des étoiles et des bulles -...

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Vigneron AUTOMNE 2015 120 AUTOMNE 2015 Vigneron 121 Des étoiles et DES BULLES Dans cette maison lancée il y a 40 ans par Jean-Pierre Lallement, la générosité est de mise. Celle d’Arnaud, le fils, qui a rendu hommage de la plus belle des façons à ce père disparu trop tôt : en allant conquérir avec un talent insolent les trois étoiles. Celle de Frédéric Bouché, le chef sommelier, qui n’a de cesse de mettre en valeur les pépites de Champagne. Symphonie d’un duo qui signe l’une des expertises d’accords mets et vins les plus abouties de la planète gastronomique. PAR ORIANNE NOUAILHAC PHOTOS GÉRALD MALAISÉ À L’ASSIETTE CHAMPENOISE CET ARTICLE EST PARU DANS LE N°22 - AUTOMNE 2015 V IGNERON

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Vigneron AUTOMNE 2015120 AUTOMNE 2015 Vigneron 121

Des étoiles etDES BULLESDans cette maison lancée il y a 40 ans par Jean-Pierre Lallement, la générosité est demise. Celle d’Arnaud, le fils, qui a rendu

hommage de la plus belle des façons à ce pèredisparu trop tôt : en allant conquérir avec un

talent insolent les trois étoiles. Celle de FrédéricBouché, le chef sommelier, qui n’a de cesse

de mettre en valeur les pépites de Champagne.Symphonie d’un duo qui signe l’une

des expertises d’accords mets et vins les plusabouties de la planète gastronomique.

PAR ORIANNE NOUAILHACPHOTOS GÉRALD MALAISÉ

À L’ASSIETTE CHAMPENOISE

CET ARTICLE EST PARU DANS

LE N°22 - AUTOMNE 2015VIGNERON

Vigneron AUTOMNE 2015122 AUTOMNE 2015 Vigneron 123

Sous la maison, la cave aligne 30 000 bouteilles de 1 950 référencesdont 750 dechampagne.

Dimanche 5 juillet, la canicule marque une pause surReims mais la ferveur ne descend pas d’un cran : les co-teaux, maisons et caves de Champagne viennent d’êtreclassés à l’Unesco et la fête bat son plein à Épernay. ÀTinqueux, chez Arnaud Lallement, les derniersconvives prennent leur temps. Il est un peu plus de

16 heures mais qui regarde sa montre lors du déjeuner domini-cal ? Ici un habitué prend sa nécessaire dose de bonheur, là unclient attiré par l’aura des trois étoiles conquises par le chef en2014 savoure les dernières flaveurs de la Romanée-Saint-Vivant2003 de la DRC qui a accompagné son repas après d’incontour-nables bulles. Frédéric Bouché, costume sombre, cravate lumi-neuse, une certaine timidité à fleur de peau, vient nous retrouverpour évoquer cette maison qui est toute sa vie professionnelle,plus de trente années d’engagement, d’attachement même. Il estle seul à appeler le boss “Arnaud”. Il faut dire qu’il l’a vu grandir.Chez ce natif de Reims, les grands-parents cultivaient bienquelques vignes mais le père était dans l’aviation et si l’école hô-telière s’est imposée, c’est d’abord pour servir en salle. Le vinviendra plus tard… Lorsque Frédéric Bouché intègre la maison, le 4 septembre1983, l’auberge lancée par Jean-Pierre Lallement avec sonépouse Colette en 1975 est encore dans ses premiers murs, àChâlons-sur-Vesle. En 1987, avec l’arrivée à Tinqueux, dans cechâteau de la Muire, un ancien relais de chasse, la cave et la cartedes vins s’étoffent. Dix ans plus tard, Arnaud Lallement, âgé de23 ans, vient rejoindre son père aux fourneaux après un appren-tissage dans trois maisons mythiques : Roger Vergé, MichelGuérard et Alain Chapel. Entre-temps, Frédéric Bouché esttombé dans la barrique, prenant les habits de sommelier. “Je mesouviens précisément du moment fondateur, cet instant où l’on com-prend que rien ne sera plus comme avant. C’était avec un Blanc desMillénaires 1985 de Charles Heidsieck. J’en ai eu des frissons.” Lesprémices d’une vocation. Très vite Arnaud Lallement oriente l’intérêt de L’AssietteChampenoise vers les vignerons de Champagne. Certains sontdes amis d’enfance, des camarades d’école du jeune Arnaud…Comment échapper à son ADN champenois ? Tout en étantéminemment proche des grandes maisons, le restaurant faitainsi entrer en cave des vins alors méconnus. En 1997, les pre-mières cuvées de Jérôme Prévost apparaissent à la carte. Puis ceseront Frédéric Savart, Larmandier, Egly-Ouriet, Bérèche,Pierre Paillard, Franck Pascal… “Nous conservons cette curiositésans cesse en alerte, précise Frédéric Bouché. Ainsi dans les décou-vertes récentes y a-t-il le champagne Vilmart à Rilly-la-Montagne ouencore Marguet, qui travaille en biodynamie à Ambonnay et Bouzy.”Continuer à s’enthousiasmer encore et encore… “J’aime écouterles vignerons”, semble se justifier notre sommelier.

