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DOSSIER DIABèTE & PERSONNE âGéE Dossier coordonné par le Pr Patrick Ritz (Toulouse) et le Dr Saïd Bekka (Chartres) 1 Nouveaux médicaments du diabète : quelle place chez le sujet âgé ?� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 178 Dr Crina Pagu, Dr Michel Alix (La Rochelle) 2 Plaies du pied diabétique chez le sujet âgé : l’examen clinique est fondamental � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 183 Dr Georges Ha Van (Boissise-le-Roi, Paris) 3 La maladie d’Alzheimer chez le patient âgé : quelles sont les particularités du patient diabétique ? � � � � � � � p� 188 Dr Caroline Sanz (Toulouse) S oigner un patient âgé diabétique, chez qui l’on découvre le diabète, ou que l’on sui- vait depuis longtemps et en transition vers le grand âge, suppose de se poser la question de l’interaction de l’âge avec les sémiologies et les modalités thérapeutiques. Ainsi, la co-existence de pathologies liées à l’âge (atteintes rhumato- logiques, rénales, artérielles ou neuro-psychia- triques) impose d’adapter les traitements du diabète mais aussi celui des autres pathologies. La sémiologie des hypoglycémies est différente chez les patients âgés et peut se confondre avec les troubles du comportement chez des pa- tients déments. Les trois articles de ce dossier apportent des arguments pour une médecine spécifique et spécialisée. n Patrick Ritz (CHU de Toulouse) Diabetes and elderly person The medical care of a diabetic patient, whether newly diagnosed or in transition to become an older old, imply that the interaction between age and semiology or the therapeutic options be considered. Indeed, coexisting age-related diseases (joint diseases, kidney failure, atherosclerosis, or demencia), imposes that not only the diabetes pharmacological treatment but also that of the coexisting diseases are adapted. Similarly, the clinical features of hypoglycemia are different in elderly patients and can be confounded with those of behavioral changes associated with demencia. The 3 papers in this document bring arguments in favor of a specific and specialized medicine of diabetes in the elderly. Keywords: elderly, diabetes, complications, diabetic foot, Alzheimer disease, medicines Un patient complexe

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DOSSIER

DIabètE & pERSOnnE âgéEDossier coordonné par le pr patrick Ritz (toulouse)

et le Dr Saïd bekka (Chartres)

1 nouveaux médicaments du diabète :

quelle place chez le sujet âgé ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 178

Dr Crina Pagu, Dr Michel Alix (La Rochelle)

2 plaies du pied diabétique chez le sujet âgé :

l’examen clinique est fondamental � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 183

Dr Georges Ha Van (Boissise-le-Roi, Paris)

3 La maladie d’alzheimer chez le patient âgé :

quelles sont les particularités du patient diabétique ? � � � � � � � p� 188

Dr Caroline Sanz (Toulouse)

Soigner un patient âgé diabétique, chez qui l’on découvre le diabète, ou que l’on sui-vait depuis longtemps et en transition vers

le grand âge, suppose de se poser la question de l’interaction de l’âge avec les sémiologies et les modalités thérapeutiques. Ainsi, la co-existence de pathologies liées à l’âge (atteintes rhumato-logiques, rénales, artérielles ou neuro-psychia-triques) impose d’adapter les traitements du

diabète mais aussi celui des autres pathologies. La sémiologie des hypoglycémies est différente chez les patients âgés et peut se confondre avec les troubles du comportement chez des pa-tients déments. Les trois articles de ce dossier apportent des arguments pour une médecine spécifique et spécialisée. n

Patrick Ritz (CHU de Toulouse)

Diabetes and elderly personThe medical care of a diabetic patient, whether newly diagnosed or in transition to become an older old, imply that the interaction between age and semiology or the therapeutic options be considered. Indeed, coexisting age-related diseases (joint diseases, kidney failure, atherosclerosis, or demencia), imposes that not only the diabetes pharmacological treatment but also that of the coexisting diseases are adapted. Similarly, the clinical features of hypoglycemia are different in elderly patients and can be confounded with those of behavioral changes associated with demencia. The 3 papers in this document bring arguments in favor of a specific and specialized medicine of diabetes in the elderly.

Keywords: elderly, diabetes, complications, diabetic foot, Alzheimer disease, medicines

Un patient complexe

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178� Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49

IntRODuctIOnLa prévalence du diabète de type 2 est en forte augmentation dans les dernières décennies. Aux Etats-Unis, selon le National Health and Nutrition Examination Sur-vey (NHANES), plus de 20 % des personnes adultes âgées de 65 ans ou plus ont été diagnostiquées avec un diabète de type 2 (1). En France, les données d’ENTRED montrent qu’un patient diabé-tique sur deux a plus de 65 ans et un sur quatre a plus de 75 ans (2).La prise en charge thérapeutique du diabète a beaucoup évolué dernièrement, avec l’apparition de nouveaux traitements antidia-bétiques et en particulier de nou-velles classes médicamenteuses. Or, devant ce problème crois-sant de santé publique, il n’existe peu ou pas de recommanda-tions sur ces médicaments chez le sujet âgé, surtout de plus de 75 ans, souvent exclu des grandes études. Aussi avons-nous pensé que le plus simple était de pas-ser en revue toutes les différentes classes de médicaments.

* CH de La Rochelle

POSSIbIlItéS théRaPEutIquES

Règles hygiéno-diététiquesElles doivent être prudentes du fait du risque de dénutrition. Même en cas de surcharge pon-dérale, il convient de ne pas pro-poser de restriction calorique. La poursuite d’une activité phy-sique doit être encouragée, en raison de son impact sur le bien-être général et le maintien d’une bonne qualité de vie.

les médicaments amélioRant la sensibilité à l’insuline

❚ les biguanidesLe seul représentant commer-cialisé en France est la metfor-mine (Glucophage®, Stagid®). La metformine diminue l’insulino-résistance, entraîne une diminu-tion de la production hépatique de glucose, avec essentiellement une baisse de la glycémie à jeun. C’est le traitement de première intention des diabétiques de

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1 nouveaux médicaments du diabète

Quelle place chez le sujet âgé ?n Le diabète est très fréquent chez la personne âgée et de nouvelles classes thérapeutiques

sont apparues dernièrement. Or, il existe peu d’études de médicaments spécifiques à cette

tranche d’âge. Il existe également peu de recommandations pour le sujet âgé qui tiennent

compte de ces nouveaux médicaments. Une revue spécifique complète de tous les traitements

actuels a donc été faite en rappelant que seule une évaluation gérontologique et diabétolo-

gique permet un traitement individualisé adéquat.� dr Crina pagu*, dr Michel alix*

Il n’existe peu ou pas de recommandations sur les antidiabétiques chez le sujet âgé, surtout de plus de 75 ans, souvent exclu des grandes études.

