caractéristique de la première prédication apostolique, sous les deux faces de la mise à mort et de l'acte de Dieu qui relève et ressuscite (Ac 2, 23 ; 3, 15 ; 4, 10 ; 5, 30 ; 10, 39-40 ; 13, 29-30). Entrons dans le mouvement du récit par lequel se dit le sens.

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- l'indication de temps : les femmes ont laissé passer le sabbat, mais dès que cela est fait, elles procèdent à l’achat d'aromates ; elles se mettent en chemin très tôt, et pourtant, dit le récit : “le soleil est déjà levé” ; langage approximatif ? Mais peut-être s'agit-il aussi d'un autre soleil que celui du cosmos, après les ténèbres de la crucifixion en plein midi ... - la première surprise: “levant les yeux elles voient la pierre roulée”. C'est la première chose qui frappe leur regard. Elles n'ont pas de réponse ; or “cette pierre était énorme” ; cette remarque du narrateur attire notre attention sur le mystère de cette ouverture. Les femmes semblent s'en apercevoir maintenant qu'elle est roulée. Il est trop tôt pour qu’elles se disent que c'est l’œuvre de Dieu qui ouvre les tombeaux pour faire revivre son peuple… Le lecteur, lui, peut se le dire, s'il se souvient d'Ez 37, 13. - “elles voient un jeune homme” : maintenant elles entrent dans le tombeau, dans un espace sur le côté duquel il y a l'arco-solium où normalement devrait reposer le corps ; elles s'apprêtent à procéder à la toilette funéraire qu’elles ont préparée, et qui représente pour elles comme un ultime moyen d'effacer si possible les relents de la mort, de prolonger au moins une apparence de vie. Mais ce qu'elles voient en entrant est ce personnage mystérieux que le narrateur décrit comme un “jeune homme assis à droite, enveloppé dans un vêtement blanc”. A quoi veut nous faire penser le narrateur ? A une apparition angélique ? (ainsi Mt “l'Ange du Seigneur qui a roulé la pierre”, et “les deux hommes” de Lc 24, 4, comme ceux de l'ascension Ac 1, 10). Mais Marc avait déjà parlé, lors de l'arrestation à Gethsémani, d'un jeune homme qui s'était enfui tout nu, laissant entre les mains de ses poursuivants le “linceul” qui lui servait de vêtement (14, 51-52)? Ne serait-ce pas ce même personnage en sa valeur symbolique que le récit de Marc pourrait rappeler ici ? Rappelons l'une des interprétations plausibles de ce détail narratif : à cause du “sindon” (linceul), ce drap qui sert de vêtement à sa nudité, à cause de sa qualité de jeune homme, traits que l'on retrouve dans le récit du tombeau ouvert, ne serait-il pas là, dans le récit de Marc, comme une prémonition symbolique du sort de Jésus qui, maintenant arrêté, puis gisant dans le linceul du tombeau, s'en révèlera libéré ; déjà s'annoncerait en la figure de ce jeune homme la liberté et la gloire du Ressuscité (Mc 16, 5 : “le jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche” )?

La vue de ce jeune homme provoque l'effroi religieux (16, 5) caractéristique des apparitions divines dans les récits bibliques. Il ne se présente pourtant pas comme le Christ ressuscité, dont il va parler à la 3ème personne, et le narrateur ne nous raconte pas une apparition pascale. Mais la mise en scène de ce personnage symbolique ne peut pas ne pas évoquer le Ressuscité ; son vêtement blanc est signe du monde céleste ; sa position assise, à droite, est significative de l'honneur qui lui revient comme lorsqu'on parle du Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu. Entendre Dans la tradition biblique des apparitions divines, il n'y a jamais seulement quelque chose à voir, il y a aussi et d'abord quelque chose à entendre. La Parole l'emporte toujours en prééminence sur la vision. Ici la vision de la pierre roulée, puis du jeune homme en sa tenue “céleste” (vêtement blanc) et sa position d'honneur (assis à droite) appelle un commentaire. Il ne sera rien d'autre que le message pascal délivré par les apôtres, mis dans la bouche du jeune homme comme commentaire du tombeau vide. Celui-ci n'est qu'un