Fin des années 1990 :L’Assiette met à sa carte des

jeunes vignerons. Les prémicesd’une passion jamais démentie

pour les vins d’auteurs.

L’ A S S I E T T E C H A M P E N O I S E

Vigneron AUTOMNE 2013124 AUTOMNE 2015 Vigneron 125

Avec son chef, l’un des rares à être tout à la fois un bon buveur,un excellent dégustateur et un esthète des accords mets etchampagnes, le voilà donc servi : pendant les vendanges, Ar-naud Lallement entraîne Frédéric Bouché dans une tournéedes vignerons. Chaque matin, les deux hommes visitent deuxvignerons avant de revenir à L’Assiette Champenoise honorerle service du déjeuner. Générosité oblige – on ne se refait pas –,Arnaud Lallement arpente les vignes avec un panier pique-nique bien garni : terrine de foie gras, tourtes automnales, tarteaux pommes… Les vignerons ne se font pas prier pour jouer lejeu du partage et ouvrent alors leurs jolies cuvées. “C’est une pé-riode de l’année très dangereuse pour les kilos”, s’amuse le chef, qui nerenie rien de sa nature gourmande.

L’homme est aussi exubérant que sa cuisine est épurée, il estaussi rond qu’elle est pointue, aussi sympathique que per-fectionniste. Un drame, la disparition prématurée de son

père, Jean-Pierre Lallement, en 2002, a obligé le jeune hommeà grandir vite, très vite. À prendre les rênes de la maison, aidé parla tendre complicité de sa mère Colette et de sa sœur Mélanie, àses côtés pour gérer la partie hôtellerie de L’Assiette Champe-noise, et porté par l’amour et la force de sa moitié, Magali. Auxfourneaux, seul dès 2001, son père étant affaibli par la maladie, ilse lancera bientôt dans une quête d’excellence pour honorer samémoire. “La carte est devenue plus sobre. Pour éviter les erreurs,parce que j’avais comme perdu mes repères, mon repère, j’ai épuré parmesure de prudence. Puis c’est devenu une habitude et cette sobriété,ma signature. J’ai donc logiquement élevé mon degré d’exigencequant à la qualité des produits car ils étaient dès lors essentiels.”Unproduit, une cuisson, un assaisonnement : voilà qui rappor-tera une deuxième étoile à Arnaud Lallement en 2005 puis unetroisième en 2014, le portant dans l’élite de la gastronomie

Krug Grande Cuvée

“Lorsque Arnaud Lallement asouhaité proposer une belle cuvéed’une grande maison à la coupe à partir de l’an 2000, Krug a dit oui. C’est une histoire d’amitié et une belle collaboration.”

Dom Pérignon Vintage 2005

“Dom Pérignon c’est l’Histoire, le patrimoine et le rêve. Ce 2005 aété une année de challenges. Le vinest intense, d’abord sur les fruitsnoirs et les épices, puis il

s’équilibre dans une longue finale.”

Deutz Amour rosé 2006

“L’Amour c’est une cuvée chardonnayiconique qui se décline maintenant en version rosé avec 8 % d’un grand vin de pinot noir issu de vieillesvignes d’Aÿ. Sur la tomate ou lescerises du chef, c’est magique.”

Bollinger Grande Année 2004“Maison mythique,

c’est l’expression de l’élégance et de la finesse. La Grande Année 2004, à majorité pinot noir, est définitivement un vin de caractère.”

Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998“Voilà une cuvée passionnante et trop méconnue, moitié chardonnay,moitié pinot noir issus de grands crus.Le 1998 a des notes miellées maisaussi de torréfaction et d’agrumesconfits. On touche au sublime.”

Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002“Une belle maison familiale. Sa cuvéeWinston Churchill est grandissime.

Comme l’était l’homme. Si l’assemblage est toujours secret,

les pinots noirs grand cru prédominent, offrant ce caractère.”

