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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 Beauvais 8-10 juillet 2014 DESORDRES DE L'AUTOROUTE A20 CHATEAUROUX - ANALYSE ET RETOUR D'EXPERIENCE POUR LES TERRASSEMENTS DISORDERS OF HIGHWAY A20 CHÂTEAUROUX - ANALYSIS AND FEEDBACK FOR EARTHWORKS Yasmina BOUSSAFIR 1 , David MATHON 2 1°Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Risques, Marne la Vallée, France 2 Cerema, Direction Territoriale Normandie-Centre, Blois, France RÉSUMÉ Le contournement de Châteauroux dans le département de l’Indre (36) traverse des formations d’âge Tertiaire et Secondaire. Le tracé de l’autoroute A20 a fait l’objet d’études de reconnaissance classiques et les travaux ont permis d’ouvrir la chaussée dans des conditions satisfaisantes. Néanmoins, moins de 10 ans après cette ouverture, sont apparues les premières déformations dans les sections en déblais, se manifestant sous la forme d’ondulation de grandes amplitudes. Ces déformations se sont petit à petit amplifiées jusqu’à obliger à restreindre la limitation de vitesse pour les poids lourds de 110 à 90 km/h. Une expertise menée dans le cadre de la programmation d’investissement de la maîtrise d’ouvrage a permis de mettre en évidence la présence d’argiles surconsolidées qui après décaissement des déblais et suite à l’augmentation des teneurs en eau par infiltrati on au niveau des bords de chaussées ont pu exprimer leur potentiel de gonflement. Les enseignements tirés de cette expertise permettent aujourd’hui de recommander d’étudier dans les sections de déblais de hauteur supérieure à 5 mètres, les pressions de gonflement des argiles lorsqu’elles constituent la future Partie Supérieure des Terrassements, chose qui n’est pas pratiquée aujourd’hui dans les études traditionnelles. ABSTRACT Bypassing Châteauroux in the department of Indre (36) through age Tertiary and Secondary formations, the highway A20 has been studied with classical geotechnical programs. Less than 10 years after opening the road, the first deformations appeared in cut sections, manifested with large-amplitude ripples. These deformations gradually amplified, forcing to restrict the speed limit for trucks from 110 to 90 km / h. Expertise highlighted the presence of overconsolidated clays in base of cuts, causing disorders by swelling under increasing of moisture especially in the edges of road. The feedback learned from this expertise is to recommend to study in sections cuttings (whatever the height), the swelling pressure of clays constituting the future platform of earthworks. This kind of analysis is never practiced in traditional studies in France.

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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014

DESORDRES DE L'AUTOROUTE A20 CHATEAUROUX - ANALYSE ET RETOUR D'EXPERIENCE POUR LES TERRASSEMENTS

DISORDERS OF HIGHWAY A20 CHÂTEAUROUX - ANALYSIS AND FEEDBACK FOR EARTHWORKS

Yasmina BOUSSAFIR1, David MATHON2

1°Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Risques, Marne la Vallée, France 2 Cerema, Direction Territoriale Normandie-Centre, Blois, France

RÉSUMÉ — Le contournement de Châteauroux dans le département de l’Indre (36)

traverse des formations d’âge Tertiaire et Secondaire. Le tracé de l’autoroute A20 a

fait l’objet d’études de reconnaissance classiques et les travaux ont permis d’ouvrir la

chaussée dans des conditions satisfaisantes. Néanmoins, moins de 10 ans après

cette ouverture, sont apparues les premières déformations dans les sections en

déblais, se manifestant sous la forme d’ondulation de grandes amplitudes. Ces

déformations se sont petit à petit amplifiées jusqu’à obliger à restreindre la limitation

de vitesse pour les poids lourds de 110 à 90 km/h. Une expertise menée dans le

cadre de la programmation d’investissement de la maîtrise d’ouvrage a permis de

mettre en évidence la présence d’argiles surconsolidées qui après décaissement des

déblais et suite à l’augmentation des teneurs en eau par infiltration au niveau des

bords de chaussées ont pu exprimer leur potentiel de gonflement. Les

enseignements tirés de cette expertise permettent aujourd’hui de recommander

d’étudier dans les sections de déblais de hauteur supérieure à 5 mètres, les

pressions de gonflement des argiles lorsqu’elles constituent la future Partie

Supérieure des Terrassements, chose qui n’est pas pratiquée aujourd’hui dans les

études traditionnelles.