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type 2, avec ou sans surpoids. La metformine a également un effet protecteur sur le plan cardiovas-culaire, en diminuant le risque d’infarctus du myocarde et la mortalité cardiovasculaire (3, 4). La metformine étant un mé-dicament insulino-sensibilisa-teur, il présente l’avantage de ne pas entraîner d’hypoglycémies. Le traitement par metformine n’augmente pas le poids du pa-tient, et peut même entraîner une diminution pondérale.Les effets secondaires digestifs sont très fréquents mais souvent transitoires. Pour une meilleure tolérance, la posologie est à aug-menter progressivement, la prise du comprimé est conseillée plutôt au milieu ou en fin de repas. Ces troubles digestifs peuvent être améliorés par un changement de préparation pharmaceutique. La metformine est contre-indi-quée lorsque la clairance de la

❚ les glitazonesLa seule glitazone disponible actuellement sur le marché est la pioglitazone (Actos®). Les gli-tazones sont des agonistes des récepteurs nucléaires PPARγ, qui diminuent la glycémie en stimulant la réponse du muscle squelettique à l’insuline et en favorisant l’absorption et l’uti-lisation du glucose. Comme la metformine, ce sont des médi-caments qui diminuent l’insu-linorésistance et qui présentent l’avantage de ne pas entraîner d’hypoglycémies.La prise de poids sous glitazones peut être majeure. Les glitazones favorisent la rétention hydro-sodée, avec un risque de dé-compensation cardiaque en cas d’insuffisance cardiaque pré-existante. Une diminution de la densité osseuse a été également constatée, avec une augmenta-tion du risque de fracture.

(Amarel®), le gliclazide (Diami-cron®), sous la forme à libération retard, le glibenclamide (Daonil®), le glipizide (Glibenese® dont la forme retard Ozidia® est contre-indiquée chez le plus de 65 ans). Ils se fixent sur le récepteur des sulfamides de la cellule bêta et stimulent l’insulinosécrétion.L’hypoglycémie représente l’ef-fet indésirable le plus fréquent. Les hypoglycémies sous sulfa-mides sont généralement plus graves et plus prolongées que sous insuline, surtout en cas d’insuffisance rénale ou inte-raction médicamenteuse (en particulier avec les anti-in-flammatoires non stéroïdiens, les antivitamines K, les sulfa-mides antibactériens comme le Bactrim®, les fibrates, le mi-conazole). Comme facteurs fa-vorisants d’une hypoglycémie, sont considérés également l’âge avancé, la diminution ou la suspension des apports ali-mentaires et la prise d’alcool.Chez le sujet âgé, on préfère-ra les sulfamides à demi-vie courte et la posologie doit être progressive, avec des faibles doses au départ, afin de limi-ter le risque d’hypoglycémie (5). L’autosurveillance glycé-mique capillaire doit être pra-tiquée, particulièrement en fin d’après-midi.Une éducation spécifique, avec les signes et la conduite à tenir devant une hypoglycémie, est essentielle chez tous les patients âgés sous sulfamides. L’entou-rage doit être également informé sur les signes d’hypoglycémie et les gestes de resucrage. En cas d’hypoglycémie modérée ou sévère, le resucrage doit être prolongé, de préférence par voie intraveineuse, en milieu hospi-talier.La fonction rénale doit être

créatinine est < 30 ml/mn, en rai-son du risque d’acidose lactique, complication rarissime mais très grave. Une réduction de la poso-logie à 1 g doit être envisagée si la clairance est située entre 30 et 60 ml/mn. Les situations sus-ceptibles d’entraîner un stress majeur, une insuffisance rénale aiguë ou une hypoxie tissulaire contre-indiquent l’administra-tion de la metformine (utilisation de produits de contraste iodés, sepsis, anesthésie générale…).L’âge ne représente plus une contre-indication à la metfor-mine, si la clairance de la créati-nine est en faveur d’une fonction rénale satisfaisante.

Les glitazones sont donc contre-indiquées pour les personnes souffrantes d’insuffisance car-diaque, chez les patients coro-nariens, en cas d’insuffisance hépatique ou insuffisance rénale sévère. Pas d’adaptation de la posologie en cas d’insuffisance rénale. En pratique, de ce fait, les glita-zones ne sont pas recomman-dables pour la personne âgée.

les médicaments stimulant l’insulinosécRétion

❚ les sulfonyluréesLes molécules les plus utilisées en France sont le glimépiride

L’âge ne représente plus une contre-indication à la metformine si la clairance de la créatinine est en faveur d’une fonction rénale satisfaisante.

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contrôlée avant tout traitement, avec une surveillance régulière par la suite chez les sujets âgés, particulièrement lors de poly-médication ou de déshydrata-tion.Les contre-indications sont l’in-suffisance rénale et hépatique sévère et prudence en cas d’in-suffisance rénale modérée. En pratique, l’utilisation de ces molécules toujours fort usitées est souvent fautive et doit être revue régulièrement.

❚ les glinidesLe répaglinide (Novonorm®) est le seul représentant de la classe commercialisé en France. Ce sont des insulinosécréteurs qui stimulent le pic précoce d’in-sulinosécrétion, avec une du-rée d’action plus courte que les sulfamides. De ce fait, le risque d’hypoglycémie est moindre qu’avec les sulfamides et la sé-vérité des hypoglycémies est diminuée. Il n’y a pas de contre-indication en cas d’insuffisance rénale, mais contre-indication en cas d’insuffisance hépatique, car l’élimination est biliaire.Il n’est pas recommandé d’asso-cier les glinides aux sulfamides. La posologie doit être progressive, avec une adaptation essentielle-ment en fonction de la glycémie post-prandiale. Une prise est né-cessaire avant chaque repas, ce qui peut être considéré comme un inconvénient en termes d’ob-servance thérapeutique, mais comme un avantage chez les pa-tients âgés ayant des habitudes alimentaires irrégulières. En pratique, l’utilisation des glinides est fréquente pour la personne âgée en sachant que leur puissance hypoglycémique étant moindre que les sulfa-mides, les résultats seront égale-ment moindres.

les médicaments Ralentissant l’absoRption intestinale des glucides

❚ inhibiteurs des alpha-glucosidasesLes représentants de cette classe thérapeutique sont l’acarbose (Glucor®) et le miglitol (Diasta-bol®). Ils empêchent l’hydrolyse des glucides complexes, retar-dent l’absorption des glucides dans le tractus gastro-intestinal, avec une réduction du pic d’hy-perglycémie post-prandiale. L’avantage réside en leur quasi-absence de passage systémique et dans l’absence de risque d’hy-poglycémie. L’effet hypoglycé-miant est moins puissant et la tolérance digestive médiocre. Environ un tiers des personnes ne peut tolérer ce traitement en raison des effets indésirables gastro-intestinaux, liés à la fer-mentation des glucides non ab-sorbés. La posologie doit être progressive.Les contre-indications se limi-tent aux maladies intestinales chroniques, les gastroparésies, l’insuffisance hépatique ou ré-nale sévère.En pratique, ces produits sont rarement efficaces même en as-sociation. La monothérapie est exceptionnelle.

nouvelles théRapeutiques, avec un effet hypoglycémiant, potentialisant l’insulinosécRétion (voie des incRétines)Elles se basent toutes sur l’ac-tion des incrétines : hormones peptidiques sécrétées par les cellules endocrines du tube di-gestif, en réponse à l’ingestion d’aliments : le glucagon like pep-tide-1 (GLP-1) et le gastric inhibi-tory polypeptide (GIP). Le GLP-1

promeut principalement la bio-synthèse et la libération d’insu-line des cellules bêta lorsque le taux de glucose est élevé. Il in-hibe la sécrétion glucose-dépen-dante du glucagon et favorise la captation du glucose par les tissus périphériques, améliore la sensibilité à l’insuline, ralentit la vidange gastrique et augmente la sensation de satiété (6).

