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Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 1
Diagnostic de la gestion de l’eau
Département du Nord – Haïti
(Photo)
Coordonné et financé par Agriculteurs Français et
Développement International (AFDI)
Contacts : [email protected] / +509 38 02 21 31
Octobre 2018 – Avril 2019
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 2
Table des matières
Introduction ..................................................................................................................................... 4
I. Présentation d’AFDI (mandat, partenaires) ........................................................................... 4
II. Méthodologie ......................................................................................................................... 5
III. Résumé ............................................................................................................................... 7
Partie 1 : Présentation des acteurs du domaine de l’Eau Potable et de l’Assainissement et
présentation de la zone d’étude ..................................................................................................... 8
I. Présentation des acteurs ......................................................................................................... 8
a. Cadre légal.......................................................................................................................... 8
b. Hiérarchie des acteurs par niveau de décentralisation ..................................................... 10
II. Présentation de la zone d’étude............................................................................................ 14
a. Caractéristiques géographiques ........................................................................................ 14
b. Caractéristiques hydrogéologiques .................................................................................. 15
c. Caractéristiques pluviométriques ..................................................................................... 18
d. Caractéristiques sanitaires ................................................................................................ 20
Partie 2 : Les actions passées et en cours, et leurs effets ........................................................... 21
I. Les projets Eau Potable et Assainissement .......................................................................... 21
II. Etats des lieux de la situation en termes d’équipements, d’outils de mesure disponibles,
d’entretien, de contrôle, d’accès à l’information ......................................................................... 26
a. La localisation des installations et leur état de fonctionnement ....................................... 26
b. Les systèmes de traitement et de contrôle existants ......................................................... 29
c. Les outils de mesure installés et disponibles .................................................................... 31
d. Accès à l’information ....................................................................................................... 33
Partie 3 : Analyse critique et recommandations ........................................................................ 35
I. Analyse de la gouvernance .................................................................................................. 35
II. Pertinence des actions entreprises et orientations futures .................................................... 36
a. Les difficultés (rencontrées par les professionnels du secteur) ........................................ 36
b. Contraintes ....................................................................................................................... 37
c. Les demandes et besoins .................................................................................................. 38
d. Les actions à prioriser ...................................................................................................... 39
III. Proposition d’intervention Afdi ....................................................................................... 40
a. Volet institutionnel ........................................................................................................... 40
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b. Volet opérationnel ............................................................................................................ 41
Conclusion ...................................................................................................................................... 42
Bibliographie................................................................................................................................... 43
Glossaire ......................................................................................................................................... 45
Annexes........................................................................................................................................... 46
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Introduction
I. Présentation d’AFDI (mandat, partenaires)
Afdi (Agriculteurs Français et Développement International) est un réseau français d’ONG ayant
pour membres 450 organisations professionnelles agricoles françaises (syndicats, chambres
d’agriculture, coopératives…) regroupant plus de 6000 militants. Afdi intervient ainsi dans 18 pays
en travaillant avec près de 70 OP (Organisations professionnelles) partenaires dont elle renforce les
capacités et appuie les programmes d’action. L’échange professionnel et le partage de savoir-faire,
entre agriculteurs et conseillers agricoles, sont les moyens privilégiés par Afdi pour ses
interventions.
Afdi Dordogne mène des actions de développement agricole en Haïti depuis 2002 dans le cadre
d’un programme de coopération décentralisé de la région Aquitaine. Afdi intervient dans le cadre
de son nouveau triennal dans le département du Nord et plus particulièrement dans 11 communes.
Le projet d’Afdi en Haïti vise le renforcement des réseaux d’OP du Nord afin d’en faire des
interlocuteurs reconnus des autorités locales et de leur permettre de proposer des services concrets
et pérennes à leurs membres. Pour cela, Afdi appuie trois réseaux d’OP : la Féchan (Fédération des
chambres d’agriculture du Nord), le Récocarno (Réseau des coopératives de café de la région Nord),
et la Preplaah (Plateforme Régionale de Plaidoyer pour l’Avancement de l’Agriculture en Haïti).
Les principales activités menées auprès de ces réseaux sont les suivantes : L’appui à la concertation
inter-acteurs et inter-OP sur les questions de politiques agricoles et de l’eau, la réalisation de
formations (gestion organisationnelle, leadership…), le développement des services offerts par les
OP à leurs membres.
Dans le cadre de ce nouveau triennal, Afdi coordonne l’élaboration d’un diagnostic sur la
gouvernance de l’eau dans le département du Nord d’Haïti, afin notamment d’:
- Identifier et mieux connaître les acteurs impliqués et leurs actions,
- Analyser les instances de concertation existantes, leur rôle et fonctionnement,
- Identifier les principaux freins et contraintes, besoins et zones prioritaires,
- Favoriser la concertation entre acteurs et faciliter l’orientation de leurs actions à travers la
mise en commun des bases de données existantes,
- Identifier une zone pour la mise en place d’un projet pilote.
Ce diagnostic a été réalisé par Jean-Elie François, stagiaire de l’université de Limonade, encadré
par Marion Faucheux, coordinatrice du projet d’Afdi en Haïti, avec l’appui en France des conseillers
de la Chambre d’agriculture d’Afdi Dordogne et du bureau d’Afdi Nouvelle-Aquitaine.
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II. Méthodologie Afin de mener à bien ce diagnostic, une recherche documentaire a été d’abord été réalisée par Afdi
depuis la France, puis cette bibliographie a été revue et synthétisée par le stagiaire en charge du
diagnostic. Au fur et à mesure des lectures et rencontres avec les acteurs du secteur EPA (Eau
potable et Assainissement), d’autres documents sont venus s’ajouter à la bibliographie. Une série
d’enquêtes terrain et d’entrevues a ensuite permis d’affiner notre compréhension du secteur.
• Recherche documentaire
Elle a permis de se rendre compte des ambitions portées par le gouvernement qui a établi il y a
quelques années un cadre légal pour l’eau potable et l’assainissement, et de les comparer avec la
réalité du terrain.
A défaut d’une bibliothèque physique où trouver ces documents, c’est sur les sites d’organisations
privées (ex. : mWater, organismes de recherches, universités…) et d’institutions étatiques (ex.
DINEPA) que la recherche documentaire s’est faite. D’autre part, la documentation en Haïti est
toute récente et concerne la période 2009 - 2018. Elle peut être rangée en deux catégories : les
documents généraux et les publications d’ONG. Ces rapports, diagnostics et capitalisations nous
ont permis de mieux comprendre la dynamique de l’eau potable et de l’assainissement et notamment
en milieu rural.
Il n’existe cependant pas de synthèse de la situation générale sur le département du Nord ni même
sur une commune.
• Etude de terrain
o Visite à l’OREPA Nord – 3 décembre 2018
Le 3 décembre 2018, nous avons visité l’OREPA (office régional de l’eau potable et de
l’assainissement) et avons été reçus par son directeur M. Poisson. Nous avons discuté du
fonctionnement de l’OREPA, des URD (unités rurales départementales), des TEPAC (techniciens
en eau potable et assainissement) et des CAEPA (comité d’approvisionnement en eau potable) ; de
l’accès à l’eau potable, et des avantages et inconvénients des captages de sources et des forages.
Puis, nous avons revu les différentes méthodes de potabilisation de l’eau. Pour le volet
assainissement, nous avons exploré la question des stations de traitement, des systèmes de vidange
et de l’existence ou non d’un assainissement collectif dans le Nord. Puis nous nous sommes
renseignés sur l’existence d’un ou plusieurs laboratoire(s) d’analyse de l’eau ainsi que sur les
procédures de contrôle de l’eau. A la suite de ces questions, nous avons orienté la discussion vers
la question des périmètres protégés autour des captages et des conflits entre usagers pour l’accès à
l’eau. Enfin, nous avons essayé de connaître les orientations futures des programmes de la Dinepa
en termes de renforcement des systèmes de mesure météorologique. M. Poisson a aussi partagé avec
nous les noms de différentes organisations intervenant dans le secteur.
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o Visite terrain à Dondon – 21 janvier 2019
Le 21 janvier 2019, nous avons effectué une visite de terrain à Dondon, commune de 34 604
habitants répartis sur 120.36 km2 et avons été reçus par l’un des maires assesseurs puis guidés par
les deux TEPACS sur le terrain. Nous avons discuté avec le maire de la question de l’eau potable à
Dondon et des moyens de s’en procurer (kiosques, raccordement domestique). Le maire a exposé
les besoins de sa commune et a mis en relief les priorités considérées par son administration. Puis
nous avons rencontré brièvement le CAEPA qui nous a dressé une liste des besoins prioritaires.
Ensuite, avec les TEPAC nous avons procédé à la visite de deux captages, puis du centre de
rétention/traitement de l’eau, de kiosques, et de deux réservoirs d’eau.
o Visite terrain à Plaisance –11 mars 2019
Nous avons effectué une visite à Plaisance en date du 11 mars 2019. D’une superficie de 121.52
km2, cette commune compte 80.000 habitants répartis sur huit sections communales et le centre-
ville. Nous avons rencontré un maire et un TEPAC en compagnie de la directrice de la mairie et
d’un ingénieur attaché à la mairie qui s’occupe, entre autres, de la maintenance du réseau. Nous
avons noté plusieurs projets et réalisations à l’échelle de la commune. Puis nous avons visité les
captages de Bordenave et Bochè, accompagnés du TEPAC et de l’ingénieur de la mairie. Nous
avons ainsi pris connaissance des installations en place et des défis que constituent leur gestion et
leur maintenance.
o Visite terrain à Bas-Limbé – 13 mars 2019
Bas-Limbé est une commune de 25.000 à 30.000 habitants pour 53 km2. A Bas-Limbé, nous avons
rencontré le magistrat principal, l’unique TEPAC, en poste depuis 2012, et les membres de deux
CAEPA. Nous avons fait un panorama de la situation (principaux défis et besoins) grâce à une
discussion de groupe, puis nous avons visité un des 4 systèmes d’approvisionnement en eau de la
commune, celui mis en place par le POCHEP en 1994 avec un captage qui récupère l’eau de 4
sources vers un réservoir en aval.
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III. Résumé Ce diagnostic de la gestion de l’eau dans le département du Nord d’Haïti explore la question de
l’eau sous plusieurs aspects dont les principaux : l’accès, la potabilité, l’irrigation, la protection de
la ressource, et la gouvernance. Ce diagnostic doit permettre de saisir les enjeux de l’eau potable,
l’assainissement et l’irrigation dans le Nord et de proposer des réponses adéquates à travers un
programme d’appui aux acteurs de ce secteur.
D’abord, la partie présentation des acteurs permet d’analyser leur rôle respectif et les interactions
entre eux. Ensuite, le rapport présente les spécificités de la zone couverte par l’étude. Puis nous
analysons les types d’intervention des différents acteurs à travers les fiches projets et le
regroupement des données en cartographie.
L’analyse de données présentée sous forme de graphes ou de cartes, permettant de saisir la réalité
environnementale, sociale et de gouvernance, a conduit à l’élaboration d’une réflexion critique en
vue de proposer des solutions. Nous proposons donc ensuite des pistes de solution et des
recommandations en termes d’intervention pour les acteurs du secteur, et proposons un plan
d’action Afdi.
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Partie 1 : Présentation des acteurs du domaine de l’Eau Potable
et de l’Assainissement et présentation de la zone d’étude
I. Présentation des acteurs
a. Cadre légal
Selon la loi-cadre de 2009 portant sur l’organisation du secteur de l’eau potable et de
l’assainissement, « Le système d’approvisionnement en Eau Potable et en Assainissement (SAEP)
est un ensemble d’infrastructures destiné à fournir de l’eau potable et/ou des services
d’assainissement à un aire géographique donnée ».
Cette même loi définit l’eau potable comme une eau destinée à la consommation humaine sans
risque pour la santé, et l’assainissement fait référence aux eaux usées et à la gestion des excréta par
opposition aux eaux pluviales et à l’enlèvement des déchets solides.
On comprend le rapport entre MTPTC et DINEPA en lisant l’article 3 de la loi-cadre.
Article 3. Il est créé un Organisme d’Etat Autonome à caractère administratif dénommé : Direction
Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement, désignée ci-après « DINEPA ».
La DINEPA est placée sous la tutelle du Ministère des Travaux Publics, Transports et
Communications (MTPTC).
