défendre la cause des étrangers en justice · 2012-03-07 · 30 ans après le « grand arrêt »...

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les cahiers juridiques 30 ans après le « grand arrêt » Gisti de 1978 Défendre la cause des étrangers en justice groupe d’information et de soutien des immigrés Colloque du 15 novembre 2008 gisti, Documents

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les cahiersjuridiques

30 ans après le « grand arrêt » Gisti de 1978

Défendre la causedes étrangers en justice

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Colloque du 15 novembre 2008

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30 ans après le « grand arrêt » Gisti de 1978

Défendre la causedes étrangers en justice

Colloque du 15 novembre 2008

Ce colloque a bénéficié du soutien :

– des barreaux de Bobigny, Créteil, Évry, Nanterre, Paris, Pontoise, et Versailles

– de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation

– du CREDOF (Centre d'études et de recherches sur les droits fondamentaux),Université Paris X-Nanterre

Les Actes du colloque seront publiés aux éditions Dalloz, dans la collection« Thèmes et commentaires », série Actes.

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Programme du colloque du 15 novembre 2008 4

Première partie. Liste des arrêts Gisti 1974-2008 7

Deuxième partie. Sélection d’arrêts du Conseil d’État 19(rendus à la requête ou avec intervention du Gisti)

1. Conseil d’État, Assemblée, 23 juillet 1974, Ferrandiz Gil Ortega, n° 94144, publié au Lebon 19

2. Conseil d’État, 13 janvier 1975, Da Silva et CFDT, n° 90193, 90194, 91288, publié au Lebon 19

3. Conseil d’État, 24 novembre 1978, CGT, Gisti et autres, n° 98339, 98699, publié au Lebon 21

4. Conseil d’État, Assemblée, 8 décembre 1978, Gisti, CFDT, CGT, n° 10097, 10677, 10679, publié au Lebon 24

5. Conseil d’État, 26 juillet 1982, Gisti et SGEN-CFDT, n° 22931, 22934, publié au Lebon 24

6. Conseil d’État, 27 septembre 1985, Gisti, n° 47324, publié au Lebon 25

7. Conseil d’État, 27 septembre 1985, Gisti, FTDA, LDH, n° 44484, 44485, publié au Lebon 26

8. Conseil d’État, 26 septembre 1986, Gisti, n° 65749, publié au Lebon 28

9. Conseil d’État, 25 septembre 1987, Gisti, n° 66708 29

10. Conseil d’État, 21 octobre 1988, Ministre de l’intérieur c/Campopiano, n° 90239 (intervention Gisti) 30

11. Conseil d’État, Assemblée, 29 juin 1990, Gisti, n° 78519, publié au Lebon 31

12. Conseil d’État, 22 mai 1992, Gisti, n° 87043, mentionné aux Tables 32

13. Conseil d’État, 23 septembre 1992, Gisti et Mrap, n° 120437, 120737, publié au Lebon 32

14. Conseil d’État, 23 avril 1997, n° 163043, publié au Lebon 33

15. Conseil d’État, 18 juin 1997, Gisti et FTDA, n° 162517, 162518, mentionné aux Tables 33

16. Conseil d’État, 30 septembre 1998, Gisti, n° 164287, mentionné aux Tables 34

17. Conseil d’État, 20 mars 2000, Gisti, n° 205266, publié au Lebon 36

18. Conseil d’État, 30 juin 2000, Gisti, n° 199336, publié au Lebon 37

19. Conseil d’État, 6 novembre 2000, Gisti, n° 204784, mentionné aux Tables 40

20. Conseil d’État, ordonnance de référé, 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, n° 229039, publié au Lebon(intervention Gisti) 42

21. Conseil d’État, 29 juillet 2002, Gisti, LDH, Femmes de la Terre, n° 231158, mentionné aux Tables 43

22. Conseil d’État, 7 février 2003, Gisti, n° 243634, publié au Lebon 45

23. Conseil d’État, 22 octobre 2003, Gisti et LDH, n° 248237 46

24. Conseil d’État, 17 décembre 2003, Gisti, n° 248238, mentionné aux Tables 47

25. Conseil d’État, 12 octobre 2005, Gisti, Asti d’Orléans, Cimade, Forum Réfugiés, LDH, Fasti, Amnesty, RéseauElena, FTDA, Association Tiberius Claudius, Syndicat de la magistrature, n° 273198, mentionné aux Tables 48

26. Conseil d’État, 5 avril 2006, Gisti, Amnesty, LDH, Acat, Gas, FTDA, Forum réfugiés, n° 284706, publié au Lebon 53

27. Conseil d’État, Assemblée, 31 mai 2006, Gisti, n° 273638, publié au Lebon 55

28. Conseil d’État, 7 juin 2006, Gisti, Aides, Mrap, LDH, Médecins du Monde, n° 285576, publié au Lebon 56

Sommaire

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29. Conseil d’État, 12 juin 2006, Cimade, Gisti, LDH, Amnesty, n° 282275, mentionné aux Tables 58

30. Conseil d’État, 18 juillet 2006, Gisti, n° 274664, publié au Lebon 59

31. Conseil d’État, 26 juillet 2006, Gisti, LDH et IRIS, n° 285714, publié au Lebon 61

32. Conseil d’État, 24 janvier 2007, Gisti, n° 243976, publié au Lebon 63

33. Conseil d’État, 7 février 2007, Fasti, Gisti, LDH, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature,Mrap, Cimade, n° 292607 64

Troisième partie. Dossiers et documents 67

I. Conclusions Philippe Dondoux sur CE, 8 décembre 1978, Gisti, Droit social, janvier 1979 67

II. Dossier sur l’affaire du dépôt du Palais de justice (1993) 71

1. Ordonnance de référé du tribunal administratif de Paris du 29 octobre 1993 désignant un expert 71

2. Assignation en référé du préfet de police 72

3. Ordonnance de référé du TGI de Paris, 24 novembre 1993 77

4. Tribunal des Conflits, 25 avril 1994, préfet de police c/TGI de Paris et M. Dulangi, n° 2920 80

III. Dossier sur l’affaire de Lampedusa 81

1. Plainte contre le gouvernement italien adressée à la Commission européenne par le Gisti et neuf autres associations,le 20 février 2004 81

2. Ordonnance de la CJCE, 6 avril 2006, rejetant le pourvoi introduit par le Gisti contre le refus de la Commissiond’examiner la plainte contre les autorités italiennes 84

IV. Décision du Comité européen pour les droits sociaux (septembre 2004) sur le bien-fondé de la réclamationprésentée par la FIDH contre la France pour violation de la Charte en ce qui concerne le dispositif de l’aidemédicale État (AME) 88

V. Dossier sur les pratiques discriminatoires des services fiscaux de Marseille 92

1. Saisine de la Halde par le Gisti et l’association Un centre ville pour tous de Marseille (14 novembre 2005) 92

2. Délibération de la Halde du 19 juin 2006 95

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page 4 Défendre la cause des étrangers en justice

9 h OuverturePar Stéphane Maugendre, président du Gisti

9 h 15 - 11 h Retour sur l’histoire

Il s’agira ici, en premier lieu, de retracer la genèse des premiers combats contentieux menés par le Gisti ou avecson soutien, en la replaçant dans le contexte du début des années 1970. On proposera en second lieu une visiond’ensemble du contentieux, essentiellement administratif, initié par le Gisti depuis ces années-là jusqu’à aujourd’hui,en essayant de dégager des constantes mais aussi des évolutions.

> Les premiers combats contentieux du GistiTable ronde : Philippe Waquet, doyen honoraire de la Cour de cassation, avocat honoraire au Conseil d’État et àla Cour de cassation, Assane Ba et Patrick Mony, anciens permanents du Gisti.

Discutante : Liora Israël, maître de conférences à l’EHESS.

> Trente ans de contentieux à l’initiative du GistiDanièle Lochak, ancienne présidente du Gisti.

> Le Gisti, « requérant d’habitude » ? La vision du Conseil d’ÉtatBruno Genevois, président de Section au Conseil d’État.

Débat

11 h 15 – 13 h Du contentieux comme stratégie aux stratégies contentieuses

L’arme contentieuse peut être utilisée comme une arme politique dans la mesure où faire constater par un jugel’illégalité des actes de l’Exécutif est aussi une façon de démontrer le bien-fondé des critiques qu’on adresse à lapolitique gouvernementale. Mais le choix de la voie contentieuse est parfois un choix par défaut, lorsque le combatpolitique semble voué à l’échec, faute de combattants pour le mener ou en raison de la disproportion des forces enprésence.

Sur le terrain contentieux, les défenseurs de la cause des étrangers font souvent montre d’une très grande inventivitéjuridique et tactique, utilisant toutes les ressources de la procédure, mobilisant les conventions internationales,saisissant des instances de plus en plus nombreuses, pour tenter – parfois avec succès, parfois sans – de contesterles textes attentatoires aux droits des étrangers et de faire cesser les pratiques administratives illégales.

> Regard comparatif : l’expérience syndicaleJérôme Pélisse, maître de conférences de sociologie à l’université de Reims.

> Comment combiner l’arme politique et l’arme contentieuse. L’exemple de la lutte contre lesdiscriminations fondées sur la nationalitéSerge Slama, maître de conférences à l’université d’Evry.

> La protection sociale, terrain d’expérimentation de nouvelles stratégiesAdeline Toullier, chargée de mission à Aides.

> Une expérience d’avenir ? La saisine de la CJCEClaire Rodier, Gisti, présidente de Migreurop.

Programme du colloquedu 15 novembre 2008

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Programme du colloque du 15 novembre 2008 page 5

> Les tactiques contentieuses utilisées pour faire cesser des pratiques illégales : des avocats racontentLes grandes heures du « référé voie de fait » (refus de célébrer des mariages, l’affaire du dépôt du Palais de justice, lemaintien en zone internationale, la consignation à bord des navires) – Faire payer l’administration.

Interventions de : Didier Liger, avocat au barreau de Versailles, Stéphane Maugendre, avocat au barreau deBobigny, Gérard Tcholakian, avocat au barreau de Paris, Jean-Eric Malabre, avocat au barreau de Limoges.

Débat

14 h 30 - 16 h 15 Fausses victoires, vaines victoires

L’idée, ici, est de voir comment les victoires obtenues ne produisent pas tous les effets qu’on pouvait en attendre,pour de multiples raisons : parce que l’éclat de la victoire au plan des principes masque les retombées concrètesdécevantes de ladite victoire ; parce que l’annulation d’un texte ou les réserves d’interprétation du juge n’entraînentpas de modifications des pratiques, quand elles ne sont pas tout simplement contrecarrées par l’intervention dulégislateur ou du pouvoir réglementaire ; parce qu’elles interviennent trop tardivement pour être d’une quelconqueutilité ; parce qu’elles ne sont pas ou sont mal exécutées.

> Victoires voléesNathalie Ferré, ancienne présidente du Gisti.

> Le cas emblématique des circulairesPlus du tiers des requêtes déposées par le Gisti devant le Conseil d’État concernent des circulaires, ce qui reflète bien laplace qu’elles occupent dans la gestion administrative de l’immigration. On voudrait donc confronter ici les points devue des requérants avec celui des juges – ici, le Conseil d’État –, mais aussi celui de l’administration et plus particulièrementdes directeurs ou anciens directeurs d’administration centrale, d’un côté, chefs de services déconcentrés (préfectures), del’autre, qui ont pour mission, les uns de rédiger ces circulaires, les autres de veiller à leur application.

Table ronde avec Jean-Marie Delarue, ancien directeur des Libertés publiques et des affaires juridiques au ministèrede l’Intérieur, Gérard Moreau, ancien directeur de la Population et des migrations au ministère des Affairessociales, Yannick Blanc, ancien directeur de la Police générale à la préfecture de police de Paris.

> L’insuffisance des outils d’exécutionJean-Michel Belorgey, président de la Section du rapport et des études du Conseil d’État.

> Les demandeurs d’asile, gagnants ou perdants ?Jean-Pierre Alaux, Gisti.

Débat

16 h 30 – 18 h 15 Quel bilan ?

Le contentieux impulsé par le Gisti a-t-il finalement fait avancer la cause des étrangers ou bien reflète-t-il le reculinexorable des droits et libertés lorsqu’ils sont concurrencés par les impératifs de la maîtrise des flux migratoires ?Quelles ont été les retombées de ce contentieux au-delà du droit des étrangers (l’interprétation des conventionsinternationales, l’apparition du référé-liberté…) ? Comment analyser les réformes successives de la procédurecontentieuse et les projets visant à réaménager la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction ?

> L’impact des « arrêts Gisti » sur le(s) droit(s) des étrangersFrançois Julien-Laferrière, professeur à l’université Paris-Sud.

> Les retombées « collatérales » du contentieux des étrangersRonny Abraham, conseiller d’État, juge à la Cour internationale de justice.

> Des règles spéciales pour un contentieux à part ?Bernard Even, vice-président de la Fédération européenne des juges administratifs (FEJA), Ollivier Joulin, vice-président du Syndicat de la magistrature et Alain-François Roger, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Débat

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Première partie – Liste des arrêts Gisti 1974-2008 page 7

1974• Conseil d’État, Assemblée, 23 juillet1974, Ferrandiz Gil Ortega, n° 94144,publié au Lebon

Cet arrêt ne porte pas le nom duGisti mais la procédure a été initiéepar des membres du Gisti. Il s’agis-sait de faire reconnaître la compé-tence du Conseil d’État pour pronon-cer le sursis à exécution d’un arrêtéd’expulsion dont les tribunaux admi-nistratifs étaient quant à eux compé-tents, depuis la réforme de 1953, pourprononcer l’annulation. L’enjeu étaitimportant, puisque les tribunaux ad-ministratifs ne pouvant prononcer lesursis à exécution de décisions inté-ressant l’ordre public, il n’était pluspossible d’obtenir le sursis à exécu-tion des mesures d’expulsion.

1975• Conseil d’État, 13 janvier 1975, DaSilva et CFDT, n° 90193, 90194,91288, publié au Lebon.

Dans cet arrêt bien connu, le Con-seil d’État annule plusieurs disposi-tions des circulaires Marcellin-Fontanet et pose en principe qu’unministre use illégalement d’un pou-voir réglementaire qu’il n’a pas eninterdisant aux préfectures ou auxservices de la main-d’œuvre d’accor-der un titre de séjour ou une autori-sation de travail à des étrangers en-trés en France sous couvert d’un sim-ple visa de tourisme, autrement dit enleur interdisant de les régulariser. Lerecours a été déposé au nom d’un tra-vailleur portugais et de la CFDT, maisc’est bien le Gisti qui était à l’originede ce recours, comme du précédent.Simplement, le groupe n’était pas en-core constitué en association.

1978• Conseil d’État, 27 janvier 1978, As-sociation des Marocains en France etGisti, n° 02417, publié au Lebon

Recours contre le décret du 15 jan-vier 1976 qui prévoit deux nouveauxcas de retrait de la carte de résidentordinaire : lorsque l’étranger a quittéla France pendant plus de six mois

Les arrêts Gisti : 1974-2008

ou s’il se trouve de son fait sans em-ploi ni ressources réguliers depuisplus de six mois. Le Conseil d’Étatrejette le recours, estimant que l’ar-gument selon lequel le décret auraitcréé illégalement de nouveaux casd’expulsion manque en fait.

• Conseil d’État, 24 novembre 1978,CGT, Gisti et autres, n° 98339, 98699,publié au Lebon

Après la décision de suspension del’immigration de main-d’œuvre, enjuillet 1974, le gouvernement françaisa décidé de mettre fin au régime plusfavorable de circulation et d’établisse-ment dont bénéficiaient les ressortis-sants des anciens territoires d’outre-mer. Sans attendre la renégociation desconventions, deux circulaires du30 novembre 1974 émanant du minis-tre de l’intérieur et du ministre du tra-vail avaient prétendu imposer l’obli-gation d’une carte de séjour et d’unecarte de travail délivrées dans les con-ditions prévues par le droit commundes étrangers. L’annulation de ces dis-positions, déférées au Conseil d’Étatpar la CGT et le Gisti, était inévitable,un ministre ne pouvant de son seulchef faire échec à une convention in-ternationale. Mais l’annulation inter-vient au bout de 4 ans.

• Conseil d’État, Assemblée, 8 décem-bre 1978, Gisti, CFDT, CGT, n° 10097,10677, 10679, publié au Lebon

Un an et demi après avoir reconnuofficiellement le droit au regroupementfamilial par un décret du 29 avril 1976,le gouvernement décide, par un décretdu 10 novembre 1977, de suspendrepour une période de trois ans, l’admis-sion des membres de familles, à moinsqu’ils ne renoncent à occuper un em-ploi. Un an plus tard – donc très rapi-dement par rapport aux délais habi-tuels – le Conseil d’État annule ce texte,estimant qu’il contredit un principe gé-néral du droit selon lequel « les étran-gers résidant régulièrement en Franceont, comme les nationaux, le droit demener une vie familiale normale ».

La notoriété de l’arrêt tient autant,sinon plus, au fait que le Conseil d’Étaty découvrait un nouveau « principe gé-néral du droit », que le Conseil cons-

titutionnel érigera à son tour en prin-cipe à valeur constitutionnelle. Parailleurs, si l’arrêt du 8 décembre 1978a représenté une grande victoire, sur-tout dans le contexte de l’époque, ilne faut pas se cacher l’impact limitédu droit ainsi reconnu, auquel le Con-seil constitutionnel comme le Conseild’État ont admis très largement la pos-sibilité d’apporter des restrictions.

1980• CE, 12 mars 1980, Gisti, n° 15188

Recours contre la circulaire du27 juillet 1977 du Secrétaire d’Étataux travailleurs immigrés enjoignantaux services de la main-d’œuvre dene plus délivrer de cartes de travaildans le cadre d’une procédure de ré-gularisation. Le Conseil d’État annulela disposition contestée comme prisepar une autorité incompétente, le mi-nistre ayant usé d’un pouvoir régle-mentaire qu’il n’avait pas.

• CE 6 juin 1980 Gisti, M. Nadir,Mrap, n° 17769, 18782, 19571, publiéau Lebon

Recours contre la circulaire du5 janvier 1979 du ministre de l’inté-rieur relative aux conditions de pro-longation des certificats de résidencedes ressortissants algériens et contreune note du ministre du travail de-mandant à ses services de mettre lestracts qu’il leur envoie à la disposi-tion des travailleurs algériens pour lesinformer des conditions de renouvel-lement de leurs certificats de rési-dence (pas de renouvellement de ceuxqui arrivent à expiration mais seule-ment prolongation d’un an). Le Con-seil d’État rejette les requêtes au mo-tif que les actes attaqués se bornent àinformer des stipulations de l’échangede lettres entre la France et l’Algérie.

1982• Conseil d’État, 16 avril 1982, Gistiet Fasti

Les associations requérantes contes-taient le contenu des imprimés utilisésdans les postes de contrôle de la policedes frontières pour notifier aux étran-gers non admis sur le territoire la déci-

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page 8 Défendre la cause des étrangers en justice

sion de refus d’admission en Franceainsi que ses motifs, estimant que lesrubriques ne correspondaient pas auxexigences posées par la loi. Le Conseild’État rejette les requêtes comme irre-cevables, estimant que les impriméssont dépourvus d’effets juridiques etne font pas grief par eux-mêmes.

• Conseil d’État, 26 juillet 1982, Gistiet Sgen-CFDT, n° 22931, 22934, pu-blié au Lebon

Un décret du 31 décembre 1979,complété par deux arrêtés ministé-riels, imposait aux étudiants étrangersune procédure de préinscriptionlourde et complexe. Saisi par le Gistiet le SGEN, le Conseil d’État validel’essentiel du système mis en place, àdeux réserves près. Il censure notam-ment le fait de n’avoir pas exclu duchamp d’application de la procédureles étrangers résidant déjà en France,privés ainsi du libre choix de l’établis-sement d’accueil. Le Conseil d’Étatest ainsi amené à préciser les contoursdu principe d’égalité : si, dit-il, lesétrangers résidant hors de France nese trouvent pas dans la même situa-tion que les candidats français et peu-vent donc être soumis à des règlesspécifiques, il n’en va pas de mêmedes étrangers résidant en France, quidoivent être soumis aux mêmes règlesque les étudiants français.

1985• Conseil d’État, 20 mars 1985, Gisti,n° 27408, mentionné aux Tables

Annulation de deux dispositions dela circulaire Stoléru du 10 juin 1980relative à l’instruction des demandesde titre de travail. La décision inter-vient alors que les dispositionsannulées étaient depuis longtempspérimées.

• Conseil d’État, 27 septembre 1985,Gisti, n° 47324, publié au Lebon

Recours contre la circulaire du mi-nistre de l’intérieur du 31 août 1982prise pour l’application des disposi-tions relatives à l’accès au territoire.La loi du 29 octobre 1981 avait ac-cordé aux étrangers un certain nom-bre de garanties nouvelles. Parmi cel-les-ci figuraient l’obligation pour l’ad-ministration, lorsqu’un étranger sevoyait refuser l’accès au territoirefrançais, de prendre une décisionécrite et motivée, et l’interdiction derapatrier cet étranger, contre son gré,avant l’expiration du délai d’un jourfranc. La circulaire attaquée en pro-

posait le mode d’emploi suivant : « lesétrangers non admis étant normale-ment réticents à l’idée de retournerdans l’État dont ils proviennent, il ap-paraît difficile de leur accorder le bé-néfice de ce délai de manière auto-matique… Par conséquent, le béné-fice de ce droit ne devra être accordéà l’étranger que s’il présente une de-mande écrite et motivée (sic) ». Il n’apas été difficile au Conseil d’État deconstater que le ministre avait pure-ment et simplement inventé(« ajouté », dit-il) des règles qui ne fi-guraient pas dans les dispositions lé-gislatives qu’il prétendait commenter,et donc d’annuler la disposition con-testée. Notons qu’il lui a quand mêmefallu trois ans pour juger l’affaire…

L’affaire illustre la désinvolture dontl’administration fait preuve à l’égarddes lois votées par le Parlement. Enl’occurrence, de surcroît, la circulaireincriminée émanait de celui-là mêmequi, six mois plus tôt, avait été à l’ini-tiative de la loi et l’avait défendue de-vant le Parlement, à savoir GastonDefferre, alors ministre de l’intérieur.

• Conseil d’État 27 septembre 1985,Gisti, n° 54114, publié au Lebon

La circulaire contestée, datée du29 avril 1982, émanait du secrétaired’État aux DOM-TOM, et était en-tachée d’une illégalité grossière. Cettecirculaire, prenant prétexte de ce quela loi du 29 octobre 1981 avait main-tenu en vigueur dans les DOM, pen-dant cinq ans, l’article 23 de l’ordon-nance de 1945 (qui prévoit les motifsd’expulsion et incluait donc, depuisla loi Bonnet, la situation irrégulière),prétendait reculer également l’entréeen vigueur de l’article 25 qui énumèreles catégories d’étrangers protégéescontre l’expulsion. Le Conseil d’Étata annulé la disposition contestée.

Mais cette victoire intervient alorsque quatre ans se sont déjà écoulésdepuis la promulgation de la loi et queles dispositions transitoires devaienten principe cesser de produire effeten 1986 (mais la loi Pasqua du 9 sep-tembre 1986 est venue tout bouscu-ler à nouveau).

• Conseil d’État, 27 septembre 1985,Gisti, FTDA, LDH, n° 44484, 44485,publié au Lebon

Recours contre le décret du 27 mai1982 pris pour l’application de la loide 1981, qui prévoit notamment le cer-tificat d’hébergement pour une visiteprivée. Rejet au motif que le pouvoirréglementaire n’a pas excédé ses com-

pétences. Quant à l’argument selonlequel la procédure (qui prévoit la pos-sibilité de ne pas viser le certificat s’ilressort manifestement de sa teneur quel’étranger ne peut être hébergé dansdes conditions normales) porte atteinteà l’inviolabilité du domicile, le Con-seil d’État relève que le maire n’est pasautorisé à exercer un contrôle des con-ditions d’hébergement.

1986• Conseil d’État, 24 janvier 1986, mi-nistre de l’intérieur c/M. Azzouzi,n° 62921 (intervention du Gisti), pu-blié au Lebon

Le Conseil d’État admet la possibi-lité d’expulser le père naturel d’unenfant français qui invoquait la pro-tection contre l’expulsion accordéeaux parents d’enfants français dès lorsqu’ils n’ont pas été déchus de l’auto-rité parentale : un père naturel ne pou-vant être déchu d’une autorité paren-tale qu’il n’a pas, il ne peut revendi-quer la disposition protectrice de la loi.

• Conseil d’État, 14 mars 1986, Gisti,n° 65241, mentionné aux Tables

Recours contre une circulaire duministre de l’intérieur du 17 septem-bre 1984 relative aux conditions d’en-trée et de séjour des étudiants étran-gers. Validation de la disposition per-mettant aux préfets de vérifier la réa-lité des études et de demander la jus-tification de la participation aux exa-mens ainsi que des dispositions rela-tives aux moyens d’existence. Annu-lation de la disposition prévoyant queles ressources provenant d’un travailsalarié ne pourraient être prises enconsidération que pour le renouvel-lement de la carte et pas sa délivranceinitiale. Mais la circulaire avait étéabrogée dans l’intervalle.

• Conseil d’État, 26 septembre 1986,Gisti, n° 65750, publié au Lebon

Recours contre le décret du 4 dé-cembre 1984 posant les conditions del’immigration familiale : ressourcesstables et suffisantes, logementadapté, etc. Rejet.

• Conseil d’État, 26 septembre 1986,Gisti, n° 65749, publié au Lebon

Le texte attaqué était un décret du4 décembre 1984 pris pour l’applica-tion de la loi du 17 juillet 1984 qui arefondu l’ordonnance de 1945 en cequi concerne les titres de séjour et crééla carte de résident. Alors que le nou-vel article 15 de l’ordonnance de 1945

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disposait que la carte de résident étaitdélivrée « de plein droit » aux catégo-ries d’étrangers qu’il énumérait, le dé-cret subordonnait la délivrance de cettecarte à la production des documentsjustifiant que le demandeur était entrérégulièrement en France. L’exigenced’une entrée régulière était contestéepar le Gisti, comme contraire à la no-tion même de délivrance de plein droitet ajoutant des conditions non prévuespar la loi. Le Conseil d’État va écarterce grief en déclarant : « il ressort del’ensemble des dispositions de ces tex-tes, éclairées par les travaux prépara-toires, que les étrangers justifiant ap-partenir à l’une de ces catégories doi-vent être entrés régulièrement enFrance et y séjourner régulièrement ».

Ce dernier membre de phrase, quin’était pas nécessaire pour trancher laquestion soumise au Conseil d’État, re-posait sur une interprétation des tex-tes que rien, dans les travaux prépara-toires, contrairement à ce qu’affirmel’arrêt, ne permettait de conforter. L’ar-rêt Gisti sera pourtant cité dans tou-tes les circulaires et l’administration,alors que le décret attaqué n’imposaitqu’une condition d’entrée régulière, sefondera sur cette décision du Conseild’État pour exiger aussi une conditionde séjour régulier. Il faut attendre laloi Joxe du 10 août 1989 pour que cetteinterprétation soit écartée par une dis-position expresse… jusqu’à ce que laloi Pasqua du 24 août 1993, à son tour,rétablisse les conditions d’entrée et deséjour réguliers.

1987• Conseil d’État, 25 septembre 1987,Gisti, n° 66707, mentionné aux Tables

Recours contre une circulaire duministre de l’intérieur et de la décen-tralisation du 31 décembre 1984 por-tant application de la loi du 17 juillet1984 et du décret du 4 décembre 1984.Annulation sur un point secondaire :en obligeant le préfet à se conformer àl’avis du DDTE qui doit être sollicitéavant la délivrance d’une carte de rési-dent à l’étranger qui se propose d’exer-cer une activité salariée, la circulaire amodifié l’ordre de compétences, elleest donc réglementaire et illégale.

• Conseil d’État, 25 septembre 1987,Gisti, n° 66708

Recours contre la circulaire du mi-nistre de l’intérieur et de la décentrali-sation et du ministre des affaires so-ciales et de la solidarité nationale du4 janvier 1985 relative au regroupe-

ment familial prise pour l’applicationdu décret de 1984. Le Gisti en deman-dait l’annulation. Rejet, mais avec desconsidérants qui tendent à vider letexte de son venin. Ainsi, alors que ladisposition est manifestement impéra-tive : la nécessité de ressources stableset suffisantes « conduit à écarter » lesdemandes des travailleurs saisonniers,des étudiants, des titulaires d’une APT,des demandeurs d’emploi, le Conseild’État déclare que la circulaire n’a pasentendu édicter une exclusion de prin-cipe mais seulement rappeler que leursituation implique le plus souvent(etc.). Idem pour la disposition sur letravail à temps partiel ou sur les typesde logement (propriétaire ou locatairen’exclut pas le reste).

• Conseil d’État, 18 novembre 1987,Gisti, n° 65242, mentionné aux Tables

Recours contre une circulaire duministre des affaires sociales et de lasolidarité nationale du 8 octobre 1984relative aux autorisations provisoiresde travail délivrées aux étudiants :annulation de la circulaire en tantqu’elle réserve cette possibilité auxseuls étudiants ayant déjà effectué unepremière année d’études.

1988• Conseil d’État, 18 mars 1988,FTDA, Cimade et Gisti, n° 66807,publié au Lebon

Rejet du recours contre le décretdu 23 janvier 1985, modifiant et com-plétant le décret du 2 mai 1953 rela-tif à l’Ofpra et aux recours devant laCRR.

• Conseil d’État, 21 octobre 1988,ministre de l’intérieur c/Campopiano,n° 90239 (intervention Gisti)

Était contestée l’application ré-troactive de la loi Pasqua de 1986 sup-primant certaines protections en ma-tière d’expulsion. Le recours est re-jeté et le Conseil d’État confirmequ’un étranger peut être expulsémême si au moment de sa condam-nation il était non expulsable au re-gard de la législation en vigueur dèslors que l’expulsion n’est pas unesanction mais une mesure de police.

1989• Conseil d’État, 27 octobre 1989,Gisti, n° 84684

Recours contre la circulaire du mi-nistre de l’intérieur du 17 septembre1986 prise pour l’application de la loi

Pasqua énonçant que la délivrance dela carte de résident de plein droit sup-pose d’être en situation régulière de sé-jour. Rejet. Dans l’intervalle, la loi Joxeest intervenue pour supprimer expres-sément cette condition.

1990• Conseil d’État, 9 février 1990,ministre de l’intérieur c/M. Hocine etGisti, n° 94761

Même solution que Campopiano(voir supra)

• Conseil d’État, Assemblée, 29 juin1990, Gisti, n° 78519, publié au Lebon

À la suite de l’entrée en vigueur del’avenant à l’accord franco-algériendu 22 décembre 1985, une circulaireconjointe du ministre de l’intérieur etdu ministre des affaires sociales da-tée du 14 mars 1986 était venue enexpliciter les termes. Le Gisti contes-tait plusieurs dispositions de cette cir-culaire, estimant qu’elles reposaientsur une interprétation inexacte del’accord franco-algérien.

La raison pour laquelle l’arrêtrendu dans cette affaire a acquis le sta-tut de « grand arrêt » résulte de ce qu’ila fourni l’occasion d’un revirement im-portant de jurisprudence concernantle pouvoir d’interpréter les conven-tions. Dans l’espèce en question, la ju-risprudence traditionnelle auraitabouti à des conséquences particuliè-rement choquantes, puisque ce que leGisti contestait, c’était précisémentl’interprétation de l’accord telle qu’elleressortait de la circulaire attaquée : onaurait en somme demandé au minis-tre des affaires étrangères de trancherentre la thèse de ses collègues de l’in-térieur et des affaires sociales et la thèsedu Gisti. L’occasion était donc parti-culièrement bien trouvée pour aban-donner une jurisprudence contestée detoutes parts, et qui a d’ailleurs été con-damnée, peu après, par la Cour euro-péenne des droits de l’homme commecontraire à l’article 6-1 de la CEDH etau droit à un procès équitable.

Se reconnaissant ainsi le pouvoird’interpréter l’avenant à l’accordfranco-algérien, le Conseil d’État,comme on pouvait s’y attendre, a faitde ce nouveau pouvoir une utilisationtrès prudente, qui l’a conduit à enté-riner sur presque tous les points celledes auteurs de la circulaire. Le seulpoint sur lequel le Gisti a obtenu sa-tisfaction concerne les étudiants, pourlesquels le Conseil d’État a estimé que

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les accords d’Evian de 1962 conser-vaient leur validité et qu’ils pouvaientdonc travailler, parallèlement à leursétudes, sans avoir à demander d’auto-risation de travail.

• Conseil d’État, 7 novembre 1990,ministre de l’intérieur c/M. Harrou,n° 95346 (intervention Gisti)

Même solution que Hocine etCampopiano (voir supra).

1991• Conseil d’État, 23 janvier 1991, Gisti,n° 115876, mentionné aux Tables

Recours contre le rejet implicited’un recours gracieux dirigé contre lacirculaire du 2 août 1989 prise pourl’application de la loi du 2 août 1989relative aux conditions d’entrée et deséjour des étrangers en France. Annu-lation d’une seule disposition : celle quientendait appliquer aux ressortissantstunisiens attributaires de plein droit dela carte de résident la condition de ré-gularité de leur situation au momentdu dépôt de leur demande. Mais le mi-nistre de l’intérieur avait déjà reconnul’illégalité de cette disposition dans untélex du 27 février 1990.

1992• Conseil d’État, 22 mai 1992, Gisti,n° 87043, mentionné aux Tables

À la suite des attentats du mois deseptembre 1986, le gouvernementavait pris la décision de rétablir pourla plupart des pays l’obligation du visad’entrée en France. Dans une circu-laire non publiée du 28 novembre1986, le ministre de l’intérieur récapi-tulait à l’intention des préfets les dis-positions applicables en la matière.Parmi celles-ci figurait l’institutiond’un visa préfectoral que devaient de-mander les étrangers résidant enFrance pour leurs déplacements horsde France, pour pouvoir sortir du ter-ritoire et y revenir. Ces visas de sortieet retour, qui équivalaient à subordon-ner à autorisation le droit de quitterle territoire français, portaient une at-teinte grave au droit qu’a toute per-sonne de quitter tout pays, reconnutant par le Pacte sur les droits civils etpolitiques que par le Protocole à laConvention européenne des droits del’homme. Mais ils n’avaient de surcroîtpas l’ombre d’une base légale. C’estce que le Conseil d’État n’a eu aucunepeine à constater, comme le montre labrièveté de l’arrêt (et celle des con-clusions). Là encore, on peut regret-

ter qu’il ait fallu six ans au Conseild’État pour trancher une questionaussi simple…

Le combat ne s’est pas arrêté là, carl’administration a continué à exiger età délivrer, sinon des visas de sortie, dumoins des visas de retour, en interpré-tant l’arrêt du Conseil d’État commeayant déclaré illégale la seule exigencedu visa de sortie et en faisant valoirque le visa de retour était un substitutdu visa consulaire dont l’intéressé,même titulaire d’une carte de séjour,devrait être en tout état de cause munipour revenir sur le territoire français.Il a donc fallu saisir à nouveau le Con-seil d’État de cette question, par lebiais d’un recours contre la circulairedu 8 février 1994 prise pour l’appli-cation de la loi du 24 août 1993, quientérinait la pratique des visas de re-tour : le Conseil d’État a réaffirmé l’il-légalité des visas de retour dans unarrêt du 21 avril 1997.

• Conseil d’État, 23 septembre 1992,Gisti et Mrap, n° 120437, 120737,publié au Lebon.

À la suite de la guerre du Golfe, leministre de l’Éducation nationale aadressé aux présidents et directeursdes établissements d’enseignement su-périeurs, le 24 septembre 1990, unecirculaire leur enjoignant de suspen-dre les stages des élèves irakiens encours, de suspendre le versement desbouses d’études aux étudiants irakiens,de refuser l’inscription des étudiantspour l’année universitaire 1991-91 etd’annuler les inscriptions déjà effec-tuées, en exceptant les demandeursd’asile et les réfugiés.

Cette circulaire était particulière-ment détestable, puisqu’elle revenaità rendre collectivement responsablesde la politique de Sadam Hussein età prendre en somme en otages l’en-semble des ressortissants irakiens. Ilétait également aisé de constater lepeu de crédibilité du motif invoqué,à savoir une résolution prise par lespays de la Communauté européennedu 4 août 1990 de suspendre toutecoopération scientifique et techniqueavec l’Irak. Les protestations que lacirculaire a suscitées lorsqu’elle estsortie de sa clandestinité ont fini parconvaincre les autorités qu’il y avaitlà pour le moins une « bavure », etmoins d’un mois plus tard, le 18 oc-tobre 1990, une autre circulaire ve-nait annuler la précédente.

Mais le Gisti et le Mrap n’ont pasrenoncé au recours qu’ils avaient dé-posé dès le 15 octobre, car au-delà de

l’indignation qu’elle suscitait, la cir-culaire était également entachée d’il-légalités multiples : d’abord, le minis-tre, compte tenu du principe del’autonomie des universités, n’avaitpas le pouvoir d’adresser des injonc-tions à leurs présidents ; ensuite, lesdispositions de la circulaire reve-naient à introduire dans le traitementdes étudiants étrangers une discrimi-nation fondée sur la nationalité, tota-lement arbitraire, et dont on pouvaitsoutenir avec quelque vraisemblancequ’elle tombait sous le coup de la loipénale.

L’illégalité de la circulaire ne sem-blait faire aucun doute aux yeux ducommissaire du gouvernement, quiproposait toutefois de prononcer unnon-lieu à statuer au motif que la re-quête était devenue sans objet, puis-que la circulaire avait été abrogée sansavoir eu le temps de s’appliquer. LeConseil d’État ne l’a pas suivi et s’estdéclaré incompétent pour statuer surle litige, estimant que la circulaire con-testée se rattachait à la conduite desrelations diplomatiques de la France,autrement dit qu’elle constituait un« acte de gouvernement », échappantde ce fait au contrôle du juge. Échap-patoire peu glorieuse, et motivationpeu crédible, la rapidité avec laquellele ministre avait changé d’avis mon-trant bien que les contraintes inter-nationales prétextées n’avaient peséque de peu de poids sur ses décisions.

1993• Conseil d’État, 28 juillet 1993, Gisti,n° 88727, n° 88728, n° 90961

1/ Recours contre le décret du27 avril 1987, pris pour l’applicationde l’article L. 512 du code de la sécu-rité sociale, relatif au titre de séjourexigé des étrangers pour bénéficierdes allocations familiales. Rejet.

2/ Recours contre la circulaire duministre des affaires sociales du 5 fé-vrier 1986, relative à l’octroi des allo-cations familiales aux familles des tra-vailleurs ressortissants de la cee, pres-crivant aux services de ne pas tenircompte de l’arrêt Pinna du 15 janvier1986 de la CJCE, qui invalidait l’arti-cle 73 §1 du règlement du conseil descommunautés européennes « en tantqu’il exclut l’octroi de prestations fa-miliales françaises aux travailleurssoumis à la législation française, pourles membres de leur famille qui rési-dent sur le territoire d’un autre Étatmembre ». Mais selon le Conseild’État, en demandant aux services de

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« continuer à rembourser les institu-tions des autres États membres dumontant des allocations servies dansles conditions antérieurement déter-minées, le ministre des affaires socia-les et de la solidarité nationale n’a prisaucune mesure de caractère régle-mentaire susceptible d’être déférée aujuge de l’excès de pouvoir ». La re-quête du Gisti est rejetée.

3/ Recours contre la circulaire duministre délégué auprès du ministredes affaires sociales et de l’emploi du26 juin 1987, relative aux titres de sé-jour et pièces justificatives exigiblesen vertu de l’article L 512-2 du codede la sécurité sociale pour le bénéficedes prestations familiales, prise enapplication du décret du 27 avril1987. Rejet.

1994• Conseil d’État, 9 février 1994, Gistiet Association Intercapa, n° 134334,134638, mentionné aux Tables

Recours contre le décret du 24 dé-cembre 1991, pris pour l’applicationde l’article 9 de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 modifiée instituant undocument de circulation pour étran-ger mineur. Annulation partielle dudécret qui, d’une part, ajoutait unecondition supplémentaire de rési-dence d’au moins six années à la sim-ple condition prévue par la loi d’êtreentré en France avant l’âge de dix ans,et qui d’autre part prétendait limiterla validité du document de circulationdu mineur à celle du titre de séjourde ses parents.

• Tribunal des Conflits, 24 avril 1994,Dulangi et Gisti, n° 02920, publié auLebon

Le Gisti avait assigné en référé lepréfet devant le TGI pour réclamerune expertise sur les conditions de larétention, du 26 octobre au 2 novem-bre 1993, dans des locaux dépendantde la préfecture de police, de M.Dulangi, afin de compléter le constatd’urgence qu’il avait obtenu du pré-sident du tribunal administratif deParis en date du 29 octobre 1993, etpour demander au juge de faire ces-ser la voie de fait que constitue uneatteinte à la liberté individuelle dansdes conditions non conformes à la loi.Le préfet élève le conflit. Pour le TC,le juge judiciaire est incompétent caril n’y a ni voie de fait (car la rétentiona une base légale) ni atteinte à la li-berté individuelle au sens de l’ancienarticle 114 du code pénal.

• Conseil d’État, 10 juin 1994,FNATH et autres, n° 130300 (inter-vention du Gisti)

Le Gisti était intervenu à l’appuidu recours intenté par la Fédérationnationale des accidentés du travail etd’autres organisations contre le décretdu 3 septembre 1991 concernant letableau des maladies professionnel-les. Annulation du décret « en tantque ce tableau ne mentionne le can-cer broncho-pulmonaire primitif ques’il est reconnu en relation avec lesgoudrons de houille, les huiles dehouille, les brais de houille et les suiesde combustion du charbon ».

• Conseil d’État, 28 octobre 1994,Gisti, n° 142120

Dans la suite logique de l’arrêt du9 février, le Conseil d’État annule,dans la circulaire du 31 décembre1991, les dispositions reprenant lesdispositions annulées dans le décretdu 24 décembre 1991, relatif au do-cument de circulation pour les étran-gers mineurs.

1995• Cour de cassation, 2e chambre civile,28 juin 1995, M. Bechta, n° 94-50002,publié au Bulletin (intervention duGisti – jugée irrecevable)

Il appartient au juge judiciaire,lorsqu’il est saisi en application del’article 35 bis de l’ordonnance du2 novembre 1945 pour prolonger larétention d’un étranger, de se pronon-cer, comme gardien de la liberté indi-viduelle, sur l’irrégularité de l’inter-pellation et, si l’interpellation a été ir-régulière, de refuser la prolongationde la rétention.

1996• Conseil d’État, du 19 janvier 1996,Zongbo, n° 151959 (intervention Gisti)

Intervention dans une affaireZongbo c/consul de France à Banguiconcernant un refus de visa pour unregroupement familial qui avait reçul’accord du préfet du Rhône. Le Gisti,dont l’intervention est admise, soute-nait que le consul avait com-pétenceliée pour accorder les visas dès lorsque l’autorisation du regroupementfamilial avait été délivrée et qu’il n’ap-partenait pas à une autre autorité d’ymettre obstacle ou de statuer aux lieuet place du préfet. Le refus de visasest annulé pour erreur manifeste d’ap-préciation.

• Conseil d’État, 31 juillet 1996, M. etMme Ajili, n° 137815 (interventionGisti)

Intervention dans une affaire op-posant les époux Ajili au consul deFrance à Tunis concernant un refusde délivrance de visa pour un Tuni-sien, conjoint de Française. Quelquessemaines après l’assignation, l’inté-ressé avait obtenu son visa. Le Con-seil d’État, jugeant recevable l’inter-vention du Gisti, annule le refus devisa pour atteinte à la vie familiale.

• Conseil d’État, 9 décembre 1996,Gisti, n° 163044

Recours contre le décret du21 septembre 1994 relatif aux moda-lités d’application du code de la sé-curité sociale aux ressortissants desÉtats membres de la Communautéeuropéenne et aux membres de leurfamille. Tout en rejetant la requête duGisti, le Conseil rappelle que le droità la prolongation des prestations desassurances maladie, maternité, inva-lidité et décès est maintenu ainsi quele caractère acquis des droits à pres-tations ouverts à toute personne denationalité étrangère à raison des co-tisations versées avant l’entrée en vi-gueur de la loi du 24 août 1993.

1997• Conseil d’État, 21 avril 1997, Gisti,n° 158919

Était ici attaquée la circulaire duministre de l’intérieur du 8 février1994 prise pour l’application des loisPasqua des 24 août et 30 décembre1993. Trois dispositions étaient viséespar ce recours : la première, à proposde la reconduite à la frontière, évo-quait l’hypothèse – non prévue par laloi – d’un retrait de titre de séjourpour motif d’ordre public (non prévupar la loi) ; la seconde prévoyait lapossibilité pour les préfets d’assignerà résidence des étrangers en instancede reconduite à la frontière ; la troi-sième concernait les visas préfecto-raux de retour, entérinant ainsi unepratique pourtant censurée par leConseil d’État.

