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Maurice Vanhoutte Deux études sur la dialectique platonicienne In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 47, N°14, 1949. pp. 259-266. Citer ce document / Cite this document : Vanhoutte Maurice. Deux études sur la dialectique platonicienne. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 47, N°14, 1949. pp. 259-266. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1949_num_47_14_4193

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Page 1: Deux Etudes Sur Dialectic Platonnienne

Maurice Vanhoutte

Deux études sur la dialectique platonicienneIn: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 47, N°14, 1949. pp. 259-266.

Citer ce document / Cite this document :

Vanhoutte Maurice. Deux études sur la dialectique platonicienne. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome47, N°14, 1949. pp. 259-266.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1949_num_47_14_4193

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ÉTUDES CRITIQUES

DEUX ÉTUDES

SUR LA DIALECTIQUE PLATONICIENNE

Dans la préface de son ouvrage La Question platonicienne, M. R. Schaerer souhaitait l'existence d'un « exposé systématique et complet de tout ce qui concerne la forme, la structure et la composition des Dialogues ». La thèse principale de M. Goldschmidt remplit une partie de ce vaste programme en nous livrant des données intéressantes dont pourraient s'inspirer les recherches ultérieures en ce domaine. L'auteur pense que le problème des procédés dialectiques chez Platon est différent de celui de la méthode et qu'il faut d'abord résoudre ce dernier. Les différents modes de recherche et d'exposition qu'on trouve dans les dialogues pourraient être étudiés plus commodément après avoir établi la nature de leur méthode en général. Mais il ne suffit pas, nous dit-on, d'expliquer les passages méthodologiques au moyen des exemples dont Platon les illustre. Il est au contraire indispensable d'envisager la structure même des Dialogues, c'est-à-dire « d'expliquer les textes qui enseignent la méthode par ceux qui la pratiquent » (p. VIIl). Bref, il s'agit de montrer, comme Platon l'indiquerait lui-même dans le Politique (285 d 6-7), de quelle manière la structure est solidaire de la méthode (p. 33).

M. Goldschmidt écarte de son examen, en plus des dialogues suspects et apocryphes, cinq dialogues authentiques. l'Apologie, le Ménexème, le Timée, le Critias et les Lois. Il nous avertit ensuite qu'il ne soulèvera pas les questions de chronologie, parce qu'il recherche « l'unité de la méthode platonicienne, au delà de toute « évolution » apparente ou réelle » (p. x). Il n'a pas non plus l'arn-

(*) Victor GOLDSCHMIDT, Les Dialogues de Platon. Structure et méthode dialectique (Bibliothèque de Philosophie contemporaine), Paris, Presses Universitaires de France, 1947, XI-367 pp. ID., Le Paradigme dans la dialectique platonicienne, ibid., 140 pp.

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bition d'écrire un système de la théorie de la connaissance chez Platon. Tout au plus vise-t-il à préciser quelques éléments de cette théorie, en essayant de mieux comprendre le mécanisme de la méthode.

Une comparaison entre la Lettre VII, la République et YAlci- biade I permet de distinguer quatre étapes dialectiques fondamentales : Image, Définition, Essence et Science. A chacun de ces niveaux peuvent se rencontrer les « modes » de connaissance que distingue la Lettre VII : nom, définition, image, opinion, science, intelligence et essence. Il existe donc une démarche théorique du dialogue platonicien. En réalité, elle présente des combinaisons très diverses dans la succession des étapes, tout en s'appliquant d'une manière assez semblable dans certains groupes de dialogues. Dans ces conditions, il est possible de comparer les passages appartenant rigoureusement au même stade dialectique avec la certitude de les interpréter dans leur signification exacte. Disons que l'auteur se montre particulièrement habile à dépister ces passages et à en tirer des conclusions méthodologiques et même doctrinales auxquelles personne n'avait songé avant lui. Son souci d'être exhaustif le pousse à faire maintes analyses très délicates dans lesquelles il se sert, comme on le verra dans la suite, d'une foule de notions auxiliaires qu'il voudrait dépourvues de tout caractère dogmatique ou systématique.