ABSTRACT — Bypassing Châteauroux in the department of Indre (36) through age

Tertiary and Secondary formations, the highway A20 has been studied with classical

geotechnical programs. Less than 10 years after opening the road, the first

deformations appeared in cut sections, manifested with large-amplitude ripples.

These deformations gradually amplified, forcing to restrict the speed limit for trucks

from 110 to 90 km / h. Expertise highlighted the presence of overconsolidated clays

in base of cuts, causing disorders by swelling under increasing of moisture especially

in the edges of road. The feedback learned from this expertise is to recommend to

study in sections cuttings (whatever the height), the swelling pressure of clays

constituting the future platform of earthworks. This kind of analysis is never practiced

in traditional studies in France.

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1. Introduction

Les études de tracés routiers suivent des méthodologies bien éprouvées dans le

domaine des terrassements permettant de définir le réemploi des matériaux et

dimensionner les plateformes. Ces méthodologies permettent de cerner de manière

progressive les difficultés qu'il faudra résoudre, en définissant les moyens de

reconnaissance et les essais appropriés à chaque stade de la reconnaissance.

Le tracé de l'autoroute A20 qui permet de contourner Châteauroux par l'Ouest a fait

l'objet d'études de reconnaissances, s'inscrivant dans cette logique de progressivité

dans la connaissance des sols et de leurs difficultés. Plusieurs bureaux d'études ont

contribué à ces études (réf.).

Les travaux de construction de l'autoroute ont ensuite été menés dans les années

1995 avec un contrôle des travaux assuré par le LRPC de Blois. Quelques anomalies

ont été traitées à l'époque en relation avec des problèmes de gonflement sur les

matériaux traités aux liants hydrauliques ou à la chaux vive. Ces anomalies avaient

été résolues grâce au choix d'un liant spécifique inhibant le gonflement. L'ensemble

des travaux a été réceptionné sans réserve.

De manière surprenante, quatre à cinq ans seulement après l'ouverture de la

chaussée, les premiers désordres se sont manifestés sur cette section de l'autoroute

A20 sous la forme d'ondulation de la voie, essentiellement dans les sections en

déblais (Figure 1, Figure 2). Ces ondulations d'abord modérées, se sont amplifiées

en l'espace de trois ans au point de devoir réduire la vitesse des poids lourds d'abord

à 110 km/h puis à 90 km/h. Dans le même temps, de nombreux talus en déblais se

sont effondrés (Figure 3).

Figure 1 : ondulation à la surface de la chaussée (bretelle d'accès à l'A20)

Figure 2 : ondulations sur la section courante de l'A20 et réalisation d'une tranchée

Figure 3 : glissement de talus

Même en remblai des désordres notables sont apparus avec des tassements au

niveau des remblais techniques d'ouvrages d'art et des ruptures de talus de remblai.

Le LRPC de Blois est alors intervenu à la demande de la DIR Centre Ouest pour

entamer des diagnostics poussés. Les résultats qui suivent concernent uniquement

l'analyse des ondulations sur les sections courantes en déblai car ce sujet est en

total décalage par rapport à des analyses de pathologies classiques, et était surtout

porteur de nombreux fantasmes tournant autour du traitement des sols d'arase et

des gonflements associés.

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2. Description des désordres et éléments d'informations préalables à l'étude

Les désordres se sont essentiellement manifestés dans des sections de l'Autoroute

A20 en déblais globalement entre les PR 64 et 72. Les principales sections de

déblais concernées sont localisées sur la Figure 4. Les photographies des Figure 1,

Figure 2 et Figure 3 illustrent bien ces phénomènes.

