defi d'enfants dÉfi sportif - cerimes

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DEFI D'ENFANTS DÉFI SPORTIF FORMER UN CITOYEN PAR M.-P. FAILLETAZ, J.-P MACKOWIAK, F. LASSUYE Contrefort du Hiunchuli au Népal (5050 m), Toubkal au Maroc (4165 m), Orizaba et Ixtacihuatl au Mexique (5236 m et 5747 m), expéditions réservées à des élèves privilégiés ? Destinations démesurées ? Ces expéditions représentent à chaque fois le point final de projets de longues durées. Les auteurs décrivent, ici, la démarche suivie et font émerger les observations réalisées sur le terrain, le bilan critique et les difficultés rencontrées au cours des différentes réalisations. Tous les deux ans, ce type de projet est pro- posé aux élèves de 5 e et 4 e (encadré 1). donc- tous y sont confrontés au cours de leur scola- rité. Le projet attire de nombreux élèves y compris ceux qui sont en difficulté, cela s'ex- plique par le fait de réussir en EPS. Pour ce faire différentes épreuves sont imaginées, éprouvées et réadaptées d'un projet à l'autre, elles constituent notre parcours de formation qui s'étale sur 18 mois et qui rend obligatoire l'inscription à TAS. L'engagement de tous, administration, équipe pédagogique au grand complet ainsi que des élèves concernés, est primordial. Les élèves accumulent des points aussi bien dans les matières intellectuelles qu'artistiques et sportives, s'investissent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du collège et réalisent plus de 25 jours d'entraînement en montagne pour préparer l'ascension des hauts sommets. LES CLÉS DE VOUTE Les dispositions qui suivent ont été rassem- blées au fil des expériences. Elles constituent à nos yeux un recueil indispensable pour que les expérimentations se déroulent dans les conditions optimales de réussite. Les points incontournables S'appuyer sur la motivation, il s'agit dans un premier temps de concevoir un projet répon- dant à des besoins manifestes des jeunes, afin d'obtenir leur investissement maximum. • Choisir la destination c'est créer une motiva- tion : elle engendre un intérêt pour les élèves mais aussi pour l'encadrement. Elle garantit un réel investissement de la part de chacun et peut-être même, la pérennité de la démarche. Cependant, la certitude de parvenir au bout du projet ne se construit qu'aufildu temps. Il faut rester conscient que faute d'investissement de la part de chacun, les budgets ne pourront pas être bouclés. Il faudra peut-être alors « bascu- ler » sur d'autres destinations. Cette décision ultime ne doit pas être vécue comme un échec mais comme un ajustement que les élèves doi- vent être amenés à comprendre. Même si cela ne s'est jamais produit, c'est une éventualité qu'il ne faut jamais écarter et qu'il faut pré- senter aux élèves au début de chaque projet. • Le besoin d'accomplissement du jeune, cor- respondant au désir de réaliser des tâches dif- ficiles, le besoin hédonique (lié à une recherche de plaisir) et le besoin d'affiliation qui l'incite à établir des contacts et à nouer des Préparation « Mexique 97 » : aiguille du Midi... et rires sous l'igloo... EPS N° 276 - MARS-AVRIL 1999 61 Revue EP.S n°276 Mars-Avril 1999 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Page 1: DEFI D'ENFANTS DÉFI SPORTIF - CERIMES

DEFI D'ENFANTS

DÉFI SPORTIF

FORMER UN CITOYEN PAR M.-P. FAILLETAZ, J.-P MACKOWIAK, F. LASSUYE

Contrefort du Hiunchuli au Népal (5050 m), Toubkal au Maroc (4165 m), Orizaba et Ixtacihuatl au Mexique (5236 m et 5747 m), expéditions réservées à des élèves privilégiés ? Destinations démesurées ? Ces expéditions représentent à chaque fois le point final de projets de longues durées. Les auteurs décrivent, ici, la démarche suivie et font émerger les observations réalisées sur le terrain, le bilan critique et les difficultés rencontrées au cours des différentes réalisations.