❚ inhibiteurs de la dpp-4Inhibiteurs de la DPP-4 (dipep-tidyl peptidase-4) : sitagliptine (Januvia®, Xelevia®), vildaglip-tine (Galvus®), saxagliptine (On-glyza®), Janumet® (sitagliptine + metformine), Eucréas® (vilda-gliptine + metformine).

Ils inhibent la dégradation du GLP-1 endogène.Elles ont l’autorisation de mise sur le marché en 2e intention après la metformine. Ils entraî-nent très peu d’hypoglycémies et pas de prise pondérale ce qui est un avantage important. Seule la sitagliptine est autorisée en triple association orale avec la metformine et les sulfamides ou en association avec l’insuline. Ils sont contre-indiqués dans l’insuffisance rénale modérée et sévère et dans l’insuffisance hé-patique. Prudence en cas d’as-sociation avec les médicaments dépresseurs de la conduction cardiaque du fait de risque d’augmentation de troubles de la conduction.L’expérience chez les patients âgés de 75 ans et plus est limi-tée : la revue de la littérature ne trouve aucune étude sur ce sujet. Une certaine prudence s’impose donc.

❚ analogues du glp-1Analogues du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) : éxénatide (Byet-

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ta® en 2 prises) et liraglutide (Victoza® en 1 prise).

Les analogues du GLP-1 sont des peptides synthétiques, résistant à la dégradation par la DPP-4. Ils sont administrés en injectable, en sous-cutané, ce qui repré-sente un désavantage pour le confort et l’adhérence au traite-ment des patients. Ils entraînent peu ou pas d’hypoglycémies et une perte de poids significative chez un tiers des patients (7).Ce sont des médicaments qui peuvent être mal tolérés sur le plan digestif.Comme il s’agit de nouvelles molécules, il n’y a pas assez de recul sur la sécurité, l’expérience est très limitée chez les plus de 75 ans. Contre-indication dans l’insuffisance rénale modérée et sévère ou l’insuffisance hépa-tique. En pratique, bien qu’il n’existe aucune étude publiée dans la lit-térature, il convient de demeurer attentif à ces molécules à cause de leur efficacité et de leur faible danger hypoglycémique. Toute-fois, ces molécules s’injectant, il conviendra de sélectionner les patients éducables.

insulinothéRapieLes insulines demeurent les mo-lécules de choix pour le traite-ment du diabète de la personne âgée. Les nouvelles insulines en particulier de durée d’action longue permettent de traiter fa-cilement un diabète insulino-dépendant (rare) et un diabète insulinorequérant (bien plus fré-quent) sans souffrir des mêmes difficultés que les antidiabé-tiques oraux.En voici le catalogue exhaustif :• basale :- semi-lente : Insulatard® NPH, Humuline® NPH,

- lente : Lantus® (insuline glar-gine), Levemir® (insuline déte-mir) ;• prandiale : Actrapid®, Huma-log® (insuline lispro), Novora-pid® (insuline asparte), Apidra® (insuline glulisine) ;• mélanges : NovoMix®30, Novo-Mix®50, NovoMix®70, Humalog-Mix®25, Humalog Mix®50, Huma-logMix®75, Mixtard® 10/20/30/40/50, Umuline Profil® 20/30/40, Insuman Comb® 25/50.

Une insulinothérapie est sou-vent proposée chez le diabétique âgé de type 2, du fait des limites

à l’utilisation des antidiabé-tiques oraux. Tous les schémas sont théoriquement possibles, à adapter selon l’objectif théra-peutique, l’autonomie de la per-sonne diabétique, l’espérance de vie, les comorbidités.Chez le sujet ayant bien vieilli et devenu insulinonécessitant, un schéma basal/bolus pourra être proposé. L’utilisation des analo-gues lents est plus intéressante par moindre risque d’hypogly-cémie.Pour la dose basale, on peut pro-poser un schéma qui démarre à 0,2 unités/kilogramme de poids

À retenirn Pour les nouvelles molécules, il n’y a pas de recommandations particulières

concernant le sujet âgé ni aucune étude spécifique chez les plus de 80 ans.

Les traitements doivent être individualisés en tenant compte de l’espérance de

vie, des pathologies associées et des complications du diabète. Le médecin

doit pouvoir assumer et démontrer cette analyse bénéfice/risque.

n La metformine reste le traitement de première intention, en absence de

contre-indications. Les contre-indications et précautions d’emploi sont les

mêmes que pour le patient jeune.

n Les glinides et les sulfamides peuvent être utilisés avec une mise en garde

sur le risque d’hypoglycémie (moindre pour les glinides).

n Les inhibiteurs de l’alpha-glucosidase ont des avantages chez la personne

âgée car il n’y a pas de risque hypoglycémique mais leur utilisation est très

limitée par la mauvaise tolérance digestive.

n Les glitazones doivent rendre très prudent. A utiliser seulement dans des

cas bien choisis, en absence de pathologie cardiaque et sous haute sur-

veillance chez le sujet âgé.

n La voie des incrétines (GLP-1, inhibiteurs de la DPP-4) présente de gros

intérêts théoriques (GLP-1) mais reste à déterminer.

n L’utilisation d’une insulinothérapie simplifiée est rassurante chez le patient

polypathologique ou le patient très âgé ou en fin de vie. En situation de

déséquilibre ou d’agression temporaire, l’arrêt des antidiabétiques oraux

est préféré, avec passage à une insulinothérapie, décision thérapeutique à

réévaluer à distance de l’épisode aigu.

n L’éducation thérapeutique est trop souvent négligée dans cette population

comme le démontrent toutes les études (9) alors que l’utilisation des nou-

velles molécules la requiert.

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corporel/jour, que l’on augmen-tera à l’aide de la glycémie capil-laire du matin, soit tous les jours (insulines NPH), soit tous les deux jours (analogues lents).Dans le cas d’utilisation d’insu-line semi-lente type NPH à une injection par jour, cette injection

se fera le matin et, en cas d’inef-ficacité sur les glycémies du len-demain matin, le passage à 2 in-jections s’imposera.Hormis les cas particuliers de complications vitales imminentes ou de déséquilibre transitoire, l’objectif d’une HbA1c à 7,5 %

permet d’éviter les complications hypoglycémiques (8). n

1. american diabetes association: standards of medical care in dia-betes-2011. diabetes Care 2011 ; suppl. 1: s422. inVs entred. http://www.invs.sante.fr/surveillance/diabete/en-tred_2007_2010/resultats_metropole_principaux.htm3. UKpds group. effect of intensive blood-glucose control with metfor-min on complications in overweight patients with type 2 diabetes. Lancet 1998 ; 352 : 854-65.4. Johnson Ja, Majumdar sr, simpson sH et al. decreased mortality asso-ciated with the use of metformin compared with sulfonylurea monothe-rapy in type 2 diabetes. diabetes Care 2002 ; 25 : 2244-8.5. brown aF, Mangione CM, saliba d et al. guidelines for improving the care of the older person with diabetes mellitus. J am geriatric soc 2003 ;

51 : s265–80.6. girard J. the incretins: from the concept of their use in the treatement of type 2 diabetes. diabetes Metab 2008 ; 34 : 550-9.7. Kendall dM, riddle MC, rosenstock J et al. effects of exenatide (exen-din-4) on glycemic control over 30 weeks in patients with type 2 diabetes treated with metformin and a sulfonylurea. diabetes care 2005 ; 28 : 1083-91.8. bouillet b, Vaillant g, petit JM et al. are elderly patients with diabetes being overtreated in French long-term-care homes? diabetes Metab 2010 ; 36 : 272-7.9. Verny C, Hervy Mp. Le diabète du sujet âgé. encycl Méd Chir. paris : else-vier. endocrinologie-nutrition : 10-366-F-10.