Une première grande division des Dialogues est constituée par les Dialogues aporétiques. La question préalable (par ex. dans le Lysis : qu'est-ce que l'amitié ?) n'y est pas résolue et, par conséquent, la question initiale (comment devenir l'ami de Lysis ?) reste en suspens.

L' Euthyphron, YHippias Majeur, le Charmide, le Lâchés et le Lysis forment un premier groupe qui se livre à la recherche d'une valeur. A titre d'exemple, voici comment se présente l'analyse structurale du Lâchés : après une brève introduction, apparaît une Image (l'hoplite qui reste à son poste est courageux). Dans le but de l'éliminer, Socrate la réfute au moyen d'arguments et oppositum (tactique bien connue des Scythes, tactique des Spartiates à Platée). Obéissant au précepte d'unification, Lâches émet une hypothèse- opinion (le courage est une constance de l'âme). Celle-ci est immédiatement soumise à la réfutation par une exigence essentielle (le courage est bon et beau). A l'hypothèse (constance de l'âme) s'ajoute une apposition (accompagnée d'intelligence). Ici se place la première aporie, marquée par le désarroi de l'interlocuteur (Lâchés se désiste

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et cède la place à Nicias). La Définition est obtenue par un raisonnement (appelé par l'auteur définitionnel) qui prend dans le cas présent la forme d'un syllogisme. Ma (exigence générale), : Tout homme est bon dans ce qu'il sait. Mi (exigence propre) : Le courageux est bon. Concl. (notion définitionnelle) : Donc le courageux possède une science ou le courage est une science (apposition dépourvue de son support d'opinion). Mais la Définition est ambivalente. Elle offre une alternative et appelle une détermination. Socrate fait succomber Nicias à la tentation de choisir « à gauche », c'est-à-dire de comparer la science du courage, qui est une valeur, à de simples techniques. En effet, pour ne pas confondre le courage avec l'art de la flûte, il précise : le courage est la science des choses à craindre et à espérer. Mais cette détermination était prématurée. Entre la Définition et la vraie détermination se situe le troisième niveau, l'Essence ou ce qui en apparaît. La Définition est soumise d'abord à V épreuve par les conséquences. Cette épreuve poursuit les analogies vulgaires (le médecin, le cultivateur connaissent les choses à craindre et ne sont pas pour cela appelés courageux). Ces objections entraînent l'atone seconde qui n'est pas décisive, puisqu'on peut revenir aux exigences essentielles. On fait alors Y épreuve par l'hypothèse supérieure (la science n'est pas limitée par le temps). Ceci amène à redresser la Définition (le courage est la science de tous les maux, sans restriction temporelle). Mais celle-ci est trop large et ne permet pas de conclure, parce que Nicias maintient que le courage est une partie de la vertu.

La structure de Y Euthydème et du Théétète montre la raison décisive de l'échec des premiers dialogues. Le plan dianoétique, qui est le leur, les fait tourner en cercle. La définition du Bien qu'ils se proposent n'est accessible que par le long détour de la République.

Un autre groupe de dialogues, 17on, YHippias Mineur, le Cratyle et le Ménon, peut se concevoir autour de la capture des pseudovaleurs. Il possède également une structure-type. Le livre I de la République est consacré à la réduction d'une anti-valeur : la justice- intérêt du plus fort. Enfin, deux dialogues inachevés, le Protagoras et le Parménide, bien que connaissant l'aporie finale, tentent le « grand détour » destiné à éviter le « glissement à gauche ».

La deuxième grande division des Dialogues comprend les Dialogues achevés. On y retrouve les types structuraux de la première division dans un ensemble beaucoup plus complexe. Tous se caractérisent par le « détour essentiel » qui occupe la place de l'hypothèse

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supérieure. Qu'il nous suffise de relever ici quelques résultats importants.