Tous les deux ans, ce type de projet est pro­posé aux élèves de 5e et 4e (encadré 1). donc-tous y sont confrontés au cours de leur scola­rité. Le projet attire de nombreux élèves y compris ceux qui sont en difficulté, cela s'ex­plique par le fait de réussir en EPS. Pour ce faire différentes épreuves sont imaginées, éprouvées et réadaptées d'un projet à l'autre, elles constituent notre parcours de formation qui s'étale sur 18 mois et qui rend obligatoire l'inscription à TAS. L'engagement de tous, administration, équipe pédagogique au grand complet ainsi que des élèves concernés, est primordial. Les élèves accumulent des points aussi bien dans les matières intellectuelles qu'artistiques et sportives, s'investissent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du collège et réalisent plus de 25 jours d'entraînement en montagne pour préparer l'ascension des hauts sommets.

LES CLÉS DE VOUTE Les dispositions qui suivent ont été rassem­blées au fil des expériences. Elles constituent à nos yeux un recueil indispensable pour que les expérimentations se déroulent dans les conditions optimales de réussite.

Les points incontournables S'appuyer sur la motivation, il s'agit dans un premier temps de concevoir un projet répon­dant à des besoins manifestes des jeunes, afin d'obtenir leur investissement maximum. • Choisir la destination c'est créer une motiva­tion : elle engendre un intérêt pour les élèves mais aussi pour l'encadrement. Elle garantit un réel investissement de la part de chacun et peut-être même, la pérennité de la démarche. Cependant, la certitude de parvenir au bout du projet ne se construit qu'au fil du temps. Il faut rester conscient que faute d'investissement de la part de chacun, les budgets ne pourront pas être bouclés. Il faudra peut-être alors « bascu­ler » sur d'autres destinations. Cette décision ultime ne doit pas être vécue comme un échec mais comme un ajustement que les élèves doi­vent être amenés à comprendre. Même si cela ne s'est jamais produit, c'est une éventualité qu'il ne faut jamais écarter et qu'il faut pré­senter aux élèves au début de chaque projet. • Le besoin d'accomplissement du jeune, cor­respondant au désir de réaliser des tâches dif­ficiles, le besoin hédonique (lié à une recherche de plaisir) et le besoin d'affiliation qui l'incite à établir des contacts et à nouer des

Préparation « Mexique 97 » : aiguille du Midi... et r i r e s sous l'igloo...

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relations avec autrui trouvent tous un moyen de se concrétiser ici (1). Gratuité, elle écarte la ségrégation sociale et fait disparaître chez bon nombre d'enfants, le souci de ne pas pouvoir faire face aux frais à engager. Un stock de matériel est à la disposi­tion des élèves pour des prêts éventuels d'équipements nécessaires aux stages. Répartition des élèves par groupe à « profil », elle renforce la probabilité de réussite des élèves en difficulté. A travers un parcours identique pour tous, l'évaluation se fait par accumulation de points ; un classement est réalisé dans chaque groupe. Il garantit une répartition équitable des récompenses et maintient un niveau homogène de réalisation. Trois groupes « à profil » sont donc composés à partir des avis des professeurs d'EPS. de l'équipe pédagogique et des résultats scolaires de l'élève (encadré 2).

Les points améliorant notre fonctionnement Les élèves doivent être mis en valeur par le biais des contraintes et des épreuves qu'ils auront à surmonter (articles de presse, affi­chage au collège, etc.).

L'investissement humain, matériel et finan­cier nécessaire à la démarche doit être pris en considération par tous les élèves : manière de sensibiliser ceux qui perturbent excessive­ment le déroulement et de légitimer si néces­saire une exclusion. Cependant, cette décision ultime ne doit pas être arbitraire et brutale. Des entretiens préalables sont souhaitables pour éviter d'arriver à cette extrémité que l'enfant doit comprendre.