Ensuite, on saisit l’essence de la DINEPA et l’implication d’autres ministères et institutions à
l’article7 :
Article 7. La Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) comprend un
Conseil d’Administration de sept (7) membres nommés par Arrêté Présidentiel et formé comme
suit :
- Le Ministre des Travaux Publics, Transports et Communication en est le Président ;
- Une personne désignée par le Ministre de l’Economie et des Finances, Vice-président ;
- Une personne désignée par le Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, Membre
- Une personne membre de la Fédération des Chambres de Commerces et de l’Industrie d’Haïti
désignée par cette institution ;
- Une personne désignée par le Ministre de l’Environnement, Membre ;
- Une personne désignée par le Ministre de la Santé Publique et de la Population, Membre ;
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Ce schéma permet de saisir l’interaction entre ministères centraux et organismes déconcentrés ainsi
que les rôles des premiers dans les différents domaines, de la ressource eau à l’irrigation en passant
par la métrologie et l’aménagement des bassins versants. Ainsi, le Ministère des Travaux Publics,
du Transport et de la Communication est mis en lumière comme ministère de tutelle du secteur
EPA, c’est d’ailleurs de ce ministère que dépend la DINEPA. D’autre part, le CIAT apparait comme
organe de coordination –en termes d’aménagement du territoire- des ministères concernés. Comme
on le voit sur la barre supérieure, le Ministère de l’Agriculture (MARNDR) a des prérogatives de
gestion de la ressource eau, de la métrologie, de l’aménagement des bassins versants, et de
l’irrigation. Le Ministère de l’Environnement apparait comme ayant aussi des responsabilités en
matière de métrologie. Au bas de cette partie du schéma, les ONG sont représentées comme
intervenantes dans la gestion de la ressource en eau, l’irrigation et l’aménagement des bassins
versants. Parallèlement à cette partie du schéma, une pyramide représente la DINEPA au sommet
de la hiérarchie du secteur EPA, puis l’OREPA qui en dépend et qui vient remplacer le SNEP et la
CAMEP. Enfin, les UTE, Unité Techniques d’Exécution, sont tout en bas avec les communes et les
opérateurs. Le schéma peut porter à confusion dans la mesure où l’UTE qui relève du Ministère de
l’Economie et de Finances n’est mentionné dans aucun des autres documents consultés (et surtout
dans les publications de la DINEPA) comme faisant partie des organismes du secteur EPA. En effet,
cet organisme a été créé en 2004 au sein du Ministère de l’Economie comme « entité technique »
chargée de réaliser un programme de restauration d’infrastructures (Unité Technique d'Exécution -
Ministère de l'Economie et des Finances, 2014). Il est donc vu ici comme un potentiel exécutant de
chantiers de la DINEPA.
Source : OIEau, CIAT, MTPTC, 2011, Haïti : Vers une Gestion Intégrée des Bassins Versants, [disponible au : http://ciat.bach.anaphore.org/file/misc/122_Haiti_gestion_integree_BV.pdf]
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b. Hiérarchie des acteurs par niveau de
décentralisation
• Au niveau national :
DINEPA : Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement de l’Eau Potable et
Assainissement. En 2009, la DINEPA a remplacé le SNEP : Service National d’Eau Potable. Elle
est organisée en plusieurs services.
Devant assurer la coordination du secteur EPA, la DINEPA est chargée du développement d’une
politique sectorielle et de la régulation des entreprises publiques du secteur. Elle développe et met
en place des procédures de gestion, de régulation et de contrôle des acteurs (notamment les maîtres
d’ouvrage et les gestionnaires). Elle comprend une direction Assainissement.
ONEPA : Observatoire National de l’Eau Potable et Assainissement
Elle collecte des informations sur le fonctionnement des services d’approvisionnement en eau
potable pour connaitre / comparer leurs performances, connaitre le niveau de service en eau et aider
à la décision.
• Au niveau régional (plusieurs départements)
OREPA : Office Régional de l’eau potable et de l’assainissement
L’OREPA est une structure déconcentrée de la DINEPA qui garantit la maîtrise d’ouvrage et la
gestion des systèmes urbains principaux et donne l’appui nécessaire aux CAEPA pour la gestion
des systèmes en milieu rural. Un rôle assez important depuis la loi cadre qui a permis de rendre
directement responsables les acteurs publics compétents les plus proches des usagers. Elle
coordonne les intervenants du secteur et s’assure de la cohérence des différents projets. (Exemple:
elle oriente les ONG vers les zones qui ne bénéficient pas encore d’appui). Il y en a (4) quatre :
- L’OREPA Nord sur les départements du Nord, Nord-est et Nord-ouest
- L’OREPA Centre sur les départements du Centre et de l’Artibonite
- L’OREPA Ouest sur le département de l’Ouest
- L’OREPA Sud sur les départements de la Grande-Anse, du Sud, du Sud-est et des Nippes.
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• Au niveau départemental :
URD : Unités Rurales Départementales, placées dans chacun des dix départements du pays.
Les URD constituent les relais des OREPA pour les milieux ruraux et petites villes (moins de 5.000
habitants) et ont comme fonction principale d’encadrer et de former les CAEPA, les CPE et les
TEPAC.
• Au niveau communal :
TEPAC : Technicien en Eau Potable et Assainissement pour les Communes.
Les TEPAC travaillent en étroite collaboration avec les structures de la DINEPA dans la commune,
l’équipe de la voirie de la mairie, les agents municipaux, les CASECS/ASECS. Ils sont en charge
d’organiser des formations de sensibilisation à l’eau et l’assainissement, d’évaluer la qualité de l’eau
distribuée en réalisant des tests de chlore résiduel, d’améliorer la gestion des systèmes de
distribution et de participer dans leur commune à la mise en œuvre du plan de communication de la
DINEPA (qui concerne le développement de la stratégie nationale, la vulgarisation des règlements
et services) pour un changement de comportement.
Source : Dinepa, 2016, Cadre de gestion environnementale et sociale du programme EPARD, [disponible au : https://www.dinepa.gouv.ht/docs-strategiques/]
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Communes : Leur rôle est aujourd’hui limité, puisque les projets sont gérés soit au niveau central
(DINEPA/OREPA) soit par les CAEPA dans le cadre d’un partenariat entre usagers et ONG mais
la réforme vise à leur donner le rôle de maîtrise d’ouvrage. Les différences de moyens entre
communes font que ce sera long à mettre en place. Dans un premier temps, la gestion des projets /
systèmes par les communes va permettre la gestion de proximité, par rapport à « la distance » entre
la DINEPA/OREPA et les populations locales, nécessaire pour avoir un suivi adéquat et une
efficacité réelle. Dans un second temps, cela implique que les ONG auront à entretenir des rapports
directs avec les communes dans le cadre de leurs projets au lieu d’être liées uniquement à la
DINEPA (signature obligatoire d’un accord-cadre avec cette dernière).
• Au niveau communal, milieu urbain :
CTE : Centre technique d’exploitation
Entités en charge de la fourniture de services d'eau et d'assainissement en milieu urbain.
• Au niveau communal, milieu rural :
CAEPA : Comité d’approvisionnement en Eau Potable et Assainissement (ou CPE : Comité de
Point d’Eau)
Associations d’usagers (élus par les usagers et/ou les opérateurs sous la tutelle des OREPA) qui
assurent la gestion du service de l’eau en milieu rural et périurbains (maitrise d’ouvrage et
exploitation, directement ou en faisant appel à un opérateur privé). Il peut s’agir de la gestion d’un
point d’eau (pompe manuelle, source reliée à un kiosque de distribution) ou d’un réseau de
distribution alimenté à partir d’une source aménagée ou d’un forage motorisé.
Le domaine de l’eau potable et de l’assainissement en Haïti a fait l’objet d’une réforme à partir de
2009, année de publication de la loi-cadre qui régule ce secteur. La réforme a apporté un nouveau
schéma organisationnel qui permet de regrouper les instances par niveau territorial. Ainsi, à
l’échelon national, la DINEPA est chargée de la régulation du secteur, étant une émanation de
l’autorité centrale via les différents ministères y représentés (figure x –schéma ministères et
DINEPA). La DINEPA est d’ailleurs une direction du Ministère des Travaux Publics. Puis, il y a
l’échelon régional, le pays étant divisé en quatre régions (qui sont des regroupements de
départements et non des collectivités territoriales). A l’échelle de la région, la DINEPA est présente
à travers les quatre (4) OREPA, les offices régionaux de l’eau potable et de l’assainissement. Au
niveau départemental, les OREPA sont relayés par les URD (Unités Rurales Départementales) qui
agissent dans les zones rurales. L’échelon immédiatement inférieur au département est la commune.
La DINEPA mandate des Techniciens en Eau Potable et Assainissement pour les Communes
(TEPAC). Dans toutes les communes rurales, entre un et deux TEPAC(s) sont chargés de veiller à
l’application des règles édictées par la DINEPA et au maintien des installations / systèmes d’eau
potable et d’assainissement. Ils travaillent en lien direct avec les OREPA via notamment les URD.
Les zones urbaines quant à elles ne sont pas gérées par des organes départementaux comme les
URD mais sont prises en charge directement par les Centres Techniques d’Exécution (CTE). Les
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localités, niveau immédiat et le plus proche des usagers, sont gérées par les usagers eux-mêmes
organisés en Comité d’Approvisionnement en Eau Potable et Assainissement (CAEPA) ou Comité
de Point d’Eau (CPE). Mais, cela ne concerne que les zones rurales. Les zones urbaines ne comptent
donc pas de CAEPA ou de CPE, le Centre Technique d’Exécution devant gérer les systèmes d’eau
potable et d’assainissement. Il est à souligner que l’irrigation n’entre pas dans le cadre de la réforme
du secteur de l’eau. Il n’y a donc aucun organe dans ce schéma qui en est chargé. Cette branche
concerne le ministère de l’agriculture via ses directions départementales.
Source : Cf. bibliographie du présent diagnostic
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II. Présentation de la zone d’étude
La République d’Haïti est divisée en 10 départements dont celui du Nord, qui est la zone d’étude
de ce diagnostic. Le département du Nord comprend 7 arrondissements, 19 communes et 82 sections
communales. La commune du Cap-Haïtien est complètement urbaine1, et les autres communes sont
rurales à part Limonade et Limbé qui avancent dans l’urbanisation (IHSI, 2015). Sur le plan
démographique, le département comprend 1 067 177 habitants réparti sur 2106 kilomètres carrés.
Compris entre 19°46’ Nord et 72°12’ Ouest, le département du Nord est borné au Nord par la mer
des Caraïbes, au sud par le département de l’Artibonite, à l’est par département du Nord-est et à
l’ouest par les départements du Nord-ouest et de l’Artibonite. C’est un département montagneux
avec cependant une grande zone plate, la Plaine du Nord (à ne pas confondre avec la commune du
même nom) qui s’étend de Limbé au département du Nord-est, prolongé dans celui-ci par la plaine
de Fort-Liberté.
Pour caractériser les zones à étudier, nous considérons les caractéristiques climatiques, agro-
écologiques ainsi que la situation dans un bassin versant. Nous nous référons pour ce faire à l’Atlas
agricole d’Haïti sur le site web du Ministère de l’Agriculture (MARNDR).
a. Caractéristiques géographiques Les communes du département du Nord se rangent en deux zones climatiques : Environ trois quart
(¾) de l’espace constitue une zone humide regroupant les communes de : Borgne, Port-Margot,
Plaisance, Limbé, Bas-Limbé, Cap-Haïtien, Quartier-Morin, Limonade, Milot, Plaine-du-Nord,
Acul-du-Nord, Dondon, et Bahon.
Les autres communes, soit : Saint-Raphaël, Ranquitte, La Victoire et Pignon se situent sur des terres
arides et arides moyens.
Ces données évoquées ici en recoupent d’autres. Les bassins versants qui chevauchent ou se situent
dans le département du Nord sont au nombre de cinq :
1Il n’existe pas en Haïti une définition précise du concept de ville, mais un certain nombre de critères permettant de juger si telle ou telle agglomération peut être qualifiée d’urbaine, eu égard à sa fonction sur le plan administratif, économique et social. La ville est considérée comme un ensemble constitué par un milieu, un paysage, un espace économique, un mode d’occupation, une densité de population. A partir des études d’Aménagement du Territoire initiées en Haïti en 1980, un seuil de population agglomérée de plus de 2000 habitants a été retenu pour définir l’urbain. Mais le critère numérique seul ne pouvant définir la ville, il a été jugé nécessaire de tenir compte de certaines fonctions structurantes (fonctions essentielles élémentaires et fonctions secondaires) basées sur un minimum d’infrastructures et d’activités économiques, aussi bien non agricoles qu’agricoles. Il s’agissait de déterminer les agglomérations qui pouvaient déjà être classées comme villes et celles qui avaient vocation à le devenir, car l’Aménagement du Territoire a justement pour objectif d’arriver à une structuration adéquate du territoire, en s’appuyant sur des centres urbains forts et dynamiques.(Bernadin, 1999)
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1. La Presqu’ile du Nord-ouest, Versant Nord où l’on trouve : Borgne, Port-Margot, Pilate et
Plaisance.