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signe négatif ; à lui seul il ne délivre pas la réalité et le sens de la résurrection de Jésus ; il pouvait être nécessaire, mais pas suffisant, pour faire naître la foi en Jésus ressuscité. “Jésus le Nazarénien” : il s'agit bien de celui dont il est question depuis le début de récit évangélique de Mc (1, 24 ; 10, 47 ; 14, 67), et qui finalement a été crucifié, si bien que cela fait partie maintenant de son identité : “Jésus le Nazarénien le crucifié”. Aussitôt après, il est dit de lui : “Il s'est réveillé” (image de sortie du sommeil de la mort pour dire sa résurrection) ; c’est seulement en un second temps que l'on dit : “ Il n'est pas ici ”, comme un signe négatif de sa résurrection, premièrement affirmée. On désigne alors aux femmes le lieu où “ ils ” (au pluriel) “l'avaient déposé” ; il n'y a pas de référence précise à Joseph d'Arimathie, ce qui est l'indice de récits primitivement indépendants avant d’être repris dans la rédaction finale de Marc. Le jeune homme parle presque comme un guide de pèlerinage au tombeau vide de Jésus, la foi pascale en Jésus ressuscité étant par ailleurs solidement établie dans les communautés chrétiennes. Les femmes entendent ensuite qu'elles sont chargées d'un message pour les disciples et pour Pierre : celui-ci fait partie du groupe des disciples, mais il en émerge aussi, et il sera nommément premier destinataire des apparitions pascales dans certains récits de Pâques (1Co 15, 5 ; Lc 24, 34). Le rendez-vous est donné en Galilée, parce que c'est le lieu du “commencement de l’Évangile” : il ressuscite en quelque sorte avec Jésus. Celui-ci précède les disciples : Il est à nouveau le Berger et le Maître que les disciples vont suivre maintenant pour de bon, après L'avoir abandonné. “C'est là que vous Le verrez” : allusion aux apparitions pascales de Galilée (dont il ne reste que quelques traces dans la tradition évangélique : Mt 28 et Jn 21). Cette issue heureuse repose sur sa Parole : “comme Il l'avait dit” (renvoi à Mc 14, 26-28). Être dérouté “Et sortant elles s'enfuirent du tombeau, (lit.ekstasis : situation d’être hors de soi) car tremblement et stupeur les tenaient et elles ne dirent rien à person-ne : elles avaient peur”. Pour les réactions approchantes de peur, de crainte, d'effroi sacré, de stupeur dans les récits précédents de Marc, voir 1, 27 ; 2, 13 ; 4, 41 ; 5, 15. 42 ; 6, 51 ; 9, 6. Ici la peur produit un double effet somatique : la fuite et le silence. Ce qui est exactement le contraire d'aller vers et de dire. Que signifie cette finale de l'évangile de Marc ? Quelle est la portée d'une pareille conclusion ? En arrivant à la fin du récit de la Passion et du récit de tout l'évangile, nous voyons le vide se faire autour de Jésus. Tous les disciples, dans le récit de Marc, se sont évanouis. Il ne reste plus que Joseph d'Arimathie, sans doute un sympathisant mais pas un disciple, pour procéder à la sépulture ; il paraît n’avoir aucun lien avec les femmes qui regardent, mais qui ne contribuent pas, et l'on ne parlera plus de lui le surlendemain (la sépulture étant devenue en certaines couches de la tradition l'expression ultime de l’opposition juive : faire mourir Jésus et le mettre au sépulcre, (voir Ac 13, 29). Il ne reste plus que quelques femmes. Elles l'avaient “suivi” en Galilée, ce qui était novateur en cette société encore peu féministe ; elles le “servaient”, ce

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qui deviendra plus tard bien plus qu'une assistance matérielle. Elles ont assisté au crucifiement et à la mort mais “de loin”, à distance, il n'était pas question que les soldats romains les laissent approcher du lieu même de l’exécution. Voilà tout ce qui reste du groupe de Jésus. Elles lui sont restées fidèles ; elles ne savent trop pourquoi elles vont embaumer un corps couvert de blessures et de sang, qui n’a pas été lavé, et qui a été enseveli à la hâte. Malgré leur affection pour Jésus, c'est bien un mort qu’elles se préparent à couvrir plus ou moins d'aromates. Or les voilà surprises et stupéfaites de trouver un tombeau vide, ou plutôt occupé par un personnage qui leur annonce qu'il s'est relevé, qu'il n'est plus ici, et elles devraient aller l’annoncer à ses disciples ! Voilà tout ce qui reste à Jésus, dans le récit de Marc, pour enfin se faire reconnaître vivant et vainqueur de l'épreuve horrible qu'il a subie. Eh bien ! On dirait que cela va faire fiasco : “elles se sont enfuies et elles n'ont rien dit à personne”. Et pourtant la “bonne nouvelle” a bien dû passer, puisque cet évangile de Marc est écrit et qu'il propose aujourd'hui de suivre Jésus. Mais il est passé, dirait-on, malgré la déroute de celles et ceux qui devaient en témoigner, tellement ils ont été jusqu'au bout dépassés par l'inédit de la croix d'abord … et de la résurrection ensuite. Si l’Évangile passe en force, c'est bien pure grâce de Dieu ; on peut relire tout le récit de Marc à cette lumière : il lui faut sans cesse dérouter et convaincre. VI - POUR ALLER PLUS LOIN Voici les deux additions à Mc 16, 8 ; seule l'addition longue est reçue comme canonique :