Comme nous lavons vu dans l'exemple du Lâchés, les premiers dialogues possèdent, entre l'Image et la Définition, des hypothèses dont la vision d'ensemble est imparfaite. Ces hypothèses sont longuement développées dans les Dialogues achevés au moyen de la méthode de division. Il importe donc de bien distinguer celle-ci de la division effectuée sur la notion définitionneîle proprement dite, telle que cette division est décrite, par exemple, dans le Phèdre. La première envisage le genre nominal (découvert à l'aide du nom d'un concept), la seconde, le genre participé qui constitue une « vision d'ensemble ». La division bipartite est la seule qui ait un caractère dialectique, puisque la science suprême chez Platon ne s'intéresse qu'à la Valeur et à la non- valeur. — La Définition est toujours accompagnée d'un note de soudaineté et de révélation. — L'épreuve par par les conséquences ne donne jamais un enseignement, parce qu'elle est une redescente. — Le détour essentiel justifie la Définition. Il constitue une nouvelle recherche et, pour cette raison recommence au niveau le plus bas, celui de l' image-opinion. Il fait toujours l'épreuve de la notion contraire (par ex., dans le Sophiste, celle de l'être avant le non-être). — La doctrine de la communauté des genres a été découverte par l'ascension d'une hypothèse à l'autre. Les premiers dialogues avaient tenté cette ascension à partir de la première hypothèse prédéfinitionnelle, mais n'y étaient pas parvenus en raison du glissement à gauche opéré par le poids des images. Celles-ci empêchent de considérer la Valeur qui est le sommet de l'ascension, parce qu'elles ne conviennent qu'à décrire des techniques.

Bien des questions se posent à propos d'un livre aussi neuf. On peut se demander s'il est possible de dissocier le problème de la sturcture des Dialogues de celui des procédés dialectiques. Il semble que l'auteur n'y soit arrivé qu'au prix d'un artifice : la détermination préalable des niveaux dialectiques. Mais cette détermination elle- même est-elle légitime ? Car, à supposer que la Lettre VII soit de la main de Platon (YAlcibiade ne l'est certainement pas ; voir l'article de E. De Strijcker dans A. C. 1942), n'implique-t-elle pas une doctrine beaucoup plus explicite que celle de la République qui la précède de vingt ans ? Dès lors, n'y a-t-il pas un réel danger d'imposer non seulement à la République, mais aux autres dialogues, et en particulier aux dialogues socratiques, des cadres qui leur sont étrangers ? Il est vrai sans doute que l'on a sacrifié traditionnellement à l'esprit de

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synthèse en ne tenant pas assez compte des niveaux dialectiques et un travail comme celui-ci apparaît, à certains points de vue, comme une libération. Mais la question est de savoir si l'auteur n'a pas lui- même sacrifié à une systématisation d'un autre ordre. En ne tenant pas compte de la chronologie et de l'évolution historique de la pensée platonicienne, il donne l'impression de retrouver trop aisément l'unité des Dialogues en essayant de découvrir en tous une démarche élaborée d'avance. N'est-il pas bien plus vraisemblable que Platon ait construit ses premiers dialogues au moyen de schemes empruntés à la réfutation sophistique ? En réfléchissant par la suite sur la nature des raisonnements mathématiques, il a dû remarquer la parenté de ceux-ci et de ce qu'il a appelé la dialectique. Mais si l'on introduit dans les premiers dialogues les notions d'hypothèse, de division dichotomique, d'épreuve par les conséquences ou par l'hypothèse supérieure, etc., même en n'y attachant aucune importance dogmatique (mais ■comment ne pas le faire malgré soi ?), n'est-on pas exposé à étendre indûment la portée de ces oeuvres ? D'autre part, en réimportant ces mêmes notions dans les dialogues postérieurs après les avoir chargées de sens par leur utilisation dans les premiers, n'est-ce pas courir le risque très grave de mal interpréter les textes ? Le risque est d'autant plus sérieux que M. Goldschmidt ne se contente pas seulement de recourir à des notions platoniciennes, mais fait de larges emprunts aux concepts aristotéliciens et modernes. Il nous dira sans doute que sa thèse réussit, puisqu'il parvient à appliquer une structure identique à la presque totalité des dialogues. 11 reconnaît cependant à certains endroits de son livre que les textes résistent à l'épreuve. De plus, pour mieux montrer l'unité de la méthode platonicienne, il a tendance à donner à quelques passages leur signification la plus poussée, notamment en ce qui concerne la hiérarchie des Idées et l'identification de l'Etre, de l'Un, du Bien et du Beau. Ses résultats coïncident sur ce point avec ceux du P. Festugière. Mais il serait bon de se rappeler à ce propos les objections faites par M. Bréhier dans R. E. G. (1938). Enfin, on s'explique assez difficilement pour quelle raison les Lois, en particulier, qui possèdent une structure comme les autres dialogues, n'ont pas été examinées. Il aurait été instructif pour la compréhension de cette œuvre capitale de voir dans quelle mesure M. Goldschmidt y aurait trouvé une application du scheme dialectique qu'il étudie dans les autres dialogues.