Jacquesson Cuvée 738

“Nous avons de vrais liens d’amitié avec les frères Chiquet. Contrairement

aux maisons qui cherchent la régularité avec leurs cuvées de brut,Jacquesson recrée à chaque fois. La 738 exprime l’année 2010.”

Roger Coulon Blanc de Noirs 2006

“C’est un champagne intense, un vin de gastronomie, aux notes toastées et briochées.

Cette cuvée trouve sa source dansdes parcelles premier cru situéessur la montagne de Reims.”

Jérôme PrévostLa Closerie

“Les champagnes de JérômePrévost sont rares. À tous les sensdu terme. La Closerie est un 100 %pinot meunier vinifié en vieillespièces bourguignonnes. C’est un vin à forte personnalité.”

Savart Expression Brut Nature 2010

“Frédéric Savart fait un travailremarquable dans le secteur d’Écueil. Il a un respect incroyable pourl’environnement et le terroir.

L’Expression Nature est un champagnenon dosé vinifié sous bois.”

Chartogne-Taillet Cuvée Sainte-Anne

“Cette cuvée regroupe les parcellesd’un terroir spécifique autour duvillage de Merfy. 60 % chardonnayet 40 % pinot noir, c’est un

champagne gourmand et affirmémais parfaitement équilibré.”

Francis BoulardCuvée Les Rachais 2009

“C’est une cuvée issue d’une seuleparcelle de vieilles vignes cultivéesen biodynamie, un blanc de blancsaux notes légèrement grillées,toastées, de fruits secs, vinifié en barriques de chêne.”

Dans ce château de laMuire, Arnaud Lallement

a fait de son AssietteChampenoise l’une des

meilleures tables du monde.

LES COUPS DE CŒUR DE L’ASSIETTE CHAMPENOISE

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mondiale. Or le champagne a une part essentielle dans cette af-faire : “Nous sommes dans une région viticole, ce qui n’est pas le cas detous les chefs étoilés bien évidemment. Donc le champagne fait forcé-ment partie intégrante de mon expression culinaire. Mes produitspoussent dans la même région que la vigne ; les liens sont évidents, je lesrecherche sans cesse. L’acidité est reine ici. Elle détermine tout, c’est labase du dialogue champenois et c’est une chance car elle maintient lepalais en alerte maximale, elle donne sans cesse le désir de goûter plus,de replonger la fourchette dans l’assiette et le nez dans le verre.”À chaque changement de carte, tous les mois environ, Ar-naud Lallement convoque Frédéric Bouché et l’équipe de som-meliers et leur fait goûter les nouveaux plats afin que chacunplanche sur les accords. “L’accord parfait n’existe pas, relativisetout de même le chef. L’accord parfait, c’est celui qui nous fait plai-sir.”Certes… mais peu de maisons sont autant portées sur legénie bien français des accords mets et vins, prouvant à qui endouterait encore que l’on peut faire des repas entièrement auchampagne. Sans rien s’interdire toutefois. Ainsi, en grandamoureux des bourgognes (et ami de Bruno Colin et Pierre-Yves Colin-Morey), Arnaud Lallement ne rechigne pas à ac-corder ses plats avec des chardonnays à la belle minéralité oudes pinots noirs floraux légèrement épicés. Après tout, char-donnay et pinot noir ne sont-ils pas les deux expressions pharesdu champagne ? Le bar aux écailles, jus de tête réduit oul’agneau, olives noires, radis, câpres accueillent sans fléchir unvin rouge. Mais sur la langoustine royale, une signature de lamaison, les bulles s’imposent.

Aujourd’hui, la cave recèle 1 950 références dont 750 dechampagnes et 30 000 bouteilles au total sagement ali-gnées dans les entrailles de la maison à une température

constante oscillant entre 8 et 12 °C. Une partie de la cave, plusfraîche, à 8-10 °C, abrite les champagnes prêts à servir. On dé-couvre les sélections de la maison en naviguant sur l’un des10 iPad à disposition : ici on a remisé définitivement au placardles lourds livres de cave. Peu de clients toutefois se plongent de Aà Z dans la chose, préférant laisser le soin à Frédéric Bouché deleur faire découvrir ses nouveaux coups de cœur. Qui ne man-quent pas dans la sélection actuelle : Suenen Extra-Brut, DeSousa 3A Extra-Brut, Leclapart L’Amateur Blanc de Blancs Ex-tra-Brut, Agrapart Minéral 2008, Nicolas Maillart Platine Extra-Brut, Moncuit Blanc de Blancs Extra-Brut, Huré Frères L’Inat-tendue 2009 Extra-Brut, Assailly Blanc de Blancs 2008, FranckBonville Blanc de Blancs Extra-Brut, Egly Tradition Grand Cru,Pierre Peters Les Chetillons 2007 Blanc de Blancs… Ons’étonne auprès du sommelier d’une telle profusion d’extra-bruts ! La réponse ne se fait pas attendre : “Le côté salin de l’extra-brut s’accorde parfaitement avec la cuisine du chef.”Message reçu.