Le Conseil d’État n’annule pas lapremière disposition attaquée, rela-tive à la possibilité de retrait ou derefus du titre de séjour, au motif quecette mesure ne peut intervenir « quelorsque le titre a été délivré par er-reur, alors que l’étranger faisait l’ob-jet d’un signalement (sic!) qui auraitdû conduire à lui refuser le titre de-

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mandé ». Ce qui revient à entérinerimplicitement les dispositions qui ontété adoptées dans l’espace Schengen(fichier). Mais il limite la portée de ladécision attaquée, estimant que le re-trait d’un titre de séjour pour motifd’ordre public ne saurait intervenirque lorsque le titre a été délivré parerreur, alors que l’étranger faisait l’ob-jet d’un signalement qui aurait dûconduire à lui refuser le titre de-mandé : autrement dit, lorsqu’il figu-rait dans le Système informationSchengen (SIS).

En revanche, le Conseil d’État faitdroit au recours sur les deux autrespoints, en refusant aux préfets la pos-sibilité d’assigner à résidence desétrangers en instance de reconduite àla frontière, et en confirmant l’incom-pétence du ministre de l’intérieurpour mettre en place des « visas deretour ».

• Conseil d’État, 23 avril 1997, Gisti,n° 163043, publié au Lebon

À la suite de la loi Pasqua du24 août 1993 qui subordonnait le bé-néfice de la sécurité sociale à la régu-larité du séjour, le décret du 21 sep-tembre 1994 est venu fixer la liste destitres et documents attestant de la ré-gularité du séjour et du travail desétrangers en France en vue de l’affi-liation à un régime de Sécurité sociale.

Ce décret était certes conforme àla loi en application de laquelle il avaitété pris. Mais le Gisti entendait dé-montrer que le fait de subordonner àla régularité du séjour l’affiliation à lasécurité sociale était contraire à plu-sieurs conventions internationales.Dès lors, il revenait au juge, confor-mément à une jurisprudence désor-mais bien établie, d’écarter la loi in-compatible avec la convention et defaire prévaloir cette dernière, ce quil’aurait amené à annuler le décret,même conforme aux dispositions lé-gislatives.

L’importance de l’arrêt résidedans la réponse qu’il donne à la ques-tion des effets de la Convention in-ternationale sur les droits de l’enfant,et en particulier de ses articles 24-1,26-1 et 27-1 qui sont relatifs auxdroits de l’enfant dans le domaine dela protection sociale, et que le Gistiinvoquait à l’appui de son recours.Le Conseil d’État estime que ces ar-ticles imposent seulement des obli-gations aux États et que, ne produi-sant pas d’effets directs à l’égard desparticuliers, ils ne peuvent être invo-qués à l’appui d’un recours. Ce fai-

sant, il ne retient pas la suggestiondu commissaire du gouvernement,qui consistait à distinguer l’hypothèsed’un recours contre un acte indivi-duel (le refus d’une prestation parexemple) et celle d’un recours con-tre un acte réglementaire (le décretattaqué par exemple). Il estimait pos-sible d’invoquer à l’appui du recourscontre un acte réglementairement lesdispositions d’une convention mêmedépourvues d’effet direct, ceci reve-nant à reconnaître que le gouverne-ment ne peut pas édicter de règle-ments contraires aux obligations qu’ila souscrites par le biais de conven-tions internationales.

Le Conseil d’État rejette parailleurs l’argument tiré de la conven-tion n° 118 de l’OIT du 28 juin 1962,qui prévoit l’égalité de traitement en-tre nationaux et étrangers pour lebénéfice des prestations, sans condi-tion de résidence, se bornant à cons-tater, de façon peu claire, qu’il n’y apas contradiction entre la fixationd’une liste de titres de séjour et lesdispositions de la Convention.

En revanche, sur les autres points,si le Conseil d’État semble rejeter lesuns après les autres les moyens soule-vés par le Gisti, c’est parce qu’ildonne du texte qui lui est soumis uneinterprétation qui le rend conformeaux principes que le Gisti entendaitvoir préserver. Ainsi, il déclare que ledécret réserve les droits des ressortis-sants ayant conclu des accords d’as-sociation ou de coopération avec lesCommunautés européennes, qui bé-néficient de l’égalité de traitementavec les ressortissants de l’Union (desorte que l’on ne pourra pas exigerd’eux un titre de séjour). Il reconnaît,en outre, que le décret attaqué ne faitpas obstacle au maintien des droitsprévus à l’article L. 161-8 du code desécurité sociale, ni aux droits à pres-tations à raison de cotisations verséesavant l’entrée en vigueur de la loi du24 août 1993. Par ailleurs, le Conseild’État estime que le décret réserve lesdroits des ressortissants ayant concludes accords d’association ou de coo-pération avec les communautés euro-péennes, qui bénéficient effective-ment de l’égalité de traitement avecles ressortissants de l’Union.

• Conseil d’État, 11 juin 1997, Gistiet FTDA, n° 157513, publié au Lebon

Annulation de l’arrêté du minis-tre de l’Intérieur du 27 janvier 1994relatif aux visas de sortie. La loiPasqua de 1993 donnait au ministre

de l’intérieur le pouvoir d’imposerpar arrêté à certaines catégoriesd’étrangers la possession d’un visa desortie pour quitter le territoire. Enconséquence, le même Pasqua avaitpris, le 27 janvier 1994, un arrêté quivisait 13 nationalités, y compris lesréfugiés statutaires et les apatridesoriginaires de ces pays. Le Gisti etFTDA ont attaqué cet arrêté. Le Con-seil d’État a fait droit à leur requêteen considérant qu’en visant les réfu-giés et apatrides l’arrêté violait laConvention de Genève.

Par la suite, d’ailleurs, l’arrêté enquestion a été abrogé le 17 octobre1997 et la loi Chevènement a sup-primé la disposition législative quidonnait la possibilité au ministre deprendre ce genre d’arrêté.

• Conseil d’État, 18 juin 1997, Gistiet FTDA, n° 162517, 162518, men-tionné aux Tables

Recours contre le décret du 2 sep-tembre 1994 relatif à la polygamie, quisuggère une application rétroactive dela loi Pasqua. Une nouvelle fois, leConseil d’État, en rejetant le recours,considère que, en matière de policedes étrangers, les lois et décrets nou-vellement publiés peuvent remettreen cause des situations acquises. Dansle cas d’espèce, les titulaires de cartesde résidents (renouvelables de pleindroit) qui, au moment du renouvelle-ment de leur titre vivent en état depolygamie et ne peuvent donc pro-duire la déclaration sur l’honneur pré-vue par le décret risquent de voir l’ad-ministration leur refuser le renouvel-lement de leur carte de résident...

• Conseil d’État, 4 juillet 1997,Bourezak, n° 156298, publié au Le-bon (intervention du Gisti)

Intervention dans l’affaire Bourezakconcernant un refus de délivrance devisa malgré l’acceptation préfectoraledu regroupement familial. La décisionpar laquelle le ministre des affairesétrangères a confirmé le refus du con-sul général de France à Alger de déli-vrer un visa à M. Bourezak est annu-lée ; il est enjoint à l’autorité compé-tente de délivrer un visa à l’intéressé.

• Conseil d’État, 3 octobre 1997, Gisti,n° 170174, publié au Lebon

Recours contre l’arrêté interminis-tériel du 6 avril 1995, pris conjointe-ment par le ministre des affaires so-ciales, le ministre de l’intérieur, le mi-nistre de l’aménagement du territoire,le ministre du budget, le ministre de

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l’enseignement supérieur, fixant lesmodalités d’application du décret du11 mars 1994, qui transpose les direc-tives du Conseil des Communautéseuropéennes du 28 juin 1990 et du29 octobre 1993 sur le droit au séjour.Le Conseil d’État annule les articles4 et 5 de l’arrêté comme posant desconditions qui n’étaient pas prévuespar le décret, à savoir les restrictionsconcernant l’appréciation des res-sources du demandeur au moment durenouvellement de son titre de séjour,et l’exigence de l’attestation d’une af-filiation à un régime d’assurance ma-ladie-maternité pendant toute la du-rée du séjour en France.

1998• Conseil d’État, 14 janvier 1998, Gistiet FTDA, n° 174219, 174220, 176805,mentionné aux Tables

Recours contre trois circulaires re-latives à l’application des dispositionsde la loi du 24 août 1993 (loi Pasqua)et de ses décrets d’application con-cernant la protection sociale : – la cir-culaire du 17 février 1995 du minis-tre des Affaires sociales, de la Santéet de la Ville ; – la circulaire du 12 mai1995 du directeur de la Caisse natio-nale de l’assurance maladie des tra-vailleurs salariés (Cnam) portantcommunication de la circulaire du17 février 1995 ; – la circulaire du19 octobre 1995 du directeur de laCnam ayant pour objet de répondreaux questions posées par les caissesprimaires (CPAM) sur l’applicationde la loi.

Le Conseil d’État annule partiel-lement ces circulaires, et notamment :– les dispositions qui limitent à cer-taines hypothèses le maintien desdroits à l’assurance maladie, mater-nité et décès des personnes de natio-nalité étrangère ne remplissant pas lacondition de régularité du séjour ; –celles qui subordonnent à l’exerciced’une action contentieuse l’octroi del’allocation aux adultes handicapésaux ressortissants des pays ayant passédes accords de coopération avec laCommunauté européenne, alorsqu’ils y ont droit sur le fondement deces accords.

• Conseil d’État, 18 février 1998,FTDA, Cimade, Gisti, Médecins sansfrontières et ELENA-France, n° 187696

Recours contre le décret du14 mars 1997 relatif à l’Ofpra, qui in-dique que le demandeur d’asile nepeut déposer une demande de réou-

verture de son dossier auprès de l’Of-fice qu’après avoir obtenu du préfetune nouvelle admission au séjour. LeConseil d’État rejette le recours enconsidérant que le décret attaquén’ajoute pas à la loi du 25 juillet 1952et n’empiète pas sur une matière ré-servée au législateur. Selon lui, il n’apas pour effet de priver la personnequi présente une nouvelle demanded’asile en invoquant des élémentsnouveaux de son droit au maintiensur le territoire jusqu’à la notificationde la décision de l’Ofpra et que cettepersonne se trouve, au regard du droitau séjour, dans la même situation quecelle qui forme pour la première foisune demande d’asile.

• Conseil d’État, 27 mai 1998, Gisti,n° 170175, mentionné aux Tables

Recours contre la circulaire duministre de l’intérieur du 7 juin 1994prise pour l’application du décret du11 mars 1994 sur le séjour des ressor-tissants communautaires en France.Le recours est rejeté, bien que le com-missaire du gouvernement ait concluà une annulation partielle. Le Con-seil d’État a estimé qu’aucune des dis-positions de la circulaire n’avait uncaractère réglementaire et que le mi-nistre s’était borné à commenter ou àinterpréter les termes du décret. Il aaussi jugé, de façon particulièrementcontestable, qu’en prévoyant la pos-sibilité de reconduire à la frontière unressortissant d’un État membre la cir-culaire n’était pas en contradictionavec le droit communautaire.

• Conseil d’État, 30 septembre 1998,Gisti, n° 164286 et 164287 (2 arrêts),mentionné aux Tables

Recours contre le décret du 7 no-vembre 1994 et la circulaire du mi-nistre des affaires sociales de la mêmedate, concernant le regroupement fa-milial. Le Conseil d’État rejette le re-cours contre le décret, considérantqu’il ne crée pas d’obstacle supplé-mentaire au regroupement familial nin’aggrave la condition de ressourcesstables et suffisantes prévue par l’ar-ticle 29 de l’ordonnance du 2 novem-bre 1945. En revanche, il annule troisdispositions de la circulaire d’appli-cation qui soit ajoutent au décret etsont donc entachées d’incompétence,soit contredisent le décret :

– celle qui énonce que l’adminis-tration devra rejeter une demande deregroupement familial présentée pardes étudiants du fait de la précaritéde leurs conditions de travail ;

– celle qui fixe les conditions quedoivent remplir les personnes qui sol-licitent le regroupement familial à ti-tre dérogatoire, lorsqu’elles ne répon-dent pas aux conditions légales leurdonnant droit à l’obtenir ;

– celle qui, dans l’annexe 3 rela-tive aux conditions de surface exigées,impose une surface de cinq mètrescarrés par personne supplémentaireau-delà de huit personnes présentesdans le logement.

1999• Cour administrative d’appel de Paris,8 avril 1999, Gisti

Rejet du recours contre une notede service du directeur général de laCPAM de Paris excluant les enfantsd’étrangers entrés en France hors re-groupement familial du bénéfice del’assurance maladie. La Cour con-damne de plus le Gisti à verser à laCPAM une somme de 10.000 F au ti-tre de l’article L. 8-1 du code des TAet CAA (correspondant au rembour-sement des frais d’avocat) : cette con-damnation inattendue est inquiétantepour l’avenir, car elle pourrait signi-fier que désormais, à chaque fois quele Gisti fait un recours, il prend le ris-que d’être condamné, en cas d’insuc-cès, à payer les frais d’avocat de la par-tie défenderesse, y compris lorsquel’acte attaqué émane d’une autoritéétatique (décret, arrêté, circulaire…).

2000• Conseil d’État, 26 janvier 2000,Gisti, Amnesty, FTDA, n° 201020,202537, mentionné aux Tables

Une des innovations de la « loiChevènement » du 12 mai 1998 étaitd’officialiser, en lui donnant une baselégale, l’asile dit « territorial ». Quel-ques jours après la promulgation de laloi, une circulaire conjointe du minis-tre de l’intérieur et du ministre des af-faires étrangères du 25 juin 1998, ve-nait en restreindre le champ d’appli-cation. Plusieurs dispositions de cettecirculaire étaient contestables et con-testées, et le Conseil d’État a admis lebien-fondé des critiques adressées autexte sur les points les plus importants.Le Conseil d’État censure l’interpré-tation restrictive du champ d’applica-tion de l’asile territorial limité aux seulsétrangers faisant état de menaces éma-nant de personnes ou de groupes dis-tincts des autorités de leur pays. Il an-nule aussi la disposition qui prévoyait

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que le demandeur devait supporter lesfrais éventuels d’interprétariat.

• Conseil d’État, 20 mars 2000, Gisti,n° 205266, publié au Lebon

Annulation du refus implicite duministre de l’emploi et de la solidaritéet du ministre du budget d’abroger unarrêté du 17 mars 1997 fixant le mon-tant de la redevance à verser à l’Omi àl’occasion de l’examen médical subipar les étrangers demandant un titrede séjour. Lorsqu’un étranger sollicitepour la première fois la délivrance d’untitre de séjour, il doit passer une visitemédicale organisée par l’Omi, qui per-çoit à cette occasion une somme, com-munément appelée « redevance ». Lemontant de cette redevance avait étésévèrement critiqué par la Cour descomptes qui, dans son rapport annuelrendu public en novembre 1997, cons-tatait que le niveau de cette redevanceétait très supérieur au service rendu.Le Gisti a alors demandé aux minis-tres concernés d’abroger l’arrêté du17 mars 1997 fixant le montant de laredevance Omi, puis, en l’absence deréponse de leur part, a déféré au Con-seil d’État leur refus implicite d’abro-ger le texte critiqué.

Le Conseil d’État a donné raisonau Gisti : sans même examiner l’ar-gument tiré de la disproportion en-tre le montant de la somme réclaméeet le service rendu, il a estimé que,s’agissant d’un contrôle institué dansle but de protéger la santé publique,il n’était pas possible de le soumettreà une quelconque redevance, laquelleétait donc dépourvue de toute baselégale, ce qui signifie que la visitemédicale devait être gratuite.

• Conseil d’État, 30 juin 2000, Gisti,n° 199336, publié au Lebon

Annulation partielle de la circulaireChevènement du 12 mai 1998 prisepour l’application de la loi du 11 mai1998 relative à l’entrée et au séjour desétrangers en France. Sont notammentannulées : la disposition qui, pour l’ap-plication de l’article 12 bis 7°, subor-donne à la présence d’enfants com-muns la reconnaissance de l’effectivitéde la vie familiale entre concubins ;celle qui exige de l’étranger né enFrance et y ayant effectué la plusgrande part de sa scolarité qu’il justifiede son séjour en France mois par mois.

• Tribunal administratif de Paris,6 juillet 2000, Gisti

Rejet du recours formé contre lerefus du ministère des affaires étran-

gères de communiquer au Gisti les té-légrammes diplomatiques de mai etjuin 1998 relatifs aux conditions dedélivrance des visas aux chercheurset artistes interprètes. Confirmationpar la CAA de Paris le 5 juillet 2001,puis par le Conseil d’État qui rejettele recours en cassation en 2002.

• Tribunal administratif de Paris,13 octobre 2000, Gisti

Rejet du recours dirigé contre lerefus du ministre de l’intérieur de luicommuniquer les quatre « fichestechniques » annexées à la circulairedu 11 octobre 1999 sur l’éloignementdes étrangers en situation irrégulière.Ces fiches portaient sur les interpel-lations, l’identification des étrangers,la rétention des étrangers à éloigner,l’exécution des mesures d’éloigne-ment. Le tribunal a donné raison auministre qui alléguait l’atteinte au se-cret des délibérations du gouverne-ment et l’atteinte à la sécurité publi-que qui auraient résulté de la com-munication de ces fiches.

• Conseil d’État, 6 novembre 2000,Gisti, n° 204784, mentionné aux Ta-bles

Recours contre le décret du 22 dé-cembre 1998 relatif aux titres et do-cuments attestant de la régularité duséjour et du travail des étrangers enFrance pour être affiliés à un régimede sécurité sociale. Rejet de tous lesarguments tirés des conventions in-ternationales : OIT, convention deGenève, Convention relative auxdroits de l’enfant, Pidesc, art. 14CEDH.

• Conseil d’État, 29 décembre 2000,Gisti, n° 210231, publié au Lebon

Recours contre le décret du 5 mai1999 modifiant le décret du 30 juin1946 réglementant les conditionsd’entrée et de séjour en France desétrangers. Le Gisti contestait notam-ment le fait que les étrangers dont lacarte porte la mention « travailleurtemporaire » n’ont pas accès auxprestations d’assurance chômage.Rejet.

2001• Conseil d’État, ordonnance de référé,12 janvier 2001, Mme Hyacinthe,n° 229039, publié au Lebon (inter-vention Gisti)

Le Gisti était intervenu aux côtésde la requérante. Le Conseil d’État ajugé que l’impossibilité pour l’intéres-

sée, du fait du comportement de lapréfecture de Seine-Saint-Denis, dedemander l’admission au séjour au ti-tre de l’asile portait une atteinte graveet manifestement illégale à la sauve-garde d’une liberté fondamentale.

• Tribunal administratif de Paris,2 février 2001

Annulation du refus du ministre del’intérieur de communiquer au Gistile rapport Darcy-Bondaz concernantl’organisation des services des étran-gers dans les préfectures : ce n’est pasun document préparatoire et sa divul-gation ne porterait pas atteinte au se-cret des délibérations du gouverne-ment. Confirmation par CAA Paris du6 décembre 2001. Mais l’arrêt seracassé en 2003 par le Conseil d’État.

• Conseil d’État, 27 juin 2001, Gisti,LDH, AMPSR, Syndicat Médical Plus,n° 223571, mentionné aux Tables

Annulation de deux arrêtés duministre de l’emploi et de la solida-rité du 22 mai 2000 relatifs à l’orga-nisation des épreuves nationales d’ap-titude à la fonction de praticien ad-joint contractuel. Cet arrêté posaitpour l’accès à cette fonction, des con-ditions supplémentaires, non prévuespar la loi du 27 juillet 1999.

• Conseil d’État, 14 décembre 2001,Gisti et Sud-étudiants, n° 229229,publié au Lebon

Recours contre une circulaire con-jointe des ministres de l’éducationnationale et de l’intérieur du 12 mai2000. Cette circulaire prévoyait lapossibilité pour les préfets de passerdes conventions avec les universitéspermettant d’organiser au sein de cel-les-ci les formalités de dépôt des de-mandes de titres de séjour. L’annula-tion est motivée par le fait que la pro-cédure prévue était contraire à l’arti-cle 3 du décret du 30 juin 1946, quiexige que les étrangers se présententpersonnellement à la préfecture, à lasous-préfecture ou, le cas échéant, aucommissariat ou à la mairie de leurlieu de résidence pour présenter leurdemande de carte de séjour. (Désor-mais prévu par le décret modifié)

2002• Conseil d’État, 13 février 2002, MmeGbamou et Gisti, n° 215216, 220905

Rejet du recours contre la circu-laire du 11 octobre 1999 du ministrede l’intérieur relative à l’éloignementdes étrangers en situation irrégulière.

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Le Gisti contestait les dispositions dela circulaire concernant les modalitésd’interpellation des étrangers, parcequ’elles n’étaient pas conformes auxdispositions légales régissant les con-trôles d’identité et incitaient à descontrôles sélectifs. Le Conseil d’Étatestime pour sa part que ces instruc-tions se bornaient à définir des orien-tations générales et n’ont donc pas deportée réglementaire.

• Conseil d’État, 20 mars 2002, Gisti

Rejet du recours en cassationformé contre un arrêt de la cour ad-ministrative d’appel de Paris du5 juillet 2001 confirmant le refus duministère des affaires étrangères decommuniquer le télégramme relatif àla délivrance de visas aux chercheurset artistes étrangers.

• Conseil d’État, 10 avril 2002, Gisti,n° 227746, mentionné aux Tables

Rejet du recours contre le refusd’abroger l’arrêté fixant le montantde la redevance due à l’Omi pour leregroupement familial, dans la me-sure où elle est la contrepartie d’unservice rendu (introduction et accueildes familles) et où son montant, fixéà 1750 F pour l’ensemble de la famille,et 1050 F pour les réfugiés, n’est pasdisproportionné.

• Conseil d’État, 15 mai 2002, Gisti,LDH, AMPSR, Syndicat Médical,n° 229842

Recours contre l’annexe à l’arrêtédu ministre de l’Emploi et de la soli-darité et du secrétaire d’État à la santédu 24 novembre 2000 autorisantl’ouverture de la session pour 2001des épreuves nationales d’aptitude àla fonction de praticien adjoint con-tractuel (PAC). Annulation, dans leprolongement logique de l’arrêt du27 juin 2001.

• Conseil d’État, 29 juillet 2002, Gisti,Femmes de la Terre, LDH, n° 231158,mentionné aux Tables

Recours contre la circulaire du10 décembre 1999 relative au Pacs. LeConseil d’État annule deux disposi-tions : – celle qui établit une discrimi-nation, en ce qui concerne l’exigenced’ancienneté de la communauté devie, selon que le Pacs a été passé avecun Français ou un ressortissant de laCommunauté européenne (trois ans)ou un étranger extracommunautaires(cinq ans) ; – celle qui exclut les étran-gers pacsés avec un étranger ayant lestatut étudiant du champ d’applica-tion de la loi.

• Conseil d’État, 6 décembre 2002,Gisti, LDH, Asav, n° 223570

Recours contre la circulaire duministre de l’intérieur du 3 août 1999relative à la production d’attestationsdélivrées par les organismes d’accueilaux gens du voyage en vue de l’ob-tention de certains droits. Cette cir-culaire exclut les gens du voyage dela possibilité offerte aux personnessans domicile fixe, par la loi du29 juillet 1998 sur la lutte contre lesexclusions, de se domicilier auprèsd’une association, notamment pour ladélivrance d’une carte d’identité,l’inscription sur les listes électorales,ou le bénéfice du RMI. Le Conseild’État considère que la circulaires’était bornée à interpréter la loi etn’édicte aucune règle nouvelle.

2003• Conseil d’État, 7 février 2003, Gisti,n° 243634, publié au Lebon

Annulation du refus implicited’abroger le décret-loi du 1939 sur lespublications étrangères, à la suite del’arrêt Ekin de la CEDH. Le Conseild’État enjoint au Premier ministred’abroger le décret-loi du 6 mai 1939.L’injonction n’ayant pas été suivied’effet, au bout de six mois, le Gisti asaisi à nouveau le Conseil d’État, surle fondement de l’article R. 931-3 ducode de justice administrative, pourqu’il prononce une astreinte à lacharge du Premier ministre. Le jugea tardé à inscrire cette affaire au rôle,laissant ainsi une chance au gouver-nement d’échapper à une condamna-tion. C’est le 4 octobre 2004 qu’estenfin intervenue l’abrogation.

• Conseil d’État, 2 avril 2003, Gisti,n° 248889, mentionné aux Tables

Annulation des dispositions d’unecirculaire de la CNAF du 11 janvier2002 restreignant l’accès au RMI. Àla suite de ce recours, sans même at-tendre la décision du Conseil d’État,une nouvelle circulaire Cnaf du 30 dé-cembre 2002 était intervenue, fixantune nouvelle liste de titres de séjourpour bénéficier des prestations fami-liales et logement, de l’AAH, du RMIet AVPF, et indiquant, à propos duRMI, que « la circulaire précédentelimitait par erreur [sic] la recevabi-lité (...) aux seules cartes portant lamention “salariée” ». Après l’inter-vention de l’arrêt du Conseil d’État,la Cnaf a adressé à ses services unetroisième circulaire, datée du 15 juilletet faisant état de cet arrêt pour en ti-

rer les conséquences : la chose est as-sez rare pour qu’on la relève.

• Conseil d’État, 9 juillet 2003, Gisti,n° 243246, mentionné aux Tables

Annulation, sur recours en cassationdu ministre de l’intérieur, de l’arrêt dela Cour administrative d’appel qui avaitdonné raison au Gisti dans l’affaire durapport Darcy. Le Conseil d’État con-sidère « qu’en raison de l’objet du rap-port [adopter des mesures relatives àl’organisation du service des étrangersdans les préfectures et à l’améliorationdu service rendu] et des propositionsqu’il comporte, il n’était pas séparabledu processus de décision qui devaitconduire à l’intervention de cette ré-forme » : il a par conséquent le carac-tère d’un document préparatoire à unedécision administrative et n’entre pasdans le champ de la loi du 17 juillet1978 sur le droit à la communicationdes documents administratifs.

• Conseil d’État, 30 juillet 2003, Anafé,Amnesty, Acat, Comede, Forum Réfu-giés, Gisti, LDH, MDM, Mrap,n° 247987, mentionné aux Tables

Demande d’annulation de la déci-sion implicite du Premier ministre re-fusant de modifier les dispositions dudécret du 19 mars 2001 et de l’arrêtédu 24 avril 2001 relatifs aux centreset locaux de rétention. Le juge enjointau Premier ministre de prendre lesmesures nécessaires pour permettreaux avocats et aux interprètes d’ac-céder à tout moment aux centres derétention et de prévoir l’installationd’un local permettant la confidentia-lité des échanges et équipé d’une li-gne téléphonique.

• Conseil d’État, 22 octobre 2003,Gisti et LDH, n° 248237

Demande d’annulation du refus duPremier ministre d’abroger une dispo-sition réservant le bénéfice de la carte« famille nombreuse » de la SNCF auxFrançais. Le Conseil d’État rejette larequête en se fondant sur la nature lé-gislative de la disposition.

• Conseil d’État, 3 novembre 2003,Gisti, n° 244045, mentionné aux Tables

Rejet de la demande d’abrogationde plusieurs textes qui aboutissent àexclure les étudiants étrangers élèvesà l’ENS du statut de fonctionnaire sta-giaire et de la rémunération qui lui estattachée. Le Conseil d’État estime queles règlements attaqués n’ont fait quese conformer aux dispositions légis-latives fixant le statut des fonction-naires ; il a toutefois annulé les dis-

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positions qui revenaient à exclure dela qualité de fonctionnaire stagiaire lesressortissants des États de l’Espaceéconomique européen non membresde la Communauté européenne…

• Conseil d’État, 17 décembre 2003,Gisti, n° 248238, mentionné aux Ta-bles

Annulation de la décision impli-cite par laquelle le Premier ministreavait refusé de faire droit à la de-mande du Gisti adressée le 10 janvier2002 et tendant à l’abrogation desdispositions qui réservent la médaillefamille française et les avantages quiy sont attachés aux familles dont lesparents et les enfants ont la nationa-lité française. Le Conseil d’État donnesatisfaction au Gisti, estimant qu’il ya là une distinction injustifiée entreles familles selon que les parents ontou non la nationalité française.

• Conseil d’État, 30 décembre 2003,Gisti, n° 248288, mentionné aux Ta-bles

Rejet de la demande d’annulationdes dispositions du décret du 3 mai2002 qui, dérogeant à la règle des deuxmois posée par la loi du 15 avril 2000relative aux droits des citoyens dansleurs relations avec les administrations,portent à quatre mois le délai faisantnaître une décision implicite de rejeten matière de titres de séjour. Le Con-seil d’État n’a pas retenu l’argumenta-tion du Gisti, qui faisait valoir, d’unepart, que, par son étendue, cette déro-gation dénaturait l’esprit de la loi et,d’autre part, que l’instruction des de-mandes de titres de séjour ne présen-tait pas une complexité particulièrejustifiant une telle dérogation.

2004• Conseil d’État, 15 juillet 2004, Com-mune de Saint-Martin c/ Gisti,n° 230256

Le Conseil d’État met un point fi-nal à un très ancien contentieux néen Guadeloupe. Le Gisti avait atta-qué en 1995 un arrêté du maire deSaint-Martin interdisant la construc-tion ou la reconstruction d’habita-tions occupées essentiellement pardes ressortissants étrangers, et obtenul’annulation pour détournement depouvoir de cet arrêté qui avait pourmobile principal de provoquer le re-tour dans leur pays d’origine ce res-sortissants étrangers en situation ir-régulière – ce que reconnaît à son tourle Conseil d’État.

2005• Conseil d’État, 12 janvier 2005,Gisti, n° 261736

Le Gisti avait saisi le Conseil d’État,en novembre 2003, d’une demanded’astreinte pour contraindre le Premierministre à exécuter l’arrêt du 7 février2003 par lequel il lui avait été enjointd’abroger le décret-loi de 1939 sur lapresse étrangère. Finalement, l’arrêtéd’abrogation est paru au Journal offi-ciel du 5 octobre 2004 et le Conseild’État – après avoir beaucoup tardé àinscrire l’affaire au rôle – constate quela requête est devenue sans objet.

• Conseil d’État, 12 octobre 2005,Gisti, Asti d’Orléans, Cimade, Am-nesty, LDH, Fasti, Forum réfugiés,n° 273198, mentionné aux Tables

Demande d’annulation des deuxdécrets du 14 août 2004 pris pour l’ap-plication de la loi du 10 décembre 2003relative au droit d’asile. Une dizaine dedispositions étaient visées par la re-quête comme dénaturant le droitd’asile et son corollaire, le droit de sol-liciter le statut de réfugié et notam-ment : le caractère trop strict des dis-positions relatives à la domiciliationdes demandeurs d’asile par des asso-ciations qui conditionne l’admission auséjour ; la limitation à vingt-et-un joursdu délai pour présenter une demandeà l’Ofpra ; la réduction à 96 heures dudélai dans lequel l’Ofpra doit prendresa décision lorsque le demandeur esten rétention ; la procédure prévue de-vant la CRR pour les demandes qui neprésentent aucun élément sérieux sus-ceptible de remettre en cause la déci-sion de Ofpra ; les modalités de liaisonet de transmission de données sur lesdemandeurs d’asile entre l’Ofpra et lesservices du ministère de l’intérieur ; ladépendance organique et financière dela CRR par rapport à l’Ofpra. Le Con-seil d’État n’a retenu aucun de cesgriefs et s’est borné à donner une in-terprétation favorable aux demandeursd’asile de la disposition prévoyant quele demandeur d’asile, au moment durenouvellement de son récépissé, doitprésenter « la justification du lieu où ila sa résidence ».

• Conseil d’État, référés, 21 octobre2005, Aides, Gisti, LDH, Médecins duMonde, Mrap, n° 285577, publié auLebon

Le recours contre deux décrets du28 juillet 2005 réformant l’AME (aidemédicale d’État), déposé conjointe-ment avec plusieurs autres associations,

est accompagné d’une demande de ré-féré-suspension. Celle-ci est rejetée parle Conseil d’État au motif notammentque l’argument tiré de l’incompatibi-lité du dispositif instauré avec des en-gagements internationaux n’est pas denature à créer un doute sérieux quantà la légalité des actes administratifsdont la suspension est demandée.

• Tribunal administratif de Nice, 9 dé-cembre 2005, Gisti, Anafé, Cimade,FTDA et le Mrap

Demande d’annulation de l’arrêtédu préfet du Var du 17 février 2001portant création d’une zone d’attentesur les communes de Fréjus et deSaint-Raphaël. Le tribunal donne rai-son sur toute la ligne aux associationsrequérantes. Cette victoire est toute-fois bien tardive : dans l’intervalle esten effet intervenue la loi du 26 no-vembre 2003 qui élargit la définitionde la zone d’attente.

• Conseil d’État, 14 décembre 2005,Gisti, n° 254934

Rejet de la requête contre la circu-laire du ministre de l’intérieur du19 décembre 2002, complétée par unecirculaire du 10 janvier 2003, relativeà l’application de certaines dispositionsde l’ordonnance de 1945. Parmi lesdispositions contestées figuraient lesmodes de preuve de la résidence enFrance pendant dix ans et les condi-tions du passage de la carte « vie pri-vée et familiale » à la carte de résident.

• Conseil d’État, 14 décembre 2005,Gisti et Comede, n° 260909

Requête tendant à l’abrogation dela circulaire du 22 mai 2003 relative« aux taxes et droits exigibles lors del’admission au séjour et au travail desétrangers non communautaires ». LeConseil d’État a annulé la dispositionqui avait omis de citer les bénéficiai-res de l’asile territorial parmi les casd’exemption du paiement de la taxeperçue au profit de l’Omi. Il a rejetéen revanche le recours en tant qu’ilcontestait le fait que les étrangers quiobtiennent de plein droit l’attributiond’une carte « vie privée et familiale »soient assujettis à une taxe de régula-risation (équivalant au double de lataxe normalement due pour l’obten-tion d’un visa) alors qu’ils ne sont pastenus de produire un visa pour obte-nir la régularisation de leur séjour.

• Conseil d’État, 28 décembre 2005,Gisti, n° 253801

Annulation de la décision du mi-nistre de l’intérieur du 22 septembre

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Première partie – Liste des arrêts Gisti 1974-2008 page 17

1998 refusant au Gisti l’habilitation àaccéder en zone d’attente. Le refus estannulé, comme celui opposé à plu-sieurs autres associations (Médecinsdu Monde, Gas, Mrap et LDH),comme entaché d’une erreur mani-feste d’appréciation. L’affaire étaitpendante devant le tribunal adminis-tratif de Paris depuis septembre 1998et avait été transférée au Conseild’État en 2003.

2006• Conseil d’État, 11 janvier 2006,Gisti, AVFS, DAL, n° 267251, publiéau Lebon

Recours contre une disposition del’arrêté du 5 février 2004 relatif à l’or-ganisation d’un système national desurveillance des plombémies de l’en-fant mineur. Il était reproché à l’arrêtéd’avoir inclus le pays de naissance dela mère parmi les catégories d’informa-tions enregistrées alors que cette infor-mation « sensible » au sens des prin-cipes qui régissent la protection desdonnées personnelles, puisqu’elle faitapparaître de manière indirecte l’ori-gine ethnique et nationale de l’enfantmineur, n’avait pas de justification ob-jective dans ce contexte et risquaitd’engendrer des pratiques discrimina-toires. Le Conseil d’État a annulé l’ar-rêté attaqué, mais en retenant unique-ment le moyen de procédure tiré del’absence de consultation du Comitéconsultatif sur le traitement de l’infor-mation en matière de recherche dansle domaine de la santé.

• Conseil d’État, 2 mars 2006, Gistiet Catred, n° 284997

Recours contre le refus implicitedu Premier ministre d’abroger l’arti-cle D 511-2 du code de la sécuritésociale subordonnant le versementdes allocations familiales à l’entrée desenfants par regroupement familial.Les associations faisaient valoir quecette disposition avait été déclaréecontraire à la Convention internatio-nale des droits de l’enfant par la Courde cassation. Mais entre temps, la loide financement de la sécurité socialepour 2006 est venue donner une baselégale à la disposition contestée et unnouveau décret pris sur le fondementde la loi nouvelle a abrogé l’articleD 511-2 dans sa rédaction antérieure,supprimant ainsi l’objet de la requête.Il n’en reste pas moins que la restric-tion contrevient toujours à des nor-mes conventionnelles supérieures à laloi française.

• Conseil d’État, 5 avril 2006, Gisti,Amnesty, LDH, Acat, Gas, FTDA,Forum réfugiés, n° 284706, publié auLebon

Rejet du recours contre la délibé-ration Ofpra du 30 juin 2005 fixantla liste de 12 pays d’origine sûrs.

• Conseil d’État, Assemblée, 31 mai2006, Gisti, n° 273638, publié au Le-bon

Annulation des deux décrets du27 août 2004 qui retiraient la qualitéd’électeur, pour l’élection aux cham-bres des métiers, aux artisans n’ayantpas la nationalité française ou celled’un État membre de l’Union euro-péenne ou de l’Espace économiqueeuropéen, et maintenaient pour l’éli-gibilité la même exigence de nationa-lité française, d’appartenance àl’Union européenne ou à l’Espaceéconomique européen.

• Conseil d’État, 7 juin 2006, Gisti,Aides, Mrap, LDH, Médecins duMonde, n° 285576, publié au Lebon

Recours contre les deux décrets du28 juillet 2005 restreignant l’accès àl’Aide médicale État (AME). Le Con-seil d’État a annulé les décrets en tantqu’ils mettaient en œuvre une condi-tion de durée de résidence de troismois à l’égard des mineurs, qu’il ajugée contraire à la Convention surles droits de l’enfant. Il a rejeté le sur-plus de la requête, estimant que lacondition de durée de résidencen’était pas illégale lorsqu’elle s’appli-quait aux majeurs.

• Conseil d’État, 12 juin 2006 Cimade,Gisti, LDH, Amnesty, n° 282275,mentionné aux Tables

Rejet du recours contre le décretdu 30 mai 2005 relatif à la rétentionadministrative et aux zones d’attente.Étaient notamment contestés la non-prise en charge de l’interprétariat parl’État, le délai de cinq jours dans le-quel est enfermé le dépôt d’une de-mande d’asile, le délai de 96 heureslaissé à l’Ofpra pour statuer, l’officia-lisation de la présence des mineurs enrétention.

• Conseil d’État, 18 juillet 2006, Gisti,n° 274664, publié au Lebon

Rejet du recours contre le refusimplicite du Premier ministre et desministres compétents d’abroger le dé-cret du 3 novembre 2003 et l’arrêtédu même jour fixant le taux des re-traites des anciens combattants. Prisen application de la loi de finances

rectificative pour 2002, ces textes pro-cédaient à une « décristallisation »partielle et inégalitaire des pensionsdes anciens combattants et fonction-naires, nationaux des anciennes colo-nies françaises et précisent le moded’attribution et de calcul des presta-tions concernées. Dans cette affaire,où le Gisti avait également saisi laHalde, celle-ci a constaté, contraire-ment au Conseil d’État, l’existenced’une discrimination.

• Conseil d’État, 26 juillet 2006, Gisti,n° 276777, mentionné aux Tables

Rejet du recours contre le décret du17 novembre 2004 relatif aux attesta-tions d’accueil. Était notamment con-testée la disposition qui prévoit la véri-fication des ressources de l’hébergeant.

• Conseil d’État, 26 juillet 2006, Gisti,LDH et IRIS, n° 285714, publié auLebon

Rejet du recours contre le décretdu 2 août 2005 organisant le fichagedes attestations d’accueil. Étaient no-tamment contestées : la liste des in-formations collectées et mises en mé-moire (ressources de l’hébergeant,données relatives au logement, suitesdonnées à la demande de visa), la du-rée de conservation des données, l’in-suffisance des garanties de sécurité etde confidentialité des données.

2007• Conseil d’État, 24 janvier 2007,Gisti, n° 243976, publié au Lebon

Annulation du refus implicite duPremier ministre, saisi par le Gisti le10 janvier 2002, de faire droit à lademande d’abrogation de plusieursarticles du code rural en tant qu’ilimpose une condition de nationalitéfrançaise pour le bénéfice de certai-nes aides sociales aux agriculteurs.

• Conseil d’État, 7 février 2007, Fasti,Gisti, LDH, Syndicat des avocats deFrance, Syndicat de la magistrature,Mrap, Cimade, n° 292607

Rejet du recours contre la circu-laire du garde des Sceaux du 21 fé-vrier 2006 relative aux conditionsd’interpellation des étrangers en si-tuation irrégulière (convocations piè-ges, interpellations à proximité desfoyers, etc.)

• Conseil d’État, référé, 15 février2007, Gisti, ADDE, LDH, n° 300968

Suspension de la circulaire du mi-nistère de l’intérieur qui proposait aux

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page 18 Défendre la cause des étrangers en justice

préfets une interprétation manifeste-ment illégale des nouvelles disposi-tions législatives sur l’OQTF (obliga-tion de quitter le territoire français),consistant notamment à faire prendredes arrêtés de reconduite à la frontièredans des hypothèses exclues désor-mais par la loi.

• Conseil d’État, 12 mars 2007, Gisti,Cimade, Iris, LDH, n° 297888, publiéau Lebon

Recours contre l’arrêté du minis-tre de l’intérieur du 30 juillet 2006créant le fichier « Eloi ». Était notam-ment contestée la possibilité de re-cueillir, mémoriser et traiter des in-formations relatives non seulementaux personnes en instance d’éloigne-ment mais aussi à leurs enfants mi-neurs, ainsi qu’aux personnes chezqui elles sont assignées à résidence etaux personnes qui leur rendent visitedans les centres de rétention. Le Con-seil d’État annule finalement l’arrêtépour incompétence, estimant qu’ilaurait dû être pris par décret en Con-seil d’État.

• Conseil d’État, 23 avril 2007, Gistiet Catred, n° 283311

Rejet du recours contre le décretdu 29 juin 2005 relatif à l’AAH (allo-cation adulte handicapé), en ce qu’ilfixe une condition de durée de rési-dence extrêmement restrictive condui-sant à pénaliser de façon dispropor-tionnée les personnes handicapées quieffectuent de courts séjours dans leurpays d’origine.

• Conseil d’État, 11 juillet 2007, Gisti,LDH, ADDE, Cimade et Fasti, USMA,n° 302040, mentionné aux Tables

Rejet du recours contre le décretdu 23 décembre 2006 modifiant lapartie réglementaire du code de jus-tice administrative concernant le con-tentieux des mesures d’éloignement.

2008• Conseil d’État, référés, 1er avril 2008,Anafé et Gisti, n° 313711 et 313714et Conseil d’État, 25 juillet 2008,Anafé et Gisti, n° 313710 et 313713

L’Anafé et le Gisti avaient de-mandé au Conseil d’État l’annulation

et la suspension de deux arrêtés mi-nistériels ajoutant à la liste des étran-gers soumis à l’exigence du visa detransit aéroportuaire les ressortissantsde Djibouti et de la Guinée-Bissau etles ressortissants russes « provenantd’un aéroport situé en Ukraine, Bié-lorussie, Moldavie, Turquie ouEgypte ». Les associations requéran-tes faisaient valoir l’atteinte au droitd’asile, dans la mesure où les disposi-tions critiquées avaient pour finalitépremière d’empêcher les réfugiés –notamment tchétchènes – d’arriveraux frontières françaises. Après avoirrejeté la demande de suspension, leConseil d’État a jugé au fond que lesvisas de transit ne portaient pas at-teinte au droit d’asile. Il a néanmoinsannulé la seconde disposition, au mo-tif que les textes ne permettaient pasd’instaurer de visas de transit aéro-portuaire pour les ressortissants d’unpays en provenance de certains aéro-ports, mais uniquement pour les res-sortissants d’un pays déterminé.Quelques jours plus tard, le gouver-nement a donc modifié la réglemen-tation sur les visas de transit aéropor-tuaire pour s’attribuer le pouvoir qu’iln’avait pas jusque là, ce qui lui a per-mis de rétablir, dans la foulée, la dis-position annulée par le Conseil d’État.

• Conseil d’État, 5 mai 2008, MmeKoubi et Gisti, n° 293934 et 294056.

Rejet du recours contre l’arrêté duministre de l’intérieur du 31 mars 2006relatif aux actes de l’état civil requispour la délivrance du passeport élec-tronique et prévoyant l’obligation deproduire la copie intégrale de l’actede naissance ou, à défaut, de l’acte demariage, pour obtenir la délivranced’un passeport. Le Gisti faisait valoirque les difficultés rencontrées par cer-taines personnes nées à l’étranger oudans d’anciennes possessions françai-ses, ou encore par les personnes adop-tées ou les personnes transsexuelles,pour produire la copie intégrale deleur acte de naissance, entraînait uneatteinte disproportionnée à la libertéde circulation transfrontière, portaitatteinte à la vie privée et engendraitdes discriminations fondées sur l’ori-gine, la filiation ou l’identité sexuelle.Le Conseil d’État a estimé que les dif-férents inconvénients mentionnés

n’étaient pas excessifs par rapport auxobjectifs de sécurité et d’identifica-tion poursuivis. On relève toutefoisqu’à la date où l’arrêt a été rendu unnouveau décret était déjà intervenuqui a supprimé l’obligation de pro-duire une copie intégrale d’un acted’état civil… Preuve que les contrain-tes invoquées par le gouvernementn’étaient pas aussi impératives qu’ilétait prétendu.