Au démarrage de l'expertise, une enquête interne au laboratoire portant sur les

sections présentant des désordres du même genre a pointé deux cas possiblement

similaires : les déformations du tunnel ferroviaire des Alouettes au Nord de Vierzon,

et les désordres de l'échangeur au Nord de Vierzon entre l'A71 et l'A20. Il n'a pas été

possible d'obtenir d'informations sur les analyses de ces désordres. Bien que

similaire, la connaissance de ces cas n'avait pas été approfondie car la géologie de

ce secteur est radicalement différente de celle de Châteauroux.

Les désordres ont fait l'objet d'auscultations entre 2001 et 2009. Une première étude

réalisée en 2001 entre les PR 64 et 72 a montré que les matériaux de la couche de

forme étaient légèrement humides et les conclusions préconisaient l'inspection des

réseaux de drainage ou la mise en œuvre de tranchées drainantes.

Dans un deuxième temps des relevés à l'APL (Analyseur de Profil en Long) ont

permis de caractériser en 2004 puis en 2006 les déformations de l'uni. Le rapport a

mis en évidence qu'il s'agissait essentiellement d'ondulations de grandes longueurs

d'ondes (très peu en petites longueurs d'onde) et que les amplitudes se sont

accentuées entre 2004 et 2006.

Des mesures de déflexion (2006) ont mis en évidence des zones faibles avec des

déflexions supérieures à 30/100è de mm aux alentours des PR 62, 70 et 71.

Les sections à désordres coïncidaient également avec les nombreuses zones de

ruptures de talus en déblai mais aucun élément précis ne permettait de faire le lien

entre ces pathologies, bien que localisés au niveau des mêmes sections.

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Figure 4 : localisation des sections concernées par les désordres et les investigations

de terrain

Figure 5 : extrait de la carte géologique du BRGM au 1/50 000

Finalement, une expertise poussée basée sur la réalisation de tranchées et de

sondages carottés a été préconisée afin de mieux connaître l'origine des

déformations.

D'un point de vue géologique (BRGM), les formations traversées sont de l'Oxfordien

supérieur et de l'Eocène supérieur (Figure 5). Le substratum calcaire jurassique a fait

l'objet d'une érosion importante au moment de l'émersion des terres à l'Eocène

conférant à la surface des bancs érodés une topographie fortement perturbée avec

subsistance de pointements calcaires. À la fin de cette période d'érosion, une

sédimentation terrestre reprend à l'Eocène avec le charriage de sédiments fluviatiles

en provenance du Massif Central. Les dépôts sont de type détritiques mais se

caractérisent au niveau de Châteauroux par des sédiments très fins, argilo-

quartzeux.

3. Investigations réalisées et principaux résultats

3.1. Les moyens de reconnaissances in situ

Compte-tenu de l'ampleur des désordres, 4 tranchées à la pelle mécanique ont été

réalisées, accompagnées chacune par deux sondages carottés. L'objectif des

tranchées était d'observer en vraie grandeur et dans les trois dimensions les

désordres pour les mettre éventuellement en relation avec la structure de la

chaussée ou du sol à une échelle plus grande que l'échantillon carotté. Les

prélèvements ont été faits en quantité suffisante pour réaliser des essais de

terrassement traditionnels (identifications, indice portant immédiat…). Les sondages

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carottés permettaient de prélever des échantillons intacts pour réaliser des essais de

mécanique des sols.

Chaque tranchée a été creusée sur une largeur d'environ 1,50 mètres et une

longueur d'environ 7,00 mètres. Elles ont fait l'objet d'un découpage à la scie puis

d'une extraction au brise-roche hydraulique et à la pelle mécanique sur une

profondeur de l'ordre de 2,00 mètres. Les carottages ont été réalisés par les équipes

du LRPC de Blois jusqu'à 5,00 mètres de profondeur.

3.2. les résultats des observations visuelles

Les tranchées ont permis de mettre en évidence la structure de chaussée en place et

permis également de constater son très bon état structurel. Les tranchées ont été

réalisées en ôtant chaque couche l'une après l'autre ce qui permettait d'observer les

surfaces de chacune des parties de la chaussées.