2. Le Bassin du Limbé avec les communes de Limbé, Bas-Limbé, Acul-du-Nord et Plaine-du-
Nord.
3. Le Bassin du Haut-du-Cap qui comprend Cap-Haïtien et Milot.
4. Le Bassin de la Grande Rivière du Nord qui comprend : Quartier-Morin, Limonade, Bahon, et
Ranquitte.
5. Le Bassin de l’Artibonite (une petite portion de ce bassin) avec : Dondon, Saint-Raphaël, La
Victoire et Pignon.
De cette configuration résulte les trois zones agro-écologiques du Nord que sont :
1. Plaine en monoculture : Partie la plus au nord, comprenant Cap-Haïtien, Plaine-du-Nord,
Milot, Limonade et Quartier-Morin.
2. Agriculture de montagne humide : La plupart du département, dont : Borgne, Port-Margot,
Pilate, Plaisance, Limbé, Bas-Limbé, Acul-du-Nord, Bahon, Saint-Raphaël, Ranquitte et
Dondon.
3. Zone agropastorale de plateau : comprenant La Victoire et Pignon.
b. Caractéristiques hydrogéologiques
Source CNIGS
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La carte hydrogéologique ci-dessus montre les potentialités du sous-sol en termes de ressources
aquifères. Comme l’indique la légende, chaque couleur indique un type de sous-sol différent.
Pour une meilleure compréhension de ces termes, référons-nous à des définitions publiées sur le
site web de l’Université de Picardie Jules Verne:
Un aquifère est un corps (couche, massif) de roches perméables comportant une zone saturée suffisamment
conductrice d'eau souterraine pour permettre l'écoulement significatif d'une nappe souterraine et le captage
de quantité d'eau appréciable. Un aquifère peut comporter une zone non saturée (définition de Margat et
Castany).
Une nappe est l'ensemble des eaux comprises dans la zone saturée d'un aquifère, dont toutes les parties sont
en liaison hydraulique (Margat et Castany).
Dans le cas d’aquifère alluvial, l'aquifère est constitué par les alluvions d'une rivière. L'eau de la nappe est
en équilibre avec celle de la rivière et les échanges se font dans les deux sens. Ces nappes, soutenues par
l'apport de la rivière (ou d'un lac), sont très vulnérables à la pollution.
Dans le cas d’une nappe captive, la nappe est confinée car elle est surmontée par une formation peu ou pas
perméable; l'eau est comprimée à une pression supérieure à la pression atmosphérique. A la suite d'un
forage au travers du toit imperméable, l'eau remonte et peut jaillir: la nappe est artésienne. Le jaillissement
peut disparaître par la suite si la nappe est exploitée au point de diminuer sa pression.
Dans le cas d’un aquifère karstique, l'eau remplit et circule dans les cavités du karst dont certaines sont
complètement ennoyées. Les vitesses de circulation sont grandes et les sources peuvent être temporaires et
abondantes (résurgences).
(Beauchamp, 2006)
On retrouve des aquifères alluviaux à nappe en partie captive semi-perméable localement artésienne
sur deux espaces : l’un chevauchant la limite entre Cap-Haïtien et Plaine-du-Nord et l’autre au Nord
de Limonade. Cela nous permet de déduire que ces deux espaces renferment de l’eau dans une
nappe en partie recouverte de matériaux imperméables, ce qui permettra une exploitation artésienne.
Ces nappes dépendent fortement de l’alimentation des zones alluvionnaires par les cours d’eau.
Elles sont aussi très vulnérables à la pollution au niveau de la partie libre de la nappe.
La plus grande partie de la grande plaine du Nord (à ne pas confondre avec la commune de Plaine-
du-Nord) est le domaine d’aquifères alluviaux -car la plaine regorge d’alluvions, étant très irriguée-
mais à nappe libre. Sur celles-ci, les forages sont possibles, moyennant un pompage de l’eau de la
nappe. Sur la carte, on remarque qu’il s’agit surtout des espaces suivants : Plaine-du-Nord et Milot,
des parties de Port-Margot, Bas-Limbé, Limbé et Acul-du-Nord et le long de la grande rivière du
Nord (le cours d’eau et non la commune).
Les aquifères carbonatés sont situés dans des sols mixtes, mélanges de calcaires et de minéraux.
Parsemés d’intercalations marneuses, ceux du département du Nord sont peu productifs. La marne,
constituée en partie d’argile, peut limiter l’infiltration et empêcher une bonne alimentation par
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 17
percolation de la nappe. Ils sont pourtant localisés sur des portions de communes ou l’eau est censée
abonder. Une analyse transversale permet de déterminer alors que c’est la pluviométrie qui explique
les ressources en eau du Borgne, de Plaisance et de Pilate en plus des zones alluviales que
comportent ces communes. Le sud-ouest de Ranquitte et le sud de Limonade sont aussi concernés
par cette morphologie. Ces espaces sont peu intéressants en termes de ressources aquifères
souterraines. Mais avec la pluviométrie intéressante, on peut très bien y construire des bassins de
rétention d’eau de pluie.
Cependant lorsque les aquifères carbonatés ainsi colmatés par l’argile sont fissurés ou séparés en
cloison, ils ont une productivité variable mais supérieure à ceux présentés ci-dessus. On en retrouve
sur des étendues faibles à l’échelle de la surface du département. Comme des enclaves, ces aquifères
se situent à Dondon, à Pignon, au Bas-Limbé et à Acul-du-Nord. Comme les précédents, ces
aquifères ne présentent pas de grands avantages à la recherche d’eau.
Formations calcaires elles aussi, les sols karstiques sont présents dans le Nord. On retrouve ces
formations dans les zones littorales : au Nord de Borgne et de Port-Margot, deux enclaves à Limbé
et Bas-Limbé, au Nord de Plaine-du-Nord et de Cap-Haïtien entre les baies de l’Acul et du Cap-
Haïtien ; et dans les zones intérieures : sur les deux communes de St-Raphael et Dondon. Elles
permettent la circulation d’eaux souterraines jusqu’à former des résurgences, cas qui nous a été
relaté à Dondon par les TEPACS. Les sols karstiques sont plus aptes aux captages sur les sources
qu’aux forages.
Les aquifères de roches cristallines (granite, gneiss…) constituent des réservoirs d’eau dans leurs
fissures et leurs zones altérées, les arènes. Ils abritent des nappes profondes dans les formations
cristallines de socle. L’eau peut s’écouler dans les fissures de cette formation du sol. C’est la
formation géologique la plus abondante sur le département du Nord. Un premier ensemble
chevauche des grandes portions des communes de : Pilate, Plaisance, Dondon, Acul-du-Nord, Port-
Margot. Un deuxième grand ensemble couvre presque la totalité de Grande-Rivière-du-Nord et
Bahon ainsi que la moitié Nord-est de Ranquitte. On retrouve aussi cette formation sous forme de
ceinture entre les baies de l’Acul-du-Nord et du Cap-Haïtien. Le socle cristallin est propice aux
forages et donne lieu à des sources.
Dans les bassins sédimentaires, les formations aquifères enfouies sous des terrains à faible
perméabilité sont souvent de grandes dimensions. Ils sont composés de roches sédimentaires
(calcaires, sables, grès, craie) et se caractérisent par des dépôts en couches. La faible perméabilité
suppose que l’eau peut être atteinte plus facilement par des forages que par d’autres moyens.
Enfin, une zone alluviale plus productive s’étend sur la commune de Quartier-Morin, recoupant
aussi des petites étendues des communes voisines. Il s’agit d’aquifère dépendant de
l’approvisionnement en eau à partir des cours d’eau –communiquant avec la réserve aquifère- mais
tout de même très important pour les producteurs agricoles et toute activité ayant rapport à la
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 18
ressource en eau. Il fait partie du grand ensemble aquifère alluvial au nord du département et est
aussi accessible par forage.
c. Caractéristiques pluviométriques Des données générées par l’Unité Statistique Agricole et Informatique ont pu être collectées sur le
site du Ministère de l’Agriculture. Pour le Nord, seules les données des communes de Limbé et de
Cap-Haïtien sont disponibles en ligne. Il a été possible d’en tirer des graphes illustrant la situation
pluviométrique de ces deux communes. Ces graphes sont réalisés à partir de la compilation de
plusieurs décennies de données pluviométriques, soit à partir de 1970 pour Cap-Haïtien et à partir
de 1980 pour Limbé.
Un premier type de graphe fait le cumul de la pluviométrie sur la commune, on y voit une ligne
brisée reliant les niveaux de pluviométrie enregistrés pour chaque année. On peut ainsi observer les
baisses et les hausses de pluviométrie au fil des années. On peut noter le cas de Cap-Haïtien qui
subit une baisse significative des précipitations entre 2010 et 2015 : de 2000 millimètres de pluie,
on passe à 500. En 2016, on revient à la barre des 1000 millimètres, ce qui présage une hausse
salutaire pour l’agriculture. D’autre part, il faut noter la baisse globale de la pluviométrie, plus
visible sur le graphique de Limbé, où le ‘‘plafond’’ des dernières années se situe en dessous du
‘‘plancher’’ des premières années.
Source des données : Unité Statistique Agricole et Informatique du MARNDR
Source des données : Unité Statistique Agricole et Informatique du MARNDR
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 19
Le deuxième type de graphe ci-dessous présente la pluviométrie moyenne mensuelle, faisant
ressortir les saisons par rapport aux précipitations.
La période de janvier à mars enregistre des précipitations moyennes, et est suivie de deux mois
légèrement plus pluvieux : avril-mai. Puis, on aborde la saison la plus sèche de juin à aout, le mois
de septembre marque ensuite la transition vers la saison la plus pluvieuse, d’octobre à décembre.
Cette dernière période correspond à peu près à la saison cyclonique où les pluies peuvent être
torrentielles et conduire à des inondations.
Soulignons qu’il s’agit de moyennes et que dès lors, la répartition saisonnière manque de précision
car les différentes valeurs extrêmes peuvent la fausser. C’est le cas du graphe de Cap-Haïtien où on
ne voit pas la différence entre janvier-mars et avril-mai tandis que sur celui de Limbé, on voit bien
que la période janvier-mars enregistre une pluviométrie plus basse.
Source des données : Unité Statistique Agricole et Informatique du MARNDR
Source des données : Unité Statistique Agricole et Informatique du MARNDR
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 20
d. Caractéristiques sanitaires Ci-dessous est présentée sur fonds de carte l’incidence de l’épidémie de choléra sur les communes.
La carte originale, réalisée à l’échelle du pays, a été modifiée par manipulation graphique pour ne
représenter que le département du Nord.
La commune de Dondon semble être
ou avoir été la plus touchée par le
choléra selon les données de 2016.
Cependant, et comme indiqué sur la
carte, les données sont incomplètes et
ne nous permettent pas de comparer
les communes entre elles. Notons
quand même que dans la commune
de Dondon, l’incidence
hebdomadaire était en 2016 de plus
de 10 cas de choléra pour 10.000
habitants.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 21
Partie 2 : Les actions passées et en cours, et leurs effets
Dans les années 80, sous le règne des Duvalier, de nombreux systèmes d’adduction ont été mis en
place dans tout le pays par le SNEP (Service National d’Eau Potable). Ces systèmes desservaient
les maisons des centres villes des communes urbaines et rurales. Construites pour subvenir aux
besoins du nombre d’habitants à cette période, ces systèmes sont devenus insuffisants avec
l’accroissement de la population. Installé depuis plusieurs dizaines d’années, le matériel vieillissant
n’est plus renouvelé ou pas assez, et de nombreux tuyaux cassés entrainent la contamination de
l’eau. De nouvelles maladies, telles que le choléra apparu en Haïti au début 2010, mais également
la typhoïde, ont nécessité la mise en place de stations de traitement de l’eau, et de systèmes
alternatifs de filtrage de l’eau, afin d’éviter la propagation des maladies. Différents types de projets,
mettant en scènes institutions publiques et privées, travaillent à la réhabilitation des systèmes, la
création de nouveaux accès à l’eau, le traitement, et l’assainissement de l’eau.
