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Emmanuel MA MUNG KUANG (Directeur de Recherche CNRS, Université de Poitiers) Sarah MEKDJIAN (Maître de Conférences, Université Pierre Mendès-France Grenoble II) 8h30 à 9h50 15h25 à 16h50 13h45 à 15h05 10h10 à 11h30 Des diasporas aux communautés transnationales : approches et concepts Les journées d'études Géo'rizon sont soutenues par Prochaine journée d'études : jeudi 19 avril 2012. Thème : Métropoles d’Europe. Organisation : Département de Géographie de l'Université de Savoie Contact : 04 79 75 86 87. Courriel : [email protected] Pause déjeuner Jeudi 15 décembre 2011 11 e édition ouvert à tous, entrée gratuite Continuité et transformations de la diaspora chinoise De l’enclave au kaléidoscope urbain. Los Angeles au prisme de la diaspora arménienne Questions et échanges avec la salle 16h50 à 17h30 Table-ronde autour des conférenciers : Les diasporas, reflets d’une mondialisation migratoire Questions et échanges avec la salle Amphithéâtre Decottignies, Rue Marcoz, Présidence de l'Université de Savoie-Chambéry Eric LECLERC (Maître de Conférences, Université de Rouen) Michel BRUNEAU (Directeur de recherche CNRS émérite, Université Bordeaux III) L'astronaute d'origine indienne Kalpana Chawla disparue en 2003 à bord de la navette Columbia. Diaspora(s) Diaspora(s) Diaspora et espace mobile : explorations à partir du cas indien La porte du Chinatown de Liverpool. http://www.unige.ch/intl/erasmus.

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Page 1: Diaspora(s) - Université Savoie-Mont Blanc · Table-ronde autour des conférenciers : Les diasporas, reflets d’une mondialisation migratoire Questions et échanges avec la salle

Emmanuel MA MUNG KUANG (Directeur de Recherche CNRS, Université de Poitiers)

Sarah MEKDJIAN (Maître de Conférences, Université Pierre Mendès-France Grenoble II)

8h30 à 9h50

15h25 à 16h50

13h45 à 15h05

10h10 à 11h30

Des diasporas aux communautés transnationales : approches et concepts

Les journées d'études Géo'rizon sont soutenues par Prochaine journée d'études : jeudi 19 avril 2012.Thème : Métropoles d’Europe.

Organisation : Département de Géographie de l'Université de SavoieContact : 04 79 75 86 87. Courriel : [email protected]

Pause déjeuner

Jeudi 15 décembre 2011

11e édition

ouvert à tous,

entrée gratuite

Continuité et transformations de la diaspora chinoise

De l’enclave au kaléidoscope urbain. Los Angeles au prisme de la diaspora arménienne

Questions et échanges avec la salle

16h50 à 17h30Table-ronde autour des conférenciers : Les diasporas, reflets d’une mondialisation migratoire Questions et échanges avec la salle

Amphithéâtre Decottignies, Rue Marcoz, Présidence de l'Université de Savoie-Chambéry

Eric LECLERC (Maître de Conférences, Université de Rouen)

Michel BRUNEAU (Directeur de recherche CNRS émérite, Université Bordeaux III)

L'astronaute d'origine indienne Kalpana Chawla disparue en 2003 à bord de la navette Columbia.

Diaspora(s)Diaspora(s)

Diaspora et espace mobile : explorations à partir du cas indien

La porte du Chinatown de Liverpool. http://www.unige.ch/intl/erasmus.

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11e Journée d’études Géo’rizon. Diaspora(s). Jeudi 15 décembre 2011

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Des diasporas aux communautés transnationales : approches et concepts

Michel BRUNEAU Directeur de recherche CNRS émérite, Université de Bordeaux III

Introduction

Le terme de diaspora est aujourd’hui un mot vulgarisé, notamment par les médias qui l’utilisent pour évoquer des phénomènes divers. On parle même de diaspora de touristes, ou d’hommes d’affaires, mais cela n’a pas de sens. Il apparaît alors important de préciser ce concept, et de le différencier de celui de « communauté transnationale » qui est apparu beaucoup plus récemment. En effet, M. Bruneau prend le parti de dire que la diaspora et la communauté transnationale sont deux notions distinctes, qui doivent être utilisées différemment en fonction des contextes dans lesquels on les emploie.

Ainsi, au sens étymologique du terme, une diaspora est une dispersion, qui peut se dérouler sous plusieurs formes. C’est un concept qui existe depuis l’Antiquité, et qui est initialement appliqué pour désigner la diaspora du peuple juif. Son sens s’est ensuite étendu à toutes formes de dispersions, seulement à partir du XXe siècle. La diaspora invite à étudier les rapports des migrants avec les lieux et territoires de leur origine, et ceux de leur accueil dans lequel ils doivent résider depuis plus d’un an. Deux Etats Nations doivent être pris en compte : celui de leur accueil et, s’il existe, celui de leur origine. Il faut également souligner qu’il est difficile de recueillir des données précises, car une diaspora se situe sur le long terme, au moins deux générations. Ainsi ces estimations de population en diaspora sont faites par les consulats des pays d’origine, par des associations culturelles ou encore religieuses. Les premières prennent en compte les personnes ayant un passeport du pays d’origine, mais cela ne représente que la première génération, et il manque donc les données des générations suivantes.

Cette approche

statistique insatisfaisante nous montre donc ses limites, ne nous permettant pas de serrer de près la notion de diaspora. Pour cela, la géographie ne nous suffit pas et il faut faire appel à d’autres disciplines, telles que l’histoire, l’anthropologie, les sciences politiques ou la sociologie.

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1. Le concept de diaspora

M. Bruneau explique qu’une diaspora est un phénomène qui existe et se reproduit en s’appuyant sur tout ce qui fait lien entre ceux qui veulent se regrouper et entretenir à distance des relations avec d’autres groupes, installés dans d’autres lieux, mais se réclamant de la même identité. Ce lien revêt différentes formes, qu’elles soient familiales, communautaires, religieuses, socio-politiques, économiques, ou encore qu’elle prenne la forme d’une mémoire partagée lorsque les membres de la diaspora ont subi un désastre ou un traumatisme historique.

Une diaspora est donc une dispersion d’individus, mais aussi leur rassemblement en noyaux agglomérés localement. Il faut, de plus, que ces groupes d’individus entretiennent des liens entre le lieu d’accueil et celui d’origine. Suite à cette définition, une tentative de synthétisation a été effectuée dans le but de faire ressortir les six critères propres suivants pour pouvoir définir un phénomène comme étant une diaspora :

1. il faut que la population ait été dispersée sous la contrainte, que ce soit un génocide, une catastrophe ou encore la pauvreté et la famine.

2. la présence d’une chaîne migratoire reliant le pays d’origine avec le pays d’accueil : la diaspora s’appuie donc sur une mémoire du territoire d’origine.

3. une intégration de la population en diaspora, mais sans assimilation. En effet avec l’assimilation, l’individu devient citoyen du pays dans lequel il réside et sans référence au pays d’origine. Pour être membre d’une diaspora, l’action consciente de l’individu, avec un lien communautaire fort (parfois imaginé), suppose une vie associative riche, des regroupements locaux, etc. Le ressenti d’un traumatisme fait lien.

4. des réseaux d’échanges multiples entre des pôles non hiérarchisés, soit plutôt des relations horizontales.

5. une certaine durée, c’est-à-dire qu’une diaspora existe à partir de la deuxième génération au minimum.

6. enfin la présence d’un corps social autonome par rapport à la société d’accueil et à celle d’origine.

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 1.1 Diaspora hybride a-centrée Ce terme fait référence à une approche post-moderne des diasporas par des chercheurs

appartenant aux cultural studies, un courant apparu en Grande Bretagne dans les années soixante, à la croisée de multiples disciplines. Il a ensuite été introduit en France par Christine Chivallon à propos des diasporas noires des Amériques. Ainsi les diasporas hybrides a-centrées font référence à un monde de dissémination et de métissage, par opposition au monde de l’affiliation et de l’héritage présent dans les grandes diasporas. Il n’existe alors pas de noyau dur identitaire ni de continuité des traditions, du fait du départ forcé qu’ont connu ces populations. Leurs origines ne sont pas vraiment précisées et après plusieurs générations les individus savent uniquement qu’ils viennent d’Afrique, mais cela reste très vague. Il s’instaure une sorte d’abolition de l’héritage culturel, même la langue est perdue. De plus, la première génération n’a pas pu constituer d’associations, ce qui est le propre d’une diaspora, pour pouvoir cultiver et transmettre sa culture d’origine.

Au début du XXe siècle, quelques intellectuels (Marcus Garvey, Du Bois) ont essayé de

promouvoir une idéologie nationaliste panafricaine. Cependant, du fait des origines géographiques plutôt imprécises, Il n’existe pas dans la diaspora noire de nation proprement dite comme dans les diasporas classiques, mais un pôle racial et culturel dans lequel s’articulent plusieurs façons de définir l’identité. Malgré les différences, quelques aspects sont communs entre la diaspora noire et celle des Tsiganes ou Roms qui, eux aussi, ont des origines géographiques assez incertaines (nord-ouest de l’Inde, mais à une date inconnue). Elles ont un vécu assez traumatique, avec un départ forcé et des conditions de vie médiocres. De plus, leurs logiques d’hybridation culturelles dans les pays d’accueil peuvent être rapprochées.

© M. Bruneau

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1.2 Le concept d’iconographie et l’identité en diaspora Ce concept d’iconographie a été défini par Jean Gottmann (1952) comme « la somme des

croyances, des images, des idées dont une communauté a hérité et auxquels ses membres sont attachés ». Ce lien entre les personnes et les icônes constitue le ciment du groupe et conduit à la définition du territoire dont les membres des autres communautés, attachés à d’autres iconographies, sont exclus. Ces iconographies touchent à trois domaines essentiels : la religion, le passé politique et l’organisation sociale. Elles sont également à l’origine du cloisonnement socio-politique de l’espace, par opposition à la circulation, aux migrations et aux changements qui provoquent les hybridités. Cette iconographie se matérialise sous la forme de sanctuaires, de monuments commémoratifs, de logos, d’images support d’une mémoire… Ces lieux prennent vie par le besoin de se créer des lieux de rassemblement périodiques, des lieux de mémoire, où les

individus se retrouvent et transmettent leur identité d’une génération à l’autre. C’est le cas avec les Grecs pontiques, qui ont dû quitter leur région du Sud de la Mer noire en 1923. Ils perdent donc leur territoire d’origine, et ont été réinstallés dans des villages en Grèce et même dans d’autres pays à travers le monde. Pour pouvoir transmettre leur culture, ils ont besoin de se référer à un lieu symbolique, qui est au centre de leur iconographie. Ainsi une réplique de leur monastère byzantin de Panagia Sumela (situé dans l’arrière pays de Trabzon) a été construite en Macédoine, le pays où ils étaient alors les plus nombreux, l’original ayant été inaccessible pendant longtemps pour eux.

© M. Bruneau

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1.3 Les espaces de diasporas : l’extra-territorialité M. Bruneau nous présente ici quelques caractéristiques liées à la thématique spatiale des

diasporas. On parlera surtout des diasporas « classiques », et non des diasporas hybrides. Comme indiqué précédemment, les diasporas sont des organismes très flous, décentralisés et polycentriques. On retrouve en général deux niveaux d’organisation des diasporas, à savoir le niveau national qui est celui du pays d’accueil et le niveau mondial, coordonné ou non par le pays d’origine ou par une autorité religieuse, donc indépendant de l’Etat Nation. L’identité diasporique n’est pas quelque chose de fixe qui se transmet sous une forme stéréotypée, elle évolue non seulement d’une génération à l’autre mais, également et surtout, au contact des sociétés d’accueil. Il existe donc bien une identité commune, mais elle revêt des spécificités propres à chacune des sociétés d’accueil, l’identité variant fortement au contact du local. Cette identité se base surtout sur un peuple, une entité ethnique ou une communauté, et cette identification prend le pas sur l’enracinement au sol, au territoire. En effet, dans une diaspora c’est le corps social qui remplace le territoire. Ce dernier se situe ailleurs, dans une extra-territorialité. Cependant, une diaspora doit disposer de lieux physiques de rassemblement, de nature religieuse, politique ou culturelle, où peuvent être rassemblés les différents éléments de son iconographie afin de transmettre sa mémoire et sa culture d’une génération à l’autre.