La coupe type de la structure de l'autoroute était la suivante :

- 6 cm de couche de roulement

- 20 cm de couche de base en grave-bitume

- 25 cm de couche de fondation en grave-laitier

- 35 cm de couche de forme en grave-non traitée composée d'une couche de réglage

0/31,5 mm et d'une grave non traitée de type 0/80mm

- Partie Supérieure des Terrassements en matériaux du site : argiles, calcaires

Sur la Figure 6 on observe la qualité de la surface de la grave-laitier. Les ondulations

de grandes amplitudes ont entraînées des déformations sans casser ni endommager

les couches d'assises composées de grave-laitier. Deux fissures ont été relevées sur

le linéaire : la première traversait la grave bitume en s'arrêtant sur la couche de

fondation et la deuxième de forme circulaire traversait les deux couches d'assise.

Figure 6 : tranchée n°1 sens Paris-Province - mise à jour de la surface de la grave-

laitier en couche de fondation.

Figure 7 : tranchée n°3 sens Province-Paris - mise à jour de la partie supérieure des

terrassements (sol support) en argile.

7 6

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Figure 8 : Tranchée n°4 sens Province-Paris - vue de la structure et des sols

supports (partie supérieure des terrassements) composés d'argile

Figure 9 : Tranchée n°2 sens Province-Paris - vue de la structure et des sols

supports composés de calcaire et d'argile

Visuellement, aucune trace de produits de traitement, aucune odeur suspecte, et pas

de trace de produits gonflants (de type ettringite) n'a été constatée. Par contre, on a

pu reconnaître des tranches de sol ayant visiblement fait l'objet d'un traitement de sol

au niveau de la tranchée n°1 (et du SC2) sur environ 20 cm d'épaisseur.

3.3. Résultats des essais de laboratoire

Les matériaux constituant la PST ont fait l'objet de plusieurs analyses. Il en ressort

que les argiles qui forment majoritairement le substratum des fonds de déblai, sont

composées de quartz, de montmorillonite (35 à 50 %), de kaolinite, d'illite/muscovite

et de fer. Les montmorillonites sont des argiles réputées pour leur potentiel de

gonflement.

D'un point de vue géotechnique, elles ont été classées A2, A3 et A4, avec les

résultats principaux d'identification figurant au Tableau 1. Leurs états hydriques sont

globalement considérés comme moyen ("m") ou sec ("s") au sens de la NF P11-300.

Les résultats indiqués dans ce tableau concernent les échantillons provenant des

sondages à la pelle (SP) et des sondages carottés (SC), en précisant : le passant au

tamis à 80 µm (%80µm) ; l'indice de plasticité (IP) obtenu à partir de la limite de

plasticité (Wp en %) selon NF P94-051 et la limite de liquidité selon NF P94-052-1 ;

l'indice de consistance (Ic) évalué à partir de l'IP et de la teneur en eau naturelle ; et

l'indice portant immédiat (IPI) réalisé selon NF P94-078.

Tableau 1 : principaux résultats d'identification des sols supports

SP1 (0,95m)

SC1 (1,50m)

SP1 (1,80)

SP2 SP3 (0,60m)

SP3 (1,00m)

SP4 (1,00m)

%80µm 65,3%, 98,1%, 59,0%, 83,8% 79,1% 99,2% 98,2% IP 23 42 22 35 22 27 37 Wp 36 38 34 34 35 44 39 Ic 1,26 - 1,47 0,92 1,24 1,24 1,03 IPI - - 17 4 16 10 9

8

Couches d’assise

Couche de forme

Partie supérieure des

terrassements

9

Couche de fondation en grave-laitier

Couche de base en grave-bitume

Couche de forme

Partie supérieure des

terrassements

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Des essais de mécanique des sols ont été menés afin d'évaluer le potentiel de

gonflement des argiles par la mesure de la pression de gonflement g et du rapport

de gonflement Rg (XP P94-091) (Figure 10), mesures complétées par des essais de

compressibilité à l'œdomètre classiques (XP P94-090-1) réalisés sur les échantillons

carottés (SC). Les caractéristiques des argiles sont résumées dans le Tableau 2., en

indiquant respectivement pour chaque échantillon : d, le poids volumique sec de

l'échantillon (en kN/m3) ; W, la teneur en eau (en %) ; e0 l'indice des vide

correspondant au poids des terres en place (sans unité) ; Cc l'indice de compression

et Cs l'indice de gonflement ; 'p la contrainte effective de préconsolidation (kPa) ; g

la pression de gonflement (kPa) ; et Rg le facteur de gonflement (%).