I. Les projets Eau Potable et Assainissement
Les ONG suivantes mènent ou ont mené des projets dans le secteur EPA ou irrigation dans le Nord :
Agrisud, Caritas, OXFAM, USAID Watsan (Water and Sanitation Project pour projet Eau Potable
et Assainissement), HaitiOutreach, World Vision, Living water, PWW, Avanse, IF Foundation,
Agroaction allemande, water.org, BID, Douar Nevez.
Les entreprises privées suivantes (liste non exhaustive) interviennent dans ces mêmes domaines :
Setexco, Setex, Omf construction, bjf construction, Pisaco, v3 (partenaire privé de mwater),
L'atelier S.A.
La carte des acteurs, crée par Afdi et consultable en ligne au lien https://framacarte.org/m/44501/,
affiche sur un fond de carte les zones d’interventions des différents acteurs, et donne accès à des
fiches projets présentant les domaines d’intervention, le budget des projets, la durée, etc.
Grâce à cette carte, nous pouvons noter que certaines zones concentrent plus de projets que
d’autres. Plusieurs questions peuvent en découler : Pourquoi certaines zones sont davantage
prises en charge que d’autres ? Les zones où l’on trouve le plus de projets ont-elles plus de
besoins ? Sont-elles plus faciles d’accès ? Et au contraire, les zones moins concernées par ces
interventions/ projets ont-elles autant de besoin ? Sont-elles moins accessibles ?
Communiquent-elles assez sur leurs besoins ? Les autorités locales et groupements de la
société civile sont-ils entendus ?
Certains projets étant clôturés (mais toujours présentés sur la carte interactive), cette carte peut
servir d’outils pour évaluer leur durabilité.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 22
En conclusion, cette carte peut être un outil d’aide à la décision concernant les communes à
prioriser. De plus, en ajoutant à l’analyse les spécificités hydrogéologiques des différentes zones
géographiques et les besoins qui en découlent en termes d’EPA, on pourra aisément déterminer les
actions à produire à court, moyen et long terme.
Les fiches projets ci-dessous brossent le tableau des projets entrepris par les ONG et entreprises du
secteur durant les cinq dernières années :
Nom de l’organisme Avanse
Titre du projet « Haïti : Feed the Future North » (Initiative alimentaire pour l’avenir-Nord,
FTFN)
Champ d’action Irrigation
Localisation du projet Département du Nord, commune Acul-du-Nord, localité Dubré, commune de
St-Raphaël, Grison-garde
Objectifs Stimuler la croissance économique dans des zones agricoles du Nord d’Haïti et
appuyer des entreprises locales amenées à devenir des partenaires directs de
l’USAID
Accroître les revenus agricoles de 40.000 ménages ruraux ;
Faciliter l’accès aux services financiers des entreprises agro-alimentaires
locales ;
Protéger et stabiliser les bassins versants pour maximiser le rendement des
terres agricoles ;
Améliorer des routes dans quelques zones agricoles fertiles mais difficiles
d’accès
Durée 5 ans (2013-2018)
Budget 88 millions de dollars
Partenaires financiers USAID
Partenaires terrain MARNDR
Bénéficiaires 40.000 ménages ruraux
Nom de l’organisme Agrisud
Titre du projet Aménagement durable du bassin versant de Limbé - Nord-Haïti
Champ d’action Irrigation, gestion de bassin versant
Localisation du projet Département du Nord, commune de Limbé
Durée 4 ans
Budget 1.129.000 euros
Partenaires financiers AFD, Région Nouvelle-Aquitaine, MAEDI, ESFI, Misereor, IFAID, BNP
Partenaires terrain GRADIMIRH, Etc Terra, les communes, Université de Port-au-Prince
Bénéficiaires 500 TPE composées d’agriculteurs
Nom de l’organisme Agrisud
Titre du projet Aménagement et gestion intégrée de la ressource en eau
Champ d’action Eau potable
Localisation du projet Département du Nord, commune de Bas-Limbé, localités de Bory et de
Beaulieu
Durée 1 an
Budget 100.000 euros
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 23
Partenaires financiers Misereor
Partenaires terrain GRADIMIRH, les communes, DINEPA
Bénéficiaires 400 familles rurales
Nom de l’organisme Douar Nevez
Titre du projet Construction, distribution et installation de filtres bio-sable
Champ d’action Eau potable
Localisation du projet Département du Nord, localité de Blue-Hills (Cap-Haïtien) en 2011, commune
de Plaine-du-Nord en 2013, communes de Bahon, Ranquitte et La Victoire en
2016, Borgne 2017-2018
Durée 2 ans
Budget NA
Partenaires financiers Quimper Communauté, Agence de l'Eau
Partenaires terrain PWW, CAWST, FECHAN
Bénéficiaires 20 000 personnes environ ayant accès à l'eau potable (2650 filtres installés)
Nom de l’organisme Haiti Outreach
Titre du projet Création, réparation et potabilisation de systèmes d’approvisionnement en eau
Champ d’action Eau potable
Localisation du projet Département du Nord, commune de Pignon principalement
Durée depuis 20 ans en Haïti
Budget 1.100.000 dollars / an
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain DINEPA, World Vision
Bénéficiaires plus de 20.000 bénéficiaires ayant accès à l'eau
Nom de l’organisme OXFAM
Titre du projet Réalisation de systèmes hydro-sanitaires et sensibilisation
Champ d’action Eau potable et assainissement
Localisation du projet Département du Nord, commune de Cap-Haïtien
Durée NA
Budget NA
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain NA
Bénéficiaires NA
Nom de l’organisme Living Water
Titre du projet Forage et installation de pompes à motricité humaine
Champ d’action Eau potable
Localisation du projet Département du Nord, communes : Acul-du-Nord, Quartier-Morin, Limonade,
Plaine-du-Nord
Durée NA
Budget NA
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain NA
Bénéficiaires NA
Nom de l’organisme DAI (contractuel exécutant pour l’USAID)
Titre du projet Eau Potable et Assainissement (WATSAN en anglais pour WAter and
SANitation)
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 24
Champ d’action Eau potable et assainissement
Localisation du projet 5 communes d’Haïti dont la zone urbaine du Cap-Haïtien
Objectifs Renforcer les structures institutionnelles du secteur EPA
Durée En cours (janvier 2018 - …)
Budget 42 millions de dollars
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain DINEPA
Bénéficiaires 250 usagers (eau) et 75 000 usagers (assainissement)
Nom de l’organisme Water.org
Titre du projet Infrastructures d’eau potable / Promotion de la construction de toilettes par les
ménages
Champ d’action Eau potable et assainissement
Localisation du projet Département du Nord
Durée NA
Budget NA
Partenaires financiers Cartier Charitable Foundation, Vitol, Kellogg Foundation et fondations
familiales
Partenaires terrain Haiti Outreach
Bénéficiaires 55.000 membres de la communauté
Nom de l’organisme Agroaction allemande
Titre du projet Construction de réseaux d’eau potable, de système d’irrigation
Champ d’action Irrigation / Eau Potable
Localisation du projet Département du Nord, commune St-Raphaël
Durée NA
Budget 1.300.000 euros
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain NA
Bénéficiaires 3.000 ménages
Nom de l’organisme World Vision
Titre du projet Construction de blocs sanitaires, de stations de lavage des mains et eaux de
boisson, formation sur l’hygiène et l’assainissement
Champ d’action Eau potable et assainissement
Localisation du projet Département du Nord, commune Acul-du-Nord, Milot, Limonade, Quartier-
Morin
Durée NA
Budget NA
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain NA
Bénéficiaires NA
Nom de l’organisme CARITAS
Titre du projet Lac collinaire à Ranquitte
Champ d’action Irrigation
Localisation du projet Département du Nord, commune de Ranquitte
Durée NA
Budget NA
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 25
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain NA
Bénéficiaires NA
Nom de l’organisme If Foundation
Titre du projet Installation de stations météorologiques
Champ d’action Météorologie
Localisation du projet Département du Nord, Communes de St-Raphael et Milot
Objectifs Permettre aux paysans d’adapter leurs techniques agricoles grâce à une
meilleure connaissance du climat Mise en place d’une pompe éolienne sur l’eau
Durée NA
Budget NA
Partenaires financiers NA
Partenaires terrain Université…
Bénéficiaires NA
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 26
II. Etats des lieux de la situation en termes d’équipements,
d’outils de mesure disponibles, d’entretien, de contrôle,
d’accès à l’information
a. La localisation des installations et leur état de
fonctionnement Grâce à des données partagées par certaines ONG, nous avons tenté de faire une cartographie des
points d’eau, de leur potabilité, leur fonctionnalité, et leur mode de gestion.
• Carte de potabilité des points d’eau
Cette carte présente les points d’eau selon un critère précis, celui de la potabilité. Elle a pu être
effectuée grâce aux données récoltées (2016-2018) par l’ONG Haïti Outreach. La légende indique
que les points verts représentent les points d’eau où l’eau est potable tandis que les points non-
potables sont représentés en rouge.
Cette carte ne nous permet pas de comparer le nombre de points d’eau potable entre les
communes, ou au sein d’une même commune car la base de données que nous avons exploitée
n’est pas exhaustive. Elle rassemble les données concernant les zones dans lesquelles l’ONG Haïti
Outreach est intervenue. Le manque de données concernant certaines zones explique l’absence de
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 27
points de recensement des points d’eau potable, cela ne signifie pas qu’il n’existe aucun point d’eau,
potable ou non.
• Carte de fonctionnalité des points d’eau
Cette carte classifie les points d’eau selon leur fonctionnalité. En rouge sont représentés les points
d’eau non fonctionnels, en vert les points d’eau fonctionnels. Cette carte a été effectuée à partir des
données de deux organisations (2016-2018) : Haïti Outreach et Living Water. De même que pour
la carte précédente, ces données n’étant pas exhaustives, elles ne nous permettent pas de comparer
les zones ou communes entre elles.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 28
• Carte des intervenants dans la gestion des points d’eau
Sur cette carte, comme sur les précédentes, on peut noter des points de couleurs différentes,
représentant les organismes qui gèrent les points d’eau : soit un CAEPA, un CTE, ou un OP. Une
dernière catégorie, en orange, correspond à l’absence de structure de gestion. Beaucoup de points
d’eau sont ainsi à l’abandon. Les autres sont en grande majorité gérés par les CAEPA en théorie,
mais dans la pratique les CAEPA sont en grande partie dysfonctionnels ou inexistants. Ceux qui
subsistent le doivent à la bonne volonté des membres malgré un manque de moyens criants
(finances, matériels). La même remarque s’applique à cette carte, concernant la non-exhaustivité de
la base de données, fournie par Haïti Outreach et ayant servi à réaliser cette carte.
Un croisement des données des trois cartes nous permet de tirer une conclusion intéressante :
Les points d’eau où il n’y a pas de gestion sont aussi ceux qui ne sont pas potables et en majorité
dysfonctionnels. Statistiquement, il y a une très forte corrélation entre l’absence de gestion sur un
point d’eau et sa non-potabilité. La corrélation est moins forte entre l’absence de gestion et la
fonctionnalité, ce qui signifie qu’un point d’eau peut très bien ne pas être géré ou protégé par une
structure et continuer à desservir la population. Cependant, ces points d’eau sont presque tous non-
potables, la corrélation étant encore plus forte entre la non-fonctionnalité et la non-potabilité.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 29
Cette analyse transversale conduit à poser l’absence de gestion comme problème majeur et
potentiellement point d’appui d’un programme axé sur l’eau potable et l’assainissement.
Ensuite vient le problème de l’entretien des équipements des points d’eau, qui ne sont plus en état
de fonctionner.
Cela peut aussi conduire à un projet de remise en état de systèmes d’eau potable et d’assainissement.
Dans le cas de la non-potabilité, les actions à entreprendre (traiter l’eau sur tous les systèmes d’une
commune par exemple) doivent s’appuyer sur une bonne gestion sans négliger l’aspect de la
fonctionnalité, donc du maintien du service de l’eau. Comment ces facteurs interagissent-ils ? Les
problèmes d’accès à l’eau ne génèrent-ils pas des problèmes (conflits par exemple) dans la gestion
des systèmes ? Des éléments de réponses sont donnés dans la suite de ce diagnostic.