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Dans sa thèse complémentaire M. Goldschmidt adopte comme point de départ une formule de Rodier : « Si les Idées sont les paradigmes des choses sensibles, les choses sensibles sont, à leur tour, les paradigmes des Idées ». Elle signifiait pour celui-ci qu'il n'y a pas de réciprocité fonctionnelle entre ces deux espèces de paradigmes, l'un aboutissant à la science, l'autre n'atteignant que l'opinion droite. Le but du nouvel interprète consiste au contraire à établir aussi fermement que possible cette réciprocité.

Un premier chapitre est consacré à une classification très ingénieuse des paradigmes. Au sens large d'exemple ou de comparaison, le paradigme est un exercice de vision d'ensemble. Dans les premiers dialogues, Socrate n'indique pas à ses interlocuteurs comment il s'y prend pour définir les sujets faciles (par ex. une figure) ni comment il faut s'y prendre quand on est aux prises avec les sujets majeurs (par ex. la vertu). Le paradigme, dans ces conditions, ne pouvait pas réussir. Quand il réussit, comme dans le Sophtste et le Philèhe, c'est qu'il illustre à propos la méthode qui s'y trouve appliquée. D'autre part, au sens restreint de procédé dialectique, le paradigme va à la découverte du genre, sert d'argument de persiflage, favorise le procédé dichotomique et découvre une structure qui est un complexe où le grand sujet s'intègre. Dans tous ces rôles, il recherche une ressemblance en vue de faciliter l'étude des sujets majeurs. Comme le succès n'est pas toujours garanti, il faut vérifier si le paradigme est valable.

Le chapitre second concerne dès lors le fondement du paradigme. Il s'agit de savoir quelle est cette ressemblance entre le petit et le grand sujet, ressemblance que les textes appellent « Forme » ou encore « élément ». Mais avant de chercher quelle est la nature de cette « Forme-élément », il faut montrer comment on la découvre. Pour cela la distinction entre le paradigme et la réminiscence nous est nécessaire. Tous deux en effet procèdent du sensible, mais la manière dont ils arrivent aux Formes est différente. La réminiscence trouve directement la Forme dite « précieuse » (l'Idée). Le paradigme au contraire ne conduit pas immédiatement à la Forme. Il énonce d'abord des jugements faciles et légitimes, lorsque, par exemple, pour définir le politique, il commence par donner la définition du tisserand. Le sujet en est bien sensible, mais pas entièrement puisqu'il est en même temps d'ordre moral. Ces jugements sont faciles, étant donné qu'ils ne visent que les « ressemblances naturelles, sensibles, faciles à percevoir » ; le tissage en face du politique. Ils sont légitimes, car

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le sujet d'ordre mental mérite vraiment les attributs qu'on lui donne du fait de ce qu'il est. Le paradigme fournit une image claire, une « Forme-élément » que la définition complète devra préciser. Le passage du sensible à l'intelligible peut se faire ainsi sans heurt.