BiBliographie

mots-clés : Diabète, Personne âgée,

nouveaux traitements

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Diabète & Obésité • Mai 2011 • vol. 6 • numéro 49 183

PhySIOPathOlOgIE DES PlaIES Du PIED DIabétIquELa pathogénie des plaies découle d’une cascade d’évènements survenant sur un pied à risques : traumatisme aigu ou chronique créant une ulcération sur un pied neuropathique, ou isché-mique ou neuro-ischémique. La plaie se chronicise pour des rai-sons de retard de prise en charge liée à l’absence de douleurs ou d’artériopathie sévère et finit par s’infecter secondairement.

bIlan clInIquE D’unE PlaIE chROnIquE Du PIED DIabétIquE (3)

RecheRche de la cause de la plaieQuatre plaies sur 5 ont une ori-gine traumatique externe (1). On doit retrouver la cause de la plaie afin de l’éradiquer et pour éviter les récidives : chaussure blessante, hyperkératose dor-sale, plantaire ou pulpaire, geste

* CRF Les Trois Soleils (Boissise-le-Roi), Unité de podologie, Service de diabétologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris

d’auto-pédicurie dangereux (co-ricide, râpe métallique…), ongle blessant, mycose, fissure talon-nière…

la plaie neuRopathique typiqueL’hypoesthésie neuropathique sera confirmée à l’aide du mo-nofilament de 10 g.L’aspect typique de la plaie du pied neuropathique est le mal perforant plantaire (MPP). Il est secondaire à une hyperpression plantaire au niveau des têtes métatarsiennes ou des pulpes d’orteils, associée à la raideur ar-ticulaire avec déformation (dont la plus classique est l’apparition d’orteils en griffe) et aux troubles trophiques responsables d’une sécheresse de la peau. Les forces verticales et de cisaillement ap-pliquées sur cette zone d’hy-perpression hyperkératosique finissent par entraîner l’ouver-ture d’une plaie au sein de l’hy-perkératose : le MPP. Le MPP se présente comme une ulcération indolore au sein d’une plaque d’hyperkératose localisée au ni-veau d’un point d’hyperappui, le plus souvent non infecté.

la plaie ischémiqueEn présence d’une artériopa-thie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), la plaie et le pied ont un aspect différent : peau fine, luisante, dépilée, plaie située sur des zones de frotte-ment (partie latérale et dorsale du pied), aspect nécrotique possible. Le diagnostic clinique

quatre plaies sur cinq ont une origine traumatique externe. trouver la cause permet d’éviter les récidives.

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2 Plaies du pied diabétique chez le sujet âgé

L’examen clinique est fondamental

n Une amputation de tout ou partie d’un membre inférieur est réalisée chez un diabétique

toutes les 30 secondes dans le monde. 15 % des diabétiques auront une ulcération du pied et

85 % des amputations sont secondaires à une plaie (1). En France (2), le taux d’amputations

est 14 fois supérieur chez le diabétique par rapport aux non diabétiques.� dr georges Ha Van*

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d’AOMI repose sur la prédomi-nance des signes en distalité chez le diabétique : diminution ou abolition d’un pouls. L’AO-MI étant associée la plupart du temps à une neuropathie péri-phérique (4), l’absence de dou-leur est extrêmement fréquente.

RecheRche d’une infectionLes signes infectieux locaux sont à rechercher car le diagnostic d’infection du pied diabétique est clinique et non bactériolo-gique (3) : œdème, rougeur, cha-leur, écoulement purulent. Les signes généraux comme la fièvre, l’état de choc septique sont très rares et synonymes de gravité.

la RecheRche clinique d’une ostéiteL’ostéite du pied diabétique sur-vient toujours par contiguïté avec une plaie en regard et ja-mais par voie hématogène sans plaie (1). Elle est le plus souvent asymptomatique ce qui fait la difficulté de son dépistage.La plaie doit être explorée cli-niquement à l’aide d’un stylet boutonné métallique stérile, à la recherche d’un contact osseux ru-gueux. La présence d’un contact osseux est un signe très spécifique de la présence d’une ostéite (5). En revanche, son absence ne per-met pas d’éliminer le diagnostic.

bIlan PaRaclInIquE DEvant unE PlaIE chROnIquE Du PIED DIabétIquE

les pRélèvements bactéRiologiquesIls ne sont pas à effectuer systé-matiquement mais seulement en cas de signes d’infection clinique, à l’aide d’un écouvillon stérile après désinfection superficielle de

En France, le taux d’amputation est 14 fois supérieur chez le diabétique par rapport aux non diabétiques.

la plaie par un antiseptique. Bien qu’elle soit encore assez peu pra-tiquée la biopsie osseuse en peau saine est le garant de la bonne adaptation de l’antibiothérapie en cas d’ostéite (6).

les RadiogRaphies centRées suR la lésionElles sont systématiques, à la recherche d’une ostéite, et re-nouvelées tous les 15 jours en cas d’évolution non favorable. Toute érosion corticale voire une déminéralisation marquée en regard de la plaie doivent être considérées comme des signes d’alerte d’une atteinte osseuse. Il est important que le clinicien ait une grande habitude de la lecture des radiographies qui

un IPS normal est > 0,9, un IPS entre 0.5 et 0.9 traduit une artérite moyenne, et un IPS < 0,5, une ar-térite sévère. Cet examen n’est pas interprétable en cas d’incompres-sibilité des artères (liée à la média-calcose chez 30 % des patients).• La mesure de la pression trans-cutanée d’oxygène (TcPO2) évalue la qualité de l’oxygénation tissu-laire. Une TcPO2 > 30 mmHg est corrélée à une évolution proba-blement favorable de la plaie, alors qu’une valeur < 20 mmHg indique la difficulté de cicatrisation en l’ab-sence d’un geste vasculaire (pon-tage ou angioplastie) (7).• L’écho-Doppler artériel n’est interprétable que si les 3 axes de jambe (artères tibiale antérieure, péronière et tibiale postérieure)

lui permet de mieux confronter l’imagerie et la clinique.La scintigraphie osseuse n’a de valeur que si elle est négative. Le scanner et l’IRM sont le plus souvent inutiles et doivent être interprétés avec prudence en raison de l’impossibilité de diffé-rencier les images d’ostéite et de neuro-ostéoarthropathie des-tructrice chez le diabétique.Ces examens ne sont pas non plus des examens de suivi de l’ostéite. L’absence de plaie ou sa cicatrisation signent l’absence d’ostéite quels que soient les ré-sultats de l’IRM ou du scanner.