Des règles de vie sont communément établies en début de projet. Elles doivent être com­prises et respectées. Elles constituent une famille d'épreuves évaluées. C'est un appren­tissage de la vie en société. Les causes génératrices d'échecs sont utiles à rechercher pour chaque élève en difficulté. Leur connaissance permet de mieux les com­prendre et d'en favoriser l'approche. Le défi sportif de fin de projet est un objectif à trop long terme pour soutenir en permanence l'attention et le sérieux de nos élèves. Les stages de préparation représentent des objec­tifs intermédiaires stimulants. La cohésion du groupe expérimental doit être parfaite. Tout élément de rupture (élève ou professeur) doit être écarté. Un climat de confiance est à créer autour des élèves en difficulté et l'équipe doit être unie autour d'un contrat moral associant élèves, professeurs et administration. La réalisation d'un tel projet doit être acceptée par l'ensemble de la communauté scolaire. Une préparation des mentalités et une consultation générale de tous les enseignants sont néces­saires au préalable. Le conseil d'administration doit statuer sur la mise en place du projet.

La volonté de s'engager, de la part des inter­venants, dans ce type de démarche est néces­saire car le type d'élèves encadrés peut être particulièrement difficile, en soumettant l'en­seignant à de « rudes épreuves ». Un surcroît de travail est inévitable, une disponibilité plus importante est nécessaire.

1. La chronologie 1" année Septembre : informations transmises aux élèves concernés (affichage, diaporamas, films concernant les réalisations précédentes). Octobre : lancement des inscriptions (5e, 4e). Novembre à juin : stages sportifs mensuels de 2 jours, réalisation des différentes épreuves imaginées, évalua­tion par accumulation de points. 2e année Septembre à décembre : poursuite du travail et de l'ac­cumulation de points. Janvier : fin des épreuves, attribution des récompenses pour tous les élèves achevant la formation. Février à Avril : perfectionnement du groupe réalisant le défi sportif. vacances de Pâques : réalisation de l'expédition. Mai et Juin : comptes rendus, bilans, modifications.

2. Groupes à profil • Le groupe 1 rassemble des élèves qui rencon­trent des difficultés dans un des domaines sui­vants : la moyenne générale (inférieure à 10), le comportement (très difficile) et la situation sociale (catastrophique). • Le groupe 2 rassemble des élèves qui n'émergent à aucun niveau. Il constitue notre marais d'incerti­tudes au niveau du profil. Les critères actuels de sélection sont la moyenne (comprise entre 10,1 et 13) et l'absence de problème apparent. • Le groupe 3 rassemble des élèves performants, particulièrement à l'aise dans notre système sco­laire (moyenne supérieure à 13,1, aucun problème apparent).

3. Quelques chiffres Participation Trois professeurs EPS encadrent ce projet. Après information, une centaine de dossiers est déposée en moins d'une semaine. Une soixantaine d'élèves est retenue en premier lieu (trois groupes de 20). Une cinquantaine confirme sa participation après le premier stage. 60 % à 65 % des élèves bouclent la formation soit 30 à 40 élèves (groupe 1, 50 % ; groupe 2, 55 % ; groupe 3,85 %). Récompenses Il est convenu que tous les élèves finissant le par­cours soient récompensés. En moyenne : - 50 % des élèves participent à l'expédition propo­sée (18 élèves soit 6 par groupe), - tous les autres obtiennent un voyage linguistique de leur choix ou s'ils le désirent une récompense matérielle.

Bivouac à 2300 mètres

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Des responsabilités propres sont confiées à chaque intervenant. Il s'organise selon les tâches, mais doit pouvoir en rendre compte à tous et à tout moment. Les élèves doivent être correctement informés de l'organisation propre à chaque responsable.

La coordination représente un élément clé du fonctionnement du système. Elle centra­lise l'information, provoque les mises au point nécessaires et tient chaque responsable au courant du déroulement du projet. Une centralisation des informations pour les pro­fesseurs (en salle des « profs ») et pour les élèves (sur tableau réservé) est indispen­sable. Elle simplifie les échanges et évite bien des malentendus. Les responsables ne doivent pas oublier que les élèves en diffi­culté remontent difficilement aux sources pour obtenir des informations (dans un pre­mier temps tout au moins).