• Les réseaux d’irrigation/périmètres irrigués existants Une cartographie des réseaux d’irrigation est disponible sur la carte interactive au lien :
https://framacarte.org/m/44501/
Il existe plusieurs systèmes d’irrigation en Haïti, dont le Grand Périmètre Irrigué de la vallée de
l’Artibonite (38.000 ha) et les Petits Périmètres Irrigués ainsi dénommés à cause de leurs superficies
restreintes (pas plus de 2.000 ha). Dans le département du Nord, il y a six (6) petits périmètres
irrigués (ou PPI). Ils ont été mis en place par le MARNDR dans le cadre de la sous-politique
sectorielle de l’irrigation 2012-2016. Deux de ces PPI ont fait l’objet de travaux financés par
USAID depuis leur mise en place : Dubré (Milot) et St-Raphael. Ils sont composés de canaux qui
ramènent l’eau de rivière vers les terres cultivées, parfois de pompes qui arrosent les champs via un
système de tuyauterie. Ces périmètres irrigués se situent auprès d’une ou de plusieurs rivières
majeures.
b. Les systèmes de traitement et de contrôle existants Le travail de recherche de données via les entretiens avec les différentes instances concernées a
permis de cerner des aspects importants que nous reportons ici.
Sur la question d’assainissement, il est à noter que les stations collectives de traitement des
eaux usées et les systèmes de vidange sont les grands absents. Leur mise en œuvre ne semble
même pas amorcée. Quant aux latrines, individuelles ou collectives, elles font l’objet de
campagnes de promotion, de dons et de divers projets d’ONG mais pas de campagnes étatiques.
Aucun document ou base de données (consultés) ne nous permet de trouver ces données.
Dans le domaine de l’eau potable la plupart des sources ou captages ne sont pas protégés. Pour
ceux-là, il n’y a ni périmètre installé, ni couverture végétale consacrée à cet usage, ni sensibilisation
des citoyens vivant aux abords du captage. Le tarissement d’une source par exemple peut être
favorisé par la déforestation autour de celle-ci. En effet, la déforestation réduit l’infiltration de l’eau
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 30
dans le sol (par augmentation du ruissellement) et donc ralentit la recharge de la nappe. C’est tout
un bassin versant qui peut être affecté par les activités de déforestation, c’est-à-dire non seulement
l’environnement en surface mais aussi les ressources en eau. Par ailleurs, la pollution de la source
est à prévenir si des produits chimiques sont utilisés trop près, ou s’il y a présence de défécation
d’animaux ou de cadavres d’animaux autour de la source/du captage. Des mesures doivent donc
être prises pour se prémunir d’éventuelles pollutions de l’eau.
Pour garantir et vérifier la potabilité de l’eau, des analyses physico-chimiques et bactériologiques
sont nécessaires. Dans le département du Nord, ce type d’analyse est effectué au moment de
l’aménagement d’une source (création de captage, installation du réseau d’approvisionnement).
L’analyse est demandée soit par l’institution publique en charge (comme c’était le cas du SNEP
dans les années 80) ou par l’ONG responsable. Elle permet de vérifier l’absence ou le degré de
pollution d’une nouvelle source avant aménagement. Au niveau national, il existe le Laboratoire
Vétérinaire et de Contrôle de Qualité des Aliments de Tamarinier, géré par la Faculté d’Agronomie
et de Médecine Vétérinaire et situé à Bon Repos/La Plaine, à Port-au-Prince. Il s’agit du laboratoire
principal qui effectue ces tests mais il existe aussi de nombreux laboratoires privés répartis sur le
territoire : Laboratoire de Qualité de l’Eau et de l’Environnement (LAQUE) à l’Université
Quisqueya, laboratoire de Pandiassou de AquaOrbi à Hinche depuis 2013. Par ailleurs, la DINEPA
dispose du Laboratoire et Contrôle de la Qualité de l’Eau, géré par le CTE de la Région
Métropolitaine de Port-au-Prince (CTE-RMPP), situé sur la route de l’Aéroport.
Malheureusement, aujourd’hui, très peu, voir aucune analyse de vérification du niveau de
pollution n’est effectuée de manière régulière au niveau des captages. Il faut se rappeler que la
plupart des systèmes ne possèdent pas de stations de traitement au chlore, donc soit chlorent de
manière très sporadique les bassins de rétention, (malgré de gros problèmes d’approvisionnement
en chlore dans toutes les communes), soit ne traitent pas leur eau du tout. D’où l’importance de
vérifier régulièrement la potabilité de l’eau en amont puis sur le système d’adduction.
Concernant les moyens d’analyse permettant de contrôler la potabilité de l’eau au niveau régional
(Nord), un laboratoire dont la construction a été financée par l’UE, est censé regrouper les demandes
d’analyse de l’eau pour la région Nord (Départements du Nord, Nord-est et Nord-ouest) mais il
n’est pas fonctionnel actuellement. Un laboratoire d’analyse des sols (LaboSolNord, financé par
l’USAID au Campus de l’UEH à Limonade), avec projet d’évolution vers un laboratoire d’analyse
de l’eau pour l’enseignement et la recherche, pourrait servir à effectuer des contre-études
indépendantes du laboratoire de Port-au-Prince. Il pourrait également servir de pôle régional afin
d’augmenter la fréquence d’analyse pour la création de captages et le suivi de qualité des systèmes
d’approvisionnement.
Par ailleurs, dans les zones rurales aussi bien que dans les villes, les kioskes de vente d’eau osmosée
ne sont pas contraints de faire vérifier leur système ni la qualité et potabilité de l’eau vendue.
Certains commerçants font tester leur eau régulièrement, mais d’autres, face à la cherté des analyses,
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 31
ne procèdent pas à ces contrôles. Il fait aussi ajouter que ces kioskes ne dépendent pas de la Dinepa
mais sont reliés au Ministère du Commerce.
Concernant les services et structures en charge du contrôle de la potabilité :
Les TEPAC sont chargés de procéder au contrôle de la qualité de l’eau au niveau des SAEPA en
milieu rural ; ils sont les principaux interlocuteurs des URD et des CAEPA, en charge de gérer les
problèmes (tuyaux cassés, etc.), répertorient les nouvelles sources et les problèmes au niveau des
captages.
Sur place, nous avons constaté que l’eau est traitée par chloration et les TEPAC surveillent ce niveau
de chlore grâce à un kit de test mobile. Cependant, à maintes reprises au cours de notre enquête,
nous avons pu comprendre que le système de chloration pouvait rester longtemps dysfonctionnel.
c. Les outils de mesure installés et disponibles Il existe différents outils de mesure, qu’il s’agisse des trois sous-secteurs qui nous concernent : l’eau
potable, l’assainissement ou l’irrigation. Ci-dessus, nous avons évoqué les outils de mesure – et
donc de contrôle – de la qualité/potabilité de l’eau. Dans le domaine de l’irrigation, il existe des
outils, mis en place par différentes structures, qu’elles soient étatiques ou non-gouvernementales,
qui permettent de mesurer la pluviométrie.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 32
Sur ce fonds de carte du département du Nord en Haïti, des points associés à un nom d’organisation
représentent les localisations de pluviomètres installés par une structure ou dans ses locaux. Les
points notés MARNDR représentent les pluviomètres installés par le Ministère de l’Agriculture, les
autres étant privés. Par exemple, If Foundation a installé une station de pluviométrie à Saint-Raphaël
pour analyser les variations pluviométriques et en particulier les périodes de sécheresse et travailler,
en partenariat avec des partenaires tels des universités, à l’amélioration des connaissances et des
pratiques agricoles résilientes au changement climatique. Les sigles et acronymes tels KKKLD ou
CACGAVA représentent des coopératives membres du réseau Récocarno (Réseau des Coopératives
Caféières de la Région Nord). Ces pluviomètres sont localisés directement dans les locaux de la
coopérative ou aux alentours. Cette carte n’est pas exhaustive, il peut en effet y avoir d’autres
pluviomètres sur le territoire, dont nous n’avons pas eu connaissance.
On distingue des pluviomètres de plusieurs types. En voici deux exemples :
Les modèle les plus simples sont formés d’un récipient avec mesures
attaché à un poteau (photo de droite) et se situent sur un terrain dégagé.
La coopérative CACGAVA à Dondon en possède un modèle, installé
par le MARNDR depuis 2 ans.
Les données relevées sont gardées dans la coopérative et une copie est
envoyée aux partenaires de la coopérative : MARNDR / REKOKARNO
(Réseau des Coopératives Caféières du Nord).
En termes de modèle plus avancé, le
pluviomètre de l’Ecole Moyenne Agricole de Dondon (EMAD) se
compose d’un collecteur, d’un boitier et d’une tige fixée dans un socle
de béton. La collecte des données se fait par la lecture des données sur
le boitier et leur report manuel dans un tableau.
Les données sont gérées par le MARNDR via le BAC, deux
fonctionnaires du BAC sont chargés de les collecter et d’en assurer la
transmission et le stockage.
Concernant ces données enregistrées dans les institutions et chez leurs
partenaires, il faut en demander l’accès car elles ne sont, pour la plupart, pas disponibles sur une
plateforme en ligne . De plus, le suivi et la collecte n’étant pas toujours réguliers, certains mois ne
possèdent pas de données.
Le site du MARDNR met à disposition du public les données pluviométriques des communes de
Cap haïtien et Limbé uniquement, jusqu’à l’année 2017.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 33
d. Accès à l’information
Le tableau ci-dessous présente les différents documents concernant l’EPA et l’irrigation en Haïti, et
la structure qui les produit. Certains documents difficilement accessibles pourraient être regroupés
sur une plateforme : Le CLIO. Le Cadre de Liaison Inter-ONG (CLIO) regroupe les différentes
ONG et organisations de la société civile haïtienne à travers les commissions agriculture et
environnement, EPA, santé, éducation, développement local, résilience GRD. Elle sert d’interface
avec les structures étatiques. Chaque commission est composée d’un Groupe stratégique qui suit le
plan d’action de la commission. Le site du CLIO héberge déjà les différents (diagnostics,
évaluations, offres d’emploi, etc.) partagés par les différents membres.
Documents EPA et irrigation
disponibles
Entité qui produit ou reçoit
cette info
Est-ce qu’elle la
partage ?
Alternative pour le
partage des données
Niveau national
Politiques agricoles, Stratégie
sectorielle Eau et
assainissement, atlas agricole
MARNDR, MTPTC Oui (sites
MARNDR et
DINEPA)
BDD des projets : acteurs,
zone d’intervention, activités
MPCE reçoit les rapports
annuels des organisations
enregistrées au MPCE
(statut ONG locale)
Non. Pas mis sous
forme de Base de
Données
Plateforme de
regroupement des OSC
et ONG= CLIO ?
Cartographie choléra,
typhoïde, malaria liées à l’eau,
hydrogéologie, données de
recensement
MSPP, CNIGS, IHSI Sur site MSPP, IHSI
Livrables produits dans le
cadre de projets : Diagnostic,
études exploratoires, études
d’impacts, évaluations, etc.
Par les opérateurs du secteur Pas de plateforme de
regroupement des
données
Plateforme de
regroupement des OSC
et ONG= CLIO ?
Niveau départemental/régional
BDD planteurs (parcelles,
cultures, ménages)
Institutions (OB/OSC/ONG)
ou programmes coordonnés
par le MARNDR : Ex. dans
Sur demande auprès
du
programme/opérateur
CLIO ?
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 34
le Nord : Recocarno, Pitag,
Resepag
BDD points d’eau Living Water, Haiti Outreach Sur demande CLIO ?
Niveau communal
Cartographie : localisation des
points d’eau, installations,
fonctionnalité, et potabilité
Mairie Oui, sur demande
(pour Dondon)
Pluviométrie Limbé et Cap
Haïtien depuis 1970
Site Web MARNDR
Le tableau ci-dessous présente les données que nous souhaiterions disponibles et accessibles au
public :
Données souhaitées
Cartographie Base de données
Acteurs intervenant dans chaque domaine (eau,
assainissement, irrigation, agriculture)
Pluviométrie au moins sur les communes principales
(urbaines et rurales)
Réseaux de distribution (SAEP) Occupation de sol INARA
Cadastre à jour, cartographie des périmètres de
protection
Maladies hydriques contractées par les gens
Qualité des points d’eau, Consommation moyenne
d’eau (domestique et agricole)
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 35
Partie 3 : Analyse critique et recommandations
I. Analyse de la gouvernance
Au niveau étatique : L’OREPA Nord, ainsi que l’URD Nord, fonctionnent avec difficulté. Les
ressources humaines sont disponibles, mais les moyens semblent trop faibles.