• Conseil d’État, 19 mai 2008, SOSRacisme, LDH, Cimade, Fasti, Gisti,n° 301813 et 307022, mentionné auxTables.

Le recours était dirigé contre unecirculaire du 22 décembre 2006 surles modalités d’admission au séjour etd’éloignement des ressortissants rou-mains et bulgares jugée contraire audroit communautaire. Le Conseild’État rejette l’essentiel des griefs sou-levés par les associations requérantes.Les dispositions annulées le sont surle fondement de l’incompétence duministre pour édicter des règles nonprévues par la loi et les règlementsd’application (subordination du sé-jour de moins de trois mois sur le ter-ritoire français à la condition de nepas devenir « une charge déraisonna-ble pour le système d’assurance so-ciale français » ou fixation du niveaude ressources exigibles par référenceau montant du revenu minimum d’in-sertion ou de l’allocation de solida-rité aux personnes âgées).

• Conseil d’État, 30 juillet 2008, M. etMme Chermykhanov, n° 313767,publiée aux Tables (intervention de laCimade et du Gisti)

Le Conseil d’État prononce la sus-pension de la décision du préfet or-donnant le renvoi vers la Pologne, surle fondement du règlement dit « Du-blin II », d’un couple de Tchétchènes,au motif que la notification leur a étéfaite en français et non pas, confor-mément aux disposition du règlementcommunautaire, « dans une languedont on peut raisonnablement suppo-ser qu’il la comprend », voyant dansle non respect des garantiesprocédurales « une atteinte grave etmanifestement illégale à la liberté fon-damentale que constitue le droitd’asile ».

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 19

Conseil d’État,Assemblée, 23 juillet 1974,

Ferrandiz Gil y Ortega

N° 94144

Publié au Recueil Lebon

M. Chenot, Président

M. Gergorin, Rapporteur

M. Rougevin Baville, Commissaire dugouvernement

Considérant que le sieur FerrandizGil y Ortega a saisi le tribunal admi-nistratif de Paris d’une requête ten-dant a l’annulation d’un arrêté duministre de l’intérieur, en date du28 mai 1971, lui enjoignant de sortirdu territoire français ; que, par unerequête distincte, présentée directe-ment devant le Conseil d’État, il de-mande qu’il soit sursis à l’exécutionde cet arrêté ;

Sur la compétence du Conseil d’État :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 9, alinéa 2 du décret susvisé du30 septembre 1953, modifié par l’ar-ticle 3 du décret du 28 janvier 1969et devenu l’article R 96, alinéa 2 ducode des tribunaux administratifs,« en aucun cas, le tribunal ne peutprescrire qu’il soit sursis à l’exécutiond’une décision intéressant l’ordrepublic » ;

Considérant que cette disposition n’apas eu pour objet, en ce qui concerneles décisions intéressant l’ordre publicqui relèvent, depuis le 1er janvier 1954,de la compétence en premier ressortdes tribunaux administratifs, de pri-ver les justiciables de la faculté, qu’ilstenaient de l’article 48 de l’ordon-nance du 31 juillet 1945, de deman-der qu’il soit sursis à l’exécution depareilles décisions ; qu’elle doit, dèslors, être comprise comme ayant ex-cepté du transfert de compétenceopéré par le décret du 30 septembre1953 les demandes tendant à ce qu’ilsoit sursis à l’exécution d’une déci-sion qui, intéressant l’ordre public, aété déférée a un tribunal administra-tif. Qu’il suit de là que le Conseild’État est resté compétent pour

connaître directement de ces deman-des lorsque les conclusions aux finsd’annulation relevant en premier res-sort de la compétence d’un tribunaladministratif ont été portées devantces tribunaux : qu’ainsi, le ministre del’intérieur n’est pas fondé à soutenirque le Conseil d’État serait incompé-tent pour connaître de la requête sus-visée du sieur Ferrandiz Gil y Ortega ;

Sur le sursis :

Considérant que, par une décision endate de ce jour, le Conseil d’État sta-tuant au contentieux a rejeté le pour-voi formé par le sieur Ferrandiz Gil yOrtega contre un décret du 29 juin1960 pris en application de l’article44 de l’ordonnance du 19 octobre1945, portant code de la nationalité,et qui lui a refusé l’acquisition de lanationalité française ; qu’ainsi, le re-quérant ne saurait utilement se pré-valoir de l’illégalité prétendue duditdécret pour soutenir qu’il aurait con-servé la nationalité française et qu’ilne pouvait, dès lors, être légalementexpulsé du territoire français ;

Considérant que les autres moyensinvoqués par le sieur Ferrandiz Gil yOrtega pour contester la légalité del’arrêté du 28 mai 1971 ne paraissentpas de nature, en l’état du dossier sou-mis au Conseil d’État, à justifier l’an-nulation de cet arrêté ; que, par suite,le requérant n’est pas fondé à deman-der qu’il soit sursis à son exécution ;

DÉCIDE :

[Rejet avec dépens].

Conseil d’État,13 janvier 1975,Da Silva et CFDT

N° 90193, 90194, 91288

Publié au Recueil Lebon

M. Ordonneau, Président

M. Durand Viel, Rapporteur

M. Dondoux, Commissaire du gouver-nement

Requêtes du Sieur da Silva et de laConfédération française démocrati-que du travail CFDT tendant à l’an-nulation des circulaires n° 72-40 du24 janvier 1972 du ministre de l’inté-rieur et n° 1-72 du ministre du tra-vail, de l’emploi et de la populationdu 23 février 1972 concernant les con-ditions d’établissement en France destravailleurs étrangers ;

Sur la qualité pour agir du Sieur DaSilva :

Considérant que le Sieur Da Silva jus-tifie de son identité ; qu’ainsi le mi-nistre de l’intérieur n’est pas fondé àsoutenir que le sieur Da Silva n’exis-terait pas et que la requête déposéeen son nom d’ailleurs par un avocatau Conseil d’État, aurait été intro-duite « pour le compte d’un tiers àl’identité inconnue » ;

Sur l’intérêt pour agir du Sieur Da Silvaet de la Confédération française démo-cratique du travail :

Considérant, d’une part, que le SieurDa Silva est un travailleur salarié enFrance de nationalité portugaise ; queles circulaires attaquées concernent lasituation en France des travailleurssalariés étrangers et n’excluent pas deleur champ d’application les natio-naux portugais ; que si le Sieur DaSilva est actuellement titulaire d’unecarte de travail et d’une carte de sé-jour valables plusieurs années les cir-culaires attaquées sont susceptibles delui être opposées lors de leur éven-tuel renouvellement ; Considérant,d’autre part, que la Confédérationfrançaise démocratique du travail apour objet de défendre les intérêts

Sélection d’arrêts du Conseil d’État

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page 20 Défendre la cause des étrangers en justice

matériels et moraux des travailleurstant français qu’étrangers ; Considé-rant qu’il résulte de ce qui précèdeque le ministre de l’intérieur et le mi-nistre du travail, de l’emploi et de lapopulation ne sont pas fondés à sou-tenir que le Sieur Da Silva et la Con-fédération française démocratique dutravail ne justifient pas d’un intérêtsuffisant pour demander l’annulationdes circulaires attaquées ;

Sur les parties des circulaires attaquéesrelatives à la protection du marche na-tional de l’emploi :

Considérant qu’aux termes de la loidu 10 août 1932 protégeant la main-d’œuvre nationale, toujours en vi-gueur, « tout étranger désirent entreren France pour y être employé commetravailleur devra être muni d’uneautorisation ministérielle spéciale ac-cordée après consultation des servi-ces publics de placement » ; Considé-rant que l’article 5 de l’ordonnancedu 8 novembre 1945 relative aux con-ditions d’entrée et de séjour en Francedes étrangers dispose : « si l’étrangervient en France pour y exercer uneactivité professionnelle salariée, il esttenu de présenter non seulement lesdocuments prévus à l’alinéa précè-dent mais encore les contrats de tra-vail régulièrement vises par le minis-tre charge du travail ou l’autorisationà lui délivrée par le ministre chargedu travail, conformément à l’article 7ci-dessous » ; qu’aux termes de cetarticle 7 « l’étranger ne peut exercerune activité professionnelle salariéesans y avoir été préalablement auto-risé par le ministre chargé du tra-vail » ; qu’aux termes de l’article 1er

du décret du 5 juin 1946 portant rè-glement d’administration publiquepour l’application de l’article 7 pré-cité : « tout étranger exerçant, sur leterritoire de la France métropolitaineune activité professionnelle salariée,doit posséder une carte de travailleur.Cette carte est délivrée à la demandede l’intéressé et gratuitement par leministre du travail et de la sécuritésociale qui en fixe les caractéristiquespar arrêté. Elle comporte l’autorisa-tion pour l’étranger d’exercer une ouplusieurs activités professionnelles sa-lariées dans un ou plusieurs départe-ments ou dans l’ensemble du terri-toire métropolitain. Les étrangers quidemandent la délivrance d’une cartede travailleur au moment de leur en-trée en France sont tenus de produireun contrat de travail au moment deleur entrée en France vise par les ser-

vices compétents du ministère du tra-vail et de la sécurité sociale » ; qu’en-fin l’article 4 du décret du 30 juin1946 réglementant les conditionsd’entrée et de séjour en France desétrangers dispose que l’étranger quivient en France pour y exercer uneactivité professionnelle salariée et sol-licite la délivrance d’une carte de sé-jour est tenu de justifier de la posses-sion notamment « d’un contrat de tra-vail visé par les services compétentsdu ministre du travail ou d’une auto-risation émanant desdits services » ;Considérant qu’il résulte de ces dis-positions qu’il appartient au ministredu travail ou à ses services par voiede délégation d’apprécier dans cha-que cas, compte tenu de la situationparticulière du marché de l’emploi etde la situation faite aux travailleursétrangers dans les entreprises qui yont recours, s’il y a lieu ou non de vi-ser les contrats de travail qui lui sontsoumis ou d’accorder les autorisationsde travail sollicitées ; que la produc-tion de ces contrats ou de ces autori-sations est la condition de la déli-vrance d’une carte de séjour par leministre de l’intérieur ;

Considérant qu’en décidantqu’aucune demande d’autorisation detravail ne serait acceptée si au moinstrois semaines auparavant l’employeurn’a pas notifié aux services de l’agencenationale pour l’emploi des offresd’emplois correspondant aux postesde travail offerts à l’étranger, le minis-tre de l’intérieur, dans sa circulairen° 72-40 du 24 janvier 1972, en ce quiconcerne les cartes de séjour, et le mi-nistre du travail, de l’emploi et de lapopulation, dans sa circulaire n° 1-72du 23 février 1972, en ce qui concerneles autorisations de travail, n’ont faitque préciser les conditions dans les-quelles seraient assurées, lors du dé-pôt des demandes, les consultationsdes services publics de placement pré-vues par les dispositions législativesapplicables en la matière ; que parsuite le ministre de l’intérieur et leministre du travail, de l’emploi et dela population sont fondés à soutenirque les circulaires ne font pas grief auSieur Da Silva et à la Confédérationfrançaise démocratique du travail, quine sont dès lors pas recevables à endemander l’annulation ;

Considérant en revanche que si lesdispositions législatives et réglemen-taires précitées font obligation auxétrangers qui viennent en France poury exercer un emploi salarié de pro-

duire un contrat de travail visé par lesservices compétents du ministère dutravail à l’appui de leur demande detitre de travail et de séjour et ne pré-voient expressément aucune procé-dure de « régularisation » de situa-tion, elles n’interdisent ni aux étran-gers qui sont venus en France pourd’autres motifs et se trouvent dansune situation régulière sur le territoirefrançais de présenter une demanded’autorisation de travail aux servicescompétents ni à ceux-ci d’accorderl’autorisation demandée dans l’exer-cice du pouvoir qui appartient nor-malement à l’administration dans tousles cas où une disposition expresseapplicable en l’espèce ne le lui inter-dit pas, de régulariser les procédurespendantes devant elles ; qu’ainsi, endécidant qu’aucune autorisation neserait plus « accordée à l’étranger en-tré en France comme « touriste » quidemande à exercer un emploi demanœuvre ou d’ouvrier spécialisémême s’il n’existe pas de main-d’œuvre disponible ou une professionexcédentaire en main-d’œuvre », leministre de l’intérieur et le ministredu travail, de l’emploi et de la popu-lation ont dans les circulaires atta-quées ajouté des dispositions nouvel-les aux dispositions législatives et ré-glementaires précitées ; que, des lors,le Sieur Da Silva et la Confédérationfrançaise démocratique du travailsont fondés à soutenir que ces circu-laires ont dans cette mesure un carac-tère réglementaire ; qu’ils sont rece-vables et fondés à en demander l’an-nulation comme prises par des auto-rités incompétentes ;

Sur les parties des circulaires attaquéesrelatives aux conditions de logementdes étrangers :

Considérant que les circulaires atta-quées ont prescrit aux services char-ges d’instruire les demandes d’oppo-ser une fin de non-recevoir immédiatesi l’employeur n’a pas rempli une « at-testation de logement » de l’étranger,faisant partie intégrante du contrat detravail, ou si le logement indiqué estclasse comme insalubre ; que cetteprescription ne peut être regardéecomme une simple directive d’orien-tation générale destinée à éclairer lesservices et réservant leur pouvoird’appréciation, mais fixe une condi-tion nouvelle, qui n’a été prévue paraucune des dispositions législatives etréglementaires en vigueur, pour ladélivrance des autorisations de travailet de séjour en France des travailleurs

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 21

étrangers ; que si l’article 7 de la loidu 27 juin 1973 relative à l’héberge-ment collectif mentionne cette attes-tation de logement, ces dispositionsde cet article ne peuvent être regar-dées comme ayant pour effet de vali-der sur ce point les circulaires atta-quées dès lors que, sans se référer àl’exigence de la production de cetteattestation comme condition préala-ble à la délivrance des titres de séjouret de travail, elles se bornent à définirla responsabilité encourue par l’em-ployeur vis-à-vis des travailleursétrangers lorsque les mentions de cedocument se sont révélées inexacteset que le logement qu’elles assignentau travailleur a dû être fermé par dé-cision préfectorale ; Considérant qu’ilsuit de là que le ministre de l’intérieuret le ministre du travail, de l’emploiet de la population ne sont pas fon-dés à soutenir que les circulaires con-testées sont sur ce point dépourvuesde caractère réglementaire et ne fontpas grief aux requérants ou qu’ellesauraient été validées par l’effet de l’in-tervention de la loi susmentionnée du27 juin 1973 ; que le Sieur Da Silva etla Confédération française démocra-tique du travail sont recevables et fon-dés à en demander l’annulationcomme prises par des autorités in-compétentes ;

Sur les autres prescriptions des circu-laires attaquées :

Considérant, d’une part, qu’en dési-gnant les services auprès desquelsdoivent être déposées les demandesd’autorisation de séjour et de travailet en définissent les formalités néces-saires pour l’instruction des dossiersle ministre de l’intérieur et le minis-tre du travail, de l’emploi et de la po-pulation se sont bornés, sans modi-fier les droits des étrangers, à faireusage des pouvoirs qu’ils détiennentpour organiser les services places sousleur autorité ; que, des lors, le minis-tre de l’intérieur et le ministre du tra-vail, de l’emploi et de la populationsont fondés à soutenir que le Sieur DaSilva et la Confédération françaisedémocratique du travail ne sont pasrecevables à demander sur ce pointl’annulation des circulaires attaquées ;Considérant, d’autre part, qu’en har-monisant la durée des titres de tra-vail et de séjour le ministre de l’inté-rieur et le ministre du travail, de l’em-ploi et de la population se sont bor-nés à tirer les conséquences des dis-positions législatives et réglementai-res applicables en la matière et notam-

ment de l’ordonnance du 2 novem-bre 1945, du décret du 5 juin 1946,du décret du 30 juin 1946 ainsi quedes articles 64 et 64 a du livre II ducode du travail ; que les circulairesattaquées ne font pas sur ce point griefau Sieur Da Silva et à la Confédéra-tion française démocratique du tra-vail qui ne sont pas recevables à endemander l’annulation ; Considérant,enfin, que, si l’article 1er du décret du5 juin 1946 précise dispose que leministre chargé du travail et de la sé-curité sociale fixe par arrêté « les ca-ractéristiques » de la carte de travail,le ministre du travail, de l’emploi etde la population n’a pas reçu de cettedisposition compétence pour déciderque durant la première année de tra-vail en France le contrat de travailrégulièrement visé par les servicescompétents et revêtu de la photogra-phie de l’intéressé vaudrait autorisa-tion de travail et supprimer ainsi lacarte de travail, dès lors surtout quele contrat individuel de travail ainsivisé confère à l’étranger une autori-sation de travail plus limitée que lapossession d’une carte de travail va-lable pour une profession et une ré-gion déterminées ; qu’il suit de là quele Sieur Da Silva et la Confédérationdémocratique du travail sont fondésà soutenir que les circulaires attaquéesmodifient sur ce point la réglementa-tion existante ; qu’ils sont recevableset fondés à en demander l’annulationcomme prises par des autorités in-compétentes ;

DÉCIDE :

[Annulation partielle ; rejet du sur-plus ; dépens mis à la charge del’État].

Conseil d’État,24 novembre 1978,

CGT, Gisti et autres

N° 98339 et 98699

Publié au Recueil Lebon

M. Boutet, Rapporteur

M. Dondoux, Commissaire du gouver-nement

M. Heumann, Président

Considérant que les requêtes n° 98339 et 98 699 sont dirigées contredeux circulaires du ministre de l’in-térieur et du secrétaire d’État au tra-vail, en date du 30 novembre 1974,relatives aux conditions de séjour etd’emploi des ressortissants des Étatsd’Afrique au sud du Sahara, précé-demment sous administration fran-çaise ; qu’elles ont fait l’objet d’uneseule décision.

Sur les dispositions des circulaires at-taquées relatives à une régularisationde la situation des salariés entrés enFrance sans contrat de travail préala-blement visé :

Considérant que si les dispositions del’article L. 341-2 du code du travailet du décret du 30 juin 1946, qui fontobligation aux étrangers qui viennenten France pour y exercer un emploisalarié de produire un contrat de tra-vail visé par les services compétentsdu ministre du travail à l’appui deleur demande de carte de séjour neprévoient expressément aucune pro-cédure de régularisation de situation,elles n’interdisent ni aux étrangersqui sont venus en France pourd’autres motifs et se trouvent dansune situation régulière sur le terri-toire français de présenter une de-mande d’autorisation de travail auxservices compétents, ni à ceux-cid’accorder l’autorisation demandée,dans l’exercice du pouvoir qui appar-tient normalement à l’administrationdans tous les cas où une dispositionexpresse, applicable en l’espèce, nele leur interdit pas de régulariser lesprocédures pendantes devant elle.Qu’ainsi, en écartant cette régulari-sation de manière générale, en dehorsdes cas où il pourrait exceptionnel-lement être tenu compte de motifshumanitaires ou de considérationssociales, les auteurs des circulairesattaquées ont, par des dispositionsnouvelles, modifié l’état de droit an-térieur ; que, dès lors, les requérants

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sont fondés à soutenir que les circu-laires ont, dans cette mesure, un ca-ractère réglementaire ; qu’ils sont,par suite, recevables et fondés à endemander l’annulation comme prisespar une autorité incompétente.

Sur les dispositions des circulaires duministre du travail et du secrétaired’État auprès du ministre du travailsoumettant, à compter du 1er janvier1975, la résidence en France des res-sortissants des États d’Afrique au suddu Sahara précédemment sous admi-nistration française à l’obtention d’untitre de séjour :

Considérant qu’il résulte des disposi-tions de l’ordonnance du 2 novembre1945 et du décret du 30 juin 1946, prispour son application, que tout étran-ger résidant en France doit être titu-laire d’une carte de séjour ; qu’aucuneconvention d’établissement ni aucuneconvention sur la circulation des per-sonnes passée entre la France et ceuxdes États visés par les circulaires pré-citées, n’a eu pour objet ni pour effetde déroger à cette mesure de police ;que, par suite, en rappelant cette obli-gation aux services placés sous leurautorité, le ministre de l’intérieur etle secrétaire d’État auprès du minis-tre du travail se sont bornés à rappe-ler les dispositions en vigueur ; que,dès lors, les requérants ne sont pasrecevables à critiquer sur ce point les-dites circulaires.

Sur les dispositions des circulaires pré-citées subordonnant l’octroi de la cartede séjour, pour les étrangers arrivanten France après le 1er décembre 1974,à la justification de ressources et, pourl’admission des familles, à la présenta-tion d’une attestation de logement :

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ou réglementaire n’a subor-donné l’entrée en France des famillesd’étrangers immigrés à la délivranced’une attestation de logement ni ladélivrance d’une carte de résidenttemporaire aux étudiants et aux non-salariés à la justification de ressour-ces ; qu’aucune convention passée parla France avec un État mentionné parles circulaires attaquées ne contientde stipulations en ce sens ; qu’ainsi,le ministre de l’intérieur et le secré-taire d’État auprès du ministre du tra-vail ont fixé des conditions nouvellesà l’entrée et au séjour de ces catégo-ries d’étrangers ; que les requérantssont, par suite, recevables et fondés àdemander l’annulation de ces dispo-sitions comme prises par une autoritéincompétente.

Sur les dispositions des circulaires sou-mettant certains salariés étrangers ré-sidant en France à la possession d’unecarte de travail. En ce qui concerne lesressortissants de la Guinée :

Considérant qu’aux termes de la loidu 10 août 1932 protégeant la main-d’œuvre nationale, toujours en vi-gueur, « tout étranger désirant entreren France pour y être employé commetravailleur devra être muni d’uneautorisation ministérielle spéciale ac-cordée après consultation des servi-ces publics de placement » ; que l’ar-ticle L. 341-4 du code du travail rap-pelle cette obligation et que les arti-cles R. 341-1 et suivants du mêmecode règlent la délivrance de la cartede travail. Considérant qu’aucun ac-cord entre la France et la Guinée envigueur à la date du 30 novembre1974 n’a fixé de conditions particu-lières à l’entrée et au séjour en Francedes ressortissants guinéens ; qu’ainsi,en soumettant les ressortissants àl’obligation qui résulte pour eux desdispositions sus rappelées d’être enpossession d’une carte de travail, lescirculaires se sont bornées à rappelerla législation qui leur était applicable ;que, dès lors, lesdites circulaires nefont pas grief aux requérants qui nesont, par suite, pas recevables à endemander l’annulation sur ce point.

En ce qui concerne les ressortissants duGabon :

Considérant que la convention d’éta-blissement franco-gabonais publiéeau Journal Officiel de la RépubliqueFrançaise le 24 novembre 1960, et quin’avait pas été dénoncée, était appli-cable aux ressortissants gabonais sousla seule réserve des stipulations con-traires de la conventions sur la circu-lation des personnes, publiée au Jour-nal Officiel de la République Fran-çaise du 7 août 1974 ; que cette der-nière convention n’a expressémentdérogé à la clause du traitement na-tional figurant dans la conventiond’établissement qu’en ce qui concernel’obligation faite aux ressortissantsgabonais d’être en possession d’uncontrat de travail visé par les servicesdu ministre du travail ; qu’ainsi, lesconventions en vigueur faisaient obs-tacle à ce que l’exercice en Franced’une profession salariée par les res-sortissants gabonais fût subordonnéeà la possession, à compter du 1er jan-vier 1975, d’une carte de travail ;qu’ainsi, les circulaires attaquées, quiont méconnu ces conventions sontentachées d’excès de pouvoir et que

les requérants sont, dès lors, fondés àen demander l’annulation sur cepoint.

Sur les dispositions des circulaires su-bordonnant la délivrance d’une cartede séjour à la présentation d’un con-trat de travail visé par les services rele-vant du ministère français du travailavant le départ du pays d’origine : Ence qui concerne les ressortissants duGabon et du Sénégal : Considérantque si, en application des conventionssur la circulation alors en vigueur avecle Sénégal et le Gabon, le ministre del’intérieur a pu légalement soumettrela délivrance d’une carte de séjour auxressortissants de ces États à la posses-sion d’un contrat de travail visé parles services compétents du ministredu travail, les stipulations de l’accordmultilatéral sur les droits fondamen-taux des États de la communautéauquel sont parties le Sénégal et leGabon, en assimilant aux nationauxfrançais les ressortissants de ces États,faisaient obstacle à ce que le secrétaired’État auprès du ministre du travaildécidât que le visa des contrats de tra-vail présentés par les ressortissants deces deux États pourrait être refusé sila situation économique et socialel’exige ; que la circulaire attaquéedoit, sur ce point, être annulée.

En ce qui concerne les ressortissants duTogo :

Considérant qu’en exigeant des tra-vailleurs salariés originaires du Togola production d’un contrat de travailrevêtu du visa des services de main-d’œuvre compétents, la circulaire at-taquée s’est bornée à rappeler les sti-pulations de l’article 5 de la conven-tion sur la circulation des personnesdu 25 février 1970 que, loin de déci-der que l’attribution de ce visa pou-vait être refusé si la situation de l’em-ploi l’exigeait, le secrétaire d’État autravail a expressément relevé danscette circulaire que la clause d’assi-milation au traitement national figu-rant dans la convention d’établisse-ment antérieurement conclue avec leTogo le 10 juillet 1963, excluait cettepossibilité ; que, dès lors, les conclu-sions dirigées contre la circulaire pré-sentée en tant qu’elle concerne lesressortissants du Togo ne peuventqu’être écartées.

En ce qui concerne les ressortissants duTchad de la République Centrafricaineet du Congo :

Considérant que les conventionsd’établissement conclues les 11 août,

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 23

13 août et 15 août 1960 entre laFrance, d’une part, le Tchad, la Ré-publique Centrafricaine et le Congod’autre part, et auxquelles il n’avaitpas été dérogé à la date du 30 novem-bre 1974 par une convention sur lacirculation des personnes concluepostérieurement auxdites conven-tions d’établissement, ont expressé-ment prévu le traitement national enfaveur des salariés originaires de cesÉtats ; que cette stipulation fait né-cessairement obstacle, en ce qui lesconcerne, à l’obligation faite par l’ar-ticle 4 du décret précité du 30 juin1946 aux travailleurs étrangers desoumettre leur contrat de travail auvisa des services compétents du mi-nistère du travail ; que, par suite, lesecrétaire d’État auprès du ministredu travail en prescrivant cette forma-lité, et le ministre de l’intérieur ensubordonnant à un tel visa la déli-vrance de la carte de séjour, ont mé-connu les accords internationaux con-clus entre la France et le Tchad, laRépublique Centrafricaine et leCongo ; que les requérants sont, dèslors, fondés à demander sur ce pointl’annulation des circulaires attaquées.

En ce qui concerne les ressortissantsdes États autres que le Gabon, le Sé-négal, le Togo, la République Centra-fricaine, le Congo et le Tchad :

Considérant que l’article 4 du décretdu 30 juin 1946 réglementant les con-ditions d’entrée et de séjour en Francedes étrangers dispose que l’étrangerqui vient en France pour y exercerune activité professionnelle salariée etsollicite la délivrance d’une carte deséjour, est tenu de justifier de la pos-session notamment d’un contrat detravail visé par les services compétentsdu ministère du travail ou d’une auto-risation émanant desdits services ;qu’il résulte de ces dispositions qu’ilappartient au ministre du travail ou àses services, par voie de délégation,d’apprécier dans chaque cas, comptetenu de la situation particulière dumarché de l’emploi et de la situationfaite aux travailleurs étrangers dansles entreprises qui y ont recours, s’il ya lieu ou non de viser les contrats detravail qui lui sont soumis ; que lesconventions sur la circulation des per-sonnes conclues par la France avec leMali, le 8 mars 1963, la Mauritanie,le 15 juillet 1963, le Niger, le 16 fé-vrier 1970, la Côte d’Ivoire, le 21 fé-vrier 1970, la Haute-Volta, le 30 mai1970, contiennent des stipulationsidentiques à ces dispositions ;

Qu’ainsi, le ministre de l’intérieur, endécidant que les travailleurs salariésressortissants de ces États ne pourrontêtre admis en France que s’ils sont enpossession d’un contrat de travail re-vêtu du visa des services de main-d’œuvre compétents, et le secrétaired’État auprès du ministre du travail,en décidant que le visa pourrait êtrerefusé si la situation économique etsociale l’exige, n’ont fait que rappe-ler la réglementation applicable etn’ont méconnu aucun accord interna-tional ; que les dispositions attaquéesne font, dès lors, pas grief aux requé-rants qui ne sont, par suite, pas rece-vables à en demander l’annulation.

Sur les dispositions des circulaires re-latives à la situation des personnes en-trées en France avant le 1er décembre1974 :

Considérant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 et le décret du 30 sep-tembre 1946 font obligation à toutétranger résidant en France d’être enpossession d’une carte de séjour ; queles circulaires attaquées se sont bornéà préciser que les ressortissants afri-cains qui apportent la preuve qu’ilsrésidaient en France avant le 1er dé-cembre 1974 doivent être « automa-tiquement dotés » d’une carte de sé-jour ; qu’ainsi, elles ne contiennentaucune disposition nouvelle suscep-tible de faire grief aux requérants quine sont, dès lors, pas recevables à endemander l’annulation sur ce point.

DÉCIDE :

Article 1er - Les prescriptions des cir-culaires du Ministre d’État, Ministrede l’Intérieur et du Secrétaire d’Étatauprès du Ministre du Travail, en datedu 30 novembre 1974, écartant demanière générale la possibilité de ré-gulariser la situation en France, enqualité de salariés d’étrangers entrésrégulièrement en France mais dépour-vus de contrat de travail visé par lesservices compétents, subordonnantl’octroi de la carte de séjour aux étran-gers entrés en France après le 1er dé-cembre 1974, à la justification de res-sources et, pour les familles, à la pré-sentation d’une attestation de loge-ment, sont annulées.

Article 2 - Les prescriptions des cir-culaires du Ministre d’État, Ministrede l’Intérieur et du Secrétaire d’Étatauprès du Ministre du Travail, en date

du 30 novembre 1974, faisant obliga-tion aux ressortissants gabonais rési-dant en France et exerçant un emploisalarié d’être en possession, à comp-ter du 1er janvier 1975, d’une carte detravail et celles subordonnant la déli-vrance d’une carte de séjour aux res-sortissants tchadiens, centrafricains etcongolais exerçant un emploi salariéà la présentation d’un contrat de tra-vail visé avant leur départ du paysd’origine par les services françaiscompétents, sont annulées.

Article 3 - Les prescriptions de la cir-culaire du Secrétaire d’État auprès duMinistre du Travail, en date du 30 no-vembre 1974, décidant que le visa descontrats de travail présentés par lesressortissants du Gabon et du Séné-gal pourrait être refusé si la situationéconomique et sociale l’exige, sontannulées.

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Conseil d’État, Assemblée,8 décembre 1978,

Gisti, CFDT, CGT

N° 10097, 10677, 10679

Publié au Recueil Lebon

Mme Cadoux, Rapporteur

M. Dondoux, Commissaire du gouver-nement

M. Chenot, Président

Sur la légalité du décret attaqué :

Sans qu’il soit besoin d’examiner lesautres moyens des requêtes : Consi-dérant que le décret du 29 avril 1976,relatif aux conditions d’entrée et deséjour en France des membres desfamilles des étrangers autorisés à ré-sider en France, déterminelimitativement, et sous réserve desengagements internationaux de laFrance, les motifs pour lesquels l’ac-cès au territoire français ou l’octroid’un titre de séjour peut être refuséau conjoint et aux enfants de moinsde 18 ans d’un ressortissant étrangerbénéficiant d’un titre de séjour quiveulent s’établir auprès de ce dernier.Que le décret attaqué du 10 novem-bre 1977 suspend, pour une périodede trois ans, les admissions en Francevisées par ces dispositions mais pré-cise que les dispositions du décret du29 avril 1976 demeurent applicablesaux membres de la famille qui ne de-mandent pas l’accès au marché del’emploi ; que le décret attaqué aainsi pour effet d’interdire l’accès duterritoire français aux membres de lafamille d’un ressortissant étranger ti-tulaire d’un titre de séjour à moinsqu’ils ne renoncent à occuper unemploi ;

Considérant qu’il résulte des princi-pes généraux du droit et, notam-ment, du Préambule de la Constitu-tion du 27 octobre 1946 auquel seréfère la Constitution du 4 octobre1958 que les étrangers résidant ré-gulièrement en France ont, commeles nationaux, le droit de mener unevie familiale normale ; que ce droitcomporte, en particulier, la facultépour ces étrangers, de faire venirauprès d’eux leur conjoint et leursenfants mineurs ; que, s’il appartientau Gouvernement, sous le contrôledu juge de l’excès de pouvoir, et sousréserve des engagements internatio-naux de la France de définir les con-ditions d’exercice de ce droit pour

en concilier le principe avec les né-cessités tenant à l’ordre public et àla protection sociale des étrangers etde leur famille, ledit gouvernementne peut interdire par voie de mesuregénérale l’occupation d’un emploipar les membres des familles des res-sortissants étrangers ; que le décretattaqué est ainsi illégal et doit, enconséquence, être annulé ;

DECIDE :

Article 1er - Le décret du 10 novem-bre 1977 est annulé.

Conseil d’État,26 juillet 1982,

Gisti et SGEN-CFDT

N° 22931 et 22934

Publié au Recueil Lebon

M. J. Théry, Rapporteur

M. Pauti, Commissaire du gouverne-ment

M. Gazier, Président

En ce qui concerne la légalité du dé-cret et des arrêtés attaqués :

Considérant que le décret et les ar-rêtés attaqués instituent à l’égard dela majeure partie des étudiants étran-gers qui demandent à s’inscrire dansune université française une procé-dure de préinscription qui a pourunique objet, d’une part, de vérifierleur aptitude à suivre les enseigne-ments conduisant au diplôme recher-che, et, d’autre part, de déterminerl’établissement auprès duquel ils de-vront prendre leur inscription ; que,pour l’accès aux études universitai-res, ils confient à une commissionnationale composée, sous la prési-dence du directeur du centre natio-nal des œuvres universitaires, demembres de l’enseignement supé-rieur, le soin de contrôler que cesétudiants justifient des titres requisainsi que « d’une connaissance suf-fisante de la langue française sur labase d’épreuves organisées par lesservices culturels français » dontsont toutefois dispensés les candidatstitulaires du baccalauréat français oud’un baccalauréat reconnu valable deplein droit ainsi que « les candidatstitulaires d’un baccalauréat reconnuéquivalent au baccalauréat françaisobtenu au terme d’études secondai-res accomplies en totalité ou en ma-jeure partie en français » ; que, pourle choix de l’établissement, ils don-nent au président de la commissioncompétence pour en décider« compte tenu des préférences expri-mées par les candidats, de l’appré-ciation des services culturels et de lacommission et des capacités d’ac-cueil de l’enseignement supérieur » ;

Sur le moyen d’incompétence :

Considérant que les dispositions dudécret et des arrêtés attaqués quisont relatives aux titres de capacitéexigibles de candidats à l’enseigne-ment supérieur et aux modalités dedésignation, selon les ressources de

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 25

la carte universitaire, de l’établisse-ment public d’accueil, ne remettentpas en cause le principe du libre ac-cès aux études universitaires en fonc-tion de critères tirés exclusivementde l’aptitude des candidats et ne tou-chent par suite ni aux principes fon-damentaux de l’enseignement ausens de l’article 34 de la constitutiondu 4 octobre 1958 ni aux conditionsd’entrée et de séjour des étrangersen France fixées par l’ordonnance du2 novembre 1945 ;

Sur la violation des droits conférés auxétrangers par la loi ou par des conven-tions internationales :

Considérant que, comme il a été ditci-dessus, le décret et les arrêtés atta-qués maintiennent le libre accès desétrangers aux études universitaires surla seule justification de titres françaisou équivalents et ne soumettent à unexamen spécial, destiné à s’assurerd’une connaissance suffisante de lalangue française, que les étrangersdont les études secondaires n’appor-tent pas par elles-mêmes la preuve decette connaissance ; que, par suite, lemoyen tiré de ce que ce décret et cesarrêtés méconnaîtraient les droits queles étudiants étrangers tiendraient soitde l’article 6 de la déclaration desdroits de l’homme et du citoyen de1789, soit des dispositions du préam-bule de la constitution du 4 octobre1958 et de l’article 1er de la loi du12 novembre 1968 relatives à l’accèsà l’enseignement et à la culture, soitde la convention européenne du14 décembre 1959 sur la reconnais-sance académique des qualificationsuniversitaires, publiée au Journal of-ficiel du 12 septembre 1978, dont l’ar-ticle 4 autorise expressément chaquepartie contractante à « imposer auxdétenteurs d’une qualification univer-sitaire étrangère une épreuve dans salangue officielle, ou dans une de seslangues officielles, si leurs études ontété faites dans une autre langue »manque en fait ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que les requérants ne sontfondés à invoquer la violation du prin-cipe d’égalité des usagers devant leservice public qu’en tant que le dé-cret attaqué n’exclut pas de la procé-dure relative au choix de l’établisse-ment d’accueil les candidats étrangersayant en France leur résidence ;

Sur le détournement de pouvoir :

Considérant que le détournement depouvoir allégué n’est pas établi ;

DECIDE :

[Annulation du décret en tant qu’iln’exclut pas de la procédure qu’il ins-titue pour le choix de l’établissementd’accueil les candidats étrangers ayanten France leur résidence et en tantqu’il retire aux candidats étrangersrésidant en France le bénéfice desmesures prévues en faveur des candi-dats déjà engagés dans la vie profes-sionnelle par les dispositions combi-nées de l’article 1er et de l’article 23de la loi du 12 novembre 1968 ; rejetdu surplus des conclusions].

Conseil d’État,27 septembre 1985,

Gisti

N° 47324

Publié au Recueil Lebon

M. Azibert, Rapporteur

M. Boyon, Commissaire du gouverne-ment

M. Coudurier, Président

Considérant que le Groupe d’infor-mation et de soutien des travailleursimmigrés se borne à demander l’an-nulation des dispositions des paragra-phes II et III, respectivement intitu-lés « les documents nécessaires pourl’entrée en France » et « les cas denon-admission », du titre I de la cir-culaire du ministre de l’intérieur et dela décentralisation en date du 31 août1982, relative aux conditions d’entréeet de séjour en France des étrangers ;

Considérant, en premier lieu, que lacirculaire attaquée, en tant qu’elle nerappelle pas certaines dispositions dutroisième alinéa de l’article 5 de l’or-donnance du 2 novembre 1945 mo-difiée qu’elle entend commenter, neconstitue pas une décision faisantgrief ; que le groupement requérantn’est donc pas recevable à la contes-ter pour ce motif et dans cette me-sure ;

Considérant, en second lieu, qu’enprécisant au début du paragraphe IIIdu titre I de la circulaire attaquée quel’admission d’un étranger sur le terri-toire français peut être refusée « lors-que l’authenticité ou la pertinence desdocuments présentés n’est pas éta-blie », le ministre de l’intérieur et dela décentralisation n’a pas ajouté decondition supplémentaire aux condi-tions de refus d’admission prévuespar la loi, mais s’est borné à tirer lesconséquences nécessaires des dispo-sitions du 1er alinéa de l’article 5 del’ordonnance du 2 novembre 1945modifiée, qui énumère les documentsdont doit être muni tout étranger quidésire entrer en France ; qu’ainsi, surce point, la circulaire attaquée ne faitpas grief au groupement requérantqui n’est donc pas recevable à en de-mander l’annulation ;

Considérant, en troisième lieu, que legroupement requérant n’est en toutétat de cause pas fondé à demanderl’annulation de certaines dispositionsdes paragraphes II et III du titre I de

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la circulaire attaquée, qu’il ne désigned’ailleurs pas précisément, par voie deconséquence de l’annulation du dé-cret du 27 mai 1982 pris pour l’appli-cation de l’article 5 de l’ordonnancedu 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant en revanche, en qua-trième lieu, qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 5 de l’ordon-nance du 2 novembre 1945, « enaucun cas le refus d’entrée ne peutdonner lieu à une mesure de rapatrie-ment contre le gré de l’intéressé avantl’expiration du délai d’un jour franc[...] » ; qu’en indiquant, dans la suitedu paragraphe III du titre I de la cir-culaire attaquée que « les étrangersnon admis étant normalement réti-cents à l’idée de retourner dans l’Étatd’où ils proviennent, il apparaît diffi-cile de leur accorder le bénéfice de cedélai de manière automatique[…] » eten disposant que, « par conséquent,le bénéfice de ce droit ne devra êtreaccordé à l’étranger que s’il présenteune demande écrite et motivée », leministre a ajouté aux dispositions lé-gislatives qu’il prétendait commenterdes règles qui n’y figurent pas ; queces dispositions ont donc un caractèreréglementaire ; que, par suite, le grou-pement requérant est recevable etfondé à en demander l’annulationcomme prises par une autorité incom-pétente pour les édicter ;

DÉCIDE :

[Annulation des dispositions du pa-ragraphe III du titre I de la circulaireattaquée ; rejet du surplus].