Addition longue (canonique)

16, 9 Ressuscité de grand matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d'abord à Marie de Magdala, de laquelle il avait expulsé sept démons. 10 Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s'affligeaient et pleuraient. 11 Quand ils entendirent qu'il était vivant et qu'elle l'avait vu, ils refusèrent de croire. 12 Après cela, il se manifesta sous un aspect inhabituel à deux d'entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. 13 Ceux-ci revinrent l'annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. 14 Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu'ils étaient à table : il leur reprocha leur incrédulité et leur endurcissement parce qu'ils n'avaient pas cru ceux qui l'avaient vu ressuscité. 15 Puis il leur dit : “Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. 16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. 17 Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront les esprits mauvais ; ils parleront un langage nouveau ; 18 ils prendront des serpents dans leurs mains, et, s'ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s'en trouveront bien.” 19 Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu. 20 Quant à eux, ils s'en allèrent proclamer partout la Bonne Nouvelle. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient.

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Cette finale longue fait un bouquet de données puisées dans les autres évangiles (apparition à Marie-Madeleine, Jn 20, 11-18 ; apparition aux disciples d'Emmaüs, Lc 24, 13-33 ; apparition aux Onze Lc 24, 36-49, et envoi en mission, (Mt 28, 26-20) ; ascension, Lc 24, 50 ; Ac 1, 1-8). Sa thématique se rapproche de celle de l'évangile de Marc qui souligne la lenteur des disciples à ouvrir les yeux sur “l'événement-Jésus”, qu'il s'agisse du scandale de la Passion ou de l'annonce inouïe de sa résurrection. Elle date très probablement des années 120-150. Les raisons de ne pas l'attribuer à Marc sont de l'ordre de la critique textuelle (non-attestation par les principaux manuscrits), du style et du vocabulaire non marciens, et du contenu (elle continue mal 16,1-8 et même ne s'accorde pas avec son contenu). Pour plus de détails, voir C. FOCANT, L'évangile selon Marc, p 609-611. Addition brève (non canonique) Elle pourrait dater du 2ème siècle ; pour pouvoir l'ajouter, le scribe de ce manuscrit a supprimé en 16, 8 les mots : “elles ne dirent rien à personne”. “Or, tout ce qui leur avait été ordonné, elles (l') annoncèrent de manière concise à ceux qui étaient autour de Pierre. Après cela, Jésus lui-même leur apparut et envoya par eux, du levant jusqu’au couchant, la prédication sacrée et incorruptible du salut éternel. Amen”. On y reconnaîtra facilement le style liturgique ; elle emprunte au récit parallèle de Matthieu l'apparition personnelle de Jésus aux femmes à la sortie du tombeau (28, 8-10). Cette édition complète Marc par Matthieu.

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Relecture du parcours

9ème rencontre

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PROPOSITION POUR UNE RELECTURE DU PARCOURS DE L’ANNÉE La relecture que nous proposons ne devr

'il se révèle dans le récit de sa Passion.

Ces deux démarches sont solidaires, mais on peut commencer par l’une ou par l’autre selon la disposition du groupe.

.

1 - Vie d’équipe

- - ? - Ce qui nous a aidés ? - ? - ? 2 – Découverte - Qu’est-ce j’ai mieux approfondi, découvert, reçu du partage en équipe ? - - , pendant ce parcours ? Personnellement et avec notre équipe ? - En quoi ai-je été aidé par les parcours bibliques précédents ? (Psaumes, prophètes)

3 - Qu’est-ce que je retiens ?

- Quelle image je reçois du Christ Jésus, de son humanité ? De sa solidarité avec son peuple, avec les pauvres, les prophètes et les priants des psaumes ? Spécialement avec les souffrants et les persécutés ? Avec toute personne humaine ?

- Quelle image de Dieu transparaît à travers la figure du Christ crucifié ?

- Pourriez-vous relire dans cette double perspective (humaine et divine) l'hymne de l’épître aux Philippiens 2, 6-11 ?

NB.-Il sera profitable de relire certains passages de l'Introduction, en particulier les pages 7-9. 4 - Temps de prière - A construire en équipe - Notre Père

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