1.4 Quatre grands types de diaspora Une typologie permet d’avoir une vue d’ensemble du phénomène diasporique. Ainsi, elles

ont toutes les mêmes éléments de fonctionnement : réseaux économiques, culturels, politiques, références religieuses et culturelles, etc. Mais ce qui va varier en fonction des différentes diasporas, c’est la prédominance de l’un de ces éléments sur les autres. En prenant quelques exemples parmi les plus importants, et notamment les cas des diasporas chinoise, indienne ou encore libanaise, on peut voir que ces diasporas sont construites autour du pôle entrepreneurial. Les relations politiques existent mais ces dernières ne jouent pas un rôle prépondérant. Parfois, l’élément principal fédérateur des grandes diasporas est la religion, qui est alors souvent associée à une langue. C’est le cas par exemple pour les diasporas historiques du peuple juif, des Grecs ou des Arméniens. Il existe également des diasporas autour d’un pôle politique, que ce soit pour une aspiration à l’indépendance, l’autonomie et/ou la création d’un Etat Nation qui a disparu ou qui n’existe pas. La mémoire collective du peuple en diaspora s’enracine dans un évènement politique qui est alors fondateur. Il est décrit ici les diasporas des Palestiniens (OLP), les Tibétains, les Kurdes ou encore les Tamouls du Sri Lanka (A. Goreau-Ponceaud, 2008). Enfin, un dernier grand type de diaspora est l’exemple de la diaspora noire des Amériques ou bien celle du peuple Rom : elle s’articule surtout autour d’un pôle racial et culturel.

Cette première partie décrit des phénomènes qui s’étalent dans le temps, avec plusieurs vagues migratoires qui peuvent s’étaler sur plusieurs siècles. Mais il existe un autre type de phénomène beaucoup plus récent, à savoir les communautés transnationales, qui se bâtissent à partir d’un champ migratoire.

2. Le concept de communauté transnationale

M. Bruneau introduit cette partie en nous présentant le travail de Stéphane de Tapia qui étudie la migration des Turcs vers l’Europe occidentale depuis les années 1950 et après. Ainsi, plus de trois millions de Turcs ont migré en Europe occidentale et maintiennent une circulation migratoire, des liens continuels entre la Turquie et les différents pays d’accueil. Ces liens prennent la forme de réseaux très intenses, matériels ou immatériels. On notera également l’apparition des nouveaux moyens de communication qui permettent de maintenir des liens beaucoup plus étroits qu’autrefois. Il s’agit d’un nouvel espace de socialisation, basé sur des réseaux transnationaux qui relient le pays d’origine et le pays de résidence, utilisant des rapports familiaux de parenté à la base de relations sociales, économiques, et favorisant la participation des immigrés à la vie des deux

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espaces nationaux. Ces migrants construisent et maintiennent des rapports sociaux multiples entre leur société d’origine et celle de leur installation par-dessus les frontières, constituant l’espace transnational. C’est le cas par exemple de la migration des Philippins depuis la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, c’est une migration de travail sans traumatisme, donc ils n’entretiennent pas une identité reliée à une histoire ou une religion. Leur identité est plutôt enracinée dans les structures et les relations familiales. C’est aussi le cas des Mexicains aux Etats-Unis, étudiés par L. Faret (2003). Le rapport identitaire est développé et entretenu par des individus entre communautés d’origine et collectivités de migrants dispersés dans des lieux d’installation. Cependant le transnationalisme n’est pas un phénomène si récent que cela. En effet, il remonte au début du XXe siècle, avec les Juifs russes et les Italiens à New-York. Ils maintenaient des liens avec la communauté d’origine, avec les moyens de l’époque qui étaient alors beaucoup moins importants qu’aujourd’hui. Les migrants entretenaient l’espoir d’un retour au pays d’origine à leur retraite.

2.1 Un nationalisme à longue distance Une communauté transnationale a une orientation essentiellement économique et sociale, les

intérêts politiques se limitent à la politique de migration suivie par son pays d’accueil et d’origine. Elle privilégie l’échelle locale d’une communauté ou d’une micro région du pays d’origine, vivant et se développant en symbiose avec les communautés de ses migrants dans un ou plusieurs pays d’installation. Souvent, ces communautés transnationales sont marquées historiquement par les relations de dépendance d’un pays anciennement colonisé et dominé économiquement et politiquement avec sa métropole. Dans les diasporas, il existe un spectre plus large d’allégeance : les familles diasporiques ont en effet des stratégies de dispersion de leurs membres dans le monde entier en fonction des circonstances et des besoins. L’appartenance à une diaspora suppose une conscience identitaire qui se réfère à une nation, à une culture et/ou à une religion. Dans une communauté transnationale, il y un attachement à une famille plus qu’à un pays. La référence à l’idéologie nationale est présente surtout dans les diasporas, mais elle peut s’exprimer également dans une communauté transnationale à l’occasion d’un événement exceptionnel (catastrophe, mise en cause de la nation).

2.2 Les territoires circulatoires Ce terme a été inventé par l’anthropologue Alain Tarrius, qui a étudié les mouvements des

entrepreneurs migrants qui circulent entre le pays d’origine et le lieu de vente, souvent les métropoles d’Europe occidentale. Ainsi, ce phénomène est une autre forme de communauté transnationale proche du nomadisme, entre le lieu d’origine et le lieu de vente des marchandises. Il s’agit de « petits migrants », des « passeurs de marchandises » qui se consacrent au transport et au négoce de produits importés en contrebande, souvent des contrefaçons, entre le Maghreb et la France. Cependant, il n’y a pas d’implantation durable dans le lieu d’accueil, les migrants vendent leur marchandise et reviennent au pays d’origine. Ce phénomène ne peut exister qu’à travers des « notaires informels ». Ces personnes sont des intermédiaires en relation avec les autorités policières et politiques locales, avec les représentants des Etats d’origine et leurs représentants religieux, et avec les réseaux commerciaux souterrains. Ce sont des résidents permanents du pays de vente, en quelque sorte membres d’une communauté transnationale. Ils permettent ainsi aux migrants, commerçants nomades, de résoudre leurs problèmes, les insèrent provisoirement dans des réseaux locaux, etc. Sans eux, ils n’auraient pas de possibilité de maintenir ces réseaux. Le lieu essentiel est leur communauté d’origine d’où ils partent avec leurs marchandises, c’est leur seul point d’ancrage. L’identité de ces migrants n’est donc pas diasporique mais nomade, elle se fonde sur des « métissages partiels et momentanés » acquis au cours de l’acte marchand par lequel ils se focalisent.

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Conclusion sur les diasporas Les éléments caractéristiques du phénomène diaspora peuvent être résumés ainsi :

1. une diaspora est un phénomène de sédimentation dans la longue durée. Il y a plusieurs vagues migratoires ayant différentes causes.

2. les populations en diaspora s’adaptent aux conditions locales et nationales. Cependant, il est important de préciser qu’il y a intégration, mais sans assimilation.

3. chaque génération de migrants produit son propre type de mixité. Il arrive souvent que les générations qui n’ont pas connu leur pays d’origine fassent des voyages pour voir les lieux et maisons de leurs ancêtres.

4. l’enracinement dans les lieux d’installation s’effectue à travers un capital symbolique, iconographique, lié à une mémoire collective.

5. la notion d’échelle est importante dans une diaspora. En effet les populations doivent à la fois vivre à l’échelle locale de la communauté, celle du pays d’accueil ou d’origine, et à l’échelle mondiale de la diaspora.

6. enfin, le territoire (ou plus précisément la territorialité) joue un rôle essentiel dans le sens d’une adaptation au lieu d’installation dans le pays d’accueil à travers la mémoire du lieu d’origine.

Conclusion sur les communautés transnationales Les éléments caractéristiques des communautés transnationales sont ainsi :

1. les transmigrants, les entrepreneurs transfrontaliers, les marchands nomades cherchent avant tout à bâtir une maison dans le village d’origine et ainsi à gravir l’échelle sociale. Il arrive parfois que le migrant soit implanté dans les deux pays, avec une double nationalité.

2. ces populations ne vont pas au-delà de leur communauté d’origine et du réseau de ses migrants, alors que les membres d’une diaspora ont le sentiment d’appartenir à une nation en exil, dispersée dans le monde, et d’être porteur d’un idéal.

3. les communautés transnationales n’ont pas besoin de se ré-enraciner dans le territoire d’accueil.

4. les différents acteurs essaient d’influencer leur Etat Nation d’origine et celui de leur installation. La double nationalité, la circulation migratoire favorisent les doubles appartenance et allégeance.

Compte rendu par Charlotte MULLER, M1 Métiers de l’Enseignement Scolaire, spécialité histoire-géographie

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Diaspora et espace mobile: le cas indien

Eric Leclerc Maître de conférences HDR à l’Université de Rouen

Introduction L’aspect conceptuel de la diaspora et des mobilités est abordé ici à travers le cas indien. Quelles sont les implications de ceux qui décrètent la diaspora indienne ? Qui dénonce cette diaspora ? Quels sont les enjeux et conséquences de celle-ci sur la définition du territoire indien ? Pour les Indiens, ce concept de diaspora leur est étranger car il n’y a pas d’équivalence dans une langue indienne. C’est un concept que le parti nationaliste hindou du BJP est allé chercher hors des frontières de l’Inde. L'analyse de ce paradoxe, nous permet d'explorer un double décentrement : c'est tout d'abord partir à la recherche de l'Inde hors du terrain sous-continental habituel, et deuxièmement analyser le jeu des interactions ici-ailleurs entre la diaspora indienne et le gouvernement indien. Le BJP, parti du peuple indien, a voulu en 1998 bouger ces frontières, rendant la lecture de l’espace différente. Cette notion d’espace vue par le concept de diaspora est-elle différente ?

1. L’Inde ailleurs 1.1 Définition de diaspora indienne Le terme de diaspora est un terme nouveau pour l’Inde, car il n’y a pas d’équivalence

linguistique pour définir ce mot. Le concept de diaspora apparaît au début des années 1990 dans la littérature scientifique, mais aussi au sein du gouvernement avec le parti nationaliste hindou. A l’arrivée de ce terme, il s’agissait des Indiens d’outre-mer (overseas indian). Aujourd’hui, il existe deux termes de réalité différentes pour définir ce concept :

- les PIO (People of Indian Origin) : personnes étrangères, personnes qui ont été détentrices d’un passeport, ou encore de personnes descendant à la troisième génération de parents nés en Inde. Il peut s’agir de l’épouse d’un citoyen indien. De 1928 à 1931, ces migrants indiens sont visibles sur tout le pourtour de l’Océan Indien, principalement installés dans les îles de l’empire Britannique, telles que l’Ile Maurice, la Malaisie, la Birmanie. De même, elle est visible sur les côtes est de l’Afrique orientale et une partie sur l’Empire Britannique.

- les NRI (Non Resident Indian) : citoyens indiens encore détenteurs de leur passeport indien, ayant résidé plus de six mois hors du territoire indien. Leur statut a été créé en 1974 pour des raisons fiscales, afin d’éviter la double imposition. Cela concerne les premières générations de migrants.

Au XIXe siècle, les courants de diaspora indienne sont principalement de trois natures : - indentured labor : les travailleurs engagés sous contrats. - free passenger : migrants qui migrent de façon libre. - migrants récents : professionnels qualifiés, présents principalement aux Etats-Unis

et dans le Golfe (travailleurs moins qualifiés) Les termes NRI et PIO marquent une opposition entre l’intérieur et l’extérieur de l’Inde. Il

existe beaucoup plus de catégories pour désigner ces personnes hors du pays que pour désigner les

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personnes chinoises à l'étranger. Ils sont considérés comme étrangers quand ils rentrent en Inde. De même, les travailleurs indiens ne sont pas considérés différemment que les autres, ils sont de retour pour servir le pays tout simplement.

1.2 Analyse de l’hétéro-nomination de la diaspora indienne Il existe un autre terme pour définir ces travailleurs indiens partis à l’étranger, celui de

coolies qui désigne les migrants partis dans les années 1834 pour remplacer les esclaves après l’abolition de l’esclavage. Ils les remplacent comme la population chinoise, pour une durée déterminée, et doivent repartir à la fin de leur contrat. Ils ne sont donc pas esclaves à proprement parler, mais plus ou moins dans l’obligation de signer puisque la plupart sont dans une mauvaise situation, notamment de famine. Ce sont des Girmit, du terme girmitya (en anglais), signifiant « signature d’un contrat ». Il existe deux catégories de personnes qui partent pour l’Afrique pour y travailler.

