Pomméïté de la pomme.

Après ces quelques notions de bases en dessin/peinture,il est important d’aborder avant le parler de l’objetinerte et de la nature morte, de la pomme.

Si on sait dessiner ou peindre une sphère en 3d, ildevrait être facile de faire une pomme.En réalité pas tant que cela, et beaucoup s’y cassent lesdents...Nous entrons là dans ce qui fonde l’essence même de lapeinture, car la pomme n’est pas seulement une pomme,c’est un monde… d’ailleurs la pomme est bleue commela terre, c’est bien connu.Quand j’étais étudiant, j’avais un professeur qui nousparlait avec les larmes aux yeux de la «pomméïté» de lapomme chez Cézanne. Bien sûr, nous ne comprenionsrien de ce qu’il voulait dire. On pose une pomme sur latable et on la dessine et puis c’est tout, il n’y a pas dequoi en faire toute une compote! Pas de quoi tergiversersur les syllogismes relativement fallacieux, on ne va passe prendre la tête avec une pomme. Je ne comprenaisrien à son cours, même pas ce qu’il fallait faire! Un jourexcédé par son intellectualisme, je suis allé lui dire. Ilm’a répondu en souriant que «le sens des mots n’a pastant d’importance que cela, il faut parfois aussi entendreleur musique!». Et là j’ai enfin compris ce qu’il voulaitobtenir de nous: que la pomme ne soit pas seulementune pomme. Expliquons.

Qu’est-ce donc qu’une pomme? A quoi je la reconnais?Est-ce une signe? Un symbole?

Est-ce une forme extérieure? Un contour?

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 38

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Est-ce l’objet en 3d? Sa représentation en volume?

Lorsque nous apprenons à dessiner ou à peindre c’estdéjà bien difficile une pomme! Tant de choses: forme,couleur, modelé, ombres propres et portées… (notez aupassage comme la seconde pomme jaune ci dessoussemble flotter et ne pas reposer sur un plan)

Puis avec patience et progrès les choses vont un peumieux. On distingue la pomme de la tomate ;)

Mais revenons à la question? Qu’est-ce qui fonde lapomme? A quoi je la reconnais, quelles sont sescaractéristiques? Ce n’est pas la couleur car une pommepeut être rouge ou verte…

Ce n’est pas non plus la forme extérieure puisque je lareconnais même carrée…

Pour dessiner un pomme, il ne suffit pas qu’elle soitronde, ou en 3D, mais bien qu’on sente que la formetourne et qu’elle a un derrière.

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 39

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En couleur, variations de tons et dégradés permettent derendre sa rotondité. Dans l’exemple ci dessous, lalumière arrive de la droite: la source lumineuse estdéduite de la brillance et de la direction de l’ombreportée. (Avec une petite erreur dans sa forme cidessous)

En respectant un procédé, on parvient enfin à faire unepomme.

Déjà techniquement, le chemin est long, mais on yarrive. L’art du «trompe l’œil», l’attention aux détails,permets d’atteindre une précision «hyperréaliste».

(Notez ci-dessus les qualités de modelé, le terminateur,le reflet sur le bord ombré de la pomme...)

Mais tromper l’œil n’est pas tromper l’esprit. Ceci resteune image, une représentation, mais ce n’est pas l’objetlui même. Je ne peux pas le prendre dans ma main.

Cette pomme n’a pas d’odeurs, elle n’a pas de goût!Effectivement, comme le dit Magritte, quelque soit leniveau et la qualité de représentation, «ceci n’est unepomme».L’image reste trompeuse.

Même photographié, une pomme peut paraître fausse.. Ondirait qu’elle est en plastique!

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 40

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Mais la peinture nous apporte d’autres saveurs toutaussi rafraîchissantes que la pomme réelle. Pour qu’unepomme peinte soit bonne il faut non seulement qu’ellerespecte les qualités visuelles de la pomme tout enconservant les qualités picturales de l’outil utilisé pourreprésenter cette pomme!Que ce soit à l’aquarelle, aux pastels, à la peinture, oubien à la palette graphique.

Ce qui fonde la qualité picturale d’une pomme, c’est dechercher à atteindre ses qualités intrinsèques, sa«pomméïté».

Sur le plan technique picturale, on peut noter quemalgré son réalisme, un contour trop net donne un effetde découpe de la forme par rapport au fond assezdésagréable.

Il conseillé en peinture comme en dessin, de ne pasenfermer la forme dans un contour rigide et trop marqué.

En peignant «précis mais pas net», l’objet représenté entreen rapport avec le fond et l’espace qui l’entoure. Il n’y aplus l’effet de découpe, la pomme semble posée sur unplan et tourner sur elle même. On sent qu’elle a une facecachée.

Car la pomme repose dans un espace

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 41

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Pour obtenir techniquement cette rotondité, il estcourant de mettre la touche dans le sens de l’arrondi dela forme puis d’estomper orthogonalement, cette fois cidans le sens de la lumière comme le montre cet exempleà la palette graphique.

Dans ce que l’on appelle un «éclairage classique» c’estle rapport de l’objet au fond: le coté éclairé de l’objetressort sur la sombre du fond, tandis que le coté sombresera en contraste avec un fond clair. Ce procédé est trèssouvent utilisé dans la peinture dite «classique»,notamment chez Ingres par exemple.

Quoiqu’il en soit, la pomme est un objet qui est posé dansun espace. Il est en relation avec cet espace et l’on doitsentir l’air tourner autour de l’objet. Ces qualités sontparticulièrement présentes dans l’exemple ci dessous quisans être «hyperréaliste» touche du bouts des doigts ceque mon professeur appelait la «pomméïté de la pomme».Il m’aura fallut des années pour comprendre...

Nous sommes bien loin de simplement dessiner la pommeque l’on voit posée sur la table!La peinture a ses codes et ses apprentissages. Latechnique est un outil, une béquille, la peinture elle est unlangage. Chaque peintre aurait sa propre façon de peindreune pomme.

Certains comme Cezanne y ont passé leur vie a dessinerou peindre des pommes. Il n’y a pas de mauvais sujets, iln’y a que de mauvais dessinateurs.

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 42

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On raconte même que le peintre qui était extrêmementméticuleux pour disposer les objets de sa composition,posait parfois ses pommes sur des pièces de monnaiespour les détacher légèrement du fond et accentuerl’ombre portée.

Mais assez parlé de pommes! Pour finir sur ce point,laissons la parole au poète Henri Michaux (je cite demémoire): «J’étais autrefois d’un tempérament bieninquiet. Aujourd’hui, je pose une pomme sur la table,puis je me mets dedans. Je suis bien, je suis tranquille!».

Mon professeur avait bien raison: «ce qui compte, cen’est pas que le sens des mots, mais aussi leurmusique».

Pomméïté de la pomme.

Dessin / Peinture ficalba.peintre ©Page 43

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