Des échanges permanents d'informations, d'idées et de points de vue sont nécessaires à tout niveau et à tout moment. Cette communi­cation révèle rapidement les déséquilibres et permet d'utiles réajustements.

LES ÉPREUVES

Activité centrale de notre démarche elles répondent soit à un besoin recensé chez les élèves, soit à un désir de formation des ensei­gnants, soit à une contrainte imposée par le contexte scolaire (les résultats par exemple). Chaque élève peut exprimer ses qualités dans un ou plusieurs domaines. Le mode d'évalua­tion en évitant de creuser les écarts importants entre les élèves maintient le suspense jusqu'au dernier jour. La variété des épreuves couvre un champ de formation conséquent où les valeurs humaines et la citoyenneté trouvent un champ idéal d'application (encadré 3). A travers les diverses épreuves qui suivent nous mettrons en évidence dans un premier temps, l'évolution de l'ensemble de nos

élèves puis nous observerons en second lieu, les différences qui apparaissent entre les groupes. Rappelons qu'au cours de toutes ces épreuves, dix critères d'évaluation mesurent en permanence l'activité de chacun.

Comportement de l'équipe lors des différentes épreuves Résultats scolaires : ils sont à peu près homo­gènes dans chaque groupe et n'influencent donc que très peu les résultats au sein de ces groupes. Cependant ils apparaissent obligatoi­rement dans nos relevés pour montrer à la communauté scolaire que la participation à un tel type de parcours n'entrave en rien les per­formances normales de nos élèves. Pour cela, il est précisé en début de parcours, que pour demeurer dans notre équipe, la stabilité des résultats est exigée et une progression souhai­tée. Pour les stages qui donnent lieu à des absences d'un à deux jours par mois, le rattra­

page des cours doit être effectué avec sérieux. Les régressions (rares) font l'objet de suivis, de pénalités, voire de suspensions ou d'élimi­nations. A l'inverse la progression est forte­ment mise en valeur. Observation : les résultats scolaires sont stables voire légèrement supérieurs au reste de la population scolaire (de un à deux dixièmes). Comportement dans l'enceinte de l'établisse­ment : indépendamment des résultats sco­laires l'attitude de nos élèves est cernée tous les trimestres par l'équipe pédagogique, la vie scolaire, le CDI. Un document pré-établi est présenté par l'élève, aux personnes concer­nées. Sur simples signatures un total de 30 points est attribué à chaque élève. Du très négatif au très positif, chaque juge est prié d'expliquer son point de vue et ses attentes. Observation : une forte amélioration des com­portements est observée durant les six pre­miers mois. Elle se stabilise ensuite à son plus haut niveau (fin du 1" trimestre, moyenne de 23.5/30 puis 26/30).

Technique et acclimatation

Préparation « Maroc 99 » : Départ du refuge à l'aube, température -10 degrés...

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Stages de formation : ils sont mensuels et d'une durée de deux jours (avec nuits en refuges ou bivouacs). Ils sont au centre de notre parcours déformation de par la motiva­tion qu'ils engendrent et de par la situation privilégiée de relations qu'ils créent. Si le comportement de l'élève est au centre de notre démarche, une formation spécifique mon­tagne lui est également apportée : 33 jours et 11 nuits ont ainsi été consacrés au dernier pro­jet (18 stages). La totalité des vacances de Pâques est consacrée en supplément à la réali­sation de l'expédition de fin de projet (elle concerne environ 50 9c des élèves terminant leur formation). Observations : Si l'encadrement de notre équipe est laborieux à son départ, les réalisa­tions au terme de notre formation mettent en évidence : une efficacité remarquable de réali­