- 1 million sont des engagés, ils signent le contrat et partent pour l’Afrique de l’Ouest. - 6 millions sont sous le système Kangani, c’est-à-dire que ce sont des maîtres qui leur font

signer le contrat et qui les envoient à l’est de la Malaisie à la Birmanie. C’est une population essentiellement masculine, c’est pour cela que 40 % de femmes sont imposées comme coolies, pour que les hommes ne créent pas de troubles. C’est ce qui fera qu’une partie de cette population restera sur place après la fin des contrats. On parle d’une « fraternité de bateau », les Chinois et les Indiens connaissent les mêmes conditions que les travailleurs dans les champs de coton et canne à sucre. On voit apparaître cette unité des classes laborieuses. C’est pour cela que sera créé le « jour des coolies » (à l’occasion de la fête Muharram), une sorte de carnaval, qui transcende toutes les origines des différentes populations rassemblées. Cette cérémonie participe à l’unité de classe pour ces travailleurs indiens partis à l’étranger, gardant un lien avec la population restée au pays, et qui ne vont pas hésiter à se montrer pendant la lutte de l’indépendance. De 1915 à 1917, la population va participer à leur manière au mouvement Ghadar aux Etats-Unis. Ils vont défendre la cause indépendantiste indienne. Ce sera un échec pour eux, car les Britanniques demandent l’aide des Américains qui réussiront à calmer ce mouvement auprès de la diaspora indienne présente en Amérique. Mais ce mouvement aura permis d’abolir l’engagisme en 1813. Le même processus est suivi avec le mouvement de Gandhi, qui va lui même fabriquer la lutte de l’indépendance. Cette fabrication de l’identité indienne pour la cause indépendantiste se reflète en Afrique du Sud.

Certaines de ces populations hors de l’Inde veulent revenir au pays pour défendre la cause indienne, pour retrouver une certaine identité. Mais en 1947, Nehru, Premier Ministre au moment de l’indépendance, demande à ces populations de prendre la nationalité des pays où elles sont installées. Elles ont alors le droit de choisir et donc de revenir, c’est pour cela que le gouvernement Indien craint leur retour dans le pays et le leur refuse. Cette peur est doublée de la volonté de laisser les nouveaux pays faire leur indépendance. De même dans le pays où ils sont installés, la nationalité leur sera refusée.

La rupture progressive au sein de l’ancienne classe laborieuse, entre Indiens et Africains notamment dans l’Afrique de l’est, les routes vont s’opposer et les colonisateurs font jouer sur cette rupture de cette classe laborieuse dans leur lutte pour l’indépendance. Cette classe laborieuse, qui était accompagnée de cette population de free de passagers (commerçants), va être regroupée en un groupe appelé les Asiatiques. Ils vont être désignés par les dirigeants africains comme des minorités auxiliaires qui ont aidé le colonisateur. Les dirigeants africains vont alors mener une politique d’expulsion entre 1967 et 1972 contre cette population chinoise et indienne pour récupérer leur pays (l’« africaniser » et le développer). Cette politique d’expulsion en Ouganda donne à chaque indien 59 jours pour préparer leurs bagages et 55 livres sterling pour quitter le pays. La nationalité africaine leur étant ainsi interdite, à la suite des expulsions, chacun va vouloir se réfugier en Inde, mais ils ne pourront pas récupérer leur nationalité. Seuls 15 000 seront accueillis dans le pays sur

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les 200 000 ou 300 000 ; pour les autres, ils vont compter sur le Commonwealth pour pouvoir se rattacher à l’Empire Britannique. Ces populations viennent de différentes parties de l’Inde et pour un même groupe il existe trois destinations différentes. Elles se donnent petit à petit un destin commun. Le gouvernement leur ferme la porte, mais cela change avec l’arrivée du BJP en 1998 qui va proposer une nouvelle politique.

2. La diaspora au service d’un pouvoir national L’arrivée au pouvoir en 1998 du BJP permet la redécouverte pour l’Inde de ce mouvement

migratoire. Le gouvernement dirigé par Vajpayee, va mettre en place une haute commission de la diaspora indienne pour savoir où elle se situe et en faire le décompte. L’objectif est de déterminer les relations entre cette population et la nation.

En janvier 2002 un rapport est rendu, qui fait apparaître le terme de diaspora puisque cette commission avait pour titre la diaspora indienne. Le rapport montre que cette diaspora est nombreuse, environ 20 millions de personnes dans le monde. C’est le gouvernement indien qui a proposé ces chiffres d’évaluation de sa diaspora. Les seuils statistiques sont déterminés par l’Etat lui-même. Mais ces diasporas sont difficiles à évaluer, car elles évoluent dans 136 pays. De même, il est difficile de savoir qui est indien après trois générations. Sur la carte de la diaspora indienne, nous pouvons voir apparaître bien évidemment de très gros effectifs dans l’ancien empire britannique. Dans les années 1970, le Golfe a besoin de main d’œuvre et ils vont proposer des contrats qui vont faire apparaître un système de rotation de migrants, difficile à comptabiliser, car ils doivent rentrer à la fin de leur contrat. De même apparaissent de gros effectifs en Amérique du nord et Canada ainsi qu’en Australie. Sur la carte de forts taux de croissance, masquent des faibles effectifs absolus comme au Portugal. On observe une croissance plus faible en Afrique de l’Est, car les indiens se dirigent en priorité vers la Grande Bretagne. Très peu de pays comptent plus de 50 % de leur population d'origine indienne : Guyane, Ile Maurice et Iles Fidji.

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La définition de la diaspora est très essentialiste. Dans le rapport, la haute commission fait référence aux indiens ayant migré dans différentes parties du monde, mais qui ont gardé leur culture indienne. Mais qu’est-ce qu’avoir une « culture indienne » ? Comment la garder en dehors du pays ? Dans le rapport, la volonté du gouvernement est de ne pas prendre en compte la période du XIXe siècle, or il y a eu beaucoup de mouvements de cette diaspora durant cette période. On définit la diaspora d’une certaine façon, selon la relation à la décolonisation.

Le but du gouvernement est d’instaurer cette diaspora comme un tout, d’où le concept de Global Indian Family, renvoyant à l’idée d’unité et de continuité entre les différentes vagues migratoires. Peut-on pour autant créer un tout ? Cette unité est affirmée, mais elle n’est pour autant expliquée. Très peu d’auteurs l’ont fait. S. L. Sharma qui analyse l’économie politique marxiste, tente de retrouver la naissance de la diaspora et montre qu’à travers la colonisation ou le regroupement de travailleurs dans le Golfe, c’est avant tout la main d’œuvre quoi est recherchée, avec un mouvement qui se perpétue.

Toujours dans le rapport de la haute commission nous pouvons nous apercevoir que les modèles mis en avant sont le modèle chinois (14 pages accordées) et le modèle juif (9 pages). Le nombre de pages plus important pour le modèle Chinois s’explique par cette petite rivalité entre l’Inde et la Chine. L’Inde étant en retard économique par rapport à la Chine, le gouvernement tente de tirer des avantages économiques de la diaspora, tout comme l’ont fait les Chinois avec leur propre diaspora. Pour récupérer de l’argent de la diaspora, le gouvernement met en place des bons du trésor, des obligations d’Etat. Et au moment de la première crise de liquidité e 1991, ce système de bons va être très apprécié pour récolter de l’argent plutôt que de demander de l’aide à d’autres organismes. Mais cela ne va pas fonctionner, car la diaspora n’ayant pas entièrement confiance va retirer une partie des liquidités en 1992. En 1998, une nouvelle crise économique va toucher le pays à la suite des essais nucléaires et des difficiles échanges avec les Etats-Unis. A ce moment, la diaspora va leur venir plus en aide, car ils ont récupéré plus de 4 milliards de dollars. Pendant cette période de crise, les travailleurs du Golfe et de l’Amérique du Nord vont donner de l’argent pour les familles indiennes restées au pays avec 55 milliards de dollars de remise annuelle, l’Inde est en première position dans le monde en matière de revenu. En 2010, on recense 34 milliards de dollars d’investissements directs étrangers, encore très loin de ceux de la Chine.

En ce qui concerne le modèle juif, le gouvernement indien a copié ce modèle politique dans relations qu’ils

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entretiennent avec les autres pays : c’est le « nationalisme à longue distance », tentant de faire en sorte que le pays dans lequel se trouve la diaspora indienne se tourne vers l’Inde. Aux Etats-Unis, ils vont créer un « caucus », un groupe qui va regrouper 175 parlementaires américains, dans le but d’influencer la politique états-unienne envers l’Inde. En 2006, l’Inde a signé de nouveaux accords avec les Etats-Unis malgré l’interdiction. L’Inde n’ayant pas signé le pacte de non prolifération des armes nucléaires, les Etats-Unis n’étaient pas censés échanger, mais grâce à ce lobbying politique, ils sont passés outre ces accords et ont finalement procédé à plusieurs échanges de technologies sensibles. Le gouvernement mis en place fait un effort pour créer une « famille indienne », véritable politique volontariste réinventée, selon une idée d’unité globale.

3. Nation globale contre diaspora hindoue : les aspects cachés de cette politique Cette politique a une double dimension : d’abord mobiliser cette diaspora sur la dimension

internationale, mais aussi un discours à fonction interne avec l’influence entre l’ailleurs et l’ici. Le Parti nationaliste rompt avec le point de vue de Nehru, car il s’oppose à son modèle séculariste : l’idée de faire l’unité dans la diversité. Ce parti accepte moins ce discours, ils sont principalement complexés par le fait qu'existe une minorité musulmane (14 % de la population indienne), ils tentent de montrer que les musulmans pourraient ne plus être minoritaires. C’est un discours que l’on pourrait caractériser d’idéologique mais qui va prendre petit à petit forme. Il participe d’une montée en puissance des musulmans dans le reste du monde qui va provoquer dans les années 1980 des manifestations contre laquelle les Hindous vont réagir, en s’unifiant et en faisant appel à plusieurs branches. L’organisation de la « famille » s’effectue en plusieurs branches : - VHP : branche culturelle et religieuse - BJP : branche politique - Associations Caritatives

Dans les années 1970, le parti VHP crée des branches en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, des succursales à l’étranger de même pour le BJP et les associations caritatives. Le but étant de convertir la diaspora de façon à se faire financer pour faciliter son accès au pouvoir. L’hindouisme est très prononcé quand le BJP prend le pouvoir, organise par exemple la « journée des expatriés », le 9 janvier 2003 qui est aussi l'anniversaire du retour de Gandhi d'Afrique du sud. On peut y voir plusieurs symboles (symbole de la famille globale, de l’Inde, plusieurs logos...) pour rester dans ce projet nationaliste. Cette journée sert à donner des prix aux plus méritants pour montrer leur reconnaissance de leur contribution aux services de l’Inde. La liste des pays auxquels ils acceptent d’accorder la double nationalité n’est pas constituée que d’Etats riches (OCDE), ceux du Golfe sont exclus. Ils font ce qu’on appelle l’« apartheid du dollar ». Le parti nationaliste veut faire référence à l’Inde ancienne, à Bharat, une idée très sensible pour le BJP. Cette idéologie de l’affirmation de l’identité indienne est commune.

Par la suite, le parti du congrès va se trouver en continuité et en rupture avec le BJP, puisqu’ils vont d’abord mettre en place la citoyenneté d’Outre-Mer (OCI) (à l’encontre de la constitution du 11 janvier 2005). Cette fois-ci, l’OCI regroupe un grand nombre de personnes même les travailleurs des pays du Golfe qui auront accès aux grandes écoles (15 % d’accès pour les travailleurs du Golfe) et de l’aide s’ils sont en difficulté. L’idée est d’inclure toute la diaspora dans une définition plus large. En revanche, ils ne retiennent que les espaces qui sont devenus indiens jusqu’en 1951, intégrant toutes les parties devenues indiennes, comme Pondichéry mais excluant toute personne du Bangladesh et du Pakistan. La diaspora se limite au pays. C’est une volonté de fermeture ; pour des raisons de sécurité nationale, le parti ne veut pas des personnes venues du Pakistan, ils ne veulent pas qu’ils puissent acquérir la nationalité indienne. En 1947, Nehru instaure le droit du sol, et donc à partir de cette définition on pourrait aller vers le droit du sang permettant d’avoir la nationalité indienne, on a une évolution visible et ce mélange entre les deux partis qui se sont succédés. Mais le fait d’avoir la citoyenneté est différent d’avoir la nationalité. Les expatriés, qui ont perdu la nationalité et qui rentrent après cinq ans passés dans un autre pays, veulent

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récupérer celle-ci. Leur carte de l’OCI ne leur donne cependant pas le droit de voter, mais simplement la citoyenneté et donc le droit à l’achat de terre agricole par exemple.

Chaque définition montre une évolution des différents choix politiques, on peut voir grâce à ces évolutions comment évolue la société. Dès lors, le thème trans-national ressurgit, c’est-à-dire l’ensemble de la nation qu’elle soit à l’intérieur ou à l’extérieur du paysr. A partir de là, on peut repenser tous ces groupes et voir comment fonctionne la société indienne à partir de la diaspora.