évaluation de l’aRtéRiopathie• La mesure de la pression arté-rielle au niveau de la cheville per-met de mesurer l’index de pres-sion systolique cheville/bras (IPS) qui est corrélé au degré d’artérite :

ont été visualisés et décrits préci-sément, ainsi que le degré de vas-cularisation du pied car l’AOMI diabétique siège sur les artères sous-gonales dans sa forme ty-pique.• L’artériographie doit être réser-vée aux patients chez qui l’indi-cation d’un geste de revascula-risation a été posée. Les lésions étant multifocales avec une nette prédominance des lésions fémoro-poplitées et jambières, l’exploration distale des pieds est indispensable.

lE tRaItEmEnt D’unE PlaIE chROnIquE Du PIED DIabétIquE (3)

l’hospitalisationElle est nécessaire en présence de fièvre, de signes d’inflamma-

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tion locaux extensifs, d’ischémie critique, de diabète très déséqui-libré associé.

le tRaitement médicalLa bonne prise en charge médi-cale, réalisée au mieux dans les centres de référence multidisci-plinaires, améliorera le pronos-tic de cicatrisation et diminuera le risque d’amputation. La HAS a stipulé que toute plaie du pied diabétique à risque doit être adressée en consultation dans un centre de référence dans les 48 heures (8).

doit s’étendre jusqu’au niveau de la peau saine afin de favoriser le bourgeonnement. Elle peut donc être extrêmement large et sanglante. La plaie sera nettoyée au sérum physiologique. L’uti-lisation d’antiseptique n’est pas recommandée sauf en cas d’in-fection.En cas de plaie ischémique le débridement agressif n’est li-cite qu’en cas d’inflammation douloureuse de la plaie ou de la base de la nécrose. En effet ces douleurs sont souvent attri-buées à tort à l’ischémie alors

la plaie si elles sont portées à chaque fois que le patient pose le pied à terre. Pour une plaie dorsale des orteils, on peut avoir recours à une chaussure de dé-charge type Podalux®. Celle-ci, ouverte à l’avant, permet de lo-ger un pansement en évitant le frottement sur la face dorsale des orteils. Pour une plaie plan-taire et postérieure du talon, la chaussure Teraheel® est un bon moyen de décharge. Pour les plaies du talon un coussin de décharge doit positionner les talons dans le vide lorsque le pa-tient est au lit.

• Plâtres de décharge (9-12)L’utilisation d’une botte de dé-charge en résine est le traite-ment de référence du MPP (10-12). Les indications sont limitées chez le sujet âgé. La botte en ré-sine est contre-indiquée en cas d’artérite sévère ou des œdèmes des membres inférieurs non sta-bilisés.

• Autres techniques de mise en déchargePour mettre en décharge une plaie de la face dorsale de l’orteil sur un orteil en griffe, le moyen le plus simple est d’inciser en croix la chaussure habituelle en re-gard de la plaie. Le fauteuil rou-lant, est un moyen de décharge que l’on peut utiliser temporai-rement (13).

❚ l’antibiothérapieDes recommandations en fonc-tion de la sévérité de l’infection ont été publiées (14-16). Le pré-lèvement pour analyse bactério-logique est réalisé seulement en cas de signes infectieux (grade 2, 3, 4 de l’infection). L’antibio-thérapie n’est pas nécessaire dans le cadre des plaies neuro-pathiques non inflammatoires.

Le traitement comporte :• la mise en décharge stricte et permanente de la plaie ;• un débridement adéquat d’au-tant plus agressif que la plaie est neuropathique et infectée allant alors jusqu’à la résection osseuse si nécessaire ;• une optimisation du traitement antidiabétique avec insulinothé-rapie transitoire si besoin ;• en fonction du bilan vasculaire, si nécessaire sera discutée la re-vascularisation : par angioplastie si possible ou pontage en fonc-tion des possibilités techniques et de l’état du patient ;• une antibiothérapie adaptée aux prélèvements bactériolo-giques en cas de signes cliniques d’infection seulement.

❚ débridementEn cas de plaie neuropathique, un débridement large retirant toute l’hyperkératose entou-rant la lésion doit être effectué à l’aide d’une pince convexe ou pince-gouge. Cette mise à plat

qu’elles sont souvent d’origine infectieuse comme en témoigne le soulagement après débride-ment.

❚ la mise en décharge de la plaie (9)La mise en décharge de la plaie est une condition essentielle de sa cicatrisation. Chez le sujet âgé elle pose moins de problème car les patients marchent peu. Néanmoins elle doit être mise en œuvre dès la prise en charge de la plaie, sans quoi il est illusoire de vouloir obtenir une cicatrisa-tion.

• Chaussures de décharge (3)Chez le sujet âgé la marche est plutôt limitée. La solution la plus adaptée et la plus simple pour mettre en décharge une plaie plantaire de l’avant-pied est le port d’une chaussure de décharge totale de l’avant-pied pas trop instable comme la chaussure WPS®. Ces chaussures permettent la cicatrisation de

Une bonne prise en charge médicale améliorera le pronostic de cicatrisation et diminuera le risque d’amputation.

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Le débridement et la mise en décharge d’un mal perforant neuropathique “simple” sont les deux garants de la cicatrisation rapide de la plaie. Cependant, si l’on constate un halo inflam-matoire ou un écoulement pu-rulent, une antibiothérapie dite “probabiliste” peut être débu-tée en attendant le résultat des prélèvements type amoxicilline + acide clavulanique. Cet anti-biotique est en effet actif sur les germes les plus fréquemment rencontrés dans ce type de plaies. En cas d’allergie à la pé-nicilline, la pristinamycine peut être utilisée.L’infection sévère sera traitée par antibiothérapie par voie veineuse initialement, et l’anti-biothérapie durera au total 4 se-maines. Par contre, l’infection modérée peut être traitée par voie orale en ambulatoire pen-dant 4 semaines.

❚ l’équilibration du diabèteElle doit être optimale et rapide comme dans toute infection bactérienne chez le diabétique. L’arrêt des biguanides et le re-cours à l’insuline, si besoin par pompe, sont souvent néces-saires.