La table sectorielle départementale de l’eau organisée par l’OREPA Nord, réunit les acteurs du
secteur EPA, gouvernementaux et non gouvernementaux : les ONG, l’OREPA, les entreprises
impliquées dans les travaux EPA. Malheureusement, elle ne se réunit pas régulièrement, faute de
moyens financiers adéquats.
Au niveau non-étatique :
Au niveau national, la PEPA (Plateforme de l’Eau Potable et de l’Assainissement) est un « espace
de réflexion, d’échanges et d’actions entre les ONG et autres structures associatives engagées dans
le secteur de l’eau potable et de l’assainissement. La PEPA travaille à optimiser les interventions
de ses membres, à stimuler les collaborations interinstitutionnelles et à promouvoir le dialogue et la
concertation avec l’Etat »2.
Au niveau régional (Nord), la PREPLAAH (Plateforme Régionale de Plaidoyer pour l’Avancement
de l’Agriculture en Haïti) rassemble les revendications paysannes, et englobe les thématiques Eau,
assainissement et irrigation. Elle a été créée en 2018, par un comité provisoire composé de 4
organisations fondatrices, avec un financement et un appui technique d’Afdi.
Au niveau communal, les CAEPA (Comité d’approvisionnement en Eau Potable et Assainissement)
qui sont des associations d’usagers (élus par les usagers et/ou les opérateurs sous la tutelle des
OREPA) assurent la gestion du service de l’eau en milieu rural et périurbains. Cependant, comme
nous le montre la carte de gestion des points d’eau, de nombreux CAEPA sont en
dysfonctionnement. Ceux qui fonctionnent encore dénoncent un manque de moyens financiers, leur
activité de gestion des points d’eau ne pouvant pas être rentable lorsque les usagers ne paient pas
assez ou ne paient pas du tout la fourniture en eau. Ainsi, afin que l’activité des CAEPA soit viable,
il faudrait qu’une meilleure maintenance des systèmes (remplacement des pièces défectueuses, etc.)
soit faite par l’Orepa via les TEPAC, pour permettre d’éviter les coupures d’approvisionnement. Le
traitement efficace au chlore ne peut se faire que si le produit est délivré aux TEPAC en continu.
Ces deux aspects inciteraient les usagers à payer le service et à rendre les CAEPA fonctionnels.
Les CAEPA se reportent aux TEPAC censés les accompagner qui eux se plaignent de manque de
soutien/réactivité de l’OREPA. Les membres du CAEPA rencontrés à Dondon nous ont expliqué
qu’ils contribuent de leurs poches afin d’assurer le maintien, même minimal, du service de l’eau. Il
2 Source : www.cliohaiti.org
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 36
est aussi souhaitable qu’un autre canal de communication soit créé entre les CAEPA et l’OREPA
directement. Les CAEPA des différentes sections communales et communes pourraient faire
remonter leurs revendications à l’Orepa à travers une plateforme de plaidoyer, ce qui leur
donnerait plus de poids pour se faire entendre.
Diverses réponses sont apportées lorsque, pour des raisons variées, des conflits naissent à propos
de l’usage de l’eau. En effet, certaines personnes qui ne seront pas bénéficiaires d’un projet EPA,
peuvent menacer de bloquer les travaux pour exiger une prolongation du réseau, par exemple. Une
stratégie de gestion de conflits consiste à réduire le nombre d’heures d’approvisionnement en
augmentant ainsi le nombre de gens desservis. Par ailleurs, on peut construire un réseau en amont
pour ceux qui considèrent que l’eau part de leur localité et ne peut desservir d’autres avant eux. De
nombreux conflits politiques ou idées reçues peuvent pousser les usagers à endommager le matériel
et conduire à la déperdition de la ressource. Une sensibilisation des usagers à la protection de la
ressource, et au coût d’installation d’un système et de traitement de l’eau, est indispensable.
II. Pertinence des actions entreprises et orientations futures
Relever la pertinence du travail des différents acteurs revient à analyser le fonctionnement du
secteur, revoir les contraintes, difficultés spécifiques et lacunes ainsi que les besoins prioritaires.
a. Les difficultés (rencontrées par les professionnels
du secteur) Les acteurs auprès desquels nous avons conduit nos enquêtes disent avoir été confrontés à des
difficultés dans leurs opérations. Nous les avons relevées :
• Difficulté à toucher les ménages éloignés géographiquement des zones les plus densément
peuplées et donc ciblées en priorité
• Réticences des collectivités locales par rapport aux lieux ou aux modes de réalisation des
projets :
Exemple : Une ONG qui souhaitait intervenir en zone rurale a vu l’exécution de son projet ralentie
parce que le maire voulait l’inciter à intervenir dans le centre-ville de sa commune, pour des motifs
politiques
• Conflits (de pouvoir) dans la constitution des CAEPA :
Des autorités locales font parfois pression pour intégrer leurs proches dans les CAEPA, dont
l’activité, si elle est rentable, sera une source de revenu.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 37
• Mauvais suivi ou absence de suivi par la DINEPA des infrastructures construites par des
ONG et laissées en gestion aux CAEPA
• Difficulté à maintenir le système fonctionnel en vue de pérenniser le service
d’approvisionnement en eau ;
• Contraintes techniques :
Dans le cas du projet Douar Nevez, la construction et surtout le transport des filtres en béton a
posé des problèmes de casse.
• Manque de compétences spécifiques :
Dans le cas de construction de citernes par exemple, les ONG notent que les maçons locaux ne
maîtrisent pas toujours les techniques adéquates pour éviter les fissures qui peuvent survenir peu
de temps après et peuvent nécessiter une reconstruction.
• Attentisme de la population qui la pousse à peu ou pas collaborer du tout :
Exemple : Certains bénéficiaires attendent que l’ONG qui a installé le système se charge de son
entretien.
b. Contraintes
De nombreux freins structurels se remarquent dans le secteur de l’eau dans le département du Nord.
En effet, il existe peu d’interaction entre les acteurs de la société civile et les organismes étatiques
en charge de la question de l’eau. De plus, la table sectorielle n’étant pas effective, les professionnels
du secteur (ONG, entreprises) n’ont que peu d’occasions de rencontrer et argumenter avec les
organes étatiques (Orepa,
Dinepa).
Lors d’un atelier organisé le 28
mars 2019, rassemblant ONG,
entreprises et la Dinepa, et
visant à faire participer les
différents acteurs à la réflexion
sur ce diagnostic, nous avons
noté la volonté de ces différents
acteurs de se rencontrer plus
souvent pour définir des
stratégies communes.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 38
Comme nous venons de le voir, les acteurs du domaine EPA/irrigation se résument en institutions
publiques d’une part et institutions privées d’autres parts. Ces diverses entités opèrent et apportent
certains résultats. Malheureusement, lors du choix d’une nouvelle commune, une organisation aura
peu de ressources pour décider. Il n’existe en effet pas de cartographie officielle des projets en cours
et passés, une organisation ne pourra donc pas utiliser ce critère pour son choix de zone. Elle ne
pourra certainement pas comparer deux communes car aucun organisme ne sera à même de lui
fournir d’information officielle sur les spécificités de l’une et de l’autre (oralement, l’Orepa cite les
communes prioritaires). Au niveau d’une commune, l’ONG pourra se référer aux élus afin de
connaitre les besoins et zones prioritaires, mais là encore, il sera difficile de connaitre les projets
passés et présents. Certains élus peuvent appuyer certaines idées sous pression de la population,
alors que le projet n’est pas pérenne ou adapté à la commune. Enfin, les bases de données existantes
(données pluviométriques, parcelles, etc.) ne sont ni actualisées régulièrement ni rassemblées sur
un site/une plateforme où les professionnels pourront les consulter.
Une meilleure coordination des actions par les instances étatiques et la vulgarisation des
données récoltées pourraient permettre d’améliorer l’efficacité des interventions des
différentes institutions, et échanger des savoirs acquis à travers leur travail sur le terrain.
c. Les demandes et besoins Les besoins sont exprimés par les professionnels du secteur EPA/Irrigation (ONG, organes
étatiques, etc.), tandis que les demandes sont exprimées par les acteurs locaux (magistrats,
CASECS, CAEPA, TEPAC, population)
Demandes (relevées auprès de la population) :
- Restauration des systèmes d’approvisionnement en eau (réparation des réseaux de conduits
et potabilisation de l’eau)
- Construction de nouveaux captages
- Protection de la couverture végétale autour des captages
Besoins (exprimés par les professionnels du secteur) :
- Approvisionnement en eau de consommation suffisant et régulier, en particulier en milieu
rural
- Contrôle effectif de la qualité de l’eau (protection des captages, entretien du système de
potabilisation, augmentation de la fréquence des analyses)
- Approvisionnement en eau pour l’irrigation des terres cultivées
- Meilleure coordination des interventions des acteurs du secteur
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 39
- Implication plus active des acteurs étatiques dans le suivi des infrastructures et renforcement
du lien entre société civile et acteurs étatiques (DINEPA/CAEPA) pour une meilleure
réponse aux besoins (chlore, réparation tuyaux…)
d. Les actions à prioriser Dans le cadre de la mise en place d’actions pour répondre aux différents problèmes évoqués dans
le cadre de ce diagnostic, plusieurs aspects sont à prendre en compte. D’abord, le défi majeur est
bien sûr l’augmentation de la couverture de desserte en eau de qualité en milieu rural. Cela passe
par : la réhabilitation des réseaux de distribution (réparation ou renforcement du diamètre des
tuyaux), la réparation de captages et la mise en place de nouveaux captages, mais également la
création de bassins de rétention d’eau de pluie pour l’approvisionnement en eau potable et irrigation.
Les actions à prioriser doivent aussi intégrer la protection de la zone autour du captage via la
sensibilisation à la protection de la ressource, et le reboisement. Par ailleurs, la coordination des
projets et des institutions du secteur est capitale pour garantir la cohérence, l’efficacité et la
pérennité des actions entreprises. Les données récoltées (cartographiques, pluviométriques, etc.) via
les études exploratoires et diagnostics, les études d’évaluation et de capitalisation, les outils déjà en
place sur le terrain (pluviomètres, etc.) doivent être mises à disposition du public et actualisées dès
que possible. Différentes instances étatiques se partagent ces responsabilités mais les résultats ne
sont pas probants. Une alliance public/privé serait un avantage pour la coordination des structures
intervenant dans le domaine et la vulgarisation des données tirées des outils de mesure et de
diagnostic, afin qu’ils servent d’aide à la décision pour les entreprises et ONG du secteur.
Sans doute, afin d’être plus efficace, soit dans l’irrigation, soit dans l’EPA, faut-il une meilleure
compréhension et anticipation des tendances climatiques à travers la mise en place (renforcement
et installations) de stations météorologiques ou la collecte plus constante des données de celles déjà
existantes.
En termes d’assainissement, des sensibilisations sur les inconvénients de la pratique de la DAL
(défécation à l’air libre) seraient nécessaires, ainsi que la mise en place de davantage de latrines
permettant aux populations rurales de mettre en pratique ces connaissances.
Selon les organisations rencontrées ainsi que l’OREPA, certaines zones présentent plus de besoins
et sont donc à prioriser dans le cadre d’un choix de communes d’intervention. Ces localités sont
caractérisées par un accès restreint à l’eau (absence ou dysfonctionnement des infrastructures
d’eau), l’absence de systèmes de potabilisation de l’eau de boisson, un nombre restreint
d’interventions d’organisations de la société civile ou d’ONG. Ces communes sont Plaisance, Port-
Margot, Limbé, Bas-Limbé, Quartier-Morin, Limonade, Dondon.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 40
III. Proposition d’intervention Afdi
a. Volet institutionnel En réponse au peu d’interactions qui existent entre les institutions, les organisations membres de
la PREPLAAH (Plateforme régionale de plaidoyer pour l’avancement de l’agriculture en Haïti)
souhaitent renforcer la place du secteur EPA dans leur plaidoyer car il participe au renforcement
du monde paysan. La PREPLAAH est formée de groupements d’organisations (associations,
fondations, réseaux de coopératives) qui recueillent les revendications de leurs membres afin de
construire un plaidoyer commun. Les CAEPA pourraient ainsi faire remonter leurs revendications
via les différentes organisations membres de la PREPLAAH. Certains membres des CAEPA font
par exemple partie des chambres d’agricultures communales, membres du réseau FECHAN
(Fédération des Chambres d’Agriculture du Nord), l’une des organisations fondatrices de la
PREPLAAH. La PREPLAAH, par le biais d’un porte-parole, présente ensuite son plaidoyer aux
structures étatiques concernées (DDA, Orepa, Ministères) et organise des évènements
départementaux pour sensibiliser le grand public et communiquer sur leur travail.