Conseil d’État,27 septembre 1985,

Gisti, FTDA, LDH

N° 44484 et 44485

Publié au Recueil Lebon

M. Azibert, Rapporteur

M. Boyon, Commissaire du gouverne-ment

M. Coudurier, Président

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 5 de l’ordonnance du 2 novembre1945 relative aux conditions d’entréeet de séjour des étrangers en France,dans sa rédaction issue de la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 : « Pour en-trer en France, tout étranger doit êtremuni : 1° Des documents et visas exi-gés par les conventions internationa-les et les règlements en vigueur, 2° Sousréserve des conventions internationa-les, des documents prévus par décreten Conseil d’État et relatifs, d’une part,à l’objet et aux conditions de son sé-jour et, d’autre part, s’il y a lieu, auxgaranties de son rapatriement ; 3° Desdocuments nécessaires à l’exerciced’une activité professionnelle s’il sepropose d’en exercer une. La produc-tion des documents, visas et justifica-tions prévus aux alinéas ci-dessus con-fère le droit d’entrer sur le territoirefrançais. Toutefois, même en cas deproduction de ceux-ci, l’accès à ce ter-ritoire peut être refusé à tout étrangerdont la présence constituerait unemenace pour l’ordre public, ou qui faitl’objet soit d’une interdiction du terri-toire, soit d’un arrêté d’expulsion. Toutrefus d’entrée doit faire l’objet d’unedécision écrite, prise par une autoritéadministrative définie par décret enConseil d’État, spécialement motivéed’après les éléments de l’espèce, dontle double est remis à l’intéressé [...] » ;que le décret attaqué, en date du27 mai 1982, pris pour l’application del’article 5 précité de l’ordonnance du2 novembre 1945 modifiée, définit,dans ses articles 1er à 9, les documentsnécessaires pour l’entrée en France desétrangers bénéficiaires d’une dispensede visa qui déclarent vouloir effectueren France un séjour d’une durée n’ex-cédant pas trois mois et précise, dansses articles 10 à 12, quelles sont lesautorités administratives compétentespour prendre une décision refusantl’entrée d’un étranger sur le territoirefrançais ;

Sur la légalité des dispositions contes-tées de l’article 2 du décret attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article2 du décret attaqué : « En fonction deses déclarations sur les motifs de sonvoyage, l’étranger doit présenter selonle cas : [...] 3. Pour une visite privée,un certificat d’hébergement signé parla personne qui accueille l’étranger. Cecertificat indique l’identité de l’auteurdu certificat et son adresse personnelle,l’identité du bénéficiaire. Il précise lespossibilités d’hébergement. Il men-tionne, s’il y a lieu, le lien de parentédu signataire du certificat avec la per-sonne hébergée. Si le certificat est sous-crit par un ressortissant étranger, ilcomporte l’indication du lieu, de ladate de délivrance et de la durée devalidité du titre de séjour de l’intéressé.S’il est souscrit par un Français, il com-porte l’indication du lieu et de la datede délivrance d’un document établis-sant l’identité et la nationalité de ce-lui-ci. Le certificat doit être revêtu duvisa du maire de la commune de rési-dence du signataire après vérificationpar le maire de l’exactitude des men-tions qui y figurent. Le maire peut re-fuser le visa s’il ressort manifestementde la teneur du certificat que l’étran-ger ne peut être hébergé dans des con-ditions normales » ;

Considérant, en premier lieu, qu’enimposant au signataire du certificatd’hébergement, lorsqu’il est Français,d’indiquer le lieu et la date de déli-vrance d’un document établissant sonidentité et sa nationalité, le décret at-taqué n’a méconnu aucune disposi-tion législative ;

Considérant, en second lieu, qu’endisposant que les certificats d’héber-gement doivent être revêtus du visadu maire de la commune de résidencedu signataire et que le maire peut re-fuser le visa s’il ressort manifestementde la teneur du certificat que l’étran-ger ne peut être hébergé dans desconditions normales, le décret attaqués’est borné à organiser les modalitésde contrôle de la sincérité des décla-rations portées sur lesdits certificatsen ce qui concerne l’hébergement desétrangers ; que, ce faisant, il n’a pasexcédé les limites de l’habilitation lé-gislative qui l’autorisait à « détermi-ner les documents relatifs [...] auxconditions de séjour » dont doit êtremuni tout étranger qui désire entrersur le territoire français ;

Considérant, en troisième lieu, que,dans l’exercice des attributions qui luisont confiées par l’article 2 du décretattaqué, le maire agit comme agent del’État ; que la répartition des compé-tences entre agents de l’État relève du

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 27

pouvoir réglementaire ; que, dès lors,les associations requérantes ne sontpas fondées à soutenir que seule la loiaurait pu confier au maire les attri-butions en cause ;

Considérant, en quatrième lieu, que lesdispositions de l’article 2 du décretattaqué ne confèrent au maire aucunpouvoir d’investigation particulier etne peuvent donc avoir pour effet del’autoriser à exercer un contrôle desconditions d’hébergement proposéespar le signataire du certificat selon desmodalités qui porteraient atteinte auprincipe de l’inviolabilité du domicileprivé des personnes ;

Considérant, enfin, que le principed’égalité devant le service ne s’opposepas à ce que des dispositions différen-tes soient appliquées à des personnesqui se trouvent dans des situations dif-férentes ; que les étrangers désireuxd’entrer sur le territoire français, d’unepart, les Français et les étrangers rési-dant légalement en France, d’autrepart, sont placés dans des situations defait et de droit différentes ; que parsuite, en exigeant des étrangers dési-reux d’entrer sur le territoire françaispour y effectuer une visite privée qu’ilsfassent la preuve de « conditions nor-males d’hébergement « , alors que lesrésidents ne sont soumis à aucune obli-gation analogue, le décret attaqué n’apas méconnu le principe d’égalité ;

Sur la légalité de l’article 3 :

Considérant qu’en prévoyant que« lorsque l’entrée en France est moti-vée par un transit, l’étranger doit jus-tifier qu’il satisfait aux conditionsd’entrée dans le pays de destination »,les auteurs du décret attaqué n’ontméconnu aucune disposition législa-tive ni aucun principe général dudroit ; que la circonstance que, pourl’application de ces dispositions, lesautorités administratives françaisespuissent être amenées à interpréter lalégislation d’un pays étranger désignépar une personne en transit commeétant son pays de destination est sansincidence sur la légalité des disposi-tions en cause ;

Sur la légalité des articles 4, 5 et 6 :

Considérant qu’en disposant, à l’arti-cle 4 du décret attaqué, que « les do-cuments relatifs aux garanties de ra-patriement doivent permettre àl’étranger qui pénètre en France d’as-surer les frais afférents à son retourdu lieu situé sur le territoire métro-politain ou dans un départementd’outre-mer où il a l’intention de se

rendre jusqu’au pays de sa résidencehabituelle », les auteurs dudit décretont fait une exacte application desdispositions de l’article 5 de l’ordon-nance du 2 novembre 1945 modifiée,aux termes duquel, pour entrer enFrance, tout étranger doit être munide documents relatifs, s’il y a lieu, auxgaranties de son « rapatriement » ;

Considérant qu’aux termes de l’article5 du décret attaqué, « le document re-latif aux garanties de rapatriement peutêtre un titre de transport maritime, fer-roviaire, routier ou aérien valable pourrevenir dans le pays de résidence ha-bituelle. Pour constituer une garantie,ce titre doit porter la mention qu’iln’est pas cessible à un tiers autre quel’autorité administrative française etqu’il ne peut être transformé ou rem-boursé sans autorisation de l’autoritéadministrative française » ; que, con-trairement à ce que soutiennent les re-quérants, ces dispositions n’imposentaux transporteurs et agents de voya-ges qui délivrent leurs titres de voyageaux étrangers désireux de résider enFrance aucune obligation qui seraitcontraire au principe de la liberté ducommerce et de l’industrie ou à unprincipe du droit international ;

Considérant que, compte tenu destermes de l’habilitation législative fi-gurant à l’article 5 de l’ordonnancedu 2 novembre 1945, les auteurs dudécret attaqué ont pu légalement pré-voir aux articles 5 et 6 dudit décretque les garanties de rapatriementpourraient être, de façon limitative,constituées soit par un titre de trans-port non cessible, soit par une attes-tation bancaire garantissant le rapa-triement de l’intéressé au cas où ce-lui-ci ne serait pas en mesure d’en as-surer lui-même les frais, à l’exclusiond’autres documents ;

Sur la légalité de l’article 9 :

Considérant, d’une part, que le prin-cipe posé par les dispositions dupréambule de la constitution du 27 oc-tobre 1946, auquel se réfère la consti-tution du 4 octobre 1958, aux termesdesquelles « tout homme persécuté enraison de son action en faveur de laliberté a droit d’asile sur les territoiresde la République » ne s’impose aupouvoir réglementaire, en l’absence deprécision suffisante, que dans les con-ditions et limites définies par les dis-positions contenues dans les lois oudans les conventions internationalesincorporées au droit français ; que, parsuite, les associations requérantes nesauraient utilement, pour critiquer la

légalité de l’article 9 du décret attaqué,invoquer ce principe indépendam-ment desdites dispositions ;

Considérant, d’autre part, qu’il résultedes termes mêmes de l’article 5 de l’or-donnance du 2 novembre 1945 que lesdocuments relatifs à l’objet et aux con-ditions de séjour, ainsi qu’aux garan-ties de rapatriement ne sont exigésd’un étranger qui désire entrer enFrance que « sous réserve des conven-tions internationales » ; que cette ré-serve vise en particulier la Conventionde Genève du 25 juillet 1951 sur le sta-tut des réfugiés, modifiée par le pro-tocole de New York du 31 janvier1967, dont les stipulations font obsta-cle à ce que les documents en causepuissent être exigés des personnes qui,demandant à entrer sur le territoirefrançais, peuvent prétendre à la qua-lité de réfugiés au sens de l’article 1er

de la Convention ; que, cependant,alors surtout que la réserve relative auxconventions internationales est repriseà l’article 1er du décret attaqué, lesdispositions des articles 1er à 6 duditdécret n’ont pas pour objet d’imposerà ces personnes, pour être admises surle territoire français, les documentsvisés aux articles 2, 4, 5 et 6 du mêmedécret, relatifs à l’objet et aux condi-tions de leur séjour, ainsi qu’aux ga-ranties de leur rapatriement ; que, parsuite, l’article 9 du décret attaquén’avait pas à dispenser expressémentles personnes pouvant prétendre aubénéfice de la Convention de Genèvede la présentation de documentsqu’aucune disposition du même décretne leur imposait de produire ;

Sur la légalité de l’article 11 :

Considérant que les dispositions del’article 11 du décret attaqué, aux ter-mes desquelles « lorsque le contrôledes personnes à la frontière est assurépar les fonctionnaires des douanes, ladécision de refus d’entrée en Franceopposée à l’étranger est prise, sousréserve des dispositions de l’article 12du présent décret, par le fonction-naire investi des fonctions de chef deposte ou par le fonctionnaire désignépar lui titulaire du grade de contrô-leur ou d’un grade supérieur », nesont contraires à aucune dispositionlégislative ;

Sur la légalité de l’article 12 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 12 du décret attaqué, « lorsquel’étranger qui se présente à la fron-tière demande à bénéficier du droitd’asile, la décision de refus d’entréeen France ne peut être prise que par

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page 28 Défendre la cause des étrangers en justice

le ministre de l’intérieur, après con-sultation du ministre des relationsextérieures » ;

Considérant, en premier lieu, qu’ilrésulte de ce qui précède que lemoyen tiré par les requérants de ceque l’article 12 du décret devrait êtreannulé par voie de conséquence del’annulation de l’article 9 du mêmedécret ne peut qu’être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que l’ar-ticle 12 du décret ne comporte aucunedisposition relative aux conditionsauxquelles peut être subordonnéeune décision de refus d’entrée enFrance opposée à un étranger deman-dant à bénéficier du droit d’asile etse borne à définir l’autorité compé-tente et la procédure à suivre pourprendre une telle décision dans les casoù les dispositions légalement appli-cables le permettent, compte tenunotamment des stipulations des con-ventions internationales relatives auxréfugiés ; qu’ainsi, le moyen tiré de laméconnaissance de ces stipulations nesaurait être accueilli ;

Considérant, enfin, que si, en vertudu deuxième alinéa de l’article 2 dela loi du 25 juillet 1952 précitée, l’Of-fice français de protection des réfu-giés et apatrides, « reconnaît la qua-lité de réfugié à toute personne quirelève du mandat du Haut commis-saire des Nations unies pour les réfu-giés ou qui répond aux définitions del’article 1er de la Convention de Ge-nève du 28 juillet 1951 relative au sta-tut des réfugiés », ces dispositionsn’ont ni pour objet ni pour effet deconférer au directeur de l’Office fran-çais de protection des réfugiés et apa-trides des pouvoirs en matière d’ad-mission au séjour sur le territoire fran-çais des étrangers ; qu’ainsi, en con-fiant au ministre de l’intérieur, nor-malement compétent en matière depolice des étrangers, le pouvoir dedécider un refus d’entrée sur le terri-toire français des demandeurs d’asile,le décret attaqué n’a pas méconnu lesdispositions précitées de l’article 2 dela loi du 25 juillet 1952 ni cellesd’aucun autre texte législatif ;

DÉCIDE :

[Rejet de la requête]

Conseil d’État,26 septembre 1986,

Gisti

N° 65749

Publié au Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

M. Vigouroux, Commissaire du gou-vernement

M. Laurent, Président

Considérant que l’article 1er de la loidu 17 juillet 1984, qui a pour objet deremplacer le chapitre II de l’ordon-nance n° 45-2658 du 2 novembre1945 concernant les différentes caté-gories de titres de séjour pouvant êtredélivrés aux étrangers, institue, d’unepart, une « carte de séjour tempo-raire » dont la validité ne peut être su-périeure à un an et qui estrenouvelable, et, d’autre part, une« carte de résident » valable dix ans,que l’autorité administrative compé-tente peut délivrer aux étrangers jus-tifiant notamment d’une résidencerégulière ininterrompue de trois ansau moins ; que l’article 15 nouveau del’ordonnance dispose que cette der-nière carte est délivrée « de pleindroit » et sans condition de durée derésidence à neuf catégories d’étrangersremplissant les conditions qu’il énu-mère ; qu’il ressort de l’ensemble desdispositions de ces textes, éclairées parles travaux préparatoires, que lesétrangers justifiant appartenir à l’unede ces catégories doivent être entrésrégulièrement en France et y séjour-ner régulièrement, ou avoir bénéficiéd’une mesure de régularisation ;

Considérant que le décret du 4 dé-cembre 1984, pris pour l’applicationde ces nouvelles dispositions législa-tives et modifiant le décret du 30 juin1946, subordonne, par l’article 7 dontla légalité n’est pas contestée par legroupement requérant, la délivrancede la carte de séjour temporaire à laproduction des documents justifiantque le demandeur est entré réguliè-rement en France et d’un certificatmédical délivré dans les conditionsfixées par un arrêté du ministre de lasanté ; qu’il suit de là que, si l’article11 nouveau du décret du 30 juin 1946prescrit la production des mêmes piè-ces par les candidats à la carte de ré-sident se trouvant dans l’une des cinqpremières des neuf catégories énumé-rées à l’article 15 susmentionné del’ordonnance, cette exigence ne peut

concerner que ceux d’entre eux quine sont pas déjà titulaires, à la datede leur demande, d’une carte de rési-dent temporaire ou d’un titre équi-valent ; que l’obligation pour ces der-niers de se soumettre à un examenmédical a pu légalement être impo-sée, dans l’intérêt de la santé publi-que, par voie réglementaire, dès lorsque la délivrance de la carte de rési-dent n’est pas subordonnée au résul-tat de l’examen ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que le groupement requérantn’est pas fondé à soutenir que les dis-positions attaquées des 2° et 3° de l’ar-ticle 11 du décret du 30 juin 1946,telles qu’elles résultent du décret du4 décembre 1984, ajoutent illégale-ment des conditions supplémentairesà l’obtention de la carte de résidentpar les personnes visées à l’article 15nouveau de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés est rejetée.

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 29

Conseil d’État,25 septembre 1987,

Gisti

N° 66708

M. Bordry, Rapporteur

M. Vigouroux, Commissaire du gou-vernement

Considérant en premier lieu que lacirculaire du ministre de l’intérieur etde la décentralisation et du ministredes affaires sociales et de la solidariténationale du 4 janvier 1985, relative àla mise en œuvre de la procédure d’in-troduction en France des membres dela famille des ressortissants étrangersa été prise pour l’application du dé-cret n° 84-1080 du 4 décembre 1984modifiant le décret n° 76-383 du29 avril 1976, relatif aux conditionsd’entrée et de séjour en France desmembres des familles des étrangersautorisés à résider en France ; que,par une décision en date du 26 sep-tembre 1986, le Conseil d’État sta-tuant au contentieux a rejeté le re-cours pour excès de pouvoir de l’as-sociation requérante tendant à l’an-nulation dudit décret du 4 décembre1984 ; que le moyen tiré de ce que lacirculaire attaquée aurait été prise surle fondement d’un décret illégal, le-quel se réfère exclusivement auxmoyens développés dans ledit recoursdoit, dès lors, être rejeté ;

Considérant en second lieu qu’il ré-sulte du décret du 29 avril 1976 mo-difié par le décret du 4 décembre1984 que, sous réserve des engage-ments internationaux de la France, ladécision autorisant le séjour, au titredu regroupement familial, des mem-bres des familles des étrangers auto-risés à résider en France est prise alorsque les personnes concernées ne sontpas encore entrées en France, sousréserve des seuls cas prévus à l’article2-1 dudit décret et relatif aux mem-bres de la famille d’un ressortissantétranger qui se trouvent en Francedans les conditions définies audit ar-ticle ; que les troisième et quatrièmealinéas du préambule de la circulaireattaquée se bornent à reproduire les-dites dispositions et sont dépourvusde tout caractère réglementaire ; quel’association requérante n’est dès lorspas recevable à en demander l’annu-lation ;

Considérant en troisième lieu que le-dit décret du 29 avril 1976 ne s’appli-

que que sous réserve des engagementsinternationaux de la France ; que lesressortissants algériens sont soumisaux seules dispositions de l’accordfranco-algérien du 27 décembre 1968publié par le décret du 18 mars 1969,complété par l’échange de lettres des26 et 27 décembre 1978 et 20 décem-bre 1979, publié par le décret du31 décembre 1979 ; que la mention,au onzième alinéa du paragraphe 1-1de la circulaire attaquée, de diversescirculaires intervenues en la matièrene peut avoir pour effet de conférerauxdites circulaires une valeur régle-mentaire ;

Considérant en quatrième lieu qu’ilrésulte de l’article 1er-2 du décret du29 avril 1976 modifié par le décret du4 décembre 1984 que le droit précitéau regroupement familial peut êtrerefusé si « l’étranger concerné ne dis-pose pas de ressources stables suffi-santes pour subvenir aux besoins desa famille » ; qu’en relevant que cettecondition « conduit à écarter » les de-mandes des travailleurs saisonniers,des étudiants autorisés à travailler, destitulaires d’une autorisation provi-soire de travail, des boursiers et sta-giaires en formation ou perfectionne-ment professionnel et des deman-deurs d’emploi, les auteurs de la cir-culaire attaquée n’ont pas entenduédicter une exclusion de principe despersonnes entrant dans ces catégories,mais rappeler que leur situation im-plique le plus souvent qu’elles ne rem-plissent pas les conditions de ressour-ces requises ; que le cas des étudiantsnon autorisés à travailler relève duparagraphe 3.2.2 de la circulaire at-taquée relatif aux étrangers non tra-vailleurs salariés dont la requête neconteste pas la légalité ; que le cas duconjoint étranger venant rejoindre enFrance un étudiant étranger afin d’yexercer une activité salariée relève entant que tel des dispositions généra-les relatives à l’entrée des salariésétrangers en France, et n’avait pas àêtre traité par la circulaire attaquée ;

Considérant qu’il incombe à l’admi-nistration d’apprécier sous le contrôledu juge, le caractère stable et suffi-sant des ressources précitées ; que lesdispositions du second alinéa du pa-ragraphe 3.2.1. de la circulaire atta-quée n’ont ni pour objet ni pour effetde prescrire à l’administration d’écar-ter la demande d’un travailleur sala-rié ne travaillant pas à temps complet,dès lors que ses ressources présente-raient un caractère stable et suffisant ;

Considérant en cinquième lieu qu’ilrésulte de l’article 1er-3 du décret pré-cité que le regroupement familial peutêtre refusé si « les conditions de lo-gement que l’étranger propose d’as-surer à sa famille sont inadaptées » ;qu’en mentionnant que « le deman-deur peut être soit propriétaire d’unlogement libre, soit locataire soit ti-tulaire d’une promesse ferme de lo-cation », le premier alinéa du paragra-phe 3.3 de la circulaire attaquée n’aeu ni pour objet ni pour effet d’ex-clure d’autres titres juridiques à dis-poser d’un logement ; que la mention,contenue dans le troisième alinéa dumême paragraphe, des normes fixéespour obtenir le bénéfice de l’alloca-tion-logement n’a la valeur que d’uneréférence pratique et ne saurait ex-clure l’utilisation d’autres critèrespour permettre à l’administrationd’apprécier, sous le contrôle du juge,l’adaptation des conditions de loge-ment que le travailleur salarié étran-ger se propose d’assurer à sa famille ;que l’entrée et le séjour des étrangersen France étant régis par une législa-tion et une réglementation qui leursont propres, le moyen tiré d’une dis-crimination entre Français et étran-gers est inopérant ; que les disposi-tions précitées ne méconnaissent pasnon plus le droit des étrangers demener une vie familiale normale ;

Considérant en sixième lieu que letroisième alinéa du paragraphe 4.2 dela circulaire attaquée relatif à la cons-titution du dossier a pu prévoir queles travailleurs salariés devraient pro-duire le bulletin de paie des trois moisprécédents et les étrangers exerçantune activité non salariée ou n’exerçantpas une activité professionnelle la jus-tification de leurs revenus de l’annéeprécédente sans opérer en l’espèce de« discrimination » illégale, comptetenu des situations différentes danslesquelles se trouvent ces deux caté-gories d’intéressés ;

Considérant en septième lieu que lepremier alinéa du paragraphe 4.3.1 dela circulaire attaquée a pu légalementprévoir que les centres régionaux del’office national d’immigration assu-reraient le contrôle du logement ; quel’allégation de l’association requé-rante selon laquelle cette dispositionserait « porteuse de voie de fait » estdépourvue de tout fondement ;

Considérant en huitième lieu que lepremier alinéa du paragraphe 7 de lacirculaire attaquée relatif à la procé-dure exceptionnelle d’admission au

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page 30 Défendre la cause des étrangers en justice

séjour se borne à rappeler les dispo-sitions précitées de l’article 2.1 dudécret du 29 avril 1976 modifié parle décret du 4 décembre 1984 ;

Considérant enfin qu’en recomman-dant à l’administration d’examineravec bienveillance les conditions delogement des étrangers qui ont for-mulé une demande d’admission auséjour avant l’entrée en vigueur dudécret du 4 décembre 1984 « dans lecas où la personne rejointe, présenteen France depuis plus de dix ans, estinscrite sur le fichier des mal-logés eta fait des efforts significatifs pour re-chercher un logement adapté auxnormes en vigueur », le deuxième ali-néa du paragraphe 8 de la circulaireattaquée n’a pas institué de discrimi-nation illégale et n’édicte pas de dis-positions réglementaires ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que l’association requé-rante n’est pas fondée à demanderl’annulation des dispositions atta-quées de la circulaire ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés est rejetée.

Conseil d’État,21 octobre 1988,

Ministre de l’intérieurc/Campopiano

N° 90239

M. Rossi, Rapporteur

M. Vigouroux, Commissaire du gou-vernement

Sur l’intervention du Groupe d’infor-mation et de soutien des travailleursimmigrés :

Considérant que cette association aintérêt au maintien du jugement atta-qué ; qu’ainsi, son intervention estrecevable ;

Sur le recours du ministre de l’inté-rieur :

Considérant que si l’article 25, 2°, 3°et 7° de l’ordonnance du 2 novembre1945 dans sa rédaction résultant deslois du 29 octobre 1981 et 17 juillet1984 interdisait l’expulsion des étran-gers résidant habituellement enFrance depuis qu’ils ont atteint l’âgede 10 ans, depuis plus de quinze ansou qui n’ont pas été condamnés défi-nitivement à une peine au moins égaleà un an d’emprisonnement sans sur-sis ou bien à plusieurs peines d’em-prisonnement sans sursis au moinségales, ces dispositions ont été modi-fiées par la loi du 9 septembre 1986qui a limité l’interdiction « à l’étran-ger qui justifie par tous moyens avoirsa résidence habituellement en Francedepuis qu’il a atteint l’âge de dix ansou depuis plus de dix ans et qui n’apas été condamné définitivementpour crime ou délit à une peine aumoins égale à six mois d’emprisonne-ment sans sursis ou un an avec sursisou à plusieurs peines d’emprisonne-ment au moins égales, au total, à cesmêmes durées » ;

Considérant que l’expulsion d’unétranger n’a pas le caractère d’unesanction au sens de l’article 7 de laconvention européenne des droits del’homme, mais d’une mesure de po-lice exclusivement destinée à proté-ger l’ordre et la sécurité publics ; que,dès lors, les dispositions précitées dela loi du 9 septembre 1986, publiéesau Journal Officiel le 12 septembresuivant, qui sont entrées en vigueurdans le délai prévu par le décret du5 novembre 1870 et qui n’ont pas lecaractère d’une mesure organisantl’exercice d’une liberté publique,

pouvaient dès l’expiration de ce dé-lai être appliquées à des étrangersremplissant les conditions fixées parelles, quelle que fût la date des con-damnations retenues à leur encontre ;qu’il suit de là que c’est à tort que,par le jugement attaqué, le tribunaladministratif de Rouen s’est fondé surla circonstance que les condamna-tions pénales retenues à l’encontre deM. Campopiano étaient antérieures àl’intervention de la loi précitée pourannuler l’arrêté du ministre de l’inté-rieur du 10 février 1987 prononçantl’expulsion de l’intéressé ;

Considérant toutefois, qu’il appar-tient au Conseil d’État, saisi de l’en-semble du litige par l’effet dévolutifde l’appel, d’examiner les autresmoyens soulevés par M. Campopianodevant le tribunal administratif deRouen ;

Considérant qu’il n’est pas contestéque M. Campopiano s’est rendu cou-pable en 1982 et 1984, d’actes por-tant atteinte à la sécurité des biens,en se rendant coupable notamment devol, de recels, accompagnés de dégra-dations volontaires de biens immobi-liers ; que le total des condamnationsprononcées par l’autorité judiciaireexcède six mois ; qu’ainsi, comptetenu de la nature et de la répétitionde ces faits, le ministre de l’intérieur,qui a pris sa décision au vu de l’en-semble des circonstances de l’affaire,pouvait légalement, sans commettred’erreur manifeste d’appréciation,prononcer l’expulsion de M.Campopiano par l’arrêté du 10 février1987 ; qu’il résulte de tout ce qui pré-cède que le ministre de l’intérieur estfondé à soutenir que c’est à tort que,par le jugement attaqué le tribunaladministratif de Rouen a annulé sadécision en date du 10 février 1987 ;

DECIDE :

Article 1er : L’intervention du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés est admise.

Article 2 : Le jugement en date du 10juillet 1987 du tribunal administratifde Rouen est annulé.

Article 3 : La demande présentée parM. Campopiano devant le tribunaladministratif de Rouen et le surplusdes conclusions de sa requête sontrejetés.

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Conseil d’État, Assemblée,29 juin 1990,

Gisti

N° 78519

Publié au Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

M. Abraham, Commissaire du gouver-nement

M. Long, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Sur les conclusions tendant à l’annu-lation des 7e et 10e alinéas du paragra-phe 2-2-1-2 de la circulaire du 14 mars1986 :

Considérant que si l’article 7 de ladéclaration de principes relative à lacoopération économique et financièreentre la France et l’Algérie du 19 mars1962 reconnait aux ressortissants al-gériens résidant en France les mêmesdroits qu’aux nationaux français àl’exception des droits politiques, lesconditions d’entrée et de séjour desressortissants algériens en France sontrégies par l’accord franco-algérien du27 décembre 1968 et les conventionsqui l’ont modifié ; qu’aux termes del’article 7 b) dudit accord dans la ré-daction issue de son premier avenantdu 22 décembre 1985 : « Les ressor-tissants algériens désireux d’exercerune activité professionnelle salariéereçoivent, après le contrôle médicald’usage et sur présentation d’un con-trat de travail visé par les services duministre chargé des travailleurs immi-grés un certificat de résidence vala-ble un an pour toutes professions ettoutes régions, renouvelable et por-tant la mention « salarié » ; cette men-tion constitue l’autorisation de travailexigée par la législation française » ;qu’en précisant que, pour l’applica-tion de cette disposition l’autorisationde travail serait délivrée selon les ins-tructions applicables aux étrangersrelevant du régime général et en te-nant compte notamment, comme leprévoit l’article R.341-4 du code dutravail, de la situation de l’emploi, lesauteurs de la circulaire attaquée sesont bornés à interpréter exactementles stipulations de l’accord ; que, lesdispositions critiquées de la circulaireétant ainsi dépourvues de caractèreréglementaire, le groupe d’informa-tion et de soutien des travailleurs im-migrés n’est pas recevable à en de-mander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’annu-lation du 24ème alinéa du paragraphe2.2.1.2 relatif aux autorisations provi-soires de travail accordées aux étu-diants algériens :

Considérant que le protocole annexéau premier avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne com-porte, en ce qui concerne les ressor-tissants algériens admis à séjourner enFrance comme étudiants, aucune sti-pulation qui, lorsqu’ils entendentexercer une activité salariée à titre ac-cessoire, en même temps qu’ils pour-suivent leurs études, subordonnel’exercice de cette activité à l’autori-sation de travail exigée par la législa-tion française ; qu’en prévoyant queles étudiants algériens voulant tra-vailler seraient soumis à un régimecomportant des autorisations provi-soires de travail délivrées dans les con-ditions fixées par les circulaires des24 février 1976 et 1er août 1985, les-quelles disposent qu’il sera tenucompte notamment de la situation del’emploi, et en abrogeant sur ce pointla circulaire du 12 mars 1979 qui cons-tatait qu’ils étaient dispensés d’unetelle autorisation par l’article 7 de ladéclaration de principes du 19 mars1962, la circulaire a édicté une règlecontraire aux conventions internatio-nales applicables aux intéressés ; quele groupement d’information et desoutien des travailleurs immigrés est,par suite, recevable et fondé à en de-mander l’annulation sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l’annu-lation des dispositions du premier ali-néa du paragraphe 3.1.1 en tant qu’el-les incluent, parmi les membres de lafamille susceptibles de bénéficier duregroupement familial, les « enfantsmineurs de dix-huit ans » :

Considérant qu’aux termes du pre-mier alinéa de l’article 4 de l’accordfranco-algérien du 27 décembre 1968,dans la rédaction résultant du premieravenant audit accord : « Les membresde la famille qui s’établissent enFrance sont en possession d’un certi-ficat de résidence de même durée devalidité que celui de la personne qu’ilsrejoignent » ; qu’aux termes du pre-mier alinéa du titre II du protocoleannexé audit avenant : « Les mem-bres de la famille s’entendent du con-joint d’un ressortissant algérien, de sesenfants mineurs ainsi que des enfantsde moins de dix-huit ans dont il a ju-ridiquement la charge en vertu d’unedécision de l’autorité judiciaire algé-

rienne » ; qu’il ressort des pièces dudossier que les auteurs dudit avenantet du protocole annexé n’ont pas en-tendu modifier les stipulations anté-rieurement en vigueur de l’accord du27 décembre 1968 qui s’appliquaientau conjoint et aux enfants mineurs demoins de dix-huit ans ; que, par suite,en indiquant qu’il fallait entendre parenfants mineurs les enfants mineursde 18 ans, et non ceux de 19 et 21 ansconformément au droit algérien, lesauteurs de la circulaire attaquée sesont bornés à interpréter exactementles termes de la convention franco-algérienne ; que la circulaire est doncsur ce point dépourvue de caractèreréglementaire ; que le groupe d’infor-mation et de soutien des travailleursimmigrés n’est, par suite, pas receva-ble à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’annu-lation des dispositions du troisièmealinéa du paragraphe 2.2. 1.1 et del’avant-dernier alinéa du paragraphe2.2.4 de la circulaire attaquée relativesau refus de délivrance d’un certificatde résidence d’un an ou un certificatde résidence de 10 ans si la présenceen France de l’intéressé constitue unemenace pour l’ordre public :

Considérant qu’aucune disposition del’accord franco-algérien du 27 décem-bre 1968 modifié par le premier ave-nant et le protocole du 22 décembre1985 ne prive l’administration fran-çaise du pouvoir qui lui appartient,en application de la réglementationgénérale relative à l’entrée et au sé-jour des étrangers en France, de re-fuser l’admission au séjour d’un res-sortissant algérien en se fondant surla circonstance que sa présence enFrance constitue une menace pourl’ordre public ; qu’ainsi, et alorsmême que l’accord susmentionné neprévoyait pas une telle possibilité, lesauteurs de la circulaire attaquée n’ontédicté sur ce point aucune règle nou-velle dont le groupe d’information etde soutien des travailleurs immigrésserait recevable à contester la légalité ;

Sur les autres dispositions de la circu-laire attaquée :

Considérant que si l’association re-quérante soutient que l’ensemble dela circulaire devrait être annulé enraison de l’incompétence des minis-tres signataires, elle ne précise pas lesdispositions de ladite circulaire,autres que celles précédemment ana-lysées, qui auraient un caractère ré-glementaire ; qu’elle n’est par suite,

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page 32 Défendre la cause des étrangers en justice

pas recevable à demander cette an-nulation ;

DECIDE :

Article 1er : Le 24e alinéa du paragra-phe 2.2.1.2 de la circulaire en date du14 mars 1986 du ministre de l’inté-rieur et de la décentralisation et duministre des affaires sociales et de lasolidarité nationale, relatif à la déli-vrance d’autorisations provisoires detravail aux étudiants algériens, estannulé.

Article 2 : Le surplus des conclusionsde la requête du groupe d’informa-tion et de soutien des travailleurs im-migrés – GISTI – est rejeté.

Conseil d’État,22 mai 1992,

Gisti

N° 87043

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

M. Abraham, Commissaire du gouver-nement

M. Combarnous, Président

Considérant que, par une circulairedu 28 novembre 1986, le ministre del’intérieur a soumis à l’obligation devisa préfectoral pour leurs déplace-ments hors de France certaines caté-gories de ressortissants étrangers ré-sidant en France ; que ces disposi-tions, qui constituent des restrictionsà la liberté fondamentale d’aller et devenir, laquelle n’est pas limitée au ter-ritoire national, mais comporte éga-lement le droit de le quitter, ne sontprévues par aucun texte et ont le ca-ractère de mesures susceptibles d’êtredéférées au juge de l’excès de pou-voir ; que le ministre de l’intérieur netenait d’aucune disposition législativele pouvoir d’édicter de telles règles ;que, par suite, le Groupe d’informa-tion et de soutien des travailleurs im-migrés est fondé à demander l’annu-lation des dispositions de ladite cir-culaire relatives au visa de sortie deFrance comme entachées d’incompé-tence ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les dispositions de la cir-culaire du ministre de l’intérieur du28 novembre 1986 relatives au visa desortie des ressortissants étrangers ré-sidant en France sont annulées.

Conseil d’État,23 septembre 1992,

Gisti et MRAP

N° 120437 et 120737

Publié au Recueil Lebon

M. Robineau, Rapporteur

M. Kessler, Commissaire du gouverne-ment

Mme Bauchet, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCPLyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocats

Considérant que les requêtes susvi-sées sont dirigées contre la même cir-culaire ; qu’il y a lieu de les joindrepour être statué par une seule déci-sion ;

Considérant que la circulaire en datedu 24 septembre 1990 par laquelle leministre de l’éducation nationale ademandé aux établissements d’ensei-gnement supérieur de suspendretoute coopération scientifique et tech-nique avec l’Irak et d’interdire auxressortissants de ce pays de s’inscrirepour l’année universitaire 1990-1991n’est pas détachable de la conduitedes relations diplomatiques de laFrance et échappe ainsi à tout con-trôle juridictionnel ; que, par suite, lajuridiction administrative n’est pascompétente pour connaître des re-quêtes du Groupe d’information et desoutien des travailleurs immigrés(GISTI) et du Mouvement contre leracisme et pour l’amitié entre les peu-ples (MRAP) tendant à l’annulationpour excès de pouvoir de cette circu-laire ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés (GISTI) et duMouvement contre le racisme et pourl’amitié entre les peuples (MRAP)sont rejetées.

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 33

Conseil d’État, Section,23 avril 1997,

Gisti

N° 163043

Publié au Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

M. Abraham, Commissaire du gouver-nement

M. Gentot, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 22 de la Constitution : « Les actesdu Premier ministre sont contresi-gnés, le cas échéant, par les ministreschargés de leur exécution » ; que leministre des affaires étrangères et leministre du travail n’avaient pas com-pétence pour signer ou contresignerles mesures réglementaires ou indivi-duelles que comporte l’exécution dudécret attaqué ; qu’ainsi le moyen tirédu défaut de contreseing de ces deuxministres doit être écarté ;

Considérant que le décret attaqué dé-finit les titres et documents attestant dela régularité du séjour et du travail desétrangers en France en vue de leur af-filiation à un régime de sécurité sociale ;qu’il a été pris en application de l’arti-cle L. 115-6 du code de la sécurité so-ciale issu de l’article 36 de la loi susvi-sée du 24 août 1993 qui subordonnecette affiliation à la régularité de la si-tuation des intéressés ; qu’ainsi lemoyen tiré d’une prétendue violationdu onzième alinéa du préambule de laConstitution aux termes duquel la na-tion « garantit à tous, notamment à l’en-fant, à la mère et aux vieux travailleurs,la protection de la santé, la sécuritématérielle, le repos et les loisirs » esten tout état de cause inopérant ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 4-1 de la convention n° 118 de l’or-ganisation internationale du travail du28 juin 1962 : « En ce qui concernele bénéfice des prestations, l’égalité detraitement doit être assurée sans con-dition de résidence. Toutefois, ellepeut être subordonnée à une condi-tion de résidence, en ce qui concerneles prestations d’une branche de sé-curité sociale déterminée, à l’égarddes ressortissants de tout Membredont la législation subordonne l’oc-troi des prestations de la même bran-che à une condition de résidence surson territoire » ; que la définition destitres et documents susmentionnésn’est pas contraire aux stipulations

précitées, qui produisent des effetsdirects à l’égard des particuliers ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 24-1 de la convention relative auxdroits de l’enfant en date du 26 jan-vier 1990 : « Les États parties recon-naissent le droit de l’enfant de jouir dumeilleur état de santé possible et debénéficier de services médicaux et derééducation. Ils s’efforcent de garan-tir qu’aucun enfant ne soit privé dudroit d’avoir accès à ces services » ;qu’aux termes de l’article 26-1 de lamême convention : « Les États partiesreconnaissent à tout enfant le droit debénéficier de la sécurité sociale, y com-pris les assurances sociales, et prennentles mesures nécessaires pour assurer lapleine réalisation de ce droit en con-formité avec leur législation natio-nale » ; qu’aux termes de l’article 27-1de la même convention : « Les Étatsparties reconnaissent le droit de toutenfant à un niveau de vie suffisant pourpermettre son développement physi-que, mental, spirituel, moral et so-cial » ; que ces stipulations, qui ne pro-duisent pas d’effets directs à l’égarddes particuliers, ne peuvent être utile-ment invoqués à l’appui de conclu-sions tendant à l’annulation d’une dé-cision individuelle ou réglementaire ;

Considérant que le décret attaquédoit être regardé comme réservant lesdroits des ressortissants des Étatsayant conclu des accords d’associa-tion ou de coopération avec les Com-munautés européennes ; qu’ainsi lemoyen tiré de ce qu’il aurait des ef-fets discriminatoires à l’égard de cesressortissants ne peut être accueilli ;

Considérant, enfin que le décret atta-qué ne fait obstacle ni au droit à la pro-longation des prestations d’assurancesmaladie, maternité, invalidité, décèsprévue par l’article L. 161-8 du codede la sécurité sociale au profit des per-sonnes qui cessent de relever du régimegénéral ou des régimes qui lui sont rat-tachés, ni aux droits à prestations nésde cotisations versées avant l’entrée envigueur de la loi du 24 août 1993 ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que le Groupe d’informationet de soutien des travailleurs immi-grés (GISTI) n’est pas fondé à deman-der l’annulation du décret attaqué ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés (GISTI) est rejetée.

Conseil d’État,18 juin 1997,Gisti et FTDA

N° 162517 et 162518

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

M. de L’Hermite, Rapporteur

M. Delarue, Commissaire du gouver-nement

M. Vught, Président

Considérant que les requêtes susvi-sées sont dirigées contre le même dé-cret ; qu’il y a lieu de les joindre pourstatuer par une seule décision ;

Considérant, d’une part, qu’aux ter-mes de l’article 15 bis de l’ordonnancesusvisée du 2 novembre 1945 dans sarédaction issue de la loi n° 93-1027du 24 août 1993 : « [...] La carte derésident ne peut être délivrée à unressortissant étranger qui vit en étatde polygamie ni aux conjoints d’untel ressortissant. Une carte de résidentdélivrée en méconnaissance de cesdispositions doit être retirée. » ;qu’aux termes de l’article 16 de laditeordonnance : « La carte de résidentest valable dix ans. Sous réserve desdispositions de l’article 15 bis [ ...] elleest renouvelée de plein droit. » ;qu’aux termes de l’article 37 de laditeordonnance : « Les dispositions sur leretrait des titres de séjour prévues àl’article 15 bis dans leur rédaction is-sue de la loi n° 93-1027 du 24 août1993 relative à la maîtrise de l’immi-gration et aux conditions d’entrée,d’accueil et de séjour des étrangers enFrance ne sont applicables qu’à desétrangers ayant reçu un titre de séjouraprès l’entrée en vigueur de la pré-sente loi. » ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 11 du décret attaqué : « Pour l’ap-plication des dispositions du premieralinéa de l’article 16 de l’ordonnancedu 2 novembre 1945 précitée, l’étran-ger présente à l’appui de sa demandede renouvellement de carte de rési-dent : [...] 2° S’il est marié et ressor-tissant d’un État dont la loi autorisela polygamie, une déclaration surl’honneur selon laquelle il ne vit pasen France en état de polygamie » ;

Considérant qu’il résulte de l’ensem-ble des dispositions précitées de l’or-donnance du 2 novembre 1945 quel’administration peut légalement re-fuser le renouvellement de la carte derésident d’un ressortissant étranger

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page 34 Défendre la cause des étrangers en justice

vivant en état de polygamie ou de sesconjoints quelle que soit la date de ladélivrance de ce titre de séjour ; quepar suite, le moyen tiré de ce que lesdispositions précitées du décret at-taqué seraient contraires à celles del’article 16 de ladite ordonnance auxtermes desquelles la carte de résidentest renouvelable de plein droit doitêtre écarté ;

Considérant, d’autre part, qu’aux ter-mes de l’article 32 de l’ordonnancesusvisée du 2 novembre 1945 : « Lors-qu’il a été admis à séjourner en Franceen application des dispositions de l’ar-ticle 31 bis, le demandeur d’asile estmis en possession d’un documentprovisoire de séjour lui permettant desolliciter la reconnaissance de la qua-lité de réfugié auprès de l’office fran-çais de protection des réfugiés et apa-trides (OFPRA). Lorsque cet office aété saisi d’une telle demande de re-connaissance le demandeur d’asile estmis en possession d’une nouvelleautorisation provisoire de séjour.Cette autorisation est renouvelée jus-qu’à ce que l’office français de pro-tection des réfugiés et apatrides sta-tue et, si un recours est formé devantla commission des recours, jusqu’à ceque la commission statue. ( ...) Undécret en Conseil d’État fixe les con-ditions d’application du présent arti-cle, et notamment la nature et la du-rée de validité des documents de sé-jour remis aux demandeurs d’asileainsi que le délai dans lequel ils doi-vent présenter à l’office français deprotection des réfugiés et apatrides lademande de reconnaissance de laqualité de réfugié. » ;

Considérant qu’en subordonnant ladélivrance ou le renouvellement dutitre de séjour intitulé « récépissé dedemande d’asile » à la présentationpar le demandeur d’un certificat éma-nant des autorités compétentes pourstatuer sur l’octroi de la qualité deréfugié ou à l’enregistrement de larequête adressée à ces autorités, lesdispositions litigieuses de l’article 12du décret attaqué, qui n’ont d’autreobjet que de permettre à l’adminis-tration de vérifier l’existence des con-ditions légales permettant cette déli-vrance ou ce renouvellement, n’insti-tuent aucune condition supplémen-taire à celles auxquelles les disposi-tions précitées de l’article 32 de l’or-donnance du 2 novembre 1945 sou-mettent la délivrance des titres de sé-jour aux demandeurs d’asile dès lorsque l’office français de protection des

réfugiés et apatrides est tenu d’accu-ser réception sans délai des deman-des dont il est saisi ; que par suite, lemoyen tiré de ce que le décret atta-qué méconnaîtrait lesdites disposi-tions doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que le Groupe d’informationet de soutien des travailleurs immi-grés et l’association France Terred’Asile ne sont pas fondés à deman-der l’annulation du décret n° 94-768du 2 septembre 1994 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés et de l’association« France Terre d’Asile » sont rejetées.