4. Vers l’espace mobile

4.1 Vers l’idée d’un espace indien mobile Le gouvernement indien a affirmé une vision très classique et veut une fermeture de l’Inde.

Sous les auspices du BJP et du Parti du Congrès, on délimite la frontière entre Bangladesh et l’Inde, qui est matérialisée avec des clôtures et fils barbelés.

Du point de vue de la diaspora, ils insistent beaucoup sur la patrimonialisation de la diaspora. On fait appel aux racines, aux origines et à la mémoire de ces personnes vivant à l’étranger, une dimension de la mobilité nouvelle en Inde. L’Inde est souvent présentée comme immobile, l’Inde enracinée ; à travers les études de la diaspora s’effectue un changement de paradigme, ce qui fait que l’on s’intéresse à la mobilité de l’espace indien. - Claude Markowitz étudie les succursales commerciales Sindworki qui vont, au moment où l’Empire Britannique s’est implanté (colonisation), favoriser l’arrivée de ces marchands de souvenir, implantés dans le monde, avec une présence mondiale en augmentation (Afrique de l’Est et de l’ouest). Il y a un très grand dynamisme pendant la colonisation, on profite de l’opportunité pour étendre les réseaux. On recense aussi les marins servant de main d’oeuvre, les « lascars », recensés un peu partout dans le monde et qui se sont par la suite installés sur place. La période de la colonisation a favorisé la mobilité. - Marc-Anthony Falzon étudie les Sindhi (ces marchands qui au moment de la décolonisation ont dû fuir le Pakistan). Cette communauté vit en diaspora et ne revendique pas ce lieu de départ (le Sindh, une province du Pakistan) comme étant le leur, ils paraissent détachés de leurs origines. Et pourtant chaque année ils retournent à Bombay pour y célébrer des cérémonies religieuses, des mariages, pour y faire des affaires. On recense donc ici de grandes mobilités entre ces différents lieux dans le cas de la diaspora. - Eric Leclerc étudie les informaticiens indiens, montrant leur très forte mobilité. La demande de main-d’oeuvre indienne est élevée depuis le début du XXIe siècle, à cause du passage à l’an 2000 et du passage à l’euro (craintes d’avoir des problèmes informatiques). C’est ce que Robert Heeks et Xiang Biao ont appelé le « body shopping », la « location de cerveaux », l’embauche de main-d’oeuvre extrêmement flexible, ne restant que quelques mois. Un visa est même créé aux Etats-Unis : le H-1B, qui permet aux personnes qualifiées uniquement de rentrer dans le pays pour un temps limité (migration temporaire). Les entreprises qui demandent de la main-d’oeuvre passent par des intermédiaires entre l’Inde et les Etats-Unis, des sponsors qui sont eux-mêmes indiens. Ils sont installés depuis longtemps aux Etats-Unis et les font venir sur place par un réseau d’annonces, selon un système très flexible. On peut relire la dynamique de la société indienne grâce aux diasporas. La mobilité professionnelle se reflète dans l’espace car ces sponsors vont loger ces informaticiens très qualifiés créer dans des immeubles pour mieux contrôler leurs mouvements. La population est en état de mobilité et reste très connectée dans l’espace.

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4.2 Le cyber espace Les migrants restent très connectés à l’Inde via internet et utilisent toutes les technologies. Le programme e-diaspora Atlas a tenté de faire un Atlas des diasporas grâce à une étude du cyberespace de ces diasporas. L'atlas est composé de cartes montrant les sites visités par la diaspora indienne. De même, grâce à une utilisation des graphiques, montrant les différents liens entre les sites Internet, on peut voir la façon dont eux-mêmes se définissent, les portails vers lesquels ils se

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rendent le plus souvent, et donc identifier leur opinion politique par exemple ou leur croyance. Il ne s’agit plus d’hétéro-nomination, mais de la façon dont eux-mêmes se définissent. Ainsi, 7 sources de données les plus visitées apparaissent : - 1) 2) sites gouvernementaux, nationaux. - 3) 4) 5) les sites revendiquant une identité sub-régionale. - 6) Identité sud asiatique (souvent site féministe ou politique). - 7) Sites religieux (chrétiens notamment, puis hindous). Cela forme des liens mais qui ne constituent pas nécessairement de vraies communautés ensuite. Toute une série d’identités, pas forcément exclusives les unes des autres, induisent simplement une façon de voir les choses. A travers l’analyse de la diaspora indienne, on peut rebondir sur toutes les autres diasporas. Questions de la salle

- Quelles sont les raisons pour lesquelles la moitié de la population indienne aux Fidji est relativement mal perçue par la population locale?

Ils sont relativement nombreux (presque 50 %), induisant une rivalité entre autochtones et allochtones. Lorsque les indiens sont arrivés au pouvoir légalement, les fidjiens autochtones ont fait un coup d’Etat et retourner le pouvoir, laissant une certaine tension entre ces deux populations.

- Il existe des sous-diasporas, comme les Sikhs, qui semblent une diaspora particulière. La catégorie de l’Asie du Sud qui rassemble le Pakistan, le Sri-Lanka est un groupe à part, mais peut-elle être considérée en lien avec la diaspora indienne?

Les Sikhs ont une religion apparue vers le XVe siècle dans le nord de l’Inde, qui reprend l’hindouisme et l’islam. Les Britanniques les ont rapidement mis à part, car ils les ont identifiés comme une race martiale. Ils avaient en effet peur de cette population, car c’étaient de redoutables guerriers (combattant contre les Moghols au moment de leur arrivée). Ils ont toujours servi aux combats pour les Britanniques. Il se sont retrouvés toujours à part et ont subi la partition, une partie de la population est restée en Inde et une autre dans la diaspora. Dans les années 1980, ils ont voulu former un Khalistan et on fait appel à leur diaspora. Le Temple d’or, lieu de culte de leur religion, a été pris d’assaut ce qui leur a renforcé cette idée de partition. Le mouvement s’est éteint suite aux nombreuses répressions de l’Inde, aujourd’hui c’est un mouvement toujours éteint mais qui peut à tout moment revenir. La diaspora d’Asie du Sud est constituée des Bengalis, présents au Bangladesh et en Inde, un peu à cheval de part est d'autre de la frontière tout comme les Sikhs.

- Une autre approche de la diaspora indienne peut s’effectuer par le cinéma avec Bollywood, le cinéma indépendant indien ?

Le personnage de diaspora est très récurrent depuis quelques années. Il revient dans son village natal, c’est un personnage très bien intégré dans les films (NRI). Mais aujourd’hui les films sont visibles sur le marché international, ils sont ainsi orientés vers la diaspora.

Compte-rendu par Faustine FLEURY, Master 1 MES Géographie

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De l’enclave au kaléidoscope urbain. Los Angeles au prisme de la diaspora arménienne.

Sarah Mekdjian Maître de Conférences, Université Pierre Mendès-France Grenoble II,

Introduction

Le mot diaspora pose un problème de définition ; pourquoi travailler sur la diaspora arménienne ? D’abord, c’est un choix personnel ; ensuite, il s’agit de la principale diaspora arménienne se trouvant aux Etats-Unis. Enfin, le mot diaspora est utilisé par les Arméniens eux-mêmes ; il existe une bibliographie importante concernant ce sujet. Ce terme de diaspora pose aussi problème, car c’est un mot « valise » : on peut lui donner différents sens, et il s’avère très « plastique », dans la mesure où il regroupe une multitude de cas.

Pour définir les termes sur lesquels il est nécessaire de s’entendre pour comprendre notre propos, il faut identifier des critères liés intrinsèquement au fait que les Arméniens utilisent ce terme de diaspora et que sa définition reste floue. Ces critères sont au nombre de trois et contradictoires :

1) D’abord, la notion d’identité, comprise de deux façons sous l’influence de la diaspora : par le maintien d’une identité collective par un groupe au travers de la distance et de la dispersion, mais aussi comme le fait d’abandonner une identité ancienne pour une nouvelle identité (ainsi pour la créolisation aux Antilles). Ici, la première acception est associée aux racines et la seconde à une nouvelle identité.

2) La deuxième contradiction est associée à l’Etat, et au rapport des diasporas à ce dernier. Les Etats séduisent les diasporas en créant cette catégorie et dans le même temps apparaissent comme des alternatives à l’Etat-Nation ; ce sont des groupes qui fonctionnent en réseau, qui ont des élites politiques qui prennent des décisions. Certaines diasporas se suffisent à elles-mêmes et ont un rapport distant à l’Etat alors que d’autres sont ancrées dans l’Etat d’accueil.

3) Enfin, une contradiction entre la mobilité qui apparaît comme une base de définition des diasporas, et l’immobilité finie (au moins provisoire) de la diaspora au travers d’un fort ré-enracinement des diasporas dans leur pays d’accueil. Or, c’est bien le déplacement qui définit ces groupes. Ce thème de la mobilité, et donc des ancrages, qui sera le centre de notre réflexion.

Le couple ancrage/mobilité connaît un paradoxe notable. En effet, comment s’ancrent les Arméniens dans les Etats d’accueil, comment les Arméniens créent-ils des quartiers qui leur sont réservés ? L’ancrage est-il une fin en soi, la fin d’un groupe mobile et donc du projet migratoire ? Ou s’ancrer, à un moment donné dans la ville, est-il une condition pour créer des réseaux (formés à la fois de points et de mouvements entre ces points) et donc pour recréer une mobilité ? Est-ce que la mobilité et l’immobilité, l’ancrage urbain et les migrations, sont antinomiques ou au contraire complémentaires ? La réponse n’est pas oui ou non : c’est une question abordée par plusieurs chercheurs dont les théories ne vont pas toutes dans le même sens, l’objectif est donc de présenter ces différentes théories afin d’étudier ce couple ancrage/mobilité.

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Une autre précision réside dans la différence entre diaspora et immigrés. Une nouvelle fois,

les Arméniens eux-mêmes utilisent ce terme, les gens interviewés dans le quartier de Little Armenia s’auto-définissent comme diaspora, c’est une catégorie de pratique qui aide à la fabrication de réseaux et de l’identité. La différence entre diaspora et immigré n’est pourtant pas grande. Cette distinction occasionne par ailleurs une hiérarchie qui n’a pas lieu d’être, où les diaspora seraient des groupes d’immigré à plus grande « valeur », car plus ordonnés et avec plus de réseaux. Ces notions d’immigration et de diaspora ne peuvent être réduites à cette hiérarchie, d’abord par la multitude de facteurs qui poussent les gens à partir, mais aussi par les trajectoires de vie différentes. Le critère de la contrainte ne suffit pas à expliquer cette hiérarchie, un génocide et la pauvreté ne peuvent être comparés. Finalement, l’étude de Little Armenia permet-elle une distinction entre diaspora et immigrés ? Les quartiers des individus qui se définissent comme diasporiques sont-ils contre les immigrés ? Les territorialisations urbaines sont-elles un critère pertinent pour définir l’opposition entre diaspora et immigrés ?

Le dernier couple de paradoxe qui entre dans la définition des termes du sujet est local/global. Puisque l’objet d’étude est un quartier, une ville, l’échelle principale est l’échelle locale. Cela induit des problèmes d’échelles : comment s’articulent l’échelle internationale des réseaux, diasporiques ou migratoires et l’échelle locale et urbaine des espaces de vie ? Peut-on identifier des phénomènes s’apparentant à une logique fractale, donc des phénomènes reconnaissables et semblables à toutes les échelles ? Ou à l’inverse, à l’échelle de la ville et du quartier, retrouve-t-on des logiques urbaines spécifiques de mise en réseau et de proximité ?

Il importe de présenter les deux objets principaux, à savoir diaspora et Los Angeles. Comme cela a été dit précédemment, un élément important est l’auto-définition en diaspora des Arméniens de Little Armenia. En arménien, le mot diaspora se dit « spiurk » et veut dire dispersion. Ce mot est apparu au moment du génocide arménien (1.5 million de morts) en 1915 dans l’empire ottoman. Néanmoins, 1915 n’est pas le point de départ de la diaspora arménienne. Les Arméniens se dispersent dès l’époque moderne, sous la forme de migrations marchandes. Associée au fait que ce peuple soit sans Etat pendant plusieurs siècles (entre le haut Moyen Age et 1991), cette situation de dispersion minoritaire est inscrite au sein de l’empire ottoman. En efet, les Arméniens sont le premier peuple à adopter la religion chrétienne, le problème étant que leur lieu sacré( et donc leur premier foyer de peuplement) se trouve dans l’actuelle Turquie avec le mont Ararat au sein même d’un empire musulman. Toutefois, la diaspora se pense comme telle dès le génocide, au Liban, en France, en Russie et plus loin aux Etats-Unis. Le terme diaspora est récent, utilisé par les autorités et doit donc être interrogé. C’est dans les années 1950-1960 qu’une logique de mémoire va apparaître et se retrouve dans des discours politiques.