Henriot l’Enchanteleur

En juin dernier, la maison Henriot avaitchoisi L’Assiette Champenoise pour undéjeuner exceptionnel autour de5 décennies de sa cuvée de prestige,

Les Enchanteleurs. Assemblage de pinot noiret de chardonnay, en général à proportionsquasi égales, cette cuvée, uniquementmillésimée et produite les années où l’onestime qu’elle donnera son meilleur, estcomposée de raisins provenant de 6 terroirsgrands crus : Mailly, Verzy, Verzenay (pinotsnoirs) sur la montagne de Reims etLe Mesnil-sur-Oger, Avize et Chouilly(chardonnays) sur la côte des Blancs. Refletde l’art de l’assemblage poussé à sonparoxysme, Les Enchanteleurs tient son nom– romanesque et romantique – d’un actesymbolique : celui des ouvriers des caves dutemps où la vinification ne se faisait qu’enbarriques. Lorsqu’ils empilaient les fûts, ondisait alors qu’ils mettaient “des fûts surchantier”, qu’ils “enchantelaient”. Après le 2000 sur l’apéritif, voici le 1990

servi en magnum sur un amuse-bouche quimet en effet en joie : une version XXS de lapotée champenoise. Laurent Fresnet, le chefde cave de la maison Henriot,s’enthousiasme pour ce vin au potentiel devieillissement incroyable. Cette belle tensionlaisse en effet présager le meilleur. Une langoustine royale apparaît ensuite,

translucide à souhait. Elle est accompagnéede deux petites touches de crème montéeavec le jus de nage et acidulée d’une touchede citron caviar puis corsée d’un soupçon depiment d’Espelette et de poivre de Kamut.

La cuisson est magistrale et le produit toutsimplement sublime. De quoi dialoguer avecforce sur Les Enchanteleurs 1985. On est làdans le vin le plus opulent de la série. Soncôté onctueux et salin vibre sur lalangoustine et ses notes poivrées seretrouvent dans les reliefs légèrement épicésde la crème. Ce vin à la teinte ambrée est lefruit du chef de cave d’alors, Daniel Thibaut. On enchaîne sur le caviar Kaviari, crème

céleri. Un petit monticule de caviarsurplombe une gelée de céleri-branche d’unbeau vert chromatique. Le maître d’hôtelajoute une délicate mousse de céleri-rave etlaisse à côté de chaque convive de quoi seservir à nouveau. Une fois encore l’accord estparfaitement exécuté sur un 1982 qui conjuguerondeur et vivacité, délicatesse et tonus.Iodé, salin, aromatique herbacée et acidulée :le plat traverse toutes ces expressions enquelques minuscules bouchées et le vin lerenvoie sans cesse au sommet de chacune,volubile et un brin acrobate.

Sur un saint-pierre de petit bateau,oignons et sauce au vin jaune, voici LesEnchanteleurs 1976 servi en magnum. Ondécouvre un vin légèrement en demi-teintepar rapport à ses congénères… Le platd’Arnaud Lallement est non seulementdélicieux mais il a ceci de grand et rare qu’ilparvient à embellir l’expression du 1976, surce lit crémeux à souhait où la note expressiveet enveloppante du vin jaune remplit sonoffice. La Champagne étant un tout petitmonde, cette cuvée a été vinifiée par uncertain M. Philipponnat…De 1976, on fait un bond de 12 années en

arrière pour plonger notre nez dans unvoluptueux 1964. Ses premières notes sontlégèrement compotées, sur l’alcool et lapoire. Puis à l’aération il prend des atoursplus torréfiés. On est dès lors sur le moka etArnaud Lallement ne s’y trompe pas quipropose pour accompagner ce vin un canardfermier de M. Duplantier, génoise d’épices ettempura d’artichaut fondant. Le vin est tout àla fois crémeux et sauvage, faisant saliver etramenant sans cesse des notes de sous-bois,de champignon séché, qui naviguent àmerveille sur la sauce de ce plat encore unefois exécuté à la perfection. La démonstration enchanteresse se