❚ soins locaux spécialisésLa technique du débridement est essentielle par le recours aux moyens mécaniques (bistouri, curette, chirurgie). Le débride-ment fait partie intégrante du traitement anti-infectieux en cas de plaie inflammatoire doulou-reuse.Les pansements gras type inter-face sont le plus souvent indi-qués.Toute plaie exsudative doit faire d’abord évaluer la bonne ob-servance de la décharge (pas de plaie exsudative quand la dé-

charge est optimale par plâtre). Les alginates sont bien suppor-tés localement. La technique par pression né-gative de 125 mmHg en géné-ral, par Vacuum Assisted Clo-sure (VAC) est un progrès mais lorsque la plaie est non infectée, non ischémique et que la déter-sion est déjà quasiment termi-née (17).

cOnDuItE à tEnIR En PRéSEncE D’unE OStéItE (18-20)La présence d’une ostéite confir-mée nécessite la mise en place d’une double antibiothérapie à bonne diffusion osseuse. On peut utiliser les fluoroquino-lones, la rifampicine, l’acide fu-cidique, la pristinamycine. Deux de ces antibiotiques doivent être associés pendant au moins 6 se-maines minimum voire 3 mois. Il n’y a pas de consensus sur la durée de l’antibiothérapie. Tou-tefois, le délai de cicatrisation peut être nettement raccourci par l’association au traitement médical d’une chirurgie dite conservatrice (19, 20) : geste chirurgical, le plus limité pos-sible, d’ablation de la partie os-seuse infectée. Ce geste concer-nera une phalange ou une tête métatarsienne sans élargisse-ment aux parties saines. Il est réservé aux plaies sans AOMI. L’antibiothérapie sera poursui-vie 6 semaines si le geste de ré-section n’est pas réalisé en zone osseuse saine avec certitude.

cOnDuItE à tEnIR En PRéSEncE D’unE PlaIE avEc aOmIEn présence d’une AOMI tout geste agressif risque d’entraîner une hypoxie tissulaire avec ex-

tension des lésions ischémiques. La détersion sera donc prudente voire contre-indiquée sauf si la plaie est très inflammatoire et douloureuse. La prise en charge de l’AOMI est au premier plan. En cas d’ischémie sévère, il faut effectuer une artériographie afin d’évaluer la faisabilité d’un geste de revascularisation. Chez le su-jet âgé le risque d’insuffisance rénale est à maîtriser par une bonne hydratation. L’âge n’est pas une contre-indication sur-tout pour réaliser une angioplas-tie geste assez bien supporté la plupart du temps.Le geste de revascularisation peut consister en une angio-plastie (21) ou un pontage arté-riel souvent distal plus rarement proposé actuellement en raison de la lourdeur de l’intervention (22). Il précédera toujours des soins locaux plus agressifs ou la prise en charge chirurgicale d’une ostéite. L’absence de re-vascularisation possible ne si-gnifie pas la certitude d’une ab-sence de cicatrisation qui peut survenir avec un traitement médical optimal dans des délais plus prolongés à condition de passer le cap de l’infection grâce à un traitement bien conduit : décharge stricte, débridement, optimisation du traitement an-tidiabétique et antibiothérapie.

RéSultatSLe taux de cicatrisation dans les centres de référence est excel-lent. Une étude récente multi-centrique regroupant 14 centres de référence européens donne le résultat de la prise en charge à 1 an de 1 088 nouvelles plaies d’un pied diabétique. 77 % des patients étaient cicatrisés à 1 an, 12 % encore en cours de cicatri-sation, 5 % ont subi une ampu-

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tation au-dessus de la cheville et 6 % étaient décédés (23).

cOncluSIOnLa chronicité d’une plaie du pied chez un diabétique s’explique par l’association d’un élément mécanique microtraumatique sur un pied neuropathique ou neuro-ischémique. La chro-nicité et l’évolution vers une surinfection (cellulite, ostéite) avec nécrose en cas d’ischémie, sont souvent liées à l’absence de prise en compte de cet élément

mécanique par une décharge absolue de la plaie, très mal ac-ceptée par le patient. La prise en charge multidisciplinaire per-met de répondre à la variété des problèmes à prendre en compte pour éviter les amputations. L’examen clinique est fonda-mental à toutes les étapes de la prise en charge. Le traitement médical d’une plaie chronique du PDB est “plus mécanique et vasculaire” que métabolique. L’aspect mécanique de la dé-charge, la recherche d’une os-téite et l’évaluation précise de

l’ischémie (non constante chez le diabétique) sont les 3 causes principales de non-cicatrisation du pied diabétique. La prise en charge chez le sujet âgé est très peu spécifique sauf l’adaptation de la décharge et le danger plus important d’insuffisance rénale secondaire aux explorations et au traitement. n

mots-clés : Diabète, Sujet âgé, Plaies du pied

diabétique, Prise en charge

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BiBliographie

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On estime que 35,6 mil­lions de personnes dans le monde sont at­

teintes de démence en 2010 et que ce nombre doublera à peu près tous les 20 ans, pour at­teindre 65,7 millions en 2030 et 115,4 millions en 2050 (1). En parallèle, le diabète touche 285 millions d’adultes dans le monde en 2010 avec une préva­lence estimée en 2030 à près de 438 millions (2).

Un RISqUE DE DémEncE aUgmEnté chEz lES DIabétIqUES

Deux fois plus De risque De Développer une malaDie D’alzheimer

❚ revue de la littératureUne revue de la littérature (3) a identifié 17 études d’observa­tions comparant l’incidence de la démence chez les sujets diabé­tiques et non diabétiques. Dans

* Service de Diabétologie, Maladies Métaboliques et Nutrition (Pr Hanaire, CHU Toulouse) ; Inserm, U1027, Toulouse

10 des 17 études, le diabète était un facteur de risque de maladie d’Alzheimer avec un risque de maladie d’Alzheimer chez les sujets diabétiques de 1,5 à 2 fois plus important que chez les non diabétiques. Cette augmenta­tion de risque persistait même après ajustement sur les comor­bidités cardiovasculaires, l’âge, le sexe et le niveau d’étude. Les études ne retrouvant pas d’asso­ciation entre démence et maladie d’Alzheimer présentaient plu­

sieurs limites méthodologiques. La principale concernait la dis­tinction entre démence vascu­laire et maladie d’Alzheimer. Il n’existe pas à l’heure actuelle de définition consensuelle de la dé­mence vasculaire et la frontière entre maladie d’Alzheimer et dé­mence vasculaire reste floue.

❚ les déterminantsLes déterminants de l’associa­tion entre diabète et démence ne sont qu’imparfaitement connus

3 la maladie d’alzheimer chez le patient âgé Quelles sont les particularités

du patient diabétique ?n Le diabète et la maladie d’Alzheimer sont deux maladies très fréquentes avec l’avance en âge

et le nombre de patients diabétiques atteints de maladie d’Alzheimer ne va cesser d’augmen-

ter. Cet article a pour objectifs de préciser le rôle du diabète dans l’apparition d’une maladie

d’Alzheimer, l’impact du diabète sur l’évolution de la maladie d’Alzheimer et enfin les effets de

la maladie d’Alzheimer sur l’équilibre du diabète.� dr Caroline sanz*

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et n’ont pas fait l’objet d’études spécifiques. Plusieurs points sont tout de même à noter.

Les pathologies cardiovasculaires Elles ne médient pas totale­ment l’effet du diabète sur l’in­cidence de la maladie d’Alzhei­mer. L’étude de Lushinger et al. (4) avait pour objet l’étude de l’impact des facteurs de risque cardiovasculaires sur l’incidence de la maladie d’Alzheimer. De manière remarquable, le diabète, le tabagisme, l’hypertension arté­rielle et un antécédent cardiovas­culaire étaient individuellement associés à une incidence accrue de maladie d’Alzheimer au cours des 5 années de suivi (1 136 sujets, âge moyen de 76 ans) alors qu’en analyse multivariée (introduc­tion simultanée des 4 facteurs), seuls le diabète et le tabagisme étaient des facteurs prédictifs de maladie d’Alzheimer. De plus, l’ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaires proposé dans la plupart des études ne fai­sait pas disparaître l’association entre diabète et incidence de la maladie d’Alzheimer.