Los Angeles constitue une centralité arménienne dans le monde depuis les années 1960, deuxième ville arménienne dans le monde après Erevan et première porte d’entrée migratoire aux Etats-Unis. Los Angeles connaît une histoire particulière dans la mesure où, peuplée d’une migration blanche jusqu’en 1965 (au moment de la réforme de la politique de quota qui va bénéficier surtout à la côte ouest), elle devient une grande ville migratoire. Elle voit sa population augmenter de manière exponentielle durant la deuxième moitié du XXe siècle ; aujourd’hui, 48 % de la population est née à l’étranger. Les Arméniens arrivent plus tard car leur premier lieu d’implantation est l’Europe, le Proche-Orient et le Moyen-Orient dans les années 1920, en réaction au génocide. Ce sont les crises européennes des années 1960, la guerre civile au Liban, la révolution islamique en Iran puis, plus tardivement, l’indépendance de l’Arménie soviétique qui font de Los Angeles (à plus forte raison à partir de 1970) une destination migratoire pour les Arméniens. A l’échelle de la métropole californienne, ils ne constituent qu’une petite minorité, mais certains quartiers sont peuplés de plus de 70 % d’Arméniens, comme Little Armenia ou Glendale.

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Plusieurs manières de définir un quartier d’immigration peuvent être envisagées, comme la forte proportion de personnes nées à l’étranger d’une même origine ou non. Interroger le lien entre diaspora et ancrage urbain peut s’inscrire en trois parties :

La première partie pose la question de la fin du projet migratoire. Est-ce que l’ancrage, et surtout sa fondation, sont une fin de la mobilité au travers d’une nouvelle patrie d’accueil et donc d’un non retour en Arménie ? Ou, au contraire, une condition à de nouvelles mobilités spatiales d’abord, mais également sociales : vivre à Los Angeles est-il un but ?

Deuxième idée, une réflexion sur la manière dont s’organisent ces quartiers. Ces ancrages urbains à Los Angeles sont multiples et mobiles et ne correspondent pas du tout à l’idée que l’on peut se faire d’un quartier d’immigrés unique et très homogène. Ce quartier, de par ses caractéristiques, remet en cause le rapport entre la ville et les diasporas ; la présence des Arméniens à Los Angeles est mobile. C’est pourquoi il s’agit d’une diaspora globale qui mute progressivement en une diaspora urbaine, les mouvements à l’échelle globale se retrouvant à l’échelle de la ville. La vie des Arméniens à Los Angeles n’est en rien réductible au seul quartier identitaire reconnu, ils ont des projets multiples et donc une pratique de l’espace non enclavée.

Dernier élément en forme d’ouverture, l’interprétation des ancrages urbains sous la problématique politique. Pour une communauté comme celle des Arméniens, pourquoi créer un quartier ? Le but est-il de refonder une identité, soit dans la fin de la mobilité, ou dans la continuité d’un projet identitaire mobile (ce sont les deux idée défendues dans les deux premières parties), ou bien de faire passer un discours politique et notamment un discours de reconnaissance. Cette dernière partie permettra également de soulever les rapports de pouvoirs au sein de la communauté et leur rôle dans la manière dont la ville est construite. L’hypothèse est que la diaspora peut être une sorte d’étendard identitaire, repris par des élites politiques, cela revient à s’interroger sur la teneur de ces messages politiques et sur le but de s’auto-proclamer diaspora.

1. Fonder un ancrage urbain, la fin du projet migratoire ? Pour les Arméniens, le quartier de Little Armenia est-il une fin en soi ?

1.1 La théorie de l’école de Chicago L’école de Chicago (une école sociologique) a développé une théorie dite classique sur la

manière dont la diaspora s’organise en ville. Ils s’appuient sur la figure du ghetto, associé à la diaspora juive, mais aussi les quartiers polonais, italien, allemand, etc.… en prenant pour référence

la ville de Chicago au XXe siècle. La théorie développée par cette école est complexe et est souvent réduite de façon simpliste. L’école de Chicago reste une référence dans la manière d’aborder l’ancrage des diasporas et des immigrés dans la ville. Cette carte est d’abord connue pour être le modèle de la ville états-unienne, mais peut aussi être exploitée dans l’étude de l’implantation des diasporas dans la ville. Les migrants, en arrivant aux Etats-Unis, n’ont plus de repères identitaires, sont perdus, souvent discriminés et marginalisés par les populations d’accueil. Ils ont donc besoin de recréer ces repères et donc leur identité. C’est pourquoi on observe un phénomène de regroupement et la fondation de quartiers. Les quartiers d’immigration reconnaissables sur la carte comme Chinatown ou Little Sicily sont temporaires.

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Ces quartiers temporaires sont un pied à terre pour les derniers migrants arrivés, on y trouve des marchés, des lieux de culte, de regroupements sociaux en adéquation avec l’identité ethnique et sociétale des primo-arrivants. Selon Park et Burgess, sociologues à l’origine de cette théorie de Chicago, ce système permet une « remoralisation » par la reprise de repères après le traumatisme du départ. Le quartier est un lieu de passage (de 1 à 10 ans) pendant ce temps, les migrants sont mobiles, utilisent l’espace urbain, sont assimilés petit à petit et ont pour but de s’ancrer définitivement dans la ville. Pour Chicago, le modèle s’articule autour de l’enclave ethnique et de l’assimilation spatiale. Plus les nouveaux arrivants ont des repères et des contacts avec la population locale, plus ils seront assimilés au reste de la ville hors du quartier d’immigration. S’installer en banlieue est considéré comme la validation de l’assimilation. Ce modèle a servi bon nombre de travaux, car pour l’école de Chicago, créer un quartier permet d’être mobile, et cette mobilité est associée à l’échelle urbaine dans un but d’assimilation. C’est un modèle d’assimilation qui exclut d’autres logiques de départ, la mobilité est réservée à l’espace urbain. Avec le temps, les primo-arrivants se fondent dans la population d’accueil, c’est la logique du « melting pot », c’est-à-dire de la fonte des différences dans un modèle commun. On peut interpréter ce modèle à travers le cas de la diaspora arménienne. Dès l’arrivée des Arméniens, Little Armenia est fondé. Ce quartier possède un certain nombre de services, une église très fréquentée, une école (de la primaire au lycée) où s’apprend la langue arménienne, des sièges d’associations permettant une reconnaissance sociale typique (avec des réunions où l’on parle arménien). Dans ce quartier, seulement 30 % des habitants sont arméniens, les autres étant partis vers des quartiers plus aisés de Los Angeles. Petit à petit, ils s’assimilent et s’intègrent à d’autres quartiers non identitaires et deviennent des Etats-Uniens. Il n’y a dès lors plus de sens à parler de diaspora. Ce modèle classique est vérifiable pour une partie des individus qui a suivi cette trajectoire. Mais une autre partie n’a pas du tout choisi cette logique urbaine : le modèle de Chicago est donc loin de retranscrire la réalité des mobilités résidentielles et du rapport à la ville des migrants.

Le panneau Little Armenia coupe l’espace, les élites associatives sont fières de ce type de reconnaissance territoriale. Ces ancrages peuvent être interprétés d’une deuxième manière : peuvent-ils être une condition à de nouvelles mobilités et de quelles mobilité parle-t-on ? © S. Mekdjian.

1.2 Fonder un ancrage urbain : la condition pour de nouvelles mobilités ?

Une autre théorie exploite la piste des formations de réseaux à partir de points d’ancrages.

Little Armenia ne serait qu’une île d’un archipel diasporique mondial. Le peuple Arménien serait à penser selon un modèle réticulaire. Une partie du panel interviewé explique que vivre à Little Armenia n’est qu’une étape menant vers d’autres mobilités. D’abord des mobilités de retour, certains Arméniens entretiennent l’adage « demain à Erevan » et donc du retour en Arménie, retour qui est souvent un aller, dans la mesure où la plupart n’ont jamais vécu en Arménie. Les Arméniens d’Arménie actuelle sont majoritairement originaires d’Iran et leur retour est imaginé. Des individus sont installés à Little Armenia afin de retrouver des membres de leur famille dans leur pays d’origine, qui n’est pas forcement l’Arménie, par exemple le Liban. On note également des phénomènes de mobilité vers d’autres pays à explorer. Le fait de migrer est considéré comme une

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ressource et on observe une sorte de « savoir circuler » ; ici, l’ancrage à Los Angeles est un ancrage temporaire vers d’autres trajectoires.

Un dernier aspect de ces ancrages urbains repose sur la notion de transnationalisme ; cet aspect explique que les migrants ont de moins en moins d’ancrages définitifs dans les pays d’accueil, qu’ils sont de plus en plus mobiles ; la mobilité est aidée par les nouvelles technologies, mais aussi la révolution des transports ; il faut donc comprendre ces quartiers, non pas comme des lieux d’ancrage pérennes, mais comme des lieux de vie qui en appellent d’autres. Ainsi, une élite commerçante arménienne utilise Los Angeles comme un lieu de vie parmi d’autres et circule entre Los Angeles, New York, Paris. Au sein même des petits enfants des rescapés du génocide, se rejouent des logiques de mobilités qui ne sont plus contraintes mais marchandes, où des élites circulent entre les grandes métropoles. Dans notre couple ancrage, mobilité, l’ancrage n’est qu’un élément, une étape au service de nouvelles mobilités.

Au travers de ces deux théories, un quartier d’immigration peut être interprétée de façon diamétralement opposée. Il est à la fois lieu d’assimilation dans la théorie développée par l’école de Chicago, mais aussi lecture du quartier dans une logique d’étape de lieu vers d’autres mobilités. Au travers de deux méthodologies d’enquêtes, d’abord une centaine d’entretiens individuels et 800 sondés, il est impossible de faire des statistiques sur l’ensemble des trajectoires. Ce qui ressort de l’enquête statistique (qui ne peut être représentative), c’est qu’il n’y a pas de pourcentage dominant de personnes qui disent vouloir rester aux Etats-Unis et inversement. Il n’y a pas de dominante à la partance pour d’autres pays. Ces statistiques sont le reflet de projets de vie très largement différents selon l’appartenance sociale des individus, selon leur genre. Le fait d’habiter à Little Armenia pour les individus n’est pas forcément le reflet de telle ou telle théorie : des récits de vie extrêmement divers s’ajoutent à la complexité, associée à la mise sous le joug des définitions de la diaspora et du quartier d’immigration. Il faut faire attention à la généralisation qui peut biaiser l’analyse en englobant des notions elles-mêmes complexes. Vivre à Little Armenia signifie beaucoup de choses différentes.

2. Des ancrages urbains mobiles Plusieurs théories étudient les

diasporas, les migrants et leurs ancrages. Nous avons commencé par dire que dans le modèle de Chicago, le modèle de l’assimilation est contredit par les faits et surtout ne suffit pas. Le but est de montrer que la diaspora, à l’échelle globale, définie par les mouvements, la mobilité également par sa polycentralité se retrouvent à l’échelle de la ville. La ville de Los Angeles est un miroir de l’organisation du groupe à l’échelle mondiale ; de plus, ce groupe n’est en aucun cas réductible à une communauté. La diversité de groupes (Libanais, Italiens, Français, Arméniens) se retrouve à Los Angeles.

© S. Mekdjian. D’abord, les ancrages urbains de Los Angeles ne sont pas uniques : Little Armenia n’est pas le seul quartier ou habitent les Arméniens à Los Angeles. C’est certainement le plus visible en terme de nom, mais pas du tout en terme de statistiques. Glendale, ville juste au nord de Little Armenia,

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possède des proportions plus importantes, la ville de Montebello qui se situe à l’Est, la ville de Pasadena… Chaque quartier correspond à une communauté : par exemple, la ville de Montebello correspond à une population d’Arméniens issus de Russie, celle de Passabella majoritairement habitée par ceux en provenance d’Iran. Le quartier de Little Armenia est, quant à lui, associé aux migrants venant d’Arménie soviétique et post-soviétique. A l’échelle de la ville, se reconstituent, en partie, les identités des pays de départ. Le quartier de Little Armenia n’est ainsi pas révélateur de toute la communauté et au sein de chacun de ces sous-espaces, on remarque des logiques diverses de visibilité, d’occupation de l’espace et de projet migratoire. Des logiques différentes qui sont visibles dès le départ : ce n’est pas comparable d’être un Arménien d’Iran qui quitte le régime des mollahs et un Arménien d’Arménie qui fuit une situation économique difficile. Ces logiques migratoires déteignent et sont même incorporés aux logiques de visibilité. A Los Angeles, les quartiers d’immigration sont multiples, pluriels et organisent l’archipel migratoire mondial. Cet archipel polycentrique arménien s’inscrit au sein de la ville de Los Angeles, lié au groupe qui est hétérogène à la base, mais également à la ville de Los Angeles, plus fragmentée et étalée que Chicago par exemple. C’est une immense agglomération très étalée qui explique aussi que ces quartiers soient pluriels. La particularité du contexte explique qu’il n’y ait pas qu’un seul quartier arménien ; l’aspect pluriel des quartiers s’associe à l’aspect fragmenté de la ville de Los Angeles. Ce constat de logique fractale, donc de polycentralité au sein de Los Angeles, est remarquable à travers différents critères.