sation physique des tâches, d'excellents rap­ports entre individus, un respect complet des sites traversés (bivouacs propres), une grande facilité de gestion. • Prestations physiques : au cours des deux ans, on observe une progression constante de l'enfant en alpinisme. Depuis le premier stage consacré à la constitution du sac à dos jusqu à l'ascension de sommets presti­gieux, l'évolution est surprenante. En outre, des élèves dont la moyenne EPS était très faible avant l'entrée dans notre équipe produi­sent de sérieux efforts. Des tests de perfor­mances en endurance et en escalade complè­tent nos relevés. Ils confirment leur désir de progresser et de réussir. La prise en compte de performances sportives en UNSS ou dans le milieu fédéral incite de plus, l'élève à s'inves­tir davantage dans le milieu sportif. • Respect de l'environnement : une sensibili­sation constante s'effectue lors des stages. Elle nous conduit à ne plus avoir à intervenir sur des gestes simples de respect de la nature. • Rapport sociaux : dans une équipe aussi grande et lors de situations difficiles (fatigue, météorologie, etc.). les rapports entre indivi­

dus sont primordiaux. L'égoïsme doit céder la place à l'entraide, le souci de faire avancer une équipe plutôt que soi doit s'installer. A ce niveau encore, notre satisfaction est croissante. Activité de financement : de telles destina­tions et de telles récompenses impliquent de sérieux budgets (ils avoisinent actuellement les 100 à 200.000 francs tous les deux ans). Ces budgets sont de 30 à 80 % réunis par l'ac­tivité des élèves. Selon notre désir, l'impor­tance du budget prévisionnel et l'aspect plus ou moins médiatique du projet en cours, le soutien de petits sponsors est utilisé, mais n'est pas indispensable. Huit à dix opérations classiques financent actuellement 80% du projet 5 « Maroc 99 » (deux sommets dans le Haut Atlas) d'un montant de 130.000 francs (vente de brioches, fleurs, plaquettes de pro­motion, canes de vœux. etc.).

Observations : apprendre à l'enfant à organi­ser les ventes nous permet d'améliorer pro­gressivement l'efficacité de nos opérations. Tisser son réseau, développer ses capacités de communication, s'intéresser aux résultats, gérer ses bénéfices, etc., favorisent l'enthou­siasme et assurent un intérêt constant.

Règles de vie : une liste de règles régit le bon fonctionnement de notre projet et assure l'ap­prentissage d'un certain savoir vivre. Elle est établie en commun : - consultation obligatoire des informations sur le tableau spécial projet, - aucune absence injustifiée n'est tolérée, - des modifications d'épreuves ou de cotations peuvent subvenir sur avis général de l'équipe, - la licence UNSS est obligatoire (assurance et encadrement durant les stages « montagne »). - le rattrapage du retard scolaire lié à un stage en montagne doit être immédiat, - le matériel emprunté pour ces stages doit être restitué le jour demandé après avoir été net­toyé et séché, - « parasitage ». on ne peut profiter des avan­tages du concours sans apporter sa participa­tion au financement du projet,

- négligence matérielle, après le troisième stage, les élèves sont considérés comme entiè­rement responsables de leur matériel et ne doi­vent en aucun cas le négliger, - délais, chaque fois qu'une heure ou qu'une date est fixée, elles doivent être respectées. Observations : l'ensemble de ces règles faci­lite grandement la vie et l'organisation du pro­jet. Progressivement, les élèves intègrent ces lois et comprennent leur nécessité. La seconde année, il devient de plus en plus rare d'inter­venir pour des transgressions gênantes.

Solidarité : des initiatives les plus diverses ont cours pour se distinguer dans cette épreuve. Dans l'enceinte de l'école ou à l'extérieur, les aides affluent aux associations, aux personnes âgées, à la vie scolaire, à l'intendance, au secrétariat, au CDI. aux personnels de service, etc. Ces initiatives sont répertoriées puis jugées et notées de façon anonyme, par un jury impartial. Observations : les initiatives étant tellement diverses, nous sommes en train de lister les idées les plus pertinentes afin de mieux orga­niser la répartition des activités. Par le biais de cette épreuve, bien des élèves sont sensibilisés par la peine d'autrui.