Equilibre glycémiqueJusqu’à présent, aucun travail se rapportant à l’équilibre gly­cémique ou aux complications microvasculaires du diabète et à l’incidence de la maladie d’Alzheimer n’a été publié.

InsulinorésistanceUne insulinorésistance élevée semble associée à un risque ac­cru de maladie d’Alzheimer. Plu­sieurs travaux expérimentaux de l’équipe de Suzanne Craft renforcent l’hypothèse d’un lien entre insulinorésistance et ma­ladie d’Alzheimer, notamment via une action directe de l’hyper­

insulinémie sur le métabolisme de la protéine tau et du peptide b­amyloïde.

Le traitement par insuline Il est associé à un risque accru de maladie d’Alzheimer dans les études d’observations. Ainsi, dans l’étude de Ott (5), les su­jets diabétiques traités par insu­line à l’inclusion développaient 4 fois plus souvent une maladie d’Alzheimer au cours des 2 an­nées de suivi que les non diabé­tiques, et ceux qui sont traités par antidiabétiques oraux près

vères et recensées via les registres médicaux, tout comme les cas de démences. En analyse multi­variée, les sujets ayant présenté plus de 2 hypoglycémies sévères avaient un risque de démence augmenté (HR = 1,65 ; IC 95 % 1,10­2,48) comparativement aux sujets sans hypoglycémies. Ce­pendant, la temporalité est diffi­cile à préciser et l’existence d’une démence est un facteur de risque d’hypoglycémie sévère identifié dans plusieurs études comme dans l’étude ADVANCE (7) où les sujets avec un MMS < 23 avaient

de 2 fois plus souvent. Les pa­tients diabétiques sans traite­ment à l’inclusion n’avaient pas un risque de maladie d’Alzhei­mer augmenté comparative­ment aux non diabétiques. Le traitement reflète la sévérité du diabète (durée d’évolution et de­gré de complications) et proba­blement une plus grande durée d’exposition aux autres facteurs associés au diabète de type 2 (hypertension artérielle, insuli­norésistance, pathologies car­diovasculaires…).

La survenue d’hypoglycémies sévères A middle age (entre 55 et 65 ans), les hypoglycémies sévères sem­blent être un facteur de risque de démence 20 ans plus tard, comme le rapporte l’étude de Withmer et al. (6). Dans cette co­horte rétrospective incluant plus de 16 000 sujets, des hypoglycé­mies conduisant à une hospita­lisation ou à une consultation aux urgences étaient considérées comme des hypoglycémies sé­

un risque d’hypoglycémie sévère au cours du suivi doublé.

❚ etudes d’interventionDe larges études d’interventions sont nécessaires pour affirmer l’impact favorable d’un bon équilibre glycémique ou d’un bon contrôle des FDRCVs sur la diminution de l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Mais celles­ci demeurent difficiles à mettre en place du fait du nombre important de sujets à inclure et de la nécessité d’un suivi de la population incluse pendant plusieurs années.

une Démence le plus souvent mixte (malaDie D’alzheimer avec composante cérébrovasculaire) chez le Diabétique âgé

❚ les étudesPlusieurs études arguent pour la coexistence de lésions vascu­laires et de lésions spécifiques de la maladie d’Alzheimer chez le sujet diabétique âgé dément.

Une insulinorésistance élevée semble associée à un risque accru de maladie d’Alzheimer.

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❚ cliniqueCliniquement, les sujets ayant une démence mixte répondent à la définition de la maladie d’Alzheimer probable avec l’ap­parition d’un syndrome démen­tiel tel que défini par le DSM­IV (Encadré 1), de manière progressive avec exclusion des diagnostics différentiels. Les sujets ayant une atteinte vasculaire associée à la maladie d’Alzheimer ont une atteinte prédominante des fonctions exécutives. Les fonc­tions exécutives sont l’ensemble des habiletés cognitives qui per­mettent d’adapter nos compor­tements à l’environnement : la planification, l’organisation, la résolution de problème, le rai­sonnement logique, la pensée abstraite, l’apprentissage de règles, l’attention sélective… A l’imagerie, chez les sujets ayant une démence mixte, l’associa­tion d’une atrophie temporale et de lésions vasculaires (lacunes, anomalies de la substance blanche…) est par définition mise en évidence.

❚ les particularités du diabétiqueL’équipe de la consultation mé­moire de Lille a décrit les carac­téristiques des patients suivis pour une démence selon le dia­gnostic posé : maladie d’Alzhei­mer, démence vasculaire ou maladie d’Alzheimer avec com­posante cérébrovasculaire (8)

(Tab. 1). Ainsi, 970 patients ont été inclus et suivis durant 5 années en moyenne. Les diabétiques ont plus fréquemment une ma-ladie d’Alzheimer avec compo-sante cérébrovasculaire, dé-mence au cours de laquelle le déclin cognitif est plus lent et la mortalité moindre que dans la maladie d’Alzheimer pure. De manière similaire, nous avons étudié l’impact du dia­bète sur la maladie d’Alzheimer dans une cohorte (9) composée

de 608 sujets atteints de mala­die d’Alzheimer dont 63 diabé­tiques. Notre hypothèse était celle d’un déclin des fonctions cognitives accéléré chez les diabétiques, puisque le diabète est un facteur de déclin cognitif chez le sujet âgé. Nous avons observé le résultat inverse avec un moindre déclin chez les dia­bétiques au cours des 4 ans de suivi après ajustement sur les facteurs de confusion (p = 0,01). Ce ralentissement peut s’expli­

Critères diagnostiques de démence d’après le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, Fourth version). A. Installation de déficits cognitifs multiples : 1. troubles de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des

informations nouvelles ou à se rappeler des informations apprises ultérieurement) ;

2. une ou plusieurs perturbations suivantes : - aphasie (perturbation du langage), - apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice

malgré des fonctions motrices intactes), - agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets

malgré des fonctions sensorielles intactes), - perturbations des fonctions exécutives (projets, organisation, pen-

sée abstraite).B. Les perturbations en A1 et A2 interfèrent de façon significative avec

les activités professionnelles, sociales ou dans d’autres domaines importants.

C. Début progressif et déclin cognitif continu.D. Ne survient pas de façon exclusive au cours de l’évolution d’un syn-

drome confusionnel.E. Absence d’autres causes.

Encadré 1

Démence vasculaire maladie d’alzheimer avec maladie d’alzheimer pure composante cérébrovasculaire • 141 patients • 166 patients • 663 patients • 16 % sont diabétiques • 19 % sont diabétiques • 8 % sont diabétiques • Perte annuelle du mmS • Perte annuelle du mmS • Perte annuelle du mmS • 0,6 (2,7) pts • 1,5 (2,3) pts • 2 (2,5) pts • 10 ans après le diagnostic • 10 ans après le diagnostic • 10 ans après le diagnostic • 18 % sont décédés • 17 % sont décédés • 25 % sont décédés

tableau 1 - caractéristiques des patients suivis à la consultation mémoire de lille selon le diagnostic : maladie d’alzheimer, démence vasculaire ou ma avec composante cérébrovasculaire (8).