Ici sont cartographiées les églises arméniennes, avec deux archevêchés et des églises moins liées à la hiérarchie du clergé. © S. Mekdjian.

Les églises arméniennes sont différenciées par les couleurs, car l’une dépend d’un archevêché au Liban, l’autre d’un archevêché d’Arménie. La religion chrétienne est un élément de la reconnaissance du fait arménien, d’où cette

implantation. La dispersion a fait émerger plusieurs élites qui se retrouvent à Los Angeles, et ces groupes arméniens se font concurrence dans l’espace. A ces deux niveaux de lecture, il faut ajouter un troisième acteur : les protestants. De plus, ces églises ne se regroupent pas dans un seul quartier, loin de l’enclave du modèle identitaire. L’identité composite est spatialement lisible par la pluralité des lieux. Les diasporas sont ainsi des groupes pluriels par leurs trajectoires, par leur histoire : elles ne constituent pas ici une seule identité arménienne qui se reproduit dans la ville.

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© S. Mekdjian.

Ces différentes appartenances se retrouvent dans le paysage urbain. Sur la devanture des magasins, les appellations sont en anglais, en arménien et en iranien, ce qui participe à une reconnaissance communautaire. Un commerçant d’Arménie n’écrit pas en iranien sur sa devanture. C’est une nouvelle fois une des marques des trajectoires plurielles de la diaspora qui se recoupe dans cet espace urbain de Los Angeles. Au travers du prisme de la théorie identitaire, le

commerçant qui affiche plusieurs langues recrée une identité nouvelle. Il ne faut cependant pas négliger la mise en avant de l’origine, iranienne par exemple, ou arménienne plus englobante. Les sous-groupes et la plurycentralité se rejouent à l’échelle la plus fine jusqu'à l’affichage commerçant.

Autre aspect important, la contextualisation, toutes ces logiques sont liées au contexte d’accueil. Si on prend l’avenue Normandie à Little Armenia, d’un côté de la rue flotte le drapeau arménien, de l’autre une fresque dédiée à l’histoire de l’Arménie sur une pharmacie et au milieu de cet ensemble, qui paraît homogène, surgissent d’autres appartenances, notamment l’affiche Thaï town puisque dans Little Armenia se situe le quartier thaï de Los Angeles. La ville a d’abord accordé le périmètre de Little Armenia, puis les Thaïs sont arrivés et ont demandé à disposer d’un quartier à leur nom. C’est un phénomène de superposition entre les deux quartiers et donc un partage de l’espace. Le fait que la diaspora arménienne d’une part soit hétérogène, et d’autre part soit insérée dans une ville fortement marquée par des flux migratoires pluriels, implique des modes de visibilité et des superpositions identitaires qui, une nouvelle fois, ne permettent pas de conclure à une diaspora qui aurait seulement pour but de reconstruire une identité figée.

Des différences notables sont visibles en terme de perception du quartier de Little Armenia. La question posée aux sondés par rapport à l’idée de perception était la suivante : « que pensez-vous de Little Armenia ? ». 22 % ont répondu « j’aime, c’est une bonne idée, je suis fière de ce quartier » : c’est un représentation positive de Little Armenia jugée par les sondés en adéquation avec leurs valeurs communautaires et leurs représentations de celle-ci. 21 % n’ont « pas d’opinion » ou « ne s’en préoccupent pas » ou « n’y sont jamais allés ». Et 21 % disent que « c’est un espace social défavorisé », « c’est un ghetto », « c’est dangereux » ; il est vrai que c’est un quartier relativement pauvre, que les Arméniens essaient de fuir. 15 % répondent que « c’est un anti China Town », que Little Armenia est tout sauf une enclave identitaire reconnaissable et visible. Ce sont les quatre réponses les plus citées, d’autres apparaissent comme le fait que Glendale soit le véritable quartier arménien. D’autres valident l’hypothèse qui sera abordée dans la troisième partie selon laquelle ces quartiers sont avant tout des lieux politiques ; enfin certains le voient comme un lieu d’installation des nouveaux immigrés issus d’Arménie. Le consensus n’existe pas sur cette question de représentation des lieux. Dans la définition classique de la diaspora qui serait un groupe qui assurerait le maintien de son identité en s’appropriant des espaces, les lieux dits identitaires aussi visibles que dans Little Armenia ne font pas consensus. La présence thaï ajoutée à la pauvreté, au fait que le quartier ne soit pas encore suffisamment mis en valeur implique que beaucoup d’individu s’en désintéressent. Et un déplacement, dû à ce désintérêt, s’observe, même parfois une destination de départ vers d’autres quartiers.

Le quartier de Glendale est considéré comme le quartier concurrent de Little Armenia, c’est une banlieue de classes moyennes plus récentes qui s’est développée dans les années 1980. Les Arméniens l’ont occupé en même temps que Little Armenia et certains se sont déplacés de ce

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dernier vers Glendale. Cela correspond à la définition que certains auteurs ont donné de la « banlieue ethnique » où les Arméniens sont très nombreux, mais encore une fois, le quartier de Glendale ne fonctionne pas comme une enclave ethnique. La visibilité des Arméniens est très différente de celle relevée dans le quartier de Little Armenia. Si l’on reprend l’exemple des enseignes commerçantes, des enseignes plus cosmopolites sont visibles à Glendale. Les modes de visibilité diffèrent selon les espaces et les appartenances sociales et identitaires se retrouvent dans ces marques spatiales.

Finalement, l’ancrage urbain ne peut pas être interprété exclusivement dans le sens de l’assimilation ou de la mobilité, ni comme un lieu de reproduction identitaire unique. Quelle est la fonction réelle de ces quartiers qui pour beaucoup d’individus n’a pas vraiment de sens ? Pourquoi les individus s’y concentrent ? Pas forcément pour reproduire une identité qui, comme on l’a vue précédemment est très plurielle, ni parce que les Arméniens subissent une forte discrimination de la part du reste de la population. Les Arméniens ne sont pas une minorité visible, ils ne sont donc pas sévèrement ségrégués. Comment interpréter ces territoires urbains de concentration arménienne ? De surcroît, on ne peut pas parler de quartier de solidarité, l’exemple des compétitions spatiales sur la base de la religion le démontre.

3. Diaspora et territoires urbain : des outils de reconnaissance politique 3.1. Un jeu politique La création de Little Armenia relève du même processus que la création du mot diaspora par

les Indiens : utiliser le mot diaspora et la création de Little Armenia sont le fait d’élites politiques arméniennes nationalistes. Ces territoires de concentration sont régis à la fois par une forme de concentration spontanée et plus largement une concentration volontariste par des élites politiques qui utilisent la catégorie de diaspora et le terme de Little Armenia pour être politiquement reconnu. Mais auprès de qui ? D’abord auprès des autorités états-uniennes et auprès de la communauté elle-même. Historiquement, la diaspora arménienne a connu des partis politiques qui se sont fondés après le génocide notamment le parti d’Hentchak, qui vise à recréer une grande Arménie ; ainsi que des partis politiques soviétiques qui défendaient l’Arménie soviétique. Les partis politiques qui utilisent le plus le mot « spiurk » sont les partis nationalistes, car la catégorie de diaspora permet d’unifier une communauté plurielle autour d’un projet communautaire de construction de la grande Arménie. Pour ces partis, l’Arménie actuelle n’est qu’une petite partie de la grande Arménie ; de plus pour ces partis nationalistes, pour retrouver la grande Arménie il faut payer. C’est-à-dire repeupler l’Arménie, investir, et faire pression sur le gouvernement actuel. Le fait de vivre aux Etats-Unis est mis en avant comme moyen de pression. La reconnaissance a une visée territoriale, comme celle du génocide Arménien. Aujourd’hui, le génocide arménien n’est pas reconnu par le gouvernement turc qui parle de massacre. Le génocide est une catégorie juridique fondée en 1946 par R. Lemkin, qui implique des compensations financières, voire territoriales. Pour les élites arméniennes nationalistes qui défendent une nation et un territoire arménien à son apogée, il est dans leur intérêt d’unifier la communauté arménienne aux Etats-Unis derrière ce projet national et de faire pression sur les Etats-Unis pour qu’ils poussent la Turquie à reconnaître le génocide. Utiliser le mot diaspora, c’est finalement tenter de contrôler la multitude arménienne et ce qui se passe en Arménie. Les espaces arméniens de Los Angeles sont un lien entre les deux. Créer Little Armenia est un avant-goût de la création de la Grande Arménie dans le Caucase. Par ailleurs, la création de Little Armenia n’a pas été demandée par tout les migrants arméniens : une pétition, lancée par le parti d’hentchak, a circulé en 2000 et a recueilli 10 000 signatures, ce qui paraît peu représentatif pour la ville de Los Angeles. Elle a été envoyée à la municipalité qui a reconnu le quartier. Les autorités municipales à Los Angeles soutiennent ce parti nationaliste, car il a la capacité d’orienter les votes de la communauté, ce qui produit un rapport de pouvoir entre les élites communautaires arméniennes, les élites municipales de Los Angeles, les sénateurs et le gouvernement états-uniens. Ici, l’échelle globale rejoint l’échelle locale de la diaspora. Finalement,

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créer des territoires identitaires sert pour une élite à rendre visible une communauté et à formuler des demandes de reconnaissance (du génocide Arménien, d’un statut minoritaire, d’un besoin de territoire).

3.2. Horizons de reconnaissance et kaléidoscope On rejoint ici la littérature sur le thème de la reconnaissance par des auteurs canadiens qui

expliquent que le multiculturalisme est une politique qui vise à la reconnaissance par les différences, mais également par rapport aux droits de toutes les minorités d’être reconnues par les sociétés d’accueil. Les Arméniens se situent dans une société multiculturelle et le fait de se rendre visible par la création de Little Armenia, c’est bien moins pour fonder une identité en soit que pour faire valoir des valeurs politiques nationalistes. Finalement les limites territoriales fonctionnent comme des horizons, c’est-à-dire des limites qui ont pour but d’être repoussées. Il faut repousser les limites spatiales en s’attachant à devenir de plus en plus visibles et organiser le rapport à l’ancrage urbain en fonction de la géopolitique du pays d’origine. C’est pourquoi se justifie l’image du kaléidoscope qui, à la différence de la mosaïque, sert à définir les quartiers d’immigration juxtaposés, introduisant le mouvement. Les lignes de territoire sont donc en perpétuels mouvements selon les rapports de pouvoir qu’entretiennent les porte-parole communautaires avec les autorités du pays d’accueil. Ces rapports de pouvoirs contribuent à rendre visible, à des moments précis, des quartiers plutôt que d’autres. Au moment de la création de Little Armenia en 2000, un grand nombre d’individus qui habitaient le quartier n’ont pas compris le sens de cette désignation, de plus ils ne se sont pas sentis consultés. La désignation leur a été imposée alors que pour eux elle ne s’imposait pas. Donc on peut se poser la question du choix du quartier, pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? La réponse se trouve dans le soutien qu’ont connu ces élites politiques nationalistes chez les commerçants du quartier qui est devenu Little Armenia.

© S. Mekdjian.

Cette scène de mise en valeur des liens qui unissent les autorités municipales de Los Angeles et les élites politiques nationalistes représentées par l’église. Au centre, le représentant du district, un prêtre arménien nationaliste défenseur de l’idée de la grande Arménie et d’une diaspora unie. Le drapeau Arménien rappelle la filiation nationaliste. Ces individus célèbrent un accord de

jumelage entre la ville de Los Angeles et la capitale arménienne, Erevan. Ils sont au centre de Los Angeles, avec l’indication de la distance à la capitale arménienne sur le panneau central. Les autorités municipales ont intérêt à ce que se créent des espaces communautaires, car cela leur permet de contrôler une partie de la population mais aussi d’ériger des porte-parole communautaires, ce qui facilite les discussions. De l’autre côté, les élites communautaires arméniennes ont intérêt à se rendre visibles pour faire valoir leur projet politique de la grande Arménie, de la reconnaissance du génocide. Tout cela au mépris de la diversité des Arméniens et donc des habitants de Little Armenia, qui n’ont pas nécessairement les mêmes projets de reconnaissance que ce parti. C’est un accaparement général des individus et des espaces, au nom d’une idéologie, d’une diaspora et d’un territoire identitaire uniques. Il faut donc rappeler la volonté d’unité qui est une logique de contrôle, mettant un voile sur la diversité, pourtant un élément constitutif de l’histoire et de l’identité de ces groupes.