Pour montrer en quoi consiste une Forme-élément, l'auteur analyse consciencieusement le paradigme des lettres dans le Politique. L'exercice de lecture fait connaître les éléments des noms. Ces éléments n'ont de sens que dans un complexe. De même, dans le Sophiste, en faisant l'application du paradigme aux Formes, la Forme est en premier lieu un élément dont participent et les choses sensibles et la Forme (précieuse). Il s'agit ici de la Forme générique, par exemple, le Chasseur dont participent et le Sophiste (Forme précieuse) et le sophiste (chose sensible). En second lieu, bien que la Forme précieuse puisse apparaître dans certains exemples comme un complexe, nous sommes capables de la dissocier, au moyen de la Forme- élément, de ses contrefaçons et dégradations. Ainsi le paradigme du tissage nous apprend que le tisserand est en compétition avec d'autres techniciens tout comme le politique l'est avec ses rivaux. Enfin, la Forme-élément fait comprendre la Forme éminente en elle-même. Ainsi l'entrelacement de la chaîne en ,fil robuste avec le fil souple et mou de la trame nous fait comprendre les activités à l'égard des sujets : par l'éducation (par exemple) « le roi assemble d'un lien divin la partie éternelle des âmes » (molles et courageuses). Ce qui est commun au grand sujet et au petit, c'est l'élément dégagé de la Forme du tisserand : l'entrelacement de deux choses de caractère déterminé.

Les Formes en soi sont ainsi déterminées de deux manières, par subordination logique et selon leur faculté d'agir sur d'autres Formes. Cette détermination se fait grâce au paradigme qui livre une Forme- élément dans laquelle il faut voir une notion auxiliaire. L'élément paradigmatique est un rapport « découvert dans une syllabe d'exercice (par allusion à l'exercice de lecture du Politique) et distinct des éléments qui composent le complexe de la Forme » (p. 77). On voit par là que la Forme éminente est également un rapport.

L'analyse du paradigme produit la science relative au sujet mineur et l'opinion relative à la Forme-élément. Nous retrouvons celle-ci dans le grand sujet. Nous émettons dès lors deux fois la même opinion. Celle-ci devient science « parce qu'étant vraie, elle est, relativement au même élément (mais dans deux groupes différents), unique » (p. 92).

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Nous avouons ne pas avoir compris pourquoi une opinion unique relativement au même élément acquiert un caractère scientifique. Parce que stable ? Ce n'est pas suffisant. D'autre part, la traduction de xaôxôv elSoç (Polit. 278 e 8) par « cette même Forme », qui confirmerait toute l'interprétation précédente, ne semble pas s'imposer. IK.y est question du paradigme et non d'une Forme-élément. De sorte que la traduction de Diès n'en devrait pas être modifiée pour autant.

M. Vanhoutte. Bruxelles.

LA RELIGION DE LAGNEAU

Jules Lagneau, au témoignage de ses élèves, fut un maître dans le sens plein du mot, un penseur et un excitateur de la pensée. Mieux que cela, un grand honnête homme qui ne comprenait pas la spéculation isolée de la pratique, la métaphysique de la morale et d'une morale de désintéressement et de charité.

Nous n'avons pas de peine à les en croire. Ses quelques écrits, recueillis par leur soin pieux, témoignent pour leur maître. Ce sont d'abord des fragments, notes personnelles, leçons reconstituées avec des notes d'élèves, et surtout, publié à part, le cours sur L' existence de Dieu, trois discours de distribution de prix, de « simples notes » qui ont servi de programme à l'Union pour l'Action Morale, quelques lettres à Paul Desjardins, initiateur de l'Union.

Toute la doctrine de Lagneau peut se résumer en un mot : « Liberté ».

Liberté morale d'abord ; liberté qui est plus et mieux qu'un droit, un devoir, liberté qui est toute la vertu des nations comme des individus, et dont il faut se rendre dignes.

« Etre libre, vouloir ce que l'on veut, c'est-à-dire vouloir une chose simple, toujours la même dans son infinité, la seule que nous puissions vouloir sans nous contredire, qui nous délivre en nous donnant un maître et nous grandisse en nous inclinant. Je vous ai nommé cette chose en prononçant le nom de devoir, qu'une main divine a gravé dans nos âmes comme un signe de délivrance. Je