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quer par des différences neuro­pathologiques et la coexistence de lésions vasculaires et de lé­sions spécifiques de la maladie d’Alzheimer.• L’imagerie cérébrale met en évidence chez les diabétiques des modifications architectu­rales associant anomalies de la substance blanche, lacunes (at­teinte vasculaire) et atrophie (at­teinte dégénérative) s’aggravant avec l’avance en âge (10, 11). De plus, les sujets diabétiques avec une rétinopathie ont plus fré­quemment des lésions puncti­formes de la substance blanche (12). De telles lésions peuvent témoigner d’une atteinte des ar­tères cérébrales de petit calibre comparable à celles de la rétino­pathie, le résultat du fond d’œil étant alors le miroir des atteintes cérébrales.• Les données anatomo-patho-logiques sont aussi en faveur d’une association lésions vas­

qU’ImPlIqUE Un DIagnOStIc DE malaDIE D’alzhEImER chEz Un PatIEnt DIabétIqUE âgé ?

la nécessité De prévenir les hypoglycémiesLa fréquence des hypoglycémies sévères augmente avec l’avance en âge. L’augmentation de la fréquence des hypoglycémies sévères semble s’expliquer par une moindre perception des hy­poglycémies chez les sujets âgés avec l’émoussement des signes adrénergiques et la perception de l’hypoglycémie à un seuil très proche du seuil neuroglucopé­nique (14). Le sujet âgé est donc, du fait du vieillissement physio­logique, moins apte à répondre aux hypoglycémies. L’existence d’une démence aug­mente aussi significativement la probabilité de faire une hypogly­cémie sévère.

La conséquence des hypoglycé­mies sévères est difficile à déter­miner chez le sujet âgé atteint de maladie d’Alzheimer. A ma connaissance, aucune étude n’a mis en évidence une aggravation du déclin cognitif chez les diabé­tiques âgés atteints de maladie d’Alzheimer ayant des hypogly­cémies sévères. En revanche, il semble évident que les symp­tômes neuroglucopéniques de l’hypoglycémie sont similaires aux symptômes comportemen­taux de la maladie d’Alzheimer : agitation, désorientation… La distinction par les soignants est alors délicate et la méconnais­sance de l’hypoglycémie peut entraîner un traitement médica­menteux inapproprié, avec l’em­ploi de neuroleptiques à mauvais escient.

moDifier nos choix thérapeutiques ?Un patient ayant une maladie d’Alzheimer est un patient ayant quitté la trajectoire du vieillisse­ment réussi. A ma connaissance, aucune étude ne s’est spécifi­quement intéressée au diabète et à son traitement chez les su­jets atteints de maladie d’Alzhei­mer. Selon les consensus des so­ciétés françaises et européennes de gériatrie et de diabétologie, l’objectif glycémique est alors une HbA1c inférieure à 8 %.

❚ chez le sujet fragileL’équipe de Munshi (16) s’est ré­cemment intéressée à l’évalua­tion du risque hypoglycémique chez les sujets fragiles avec une HbA1c supérieure à 8 %. Ainsi, 40 patients diabétiques avec une HbA1c supérieure à 8 % ont bénéficié pendant 3 jours d’un Holter glycémique. Ils avaient en moyenne 75 ans, une HbA1c à 9,3 %, 22 années de diabète et

culaires et lésions spécifiques de la maladie d’Alzheimer chez les sujets diabétiques ayant une démence. Ainsi, l’équipe de Son­nen (13) a réalisé 71 autopsies cérébrales de sujets déments (86 ans de moyenne d’âge) dont 26 étaient diabétiques. Les diabétiques avaient significa­tivement plus d’anomalies de la substance blanche (lésions vasculaires) et moins de dépôts b­amyloïdes (lésions spécifiques de la maladie d’Alzheimer) que les non diabétiques.

• Dans la Fremantle study (15), les facteurs de risque de la survenue d’une hypoglycémie grave (né­cessitant un recours au service de soins) était la démence (Hazard ratio (HR) 3,00, IC 95 % 1,06­8,48) et l’incapacité à gérer seul son traitement (HR = 4,17 ; IC 95 % 1,43­12,13). • Dans l’étude ADVANCE (7), comparativement aux sujets non déments, les sujets avec un MMS inférieur à 23/30 ont un risque d’hypoglycémie sévère doublé (HR 2,10 ; IC 95 % 1,14­3,87).

Les diabétiques ont plus fréquemment une maladie d’Alzheimer avec composante cérébrovasculaire, démence au cours de laquelle le déclin cognitif est plus lent et la mortalité moindre que dans la maladie d’Alzheimer pure.

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37 des 40 étaient traités par in­suline. Trente­six patients vont présenter au moins une hypogly­cémie, avec en moyenne 4 hypo­glycémies et une durée moyenne de 46 minutes. La majeure par­tie (93 %) des hypoglycémies n’étaient pas détectées par les 4 autosurveillances glycémiques journalières. L’élévation des ob-jectifs glycémiques chez le sujet âgé fragile ne semble pas suffi-sante pour prévenir les hypogly-cémies.

❚ l’utilisation des traitements non hypoglycémiantsL’utilisation des traitements non hypoglycémiants semblent donc déterminante chez le sujet âgé atteint de maladie d’Alzheimer. • Les dernières études d’obser­vation sont en faveur de l’utili­sation de la metformine chez le diabétique âgé. Le registre REACH a étudié 19 691 patients avec diabète et un ou plusieurs ATCD cardiovasculaires (17). L’âge moyen était de 75 ans. La mortalité à 2 ans était significa­tivement réduite chez les sujets prenant de la metformine avec

un HR = 0,76 (IC 95 % 0,65­0,89). Une revue de la Cochrane (18) s’était intéressée au risque d’acidose lactique en fonction du type de traitement antidia­bétique oral à partir des études d’observations et d’interven­tions disponibles. A partir des 130 000 patients­année étudiés, aucun excès de risque d’aci­dose lactique n’était mis en évi­dence chez les sujets traités par metformine. Ceci pourrait être confirmé dans des études d’in­tervention chez le diabétique âgé fragile.• Les inhibiteurs de la DPP-IV sont aussi un traitement de choix en association avec la met­formine puisqu’il n’augmente pas le risque hypoglycémiant contrairement aux glinides ou aux sulfamides (19).

❚ efficacité identiqueEnfin, il n’y a pas d’arguments pour penser que chez le sujet dé­ment l’efficacité des traitements serait moindre que chez les su­jets aux fonctions cognitives normales. Ainsi, dans l’étude ADVANCE, l’efficacité du traite­

ment hypertenseur et du traite­ment antidiabétique était simi­laire quel que soit le MMS (7).

cOnclUSIOnSLe nombre de diabétiques âgés atteints de maladie d’Alzheimer va significativement augmen­ter dans les années à venir. Les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer semblent diffé­rentes chez les diabétiques avec la coexistence de lésions céré­brovasculaires, témoin d’une probable micro­angiopathie cé­rébrale. Les fonctions exécutives sont fréquemment atteintes al­térant la capacité de gestion du traitement par le patient (sur­veillance, gestion des hypogly­cémies…). Notre objectif chez le diabétique âgé atteint de mala­die d’Alzheimer doit demeurer la prévention des hypoglycémies. n

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BiBliographie

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