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Conclusion Cette présentation tente de revenir sur un certain nombre de questions et de paradoxes. Si on

reprend le couple ancrage/mobilité, les quartiers des diasporas ne sont pas plus le lieu de la fin d’un projet migratoire, que le fait d’une mise en réseau. Les deux éléments paraissent nécessaires à l’étude des diasporas. Certains individus voient le fait de s’ancrer dans la ville de Los Angeles comme la première étape pour devenir états-unien et ne reconnaissent pas appartenir à une diaspora, pour eux le but est de trouver un pays ou vivre paisiblement et trouver du travail. Leur rapport à l’Arménie est du domaine de l’intime, de la sphère privée ou l’appartenance à la diaspora tient de pratiques familiales qui ont très peu à voir avec le discours politique et public entretenu par les élites. Pour d’autres au contraire, habiter à Los Angeles est une étape dans leur mobilité et le but n’est pas de recréer une identité, mais de bénéficier des réseaux pour pouvoir partir ailleurs, voire pour certains de retourner en Arménie. Il n’y a pas une vocation à ces quartiers, ni simplement identitaire, ni simplement collective.

Deuxième point, l’existence des quartiers diasporiques à opposer aux quartiers d’immigrés ? La diversité des trajectoires et des motivations ne permet pas de distinguer clairement ces deux types de quartiers. Des quartiers sont, à un moment, des lieux de concentration d’étrangers qui permettent aux habitants de vivre leur projet. Mais le fait d’appartenir à une diaspora ou non change peu de choses. Néanmoins, le fait d’appartenir à une diaspora, au sens de catégorie d’analyse, explique l’organisation très polycentrique des quartiers diasporiques dans la ville. Les origines réelles multiples des Arméniens expliquent la multiplicité des ancrages urbains qui sont, de fait, non réductibles à un centre.

Enfin, il paraît dangereux de faire des hiérarchies entre diaspora et immigrés ; il faut se garder de ce genre de catégorisation qui n’apporte pas à la recherche et à l’explication de phénomènes complexes. Le mot diaspora a du sens car il est utilisé et notamment repris par les élites et les porte-parole nationalistes pour fonder des projets communautaires qui articulent échelle globale et échelle locale. Cette dernière sert d’outil pour fédérer une sorte de communauté diasporique, pour faire pression sur les autorités municipales et locales du pays d’accueil. Ces pressions ont pour but des reconnaissances politiques qui peuvent prendre de grandes proportions. Ce dernier point entraîne également des implications politiques : on reproche souvent aux diasporas ou aux immigrés de fabriquer des périmètres communautaires (on parle en France de communautarisme). Mais il faut noter le rôle des autorités municipales dans la création de ces espaces comme moyen de contrôle, d’ancrage de stratégies électorales… Il faut envisager ce rapport de coresponsabilité entre les immigrés, leur porte-parole, la société d’accueil et leurs élites politiques. Le terme de diaspora est un terme politique bien plus qu’un terme descriptif qui servirait à distinguer différentes catégories de migrants ; il semble néanmoins intéressant de l’envisager dans une logique politique de catégorie de pratique par les élites, qui l’utilisent pour unifier des groupes sociaux particulièrement hétérogènes. Questions de la salle

- Il existe aujourd’hui un congrès mondial des Arméniens, dont l’organisation est centralisée sur Erevan. Est-ce que les Arméniens trouvent un intérêt à participer à ces congrès mondiaux établis plus récemment que leurs équivalents, chez les Grecs par exemple ?

Ces congrès mondiaux sont un lieu où les élites se retrouvent, surtout des élites politiques qui sont souvent associées au courant nationaliste. On retrouve cette récupération d’un phénomène arménien par les élites politiques. D’ailleurs ce congrès est mal vu par les Arméniens d’Arménie. Les élites de Los Angeles sont intéressées par ces congrès dans des logiques de reconnaissances exposées précédemment. Et pour la grande majorité des individus, ils n’en n’ont jamais entendu parler ou ils en ont connaissance mais n’ont pas les moyens de s’y rendre ou s’y opposent et donc s’en

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désintéressent. Cela revient à parler d’une des problématiques des diasporas qui est « parler au nom de », car ces ensembles diasporiques ne sont pas nécessairement démocratiques. Il n’y a pas de représentants de la diaspora Grec ou de la diaspora Arménienne mais des porte-parole auto-érigés qui parlent au nom d’un groupe, celui-ci n’étant pas forcément identifiable au niveau politique.

- Est-ce qu’il n’y a pas des effets de contextes économiques, sociaux, historiques, dans les manifestations identitaires, dans un lieu ou un autre ? Par exemple on voit que le quartier de Little Armenia a une forme états-unienne dans sa construction et dans d’autres pays, ce contexte n’agit-il pas sur les formes de quartier ?

D’abord, je pense que cette question pourrait trouver une réponse dans la comparaison avec d’autres contextes politiques, économiques et sociaux. C’est le but de mes recherches futures, car le contexte économique joue. C’est au moment où les commerçants ont eu assez de capitaux qu’ils ont pu se rendre visibles, demander les signatures pour la reconnaissance de Little Armenia. C’est aussi au moment où ils se sont sentis menacés par l’arrivée des Thaïs que ce mouvement de reconnaissance identitaire s’est mis en place. La comparaison est nécessaire pour une réponse complète à cette question, je suis encore trop proche de ma monographie pour arriver à prendre du recul. Mais cette hypothèse mérite d’être posée.

- Existe-t-il un effort de la part des élites nationalistes pour s’allier avec d’autres lieux d’ancrage de la diaspora arménienne, notamment à Marseille ou dans d’autres villes ?

Le parti nationaliste est un parti diasporique, il a des antennes partout et notamment en France, et les congrès sont des lieux de reconnaissance pour ce parti. On note également un grand nombre de circulations financières, les différentes antennes du parti sont solidaires. C’est un parti qui est relativement puissant, qui a perdu de la puissance mais qui reste fort financièrement grâce à la participation de beaucoup d’élites commerçantes. Ce parti politique fait également circuler des idées par la mise en place de conférenciers diasporiques qui « prêchent la bonne parole » dans le sens du projet de la grande Arménie. Les géographes sont d’ailleurs très sollicités pour dessiner les cartes et donc rendre explicite et identifiable la grande Arménie. La notion importante ici est la circulation, à la fois de fonds, d’élites intellectuelles mais aussi d’idées nationalistes. C’est un parti qui fonctionne vraiment en réseau.

- Quelle est la reconnaissance du parti nationaliste en Arménie ? Ce parti est très minoritaire en Arménie. Pour les Arméniens d’Arménie, la priorité actuelle est de manger. Le peuple est en transition post-soviétique et doit mener une bataille contre la corruption. Car le gouvernement arménien est actuellement lié avec Poutine qui est le seul allié dans la région. L’Azerbaïdjan, la Turquie sont des ennemis et donc la Russie se pose en grand frère. Les rapports qu’entretient ce gouvernement corrompu et les élites de la diaspora sont conflictuels. Car les élites diasporiques sont certes liées par la finance mais également concurrentes. Ce parti nationaliste est très minoritaire, mal perçu par la population, qui a d’autres problèmes que de recréer une grande Arménie, et par le gouvernement qui le voit comme une menace. Leur score aux élections est très faible, leur projet paraît trop irréaliste et décalé par rapport à la réalité actuelle du pays. De plus, un paradoxe veut que les Arméniens des diasporas soient plus revendicatifs que les Arméniens d’Arménie sur des questions telles que le génocide qui devrait apparemment faire consensus. La question de la sincérité des élites nationalistes est un point central, je ne sait pas s’ils se rendent compte de leur utopie, mais cette utopie n’est-elle pas stratégique ? Dans la mesure où, si vous proposez quelque chose qui ne se réalisera jamais, vous êtes voué à toujours exister. C’est donc une idéologie opportuniste qui fonctionne depuis plusieurs années.

Compte-rendu par Maxime BERNARDI, Master 1 MES Géographie

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Continuité et transformations de la diaspora chinoise

Emmanuel MA MUNG KUANG Directeur de Recherche au CNRS, Université de Poitiers

Introduction :

La diaspora chinoise relève d’un processus migratoire ancien, caractérisé comme entrepreneurial. Elle a une forme socio-spatiale qui produit deux figures : le prolétaire et l’entrepreneur. Depuis son commencement, on constate une forte continuité des migrations. Néanmoins, elle connaît une transformation depuis la reprise des déplacements dans les années 1980.

1. La formation de la diaspora chinoise La diaspora chinoise s’inscrit dans un processus migratoire ancien qui, au commencement,

avait pour principale destination l’Asie du Sud-Est. À partir du XVIe siècle, les marchands sillonnèrent la région, dessinèrent ainsi les routes et relièrent tous les archipels de la mer de Chine méridionale. Ils s’installèrent dans les ports pour monter leurs commerces.

1.1. Les causes de la constitution d’une diaspora chinoise C’est au milieu du XIXe siècle que la diaspora chinoise prit son véritable essor. Plusieurs

facteurs sont à prendre en compte. Tout d’abord, il y eut les deux guerres de l’opium (1840-1842 et 1856-1860). Ensuite, entre 1851 et 1864, l’insurrection des Taiping eut lieu dans le sud puis le centre de la Chine. Ces évènements, ajoutés à de mauvaises récoltes et à la famine, ont engendré une importante désorganisation sociale. Par ailleurs, à une échelle plus large, l’abolition progressive de l’esclavage et l’interdiction des traites négrières créèrent une forte demande de main-d’œuvre bon marché. La colonisation en Asie du Sud-Est nécessite de la main d’œuvre pour travailler dans les mines et les plantations. La Chine constitue alors un réservoir pour pallier ce manque.

1.2. La localisation des coolies L’établissement de coolies ne reflète pas vraiment la réalité de cette traite. Les travailleurs,

souvent des paysans sans terre, étaient recrutés pour travailler temporairement et revenir ensuite. Les zones de départ se situaient principalement dans les provinces situées au sud de la Chine, le Dong Jong et le Fujian. Mais on trouvait aussi des coolies au Pérou, par exemple, pour les plantations de canne à sucre, le ramassage de guano, et la construction de chemin de fer.

À la fin du XIXe siècle, environs 5 millions d’émigrants passent par les ports d’Asie du Sud-Est, 8 millions de Chinois s’y trouvent, et plusieurs milliers partent vers les îles sucrières (la Réunion, Maurice, Madagascar, Polynésie, Martinique, Guadeloupe ou Guyane, la côte orientale d’Amérique du sud, les Caraïbes…). Un grand nombre ne repartit pas dans son pays d’origine et resta sur place. Parallèlement, des migrations spontanées de marchands et de travailleurs libres rejoignaient les endroits où s’étaient installés leurs compatriotes. Ces dernières décennies, les principaux pôles d’installation se sont renforcés : Asie du Sud-Est, Amérique du Nord, Afrique, Singapour. On constate, de façon générale, la création de nombreuses petites entreprises, mais aussi

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de grandes en Asie du Sud-Est par des chinois d’outre-mer. Parallèlement, la migration prolétaire se poursuit. Au XXe siècle, l’Asie du Sud-Est reste une destination prédominante. La géographie de la diaspora est dessinée pour longtemps.

1.3. Statuts et sentiment d’appartenance Les situations et statuts liés à l’histoire migratoire sont très divers selon les points

d’installation. Les Chinois d’outre-mer peuvent être fortement discriminés, ou alors assimilés. De plus, ils ont des situations sociales très variées qui vont du travailleur clandestin, à l’informaticien, au riche négociant en riz thaïlandais ou encore au prix Nobel (Gao Xingjian, littérature, 2000). À la fin du XIXe siècle, on voit que la figure de prolétaire et celle d’entrepreneur se développent. Elles sont contrastées mais solidaires. Dans l’imaginaire, ces deux figures sont devenues des stéréotypes. On pense, par exemple, au petit boutiquier. Une relation économique, informationnelle et affective existe entre les individus de la diaspora et la Chine, ainsi qu’entre les différents pôles d’établissement de la diaspora. L’unité est donnée par la croyance subjective d’appartenance ethnique à la Chine. Max Weber (1864-1920), sociologue et économiste allemand, soulignait l’importance d’une « croyance » à l’appartenance à une collectivité. Par conséquent, on peut parler de diaspora chinoise. Elle se caractérise, sur le plan morphologique, par la multipolarisation et l’interpolarité des relations de diverses natures entre ces pôles qui façonnent, chez les communautés locales, des sentiments d’appartenance. Les Chinois d’outre-mer entretiennent loyauté et fidélité à leurs pays d’origine et d’installation grâce à l’acquisition de la nationalité. La diaspora s’inscrit comme corps social, une sorte d’ethnicité multidimensionnelle organise la diaspora et les échanges entre ses pôles. La diaspora acquiert une autonomie migratoire qui génère des mobilités.