Santé : cette nouvelle épreuve répond à un besoin d'information sur des problèmes importants concernant la santé. Le thème est choisi par les élèves : alimentation, hygiène, tabac, etc. Par groupes de deux ou trois, les élèves réalisent une courte intervention, dans une classe autre que la leur. Cette intervention est évaluée par le professeur qui accueille le groupe. A partir de critères établis à l'avance (présentation générale du groupe, intérêt du sujet, qualité de l'élocution, etc.) l'interven­tion apporte des points supplémentaires.

Ouverture sur l'extérieur : cette épreuve constitue une simple sollicitation à s'inscrire dans une association sportive et dans une asso­ciation culturelle (bibliothèque, poterie, musique, etc.) Observations : le but est atteint, au fil des deux années, la quasi totalité du groupe fran­chit le pas d'une inscription dans les deux types d'associations souhaitées. Peut-être cette inscription éveillera-t-elle un intérêt durable ? Au regard du comportement de nos élèves à travers ces différentes épreuves notre inter­vention semble porter ses fruits. A tous les niveaux, il nous est possible de constater un évolution positive des résultats, des attitudes. Durant cette formation une autre façon d'ap­prendre s'installe. Poussés par la motivation que suscite noire proposition des élèves pro­duisent l'effort que nous n'avons parfois pas réussi auparavant à déclencher.

Quelles différences entre les groupes ? Rapidement, nous constaterons que nous n'apportons pas les mêmes choses aux mêmes élèves. Cette évidence, nous la connaissions avant de commencer, mais l'intérêt pour nous est de savoir dans quelle mesure nous appor­tons un plus à notre système scolaire ?

Randonnée en raquettes... Équipement complet...

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Les élèves performants Pour eux, baignant souvent dans un contexte favorable, notre parcours est encore une occa­sion d'exprimer le meilleur d'eux-mêmes. Ils vont prouver une fois de plus leurs aptitudes à s'adapter à la demande. Inconsciemment, ils apporteront beaucoup à ce projet en terme de repères et d'équilibre. Mais des faiblesses, moins discernables derrière une copie, appa­raîtront quelquefois sur le terrain. Altruisme, fair-play, solidarité, coopération ou même res­pect de l'environnement, etc.. ne seront pas toujours leurs points forts. Dans ces domaines notre expérience sera donc formatrice. La notion de citoyenneté est en cours d'acquisi­tion, la présence d'un cercle familial (souvent stable) évacue bon nombre de problèmes. Aussi à leur niveau, notre souci majeur sera de transmettre des contenus, de stimuler la per­formance, de favoriser leur rayonnement et de garder le souci du respect des autres et de la solidarité.

Les caractéristiques de ces élèves font apparaître : - peu d'abandon (85 % des élèves réalisent la totalité de la formation). - des résultats scolaires en progression. - des fiches « comportements « proches des

valeurs idéales. - une participation importante aux opérations de financement, - un respect immédiat des règles de vie. - une ouverture maximale sur l'extérieur. Les élèves en difficulté Le terme de réussite au collège ne fait pas sou-vent partie de leur horizon. Ils sont dans ce groupe sur la base de résultats scolaires médiocres, de situations familiales particu­lières ou de comportements excessivement difficiles. Malgré cela bon nombre d'entre eux se lance dans l'aventure. Leurs résultats ne peuvent être comparés aux autres élèves, pourtant un sentiment de réussite ressort de leur participation. Si pour ces jeunes il faut parler de « remotivation ». bien-être, épa­nouissement, projet, équilibre, respect, com­munication, volonté, nos objectifs semblent alors partiellement atteints. Les caractéristiques de ces élèves font apparaître que : - 50 % terminent leur formation. - les résultats scolaires sont en moyenne stables tout en faisant apparaître parfois, des progressions étonnantes mais aussi quelques régressions. - les comportements sont en nette amélioration. - la participation aux opérations de finance­ment est normale. Malgré une volonté évidente de satisfaire aux différents impératifs, le manque de suivi et d'organisation perturbe leur efficacité. Une demande pressante s'effectue dans ce groupe, en direction des stages « montagne ». Elle tra­duit, sans nul doute, le désir d'échapper aux cours traditionnels. • La relation Pour ces élèv es. une démarche fondée sur la relation est nécessaire : principale source de notre efficacité. Nos apprentissages s'effec­tuent grâce à elle, mais il faudra d'abord se faire accepter sans s'imposer, progressive­