Conseil d’État,30 septembre 1998,

Gisti

N° 164287

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

M. Vught, Président

M. Ribadeau Dumas, Rapporteur

M. Abraham, Commissaire du gouver-nement

Considérant que la circulaire du mi-nistre de l’intérieur et de l’aménage-ment du territoire et du ministre desaffaires sociales, de la santé et de laville en date du 7 novembre 1994,relative au regroupement familial, aété prise pour l’application des arti-cles 29, 30 et 30 bis de l’ordonnancesusvisée du 2 novembre 1945, issusde la loi du 24 août 1993, et du dé-cret susvisé du 7 novembre 1994 ; quepar une décision en date du 28 sep-tembre 1998, le Conseil d’État sta-tuant au contentieux a rejeté le re-cours pour excès de pouvoir de l’as-sociation requérante tendant à l’an-nulation dudit décret ; que le moyen,tiré de ce que la circulaire attaquéeaurait été prise pour l’applicationd’un décret illégal, qui se réfère ex-clusivement aux moyens développésdans ledit recours, doit dès lors êtreécarté pour les mêmes motifs ;

Considérant qu’aux termes des dispo-sitions de l’article 29 de l’ordonnancedu 2 novembre 1945, le regroupementfamilial peut être refusé si « le deman-deur ne justifie pas de ressources per-sonnelles stables et suffisantes poursubvenir aux besoins de sa famille »,et « sont prises en compte toutes lesressources du demandeur » ; qu’envertu de l’article 9 du décret du 7 no-vembre 1994, le demandeur salariédoit notamment produire, à l’appui desa demande, les bulletins de paie qu’ila reçus pendant l’année précédant la-dite demande ; qu’en précisant, pardes dispositions qui ne portent pas at-teinte au droit des demandeurs au res-pect de leur vie privée, que l’adminis-tration pourra, afin d’apprécier la sta-bilité et le caractère suffisant des res-sources de l’intéressé, se fonder nonseulement sur les ressources perçuespar ce dernier pendant l’année précé-dant sa demande, mais aussi sur sa si-tuation antérieure, ainsi que sur sonavenir professionnel prévisible dans unfutur proche, et prendre en comptenon seulement le montant des ressour-

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 35

ces de l’intéressé, mais aussi les dépen-ses qu’il est tenu de prendre en chargeen raison de sa situation personnelledès lors qu’elles apparaîtraient exces-sives ou manifestement disproportion-nées, la circulaire attaquée, qui seborne à interpréter les dispositions lé-gislatives applicables, n’a pas énoncéde dispositions réglementaires ;

Considérant que la circulaire attaquéeprévoit au a) de sa partie III C 1.2 queses destinataires ne doivent pas op-poser de refus de principe aux titu-laires d’emplois temporaires ou à du-rée déterminée ; qu’ainsi, l’associationrequérante n’est pas fondée à soute-nir que le b) de la même partie édic-terait des dispositions à caractère ré-glementaire ayant pour objet d’ex-clure du bénéfice du regroupementfamilial certaines catégories de tra-vailleurs en situation précaire ;

Considérant qu’aux termes du c) de lapartie III C 1.2 : « Certains étudiants,boursiers ou non, ou en stage de per-fectionnement professionnel, peuvent,sous ce statut, être autorisés temporai-rement à exercer une activité salariéepour pallier une diminution de leursressources ou le cas échéant en occu-pant des fonctions liées à leurs études.Toutefois, dans la quasi-totalité des cas,vous constaterez que le contrat de tra-vail qu’ils détiennent, lié à la périodede leurs études, est précaire et ne dé-passe pas l’année civile, donc n’ap-porte aucune garantie de stabilité.C’est pourquoi vous devrez leur op-poser un refus motivé sur ce chef » ;qu’en énonçant ainsi que les autoritéscompétentes pour statuer sur une de-mande de regroupement familial se-ront conduites à rejeter cette demandelorsque les conditions qui leur impo-seraient d’y faire droit ne sont pas réu-nies, alors que ces autorités ne sont enprincipe jamais tenues de rejeter unedemande de titre de séjour, les auteursde la circulaire ont édicté des disposi-tions réglementaires alors qu’ilsn’étaient pas compétents à cet effet ;que ces dispositions doivent par suiteêtre annulées ;

Considérant qu’il résulte des termes dela partie IV C 1 de la circulaire atta-quée, que lorsqu’une demande de re-groupement familial concerne des per-sonnes résidant déjà sur le territoirefrançais, il ne pourra lui être donnésatisfaction que dans la mesure où ledemandeur présente notamment, àl’appui de sa requête, le titre de séjourde son conjoint et, le cas échéant, lesjustificatifs de l’entrée et du séjour

réguliers en France des enfants mi-neurs qui pourraient bénéficier de laprocédure ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, l’administration n’est en prin-cipe jamais tenue de rejeter une de-mande de titre de séjour ; que par suite,en fixant les conditions que doiventremplir les personnes qui sollicitent leregroupement familial à titre déroga-toire, lorsqu’elles ne répondent pasaux conditions légales leur donnantdroit à l’obtenir, les auteurs de la cir-culaire ont édicté des dispositions ré-glementaires alors qu’ils n’étaient pascompétents à cet effet ; que ces dispo-sitions doivent par suite être annulées ;

Considérant qu’il résulte des termes del’article 29 de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 et de l’article 10 du dé-cret du 7 novembre 1994, que les auto-rités compétentes pour statuer sur unedemande de regroupement familialpeuvent rejeter une telle demande sile demandeur ne dispose pas d’un lo-gement considéré comme normal pourune famille comparable vivant enFrance et que les conditions de loge-ment dont dispose la famille du de-mandeur doivent être appréciées,compte tenu de la composition de safamille, par référence aux conditionsde salubrité et d’occupation fixées, enapplication de l’article L 542-2 du codede la sécurité sociale, pour l’ouverturedu droit à l’allocation de logement fa-miliale ; qu’aux termes de l’article D.542-14 du même code, dans sa rédac-tion applicable à la date de la circu-laire attaquée, le logement au titre du-quel le droit à l’allocation de logementfamiliale est ouvert doit, notamment,« présenter une surface habitable glo-bale au moins égale à vingt-cinq mè-tres carrés pour un ménage sans en-fants ou deux personnes, plus neufmètres carrés par personne en plusdans la limite de soixante-dix-neufmètres carrés pour huit personnes etplus » ; qu’en énonçant, dans son an-nexe 3, parmi les conditions de sur-face exigées pour obtenir le bénéficede l’allocation de logement familiale,une surface de cinq mètres carrés parpersonne supplémentaire au-delà dehuit personnes présentes dans le loge-ment alors que cette condition ne ré-sulte pas des dispositions précitées, lacirculaire attaquée méconnaît les dis-positions susanalysées de l’article 10 dudécret du 7 novembre 1994 ; que parsuite, le 2° de l’annexe 3 de la circu-laire attaquée est entaché d’illégalité etdoit être annulé ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 2 de l’ordonnance du 2 novembre

1945 : « Les étrangers sont, en ce quiconcerne leur entrée et leur séjour enFrance, soumis aux dispositions de laprésente ordonnance, sous réservedes conventions internationales oudes lois et règlements spéciaux y ap-portant dérogation » ; que l’accordfranco-algérien du 27 décembre 1968susvisé régit d’une manière complèteles conditions dans lesquelles les res-sortissants algériens peuvent être ad-mis à séjourner en France ; qu’il suitde là que les dispositions de l’ordon-nance précitée, relatives au regroupe-ment familial, ne sont pas applicablesaux ressortissants algériens, lesquelsrelèvent à cet égard des règles fixéespar l’accord susmentionné ;

Considérant que si la circulaire atta-quée prévoit, au dernier paragraphe desa partie III C 5 que le regroupementfamilial devra être autorisé préalable-ment à l’entrée en France de ses béné-ficiaires lorsque le demandeur est denationalité algérienne, il résulte desstipulations de l’accord franco-algé-rien, dans sa rédaction applicable à ladate de la circulaire attaquée, que sessignataires ont entendu soumettre lebénéfice du regroupement familial àl’égard des membres des familles desressortissants algériens à la conditionqu’ils ne soient pas présents en Francelors de l’examen de leur demande ; quepar suite, les auteurs de la circulaireattaquée, qui ont fait une exacte inter-prétation des termes de la conventionsusanalysée, n’ont pas entendu sou-mettre les ressortissants algériens à desconditions nouvelles ;

Considérant qu’aux termes du der-nier alinéa du paragraphe IV-A-3.3 dela circulaire attaquée : « s’agissant durejet d’une demande présentée par unressortissant algérien pour l’un oul’autre des motifs énumérés aux 1° à5° de l’article 29-I de l’ordonnance,la notification fera mention du motifsans référence à l’article 29-I, mais enmentionnant les dispositions de l’ac-cord franco-algérien ... » ; que les rè-gles posées par les stipulations de cetaccord permettant de fonder légale-ment chacun des motifs de refus en-visagés aux cinq premiers alinéas del’article 29-I, et notamment, commeil a été dit ci-dessus, celui relatif à lacondition que les membres de la fa-mille ne soient pas présents en Francelors de l’examen de leur demande,l’association requérante n’est pas fon-dée à soutenir que les dispositions dela circulaire attaquée auraient pourobjet d’appliquer aux ressortissants

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algériens des dispositions qui ne leursont pas applicables ;

Considérant qu’en indiquant, àl’avant-dernier paragraphe de la par-tie III D, certaines des situations quipourront conduire les autorités com-pétentes à donner une suite favora-ble à une demande de regroupementd’une partie de la famille dans le casoù une demande de regroupement detoute la famille pourrait être rejetée,les auteurs de la circulaire attaquéen’ont édicté aucune disposition à ca-ractère réglementaire ;

Considérant que le paragraphe IV A1.2.1 de la circulaire attaquée seborne, sur le point critiqué par la re-quête, à reprendre les dispositions del’article 1er du décret du 7 novembre1994 ; qu’il est dès lors dépourvu decaractère réglementaire ;

Considérant que si la partie IV A 1.2.5de la circulaire attaquée omet de men-tionner, parmi les justificatifs de loge-ment susceptibles d’être présentés parl’auteur d’une demande de regroupe-ment familial, les pièces attestant dece que l’intéressé est hébergé à titregratuit par une autre personne, il ré-sulte de l’examen de la circulaire queses auteurs n’ont pas entendu exclureles personnes logées à titre gratuit dela possibilité d’obtenir le regroupe-ment familial, dès lors qu’ils prévoientexpressément que cette forme de lo-gement « n’est pas exclue a priori » ;

Considérant qu’en prévoyant que,lorsque l’autorité saisie d’une de-mande de regroupement familial latransmet au consul de France de lacapitale du pays de résidence de lafamille, ce dernier vérifie si les condi-tions légales du droit au regroupe-ment familial sont remplies par lesintéressés, la partie IV A 2.1.2 de lacirculaire attaquée n’édicte aucunedisposition réglementaire ;

Considérant qu’en demandant auxpréfets de consulter les services con-cernés de la direction des libertéspubliques et des affaires juridiques auministère de l’intérieur avant de sta-tuer sur une demande de regroupe-ment familial, les auteurs de la circu-laire attaquée, qui n’ont pas porté at-teinte à la compétence du préfet pourstatuer sur les demandes dont il estsaisi, n’ont pas édicté de dispositionsréglementaires ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 15 du décret du 7 novembre 1994 :« L’entrée de la famille sur le territoirefrançais intervient dans un délai qui

ne peut excéder six mois à compterde la notification au demandeur de ladécision du préfet » ; qu’aux termesde la partie IV A 3.1 de la circulaireattaquée : « A compter de la décisionfavorable du préfet, la famille disposed’un délai de six mois maximum pourentrer en France » ; qu’en omettantde préciser que ledit délai ne courtqu’à compter de la notification de ladécision à son destinataire, les auteursde la circulaire attaquée n’ont pas en-tendu modifier les termes des dispo-sitions réglementaires précitées ;

Considérant qu’en omettant de de-mander aux préfets de mentionner ledécret du 7 novembre 1994 dans lesvisas des décisions statuant sur les de-mandes de regroupement familial et enprécisant qu’il n’y avait pas lieu d’in-diquer le sens des avis émis sur la de-mande par le maire de la commune derésidence du demandeur et l’office desmigrations internationales, les auteursde la circulaire attaquée n’ont pas da-vantage entendu écarter l’applicationdes dispositions de ce décret ni édic-ter de dispositions réglementaires ;

Considérant qu’en énonçant que lesbénéficiaires du regroupement fami-lial se présenteront au consulat deFrance dans le pays où ils résident pourprocéder aux formalités de visite mé-dicale et de remise des documents dedépart et qu’à cette occasion les servi-ces consulaires, « après les vérificationsd’usage », délivreront aux intéressésun visa portant la mention « regrou-pement familial », les auteurs de la cir-culaire attaquée n’ont édicté aucunedisposition réglementaire ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que les requérants sontseulement recevables et fondés à sou-tenir que le c) du paragraphe III C1.2, la partie IV C 1 et le 2° de l’an-nexe 3 de la circulaire attaquée sontentachés d’illégalité et à en demanderl’annulation ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le c) du paragraphe IIIC 1.2, la partie IV C 1 et le 2° de l’an-nexe 3 de la circulaire du 7 novem-bre 1994 sont annulés

Article 2 : Le surplus des conclusionsde la requête est rejeté

Conseil d’État,20 mars 2000,

Gisti

N° 205266

Publié au Recueil Lebon

Mme Aubin, Président

Mlle Verot, Rapporteur

M. Martin Laprade, Commissaire dugouvernement

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Sur la fin de non-recevoir opposée par leministre de l’emploi et de la solidarité :

Considérant qu’aux termes de l’article5 du décret du 28 novembre 1983 :« Les délais opposables à l’auteur d’unedemande adressée à l’administrationcourent de la date de la transmission, àl’auteur de cette demande, d’un accuséde réception [...] » ; qu’il est constantqu’aucun accusé de réception des de-mandes que le Groupe d’informationet de soutien des immigrés a présen-tées le 31 juillet 1998 au ministre del’emploi et de la solidarité et au minis-tre du budget, tendant à l’abrogationde l’arrêté du 17 mars 1997, n’a étéadressé à cette association ; qu’ainsi leministre de l’emploi et de la solidaritén’est pas fondé à soutenir que la déci-sion implicite de rejet née du défaut deréponse à ces demandes dans un délaide quatre mois a fait courir à l’égarddu Groupe d’information et de soutiendes immigrés le délai du recours con-tentieux et que ce délai était expiré à ladate d’enregistrement de la requête ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu’il soit besoin de statuer surles autres moyens de la requête ;

Considérant que l’autorité compé-tente, saisie d’une demande tendantà l’abrogation d’un règlement illégal,est tenue d’y déférer, soit que ce rè-glement ait été illégal dès la date desa signature, soit que l’illégalité résultede circonstances de droit ou de faitpostérieures à cette date ;

Considérant que le contrôle médicalauquel sont assujettis, en vertu de l’ar-ticle L. 341-2 du code du travail etdes articles 7, 11 et 12 du décret du30 juin 1946 les étrangers qui présen-tent une demande initiale de titre deséjour n’a pas été institué dans le seulintérêt de ces personnes, mais a es-sentiellement pour objet la protectionde la santé publique ; que, dès lors,ce contrôle médical ne constitue pas

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un service rendu pouvant donner lieuà la perception d’une redevance ; que,par suite, l’arrêté interministériel du17 mars 1997 instituant une rede-vance à verser à l’office des migrationsinternationales par la personne quisubit ce contrôle est illégal et que ladécision implicite de rejet résultant dusilence gardé par le ministre de l’em-ploi et de la solidarité et le ministredu budget sur les demandes duGroupe d’information et de soutiendes immigrés tendant à l’abrogationde l’arrêté du 17 mars 1997 est elle-même entachée d’excès de pouvoir ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant qu’aux termes du pre-mier alinéa de l’article 6-1 de la loidu 16 juillet 1980 modifiée : « Lors-qu’il règle un litige au fond par unedécision qui implique nécessairementune mesure d’exécution dans un sensdéterminé, le Conseil d’État, saisi deconclusions en ce sens, prescrit cettemesure et peut assortir sa décisiond’une astreinte à compter d’une datequ’il détermine » ;

Considérant que l’annulation de la dé-cision implicite par laquelle le minis-tre de l’emploi et de la solidarité et leministre du budget ont refusé d’abro-ger l’arrêté du 17 mars 1997 impli-que nécessairement l’abrogation desdispositions réglementaires dont l’il-légalité a été constatée ; qu’il y a lieupour le Conseil d’État d’ordonnercette mesure ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite derejet résultant du silence gardé par leministre de l’emploi et de la solida-rité et le ministre du budget sur lesdemandes du Groupe d’informationet de soutien des immigrés en date du31 juillet 1998, tendant à l’abrogationde l’arrêté du 17 mars 1997 fixant lemontant de la redevance à verser àl’office des migrations internationa-les à l’occasion de l’examen médicalsubi par les étrangers demandant untitre de séjour, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre del’emploi et de la solidarité et au minis-tre du budget d’abroger l’arrêté du17 mars 1997 fixant le montant de laredevance à verser à l’office des migra-tions internationales à l’occasion del’examen médical subi par les étran-gers demandant un titre de séjour, dansun délai de quinze jours à compter dela notification de la présente décision.

Conseil d’État,30 juin 2000,

Gisti

N° 199336

Publié au Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

M. Honorat, Commissaire du gouver-nement

M. Fouquet, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

…[Le Gisti demande au Conseild’Etat d’annuler pour excès de pou-voir la circulaire du ministre de l’in-térieur en date du 12 mai 1998 rela-tive à l’application de la loi n° 98-349du 11 mai 1998 relative à l’entrée etau séjour des étrangers en France etau droit d’asile]…

Sur les conclusions relatives à la cartede séjour temporaire « scientifique » :

Considérant qu’aux termes du troi-sième alinéa de l’article 12 de l’ordon-nance du 2 novembre 1945, dans sarédaction issue de la loi n° 98-349 du11 mai 1998 : « La carte de séjourtemporaire délivrée à l’étranger sousréserve d’une entrée régulière pour luipermettre de mener des travaux derecherche ou de dispenser un ensei-gnement de niveau universitaire portela mention « scientifique » » ;

Considérant que la circulaire du mi-nistre de l’intérieur en date du 12 mai1998 dispose, dans la partie II-A-1 re-lative à la carte de séjour précitée :« l’organisme d’accueil agréé à cet ef-fet délivre un protocole d’accueil quel’étranger dépose au consulat françaisde son pays, à l’appui de sa demandede visa » ; que « les organismes suscep-tibles d’accueillir des chercheurs etenseignants sont limitativement énu-mérés dans une liste établie par le mi-nistre chargé de la recherche » ; quel’activité de l’étranger « ne peut s’exer-cer qu’au seul service de l’organismed’accueil » et que « l’exercice, à titreprincipal, de l’activité de chercheur etd’enseignant-chercheur au profitd’une autre institution que celle qui adélivré le protocole d’accueil » consti-tuerait un détournement de procédurede nature à justifier le retrait dudit ti-tre de séjour ; que si le ministre de l’in-térieur avait la faculté, dans l’exercicede ses pouvoirs propres de chef de ser-vice, de recommander à ses services deconsulter le ministère chargé de la re-cherche sur la valeur scientifique des

organismes d’accueil, il ne pouvait, enrevanche, sans excéder sa compétence,instituer, par dispositions qui, eu égardà leur portée générale, ont un carac-tère réglementaire, un agrément desorganismes d’accueil dont la liste de-vait être établie par le ministre chargéde la recherche, en prévoyant en outrele retrait du titre de séjour au cas oùl’activité de chercheur serait exercéeau profit d’un autre organisme quecelui qui avait délivré le protocole d’ac-cueil ; que l’association requérante est,par suite, fondée à demander l’annu-lation des dispositions précitées de lacirculaire ;

Considérant que ladite circulaire endisposant que le consulat français« opère un premier contrôle relatif ...au niveau des ressources » s’est bor-née à rappeler le contrôle relatif àl’existence de ressources suffisantesexercé par les services consulairesfrançais à l’étranger ; que ces dispo-sitions sont, dans ces conditions, dé-pourvues de valeur réglementaire ;

Sur la carte de séjour « profession artis-tique et culturelle » :

Considérant qu’aux termes du qua-trième alinéa du même article 12 del’ordonnance du 2 novembre 1945 :« La carte de séjour temporaire déli-vrée à un artiste interprète tel que dé-fini par l’article L. 212-1 du code dela propriété intellectuelle ou à unauteur d’œuvre littéraire ou artistiquevisée à l’article L. 112-2 du mêmecode, titulaire d’un contrat de plus detrois mois passé avec une entrepriseou un établissement dont l’activitéprincipale comporte la création oul’exploitation d’une œuvre de l’esprit,porte la mention « profession artisti-que et culturelle » ;

Considérant que la circulaire attaquéedispose, dans la partie II-A-2 relativeà la carte de séjour précitée qu’en cequi concerne « les artistes titulairesd’un contrat autre qu’un contrat detravail, ladite carte sera délivrée surprésentation du contrat mentionné parles dispositions précitées « visé parlaDirection régionale des affaires cultu-relles » ; que si le ministre de l’intérieuravait la faculté, dans l’exercice de sespouvoirs propres de chef de service,de recommander à ses services de con-sulter les services du ministre de laculture sur l’objet effectif de l’orga-nisme contractant avec le demandeurd’une carte de séjour « profession ar-tistique et culturelle », il ne pouvait, enrevanche, sans excéder sa compétence,instituer, par des dispositions qui, euégard à leur portée générale, ont un

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caractère réglementaire, une procé-dure de contrôle a priori confiée à uneautre administration que la sienne ; quel’association requérante est, par suite,fondée à demander l’annulation desdispositions précitées de la circulaire ;

Sur les conclusions relatives à la cartede séjour temporaire « vie privée et fa-miliale » délivrée en vertu du 7°) del’article 12 bis de l’ordonnance du2 novembre 1945 :

Considérant qu’aux termes du 7°) del’article 12 bis de l’ordonnance préci-tée, ladite carte est délivrée de pleindroit, « sauf si sa présence constitueune menace pour l’ordre public ... àl’étranger, ne vivant pas en état de po-lygamie, qui n’entre pas dans les caté-gories précédentes ou dans celles quiouvrent droit au regroupement fami-lial dont les liens personnels et fami-liaux en France sont tels que le refusd’autoriser son séjour porterait à sondroit au respect de sa vie privée et fa-miliale une atteinte disproportionnéeau regard des motifs du refus » ;

Considérant qu’en disposant que sil’étranger a la possibilité de venir lé-galement en France sous couvert duregroupement familial, il conviendrade rejeter sa demande d’admission auséjour sur le fondement de l’article12 bis 7°) de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945, la circulaire attaquées’est bornée à tirer les conséquencesdes dispositions de cet article ;

Considérant que la circulaire attaquéeest, dans sa partie II-B-1-7°) consa-crée à la vie privée et familiale ;

Considérant que la notion de vie pri-vée peut, dans certains cas, être dis-tincte de celle de vie familiale ; que siles développements suivants se rap-portent exclusivement, dans le textede la circulaire attaquée, à la vie fa-miliale de l’étranger, ladite circulairementionne expressément la vie pri-vée ; qu’elle ne pouvait avoir légale-ment ni pour objet ni pour effet d’em-pêcher un étranger remplissant lesconditions énoncées au 7°) de l’arti-cle 12 bis de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 de présenter une de-mande de délivrance de la carte pré-citée au seul titre de son droit au res-pect de sa vie privée et l’administra-tion de lui délivrer, le cas échéant, le-dit titre de séjour ; qu’ainsi, le moyenselon lequel les dispositions susmen-tionnées de la circulaire devraient êtreannulées en tant qu’elles auraient, demanière générale, exclu la notion devie privée doit être rejeté ;

Considérant que la circulaire attaquée,après avoir mentionné qu’au regard del’appréciation de l’existence d’une viefamiliale, il n’y a pas de différence subs-tantielle entre le mariage et le concu-binage, dispose que la reconnaissancedu caractère effectif de la relation deconcubinage est subordonnée à la réu-nion de trois conditions cumulatives ;l’une d’entre elles est la présence d’en-fants issus, à la date de la demande, decette relation ; que les dispositions dela circulaire attaquée ont, sur ce point,un caractère réglementaire ; que leministre de l’intérieur n’avait pas, dèslors, compétence pour les édicter ; quel’association requérante est fondée à endemander l’annulation ;

Considérant qu’en disposant, à pro-pos de l’ancienneté de la vie privée etfamiliale en France, qu’il y avait lieude prendre en considération de ma-nière cumulative l’ancienneté du sé-jour en France de l’étranger deman-deur, l’ancienneté du séjour en Francede sa famille, lesquelles ne pourraientêtre qu’exceptionnellement inférieu-res à cinq ans, et en disposant qu’aumoins un des membres de ladite fa-mille devait soit avoir un titre de sé-jour en cours de validité, soit être denationalité française, la circulaire n’apas édicté, s’agissant de la notion devie familiale en France contenue dansl’article 12 bis 7°) de l’ordonnanceprécitée, de dispositions de caractèreréglementaire dont l’association seraitrecevable à demander l’annulation ;

Considérant qu’en mentionnant la« relation maritale », ce qui a pourconséquence d’exclure du bénéfice del’article 12 bis 7°), au titre de la viefamiliale, les couples d’un même sexe,la circulaire attaquée s’est bornée àtirer les conséquences de la définitiondu concubinage à la date à laquelleelle a été édictée ;

Sur les conclusions relatives à la cartede séjour temporaire « vie privée et fa-miliale » délivrée en vertu du 8°) de l’ar-ticle 12 bis de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 :

Considérant qu’aux termes de cettedisposition, ladite carte est délivrée deplein droit « à l’étranger né en France,qui justifie par tout moyen y avoir ré-sidé pendant au moins huit ans de fa-çon continue, et suivi, après l’âge de10 ans, une scolarité d’au moins cinqans dans un établissement scolairefrançais, à la condition qu’il fasse sademande entre l’âge de 16 et 21 ans » ;que la circulaire attaquée dispose à cesujet que l’étranger « doit être en me-sure de justifier de son séjour en France

mois par mois, étant entendu qu’uneattestation de scolarité signée du chefd’établissement d’enseignement fran-çais présume de la continuité du sé-jour pendant la période couverte parl’attestation » ; qu’eu égard aux termesdes dispositions législatives précitéeset des conditions qu’elles édictent,l’exigence d’une justification, mois parmois, du séjour de l’étranger a pourconséquence, eu égard à son caractèrede généralité d’ajouter dans certainscas, une condition supplémentaire àcelles qu’énonce le 8°) de l’article12 bis de l’ordonnance du 2 novem-bre 1945 ; que le ministre de l’intérieurétait incompétent pour l’édicter ; quel’association requérante est recevableet fondée à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions relatives à la com-mission du titre de séjour : En ce quiconcerne la compétence de cette com-mission :

Considérant qu’aux termes du troi-sième alinéa de l’article 12 quater del’ordonnance du 2 novembre 1945dans sa rédaction issue de la loi du 11mai 1998, la commission du titre deséjour « est saisie par le préfet lorsquecelui-ci envisage de refuser de délivrerou de renouveler une carte de séjourtemporaire à un étranger mentionné àl’article 12 bis ou de délivrer une cartede résident à un étranger mentionné àl’article 15 » ; que l’article 12 bis se rap-porte à la délivrance de plein droit, saufmenace pour l’ordre public, de la cartede séjour temporaire portant la men-tion « vie privée et familiale » et l’arti-cle 15 à la délivrance, de plein droit,sauf menace pour l’ordre public, sousréserve de la régularité du séjour, de lacarte de résident ; que la circulaire at-taquée dispose, dans sa partie II C-2relative à la compétence de cette com-mission, qu’il convient de ne la saisirque des demandes d’étrangers relevanteffectivement desdits articles 12 bis et15 de l’ordonnance précitée et de nepas la saisir lorsque l’étranger ne rem-plit pas, de façon certaine, une condi-tion de fond édictée par ces articles ;

Considérant qu’il résulte des dispo-sitions législatives précitées que lors-qu’un étranger ne remplit pas les con-ditions énoncées par les articles 12 biset 15 de l’ordonnance et ne peut, parconséquent, être regardé commeétant mentionné auxdits articles, lepréfet n’est pas tenu de soumettre soncas à la commission du titre de séjour ;que, dans ces conditions, les disposi-tions susmentionnées de la circulaireattaquée n’ont pas restreint illégale-ment la compétence de cette commis-

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sion ; que les conclusions dirigéescontre elles doivent être rejetées ;

Considérant que, dans la même par-tie, la circulaire dispose que laditecommission « doit être saisie » lorsquel’administration envisage de refuser lerenouvellement de la carte de résidentdélivrée de plein droit à un étrangerpar application de l’article 15 de l’or-donnance du 2 novembre 1945 ; quepar ces dispositions de portée générale,le ministre ne s’est pas borné à prévoirune garantie de procédure facultative,mais a entendu élargir la compétencede la commission du titre de séjour au-delà des limites fixées par la loi ; que,dans ces conditions, le ministre de l’in-térieur était incompétent pour les édic-ter ; que l’association est fondée à endemander l’annulation ;

En ce qui concerne la procédure devantcette commission :

Considérant qu’aux termes du premieralinéa de l’article 12 quater précité, la-dite commission est composée « duprésident du tribunal administratif oud’un conseiller délégué, président ;d’un magistrat désigné par l’assembléegénérale du tribunal de grande ins-tance du chef-lieu du département etd’une personnalité qualifiée désignéepar le préfet pour sa compétence enmatière sociale » ; que la circulaire pré-voit, dans sa partie II-C-3 qu’ « un re-présentant de la préfecture qui pourraêtre le chef du service des étrangersassurera les fonctions de rapporteur » ;

Considérant que si le ministre avaitla faculté, dans l’exercice de ses pou-voirs propres de chef de service, deprévoir les conditions dans lesquellesle fonctionnement du secrétariat dela commission serait assuré, il ne pou-vait, en revanche, fixer les modalitésde désignation du rapporteur ; que leministre de l’intérieur n’avait doncpas compétence pour édicter ces dis-positions ; que l’association requé-rante est, dès lors, fondée à en deman-der l’annulation ;

Considérant qu’aux termes de la cir-culaire attaquée, les débats de laditecommission ne sont pas publics ; qu’enl’absence de texte édictant une tellepublicité, les débats des commissionsadministratives ne sont pas publics ;que, dans ces conditions, la dispositionsusmentionnée est dépourvue de ca-ractère réglementaire ; que les conclu-sions dirigées contre elle doivent êtrerejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions relatives à la cartede séjour délivrée aux ressortissants des

États membres de la Communautéeuropéenne ou de l’Espace économiqueeuropéen en vertu de l’article 9-1 del’ordonnance du 2 novembre 1945 :

Considérant que cet article, dans sarédaction issue de la loi du 11 mai1998, prévoit la délivrance d’une cartede séjour de dix ans, sous réserve demenace à l’ordre public, aux ressor-tissants des États membres de la Com-munauté européenne ou de l’Espaceéconomique européen exerçant enFrance une activité économique sala-riée ou indépendante, ainsi qu’auxmembres de leur famille, qui souhai-tent établir en France leur résidencehabituelle ; que les dispositions atta-quées de la circulaire, selon lesquelles« seuls les ressortissants communau-taires dont le droit de séjour est justi-fié par l’exercice d’une activité éco-nomique et qui bénéficient de l’éga-lité de traitement en matière d’avan-tages sociaux et fiscaux peuvent bé-néficier » du renouvellement de cettecarte de séjour, n’ont pas pour objetde régir les droits des intéressés auxprestations sociales ; qu’ainsi, lemoyen tiré de ce qu’elles auraient illé-galement restreint ces droits doit être,en tout état de cause, écarté ;

Sur les conclusions relatives à la cartede résident :

Considérant que l’article 8-I de la loidu 11 mai 1998 a supprimé, pour lescas mentionnés aux 1° à 5° de l’article15 de l’ordonnance du 2 novembre1945, l’exigence de la régularité del’entrée en France ; que l’exigence re-lative à la régularité au séjour subsiste,et est mentionné au premier alinéadudit article 15 ; que la circulaire at-taquée dispose, dans la partie II-E-1consacrée à ce titre : « les étrangers quin’ont pas un titre de séjour, un récé-pissé de demande de titre de séjourou une autorisation provisoire de sé-jour sont en séjour régulier pendantla durée de validité du visa ou, s’ils nesont pas soumis à celui-ci, pendant lestrois premiers mois de leur séjour enFrance à condition que la date de l’en-trée puisse être prouvée par l’inté-ressé » ; qu’en édictant cette dernièredisposition, relative à la preuve parl’intéressé, de la date de son entrée enFrance dans le cas précité, le ministrede l’intérieur s’est borné à tirer lesconséquences des dispositions préci-tées du premier alinéa de l’article 15de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;que l’association requérante n’est, dèslors, pas recevable à demander l’an-nulation des dispositions précitées, quin’ont pas de caractère réglementaire ;

Sur les conclusions relatives à la cartede séjour portant la mention « re-traité » :

Considérant qu’aux termes de l’article18 bis de l’ordonnance précitée, danssa rédaction issue de la loi du 11 mai1998 : « L’étranger qui, après avoir ré-sidé en France sous couvert d’une cartede résident, a établi ou établit sa rési-dence habituelle hors de France et quiest titulaire d’une pension contributivede vieillesse, de droit propre ou dedroit dérivé, liquidée au titre d’un ré-gime de base français de sécurité so-ciale, bénéficie, à sa demande, d’unecarte de séjour portant la mention « re-traité ». Cette carte lui permet d’entrerà tout moment sur le territoire fran-çais pour y effectuer des séjours n’ex-cédant pas un an. Elle est valable dixans et est renouvelée de plein droit. Ellen’ouvre pas droit à l’exercice d’uneactivité professionnelle. Le conjoint dutitulaire d’une carte de séjour « re-traité », ayant résidé régulièrement enFrance avec lui, bénéficie d’un titre deséjour conférant les mêmes droits » ;

Considérant que la circulaire dispose,dans la partie II-F-2 : « Le conjoint dutitulaire de la carte de séjour « re-traité », ayant résidé régulièrement enFrance avec lui, sous couvert d’unecarte de séjour temporaire ou d’unecarte de résident pendant la durée devalidité de la dernière carte de résidentdélivrée au titulaire du droit principal,bénéficie d’un titre de séjour conférantles même droits, à la condition d’êtrelui-même à la retraite » ; qu’il résultedes dispositions susreproduites de l’ar-ticle 18 bis de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945, d’une part, que le con-joint lui-même retraité du titulaired’une carte de séjour « retraité » a droità la carte susmentionnée de façon auto-nome au titre du premier alinéa duditarticle 18 bis, d’autre part, que la seulecondition exigée d’un tel conjoint nonretraité lui-même est d’avoir résidé ré-gulièrement avec son conjoint ; que,toutefois, en disposant que ce conjointdevait avoir résidé avec son conjoint« pendant la durée de validité de ladernière carte de résident » de ce der-nier, la circulaire attaquée n’a pas en-tendu imposer au conjoint intéresséd’avoir résidé avec son conjoint pen-dant l’intégralité de la durée de vali-dité de la dernière carte de résident dece dernier ; que, dans ces conditions,elle n’a pas ajouté une condition à cel-les qui figurent à l’article 18 bis pré-cité ; que l’association requérante n’estpas, dès lors, recevable à demanderl’annulation desdites dispositions ;

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Considérant que la disposition de lacirculaire attaquée aux termes de la-quelle le conjoint du titulaire d’unecarte de séjour portant la mention « re-traité » ayant résidé régulièrement enFrance avec lui et qui ne remplit paslui-même les conditions requises pourbénéficier de cette carte « peut obte-nir la délivrance d’une carte qui por-tera la mention conjoint de retraité »est sans incidence sur les droits du ti-tulaire de ladite carte, qui possède lesmêmes droits que son conjoint retraité ;

Sur les conclusions relatives à l’interdic-tion du territoire français :

Considérant que la circulaire, dans sapartie III-B-2 consacrée à « l’articula-tion de l’interdiction judiciaire du ter-ritoire et de la rétention administra-tive » dispose : « Selon un principeconstant, seules les peines susceptiblesd’exécution forcée sur la personne oules biens du condamné sont prescrip-tibles. Par opposition, il découle de ceprincipe que les sanctions produisantde plein droit, dès leur prononcé, uneffet automatique sont par nature im-prescriptibles. Tel est le cas des peinesprivatives ou restrictives de droit, com-portant déchéance ou incapacité, énu-mérées respectivement par les articles131-6 et 131-10 du nouveau code pé-nal. En conséquence, l’interdiction ju-diciaire, temporaire ou définitive, duterritoire national prononcée à titreaccessoire doit être considérée commeimprescriptible par nature, sous ré-serve de la réhabilitation, laquelle, envertu des articles 785 et suivants ducode de procédure pénale, peut êtredemandée pour toute condamnation.De façon générale, il convient, lorsquel’interdiction du territoire à mettre àexécution est ancienne, de vous rap-procher du parquet en vue d’établirun bilan de la situation pénale de l’in-téressé ; lorsque l’étranger est l’objetde plusieurs interdictions du territoire,la mise en œuvre de l’éloignement doits’appuyer sur la plus récente d’entreelles » ; que, par ces dispositions, la cir-culaire a entendu renvoyer ses desti-nataires à l’appréciation, du ministèrepublic, seul chargé de l’exécution despeines par application des dispositionsde l’article 707 du code de procédurepénale ; qu’elles sont, dès lors, dépour-vues de valeur réglementaire ; que l’as-sociation requérante n’est pas receva-ble à en demander l’annulation ;

Considérant que l’association requé-rante n’est pas recevable à demanderl’annulation des dispositions de lamême partie de la circulaire attaquée

concernant la mention des peines ac-cessoires et la réhabilitation, lesquel-les sont dépourvues de caractère ré-glementaire ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les dispositions suivan-tes de la circulaire du ministre de l’in-térieur en date du 12 mai 1998 rela-tive à l’application de la loi du 11 mai1998 relative à l’entrée et au séjourdes étrangers en France et au droitd’asile sont annulées :

– Dans la partie II-A-1 relative à lacarte de séjour temporaire mention« scientifique » les mots : « agréés àcet effet », « limitativement énumérésdans une liste établie par le ministèrede la recherche » : « cette activité nepeut s’exercer qu’au seul service del’organisme d’accueil ... l’exercice, àtitre principal, de l’activité de cher-cheur et enseignant-chercheur au pro-fit d’une autre institution que celle quia délivré le protocole d’accueil seraitconstitutif d’un détournement deprocédure de nature à vous conduireà retirer le titre de séjour indûmentdélivré ... » ;

– Dans la partie II-A-2-b) relative àla carte de séjour temporaire mention« profession artistique et culturelle »les mots « dont un exemplaire du con-trat visé par la direction régionale desaffaires culturelles » ;

– Dans la partie II-B-1-7-a)-1 relativeà la carte de séjour temporaire « vieprivée et familiale » les mots « la pré-sence d’enfant(s) issu(s) de cette re-lation (au jour de la demande) surle(s)quel(s) le demandeur a autoritéparentale (il devra à cet effet vous pro-duire un acte de communauté de viedélivré par le juge aux affaires fami-liales) » ;

– Dans la partie II-B-1-8° relative àl’étranger né en France et qui y a suivila plus grande part de sa scolarité, lesmots « Bien plus, il doit être en me-sure de justifier de son séjour enFrance mois par mois » ;

– Dans la partie II-C relative à la com-mission du titre de séjour, les mots,au paragraphe 2 « le renouvellementde cette carte », et au paragraphe 3les mots « assurera les fonctions derapporteur ».

Article 2 : Le surplus des conclusionsde la requête est rejeté.

Conseil d’État,6 novembre 2000,

Gisti

N° 204784

Publié aux Tables du Recueil Lebon

M. Errera, Rapporteur

Mme de Silva, Commissaire du gou-vernement

M. Labetoulle, Président

Considérant que le décret attaqué fixela liste des titres ou documents attes-tant de la régularité du séjour et dutravail des étrangers en France pourl’application des dispositions des ar-ticles L. 115-6, L. 161-16-1, L. 161-18-1, L. 161-25-2, L. 816-1 et L. 821-9 du code de la sécurité sociale quisubordonnent à la régularité du sé-jour en France l’affiliation à un régimeobligatoire de sécurité sociale et lebénéfice des prestations socialesqu’elles régissent ;

En ce qui concerne la légalité externedu décret attaqué :

Considérant que le décret attaqué aété contresigné par le secrétaire d’Étatà l’outre-mer, ministre de l’intérieurpar intérim en vertu du décret du3 septembre 1998 publié au Journalofficiel de la République française le4 septembre 1998 ; qu’ainsi le moyentiré du défaut de contreseing du mi-nistre de l’intérieur doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité internedu décret attaqué :

Sur le moyen tiré de la violation de laConstitution :

Considérant que la subordination, cri-tiquée par la requête, de l’affiliation àun régime obligatoire de sécurité so-ciale et du bénéfice des prestationssociales correspondantes à la conditionde régularité du séjour en France, ré-sulte des termes mêmes des disposi-tions précitées du code de la sécuritésociale, issues respectivement de l’ar-ticle 36 de la loi du 24 août 1993 et del’article 42 de la loi du 11 mai 1998 ;qu’il n’appartient pas au Conseil d’Étatstatuant au contentieux d’apprécier laconformité à la Constitution de cesdispositions législatives ;

Sur le moyen tiré de l’article 9 du Pacteinternational relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels :

Considérant qu’aux termes de cet ar-ticle : « Les États parties au présent

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 41

pacte reconnaissent le droit de toutepersonne à la sécurité sociale, y com-pris les assurances sociales » ; que cesstipulations, qui ne produisent pasd’effets directs à l’égard des particu-liers, ne peuvent être utilement invo-quées à l’appui de conclusions ten-dant à l’annulation du décret attaqué ;

Sur le moyen tiré de la convention re-lative aux droits de l’enfant du 26 jan-vier 1990 :

Considérant, d’une part, qu’aux ter-mes de l’article 2-1 de ladite conven-tion : « 1° Les États parties s’engagentà respecter les droits qui sont énon-cés dans la présente convention et àles garantir à tout enfant relevant deleur juridiction, sans distinctionaucune, indépendamment de touteconsidération de race, de couleur, desexe, de langue, de religion, d’opinionpolitique ou autre de l’enfant ou deses parents ou représentants légaux,de leur origine nationale, ethnique ousociale, de leur situation de fortune,de leur incapacité, de leur naissanceou de toute autre situation » ; qu’auxtermes de l’article 26 de la même con-vention : « 1. Les États parties recon-naissent à tout enfant le droit de bé-néficier de la sécurité sociale, y com-pris les assurances sociales, et pren-nent les mesures nécessaires pour as-surer la pleine réalisation de ce droiten conformité avec leur législationnationale » ; qu’aux termes de l’arti-cle 27 de la même convention : « 1.Les États parties reconnaissent ledroit de tout enfant à un niveau devie suffisant pour permettre son dé-veloppement physique, mental, spiri-tuel, moral et social » ; que les stipu-lations précitées des articles 26 et 27ne produisent pas d’effet direct àl’égard des particuliers et ne peuventêtre utilement invoquées à l’appui desconclusions dirigées contre le décretattaqué ; qu’il suit de là que le moyentiré de ce que les droits énoncés parces articles ne seraient pas garantisdans le respect du principe de non-discrimination énoncé par l’article 2précité de la convention est, en toutétat de cause, inopérant ;

Considérant, d’autre part, qu’aux ter-mes de l’article 3 de la même conven-tion : « 1° Dans toutes les décisions quiconcernent les enfants, qu’elles soientle fait des institutions publiques ouprivées, de protection sociale, des tri-bunaux, des autorités administrativesou des organes législatifs, l’intérêt su-périeur de l’enfant doit être une con-sidération primordiale » ; qu’eu égard

à l’ensemble du régime de protectiondes mineurs applicable en France, lesdispositions contestées ne méconnais-sent pas les stipulations précitées ;

Sur le moyen tiré de la conventionn° 118 de l’Organisation internatio-nale du travail du 28 juin 1962 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 4-1 de cette convention « en ce quiconcerne le bénéfice des prestations,l’égalité de traitement doit être assu-rée sans condition de résidence. Tou-tefois, elle peut être subordonnée àune condition de résidence, en ce quiconcerne les prestations d’une bran-che de sécurité sociale déterminée, àl’égard des ressortissants de toutMembre dont la législation subor-donne l’octroi des prestations de lamême branche à une condition derésidence sur son territoire » ; que ladéfinition des titres et documents sus-mentionnés n’est pas contraire à cesstipulations qui produisent des effetsdirects à l’égard des particuliers ;

Sur le moyen tiré de l’article 24 de laconvention de Genève du 28 juillet1951 sur le statut des réfugiés :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 24 de cette convention : « 1° LesÉtats contractants accorderont auxréfugiés résidant régulièrement surleur territoire le même traitementqu’aux nationaux en ce qui concerneles matières suivantes : [...] b) la sécu-rité sociale (les dispositions légales re-latives aux accidents du travail, auxmaladies professionnelles, à la mater-nité, à la maladie, à l’invalidité, à lavieillesse et au décès, au chômage, auxcharges de famille, ainsi qu’à tout autrerisque qui, conformément à la législa-tion nationale est couvert par un sys-tème de sécurité sociale) ... » ; que lesarticles 5 et 6 du décret attaqué, quiinsèrent dans le code de la sécuritésociale les articles D. 816-3 et D. 821-8, lesquels renvoient aux titres ou do-cuments mentionnés aux 1, 2, 3, 4, 5,6, 10 et 11 de l’article D. 115-1, in-cluent dans la liste desdits titres, lacarte de résident qui, en vertu de l’ar-ticle 15 de l’ordonnance du 2 novem-bre 1945, est délivrée de plein droitaux personnes auxquelles la qualité deréfugié a été reconnue, ainsi que le ré-cépissé de demande de titre de séjourvalant autorisation de séjour d’unedurée de six mois renouvelable por-tant la mention « reconnu réfugié » ;qu’ainsi, le moyen tiré de la méconnais-sance des stipulations du b) du 1° del’article 24 de la convention précitéedoit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l’article 14 de laconvention européenne de sauvegardedes droits de l’homme et des libertésfondamentales :

Considérant qu’aux termes de cet ar-ticle « la jouissance des droits et li-bertés reconnues dans la présenteconvention doit être assurée, sans dis-tinction aucune fondée notammentsur le sexe, la race, la couleur, la lan-gue, la religion, les opinions politiquesou toute autre opinion, l’origine na-tionale ou sociale, l’appartenance àune minorité nationale, la fortune, lanaissance ou toute autre situation » ;qu’aux termes de l’article 1er du pre-mier protocole additionnel à la con-vention : « Toute personne physiqueou morale a droit au respect de sesbiens » ; que le législateur, en subor-donnant à une condition de résidencerégulière le bénéfice, pour les étran-gers, de l’affiliation à un régime obli-gatoire de sécurité sociale et des pres-tations en cause, a entendu tenircompte de la différence de situationentre les étrangers selon qu’ils satis-font ou non aux conditions de régu-larité de la résidence posées par la loiet les engagements internationauxsouscrits par la France ; qu’il s’estainsi fondé sur un critère objectif etrationnel en rapport avec les buts dela loi ; que, dès lors, le requérant n’estpas fondé à soutenir que les disposi-tions législatives énonçant cette con-dition méconnaîtraient le principe denon-discrimination dans le droit aurespect des biens qui résulte des sti-pulations combinées de l’article 14 dela convention européenne de sauve-garde des droits de l’homme et deslibertés fondamentales et de l’article1er du premier protocole additionnelà la convention ;

Sur le moyen tiré de la violation durèglement CEE n° 1408/71 du Conseildu 14 juin 1971 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 3-1 de ce règlement : « Les per-sonnes qui résident sur le territoire del’un des États membres et auxquellesles dispositions du présent règlementsont applicables sont soumises auxobligations et sont admises au béné-fice de la législation de tout État mem-bre dans les mêmes conditions que lesressortissants de celui-ci, sous réservede dispositions particulières conte-nues dans le présent règlement » ; quele décret attaqué ne s’appliquant pasaux ressortissants des autres Étatsmembres de la Communauté euro-péenne, qui bénéficient des disposi-

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page 42 Défendre la cause des étrangers en justice

tions précitées, le moyen tiré de leurméconnaissance doit être rejetécomme inopérant ;

Sur le moyen tiré des accords de coopé-ration et d’association conclus entre laCommunauté européenne et diversÉtats tiers :

Considérant que le décret attaquédoit être regardé comme réservant lesdroits des ressortissants des Étatsayant conclu des accords d’associa-tion ou de coopération avec la Com-munauté européenne ; que le moyendoit, dès lors, être, en tout état decause, écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation dela charte sociale européenne, de la con-vention européenne d’assistance médi-cale et sociale et de conventions bila-térales de sécurité sociale conclues parla France avant la promulgation de laloi du 24 août 1993 :

Considérant que l’allégation selon la-quelle le décret attaqué méconnaîtraitlesdites conventions n’est accompa-gnée d’aucune précision de nature àpermettre d’en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que le Groupe d’infor-mation et de soutien des travailleursimmigrés n’est pas fondé à demanderl’annulation du décret attaqué ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des tra-vailleurs immigrés est rejetée.