Tableau 2 : principaux résultats de caractérisation intrinsèque des sols supports.

SC1 (1,10-1,30m)

SC3 (1,00-1,50m)

SC6 (1,00-1,50m)

SC7 (1,50m)

SC8 (1,10m)

SC8 (1,70m)

d (kN/m3) 13,73 16,76 13,15 13,39 12,87 12,89

W 37,0% 22,0% 39,0% 35,7% 39,0% 40,0% e0 0,931 0,580 1,015 - 1,058 1,056 Cc 0,25 0,13 0,26 - 0,17 0,16 Cs 0,06 0,03 0,06 - 0,06 0,07

'p (kPa) 200 200 530 - 400 300

g (kPa) 140 560 565 610 460 482

Rg (%) 6,845 1,250 1,224 5,000 2,12 1,154

4. Interprétation des résultats

L'ensemble des investigations menées a permis d'analyser précisément l'origine des

désordres affectant l'autoroute A20 dans le secteur de Châteauroux.

Les tranchées à la pelle mécanique ont clairement mis en évidence l'absence de

pathologie au niveau de la structure de chaussée et a confirmé son bon état

structurel. L'observation visuelle des matériaux en trois dimension a permis de

constater que les matériaux de la partie supérieure des terrassements étaient

globalement très plastiques, et hétérogènes qualitativement. Aucune arrivée ni trace

d'eau n'a été décelée et les états hydriques (confirmés par les essais) étaient

évalués comme globalement moyens voire secs. Visuellement, aucune inflorescence

suspecte n'a été observée, et aucun gonflement ponctuel n'a pu être mis en

évidence. Ceci confirmé par des analyses minéralogiques a permis de mettre hors de

cause d'éventuels phénomènes de gonflement lié au traitement des sols.

Ce sont les résultats des essais de mécanique des sols qui ont permis de

comprendre l'origine probable des phénomènes. En effet, l'essai de gonflement qui a

permis de mettre en évidence le très fort potentiel de gonflement de ces argiles. Au

point le plus vulnérable, les pressions permettant d'annuler le gonflement sont de

l'ordre de 600 kPa (Figure 10). Ces valeurs sont néanmoins hétérogènes et

expliquent les désordres qui se manifestent aléatoirement par des ondulations de

grande amplitude.

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L'analyse des essais oedométriques a permis également d'évaluer la pression de

consolidation possible de ces matériaux (en faisant l'hypothèse qu'ils n'ont pas été

remaniés lors des terrassements). En effet les valeurs mesurées comprises entre

200 et 530 kPa ne peuvent pas être mise en rapport avec la hauteur des déblais

excavés, de l'ordre de 5 mètres. La seule explication possible à ces valeurs est que

les matériaux argileux en présence dans les fonds de déblais sont composés de

formations géologiques surconsolidées. La consultation de la carte géologique a

permis de confirmer ce point. Cependant, cette interprétation n'était pas évidente en

première lecture et guère prévisible au moment des études de reconnaissance du

tracé. Si l'hypothèse de la surconsolidation était retenue, cela signifierait que près de

20 mètres d'épaisseur de matériaux datant du Tertiaire ont été érodés au

Quaternaire. Une autre hypothèse pourrait être fondée sur une approche tectonique

et mettre en relation les fortes valeurs de gonflement avec d'éventuels épisodes de

compression des terrains à l'époque Quaternaire. Seule une étude géologique

approfondie permettrait de confirmer ces hypothèses.