ment établir le contact qui doit permettre les transferts. • Cette relation est efficace mais délicate. Effi­cace parce qu'elle nous mène aux résultats, délicate parce que nous ne pourrons jamais affirmer en maîtriser les multiples portées. L'élève en difficulté doit se ressentir. Il n'est pas toujours rationnel et rebondit de manière inattendue. 11 faut avancer au feeling. Dans la structure de notre projet, les stages représentent évidemment les moments forts de relations. • Relation privilégiée élèves-professeurs : découvrant ici l'élève sous un autre jour, diverses situations permettent parfois de mettre à jour une autre personnalité. « L'es­pace parole » de la soirée bivouac, apporte parfois plus qu'une journée entière de cours. Les discussions les plus diverses s'installent: famille, école, haine, passion, racisme, plaisir.

chagrin, tout y passe. Le professeur devient ami. parent. 11 doit jongler avec ces différentes facettes, sans oublier qu'il est professeur. • Relations différentes élèves en difficulté -élèves performants : entre élèves, face à la dif­ficulté physique, les relations se resserrent. 11 est plaisant de constater qu'en stage, les notions de groupes disparaissent et que l'in­fluence de certains élèves aux repères biens stables, jouent en notre faveur. Cette forme de mimétisme existe réellement et se trouve être d'autant plus efficace, quand nos élèves « per­formants » disposent d'une forte personnalité. Cette confrontation-appropriation (2) n'est pas ici. forcée comme en classe. Elle se réalise pro­gressivement et volontairement au fil des stages. C'est ainsi que nos élèves non éduqués, s'appro­prient certaines valeurs dont ils ne soupçon­naient, auparavant, même pas l'existence. L'idéal serait maintenant de cerner l'évolution des opinions de chaque enfant par rapport à l'école, à la société, à son avenir ou à sa famille. Mesurer si notre courte période d'in­fluence a positivement fait fléchir une opinion souvent bien négative sur la vie. Un procédé d'évaluation à l'entrée et à la sortie de notre formation est recherché.

CONCLUSION

Notre démarche rompt avec l'uniformité du moule éducatif, organisé sur le modèle de l'élève idéal, de l'élève au développement ordinaire, franchissant sans encombre les étapes du cursus scolaire. Dans le sens où elle prend en compte l'élève, comme un être sin­gulier, qui ne répond pas toujours sans pro­blème aux règles de l'institution scolaire (3). Sans remettre l'ensemble de notre système en cause mais en y apportant simplement une forme de singularité, nous avons espéré inclure au parcours de ces jeunes, des moments de réussite associés à une formation implicite qui les réconcilieront peut-être avec l'école. Si nous leur avons enfin apporté autre chose que l'impression d'être mauvais, nous aurons rempli un rôle de toute évidence

meilleur que celui qui aboutit à les margi­naliser davantage. Notre parcours ayant montré son efficacité, il nous reste encore à progresser et notamment à mieux inclure ce type de fonctionnement dans la charge horaire des élèves mais aussi des professeurs impliqués.

Marie-Pierre Failletaz Jean-Pierre Mackowiak

François Lassuye (4) Professeurs EPS,

Collège de Cluses, 74.

(1) Thèmes rencontrés dans le livres de Marc Durand : L'enfant et le sport. PUF. 1997. (2) « On ne naît pas champion, on ne naît pas non plus ni moral ni citoyen on le devient. On te devient notamment par toi jeu île confrontation-appropriation avec les normes et valeurs qui constituent le socle de notre société démocra­tique ». Colloque national « Le sport scolaire, facteur d'in-légration et de socialisation ». Revue UNSS n°81. 1994. (3) Lire dans L'échec scolaire, l'exclusion et la pratique sportive de Pierre Therme. PUF. 1995. (4) Coordinateur du projet.

...6 à 7 heures de marche par jour

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