Conseil d’État, référés,12 janvier 2001,

Mme Hyacinthe

N° 229039

Publié au Recueil Lebon

M. Genevois, juge des référés

Mme Hyacinthe demande au juge desréférés du Conseil d’État, sur le fon-dement du second alinéa de l’articleL. 523-1 du code de justice adminis-trative :

1°) d’annuler une ordonnance du jugedes référés du tribunal administratifde Cergy-Pontoise en date du 2 jan-vier 2001 rejetant sa demande tendantà ce qu’il soit enjoint sous astreinteau préfet de la Seine-Saint-Denis,d’enregistrer sa demande d’admissionau séjour et de lui délivrer le docu-ment provisoire de séjour prévu parl’article 11 de la loi n° 52-893 du25 juillet 1952 modifiée ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis : a) de fournir à la requé-rante les documents nécessaires àl’établissement de sa demande d’ad-mission au séjour en tant que réfu-giée ; b) d’examiner cette demande ;c) de lui délivrer une autorisation pro-visoire de séjour, et ce, sous astreintede 800 F par jour ;

3°) de condamner l’État à verser à larequérante une somme de 10 000 Fau titre de l’article L. 761-1 du codede justice administrative ;

Sur l’intervention du Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés :

Considérant que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés aintérêt à l’annulation de l’ordonnanceattaquée ; qu’ainsi, son interventionest recevable ;

Sur les conclusions tendant au pro-noncé d’une injonction :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 521-2 du code de justice admi-nistrative : « Saisi d’une demande ence sens justifiée par l’urgence, le jugedes référés peut ordonner toutes me-sures nécessaires à la sauvegarded’une liberté fondamentale à laquelleune personne morale de droit public(...) aurait porté, dans l’exercice d’unde ses pouvoirs, une atteinte grave etmanifestement illégale » ; que le res-pect de ces conditions revêt un carac-tère cumulatif ;

Considérant que Mme Hyacinthe,ressortissante haïtienne, est arrivée àl’aéroport d’Orly le 30 novembre2000 afin de rejoindre son compa-gnon, M. Maignan, de même natio-nalité, demandeur du statut de réfu-gié politique, qui séjourne depuisplusieurs mois en France et dont elleattendait un enfant ; que ce dernierest né le 3 décembre 2000 lors du pla-cement en détention provisoire dontsa mère avait fait l’objet ; qu’un ju-gement du tribunal de grande ins-tance de Créteil, statuant en matièrecorrectionnelle, du 19 décembre2000, dont elle a relevé appel, l’acondamnée à une peine d’un moisd’emprisonnement avec sursis et àdeux ans d’interdiction du territoirefrançais pour entrée et séjour irrégu-liers en France et usage de faux do-cuments ; que cependant, l’intéres-sée qui entendait revendiquer, toutcomme son compagnon l’avait faitprécédemment, le bénéfice du statutde réfugié, a été mise dans l’impos-sibilité par les services de la préfec-ture de la Seine-Saint-Denis de pré-senter une demande d’admission autitre de l’asile régie par les disposi-tions de l’article 10 de la loi du25 juillet 1952 modifiée ;

Considérant, d’une part, que la notionde liberté fondamentale au sens où l’aentendue le législateur lors de l’adop-tion de la loi n° 2000-597 du 30 juin2000 relative au référé devant les juri-dictions administratives, englobe,s’agissant des ressortissants étrangersqui sont soumis à des mesures spécifi-ques réglementant leur entrée et leurséjour en France, et qui ne bénéficientdonc pas, à la différence des nationaux,de la liberté d’entrée sur le territoire,le droit constitutionnel d’asile qui apour corollaire le droit de solliciter lestatut de réfugié, dont l’obtention estdéterminante pour l’exercice par lespersonnes concernées des libertés re-connues de façon générale aux ressor-tissants étrangers ;

Considérant, d’autre part, que selonle deuxième alinéa de l’article 10 dela loi n° 52-893 du 25 juillet 1952,l’admission au titre de l’asile ne peutêtre refusée au seul motif que l’étran-ger est démuni des documents et desvisas mentionnés à l’article 5 de l’or-donnance n° 45-2658 du 2 novembre1945 ; que si le septième alinéa (4°)de l’article 10 de la loi n° 52-893,énonce que l’admission en Franced’un demandeur d’asile peut être re-

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 43

fusée si la demande n’est présentéequ’en vue de faire échec à une me-sure d’éloignement de telles disposi-tions ne pouvaient justifier légalementles refus opposés à Mme Hyacintheles 26 et 29 décembre 2000 en raisonnotamment de l’antériorité de la pré-sentation de la demande de statut deréfugié du compagnon de l’intéresséeet du principe d’unité de la famille ap-plicable en la matière ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que, dans l’exercice d’un deses pouvoirs, l’autorité administrativea porté une atteinte grave et manifes-tement illégale à une liberté fonda-mentale ;

Considérant, toutefois, que le minis-tre de l’intérieur a enjoint, le jourmême de l’introduction de la présenterequête, au préfet de la Seine-Saint-Denis d’enregistrer la demande d’asileprésentée par Mme Hyacinthe, ce quiimplique son admission provisoire auséjour ; qu’en outre, eu égard à l’in-terdiction judiciaire du territoire fran-çais prononcée par le jugement du tri-bunal correctionnel de Créteil frappéd’appel, Mme Hyacinthe a été assi-gnée à résidence dans le départementde la Seine-Saint-Denis dans l’attentede la décision de l’office français deprotection des réfugiés et apatrides ;

Considérant que les mesures ainsi pri-ses rendent sans objet le prononcé desinjonctions sollicitées par la requé-rante ;

Considérant que la décision de non-lieu à statuer qui découle de ce quiprécède dispense d’apprécier la rece-vabilité de la requête au regard desdispositions combinées des articlesL. 521-2 et L. 523-1 du code de jus-tice administrative lorsque, comme enl’espèce, le juge des référés du tribu-nal administratif a rejeté selon la pro-cédure simplifiée définie à l’articleL. 522-3 du code, une demande dontil avait été saisi sur le fondement del’article L. 521-2 ;

Sur les conclusions tendant à l’appli-cation de l’article L. 761-1 du code dejustice administrative :

Considérant qu’il y a lieu dans les cir-constances de l’espèce de faire appli-cation des dispositions de cet articleet de condamner l’État à verser à MmeHyacinthe la somme de 10 000 Fqu’elle demande au titre des frais ex-posés par elle et non compris dans lesdépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention présentéepar le Groupe d’information et desoutien des immigrés est admise.

Article 2 : Pour les motifs ci-dessusénoncés, il n’y a pas lieu pour le jugedes référés administratifs de statuersur les conclusions à fin d’injonctionprésentées par Mme Hyacinthe.

Article 3 : L’État versera à Mme Hya-cinthe la somme de 10 000 F au titredes frais exposés par elle et non com-pris dans les dépens.

Conseil d’État,7 février 2003,

Gisti

N° 243634

Publié au Recueil Lebon

M. Larrivé, Rapporteur

Mme Mitjavile, Commissaire du gou-vernement

Considérant que, par dérogation auxdispositions de l’article 1er de la loi du29 juillet 1881 sur la liberté de lapresse selon lesquelles « l’imprimerieet la librairie sont libres », l’article 14de la même loi, dans sa rédaction is-sue du décret du 6 mai 1939, disposeque « la circulation, la distribution oula mise en vente en France des jour-naux ou écrits périodiques ou non,rédigés en langue étrangère peut êtreinterdite par décision du ministre del’intérieur. Cette interdiction peutégalement être prononcée à l’encon-tre des journaux et écrits de prove-nance étrangère rédigés en languefrançaise, imprimés à l’étranger ou enFrance. » ; que le même article 14 dé-finit les sanctions pénales qui peuventêtre infligées dans le cas où une inter-diction prononcée en vertu des dis-positions citées ci-dessus n’aurait pasété respectée et autorise la saisie ad-ministrative des exemplaires et desreproductions des journaux et écritsinterdits, et de ceux qui en reprennentla publication sous un titre différent ;

Sur les conclusions aux fins d’annula-tion :

Considérant que l’autorité compé-tente, saisie d’une demande tendantà l’abrogation d’un règlement illégal,est tenue d’y déférer, soit que ce rè-glement ait été illégal dès la date desa signature, soit que l’illégalité résultede circonstances de droit ou de faitpostérieures à cette date ;

Considérant que le décret du 6 mai1939 modifiant l’article 14 de la loidu 29 juillet 1881, pris en applica-tion de la loi du 19 mars 1939 qui aaccordé des pouvoirs spéciaux augouvernement, n’a pas fait l’objetd’une ratification législative ; que,contrairement à ce que soutient leministre de l’intérieur, l’article 322de la loi du 16 décembre 1992 rela-tive à l’entrée en vigueur du nouveaucode pénal et à la modification decertaines dispositions de droit pénalet de procédure pénale rendue né-cessaire par cette entrée en vigueur,

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page 44 Défendre la cause des étrangers en justice

qui a supprimé les mentions relati-ves aux minima des peines « danstous les textes » les prévoyant, n’a euni pour objet ni pour effet de rati-fier implicitement, en les modifiant,les dispositions du décret du 6 mai1939, dont la légalité peut ainsi êtrediscutée devant le juge administratifà l’occasion de la contestation durefus du Premier ministre d’abrogerses dispositions ;

Considérant qu’aux termes du para-graphe I de l’article 10 de la conven-tion européenne de sauvegarde desdroits de l’homme et des libertés fon-damentales : « Toute personne adroit à la liberté d’expression. Cedroit comprend la liberté d’opinionet la liberté de recevoir ou de com-muniquer des informations ou desidées sans qu’il puisse y avoir ingé-rence d’autorités publiques et sansconsidération de frontière ... » ; quesi le paragraphe 2 du même articleprévoit que l’exercice de ces libertéspeut être soumis à des « restrictions[...] prévues par la loi, qui consti-tuent des mesures nécessaires dansune société démocratique », dès lorsqu’elles répondent à l’une ou l’autredes exigences énoncées audit para-graphe, les dispositions du décret du6 mai 1939 donnent au ministre del’intérieur compétence pour inter-dire, de manière générale et absolue,sur l’ensemble du territoire et sanslimitation dans le temps, la circula-tion, la distribution ou la mise envente de toute publication rédigée enlangue étrangère ou considéréecomme de provenance étrangère,sans que lesdites dispositions n’indi-quent les motifs pour lesquels unetelle interdiction peut être pronon-cée ; qu’un tel pouvoir d’interdic-tion, malgré l’étendue du contrôlejuridictionnel sur les décisions indi-viduelles qui en font usage, est denature à porter au droit des intéres-sés au respect des libertés précitéesune atteinte disproportionnée auxbuts en vue desquels des restrictionspeuvent être définies ; qu’ainsi lesdispositions du décret du 6 mai 1939méconnaissent les stipulations del’article 10 de la convention euro-péenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamen-tales ; qu’il suit de là que le Grouped’information et de soutien des im-migrés est fondé à demander l’annu-lation de la décision implicite de re-jet résultant du silence gardé pen-dant plus de deux mois par le Pre-mier ministre sur sa demande ten-

dant à l’abrogation du décret du6 mai 1939 modifiant l’article 14 dela loi du 29 juillet 1881 sur la libertéde la presse ;

Sur les conclusions aux fins d’injonc-tion sous astreinte :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 911-1 du code de justice ad-ministrative : « Lorsque sa décisionimplique nécessairement qu’une per-sonne morale de droit public ou unorganisme de droit public ou un or-ganisme de droit privé chargé de lagestion d’un service public prenneune mesure d’exécution dans un sensdéterminé, la juridiction, saisie deconclusions en ce sens, prescrit, parla même décision, cette mesure as-sortie, le cas échéant, d’un délaid’exécution. » ; qu’aux termes del’article L. 911-3 du même code :« Saisie de conclusions en ce sens, lajuridiction peut assortir, dans lamême décision, l’injonction prescriteen application des articles L. 911-1et L. 911-2 d’une astreinte qu’elleprononce dans les conditions pré-vues au présent livre et dont elle fixela date d’effet. » ;

Considérant que l’annulation de ladécision implicite par laquelle le Pre-mier ministre a refusé d’abroger ledécret du 6 mai 1939 implique néces-sairement l’abrogation des disposi-tions réglementaires dont l’illégalitéa été constatée ; qu’il y a lieu pour leConseil d’État d’ordonner cette me-sure ; qu’en revanche, il n’y a pas lieude faire droit aux conclusions de larequête tendant à ce que cette injonc-tion soit assortie d’une astreinte ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite derejet résultant du silence gardé pen-dant plus de deux mois par le Pre-mier ministre sur la demande duGroupe d’information et de soutiendes immigrés en date du 8 novem-bre 2001 tendant à l’abrogation dudécret-loi du 6 mai 1939, relatif aucontrôle de la presse étrangère, mo-difiant l’article 14 de la loi du29 juillet 1881 sur la liberté de lapresse, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Premierministre d’abroger le décret-loi du6 mai 1939, relatif au contrôle de lapresse étrangère, modifiant l’article14 de la loi du 29 juillet 1881 sur laliberté de la presse.

Article 3 : L’État est condamné à ver-ser au Groupe d’information et desoutien des immigrés une somme de1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusionsde la requête du Groupe d’informa-tion et de soutien des immigrés estrejeté.

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 45

Conseil d’État,29 juillet 2002,

Gisti, LDH, Femmes de la Terre

N° 231158

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

Mme Prada Bordenave, Commissairedu gouvernement

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Considérant que les dispositions du 7ºde l’article 12 de l’ordonnance du2 novembre 1945 prévoient que lacarte de séjour temporaire vie privéeet familiale est délivrée de plein droit,sauf si sa présence constitue une me-nace pour l’ordre public « ... à l’étran-ger, ne vivant pas en état de polyga-mie, qui n’entre pas dans les catégo-ries précédentes ou dans celles quiouvrent droit au regroupement fami-lial dont les liens personnels et fami-liaux en France sont tels que le refusd’autoriser son séjour porterait à sondroit au respect de sa vie privée et fa-miliale une atteinte disproportionnéeau regard des motifs du refus » ;qu’aux termes de l’article 12 de la loidu 15 novembre 1999 relative au pactecivil de solidarité : « La conclusiond’un pacte civil de solidarité consti-tue l’un des éléments d’appréciationdes liens personnels en France, au sensdu 7º de l’article 12 bis de l’ordon-nance nº 45-2658 du 2 novembre 1945relative aux conditions d’entrée et deséjour des étrangers en France, pourl’obtention d’un titre de séjour » ;Considérant qu’en indiquant que lastabilité du lien personnel dont se pré-vaut l’étranger à l’appui d’une de-mande de titre de séjour s’apprécie auregard de la vie commune en France,la circulaire attaquée se borne à rap-peler les règles qui découlent des dis-positions de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 et de la loi du 15 novem-bre 1999 ; que cette dernière loi n’apas assimilé, pour l’appréciation dudroit au séjour en France, le pacte desolidarité au mariage ; que la circulaireattaquée ne méconnaît donc pas laportée des dispositions législativesqu’elle commente en indiquant que lesétrangers mariés ne sont pas dans lamême situation que ceux qui sont liéspar un pacte civil de solidarité ; qu’en-fin, la circulaire attaquée ne contientaucune mention concernant le cas desressortissants algériens et marocains ;que, sur ces divers points, les conclu-sions des associations requérantes nesont donc pas recevables ; Considé-

rant, en revanche, que la circulaire at-taquée indique que la stabilité du lienpersonnel dont se prévaut le deman-deur d’un titre de séjour doit notam-ment être regardée comme établielorsque celui-ci justifie d’une ancien-neté de vie commune avec son parte-naire de trois ans si ce dernier a la na-tionalité française ou la nationalité del’un des Etats membres de l’Unioneuropéenne et de cinq ans dans lesautres cas ; que l’article 12 de la loidu 15 novembre 1999 n’introduitaucune distinction entre les deman-deurs de carte de séjour selon la na-tionalité de leur partenaire ; qu’ainsi,le ministre de l’intérieur a ajouté auxtermes de la loi en prévoyant une telledistinction ; que les associations re-quérantes sont, dès lors, recevables etfondées à demander l’annulation desparagraphes a) et b) ainsi que des deuxpremiers alinéas du c) du I de la cir-culaire attaquée, dont les dispositionssont indivisibles ;

Considérant, enfin, que le troisièmealinéa du c) du I de la circulaire atta-quée prévoit que les dispositions du7º de l’article 12 bis de l’ordonnancedu 2 novembre 1945 ne s’appliquentpas aux étrangers ayant conclu unpacte civil de solidarité avec le titu-laire d’une carte de séjour temporaireportant la mention étudiant ; que, sila qualité d’étudiant du partenaireétranger lié par un pacte civil de soli-darité avec l’étranger qui demande untitre de séjour peut être l’un des élé-ments d’appréciation des liens de cedernier en France, la loi du 15 novem-bre 1999 n’exclut pas, par principe,du champ d’application des disposi-tions de son article 12 les étrangersqui ont conclu un pacte civil de soli-darité avec le titulaire d’une carte deséjour temporaire portant la mentionétudiant ; qu’en prévoyant une telleexclusion, la circulaire attaquée ajouteà la loi ; que les associations requé-rantes sont, par suite, recevables etfondées à demander l’annulation dutroisième alinéa c) du I de cette cir-culaire ; Considérant qu’il résulte dece qui précède que les associationsrequérantes sont recevables et fon-dées à demander l’annulation des pa-ragraphes a), b) et c) du I de la circu-laire attaquée ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention du Mouve-ment contre le racisme et pour l’ami-tié entre les peuples est admise.

Article 2 : Les paragraphes a), b) et c)du I de la circulaire du ministre de l’in-térieur en date du 10 décembre 1999relative à l’application de l’article12 bis 7° de l’ordonnance du 2 novem-bre 1945 modifiée sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusionsde la requête est rejeté.

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page 46 Défendre la cause des étrangers en justice

Conseil d’État,22 octobre 2003,

Gisti et LDH

N° 248237

Publié au Recueil Lebon

Mme Josseline de Clausade, Rappor-teur

M. Stahl, Commissaire du gouverne-ment

M. Robineau, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Considérant, d’une part, que l’article8 de la loi du 29 octobre 1921 rela-tive au nouveau régime des cheminsde fer a institué, au bénéfice des fa-milles nombreuses, un régime de ré-duction sur les tarifs des chemins defer et en a défini les taux, qui varientselon le nombre d’enfants que comptela famille, ainsi que les modalités, quise traduisent par la délivrance d’unecarte d’identité particulière ; que cetarticle a été abrogé par l’article 1er dudécret du 1er décembre 1980 en tantqu’il règle les taux et les modalités desréductions accordées aux famillesnombreuses sur les tarifs de la Sociéténationale des chemins de fer français ;que ces taux et modalités sont désor-mais fixés par l’article 2 du mêmedécret ;

Considérant, d’autre part, qu’aux ter-mes de l’article 44 de la loi budgétairedu 22 mars 1924 : « Sous réserve destraités de réciprocité qui existent ac-tuellement ou qui seront passés entrela France et les pays étrangers (...) lesréductions sur les prix des transportsen chemins de fer prévues au béné-fice des familles nombreuses ne sontapplicables qu’aux citoyens françaiset aux originaires des colonies fran-çaises ou des pays de protectorat » ;

Considérant que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés etla Ligue des droits de l’Homme ontsaisi le Premier ministre, par lettre du30 janvier 2002 reçue le 4 février 2002,d’une demande tendant à la mise enouvre de la procédure prévue au se-cond alinéa de l’article 37 de la Cons-titution, afin de procéder par décretà la modification de l’article 44 de laloi du 22 mars 1924 en tant qu’elleréserve le bénéfice de la carte famillenombreuse de la SNCF aux seuls ci-toyens français et originaires des co-lonies françaises ou des pays du pro-tectorat ; que cette demande a été

transmise au ministre de l’équipe-ment, du logement et des transports,qui y a répondu par lettre du 2 mai2002 ; que les associations requéran-tes demandent au Conseil d’État d’an-nuler pour excès de pouvoir, d’unepart, la décision qu’elles estiment con-tenue dans cette lettre, d’autre part,la décision implicite de rejet résultantdu silence gardé pendant plus dedeux mois par le Premier ministre surla demande d’abrogation dont il a étésaisi ;

Sur les conclusions dirigées contre lalettre du ministre de l’équipement, dulogement et des transports en date du2 mai 2002 :

Considérant que cette lettre se borneà faire connaître la position du Gou-vernement sur la nécessité de procé-der à un réexamen d’ensemble destarifs sociaux et à expliciter ainsi lesmotifs du refus tacitement opposé le4 avril 2002 par le Premier ministre àla demande d’abrogation dont il avaitété saisi le 4 février ; qu’ainsi, la lettredu ministre ne revêt pas le caractèred’une décision faisant grief ; que, dèslors, les requérantes ne sont pas rece-vables à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre ladécision du Premier ministre :

Considérant, en premier lieu, d’unepart, que l’article 34 de la Constitu-tion, en réservant à la loi la détermi-nation des principes fondamentauxde la sécurité sociale, a entendu en-glober dans ces termes l’ensemble dessystèmes de protection sociale, quel-les que soient leurs modalités de ges-tion administrative ou financière et,notamment, sans distinguer suivantque la protection est aménagée aumoyen de mécanismes d’assurance oud’assistance ; qu’ainsi, la détermina-tion des principes fondamentaux del’aide sociale relève de la loi ; quedoivent être rangées au nombre de cesprincipes la détermination des caté-gories de personnes appelées à béné-ficier d’une prestation sociale ainsique la définition de la nature des con-ditions exigées pour son attribution ;que, d’autre part, si la déterminationdes tarifs applicables aux usagers d’unservice public n’est pas au nombre desmatières réservées au législateur parl’article 34 de la Constitution et si, parconséquent, des dispositions impo-sant des obligations tarifaires à l’ex-ploitant d’un service public ont enprincipe un caractère réglementaire,il en va différemment lorsque l’État,

en imposant par voie de mesure gé-nérale en faveur de certaines catégo-ries d’usagers des réductions de ta-rifs à caractère social, entend recon-naître au profit de leurs bénéficiairesle droit à un avantage assimilable àune prestation d’aide sociale ;

Considérant qu’en instituant, au bé-néfice des familles nombreuses, unrégime de réduction sur les tarifs deschemins de fer, l’article 8 de la loi du29 octobre 1921 a entendu reconnaî-tre aux intéressés le droit à un avan-tage devant être regardé, pour l’ap-plication de l’article 34 de la Consti-tution, comme relevant des systèmesde protection sociale ; que les réduc-tions sur les tarifs de transport parchemin de fer sont, au demeurant,mentionnées à l’article L. 112-2 ducode de l’action sociale et des fa-milles, dont les dispositions repren-nent celles de l’article 20 du code dela famille et de l’aide sociale, commeétant au nombre des mesures ayantpour objet d’aider les familles à éle-ver leurs enfants , au même titre queles prestations de sécurité sociale oules allocations d’aide sociale qui leursont destinées ; qu’il suit de là querelèvent du législateur, tant le prin-cipe de l’institution de réductionstarifaires imposées par l’État en fa-veur des familles nombreuses que ladétermination des catégories de per-sonnes susceptibles de bénéficier desavantages sociaux que ces disposi-tions législatives ont eu pour objetd’accorder ; que, par suite, les dispo-sitions de l’article 44 de la loi du22 mars 1924 réservant aux natio-naux le bénéfice du régime de réduc-tion sur les tarifs des chemins de ferinstitué en faveur des familles nom-breuses ont un caractère législatif ;

Considérant, en second lieu, que, con-trairement à ce que soutiennent lesrequérants, la circonstance que desdispositions législatives seraient in-compatibles avec un engagement in-ternational est sans incidence surl’étendue du pouvoir dont dispose lePremier ministre, en application desdispositions du second alinéa de l’ar-ticle 37 de la Constitution, lesquellesne lui donnent compétence pourabroger des dispositions contenuesdans un texte de forme législative quepour autant qu’elles sont de natureréglementaire ; que, par suite, lemoyen tiré de ce que les dispositionslitigieuses seraient incompatibles avecles stipulations combinées de l’articlel4 de la convention européenne de

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 47

sauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales et de l’ar-ticle 1er du premier protocole addi-tionnel à cette convention est inopé-rant ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés etla Ligue des droits de l’Homme nesont pas fondés à demander l’annu-lation de la décision par laquelle lePremier ministre a refusé de fairedroit à leur demande tendant à l’abro-gation des dispositions qu’ils contes-tent de l’article 44 de la loi du 22 mars1924 ; que leurs conclusions à fin d’in-jonction ne peuvent, dès lors, qu’êtrerejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des im-migrés et de la Ligue des droits del’Homme est rejetée.

Conseil d’État,17 décembre 2003,

Gisti

N° 248238

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

M. Stéphane Verclytte, Rapporteur

M. Séners, Commissaire du gouverne-ment

M. Robineau, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Considérant que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés(GISTI) a demandé le 4 février 2002au Premier ministre d’abroger l’ar-ticle 1er du décret du 28 octobre 1982créant une médaille de la famillefrançaise en tant qu’il réserve l’attri-bution de cette distinction aux pa-rents de nationalité française ; que lePremier ministre n’ayant pas ré-pondu à cette demande dans le dé-lai de deux mois, il en est résulté, le5 avril 2002, une décision implicitede rejet dont le GISTI demande l’an-nulation ;

Considérant que l’autorité compé-tente, saisie d’une demande tendantà l’abrogation d’un règlement illégal,est tenue d’y déférer, soit que ce rè-glement ait été illégal dès la date desa signature, soit que l’illégalité ré-sulte de circonstances de droit ou defait postérieures à cette date ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 1er du décret du 28 octobre 1982 :« La médaille de la famille françaiseest une distinction honorifique dé-cernée aux personnes qui élèvent ouont élevé dignement de nombreuxenfants, afin de rendre hommage àleurs mérites et de leur témoigner lareconnaissance de la nation./ Peu-vent obtenir cette distinction les per-sonnes visées ci-dessous qui, parleurs soins attentifs et leur dévoue-ment, ont fait un constant effort pourélever leurs enfants dans les meilleu-res conditions matérielles et mora-les : a) Les mères de famille de na-tionalité française dont le mari ettous les enfants sont français ; b) Lesmères de famille ou les pères de fa-mille de nationalité française donttous les enfants sont français et dontle conjoint ne possède pas la natio-nalité française ; c) Les mères de fa-mille ou les pères de famille de na-tionalité française dont tous les en-fants sont français, qui élèvent ou qui

ont élevé seuls leurs enfants » ; queces dispositions ne permettent pasd’attribuer la médaille de la famillefrançaise aux mères et aux pères defamille ne possédant pas la nationa-lité française ;

Considérant qu’il résulte de ces mê-mes dispositions que l’attribution dela médaille de la famille française estdestinée à récompenser les méritesdes personnes ayant dignement élevéde nombreux enfants de nationalitéfrançaise ; qu’au regard de cet objet,la circonstance que les parents desenfants concernés possèdent ou nonla nationalité française ne constituepas une différence de situation denature à justifier une différence detraitement, laquelle ne peut être re-gardée comme dictée par des néces-sités d’intérêt général en rapportavec l’objet honorifique de la me-sure ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède que les dispositions de l’ar-ticle 1er du décret du 28 octobre 1982sont illégales en tant qu’elles ne per-mettent pas d’attribuer la médaillede la famille française aux mères ouaux pères de famille ne possédant pasla nationalité française ; que, parsuite, le GISTI était fondé, dans cettemesure, à en demander l’abrogationau Premier ministre ; que, dès lors,et sans qu’il soit besoin d’examinerles autres moyens de la requête, leGISTI est fondé à demander l’annu-lation de la décision implicite parlaquelle le Premier ministre a refuséde faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions du GISTI tendantà ce qu’il soit fait application des dis-positions de l’article L. 911-1 du codede justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 911-1 du code de justice ad-ministrative : « Lorsque sa décisionimplique nécessairement qu’une per-sonne morale de droit public [...]prenne une mesure d’exécution dansun sens déterminé, la juridiction [...]prescrit [...] cette mesure assortie, lecas échéant, d’un délai d’exécu-tion » ; que l’annulation de la déci-sion du Premier ministre refusantd’abroger l’article 1er du décret du28 octobre 1982 créant une médaillede la famille française, en tant quecet article ne permet pas l’attributionde cette médaille aux mères ou auxpères de famille ne possédant pas lanationalité française, implique néces-sairement l’abrogation de cet article

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dans les limites définies ci-dessus ;qu’il y a lieu pour le Conseil d’Étatd’enjoindre au Premier ministre deprononcer cette abrogation ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision en date du5 avril 2002 par laquelle le Premierministre a refusé d’abroger, à la de-mande du GISTI, l’article 1er du dé-cret du 28 octobre 1982 créant unemédaille de la famille française, entant que cet article ne permet pas l’at-tribution de cette médaille aux mèresde famille ou aux pères de famille quine possèdent pas la nationalité fran-çaise mais dont tous les enfants sontfrançais, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Premierministre de prendre les mesures ré-glementaires nécessaires à l’exécutionde l’article 1er de la présente décision.

Article 3 : L’État versera au GISTI unesomme de 2 000 euros en applicationdes dispositions de l’article L. 761-1du code de justice administrative.

Conseil d’État,12 octobre 2005,

Gisti, Asti d’Orléans, Cimade,Forum Réfugiés, LDH, Fasti,

Amnesty, Réseau Elena, FTDA,Association Tiberius Claudius,

Syndicat de la magistrature

N° 273198

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

Mme Béatrice Bourgeois-Machureau,Rapporteur

Mme Prada Bordenave, Commissairedu gouvernement

M. Stirn, Président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin ; SCPWaquet, Farge, Hazan, avocats

En ce qui concerne la légalité externedes décrets attaqués :

Considérant qu’il ressort des pièces dudossier que le décret n° 2004-813 du14 août 2004 modifiant le titre III dudécret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ré-glementant les conditions d’entrée etde séjour en France des étrangers et ledécret n° 2004-814 du 14 août 2004relatif à l’office français de protectiondes réfugiés et apatrides et à la com-mission des recours des réfugiés ontété soumis, pour avis, au Conseild’État ; que les deux décrets ont étéexaminés par la section de l’intérieuret la section des finances du Conseild’État, compétentes pour connaître,en application des dispositions des ar-ticles 1er et 2 de l’arrêté du 10 juin 2004portant répartition des affaires entreles sections administratives du Conseild’État, de ces décrets, lesquelsn’étaient pas au nombre des textesdevant être soumis à la section sociale ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ou réglementaire n’impo-sait de consulter les associations ayantpour objet la défense des droits desréfugiés ni les ordres ou organisationsreprésentatifs des intérêts des avocatsou des justiciables ;

En ce qui concerne la légalité internedu décret n° 2004-813 du 14 août 2004 :

Sur l’article 2 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 14 du décret n° 46-1574 du 30 juin1946 réglementant les conditions d’en-trée et de séjour en France des étran-gers, dans sa rédaction issue de l’arti-cle 2 du décret n° 2004-813 du 14 août2004 : « L’étranger qui, n’étant pas

déjà admis à résider en France, solli-cite son admission au séjour au titrede l’asile en application de l’article 8de la loi du 25 juillet 1952 relative audroit d’asile présente à l’appui de sademande : ... 4° L’indication del’adresse où il est possible de lui faireparvenir toute correspondance pen-dant la durée de validité de l’autorisa-tion provisoire de séjour délivrée surle fondement de l’article 15. Si le choixd’une adresse se porte sur celle d’uneassociation, celle-ci doit être agréée pararrêté préfectoral. L’agrément est ac-cordé pour une durée de trois ansrenouvelable aux associations réguliè-rement déclarées depuis au moins troisannées dont l’objet est en rapport avecl’aide ou l’assistance aux étrangers, etjustifiant d’une expérience dans lesdomaines de l’accueil, de la prise encharge, de la domiciliation ou de l’hé-bergement des demandeurs d’asile,ainsi que de leur aptitude à assurer ef-fectivement la mission de réception etde transmission des courriers adressésaux demandeurs d’asile » ;

Considérant que la circonstance quel’article 19 de la loi du 25 juillet 1952modifiée relative au droit d’asile, danssa rédaction issue de l’article 10 de laloi du 10 décembre 2003, n’ait pasprévu expressément qu’il appartien-drait à un décret en Conseil d’État demodifier les dispositions du 4° de l’ar-ticle 14 du décret du 30 juin 1946 nesaurait avoir eu pour effet d’interdireaux autorités compétentes de procé-der aux modifications en cause parvoie réglementaire ; que les disposi-tions contestées n’ont pas pour objetd’imposer aux demandeurs d’asile uneélection de domicile au sens de l’arti-cle 111 du code civil mais uniquementde leur permettre de fournir, le caséchéant, l’adresse d’une association oùils pourront prendre possession ducourrier qui leur sera adressé dans lecadre de l’examen de leur demanded’asile ; qu’il ne saurait, dès lors, êtresoutenu que les dispositions de l’arti-cle 2 du décret n° 2004-813 du 14 août2004 participent à la définition desprincipes fondamentaux des obliga-tions civiles des demandeurs d’asile etressortissent, dans cette mesure, à lacompétence exclusive du législateur ;qu’il appartenait également au pouvoirréglementaire de prévoir que les asso-ciations habilitées à offrir ce servicedevraient avoir été agréées à cette fin ;que l’introduction d’un tel agrément,pour des motifs tirés de l’intérêt géné-ral, ne porte pas atteinte à la libertéd’association ; qu’aucune disposition

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législative ou réglementaire ni aucunprincipe général du droit ne font obs-tacle à ce que l’agrément en cause soitoctroyé uniquement aux associationsrégulièrement déclarées depuis aumoins trois années, dont l’objet est enrapport avec l’aide ou l’assistance auxétrangers et justifiant d’une expériencedans ce domaine ;

Sur l’article 3 :

Considérant qu’aux termes du I del’article 3 du décret n° 2004-813 du14 août 2004, remplaçant le premieralinéa de l’article 15 du décret du30 juin 1946 : « ... Dans un délai dequinze jours après qu’il a satisfait auxobligations prévues à l’article 14 duprésent décret, l’étranger est mis enpossession d’une autorisation provi-soire de séjour portant la mention envue de démarches auprès de l’OFPRA, d’une validité d’un mois, pour autantqu’il ne soit pas fait application du 1°au 4° de l’article 8 de la loi du 25 juillet1952 précitée sans préjudice des dis-positions du deuxième alinéa de l’ar-ticle 10 de la même loi... » ;

Considérant qu’aux termes de l’article6 de la directive 2003/9/CE du 27 jan-vier 2003 relative à des normes mini-males pour l’accueil des demandeursd’asile dans les États membres : « 1.Les États membres font en sorte queles demandeurs reçoivent, dans un dé-lai de trois jours après le dépôt de leurdemande auprès des autorités compé-tentes, un certificat délivré à leur nomattestant leur statut de demandeurd’asile ou attestant qu’ils sont autori-sés à demeurer sur le territoire de l’Étatmembre pendant que leur demande esten attente ou en cours d’examen. 2. LesÉtats membres peuvent exclure l’ap-plication du présent article... dans lecadre d’une procédure visant à déter-miner le droit du demandeur d’asile àentrer légalement sur le territoire d’unÉtat membre... » ; que le I de l’article3 du décret attaqué pouvait, sans mé-connaître la directive, faire applicationde la dérogation prévue au paragraphe2 de l’article 6 précité et instituer undélai de quinze jours pour la délivranceaux demandeurs d’asile d’une autori-sation provisoire de séjour ; que les dis-positions contestées ne méconnaissentpas davantage l’article 9 de la loi du25 juillet 1952 modifiée ;

Considérant qu’aux termes du II del’article 3 du décret n° 2004-813 du14 août 2004, qui insère un troisièmealinéa nouveau à l’article 15 du décretdu 30 juin 1946 : « ... Lorsqu’à la suited’une décision de rejet devenue défi-

nitive sur une précédente demanded’asile, l’intéressé entend soumettre àl’office français de protection des ré-fugiés et apatrides des éléments nou-veaux, la validité de l’autorisation pro-visoire de séjour qui lui est délivrée estlimitée à quinze jours » ;

Considérant que le moyen tiré de ceque le II de l’article 3 du décretn° 2004-813 du 14 août 2004 préciténe pouvait, sans méconnaître le prin-cipe d’égalité, introduire une durée devalidité de l’autorisation provisoire deséjour différente de celle prévue parle I du même article pour les étrangersqui présentent une demande d’asilepour la première fois doit être écartédès lors, d’une part, que les étrangersse trouvent placés dans une situationdifférente selon qu’ils présentent unedemande d’asile pour la première foisou que, après un rejet définitif d’uneprécédente demande, ils soumettent àl’examen de l’office des éléments nou-veaux et, d’autre part, qu’en applica-tion des dispositions de l’article 3 dudécret n° 2004-814 du 14 août 2004,l’office doit statuer dans un délai de96 heures sur les demandes de réexa-men ; que les dispositions contestéesne méconnaissent pas davantage les ar-ticles 9 et 10 de la loi du 25 juillet 1952modifiée, dès lors qu’il en résulte que,si le directeur général de l’office estime,au vu des éléments produits, qu’il y alieu de procéder à un nouvel examende la situation des intéressés, il est dé-livré à ces derniers un récépissé valantautorisation provisoire de séjour dansles conditions prévues par l’article 16du décret du 30 juin 1946, dans sa ré-daction issue de l’article 4 du décretn° 2004-813 du 14 août 2004 ;

Sur l’article 4 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 4 du même décret qui modifie l’ar-ticle 16 du décret du 30 juin 1946 :« Le demandeur d’asile mentionné aupremier alinéa de l’article 15 est misen possession d’un récépissé de de-mande d’asile valant autorisation pro-visoire de séjour dans un délai maxi-mal de trois jours à compter de l’expi-ration de la validité de l’autorisationprovisoire de séjour mentionnée à l’ar-ticle 15, sur présentation de la lettrede l’office français de protection desréfugiés et apatrides l’informant del’enregistrement de sa demande d’asileou de la décision de procéder à unnouvel examen de cette demande... » ;

Considérant, d’une part, qu’aux ter-mes de l’article 5 de la directive 2003/

9/CE du 27 janvier 2003 relative à desnormes minimales pour l’accueil desdemandeurs d’asile dans les Étatsmembres : « 1. Les États membres in-forment, au minimum, les demandeursd’asile, dans un délai raisonnable n’ex-cédant pas quinze jours après le dépôtde leur demande d’asile auprès del’autorité compétente, des avantagesdont ils peuvent bénéficier et des obli-gations qu’ils doivent respecter euégard aux conditions d’accueil... 2. LesÉtats membres font en sorte que lesinformations prévues au paragraphe 1soient fournies par écrit et, dans lamesure du possible, dans une languedont les demandeurs sont censés avoirune connaissance suffisante. Le caséchéant, ces informations peuvent éga-lement être fournies oralement » ; que,selon l’article 26 de la même directive,les États membres avaient jusqu’au6 février 2005 pour se conformer auxobligations édictées par cette direc-tive ; qu’ainsi, la circonstance que l’ar-ticle 4 du décret n° 2004-813 du14 août 2004, qui n’édicte aucune dis-position incompatible avec la directive,n’ait pas prévu qu’il incombait auxservices préfectoraux, lors de la remiseaux intéressés du récépissé de de-mande d’asile valant autorisation pro-visoire de séjour, de délivrer aux de-mandeurs d’asile, dans une languequ’ils comprennent, les informationsprévues par la directive 2003/9/CE du27 janvier 2003 est sans incidence surla légalité de cet article ;

Considérant, d’autre part, qu’en appli-cation de l’article 16 du décret du30 juin 1946, dans sa rédaction issuede l’article 4 du décret n° 2004-813 du14 août 2004, les demandeurs d’asilesont mis en possession d’un récépissévalant autorisation de séjour d’une du-rée de trois mois renouvelable dèsqu’ils justifient avoir déposé une de-mande devant l’office français de pro-tection des réfugiés et apatrides ; qu’envertu des dispositions de l’article 17du décret du 30 juin 1946, dans sa ré-daction issue de l’article 5 du décretn° 2004-813 du 14 août 2004, ils ob-tiennent le renouvellement de ce récé-pissé jusqu’à ce que, le cas échéant, leurait été notifiée la décision de la com-mission des recours des réfugiés ; que,par suite, les requérants ne sont pasfondés à soutenir que les dispositionsde l’article 4 précité du décret n° 2004-813 du 14 août 2004 méconnaîtraientl’article 6 de la directive 2003/9/CE du27 janvier 2003 en tant qu’il prévoitque les demandeurs d’asile doiventpouvoir demeurer régulièrement sur le

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territoire jusqu’à ce qu’il ait été statuédéfinitivement sur leur demande ; que,si l’article 9 du même décret a porté, àtitre transitoire, jusqu’au 31 décembre2004, le délai de délivrance du récé-pissé à un mois, il ressort des disposi-tions de l’article 26 de la directive2003/9/CE du 27 janvier 2003 que lesÉtats membres de l’Union européenneavaient jusqu’au 6 février 2005 pours’y conformer ;

Sur l’article 6 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 6 du décret n° 2004-813 du14 août 2004 qui insère un article 17-1 dans le décret du 30 juin 1946 : « ...L’étranger qui, le cas échéant, estamené à demander le renouvellementdu récépissé délivré au titre des arti-cles 16 et 17 du présent décret pré-sente à l’appui de sa demande : 1°Deux photographies... 2° La justifi-cation du lieu où il a sa résidence » ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 9 de la loi du 25 juillet 1952, modi-fiée, relative au droit d’asile : « ... Aprèsle dépôt de sa demande d’asile, le de-mandeur se voit délivrer un nouveaudocument provisoire de séjour. Cedocument est renouvelé jusqu’à ce quel’office statue et, si un recours est formédevant la commission des recours, jus-qu’à ce que la commission statue » ;

Considérant qu’aucune disposition lé-gislative ou réglementaire ni aucunprincipe général du droit ne font obs-tacle à ce que les demandeurs d’asileaient à indiquer le lieu dans lequel ilsrésident à l’occasion du renouvelle-ment de leur récépissé de demanded’asile ; que si l’article 9 précité de laloi du 25 juillet 1952 modifiée disposeque le document provisoire de séjourdoit être renouvelé jusqu’à ce qu’il aitété statué définitivement sur la de-mande, il ne fait pas obstacle à ce quesoient définies par voie réglementaireles pièces et les informations qu’il ap-partient aux demandeurs de fourniraux services compétents, à la condi-tion que les éléments réclamés, euégard à leur nombre et à leur nature,n’aient pas pour effet de porter atteinteaux garanties qui s’attachent à la miseen œuvre du droit d’asile ; que ni lajustification du lieu de résidence, quine fait pas obstacle à ce que le deman-deur indique une adresse dans les con-ditions prévues à l’article 14 du décretdu 30 juin 1946, dans sa rédaction is-sue de l’article 2 du décret n° 2004-813 du 14 août 2004, ni la fourniturede photographies d’identité ne sontcontraires à cette exigence ;

Sur les articles 7 et 8 :

Considérant qu’en vertu des disposi-tions des articles 7 et 8 du décretn° 2004-813 du 14 août 2004 qui mo-difient l’article 18 du décret du 30 juin1946 et y insèrent un article 18-1,l’étranger auquel a été reconnu le droitd’asile ou le bénéfice de la protectionsubsidiaire est mis en possession d’unrécépissé de demande de titre de sé-jour valant autorisation de séjour d’unedurée de trois mois renouvelable dansun délai de huit jours à compter de sademande ; que les dispositions contes-tées ne méconnaissent pas l’article 24de la directive 2004/83/CE du Con-seil du 29 avril 2004 concernant lesnormes minimales relatives aux con-ditions que doivent remplir les ressor-tissants des pays tiers ou les apatridespour pouvoir prétendre au statut deréfugié ou les personnes qui, pourd’autres raisons, ont besoin d’une pro-tection internationale, et relatives aucontenu de ces statuts, dès lors que cetarticle n’impose pas, dans ces circons-tances, aux autorités compétentes dedélivrer sans délai le titre de séjourauquel l’étranger a droit ; qu’en toutétat de cause, l’intéressé continue à bé-néficier du droit à demeurer sur le ter-ritoire que lui confère le récépissé dedemande d’asile délivré et, le caséchéant, renouvelé durant l’examen desa demande d’asile ; que les disposi-tions contestées n’ont pas davantagepour objet ou pour effet d’introduireune discrimination prohibée entre lesétrangers sollicitant la délivrance d’untitre de séjour ;

En ce qui concerne la légalité internedu décret n° 2004-814 du 14 août2004 :

Sur l’article 1er :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 1er du décret n° 2004-814 du14 août 2004 : « ... À compter de laremise de l’autorisation provisoire deséjour prévue à l’article 9 de la loi du25 juillet 1952 susvisée, l’étrangerdemandeur d’asile dispose d’un dé-lai de vingt et un jours pour présen-ter sa demande d’asile complète à l’of-fice. La demande d’asile ou du statutd’apatride est rédigée en français surun imprimé établi par l’office... » ;