Il n'en reste pas moins que cette pathologie est très instructive à la fois quand à

l'intérêt de l'approche du modèle géologique le plus précis possible en amont des

études de site, et à la fois en terme d'enseignements sur les aléas qui peuvent se

présenter sur les infrastructures, quelquefois difficiles à expliquer.

Les études géotechniques, réalisées de manière traditionnelle ont tendance dans le

cas de déblais de faible hauteur (ce qui est le cas pour des hauteurs inférieures à

5,00m) et surtout dans les formations Tertiaire du Bassin Parisien à négliger les

approches géologiques et à négliger notamment les risques d'évolutions ultérieures,

surtout lorsque aucune pathologie similaire n'est signalée aux alentours. Les

reconnaissances se limitent en général au dimensionnement du sol support vis-à-vis

de la future plateforme. Il est ainsi évident qu'aucun essai de type oedométrique ou

d'évaluation du potentiel de gonflement n'est réalisé en routine pour des études de

déblais. Ces essais sont en général réservés aux études de remblais ou d'ouvrages

sur sols surconsolidés.

g

Rg

1

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Figure 10 : exemple de courbe de gonflement mesurée à l'oedomètre selon la norme

XP P94-091. La pression de gonflement g est de 610 kPa et Rg le facteur de

gonflement de 5,0 %.

5. Conclusions et enseignements

Les déblais de la section de l'A20 à Châteauroux sont des déblais de faible hauteur

(5 mètres au point le plus haut) et pourtant des déformations de grandes amplitudes

ont déformé la chaussée au point de devoir faire baisser la vitesse de circulation à

90 km/h pour les poids lourds. Ces ondulations ont pu être expliquées grâce aux

investigations menées qui ont mis en évidence le très fort potentiel de gonflement

des argiles présentes au niveau de la Partie Supérieure des Terrassements par

libération des contraintes internes. Le gonflement des argiles a soulevé et déformé la

structure (sans la casser) essentiellement au niveau des bords de la chaussée (soit

des accotements, soit des terre-pleins centraux), endroits qui concentrent les

arrivées d'eau, élément moteur au déclenchement des pathologies de ce genre. Les

défauts ont pu être mis en relation avec un aléa géologique. Ces résultats ont permis

également de mettre complètement hors de cause les éventuels liants hydrauliques

utilisés au moment des travaux et battre ainsi en brèche l'idée très répandue d'un

gonflement secondaire lié au traitement de sol.

Les solutions pour revenir à un niveau d'usage conforme de la chaussée,

proposaient la reprise de la couche superficielle de la chaussées, de manière à

conserver les couches d'assises en travaillant uniquement sur le reprofilage de la

voie. Pour prévenir au maximum la poursuite du gonflement, car celui-ci semble

malheureusement inéluctable, des travaux de drainage ont accompagné les travaux

de gros œuvre.

Cette expertise a permis de faire un retour d'expérience précieux concernant les

formations géologiques de l'Eocène (Tertiaire du Bassin de Paris). Ces argiles sous

contrainte doivent dorénavant être considérées avec prudence pour tous travaux

d'infrastructure et notamment être appréhendée selon une approche très exhaustive.

Ainsi, il apparaît nécessaire de recommander la réalisation d'essai oedométrique et

d'essai de gonflement ceci afin d'identifier tout risque d'évolution par gonflement.

Ceci implique la réalisation de sondages carottés et des prélèvements intacts

d'échantillons, ayant une incidence non négligeable sur les coûts. Il convient de

préciser que le montant des travaux nécessaires à la réfection de la chaussée est

sans commune mesure avec le coût d'une étude géotechnique approfondie.

Remerciements

Les auteurs remercient le LCPC pour les analyses minéralogiques

Références bibliographiques

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des L.P.C. n°229. Nov-déc. 2000. pp.105-114.

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LRPC Blois (1995-1996). Etude des fondations des ouvrages d'art n°12 à 20 de l'A20. Contournement

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2001.

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LCPC (1982). Reconnaissance géologique et géotechnique des tracés de routes et autoroutes. Guide

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LCPC, Scétauroute (2001).Commande et Contrôle des reconnaissances géotechniques de tracés.

Guide technique, 148 pages.