Nous nous proposons également de favoriser le renforcement de la concertation inter-acteurs à
travers la co-organisation d’ateliers de réflexion avec les organisations du secteur EPA, ou le
renforcement de la table sectorielle Eau et Assainissement.
En réponse au manque de coordination des actions et à l’absence de diffusion des données
récoltées, nous nous proposons de mettre ce diagnostic ainsi que les cartes qu’il contient en libre
accès sur une plateforme en ligne qui pourra gérer l’actualisation de l’information et leur prise en
main par les professionnels du secteur. Nous avons ainsi rencontré le CLIO (Cadre de Liaison
Inter-ONG) qui serait potentiellement en mesure d’héberger les données du diagnostic (document
narratif, cartographies des points d’eau, cartographie des projets et acteurs) et permettre
l’actualisation des données des cartes et le rajout des données manquantes, grâce au partage de
nouvelles données par les organisations du secteur.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 41
b. Volet opérationnel
Nous nous proposons d’intervenir dans la commune de Dondon car elle présente les avantages
suivants : Les membres du Caepa semblent se rassembler et les Tepac sont dynamiques. Par ailleurs,
notre expertise nous permet d’apporter des solutions concrètes et durables aux besoins et demandes
relevés dans la commune, et aux spécificités de certaines sources/captages.
L’intervention d’Afdi s’articulera autour des activités suivantes dans cette commune :
- La protection des captages via les formations pour les propriétaires de terres autour des
captages ainsi que les usagers et les techniciens, et via la création de périmètres de protection
autour du captage constitués d’arbres fruitiers et forestiers.
- La sensibilisation des paysans à la rareté de la ressource eau, de consommation ou
d’irrigation
- Le renforcement organisationnel des CAEPA et la recherche de rentabilité de leur activité
de gestion d’un point d’eau/d’un système d’adduction.
- L’appui à la collecte et au suivi des données des station(s) pluviométrique(s) déjà en place
dans nos coopératives partenaires (membres du réseau des coopératives caféières de la
région Nord) et/ou la mise en place de nouvelles stations.
- La participation à la recherche sur les effets du changement climatique et leur impact sur la
ressource Eau, à travers la facilitation de l’échange de données entre le MARNDR, les
organismes de recherche internationaux, les universités.
- Participer à la relance du système d’approvisionnement en eau potable et eau d’irrigation à
travers le nettoyage ou la réhabilitation d’une installation.
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 42
Conclusion
Ce diagnostic de la gouvernance de l’eau dans le département Nord d’Haïti, permet de prendre
connaissance des différents acteurs impliqués et des principales contraintes et besoins des
populations des zones rurales en termes EPA. Après avoir consulté les ouvrages du domaine, nous
avons rencontré les services centralisés et décentralisés de l’Etat, ainsi que les autorités locales et
autres acteurs de terrain.
La réalité perçue par les acteurs locaux, et notamment les habitants des communes rurales, semble
très différente des ambitions et actions mises en œuvre par l’Etat. En effet, le manque de suivi, par
les instances étatiques, des infrastructures et des projets, affectent les populations directement. A
l’inverse, le manque de coopération des acteurs locaux peut freiner les efforts d’amélioration.
D’autre part, la collaboration entre instances travaillant dans les secteurs de l’eau potable, de
l’assainissement, et de l’irrigation, se révèle insuffisante pour que soit garantie la bonne
coordination des actions, ainsi que leur pertinence et leur durabilité.
De cet état de fait, il ressort plusieurs éléments de solutions pour l’amélioration du secteur EPA et
des capacités d’irrigation dans le département du Nord en Haïti.
En termes institutionnels, les instances existantes doivent être renforcées et doivent échanger
davantage entre elles. L’eau est un domaine que l’on peut qualifier de transversal, et sans doute
aucune amélioration durable n’est-elle possible sans un dialogue inter-secteur (santé,
infrastructures, environnement, agriculture, travail, éducation) à tous les niveaux de
décentralisation.
Au niveau opérationnel, parmi les nombreuses actions à mettre en œuvre, nous pouvons souligner
qu’il est indispensable, en plus de réhabiliter ou entretenir les structures existantes, de mettre en
place de nouvelles infrastructures pour répondre à la problématique de l’accroissement de la
population. Enfin, le changement climatique, qui se caractérise par une altération des saisons,
l’apparition de conditions climatiques extrêmes dont de fortes sécheresses, doit être pris en
considération dans la définition des programmes EPA et de développement agricole, et une forte
sensibilisation à la rareté de la ressource eau, et donc à sa protection, doit être effectuée auprès de
tous les acteurs du secteur.
Concluons sur ce constat fait à de nombreuses reprises par la population des communes visitées :
‘‘Les ressources existent, c’est à nous de les exploiter, durablement.’’
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 43
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Potable et Assainissement,
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assainissement en Haïti et préparation du plan d'action - Actualisation du Plan Stratégique
Sectoriel - RAPPORT DIAGNOSTIC, https://www.dinepa.gouv.ht/wp-
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les petites villes et en milieu rural en hïti afin d'identifier les principaux facteurs qui influencent
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9. Banque Mondiale, DINEPA, juin 2016, Survol des comportements sanitaires basé sur des
études formatives faites en Haïti, http://pepahaiti.net/spip.php?article271,
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http://pepahaiti.net/spip.php?article172,
11. HELVETAS - Coopération Suisse, mars 2016, Des acteurs locaux au service de l'eau,
http://pepahaiti.net/spip.php?article172,
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http://pepahaiti.net/spip.php?article172,
13. Kristie Urich, juillet 2019, The Five Principles of Sustainable WASH,
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(Programme Solidarité Eau)
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filtre biosable; conception, construction, installation, fonctionnement et entretien.
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16. Beauchamp, J. (2006, Juillet). LES SYSTEMES AQUIFERES. Consulté le Février 2019,
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17. Bernadin, E. A. (1999, mars 16). La planification régionale en Haïti. (European Journal of
Geography [En ligne]). doi:DOI : 10.4000/cybergeo.4840
18. Unité Technique d'Exécution - Ministère de l'Economie et des Finances. (2014). UTE.
Consulté le mars 8, 2019, sur www.ute.gouv.ht: www.ute.gouv.ht
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 45
Glossaire SAEP : Système d’Approvisionnement en Eau Potable
DINEPA : Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement de l’Eau Potable et
Assainissement
ONEPA : Observatoire National de l’Eau Potable et Assainissement
OREPA : Office Régional de l’eau potable et assainissement
URD : Unités Rurales Départementales
TEPAC : Technicien en Eau Potable et assainissement pour les communes.
CIAT : Conseil Interministériel d’Aménagement du Territoire
CTE : Centre technique d’exploitation
CAEPA : Comité d’approvisionnement en Eau Potable et Assainissement
CPE : Comité de Point d’Eau)
OP : Opérateur Professionnel
SAEP : Service d’Approvisionnement en Eau Potable
PEPA : Plateforme de l’Eau Potable et de l’Assainissement
BV : Bassin Versant
CMBV: Comité Micro-Bassin Versant
GIRE: Gestion Intégrée des Ressources en Eau
EPARD : Programme d’Eau Potable et d’Assainissement en Milieu Rural Durable (programme
financé par la Banque Mondiale)
WASH : Water, Sanitation And Hygiene (acronyme anglais pour le secteur EPA mais avec des
nuances de sens)
TED : Traitement de l’Eau à Domicile
DAL : Défécation à l’Air Libre
MARNDR : Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural
MTPTC : Ministère des travaux publics, transports et communication, ministère de tutelle en
charge de l’eau potable et assainissement.
MDE : Ministère de l’Environnement
MENFP : Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle
MICT : Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales
MSPP : Ministère de la Santé Publique et de la Population
CASEC : Conseil d’Administration de la Section Communale
ASEC : Assemblée de Section Communale
RECOCARNO : Réseau des Coopératives Caféières du Nord
FECHAN : Fédération des Chambres d’Agriculture du Nord
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Annexes
I. Rapport sur les communes visitées
Dondon
A Dondon, dans le volet assainissement, le maire rencontré a souligné le problème de la défécation
à l’air libre, la commune n’ayant pas assez de toilettes publiques ni privées. Il n’existe pas de
système de vidange a-t-il affirmé, et a laissé entendre que la mairie serait intéressée par un
partenariat avec l’ONG américaine SOIL. Il n’y a pas non plus de système d’irrigation à Dondon.
Avec le CAEPA en place, nous avons discuté du déficit enregistré car certaines personnes refusent
de payer l’accès à l’eau potable. Les membres du CAEPA nous ont permis de comprendre que les
techniciens (TEPAC) par ailleurs sont bénévoles.
Enfin, les TEPAC nous ont accordé une entrevue avant d’aller sur le terrain. Nous avons compris
par leur soin qu’avant l’installation du captage, une analyse avait été effectuée à la source.
L’échantillon avait été envoyé à l’époque en ville (les TEPAC ne savent pas à quelle destination
exactement). L’OREPA Nord bénéficie depuis un an d’un laboratoire à Cap-Haïtien qui pourrait
faire ce type d’analyse. Après l’installation du captage, il apparaît qu’aucune analyse de contrôle
permettant de déceler des agents pathogènes n’est effectuée par les TEPAC à la source. Ils
contrôlent par contre, avec un outil portatif, le niveau de chloration de l’eau traitée.
Nous avons pu constater un problème de chloration dans le centre de traitement : les
hypochlorateurs (flotteurs) sont défectueux. Les TEPAC déclarent avoir fait un rapport à l’OREPA
mais depuis plus d’un an, aucune solution n’a été donnée.
Figure 1 et 2: Hypochlorateur dans conteneurs et conteneurs / Système de la DINEPA
En cas de sécheresse, il n’y a pas assez de pression pour que l’eau arrive dans le réservoir et donc
dans les kiosques plus bas. Autour des captages, pas de périmètres protégés, ce qui pourrait entrainer
la pollution de la source. Aucun contrôle de la qualité de l’eau n’étant effectué à la source après
installation du captage, la pollution ne serait pas découverte. Nous avons discuté de la possibilité
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 47
d’accompagner les propriétaires dans la mise en place d’un espace cultivé protégé avec certains
types d’arbres fruitiers et forestiers, qu’ils pourraient exploiter afin de développer une activité
génératrice de revenus. L’un des besoins prioritaires de la commune est la création d’un autre bassin
de rétention d’eau de pluie pour l’approvisionnement en eau potable et irrigation (par canaux).
Plaisance
A Plaisance, il y a certains acquis qui ne demandent qu’à être consolidés. Dès le départ, le maire
nous apprend qu’une intercommunalité rassemblant les communes de Plaisance, Pilate, Limbé,
Borgne, Port-Margot, Bas-Limbé, est en train de se structurer pour travailler ensemble sur les
questions d’énergie, gestion des déchets, et eau.
Juste devant le local de la mairie, une affiche décrit un
projet de réhabilitation hydro-sanitaire (construction
de bloc sanitaire pour le lavage des mains avec toilettes
et puits) (Cf. photo ci-jointe)
Ce projet est mené par le gouvernement haïtien via la
DINEPA, l’UNICEF, la mairie de Plaisance,
l’OREPA Nord, le MSPP via la Direction Sanitaire du
Nord et le CGBS. D’autre part, il y a eu une
restauration du système (réparation de tuyaux) (2009
ou 2011) par la mairie, cofinancé par la FAO. Dans la
thématique de l’Irrigation, aucun projet n’a pu être
relevé.
Le système de Plaisance est composé, selon le magistrat et le TEPAC, de 54 captages dont certains
qui sont non-fonctionnels. Pour certains, la boue bouche les sources, il suffirait de les nettoyer pour
en augmenter le débit. Dans ce système, l’eau est traitée dans 3 sections communales et dans le
centre-ville alors que dans les autres sections communales, les habitants achètent des sachets d’eau,
traitent eux-mêmes par chlore, ou ne traitent pas du
tout. Il n’y a pas de filtres bio-sables utilisés dans la
commune. Un système d’approvisionnement en eau
des maisons du centre-ville a été mis en place il y a
environ 50 ans par le SNEP, pour desservir environ
2.000 ménages. Ils sont aujourd’hui plus de 14.000
habitants maintenant dans le centre-ville. Le captage
principal est protégé du libre accès par du béton et
une clôture sur 10m2 (Cf. photo ci-contre).