Considérant que l’intérêt qui s’attacheau règlement rapide de la situation desdemandeurs d’asile est de nature à jus-tifier que le délai ouvert pour la pré-sentation d’une demande à l’officefrançais de protection des réfugiés etapatrides soit le plus bref possible,

dans des proportions qui ne font pasobstacle au respect des garanties quis’attachent à la mise en œuvre du droitd’asile ; que le délai de vingt et un joursfixé par l’article 1er du décret° 2004-814 du 14 août 2004 doit, à cet égard,être regardé comme suffisant ; que sice même article précise que la de-mande d’asile doit être complète lorsde sa transmission à l’office, cette exi-gence n’a pas pour objet ou pour effetde méconnaître l’obligation à laquelleest soumis l’office de statuer sur tou-tes les demandes dont il est saisi en ap-plication de l’article 2 de la loi du25 juillet 1952 modifiée ; qu’elle n’apas davantage pour conséquence depriver les demandeurs d’asile de la pos-sibilité de présenter des éléments com-plémentaires à l’appui de leur de-mande au cours de son instruction,étant précisé qu’il résulte expressé-ment des dispositions de l’article 2 dudécret n° 2004-814 du 14 août 2004que le directeur général de l’office seprononce sur la reconnaissance du sta-tut de réfugié ou le bénéfice de la pro-tection subsidiaire au regard des piè-ces et des informations dont il disposeà la date de sa décision ;

Considérant que si les associationsrequérantes font valoir que l’article 1er

du décret n° 2004-814 du 14 août2004 est incompatible avec la propo-sition de directive du Conseil relativeà des normes minimales concernantla procédure d’octroi et de retrait dustatut de réfugié dans les États mem-bres, un tel moyen est, en tout état decause, inopérant ;

Considérant qu’aucune disposition lé-gislative ni aucun principe s’imposantau pouvoir réglementaire ne met à lacharge de l’État une obligation de miseà disposition d’interprètes pour aiderles demandeurs d’asile dans la rédac-tion de la demande qu’ils entendentprésenter à l’office français de protec-tion des réfugiés et apatrides ; qu’ainsi,le moyen tiré de ce que l’obligation derépondre en français aux questions fi-gurant sur l’imprimé établi par l’officeporte atteinte aux garanties qui s’atta-chent à la mise en œuvre du droitd’asile doit être écarté ; que la circons-tance que le décret n° 2004-814 du14 août 2004 abroge, en son article 33,le décret du 23 juin 1998 pris pour l’ap-plication de la loi du 25 juillet 1952relative au droit d’asile et relatif à l’asileterritorial est, à cet égard, dénuée d’in-cidence ; que l’article 1er du décret at-taqué précité ne méconnaît pas davan-tage les dispositions de l’article 5 de la

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directive 2003/9/CE du Conseil du27 janvier 2003 relative à des normesminimales pour l’accueil des deman-deurs d’asile dans les États membres,dès lors que ces dispositions n’ont, entout état de cause, pas pour objet d’im-poser que le formulaire de demanded’asile puisse être rédigé dans une lan-gue connue par le demandeur ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ni aucun principe s’impo-sant au pouvoir réglementaire n’exi-geaient que le décret n° 2004-814 du14 août 2004 prévoie, en son article1er, que les demandeurs d’asile rele-vant de la procédure prioritaire men-tionnée à l’article 9 de la loi du25 juillet 1952 modifiée, dès lorsqu’ils ne sont pas placés en centre derétention et n’entrent donc pas dansle champ d’application du V de l’ar-ticle 35 bis de l’ordonnance du 2 no-vembre 1945 modifiée en vigueur àla date du décret attaqué, bénéficie-raient également d’un délai de vingtet un jour pour présenter leur de-mande à l’office français de protec-tion des réfugiés et apatrides ;

Sur l’article 2 :

Considérant que l’article 2 du décretn° 2004-814 du 14 août 2004 a pu lé-galement disposer, en application duseptième alinéa de l’article 3 de la loidu 25 juillet 1952 modifiée, que le di-recteur de l’office français de protec-tion des réfugiés et apatrides feraitconnaître le caractère positif ou néga-tif de sa décision au préfet compétentet, à Paris, au préfet de police ainsiqu’au directeur de l’office des migra-tions internationales ; que ces disposi-tions ne méconnaissent pas l’exigencede confidentialité qui s’attache auxinformations dont dispose l’office ;

Considérant que la notification parvoie administrative des décisions dudirecteur général de l’office aux de-mandeurs d’asile placés en centre derétention ne méconnaît pas davantagel’exigence de confidentialité qui s’at-tache aux informations dont disposel’office ;

Considérant que le moyen tiré de ceque la communication par lettre re-commandée avec demande d’avis deréception des décisions du directeurgénéral de l’office français de protec-tion des réfugiés et apatrides feraitobstacle au droit au recours devantla Commission des recours des réfu-giés ouvert aux demandeurs d’asile nesaurait être retenu, dès lors que, con-trairement à ce que soutiennent les

requérants, aucune disposition légis-lative ou réglementaire ne fait obsta-cle à ce que les intéressés puissent re-tirer une lettre recommandée ;

Sur l’article 3 :

Considérant qu’aux termes du pre-mier alinéa de l’article 3 du décretn° 2004-814 du 14 août 2004 : Lors-qu’il est saisi en application de la pro-cédure prioritaire prévue aux articles8 et 9 de la loi du 25 juillet 1952 sus-visée, l’office statue dans un délai dequinze jours sur la demande d’asile.Ce délai est ramené à 96 heures lors-que le demandeur d’asile est placé enrétention administrative en applica-tion de l’article 35 bis de l’ordonnancedu 2 novembre 1945 susvisée ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ni aucun principe s’impo-sant au pouvoir réglementaire ne metà la charge de l’État une obligationde mise à disposition des demandeursd’asile d’interprètes et d’assistancejuridique dans la situation mention-née à l’article 3 du décret n° 2004-814du 14 août 2004 précité ;

Considérant que l’intérêt particulierqui s’attache au règlement rapide dela situation des demandeurs d’asileplacés en centre de rétention admi-nistrative justifie que l’office françaisde protection des réfugiés et apatri-des se prononce sur leur demandedans le délai le plus bref compatibleavec le respect de l’exercice, par lesintéressés, de leurs droits ; que le dé-lai de 96 heures fixé par l’article 3précité n’est pas insuffisant au regardde cette exigence ;

Considérant que l’article 3 du décretattaqué, en ce qu’il prévoit, en appli-cation des dispositions combinées desarticles 8 et 9 de la loi du 25 juillet1952 modifiée, la mise en œuvred’une procédure prioritaire, notam-ment pour le traitement des deman-des d’asile émanant de ressortissantsde pays réputés sûrs, ne méconnaîtpas l’exigence de non discriminationposée par les stipulations de l’article3 de la convention de Genève rela-tive au statut des réfugiés, dès lors queladite procédure, justifiée par desimpératifs liés à la sauvegarde de l’or-dre public, permet aux intéressés deprésenter une demande d’asile et àl’office de statuer sur cette demandedans des conditions qui ne portentpas atteinte aux garanties qui s’atta-chent à la mise en œuvre du droitd’asile ;

Sur l’article 5 :

Considérant que la création d’unemission de liaison avec le ministère del’intérieur au sein de l’office françaisde protection des réfugiés et apatri-des ne méconnaît pas les dispositionsde l’article 3 de la loi du 25 juillet 1952modifiée ; que le moyen tiré de ce quela mise en place d’une telle structureporterait atteinte au respect de la con-fidentialité des informations détenuespar l’office doit être écarté, dès lorsqu’aucune disposition du décret at-taqué ne prévoit que les membres dela mission auront accès à des infor-mations confidentielles ;

Sur l’article 9 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 9 du décret n° 2004-814 du14 août 2004 : « ... le directeur géné-ral est notamment habilité à : ... 4° Si-gnaler aux autorités compétentes lesbénéficiaires de la protection subsi-diaire auxquels un titre de voyage doitêtre délivré et indiquer pour chaquecas la liste des pays autorisés » ;

Considérant qu’aucune disposition lé-gislative ni aucun principe s’imposantau pouvoir réglementaire n’exigentqu’il soit délivré aux étrangers bénéfi-ciant de la protection subsidiaire untitre de séjour leur permettant de quit-ter la France à destination du pays deleur choix ; que le décret attaqué pou-vait, dès lors, réglementer les condi-tions dans lesquelles pourrait leur êtredélivré un titre de voyage ; qu’il n’a pas,ce faisant, méconnu les dispositionsprécitées de l’article 25 de la directive2004/83/CE du 29 avril 2004 du Con-seil concernant les normes minimalesrelatives aux conditions que doiventremplir les ressortissants des pays tiersou les apatrides pour pouvoir préten-dre au statut de réfugié ou les person-nes qui, pour d’autres raisons, ont be-soin d’une protection internationale,et relatives au contenu de ces statuts,aux termes desquelles : « Les Étatsmembres délivrent aux bénéficiairesdu statut conféré par la protection sub-sidiaire se trouvant dans l’impossibi-lité d’obtenir un passeport national oudes documents qui leur permettent devoyager, au moins lorsque leur pré-sence dans un autre État est requisepour des raisons humanitaires graves,à moins que des raisons impérieusesde sécurité nationale ou d’ordre pu-blic ne s’y opposent » ;

Sur l’article 14 :

Considérant que la circonstance quele directeur général de l’office français

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page 52 Défendre la cause des étrangers en justice

de protection des réfugiés et apatridesmette à disposition de la commissiondes recours des réfugiés les moyensnécessaires à son fonctionnement, dansdes conditions qu’il appartenait aupouvoir réglementaire de déterminer,n’est pas de nature à porter atteinte àl’indépendance de cette juridiction etne méconnaît pas les exigences rappe-lées par les stipulations des articles 6et 13 de la convention européenne desauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales ;

Sur l’article 16 :

Considérant que les dispositions del’article 16 du décret n° 2004-814 du14 août 2004, en ce qu’elles énoncentles différents types de recours dont ilappartient à la commission des re-cours des réfugiés de connaître, relè-vent de la compétence réglementaire ;que la circonstance que la commissionconstitue à elle seule un ordre de ju-ridiction au sens de l’article 34 de laConstitution est à cet égard dénuéed’incidence ; que, si l’article 18 dudécret attaqué fixe à deux mois aprèsla constatation de la fraude le délaiouvert pour former un recours en ré-vision dans le cas où il est soutenu quela décision de la commission a résultéd’une fraude et à un mois le délai derecours dans les autres cas prévus àl’article 16, il ne saurait être utilementsoutenu, eu égard à la nature diffé-rente des recours en cause, que leprincipe d’égalité ait été méconnu ;

Considérant que la circonstance quel’article 16 du décret n° 2004-814 du14 août 2004 ne précise pas quellessont les personnes habilitées à formerun recours contre les décisions del’OFPRA et quelle serait, le caséchéant, l’autorité compétente pourconnaître des recours formés contreun refus d’enregistrement par l’officed’une demande d’asile ne remplissantpas les critères posés par l’article 1er

du décret est sans incidence sur salégalité ;

Sur l’article 20 :

Considérant que si l’article 20 du dé-cret n° 2004-814 du 14 août 2004 pré-voit que le président de la Commis-sion des recours des réfugiés peutdécider de ne pas communiquer undossier au directeur général de l’of-fice lorsqu’il apparaît, au vu du re-cours, que la solution de l’affaire estd’ores et déjà certaine, cette absencede communication n’est pas de natureà porter atteinte au droit des intéres-sés à un procès équitable ;

Sur l’article 21 :

Considérant qu’aux termes des dis-positions de l’article 21 du décretn° 2004-814 du 14 août 2004 : « Lors-que l’affaire est en état, le présidentde la formation de jugement peut, parune ordonnance, fixer la date à partirde laquelle l’instruction sera close.Cette ordonnance n’est pas motivéeet ne peut faire l’objet d’aucun re-cours... Si le président de la forma-tion de jugement n’a pas pris une or-donnance de clôture, l’instruction estclose trois jours francs avant la datede l’audience indiquée dans l’avisd’audience. Celui-ci est notifié auxparties sept jours au moins avantl’audience... » ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ni aucun principe s’impo-sant au pouvoir réglementaire ne fontobstacle à ce que le président d’uneformation de jugement fixe par or-donnance la date de clôture de l’ins-truction ; qu’il ne saurait utilementêtre soutenu que l’absence de recourspossible contre une telle ordonnanceporte atteinte aux garanties qui s’at-tachent à la mise en œuvre du droitd’asile ; que le délai de sept joursprévu par l’article 21 précité du dé-cret attaqué ne saurait être regardécomme insuffisant, contrairement à ceque soutiennent les requérants, pourpermettre le respect des droits de ladéfense et des garanties qui s’atta-chent au droit d’asile ;

Sur l’article 22 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 22 du décret n° 2004-814 du14 août 2004 : « Lorsque, en applica-tion du V de l’article 5 de la loi du25 juillet 1952 susvisée, le présidentde la commission et les présidents sta-tuent, par ordonnance, sur les deman-des qui ne présentent aucun élémentsérieux susceptible de remettre encause les motifs de la décision du di-recteur général de l’office, cette or-donnance ne peut être prise qu’aprèsétude du dossier par un rapporteur » ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 19 de la loi du 25 juillet 1952 mo-difiée : « Les modalités d’applicationde la présente loi sont fixées par dé-cret en Conseil d’État, notamment...7° ... les conditions dans lesquelles leprésident et les présidents de sectionde la commission des recours peu-vent, après instruction, statuer parordonnance sur les demandes qui neprésentent aucun élément sérieux sus-ceptible de remettre en cause les mo-

tifs de la décision du directeur géné-ral de l’office » ;

Considérant qu’aucun principe géné-ral du droit n’impose que le présidentde la commission et les présidents desection ne puissent rejeter un recourspour les motifs prévus par le V de l’ar-ticle 5 de la loi du 25 juillet 1952 mo-difiée qu’après que le dossier aura faitl’objet d’une instruction contradic-toire ; que la circonstance qu’en sonarticle d’exécution, la loi du 25 juillet1952 modifiée, mentionne le termeinstruction est à cet égard dénuéed’incidence ; que, si les demandeursd’asile ne peuvent, dans le cadre decette procédure, présenter d’observa-tions, cette impossibilité n’est pas, euégard aux motifs qui s’attachent à cesdécisions de rejet par ordonnance, denature à porter atteinte au respect desdroits de la défense ;

Sur l’article 24 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 24 du décret n° 2004-814 du14 août 2004 : « Les audiences de lacommission sont publiques. Les par-ties peuvent présenter leurs observa-tions à la commission. Le présidentde la formation de jugement veille àl’ordre de l’audience. Lorsque les cir-constances l’exigent, il peut ordonnerque l’audience se tienne à huis clos.Il statue sur les demandes de renvoiprésentées par les parties... » ;

Considérant qu’il ressort des dispo-sitions de l’article 24 précité du dé-cret n° 2004-814 du 14 août 2004 queseules les parties à l’instance peuventprésenter des observations devant lacommission ; que l’office français deprotection des réfugiés et apatrides,qui a la qualité de partie à l’instance,peut en présenter ;

Considérant que la circonstance quel’article 24 du décret attaqué ne com-prend pas de dispositions relatives aufinancement des interprètes et auxconditions de représentation des par-ties est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ni aucun principe s’impo-sant au pouvoir réglementaire n’exi-gent que le président de la formationde jugement recueille le consente-ment des autres membres de la for-mation avant de décider quel’audience se tiendra à huis clos ;

Sur l’article 26 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 26 du décret n° 2004-814 du

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 53

14 août 2004 : « Les décisions de lacommission des recours sont moti-vées. Elles sont lues en audience pu-blique. La minute de chaque décisionest signée par le président de la for-mation de jugement qui a rendu cettedécision et par le secrétaire généralde la commission ou par un chef deservice » ;

Considérant qu’aucune dispositionlégislative ni aucun principe s’impo-sant au pouvoir réglementaire ne fontobstacle à ce que la minute d’une dé-cision soit signée par les personnesprévues à l’article 26 du décretn° 2004-814 du 14 août 2004 précitéet n’imposent que soit rédigé un pro-cès-verbal de délibéré ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que les requérants ne sontpas fondés à demander l’annulationdu décret n° 2004-813 du 14 août2004 modifiant le titre III du décretn° 46-1574 du 30 juin 1946 réglemen-tant les conditions d’entrée et de sé-jour en France des étrangers et dudécret n° 2004-814 du 14 août 2004relatif à l’office français de protectiondes réfugiés et apatrides et à la Com-mission des recours des réfugiés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention du SYN-DICAT DES AVOCATS DEFRANCE est admise.

Article 2 : Les requêtes n° 273198,273199, 273200, 273201, 273202,273203, 273204, 273205, 273206,273207, 273208, 273209, 273210,273211, 273243, 273246, 273247,273254, 273268 sont rejetées.

Conseil d’État,5 avril 2006,

Gisti, Amnesty, LDH, ACAT,FTDA, Forum réfugiés

N° 284706

Publié au Recueil Lebon

M. Jean-Claude Mallet, Rapporteur

Mme Prada Bordenave, Commissairedu gouvernement

Mme Hagelsteen, Président

SCP Roger, Sevaux, SCP Waquet,Farge, Hazan, Avocats

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 722-1 du code de l’entrée et duséjour des étrangers et du droit d’asile,le conseil d’administration del’OFPRA : « fixe , pour la périodecomprise entre la date d’entrée en vi-gueur de la loi n° 2003-1176 du 10 dé-cembre 2003 et l’adoption de disposi-tions communautaires en cette ma-tière, la liste des pays considéréscomme des pays d’origine sûrs, men-tionnés au 2° de l’article L. 741-4... » ;qu’aux termes du 2° de l’article L. 741-4 du même code, un pays d’origine estconsidéré comme sûr : « s’il veille aurespect des principes de la liberté, dela démocratie et de l’état de droit, ainsique des droits de l’homme et des li-bertés fondamentales. La prise encompte du caractère sûr du pays d’ori-gine ne peut faire obstacle à l’examenindividuel de chaque demande » ;qu’en application de ces dispositions,le conseil d’administration del’OFPRA a, par une délibération endate du 30 juin 2005, fixé la liste sui-vante des pays d’origine sûrs : « le Bé-nin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana,l’Inde, le Mali, Maurice, la Mongolie,le Sénégal et l’Ukraine » ;

Sur la légalité externe de la décisionattaquée :

Considérant qu’il ressort des piècesdu dossier que la décision attaquée aété prise par le conseil d’administra-tion de l’OFPRA, conformément auxdispositions précitées de l’articleL. 722-1 du code ; que la circonstanceque le ministère des affaires étrangè-res aurait préparé, avant la réuniondu 30 juin 2005, un projet de liste depays d’origine sûrs, lequel aurait étésoumis aux membres du conseil d’ad-ministration, ne saurait permettred’affirmer, contrairement à ce quesoutiennent les associations requéran-

tes, que le conseil d’administration del’office n’est pas l’auteur de la déci-sion attaquée, dès lors qu’aucune dis-position législative ou réglementairen’interdisait de procéder de la sorteet qu’il ressort du compte-rendu dela séance du 30 juin 2005 que lesmembres du conseil d’administrationse sont effectivement prononcés surla composition de ladite liste ;

Considérant qu’il ressort des pièces dudossier, notamment du compte-rendude la séance du conseil d’administra-tion, que la décision du 30 juin 2005par laquelle le conseil d’administrationde l’OFPRA a fixé la liste des paysd’origine sûrs a été prise dans le res-pect des conditions procédurales dé-finies par le chapitre II du décret du14 août 2004 relatif à l’office françaisde protection des réfugiés et apatrideset à la Commission des recours desréfugiés, contrairement à ce que sou-tiennent les associations requérantes ;

Considérant que la décision attaquée,qui revêt un caractère réglementaire,n’avait pas à être motivée ;

Sur la légalité interne de la décisionattaquée :

Considérant que les associations re-quérantes ne sauraient utilement seprévaloir des stipulations du cin-quième alinéa du préambule de laconvention relative au statut des ré-fugiés, signée à Genève le 28 juillet1951 qui, se bornant à exprimer « levœu que tous les États, reconnaissantle caractère social et humanitaire duproblème des réfugiés, fassent tout cequi est en leur pouvoir pour éviter quece problème ne devienne une causede tension entre États », sont dépour-vues d’effet direct ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 1er de la convention relative au sta-tut des réfugiés, signée à Genève le28 juillet 1951 : « A. Aux fins de la pré-sente Convention, le terme réfugiés’appliquera à toute personne : 2. Qui,craignant avec raison d’être persécu-tée du fait de sa race, de sa religion, desa nationalité, de son appartenance àun certain groupe social ou de ses opi-nions politiques, se trouve hors du paysdont elle a la nationalité et qui ne peutou, du fait de cette crainte, ne veut seréclamer de la protection de ce pays » ;que l’établissement d’une liste de paysd’origine sûrs a pour effet de permet-tre l’application d’une procédure prio-ritaire pour l’examen par l’OFPRA desdemandes d’asile émanant des ressor-tissants desdits pays ; qu’une telle dis-

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page 54 Défendre la cause des étrangers en justice

position ne saurait exempter l’admi-nistration de procéder à l’examen in-dividuel de chaque dossier, conformé-ment aux dispositions précitées de l’ar-ticle L. 741-4 du code de l’entrée etdu séjour des étrangers et du droitd’asile ; que, par suite, ni le moyen tiréde ce que la décision attaquée seraitillégale en ce qu’elle aurait créé un casde compétence liée de l’autorité admi-nistrative non prévu par la loi, ni lemoyen tiré de ce que la décision atta-quée rendrait impossible la prise encompte par l’office de la volonté éven-tuelle du demandeur d’asile de ne passe réclamer, en raison de sa crainted’être persécuté, de la protection deson pays d’origine ne peuvent être ac-cueillis ;

Considérant que les associations re-quérantes soutiennent que la décisionattaquée introduit une discriminationcontraire aux termes de l’article 3 dela convention relative au statut desréfugiés susvisée, selon lesquels : « LesÉtats contractants appliqueront lesdispositions de cette Convention auxréfugiés sans discrimination quant àla race, la religion ou le pays d’ori-gine » ; que les demandeurs d’asileprovenant de pays « considéréscomme sûrs » au sens des dispositionsprécitées de l’article L. 741-4 du codede l’entrée et du séjour des étrangerset du droit d’asile se trouvent placésdans une situation différente de celledes demandeurs d’asile venantd’autres pays ; qu’ainsi, la circonstanceque les règles de procédure applica-bles soient différentes selon que ledemandeur est originaire ou non d’unpays « considéré comme sûr » n’estpas contraire aux stipulations préci-tées, dès lors que l’examen individueleffectué par l’office français de pro-tection des réfugiés et apatrides et, lecas échéant, par la commission desrecours des réfugiés, assure le respectdes garanties qui s’attachent à la miseen œuvre du droit d’asile ;

Considérant que les associations in-tervenantes font valoir que la décisionattaquée mettrait en place un méca-nisme de non admission automatiqued’une catégorie de demandeursd’asile, en méconnaissance du prin-cipe de non refoulement posé par lesstipulations de l’article 33 de la con-vention relative aux réfugiés, aux ter-mes desquelles : « 1. Aucun des Étatscontractants n’expulsera ou ne refou-lera, de quelque manière que ce soit,un réfugié sur les frontières des terri-toires où sa vie ou sa liberté seraitmenacée en raison de sa race, de sa

religion, de sa nationalité, de son ap-partenance à un certain groupe socialou de ses opinions politiques » ; quel’organisation d’une procédure d’exa-men prioritaire, associée à l’obliga-tion, qui incombe à l’office de pro-tection des réfugiés et apatrides et, lecas échéant, à la commission des re-cours des réfugiés, de procéder, danschaque cas, à un examen individuelde la demande, ne saurait s’analysercomme une procédure automatiquede refoulement des réfugiés au sensde ces stipulations ; qu’ainsi, le moyenn’est pas fondé ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 3 de la convention européenne desauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales : « Nul nepeut être soumis à la torture ni à despeines ou traitements inhumains oudégradants » ; qu’aux termes de l’ar-ticle 14 de la même convention : « Lajouissance des droits et libertés recon-nus dans la présente Convention doitêtre assurée, sans distinction aucune,fondée notamment sur l’origine na-tionale » ; que, si les associations re-quérantes entendent faire valoir quela décision attaquée méconnaît les sti-pulations combinées des articles 3 et14 de la convention européenne desauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales en cequ’elle permet de refuser l’admissionsur le territoire français à certainsdemandeurs d’asile au seul motifqu’ils possèdent la nationalité d’unpays réputé sûr, un tel moyen ne peutqu’être écarté, dès lors qu’il ressortdes dispositions de l’article L. 742-6du code de l’entrée et du séjour desétrangers et du droit d’asile que lesdemandeurs d’asile provenant de cespays bénéficient dans tous les cas dudroit de se maintenir en France jus-qu’à la notification de la décision del’OFPRA et ne peuvent, en consé-quence, faire l’objet d’aucune mesured’éloignement avant l’intervention decette décision ; qu’en tout état decause, la décision fixant le pays dedestination qui accompagnera, le caséchéant, la mesure d’éloignementprise à leur encontre ultérieurementdevra être conforme aux stipulationsde l’article 3 de la convention euro-péenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamenta-les ; que, dans cette mesure, le moyentiré de la méconnaissance des stipu-lations précitées doit être écarté ;

Considérant que, si les associationsrequérantes font valoir que la fixationd’une liste de pays d’origine sûrs est

contraire au principe constitutionneld’égalité, l’obligation de fixer unetelle liste résulte de la loi ; qu’il n’ap-partient pas au juge administratif dese prononcer sur la conformité de laloi avec le principe constitutionneld’égalité ;

Considérant qu’en retenant, sur laliste des pays d’origine considéréscomme sûrs, des États autres queceux de l’Organisation de coopéra-tion et de développement économi-ques, le conseil d’administration del’OFPRA n’a pas méconnu les critè-res posés par l’article L. 741-4 ducode ; qu’il ne ressort pas davantagedes pièces du dossier que le conseild’administration aurait, en l’espèce,inexactement apprécié la situation despays retenus au regard de ces critè-res, alors notamment qu’il a élaborécette liste en tenant compte de l’en-semble des informations dont dispo-sait l’office à la date à laquelle il s’estprononcé, en particulier des rapportsétablis sur ces pays par le Haut com-missariat des Nations Unies pour lesréfugiés ;

Considérant que le détournement depouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrés etautres ne sont pas fondés à deman-der l’annulation de la décision en datedu 30 juin 2005 par laquelle le con-seil d’administration de l’OFPRA afixé la liste des pays d’origine sûrs ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions de l’as-sociation « Cimade » et de l’associa-tion « Groupe Accueil et Solidarité »sont admises.

Article 2 : Les requêtes n° 284706 et284711 sont rejetées

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Deuxième partie – Sélection d’arrêts du Conseil d’État page 55

Conseil d’État, Assemblée,31 mai 2006,

Gisti

N° 273638

Publié au Recueil Lebon

Mme Nathalie Escaut, Rapporteur

M. Casas, Commissaire du gouverne-ment

M. Denoix de Saint Marc, Président

Considérant que le GISTI demandel’annulation, d’une part, des disposi-tions de l’article 4 du décret du 27 août2004 modifiant le décret du 27 mai1999 relatif à la composition des cham-bres des métiers et à leur élection et,d’autre part, des dispositions de l’arti-cle 5 du même décret ainsi que de l’ar-ticle 2 du décret du 27 août 2004 rela-tif à l’élection aux chambres des mé-tiers d’Alsace et de la Moselle en tantqu’elles subordonnent respectivementla qualité d’électeur et l’éligibilité desartisans aux élections aux chambresdes métiers et de l’artisanat à la pos-session de la nationalité française oude la nationalité d’un État membre dela Communauté européenne ou d’unÉtat partie à l’accord sur l’Espace éco-nomique européen ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner lesautres moyens des requêtes ;

Considérant que l’institution d’unedifférence de traitement entre les ar-tisans en ce qui concerne la qualitéd’électeur et l’éligibilité aux électionsdes membres des chambres des mé-tiers et de l’artisanat, laquelle n’est pasla conséquence nécessaire d’une loi,implique l’existence ou de différen-ces de situation de nature à justifierces différences de traitement ou denécessités d’intérêt général en rapportavec le rôle et les prérogatives deschambres des métiers et de l’artisa-nat qui auraient commandé de tellesdiscriminations ;

Sur la qualité d’électeur :

Considérant qu’eu égard à la missiondes chambres des métiers et de l’arti-sanat qui sont, en vertu de l’article 5du code de l’artisanat, placées auprèsdes pouvoirs publics pour représen-ter les intérêts généraux de l’artisanat,il n’existe pas de différence de situa-tion entre les artisans résultant de leurnationalité qui justifie une différencede traitement pour l’attribution dudroit de vote aux élections des mem-bres des chambres des métiers et de

l’artisanat ; qu’en outre, le ministrechargé de l’artisanat n’invoque aucunenécessité d’intérêt général résultant durôle de ces établissements qui seraitde nature à justifier que les artisansde nationalité étrangère qui ne sontpas ressortissants d’un État membrede la Communauté européenne oud’un État signataire de l’accord surl’Espace économique européen nebénéficient pas du droit de vote pources élections ; qu’ainsi, les dispositionsde l’article 4 du décret du 27 août2004 modifiant le décret du 27 mai1999, en tant qu’elles privent certainsartisans étrangers de la qualité d’élec-teurs aux élections des chambres desmétiers et de l’artisanat, méconnais-sent le principe d’égalité ;

Sur l’éligibilité :

Considérant que, si les chambres desmétiers et de l’artisanat ont été inves-ties de prérogatives de puissance pu-blique relatives, en premier lieu, à lafixation du produit de la taxe addi-tionnelle à la taxe professionnelle per-çue à leur profit, en deuxième lieu, àleur désignation éventuelle commedélégataire du droit de préemptionurbain ou du droit de préemptioninstitué dans les zones d’aménage-ment différé pour la réalisationd’équipements commerciaux ou arti-sanaux et enfin, à la participation deleur président à la commission dépar-tementale d’équipement commercial,ces différentes prérogatives ne sontpas d’une nature et d’une ampleurtelles qu’elles puissent fonder légale-ment une différence de traitemententre les artisans quant à leur éligibi-lité aux chambres des métiers et del’artisanat reposant sur leur nationa-lité à l’effet d’exclure de la possibilitéde se porter candidat ceux d’entreeux qui n’ont ni la nationalité fran-çaise ni la nationalité d’un autre Étatmembre de la Communauté euro-péenne ou de tout autre État partie àl’accord sur l’Espace économiqueeuropéen ; que, par suite, les disposi-tions de l’article 5 du décret du27 août 2004 modifiant le décret du27 mai 1999 et de l’article 2 du dé-cret du 27 août 2004 relatif à l’élec-tion aux chambres des métiers d’Al-sace et de la Moselle, en tant qu’ellesprivent certains artisans étrangers del’éligibilité aux élections des cham-bres des métiers et de l’artisanat, mé-connaissent le principe d’égalité ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que le GISTI est fondé àdemander l’annulation des disposi-

tions attaquées des décrets en date du27 août 2004 en tant qu’elles subor-donnent la qualité d’électeur et l’éli-gibilité des artisans aux élections auxchambres des métiers et de l’artisanatà la possession de la nationalité fran-çaise ou de la nationalité d’un Étatmembre de la Communauté euro-péenne ou d’un État partie à l’accordsur l’Espace économique européen ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 4 et 5 du dé-cret du 27 août 2004 modifiant le dé-cret du 27 mai 1999 et l’article 2 dudécret du 27 août 2004 relatif à l’élec-tion aux chambres des métiers d’Al-sace et de la Moselle sont annulés entant qu’ils subordonnent la qualitéd’électeur et l’éligibilité des artisansaux élections aux chambres des mé-tiers et de l’artisanat à la possessionde la nationalité française ou de lanationalité d’un État membre de laCommunauté européenne ou d’unÉtat partie à l’accord sur l’Espace éco-nomique européen.

Article 2 : L’État versera au Grouped’information et de soutien des immi-grés une somme de 1 500 euros au ti-tre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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page 56 Défendre la cause des étrangers en justice

Conseil d’État,7 juin 2006,

Gisti, Aides, MRAP, LDH,Médecins du Monde

N° 285576

Publié au Recueil Lebon

Mlle Anne Courrèges, Rapporteur

M. Devys, Commissaire du gouverne-ment

M. Stirn, Président

Considérant que l’article 97 de la loide finances rectificative du 30 dé-cembre 2003 a, d’une part, modifiél’article L. 251-1 du code de l’actionsociale et des familles à l’effet de su-bordonner à une condition de séjourininterrompu d’au moins trois moisen France l’octroi de l’aide médicalede l’État aux étrangers en situationirrégulière et a, d’autre part, insérédans le même code un article L. 254-1 qui prévoit la prise en charge parl’État des soins urgents « dont l’ab-sence mettrait en jeu le pronostic vi-tal ou pourrait conduire à une alté-ration grave et durable de l’état desanté de la personne ou d’un enfantà naître », administrés par les établis-sements de santé aux étrangers rési-dant en France qui ne remplissentpas la condition de régularité de sé-jour susceptible de leur ouvrir droità la couverture maladie universelleet qui ne sont pas bénéficiaires del’aide médicale de l’État ;

Considérant que, pour l’applicationde la première de ces dispositions,le décret n° 2005-859 du 28 juillet2005 a notamment ajouté au décretdu 2 septembre 1954 un article 44dont le deuxième alinéa prévoit quela liste des pièces justificatives et desdocuments, au vu desquels est appré-ciée la présence ininterrompue dudemandeur depuis plus de trois moissur le territoire français, est détermi-née par le décret qui, conformémentau premier alinéa de l’article L. 251-3 du code de l’action sociale et desfamilles, fixe les conditions de l’ad-mission à l’aide médicale de l’État ;que c’est dans ce cadre qu’est inter-venu le décret n° 2005-860 du28 juillet 2005 dont l’article 4 énu-mère les pièces de nature à justifierla présence ininterrompue du de-mandeur depuis trois mois ; que lesassociations requérantes demandentl’annulation pour excès de pouvoirde ces deux décrets ;

Sur la légalité externe des décrets atta-qués :

Considérant que l’organisme dontune disposition législative ou régle-mentaire prévoit la consultation avantl’intervention d’un texte doit être misà même d’exprimer son avis sur l’en-semble des questions soulevées par cetexte ; que, par suite, dans le cas où,après avoir recueilli son avis, l’auto-rité compétente pour prendre le texteenvisage d’apporter à son projet desmodifications, elle ne doit procéderà une nouvelle consultation de cetorganisme que si ces modificationsposent des questions nouvelles ;

Considérant que les projets des dé-crets attaqués ont été soumis à l’avisdu conseil d’administration de lacaisse nationale de l’assurance mala-die des travailleurs salariés en appli-cation de l’article L. 200-3 du codede la sécurité sociale, qui impose unetelle consultation pour tout projet demesure réglementaire ayant des inci-dences sur l’équilibre financier de labranche ou entrant dans le domainede compétence de la caisse ; que, sides modifications ont été apportéesaux projets de texte après la consul-tation du conseil d’administration dela caisse, cette circonstance est sansincidence sur la régularité de la con-sultation, dès lors que ces modifica-tions ne posaient aucune questionnouvelle ; qu’en particulier, si le pro-jet de décret en Conseil d’État, con-trairement à sa version publiée, necomportait pas d’article 2 prévoyant,eu égard à la réforme par le décret durégime de l’agrément délivré à desassociations en vue de recueillir lesdemandes d’aide médicale, des dispo-sitions transitoires pour les associa-tions bénéficiant, à la date de publi-cation du décret, d’un tel agrément,cette disposition ne posait pas dequestion nouvelle rendant nécessaireune nouvelle consultation de la caissenationale de l’assurance maladie destravailleurs salariés ;

Sur la légalité interne des décrets con-testés dans leur ensemble :

En ce qui concerne les moyens tirés dela méconnaissance du pacte internatio-nal relatif aux droits économiques, so-ciaux et culturels, du pacte internatio-nal relatif aux droits civils et politiqueset de la charte sociale européenne ré-visée :

Considérant, d’une part, qu’en vertudes articles 9 et 10 du pacte interna-tional relatif aux droits économiques,

sociaux et culturels, les États partiesreconnaissent le droit de toute per-sonne à la sécurité sociale, y comprisles assurances sociales, ainsi qu’uneprotection et une assistance aussi lar-ges que possible à la famille ; que, demême, selon les articles 11, 12, 13 et17 de la charte sociale européennerévisée, les parties s’engagent à pren-dre des mesures appropriées en vued’assurer l’exercice effectif, respecti-vement, du droit à la protection de lasanté, du droit à la sécurité sociale,du droit à l’assistance sociale et mé-dicale et du droit des enfants et ado-lescents de grandir dans un milieufavorable à l’épanouissement de leurpersonnalité et au développement deleurs aptitudes physiques et menta-les ; que ces stipulations, qui ne pro-duisent pas d’effets directs à l’égarddes particuliers, ne peuvent être uti-lement invoquées à l’appui de conclu-sions tendant à l’annulation des dé-crets attaqués ; qu’il suit de là que lemoyen tiré de ce que les droits énon-cés par la charte sociale européennerévisée ne seraient pas garantis dansle respect du principe de non-discri-mination prévu par l’article E de lapartie V de la charte est égalementinopérant ;

Considérant, d’autre part, que les sti-pulations de l’article 26 du pacte in-ternational relatif aux droits civils etpolitiques, selon lesquelles : « Toutesles personnes sont égales devant la loiet ont droit sans discrimination à uneégale protection de la loi […] », nesont invocables que par les person-nes qui soutiennent qu’elles sont vic-times d’une discrimination au regardde l’un des droits civils et politiquesreconnus par le pacte ; que tel n’estpas le cas en l’espèce ; que, par suite,le moyen tiré de ce que les disposi-tions attaquées méconnaîtraient lesstipulations de l’article 26 du pacteest inopérant et ne peut qu’êtreécarté ;

En ce qui concerne les moyens tirés dela méconnaissance de textes de l’Or-ganisation internationale du travail :

Considérant, d’une part, que la dé-claration de Philadelphie du 10 mai1944 concernant les buts et objectifsde l’Organisation internationale dutravail n’est pas au nombre des tex-tes diplomatiques qui, ayant été rati-fiés et publiés, ont, aux termes de l’ar-ticle 55 de la Constitution du 4 octo-bre 1958, une autorité supérieure àcelle de la loi interne ; qu’ainsi, lesassociations requérantes ne sauraient

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utilement invoquer cette déclarationpour contester les dispositions légis-latives pour l’application desquellesont été pris les décrets attaqués ;

Considérant, d’autre part, que si le b)de l’article 6 de la convention n° 97de l’Organisation internationale dutravail relative aux travailleurs mi-grants stipule que les membres s’en-gagent à appliquer, sans discrimina-tion de nationalité, de race, de reli-gion ni de sexe, aux immigrants untraitement qui ne soit pas moins fa-vorable que celui qu’ils appliquent àleurs propres ressortissants en ce quiconcerne la sécurité sociale, il résultedes termes mêmes de cette stipulationqu’elle ne trouve à s’appliquer qu’auximmigrants installés légalement sur leterritoire des États parties ; que, parsuite, elle ne peut être utilement in-voquée à l’égard des décrets du 28juillet 2005 qui sont relatifs à l’aidemédicale de l’État, dispositif dont lebénéfice est réservé aux personnes ensituation irrégulière ;

Considérant, enfin, que si, aux termesdu 1 de l’article 3 de la conventionn° 118 de l’Organisation internatio-nale du travail du 28 juin 1962, lesparties doivent accorder, sur leur ter-ritoire, aux ressortissants des autresparties, l’égalité de traitement avecleurs propres ressortissants au regardde leur législation de sécurité sociale,tant en ce qui concerne l’assujettisse-ment que le droit aux prestations, etsi le 1 de l’article 4 de cette mêmeconvention précise qu’« en ce quiconcerne le bénéfice des prestations,l’égalité de traitement doit être assu-rée sans condition de résidence ( ) »,ces stipulations ne peuvent être utile-ment invoquées à l’égard de décretsrégissant un dispositif d’assistancemédicale et non pas de sécurité so-ciale au sens de la convention ;

En ce qui concerne les moyens tirés dela méconnaissance de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales :

Considérant, d’une part, qu’aux ter-mes de l’article 14 de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droitsde l’homme et des libertés fondamen-tales : « La jouissance des droits et li-bertés reconnus dans la présente con-vention doit être assurée, sans distinc-tion aucune, fondée notamment surle sexe, la race, la couleur, la langue,la religion, les opinions politiques outoutes autres opinions, la fortune, lanaissance ou toute autre situation » ;qu’aux termes de l’article 1er du pre-

mier protocole additionnel à cetteconvention : « Toute personne physi-que ou morale a droit au respect deses biens » ;

Considérant que, si les associationsrequérantes soutiennent que la diffé-rence de traitement, en termes de jus-tifications à produire pour l’ouverturedes droits, dont font l’objet les per-sonnes pouvant bénéficier de la cou-verture maladie universelle et cellesrelevant de l’aide médicale de l’Étatserait discriminatoire, le législateur, endistinguant les deux régimes en cause,a entendu tenir compte de la diffé-rence de situation entre les étrangersselon qu’ils satisfont ou non aux con-ditions de régularité de la résidenceposées par la loi et les engagementsinternationaux souscrits par laFrance ; qu’il s’est ainsi fondé sur uncritère objectif et rationnel en rapportavec les buts de la loi ; que, dès lors,le moyen tiré de la méconnaissancedu principe de non-discriminationdans le droit au respect des biens quirésulte des stipulations combinées del’article 14 de la convention euro-péenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamenta-les et de l’article 1er du premier pro-tocole additionnel à la conventiondoit être écarté ;

Considérant, d’autre part, qu’en limi-tant l’accès à l’aide médicale de l’Étataux étrangers en situation irrégulièrequi justifient remplir une conditionde séjour interrompue de trois mois,ce qui se traduit pour les personnesainsi exclues de ce dispositif par laprise en charge par l’État des seulssoins urgents énoncés à l’articleL. 254-1 du code de l’action socialeet des familles, l’article 97 de la loi definances rectificative pour 2003, quisert de fondement aux décrets atta-qués, ne contrevient pas à la prohibi-tion des traitements inhumains et dé-gradants prévue par l’article 3 de laconvention européenne de sauve-garde des droits de l’homme et deslibertés fondamentales ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant, d’une part, que, pourl’application des dispositions législa-tives citées plus haut qui subordon-nent à une condition de séjour inin-terrompu d’au moins trois mois enFrance l’octroi de l’aide médicale del’État aux étrangers en situation irré-gulière, les décrets contestés ont pu,sans méconnaître la portée de ces dis-positions, ni l’étendue de l’habilita-tion donnée au pouvoir réglemen-

taire, instituer un mécanisme de jus-tification de cette présence ininter-rompue – dans lequel, au demeurant,est admise la production de tout do-cument de nature à prouver que lesconditions légales sont remplies – etnon un simple régime déclaratoire ;

Considérant, d’autre part, que, si lesassociations requérantes soutiennentque les décrets contestés porteraientatteinte aux exigences de précautionqui s’imposent en matière de santépublique et méconnaîtraient l’article19 de la loi du 30 décembre 2004portant création de la haute autoritéde lutte contre les discriminations etpour l’égalité, aux termes duquel « enmatière de protection sociale, desanté, ( ) chacun a droit à un traite-ment égal, quelles que soient son ori-gine nationale, son appartenance ounon appartenance ( ) à une ethnie ouune race », ces moyens ne peuventqu’être écartés, dès lors que les dis-positions attaquées se bornent à tirerles conséquences de la loi du 30 dé-cembre 2003 ; que les associationsrequérantes ne sauraient davantage seprévaloir d’un prétendu « principegénéral du droit exigeant un bilancoût-avantage satisfaisant » ;

Sur la légalité interne des décrets atta-qués, en tant qu’ils concernent lesétrangers mineurs :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 3-1 de la convention relative auxdroits de l’enfant du 26 janvier 1990 :« Dans toutes les décisions qui con-cernent les enfants, qu’elles soient lefait des institutions publiques ou pri-vées, de protection sociale, des tribu-naux, des autorités administratives oudes organes législatifs, l’intérêt supé-rieur de l’enfant doit être une consi-dération primordiale » ; que ces sti-pulations qui, conformément à l’arti-cle 1er de cette convention, s’appli-quent à « tout être humain âgé demoins de dix-huit ans, sauf si la ma-jorité est atteinte plus tôt en vertu dela législation qui lui est applicable »,interdisent que les enfants ainsi défi-nis connaissent des restrictions dansl’accès aux soins nécessaires à leursanté ; que, par suite, en tant qu’ilsubordonne l’accès à l’aide médicalede l’État à une condition de résidenceininterrompue d’au moins trois moisen France, sans prévoir de disposi-tions spécifiques en vue de garantirles droits des mineurs étrangers etqu’il renvoie ceux-ci, lorsque cettecondition de durée de résidence n’estpas remplie, à la seule prise en charge

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par l’État des soins énoncés à l’articleL. 254-1 du code de l’action socialeet des familles, c’est-à-dire, ainsi qu’ila été dit plus haut, des seuls soins ur-gents « dont l’absence mettrait en jeule pronostic vital ou pourrait conduireà une altération grave et durable del’état de santé de la personne ou d’unenfant à naître », l’article 97 de la loide finances rectificative du 30 décem-bre 2003 est incompatible avec les sti-pulations précitées ; qu’il suit de làque les décrets attaqués sont illégauxen tant qu’ils mettent en œuvre cettedisposition législative à l’égard desmineurs étrangers ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que l’association Aides,le Groupe d’information et de sou-tien des immigrés, la Ligue des droitsde l’Homme, l’association Médecinsdu Monde et le Mouvement contre leracisme et pour l’amitié entre les peu-ples ne sont fondés à demander l’an-nulation des décrets du 28 juillet 2005relatifs à l’aide médicale de l’Étatqu’en tant qu’ils mettent en œuvre àl’égard des mineurs la condition dedurée de résidence prévue à l’articleL. 251-1 du code de l’action socialeet des familles ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les décrets du 28 juillet2005 relatifs à l’aide médicale del’État sont annulés en tant qu’ils met-tent en œuvre à l’égard des mineursla condition de durée de résidenceprévue à l’article L. 251-1 du code del’action sociale et des familles.