2. En quoi cette diaspora est-elle entrepreneuriale ? 2.1. Entre prolétaire et entrepreneur, une idée commerçante du travail La diaspora chinoise est entrepreneuriale dans le sens où ce sont les entreprises qui assurent,

sur le plan de l’emploi, sa reproduction en tant que corps social. Travailler dans l’entreprise d’un compatriote engendre une reproduction identitaire. De plus, l’entreprenariat est l’objectif et l’horizon social partagés par les membres de la diaspora. Les prolétaires et les entrepreneurs ont des statuts incertains. Leur objectif est toujours de sortir de leur condition pour s’établir comme entrepreneur. Ils considèrent constamment leur condition comme transitoire. Il n’est pas exceptionnel de voir un entrepreneur devenir prolétaire. Il y a de fréquentes créations de petites entreprises, ce qui entretient l’espoir de fonder la sienne. De même, une caractéristique particulière des travailleurs chinois est de préférer, par exemple, être payés à la pièce plutôt qu’à l’heure ! Ils

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pensent que le salaire à la pièce récompense un talent, une capacité individuelle. De plus, ce système leur donne plus de liberté de décision sur les horaires de travail. On constate la prégnance d’une idée commerçante du travail. Le travailleur vend, comme un marchand, sa force de travail. Ce concept met le vendeur et l’acheteur sur un pied d’égalité. La frontière entre les deux est doublement poreuse. Il paraît facile de passer de l’un à l’autre.

2.2. Un marché ethnique du travail Le caractère incertain de cette frontière, ce modèle idéologique de statut social, créent un

marché ethnique du travail dans le choix des partenaires économiques. Les Chinois d’outre-mer travaillent entre compatriotes. Rester sur le marché ethnique maintient un système de relations sociales qu’ils pensent pouvoir utiliser à leur tour pour devenir entrepreneur et entretenir l’espoir des autres. En sortir signifierait rompre ces liens forts et abandonner le projet de promotion sociale. À l’échelle mondiale, la diaspora chinoise est un dispositif économique de petites entreprises qui sont reliées du point de vue du financement, de l’approvisionnement et de la main d’œuvre. Elles forment un réseau de clusters économiques à l’échelle locale, nationale, voire international. Les migrations de Chinois répondent à une demande de main-d’oeuvre de ces entreprises. C’est un cercle vertueux car la multiplication des entreprises fondées par les Chinois d’outre-mer encourage une immigration, qui, à son tour, crée de la croissance et de la demande.

3. Les Chinatowns, marqueurs urbains de la diaspora 3.1. Les caractéristiques générales des Chinatowns Les Chinatowns, quartiers chinois en français, sont apparus avec la diaspora et scandent son

histoire. Les plus importants sont en Asie du sud-est et au Japon. Au XXe siècle, elles apparaissent aux Etats-Unis et en Amérique latine à Lima. À la fin des années 1970, un Chinatown devient visible à Paris, bien qu’il existe depuis les années 1920. Les Chinatowns sont des microcosmes de la diaspora chinoise qui la rendent, par conséquent, visible dans les pays d’installation. Ils sont résidentiels, et surtout marchands. Au premier abord, on observe une grande unité et une exhibition de symboles chinois. Ces Chinatowns renvoient une impression de forte densité économique et démographique. Ce phénomène est exclusivement urbain et traduit le caractère marchand et laborieux des travailleurs. Ces microcosmes de la diaspora chinoise concentrent de l’habitat, du commerce et des services s’adressant à la population autochtone. De plus, ils constituent des lieux d’exotisme et de dépaysement à visiter. La diaspora se met en scène dans ces espaces, par exemple, au nouvel an chinois. L’image d’une population laborieuse, commerçante et accueillante est diffusée.

3.2. Un panorama des Chinatowns

Quelques exemples de Chinatowns : - Asie : Bangkok, Nagasaki - Amérique latine : Pérou, Panama, La Havane, Buenos Aires - Amérique du nord : San Fransisco, Montréal, Honolulu - Afrique : Joanesbourg - United Kingdom : Londre - France : Paris

3.3. La structuration des flux dans les Chinatowns Ils fonctionnent comme des sas d’entrée pour les migrants, favorisant l’échange et la

rencontre, l’information et l’investissement. Ils forment les principaux nœuds des réseaux de la diaspora. Ce sont des hubs migratoires qui structurent les flux entre les pôles. L’unité des Chinois d’outre-mer est le résultat de regroupements volontaires ou de lieux de ségrégation comme à San Francisco, ou encore en Indonésie où, au XIXe siècle, il était interdit à un Chinois de s’installer hors du périmètre défini par les autorités. Ce que nous percevons sont des créations locales faites

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d’éléments définis et auto-attribués comme chinois par les individus qui s’y sont installés. Il n’existe donc pas de Chinatown générique, car ils ont été très variables selon la conjoncture.

4. Les transformations de la diaspora chinoise On constate une reprise de la diaspora depuis les années 1980, bien qu’on puisse tout de

même la caractériser par une grande continuité depuis son commencement. En quoi l’évolution démographique a-t-elle transformé la diaspora ? Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la forme, les flux, les destinations et la constitution sociale sont modifiées. Ces transformations sont dues aux mutations sociales et économiques dans divers domaines, à l’augmentation de la production de biens de consommation, mais aussi à l’élévation du niveau d’éducation, et notamment à la multiplication du nombre d’entrepreneurs chinois. Néanmoins, au niveau mondial, la pression migratoire croissante engendre un durcissement sans précédent des politiques migratoires des pays de destination. Il se traduit par des contrôles, des restrictions et de la surveillance. On délocalise les frontières dans les pays de transition pour repousser davantage les frontières de la migration.

4.1. Les zones de départ et les destinations Aujourd’hui, l’Asie du Sud-Est reste la principale région d’installation des migrants.

Cependant, les départs depuis la Chine ou les pôles de la diaspora ont de plus en plus pour destination les pays développés comme les Etats-Unis, le Canada, le Japon. Entre 2000 et 2005, leur nombre a augmenté de 4,3 millions et a été multiplié par sept ou huit en Italie et en Espagne. De plus, de nouvelles destinations sont choisies, comme les pays d’Europe centrale et orientale, la Sibérie orientale pour les terres agricoles, ou encore l’Amérique latine et l’Afrique. De plus, les espaces d’origine des migrants se diversifient. Les mouvements récents et dramatiques des années 1980 ont impliqué la venue de près 2 millions de réfugiés du Vietnam, Laos et Cambodge, ainsi que d’Indonésie fuyant le pogrom. Par ailleurs, le sud de la Chine reste prédominant, mais le nord-est et les aires industrielles comme Pékin deviennent des lieux de départ. Ces migrants sont des étudiants ou des personnes qualifiées. Des transformations importantes voient le jour malgré la persistance de certaines caractéristiques. Les migrations sont interpolaires, internes à la diaspora, et traduisent le fonctionnement diasporique. Économiquement, suite à l’intégration de la région ASEAN, les migrations de personnes qualifiées se sont banalisées. Les destinations sont dans les régions occidentales, et les mouvements sont divers et constituent un indice de l’importance de l’interpolarité. Les travailleurs vont de la Malaisie à l’Australie, de Maurice au Canada, ou encore de la France à l’Espagne… On comprend alors la variété des origines géographiques nationales des Chinois d’outre-mer dans un même pays. Ce phénomène fabrique un cosmopolitanisme interne à la diaspora. Des Chinois d’outre-mer aux origines diverses sont en confrontation constante.

4.2. La transformation de la demande Auparavant, les migrations répondaient aux besoins de main-d’œuvre des entreprises

coloniales. Aujourd’hui, elles répondent à une demande venant d’entreprises fondées par leurs compatriotes bien qu’elles soient plus difficiles. Ces entreprises se maintiennent dans le monde grâce aux réseaux et aux pôles historiques de la diaspora. Aujourd’hui, les difficultés relèvent du marasme économique qui réduit la demande de main d’œuvre. Les migrants se dirigent vers des activités différentes comme les « hommes-chariots » qui ramassent des objets susceptibles d’être revendus au marché aux puces, porte de Bagnolet, à Paris, par exemple.

4.3. L’apparition d’une nouvelle forme de migration Il y a une nouvelle forme de migration de main d’œuvre. Parallèlement à la diaspora, des

migrations de travail temporaires et contractuelles se font pour le compte de grandes entreprises chinoises au Proche-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Elles regroupent environ 600 000 personnes, dont une majorité rentre à la fin du chantier, et un certain nombre d’entre elles

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s’établissent sur place pour rejouer le rôle des premiers migrants. À leurs côtés, on trouve une immigration de prolétaires en transit, faisant des détours en attendant les opportunités pouvant les entraîner dans les pays du nord. Ils vont en Amérique latine pour essayer d’entrer aux Etats-Unis, en Afrique pour l’Europe…

5. Reprise de migrations commerçantes classiques Par ailleurs, il y a une reprise des migrations commerçantes classiques. Cette dernière

décennie, elles ont connu deux phénomènes : le développement des biens de consommation et l’accroissement du nombre de petites entreprises. Ces commerçants émigrent à l’étranger avec leur entreprise déjà créée. Si ce n’est pas le cas, elles se créent grâce à des systèmes de tontines ou autres. Ce sont des centres de grossiste qui approvisionnent les détaillants. Par exemple, dans le 11e arrondissement de Paris, le marché Sifa, fait de capitaux chinois, a lieu dans les entrepôts d’Aubervilliers. À Naples, c’est le China Mercato, un centre de grossiste d’Europe centrale à Budapest, ou encore à Casablanca et Johannesburg. La diaspora revêt une forme socio-spatiale qui évolue. Conclusion

La géographie de la diaspora chinoise a persisté de son commencement jusqu’à aujourd’hui. La principale destination reste l’Asie du Sud-Est. La diaspora fabrique son autonomie migratoire. On parle d’une diaspora entrepreneuriale car ce sont les entreprises de Chinois d’outre-mer qui assurent sa continuité grâce aux emplois qu’elles proposent. La multipolarisation et l’interpolarisation des relations façonnent des sentiments d’appartenance au pays d’origine, la Chine, mais aussi au pays d’accueil. Les Chinatowns rendent visible la diaspora dans les métropoles mondiales et forment les principaux nœuds des réseaux. Les aires d’origines et de destination des migrants se diversifient et créé un cosmopolitanisme interne à la diaspora. Cependant, le durcissement des politiques migratoires des pays de destination oblige les migrants à se rendre dans les pays voisins pour saisir les opportunités leur permettant de passer les frontières. Questions de la salle

- Le gouvernement chinois exerce-t-il un contrôle sur la diaspora ? La diaspora développe les liens migratoires et commerciaux avec la Chine. La migration en

provenance de Chine double les effectifs et renforce les liens entre la diaspora et la Chine, ainsi que la taille de la diaspora. Néanmoins, nous avons vu que la diaspora était autonome. Il est donc difficile de dire si la Chine a plus ou moins de contrôle sur la diaspora. Sony At Sem, Chinois d’outre-mer, a forgé la lutte démocratique contre l’empire grâce aux Chinois d’outre-mer. Les différents pouvoirs ont toujours essayé de contrôler, grâce à des organisations, les Chinois d’outre-mer.

- La diaspora est-elle plus ou moins dépendante de la Chine ? Il y a eu un changement de slogan. Avant il était question de revenir en Chine et servir le

pays, « back to sold ». Beaucoup d’investissement ont été faits, mais pas beaucoup de retour ont eu lieu. Aujourd’hui, on sert le pays depuis l’extérieur. L’idée du pouvoir national persiste. Néanmoins, la diaspora a été reconnue comme entité autonome vis-à-vis du pouvoir.

Compte-rendu par Edwige DERONZIER, Master 1 MES, spécialité géographie

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- - - Remerciements aux quatre conférenciers et aux quatre étudiant(e)s de Master 1 MES ayant pris en note les interventions.

- - - Une journée d’études organisée par le Département de Géographie de l’Université de Savoie,

avec le soutien de

Responsable scientifique (invitations des conférenciers, relecture des comptes-rendus) et organisation : Lionel LASLAZ - 04 79 75 86 87 - [email protected]