Ce captage rassemble deux sources/entrées. Il est
suivi d’un réservoir (attention : l’eau s’écoule
Figure 3: Affiche de récapitulation de projet / Plaisance
Avril 2019 - Diagnostic de la gestion de l’eau - Agriculteurs français et développement international 48
librement à cause d’un tuyau d’évacuation non-bouché
par une valve, débit d’environ 8 gallons/20 litres par
minute). Puis, plus bas, un autre captage. Plus bas
encore, un réservoir où sont rassemblées les deux sources. Plus bas encore, mais avec une petite
remontée, le réservoir du centre-ville (Cf. photo ci-dessous), où le traitement par chloration est fait.
Aucune installation n’est faite pour permette aux agents
de monter verser la solution chlorée. Il s’agit là d’un
système d’appoint, à défaut de bénéficier d’un véritable
centre de traitement. Il est utile de mentionner que depuis
presque un an, la commune ne reçoit plus de chlore de la
part de la Dinepa et que les dernières livraisons en date
ont été faites par le MSPP. Ce stock était alors valable
pour deux mois.
Au niveau de certains réservoirs (Cf. réservoir de
raccordement de deux sources), un membre de la communauté a la clé, et ouvre aux habitants pour
qu’ils se servent à même le réservoir (Cf. photo ci-dessous).
Le captage principal, Bordenave, est protégé par une
clôture, et le terrain est maintenant propriété de l’état.
Le deuxième captage, Bochè, est sur un terrain privé,
cultivé tout autour. Selon le magistrat, des
sensibilisations à la protection des captages ont été
effectuées, mais ce qui est le plus dangereux pour la
protection de la ressource eau aujourd’hui est la coupe
du bois.
En matière de gestion, le centre-ville avait un CAEPA
qui n’est plus actif. Chaque CAEPA avait signé un
contrat avec la DINEPA, précisant leurs rôle et responsabilités et établissant quel pourcentage du
bénéfice de la gestion du point d’eau devait être reversé à la Dinepa. Trois CAEPA, dans les SC de
Grande-Rivière, Bassin, Gobert fonctionnent encore et ont des abonnés.
La mairie a pris en charge la gestion du système d’approvisionnement du centre-ville. Un délégué
de la mairie se déplace pour aller réclamer aux ménages leur cotisation pour l’accès à l’eau. Mais
l’eau ne coulant pas, il devient impossible de récupérer les cotisations depuis plusieurs mois. La
population a fait plusieurs manifestations dernièrement pour protester contre le manque d’accès à
l’eau. A part lors de la rareté de l’eau et le fait que les habitants de la zone du captage demandent à
être servis en premier, il n’y a cependant pas de conflits dans la zone. Il pleut très peu, les conduits
perdent de leur pression à cause des fuites, par conséquent l’eau n’arrive pas au centre-ville. Nous
avons relevé que la cotisation habituelle est de 10 gourdes par jour sur la ligne directe, tandis que
Figure 4: Captage principal / Plaisance
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sur les kiosques ainsi qu’au bloc sanitaire, on paie 5 gourdes/ seau de 18 litres. Il existe un conflit
dans le système d’approvisionnement entre les bornes fontaines installées sur le réseau qui
fournissent de l’eau gratuitement à côté des kiosques où il faut payer.
On remarque que lors de l’installation du système d’acheminement de l’eau en centre-ville, aucune
station de traitement n’a été mise en place. En effet, à cette époque, très peu de maladies liées à
l’eau n’étaient apparues ou n’étaient connues. Depuis 2010, de nombreux cas de choléra, typhoïde,
etc., ont entrainé le traitement de l’eau. En amont, aux alentours des deux captages (Bordenave et
Bochè), l’eau est très claire, et malgré le besoin de nettoyage du réservoir (normalement fait par un
gardien payé par la mairie…), l’eau semble potable. Les habitants viennent se servir et nous disent
ne pas traiter l’eau et ne pas craindre une contamination. Par contre, plus on descend le long du
système et plus l’eau présente des risques de contamination. Certains tuyaux sont endommagés au
niveau de la rivière (Cf. photo ci-dessous).
Certains tuyaux allant d’un kiosque à une maison sont
endommagés et donc directement en contact avec de l’eau
stagnante. D’où un risque de contamination après même
le traitement au niveau du réservoir.
Selon nos interlocuteurs, un autre captage serait
nécessaire pour alimenter le système principal.
Ici, on peut voir un tuyau galvanisé endommagé dans le lit de la rivière
Bas-Limbé
A Bas-Limbé, il y a quatre systèmes d’approvisionnement en eau : 2 captages, et 2 forages. Le
captage principal, dans la 1ère section communale, qui alimente le centre-ville, a été construit en
1998 par le FAES (Fonds d’Assistance Economique et Sociale). Nous ne l’avons pas visité à cause
de la grande distance à couvrir pour l’atteindre et du temps que cela aurait demandé. Le deuxième
captage a été construit en 1994 par le POCHEP (Poste communautaire d’hygiène et d’eau potable,
ancienne structure étatique). Chaque système est géré par un CAEPA, celui mis en place par FAES
se compose d’un président, d’un trésorier, et de quatre techniciens. Les deux autres systèmes sont
des forages, construits par l’ONG Agrisud. Pour sa part, le TEPAC parait très dynamique, et bien
connaître son domaine. Détails sur les systèmes d’approvisionnement en eau de Bas-Limbé :
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• Système FAES à Chamette : 1 captage, 1 réservoir, 6 kiosques + 5 autres kiosques non-
fonctionnels (l’eau n’y arrive plus), + bornes fontaines, + approvisionnement direct dans les
maisons pour 62 abonnés. Traitement de l’eau direct au réservoir.
• Système POCHEP : 1 captage, 1 réservoir + 4 bornes fontaines + branchements privés pour
25 abonnés.
• Forages (Beaulieu et Bory) faits par Agrisud (PADNOR) : Réservoir avec traitement direct,
pas encore de ligne d’adduction, pas encore de branchement privé mais c’est prévu pour
rendre le système complet.
Les systèmes actuels couvrent le territoire et si les captages étaient efficaces à 90%, il semblerait
que les 4 systèmes couvriraient les besoins en eau de la population. Malheureusement, l’eau n’arrive
pas jusqu’au centre-ville. Le flux d’eau a diminué à cause des fuites et de la sécheresse, mais c’est
surtout à cause du vandalisme que l’eau n’est pas acheminée jusqu’en bas. En effet, le captage est
situé dans la 1ère section communale, or, lorsque les habitants réclament des services, notamment
de la mairie, ils s’en prennent au système d’eau pour se faire entendre. Il semblerait que la rencontre
ait été l’occasion pour le maire et le TEPAC, d’envisager des solutions au problème politique de la
1ère section communale. L’eau devient une denrée très couteuse pour le centre-ville, la population
peut acheter un seau de 18 litres jusqu’à 150 gourdes en comptant le transport. Les habitants du
centre-ville représentent environ 5.000 à 6.000 personnes.
Les principaux besoins selon les interrogés sont :
- Renforcer le diamètre des tuyaux
- Réhabilitation des captages
- Lutter contre la déforestation autour des captages
A Bas-Limbé, il n’y a aucun périmètre protégé autour des captages, qui sont sur des terres agricoles
privées, donc cultivées. Avant leur construction, des tests de qualité de l’eau ont été effectués, et
ces tests ont été refaits en 2014 par la DINEPA. Ils ont révélé que les sources des captages
présentaient peu de risques de contamination. On recense encore de nombreux cas de typhoïde et
choléra. Il semblerait que les maladies de type typhoïde et choléra soient transmises en aval des
réservoirs où se fait le traitement, par des tuyaux endommagés. L’eau à hauteur du captage (au cas
où la source n’est pas polluée) serait donc potable. Il n’est cependant pas possible de vérifier que
les populations en bas du morne sont plus touchées par les maladies que celles d’en haut car :
personne ne vit aux alentours du captage de FAES car il est trop haut dans le morne ; la population
fait donc des allers-venues constants entre les captages ou les bornes fontaines en hauteur et le
centre-ville, la ville n’étant plus desservie à cause de l’épuisement du système, du manque de
pression de l’eau et autres dysfonctionnements.
De plus, on trouve des cas de typhoïde chez les gens habitants les mornes aux alentours du captage
de POCHEP. Mais il est difficile de dire s’ils ont été contaminés directement par l’eau, ou plus par
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une mauvaise hygiène de vie (pas de lavage de main après toilettes, récipients sales utilisés pour
cuisine, etc.).
Gestion des CAEPA. Il semble que le président du CAEPA de Beaulieu ne fasse pas beaucoup
participer les membres du comité. Les CAEPA dans la commune en général, ne fournissent pas à
temps ou pas du tout, les rapports sur l’état du système, ce en quoi les TEPAC doivent les appuyer.
Ils ont du mal à récupérer les cotisations des membres et se font régulièrement menacer. Cependant,
les CAEPA devraient pouvoir effectuer les petites réparations avec les bénéfices effectués par le
comité mais ce n’est pas le cas. Un abonnement coûte 50 gourdes par mois pour les raccordements
privés mais personne ne paie réellement. Quand les voisins et amis viennent se servir chez les
abonnés, ceux-ci ne voient pas pourquoi payer un service auquel les autres accèdent gratuitement.
Le montant à payer en kiosque est un forfait de 10 gourdes par mois, que personne ne paie parce
qu’il y a trop de variations dans le service de l’eau.
Dans le domaine de l’assainissement : Une ONG (Water mission) a construit des installations
sanitaires (toilettes) dans la commune. La DAL a lieu partout et notamment autour de la rivière de
Bas-Limbé.
Aucun système d’irrigation en place à Bas-Limbé.
La ressource eau semble, à terme, compromise par le problème de sécheresse et de déboisement,
surtout autour des sources.
Au cours de cette visite, nous avons noté que le TEPAC, ainsi que les membres du CAEPA installés
par le FAES sont très dynamiques. Le président du CAEPA POCHEP paraît investi. Le 1er magistrat
connait bien la thématique et les spécificités de chaque système.
Lors de notre visite du système mis en place par le POCHEP, accompagnés du magistrat, du
TEPAC, et du président du CAEPA, nous avons compris que le captage POCHEP récupère l’eau
de 4 sources, sur 10 qui se rejoindraient dans cette zone. Construit en 1994, il présente maintenant
des défaillances qui contribuent à la déperdition de la ressource :
- Déperdition d’eau, qui coule en dessous du bloc de béton du captage, et qui réduit donc le
débit.
- Un tuyau pour se servir au captage n’est pas bouché par un robinet. Il avait pourtant été
installé mais les habitants l’ont détruit pour que l’eau alimente le ruisseau d’une ravine en
aval et leur permette de laver leur linge.
- Le mur de protection du captage est trop bas et il est surplombé d’une masse de terre, qui
pourrait se déverser en boue à la prochaine très forte pluie. L’eau entrerait à ce moment dans
le réservoir du captage (Cf. photo ci-dessous).
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Deux solutions sont envisageables: rehausser le mur de protection,
ou sécuriser la zone avec des plantes favorisant la rétention de
l’eau, de type vétiver.
Le réservoir en aval est fissuré sur la longueur, dès que l’eau
dépasse ce niveau, le réservoir fuit. (Cf. photo ci-dessous).
A chaque fois que le réservoir est plein, un membre du
CAEPA doit verser 9 cuillères de chlore. Mais le
président nous avoue que le traitement n’est fait que
tous les 3 à 4 jours. L’eau alterne donc entre traitée et
non-traitée.
A final, il apparait que les problèmes liés à
l’approvisionnement du centre-ville en eau sont
d’ordre politique, une intervention visant à réhabiliter
le système ne résoudra donc pas le problème de fond.
D’autre part, il semblerait que la priorité pour la
population aujourd’hui est l’accès à l’eau, avant même son traitement. Les gens ne veulent pas payer
si le système est défaillant et l’eau ne coule que par intermittence ou avec un faible débit. Les Caepa
ne peuvent donc pas se rémunérer et c’est un cercle vicieux. Les traitements ne se font plus ou très
peu car le chlore n’est fourni que rarement et le débit est trop bas pour permettre le traitement de
l’eau.
Il sera difficile de travailler au renforcement des CAEPA sans un système d’accès à l’eau qui
fonctionne. Il sera aussi difficile de se concentrer sur la protection des points d’eau sans une réponse
au problème de fond qui est le manque d’eau. Enfin, si les captages ne donnent pas assez d’eau, la
population n’acceptera pas qu’une partie soit récupérée pour l’irrigation, même s’il s’agit du tuyau
d’évacuation du trop-plein au niveau du captage.