termine par un vin surprise. Les années 1950prédominent dans les impressions àl’aveugle, sans parvenir à déceler totalementce qui est pourtant un joyau familial dont il nesubsiste que peu de magnums : le 1959délivre sans attendre ses notes sublimes. Ses bulles sont rares, quasi inexistantes,mais il est bien vivant. Tout en conservantune structure et une fraîcheur incroyables, il évolue entre miel et touches cacaotées. On le déguste sur un dessert tout ensubtilité autour de la cerise et de l’amande(cerise en coque de sucre, crème d’amande,compotée de griottes caramélisées) etétrangement les deux font plus que cohabitermême si on préfère poser son verre le tempsde déguster le dessert puis y revenir pourmieux s’imprégner durablement des parfumsde ce majestueux 1959. O. N.

L’ A S S I E T T E C H A M P E N O I S E

« Le champagne fait partieintégrante de mon

expression culinaire.L’acidité est la base dudialogue champenois. »

AUTOMNE 2015 Vigneron 129Vigneron AUTOMNE 2015128

L’Assiette Champenoise propose également une belle sélec-tion de coteaux-champenois, que ce soit en blanc (Henri Gi-raud) ou en rouge (les incontournables coteaux d’Egly-Ou-riet…). Et naturellement, les grandes maisons ne sont pas enreste. Elles sont l’âme et l’histoire de la Champagne, et la curio-sité de notre duo pour les vignerons ne saurait faire oublier les“marques” phares qui font briller la région aux quatre coins duglobe. Ainsi, en grand amateur de Dom Pérignon, Arnaud Lal-lement n’a-t-il pas oublié de placer des Œnothèques sur sacarte, à l’image de ces 1969 ou 1971. Mais c’est avec la maisonKrug qu’il partage le lien le plus fort. En l’an 2000, alors qu’ilavait décidé de proposer une grande cuvée d’une maison à lacoupe, toutes ont décliné plus ou moins poliment… Il fautdire qu’il n’était alors qu’un jeune chef discret sans étoile (Ar-naud Lallement récupérera avec son père la première en 2001puis la seconde et la troisième seul, en 2005 et 2014, ndlr). Unepersonne pourtant loin de lui rire au nez l’accueillit à bras ou-verts et répondit “Banco !” : Olivier Krug. Depuis l’an 2000, laGrande Cuvée de Krug est ainsi servie à la coupe à L’AssietteChampenoise. “Nous sommes les plus grands vendeurs de GrandeCuvée de Krug , s’amuse le chef. Nous en passons 1 300 bouteillespar an.” Ça vaut bien une médaille. Et une belle amitié avecOlivier Krug.

Comme dans la cuisine, tout est question d’équilibre et les vi-gnerons se partagent la lumière avec les maisons, particu-lièrement dans le menu Héritage où l’on dialogue entre

une belle cuvée d’une maison de champagne et une expressiond’un vigneron (Krug Grande Cuvée et Bérèche Reflet d’An-tan). Sur chaque plat, les convives peuvent ainsi naviguer entreles deux, choisissant l’accord qu’ils préfèrent. Si une table de sixpersonnes commande le menu Héritage, ce seront ainsi pasmoins de trois cuvées de différentes maisons (Krug Grande Cu-vée, Dom Pérignon Vintage et Dom Ruinart rosé par exemple)et trois vins de vignerons (Bérèche Reflet d’Antan, Savart Bullede Rosé et Boulard Les Rachais par exemple) qui seront ap-portés sur table, soit autant d’accords et de jeux possibles. “Lechampagne vient des maisons avec les grandes cuvées ; il ne faut rienrenier aujourd’hui, affirme Arnaud Lallement. Il y a deux centsans, les grandes cuvées portaient chaque année un message différent.Puis les maisons ont choisi la régularité, une signature que l’on re-trouve grâce à l’assemblage, la continuité, la permanence. Et ce sontles vignerons qui ont repris le fil de l’impermanence, de l’imperti-nence, du terroir vivant. Les deux se conjuguent et s’enrichissent. Parfois on a envie de quelque chose que l’on connaît, qui nous ressem-ble, qui nous rassure. Parfois on a envie de s’égarer, de se laisser em-porter sur des chemins de traverse. C’est pareil avec le vin.”On nesaurait mieux dire…e

L’ A S S I E T T E C H A M P E N O I S E

Comme dans la cuisine,tout est question d’équilibre

et les vignerons separtagent la lumière avecles grandes maisons.

Enfant de Reims,Frédéric Bouchéest auprès des Lallementdepuis 1983.