Article 2 : L’État versera à l’associa-tion AIDES, au Groupe d’informa-tion et de soutien des immigrés, à laLigue des droits de l’Homme, à l’as-sociation Médecins du Monde et auMouvement contre le racisme et pourl’amitié entre les peuples une sommede 200 euros à chacune d’elles en ap-plication de l’article L. 761-1 du codede justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusionsde la requête est rejeté.

Conseil d’État,12 juin 2006,

Gisti, Cimade, Amnesty, LDH

N° 282275

Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

Mme Sophie-Caroline de Margerie,Rapporteur

Mme Prada Bordenave, Commissairedu gouvernement

M. Genevois, Président

SCP Roger, Sevaux, avocat

Considérant que les requêtes susviséestendent à l’annulation des mêmes dis-positions du décret du 30 mai 2005relatif à la rétention administrative etaux zones d’attente pris en applicationdes articles L. 111-9, L. 551-2, L. 553-6, L. 821-5 du code de l’entrée et duséjour des étrangers et du droit d’asile ;qu’il y a lieu de les joindre pour sta-tuer par une même décision ;

Sur l’article 10 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 551-3 du code de l’entrée et duséjour des étrangers et du droitd’asile : « A son arrivée au centre derétention, l’étranger reçoit notifica-tion des droits qu’il est susceptibled’exercer en matière de demanded’asile. Il lui est notamment indiquéque sa demande d’asile ne sera plusrecevable pendant la période de ré-tention si elle est formulée plus decinq jours après cette notification » ;qu’aux termes de l’article 10 du dé-cret attaqué : « L’étranger maintenudans un centre de rétention qui sou-haite demander l’asile présente sademande dans le délai de cinq jours àcompter de la notification qui lui aété faite de ce droit conformément àl’article L. 551-3 du code de l’entréeet du séjour des étrangers et du droitd’asile La demande d’asile formuléeen centre ou en local de rétention estprésentée selon les modalités prévuesau troisième alinéa de l’article 1er dudécret du 14 août 2004 Si l’intéresséest retenu en centre de rétention ad-ministrative, la décision du directeurgénéral de l’office est transmise aucentre de rétention par télécopie, parvoie électronique sécurisée ou parporteur au plus tard à l’échéance dudélai de 96 heures prévu à l’article 3du décret susmentionné » ;

Considérant, d’une part, que les dis-positions critiquées, qui se bornentà rappeler, en application de l’article

L. 551-3 précité du code de l’entréeet du séjour des étrangers et du droitd’asile, que les demandes d’asile pré-sentées par les étrangers placés en ré-tention ne sont plus recevables de-vant l’office français de protectiondes réfugiés et apatrides pendant lapériode de rétention si elles sont for-mulées plus de cinq jours après la no-tification des droits susceptiblesd’être exercés en ce domaine, ne mé-connaissent, par elles-mêmes, aucunedisposition législative, ni aucun prin-cipe s’imposant au pouvoir régle-mentaire ; que le moyen tiré de la vio-lation des stipulations de l’article 3de la convention européenne de sau-vegarde des droits de l’homme et deslibertés fondamentales, prohibant lestraitements inhumains ou dégra-dants, doit également être écarté, aumotif que les décisions fixant le paysde destination accompagnant d’éven-tuelles mesures d’éloignement doi-vent, elles-mêmes, respecter ces sti-pulations ; que les associations nesauraient utilement se prévaloird’une méconnaissance de l’article 33-1 de la convention du 28 juillet 1951relative au statut des réfugiés, dès lorsque cet article ne s’applique qu’auxétrangers auxquels a été reconnue laqualité de réfugié ;

Considérant, d’autre part, que l’inté-rêt particulier qui s’attache au règle-ment rapide de la situation des de-mandeurs d’asile placés en centre derétention administrative justifie quel’office français de protection des ré-fugiés et apatrides se prononce surleur demande dans le délai le plus brefcompatible avec le respect de l’exer-cice, par les intéressés, de leurs droits ;que le délai de 96 heures n’est pasinsuffisant au regard de cette exi-gence ; que les dispositions précitéesde l’article 10 du décret attaqué pres-crivant la transmission de la décisionde l’office au plus tard à l’expirationdu délai de 96 heures n’ont pas pourobjet et ne sauraient avoir pour effet,contrairement à ce que soutiennentles associations requérantes, de ré-duire ce délai ;

Sur l’article 14 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 14 du décret attaqué : « Les cen-tres de rétention administrative sus-ceptibles d’accueillir des familles dis-posent, en outre, de chambres spécia-lement équipées, et notamment dematériels de puériculture adaptés » ;

Considérant que ces dispositionsn’ont pas pour objet et ne sauraient

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avoir légalement pour effet de per-mettre aux autorités préfectorales deprendre des mesures privatives de li-berté à l’encontre des familles despersonnes placées en rétention ;qu’elles visent seulement à organiserl’accueil des familles des étrangersplacés en rétention ; qu’il s’ensuit quele pouvoir réglementaire était compé-tent pour édicter de telles disposi-tions, qui n’ont méconnu ni les arti-cles L. 511-4 et L. 521-4 ni aucuneautre disposition du code de l’entréeet du séjour des étrangers et du droitd’asile, ni les articles 3-1 et 37 de laconvention relative aux droits de l’en-fant signée à New York le 26 janvier1990 ;

Sur l’article 18 :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 18 du décret attaqué : « L’adminis-tration met un interprète à dispositiondes étrangers maintenus en zone d’at-tente ou en local de rétention admi-nistrative qui ne comprennent pas lefrançais, dans le seul cas des procédu-res de non-admission ou d’éloigne-ment dont ils font l’objet. Dans lesautres cas, la rétribution du prestataireest à la charge de l’étranger » ;

Considérant que ni les articles L. 111-7, L. 111-8, L. 551-2 et L. 723-2 ducode de l’entrée et du séjour desétrangers et du droit d’asile, ni aucuneautre disposition législative, ni aucunprincipe s’imposant au pouvoir régle-mentaire ne font obligation à l’Étatd’assumer les frais résultant de l’as-sistance des interprètes mis à la dis-position des demandeurs d’asile dansle cadre de la présentation des deman-des d’asile ;

Considérant que si les associationsrequérantes font valoir que ces dis-positions sont incompatibles avec laproposition de directive du Conseilrelative à des normes minimales con-cernant la procédure d’octroi et deretrait du statut de réfugié dans lesÉtats membres, un tel moyen est, entout état de cause, inopérant ;

Considérant que si les associationsrequérantes soutiennent que les de-mandeurs d’asile ne sont pas tous pla-cés dans une situation identique, dèslors que certains maîtrisent la languefrançaise ou peuvent avoir recours, àleur charge, à un interprète, cette cir-constance de pur fait ne saurait révé-ler une différence dans la situationjuridique des intéressés ; qu’elle est,dès lors, sans incidence sur le respectdu principe d’égalité ;

Considérant que les conclusions auxfins d’annulation présentées par leGroupe d’information et de soutiendes immigrés, la Cimade, AmnestyInternational Section française et laLigue des droits de l’Homme ne peu-vent qu’être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 282275,282982 et 283157 sont rejetées.

Conseil d’État, Section,18 juillet 2006,

Gisti

N° 274664

Publié au Recueil Lebon

M. Olivier Japiot, Rapporteur

M. Vallée, Commissaire du gouverne-ment

M. Genevois, Président

Considérant que le Groupe d’informa-tion et de soutien des immigrés de-mande l’annulation des décisions im-plicites par lesquelles le Premier mi-nistre, le ministre de l’économie, desfinances et de l’industrie, le ministrede la défense et le ministre de la fonc-tion publique ont respectivement re-fusé d’abroger le décret susvisé du3 novembre 2003 pris pour l’applica-tion de l’article 68 de la loi de financesrectificative pour 2002 instituant undispositif de révision des prestationsversées aux ressortissants des pays pla-cés antérieurement sous la souverai-neté française résidant hors de Franceet l’arrêté du 3 novembre 2003 prispour l’application de ce décret ;

Sur les interventions du Collectif desaccidentés du travail, handicapés etretraités pour l’égalité des droits et del’association des travailleurs maghré-bins de France :

Considérant que le Collectif des ac-cidentés du travail, handicapés et re-traités pour l’égalité des droits et l’as-sociation des travailleurs maghrébinsde France ont intérêt à l’annulationdes décisions implicites refusantd’abroger le décret et l’arrêté atta-qués ; qu’ainsi leurs interventionssont recevables ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant que d’après le I de l’ar-ticle 170 de l’ordonnance du 30 dé-cembre 1958 portant loi de financespour 1959 : Les nationaux du Cam-bodge, du Laos et du Viêt-Namn’étant plus soumis aux lois françai-ses en matière de pensions, perçoiventau lieu et place des pensions ou allo-cations viagères dont ils peuvent êtrebénéficiaires, et pendant la durée nor-male de leur jouissance personnelle,des indemnités annuelles en francscalculées sur la base des tarifs en vi-gueur pour lesdites pensions ou allo-cations au 31 décembre 1956 ; qu’envertu du I de l’article 71 de la loi du26 décembre 1959 portant loi de fi-

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nances pour 1960 : « À compter du1er janvier 1961, les pensions, rentesou allocations viagères imputées surle budget de l’État ou d’établisse-ments publics, dont sont titulaires lesnationaux des pays ou territoiresayant appartenu à l’Union françaiseou à la Communauté ou ayant été pla-cés sous le protectorat ou sous la tu-telle de la France, seront remplacéespendant la durée normale de leurjouissance personnelle par des indem-nités annuelles en francs, calculées surla base des tarifs en vigueur pour les-dites pensions ou allocations, à la datede leur transformation » ; que selonl’article 26 de la loi du 3 août 1981portant loi de finances rectificativepour 1981 : « Les pensions, rentes ouallocations viagères attribuées auxressortissants de l’Algérie sur le bud-get de l’État ou d’établissements pu-blics de l’État et garanties en applica-tion de l’article 15 de la déclarationde principe du 19 mars 1962 relativeà la coopération économique et finan-cière entre la France et l’Algérie nesont pas révisables à compter du3 juillet 1962 et continuent à êtrepayées sur la base des tarifs en vigueurà cette même date. Elles pourrontfaire l’objet de revalorisations dansdes conditions et suivant des tauxfixés par décret. […] » ; qu’aux ter-mes de l’article 68 de la loi du 30 dé-cembre 2002 portant loi de financesrectificative pour 2002 : « I. - Lesprestations servies en application desarticles 170 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portantloi de finances pour 1959, 71 de la loide finances pour 1960 (n° 59-1454 du26 décembre 1959) et 26 de la loi definances rectificative pour 1981(n° 81-734 du 3 août 1981) sont cal-culées dans les conditions prévues auxparagraphes suivants. II. - Lorsque,lors de la liquidation initiale des droitsdirects ou à réversion, le titulaire n’apas sa résidence effective en France,la valeur du point de base de sa pres-tation, telle qu’elle serait servie enFrance, est affectée d’un coefficientproportionnel au rapport des paritésde pouvoir d’achat dans le pays derésidence et des parités de pouvoird’achat de la France. Les parités depouvoir d’achat du pays de résidencesont réputées être au plus égales àcelles de la France. […] Les paritésde pouvoir d’achat sont celles pu-bliées annuellement par l’Organisa-tion des Nations unies ou, à défaut,sont calculées à partir des donnéeséconomiques existantes. III. Le coef-

ficient dont la valeur du point de pen-sion est affectée reste constant jus-qu’au 31 décembre de l’année suivantcelle au cours de laquelle a eu lieu laliquidation des droits effectuée enapplication de la présente loi. Ce coef-ficient, correspondant au pays de ré-sidence du titulaire lors de la liquida-tion initiale des droits, est ensuite réé-valué annuellement. […] »;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 1er de la convention européennede sauvegarde des droits de l’hommeet des libertés fondamentales : « LesHautes parties contractantes recon-naissent à toute personne relevant deleur juridiction les droits et libertésdéfinis au titre I de la présente con-vention » ; qu’aux termes de l’article14 de la même convention : « Lajouissance des droits et libertés recon-nus dans la présente convention doitêtre assurée, sans distinction aucune,fondée notamment sur le sexe, la race,la couleur, la langue, la religion, lesopinions politiques ou toutes autresopinions, l’origine nationale ou so-ciale, l’appartenance à une minoriténationale, la fortune, la naissance outoute autre situation ; qu’en vertu desstipulations de l’article 1er du 1er pro-tocole additionnel à cette conven-tion : Toute personne physique oumorale a droit au respect de ses biens.Nul ne peut être privé de sa propriétéque pour cause d’utilité publique etdans les conditions prévues par la loiet les principes généraux du droit in-ternational. […] » ; que si ces stipu-lations ont pour objet d’assurer unjuste équilibre entre l’intérêt généralet, d’une part, la prohibition de toutediscrimination fondée notamment surl’origine nationale et, d’autre part, lesimpératifs de sauvegarde du droit depropriété, elles laissent cependant aulégislateur national une marge d’ap-préciation, tant pour choisir les mo-dalités de mise en œuvre du disposi-tif de révision des prestations verséesaux ressortissants des pays placés an-térieurement sous la souverainetéfrançaise résidant hors de France quepour juger si un tel dispositif trouvedes justifications appropriées dansdes considérations d’intérêt généralen rapport avec l’objet de la loi ;

Considérant, en premier lieu, que lesdispositions législatives susrappeléeset celles du décret et de l’arrêté con-testés, pris pour leur application, sontrelatives à des droits à pension qui nerelèvent pas de la catégorie des droitsprotégés par le Pacte relatif aux droits

civils et politiques ; qu’il suit de là queles personnes visées par ces disposi-tions ne peuvent utilement invoquer,au soutien de leur réclamation, leprincipe d’égalité consacré par l’arti-cle 26 du Pacte relatif aux droits ci-vils et politiques ;

Considérant, en deuxième lieu,qu’aux termes de l’article 2 du Pacteinternational relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels : « LesÉtats parties au présent pacte s’enga-gent à garantir que les droits qui y sonténoncés seront exercés sans discrimi-nation aucune fondée sur [...] l’ori-gine nationale […] » ; qu’aux termesde l’article 9 : « Les États parties auprésent pacte reconnaissent le droitde toute personne à la sécurité sociale,y compris les assurances sociales » ;que ces stipulations, qui ne produi-sent pas d’effet direct à l’égard desparticuliers, ne peuvent être utilementinvoquées à l’appui de conclusionstendant à l’annulation des décisionsimplicites attaquées ;

Considérant, en troisième lieu, qu’ilrésulte des dispositions de l’article 68de la loi du 30 décembre 2002, éclai-rées par leurs travaux préparatoires,qu’elles ont notamment pour objetd’assurer aux titulaires des prestationsmentionnées au I dudit article, ver-sées en remplacement de la pensionqu’ils percevaient antérieurement, desconditions de vie dans l’État où ilsrésident en rapport avec la dignité deleurs fonctions passées ou leur per-mettant d’assumer les conséquencesde leur invalidité ; qu’ainsi qu’il a étédit ci-dessus, ces dispositions instau-rent, à cette fin, un critère de rési-dence, apprécié à la date de liquida-tion de la prestation, permettant defixer le montant de celle-ci à un ni-veau, différent dans chaque État, telqu’il garantisse aux intéressés résidantà l’étranger un pouvoir d’achat équi-valent à celui dont ils bénéficieraients’ils avaient leur résidence en France,sans pouvoir lui être supérieur ; queles dispositions du III de l’article 68de la loi du 30 décembre 2002, repri-ses à l’article 3 du décret du 3 novem-bre 2003, prévoyant que le montantdes prestations qui résulterait de l’ap-plication des coefficients (de calculdesdites prestations) ne peut être in-férieur à celui que le titulaire d’uneprestation a perçu en vertu des dis-positions mentionnées au I, majoré de20 %, visent à assurer aux bénéficiai-res résidant dans des États dont lerevenu national brut par habitant est

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particulièrement faible des conditionsde vie correspondant à celles évo-quées ci-dessus, ce que ne permettraitpas la stricte application des coeffi-cients définis par l’article 68 de la loidu 30 décembre 2002 ; que les dispo-sitions des I, II et III de cet articlepoursuivent un objectif d’utilité pu-blique en étant fondées sur des critè-res objectifs et rationnels en rapportavec l’objet de la loi ; que si le critèrede résidence susmentionné n’est pasapplicable aux ressortissants françaisqui résidaient à l’étranger à la date deliquidation de leur pension, cette dif-férence de traitement, de portée limi-tée, relève de la marge d’appréciationque les stipulations précitées de l’ar-ticle 14 de la convention européennede sauvegarde des droits de l’hommeet des libertés fondamentales réser-vent au législateur national, eu égardnotamment aux inconvénients queprésenterait l’ajustement à la baissedes pensions déjà liquidées de ces res-sortissants français qui ont vocationà résider en France ; que, par suite,les dispositions des I, II et III de l’ar-ticle 68 de la loi du 30 décembre 2002,ainsi que celles du décret et de l’ar-rêté contestés qui ont été prises pourleur application, ne sont pas incom-patibles avec les stipulations de l’ar-ticle 14 de la convention européennede sauvegarde des droits de l’hommeet des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, queles dispositions de l’article 2 du dé-cret du 3 novembre 2003, qui pré-voient que les parités de pouvoird’achat sont établies à partir du re-venu national brut par habitant, ex-primé en dollar international calculépar la Banque mondiale au 31 décem-bre de l’année précédant celle au ti-tre de laquelle est fixé le coefficientmentionné au III de l’article 68 de laloi du 30 décembre 2002, visent à as-surer le respect de l’obligation fixéepar le législateur de garantir aux bé-néficiaires résidant à l’étranger lors dela liquidation de leur prestation unpouvoir d’achat équivalent à celuidont ils bénéficieraient s’ils avaient euleur résidence en France à cette date ;qu’elles sont dès lors conformes auxdispositions de la loi du 30 décembre2002, éclairées par leurs travaux pré-paratoires, alors même qu’elles pren-nent en compte le revenu nationalbrut par habitant pour déterminer laparité de pouvoir d’achat ;

Considérant qu’il résulte de ce quiprécède et sans qu’il y ait lieu d’ap-

peler en la cause la Haute autorité delutte contre les discriminations etpour l’égalité, que le Groupe d’infor-mation et de soutien des immigrésn’est pas fondé à demander l’annula-tion des décisions implicites par les-quelles le Premier ministre et lesautres ministres intéressés ont respec-tivement refusé d’abroger le décretprécité du 3 novembre 2003 et l’ar-rêté du même jour pris pour son ap-plication ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions du Col-lectif des accidentés du travail, han-dicapés et retraités pour l’égalité desdroits et de l’association des tra-vailleurs maghrébins de France sontadmises.

Article 2 : La requête du Groupe d’in-formation et de soutien des immigrésest rejetée.

Conseil d’État,26 juillet 2006,Gisti, LDH, IRIS

N° 285714

Publié au Recueil Lebon

Mme Christine Maugüé, Rapporteur

Mme Prada Bordenave, Commissairedu gouvernement

Mme Hagelsteen, Président

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 211-7 du code de l’entrée et duséjour des étrangers et du droitd’asile : « Les demandes de validationdes attestations d’accueil peuvent êtremémorisées et faire l’objet d’un trai-tement automatisé afin de lutter con-tre les détournements de procédure.Les fichiers correspondants sont misen place par les maires, selon des dis-positions déterminées par un décreten Conseil d’État, pris après avis dela Commission nationale de l’informa-tique et des libertés. Ce décret pré-cise la durée de conservation et lesconditions de mise à jour des infor-mations enregistrées, les modalitésd’habilitation des personnes qui se-ront amenées à consulter ces fichiersainsi que, le cas échéant, les condi-tions dans lesquelles les personnesintéressées peuvent exercer leur droitd’accès » ; que le Groupe d’informa-tion et de soutien des immigrés(GISTI), la Ligue des droits del’Homme (LDH) et l’association« Imaginons un réseau internet soli-daire » (IRIS) demandent l’annula-tion des articles 2, 3 et 8 du décret du2 août 2005 pris pour l’application decet article et portant sur le traitementautomatisé de données à caractèrepersonnel relatif aux demandes devalidation des attestations d’accueil ;

Sur les moyens dirigés contre l’article2 du décret :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 5 de la convention n° 108 du28 janvier 1981 du Conseil de l’Eu-rope pour la protection des person-nes à l’égard du traitement automa-tisé de données à caractère person-nel : « Les données à caractère per-sonnel faisant l’objet d’un traitementautomatisé sont : c) Adéquates, per-tinentes et non excessives par rapportaux finalités pour lesquelles elles sontenregistrées » ; qu’aux termes de l’ar-ticle 6 de la loi du 6 janvier 1978 rela-tive à l’informatique, aux fichiers etaux libertés, dans sa rédaction issue

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de la loi du 6 août 2004 relative à laprotection des personnes physiquesà l’égard des traitements de donnéesà caractère personnel : « Un traite-ment ne peut porter que sur des don-nées à caractère personnel qui satis-font aux conditions suivantes : 3° El-les sont adéquates, pertinentes et nonexcessives au regard des finalités pourlesquelles elles sont collectées et deleurs traitements ultérieurs » ;

Considérant que, pour l’applicationde ces stipulations et de ces disposi-tions, les données pertinentes au re-gard de la finalité d’un traitementautomatisé d’informations nominati-ves sont celles qui sont en adéquationavec la finalité du traitement et quisont proportionnées à cette finalité ;

Considérant que les requérants sou-tiennent que certaines données per-sonnelles dont l’article 2 du décret at-taqué autorise la collecte, ne consti-tuent pas des données adéquates etpertinentes au regard des finalitéspoursuivies par le traitement ; qu’il enva ainsi, selon eux, des données rela-tives à la situation financière de l’hé-bergeant, mentionnés au 1° de l’arti-cle 2, de certaines données relatives àla personne hébergée, mentionnées au2° du même article, ainsi que des don-nées relatives au logement, mention-nées au 3° ;

Considérant, en premier lieu, qu’enapplication de l’article L. 211-7 ducode de l’entrée et du séjour des étran-gers et du droit d’asile, le maire de lacommune du lieu d’hébergementpeut, en qualité d’agent de l’État, met-tre en place un traitement automatiséde données à caractère personnel re-latif aux demandes de validation desattestations d’accueil, dont la finalitéest de lutter contre les détournementsde procédure favorisant l’immigrationirrégulière ; qu’aux termes de l’articleL. 211-4 de ce code, l’hébergeant s’en-gage à prendre en charge les frais deséjour de l’étranger au cas où celui-cin’y pourvoirait pas et, qu’aux termesde l’article L. 211-5 du même code, lemaire peut notamment refuser de va-lider l’attestation d’accueil si l’héber-geant ne peut pas présenter les piècesjustificatives requises ou si les men-tions portées sur l’attestation sontinexactes ; que, d’une part, les mairestirent de ces dispositions législatives lapossibilité de procéder à la vérificationdes ressources de l’hébergeant ; que,d’autre part, eu égard à la finalité quela loi lui assigne, le traitement automa-tisé prévu par l’article L. 211-7 peut

porter sur les données relatives à la si-tuation financière de l’hébergeant,nécessaires pour apprécier la capacitéde prise en charge des frais de séjouret d’hébergement de l’étranger ;

Considérant, en deuxième lieu, quel’avis de l’Agence nationale de l’ac-cueil des étrangers et des migrationsou des services de la commune char-gés des affaires sociales ou du loge-ment, relatif aux conditions d’héber-gement, ainsi que les suites donnéespar les autorités consulaires à la de-mande de visa formulée sur la basede l’attestation d’accueil validée, men-tions énumérées au 2° de l’article 2parmi les données relatives à la per-sonne hébergée dont la collecte estautorisée, sont des éléments d’infor-mation pertinents pour déterminer lesérieux des demandes d’attestationd’accueil et lutter ainsi contre les dé-tournements de procédure à des finsd’immigration irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que lesdonnées relatives au logement énumé-rées au 3° du même article, qu’ils’agisse des caractéristiques du loge-ment (surface habitable, nombre depièces habitables et nombre d’occu-pants) ou des droits de l’hébergeantsur le logement (propriétaire, loca-taire ou occupant), sont des donnéespertinentes pour porter une apprécia-tion sur la capacité des hébergeants àaccueillir les personnes dans des con-ditions décentes et répondre ainsi àl’objectif de lutte contre les détour-nements de procédure mentionné ci-dessus ;

Considérant, enfin, que, compte tenude la finalité des traitements automa-tisés de données nominatives suscep-tibles d’être institués et des restric-tions et précautions dont est assortileur traitement, notamment de la li-mitation de la durée de conservationdes données, la collecte et le traite-ment de ces informations ne portentpas au droit des individus au respectde leur vie privée et familiale une at-teinte disproportionnée aux buts deprotection de l’ordre public en vuedesquels a été pris le décret ; que, parsuite, le moyen tiré de la méconnais-sance de l’article 8 de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droitsde l’homme et des libertés fondamen-tales doit, lui aussi, être écarté ;

Sur les moyens dirigés contre l’article3 du décret :

Considérant qu’aux termes du 5° del’article 6 de la loi du 6 janvier 1978,

les données à caractère personnel« sont conservées sous une forme per-mettant l’identification des personnesconcernées pendant une durée quin’excède pas la durée nécessaire auxfinalités pour lesquelles elles sont col-lectées et traitées » : que les requé-rants soutiennent que l’article 3 dudécret attaqué, qui dispose que : « Ladurée de conservation des donnéescontenues dans le traitement men-tionné à l’article 1er est de 5 ans àcompter de la date de validation oudu refus de validation par le maire del’attestation d’accueil », a fixé unedurée excessive de conservation dedonnées au regard de la finalité dutraitement ;

Considérant, toutefois, que la duréede conservation de 5 ans fixée par ledécret n’excède pas celle nécessaire,compte tenu des finalités pour les-quelles les données sont collectées ettraitées, à la lutte contre l’immigra-tion irrégulière et les détournementsconsistant notamment dans des attes-tations de complaisance ; qu’en par-ticulier, une telle durée est nécessairepour permettre aux maires d’effec-tuer les rapprochements utiles pourlutter efficacement contre l’immigra-tion irrégulière ; qu’en outre, cettedurée est cohérente avec celle prévuepour la conservation des donnéesdans le futur système européen d’in-formation des visas (VIS) qui permet-tra aux États membres de l’Unioneuropéenne d’échanger des informa-tions sur les visas en vue de lutter plusefficacement contre l’immigration ir-régulière et le terrorisme ; que, parsuite, le moyen tiré de ce que l’article3 du décret attaqué aurait fixé unedurée excessive pour la conservationdes données doit être écarté ;

Sur les moyens dirigés contre l’article8 du décret :

Considérant qu’il résulte de l’article34 de la loi du 6 janvier 1978 que leresponsable du traitement est tenu deprendre toutes précautions utiles, auregard de la nature des données et desrisques présentés par le traitement,pour préserver la sécurité des donnéeset, notamment, empêcher qu’ellessoient déformées, endommagées ouque des tiers non autorisés y aient ac-cès ; que l’article 8 du décret disposeque : « La mise en œuvre du traite-ment par le maire est subordonnée àl’envoi préalable à la Commissionnationale de l’informatique et des li-bertés, en application du IV de l’arti-cle 26 de la loi du 6 janvier 1978 d’une

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déclaration faisant référence au pré-sent décret et précisant le lieu exactd’implantation du traitement automa-tisé, les modalités d’exercice du droitd’accès ainsi que l’engagement spéci-fique du maire qu’ont été mises enœuvre des mesures de sécurité et deconfidentialité des données et desmodalités d’habilitation individuelledes personnels communaux ayant ac-cès au fichier » ; que, si les associa-tions requérantes soutiennent que lesgaranties de sécurité et de confiden-tialité prévues par l’article 8 du dé-cret sont insuffisantes, il ressort tou-tefois des pièces du dossier que lesgaranties prévues par le décret sontsuffisantes pour préserver la sécuritédes données ; que ces dispositions nefont au demeurant pas obstacle à ceque la CNIL, dans le cadre de sespouvoirs d’investigation, procède àdes vérifications sur pièce et sur placesusceptibles de la conduire, si ces ga-ranties n’étaient pas respectées par leresponsable du traitement, à interdirecelui-ci ;

Considérant qu’il résulte de tout cequi précède que la requête du Grouped’information et de soutien des im-migrés et des autres associations re-quérantes doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Grouped’information et de soutien des im-migrés et autres est rejetée.

Conseil d’État,24 janvier 2007,

Gisti

N° 243976

Publié au Recueil Lebon

M. Olivier Rousselle, Rapporteur

M. Olson, Commissaire du gouverne-ment

Mme Hagelsteen, Président

SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Considérant que le Groupe d’informa-tion et de soutien des immigrés(GISTI) a demandé au Premier minis-tre, par lettre en date du 10 janvier2002, d’abroger les dispositions ducode rural figurant aux articles R. 343-4 relatif à l’aide aux jeunes agriculteurs,R. 343-21 relatif aux subventions d’ins-tallation comme chef d’exploitationagricole des travailleurs agricoles bé-néficiaires de la promotion sociale,R. 344-2 relatif aux aides à la moder-nisation des exploitations agricoles etR. 348-2 relatif aux prêts à long termebonifiés destinés à acquérir des fondsagricoles dans les départementsd’outre-mer, en tant que ces disposi-tions subordonnent le bénéfice desaides en cause à des conditions de na-tionalité du demandeur ;

Considérant que, dans le cas où lerefus opposé à une demande d’abro-gation d’un acte fait l’objet d’un re-cours pour excès de pouvoir et quel’administration procède, avant que lejuge n’ait statué, à l’abrogation de-mandée, celle-ci, lorsqu’elle devientdéfinitive, emporte des effets identi-ques à ceux qu’aurait eu l’annulationpar le juge du refus initial ; que dèslors, il n’y a pas lieu pour celui-ci destatuer sur le mérite du pourvoi dontil était saisi alors même que l’acteabrogé aurait reçu exécution pendantla période où il était en vigueur ;

Considérant que les dispositions de l’ar-ticle R. 343-21 du code rural susviséont été abrogées par le décret n° 2004-1308 du 26 novembre 2004 relatif auxaides à l’installation des jeunes agricul-teurs, à certains prêts à moyen termeet modifiant le code rural, devenu dé-finitif faute d’avoir été contesté dansles délais du recours contentieux ; que,dès lors, il n’y a pas lieu de statuer surles conclusions sus-analysées ;

En ce qui concerne les conclusions di-rigées contre le refus d’abroger les dis-positions des articles R. 343-4, R. 344-2 à R. 348-2 du code rural :

Sans qu’il soit besoin d’examinerl’autre moyen de la requête ;

Considérant, d’une part, que lorsquepostérieurement à l’introduction dela requête dirigée contre le refusd’abroger un texte, les dispositionsdont l’abrogation a été demandée,sont modifiées, il y a lieu pour le jugede statuer sur la requête en exami-nant, au regard des moyens soulevés,les textes dont l’abrogation a été de-mandée, tels qu’ils ont été modifiés ;

Considérant, d’autre part, que le prin-cipe d’égalité, auquel les textes quiouvrent des droits ou créent des avan-tages doivent se conformer, ne s’op-pose pas à ce que l’autorité investiedu pouvoir réglementaire règle de fa-çon différente des situations différen-tes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pourdes raisons d’intérêt général, pourvuque, dans l’un comme dans l’autrecas, les différences de traitement quien résultent, soient en rapport avecl’objet de la norme qui l’établit ;

Considérant en premier lieu que lesdispositions de l’article R. 343-4 ducode rural, dans leur rédaction tellequ’elle résulte des modifications intro-duites par le décret n° 2004-1308 endate du 26 novembre 2004 intervenupostérieurement à l’introduction de larequête, réservent le bénéfice de l’aideà l’installation des jeunes agriculteursaux personnes de nationalité françaiseou ressortissant d’un autre pays mem-bre de l’Union européenne ou aux res-sortissants de pays non membres del’Union européenne pouvant invoquerles stipulations d’accords internatio-naux interdisant une restriction d’ac-tivité fondée sur la nationalité et justi-fier d’un titre de séjour les autorisant àtravailler sur le territoire français ; que,en deuxième lieu, les dispositions del’article R. 344-2 du code rural, dansleur rédaction telle qu’elle résulte desmodifications introduites par le décretn° 2004-1283 du 26 novembre 2004 re-latif aux prêts bonifiés à l’investisse-ment dans les exploitations agricoleset aujourd’hui codifiée à l’articleD. 344-2 du code rural réservent, le bé-néfice de prêts bonifiés, aux exploi-tants de nationalité française ou ressor-tissant d’un État membre de l’Unioneuropéenne ou d’un autre État partieà l’accord sur l’Espace économiqueeuropéen ou aux personnes pouvantinvoquer les stipulations d’accords in-ternationaux interdisant une restrictiond’activité fondée sur la nationalité ;qu’enfin, l’article R. 348.2 du code ru-ral, dans sa rédaction à la date de lademande d’abrogation et toujours en

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vigueur, dispose que les bénéficiairesdes prêts à long terme bonifiés dansles départements d’outre-mer doiventêtre de nationalité française ou ressor-tissants d’un État membre de la com-munauté européenne sous réserve desconventions et traités internationaux ;

Considérant que l’objectif poursuivipar les dispositions en cause est d’as-surer la constitution d’exploitationsviables et durables et d’en faciliter lamodernisation par l’octroi d’aides ;que si ces aides sont liées à des enga-gements pris par leurs bénéficiairessur une certaine durée, cette circons-tance ne peut suffire à justifier léga-lement une différence de traitemententre les personnes demandant à bé-néficier de ces aides reposant sur leurnationalité ayant pour effet d’exclurede la possibilité d’en bénéficier ceuxd’entre eux qui n’ont ni la nationalitéfrançaise, ni la nationalité d’un autreÉtat membre de la communauté euro-péenne ou de tout autre État partie àl’accord sur l’Espace économiqueeuropéen ou qui ne peuvent invoquerles stipulations d’un accord interna-tional interdisant une restriction d’ac-tivité fondée sur la nationalité ; queces dispositions méconnaissent, danscette mesure, le principe d’égalité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui pré-cède que l’association requérante estfondée à demander l’annulation de ladécision implicite par laquelle le Pre-mier ministre a refusé d’abroger les dis-positions des articles R. 343-4, R. 344-2 et R. 348-2 du code rural en tantqu’elles subordonnent le bénéfice desaides qu’ils instituent à la possessionde la nationalité française ou de la na-tionalité d’un État membre de la com-munauté européenne ou d’un État par-tie à l’accord sur l’Espace économiqueeuropéen ou à la faculté de pouvoir in-voquer les stipulations d’un accord in-ternational interdisant une restrictiond’activité fondée sur la nationalité ;

Sur les conclusions tendant à ce qu’ilsoit fait application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’articleL. 911-1 du code de justice adminis-trative : « Lorsque sa décision impliquenécessairement qu’une personne mo-rale de droit public ou un organismede droit privé chargé de la gestion d’unservice public prenne une mesured’exécution dans un sens déterminé, lajuridiction, saisie de conclusions en cesens, prescrit, par la même décision,cette mesure assortie, le cas échéant,d’un délai d’exécution » ; que l’annu-lation de la décision du Premier minis-

tre refusant d’abroger les dispositionsde l’article R. 343-4 du code rural, del’article R. 344-2 aujourd’hui codifié àl’article D. 344-2 du même code et del’article R. 348-2, en tant qu’elles su-bordonnent le bénéfice des aides qu’ilsinstituent à la possession de la natio-nalité française ou de la nationalité d’unÉtat membre de l’Union européenneou d’un État partie à l’Espace écono-mique européen ou à la faculté d’invo-quer les stipulations d’un accord inter-national interdisant une restriction fon-dée sur la nationalité, implique néces-sairement l’édiction de mesures met-tant fin à l’illégalité ci-dessus consta-tée ; qu’il y a lieu par suite de faire droitaux conclusions tendant à ce que leConseil d’État ordonne cette édictiondans un délai de six mois à compter dela notification de la présente décision ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuersur les conclusions de la requête duGroupe d’information et de soutiendes immigrés (GISTI) en tant qu’el-les sont dirigées contre la décision duPremier ministre refusant d’abrogerles dispositions de l’article R. 343-21du code rural ;

Article 2 : La décision en date du17 mars 2002 par laquelle le Premierministre a refusé d’abroger les dispo-sitions des articles R. 343-4, R. 344-2et R. 348-2 du code rural en tant qu’el-les subordonnent le bénéfice des aidesqu’elles instituent à la possession dela nationalité française ou de la natio-nalité d’un État membre de la Com-munauté européenne ou d’un Étatpartie à l’accord sur l’Espace écono-mique européen ou à la faculté depouvoir invoquer les stipulations d’unaccord international interdisant unerestriction d’activité fondée sur la na-tionalité, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au Premier mi-nistre d’édicter, dans les six mois sui-vant la notification de la présente dé-cision, les mesures réglementaires né-cessaires pour mettre fin à l’illégalitédes articles R. 343-4, R. 348-2 et D.344-2 du code rural.

Article 4 : L’État versera au Grouped’information et de soutien des immi-grés (GISTI) une somme de 2 000euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusionsde la requête du Groupe d’informationet de soutien des immigrés est rejeté.

Conseil d’État,7 février 2007, FASTI,Gisti, LDH, SAF, Syndicatde la magistrature, MRAP

N° 292607

Publié au Recueil Lebon

M. Richard Senghor, Rapporteur

M. Aguila, Commissaire du gouverne-ment

M. Martin Laprade, Président

SCP Masse-Dessein, Thouvenin, Avocat

Sur la fin de non recevoir présentée parle ministre de l’intérieur et le garde dessceaux, ministre de la justice :

Considérant que les ministres soutien-nent que la circulaire attaquée, dèslors qu’elle se borne à exposer lespouvoirs que les autorités destinatai-res tiennent de la loi, ainsi que lesmodalités pratiques et procéduralesde leur mise en œuvre à la lumière dela jurisprudence, ne présenterait pasde caractère impératif ; qu’il ressortcependant des différents paragraphesde la circulaire contestés par les re-quérants que les ministres y ont pres-crit de manière impérative la conduiteà tenir par l’administration préfecto-rale et le ministère public à l’égard desétrangers se maintenant en séjour ir-régulier en France ; que les instruc-tions ainsi données, alors même qu’el-les réitéreraient des règles résultantdes textes ou de la jurisprudence,peuvent donc faire l’objet d’un re-cours pour excès de pouvoir ;

Sur la compétence du ministre de l’in-térieur pour signer la circulaire atta-quée :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle 30 du code de procédure pénaledans sa rédaction résultant de l’arti-cle 63 de la loi du 9 mars 2004 por-tant adaptation de la justice aux évo-lutions de la criminalité, « le ministrede la justice conduit la politique d’ac-tion publique déterminée par le Gou-vernement. Il veille à la cohérence deson application sur le territoire de laRépublique./ A cette fin, il adresseaux magistrats du ministère publicdes instructions générales d’actionpublique. (...) » ; que les requérantssoutiennent qu’en application de cetexte, le ministre de l’intérieur nepouvait, sans excéder sa compétence,signer la circulaire attaquée, en tantqu’elle comporte des instructions gé-nérales d’action publique ; que, ce-

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pendant, les dispositions précitées nefont pas obstacle à ce que, dans le butde renforcer la coordination de l’ac-tion du Gouvernement, les deux mi-nistres compétents pour la mise enœuvre de la politique gouvernemen-tale de lutte contre l’immigration ir-régulière signent, dans une circulairecommune, des instructions adressées,chacun pour ce qui le concerne, d’unepart aux préfets, d’autre part aux par-quets et indiquent les modalités d’ar-ticulation de leurs actions respecti-ves ; que, dès lors, le moyen tiré del’incompétence du ministre de l’inté-rieur pour signer cette circulaire doitêtre écarté ;

Sur les objectifs généraux de la circu-laire et le moyen tiré de la confusionqui serait opérée entre les polices ad-ministrative et judiciaire :

Considérant, en premier lieu, qu’enprécisant, dans son introduction, l’ob-jectif assigné aux parquets de contri-buer pleinement à la lutte contre l’im-migration irrégulière, laquelle « cons-titue une dimension de la politiquepénale », en particulier par le con-cours qu’ils doivent apporter à la dé-termination des personnes concer-nées par les procédure d’éloignement,« notamment lorsque la procédureadministrative ne sera mise en œuvrequ’à l’issue d’une procédure judi-ciaire permettant le recours à la coer-cition et à la garde à vue, ou qu’il auraété fait application des dispositions del’article 78-2, alinéa 2 du code de pro-cédure pénale pour organiser des opé-rations de contrôle ciblées », la circu-laire expose les modalités selon les-quelles les ministres entendent coor-donner certaines actions de policejudiciaire et de police administrative,sur le fondement des textes existants,notamment du code de procédurepénale et du code de l’entrée et duséjour des étrangers en France et dudroit d’asile ; que, contrairement à ceque soutiennent les requérants, cetteorganisation ne porte atteinte ni auprincipe de séparation des pouvoirs,ni à la compétence de l’autorité judi-ciaire, gardienne de la liberté indivi-duelle, énoncée à l’article 66 de laConstitution ;

Considérant, en second lieu, que lesrequérants soutiennent qu’en rappe-lant, aux paragraphes I B et IC de lacirculaire, la faculté ouverte aux offi-ciers de police judiciaire par l’article78 du code de procédure pénale derecourir à la force publique pour ob-tenir la comparution d’une personne

en infraction pour séjour irrégulier, dela retenir le temps nécessaire à sonaudition, puis de la placer en garde àvue, les ministres encourageraient undétournement de l’usage de ces voiesde procédure judiciaire, dès lors que,en recommandant aux parquets, auparagraphe II A 1.1.1. de la circulaire,de classer la procédure sans suite, saufdans certains cas limitativement dé-crits, ils feraient apparaître que la fi-nalité réelle des procédures judiciai-res ainsi exercées serait non pas l’en-gagement de poursuites, mais seule-ment la mise en œuvre de mesuresd’éloignement relevant de la police ad-ministrative ; que, toutefois, la circu-laire se borne, d’une part, à recom-mander aux parquets et, sous leurautorité, aux officiers de police judi-ciaire, d’utiliser, dans la lutte contreles infractions au séjour, les voies dedroit prévues par le code de procé-dure pénale, d’autre part, à préciserles cas dans lesquels il est recommandéau ministère public d’engager despoursuites, c’est à dire en présenced’antécédents pénaux de l’intéressé,de concours d’infractions pénales, oude recherches judiciaires pour d’autrescauses, ou lorsqu’une reconduite à lafrontière a déjà été exécutée dans lepassé ; que la combinaison de ces pas-sages de la circulaire n’implique pas,par elle-même, que les procéduresprévues à l’article 78 du code de pro-cédure pénale ou pour la garde à vueseraient, dans les cas d’infractions audroit au séjour, sciemment utilisées,lors de leur engagement, dans un autrebut que ceux de la conduite de l’ac-tion publique pour lesquels elles ontété définies et encadrées par la loi ;qu’il appartiendra le cas échéant aujuge judiciaire, gardien de la libertéindividuelle, de sanctionner le recoursà l’une de ces procédures dans les casoù il lui apparaîtrait qu’elle aurait étédélibérément déclenchée en l’absencede toute intention de poursuivre ; que,dans ces conditions, les recommanda-tions de la circulaire, qui entrent dansles compétences que le ministre de lajustice tient de l’article 30 précité ducode de procédure pénale, ne sont paspar elles-mêmes constitutives d’undétournement de procédure ;

Considérant, enfin, que, si les requé-rants soutiennent que, plus générale-ment, la circulaire attaquée porteraitatteinte au respect de droits et liber-tés individuels constitutionnellementgarantis, ils n’assortissent ce moyend’aucune précision permettant d’enapprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne le paragraphe I.A/1.2 et l’annexe 1 de la circulaire, rela-tifs aux interpellations en préfecturedes étrangers en situation irrégulière :

Considérant, d’une part, que la cir-culaire attaquée rappelle qu’une con-vocation adressée à un étranger pourqu’il se présente à la préfecture, alorsqu’un refus de séjour, voire un arrêtéde reconduite à la frontière, lui a éténotifié et qu’il est donc déjà en situa-tion irrégulière, ne doit pas être rédi-gée en termes trompeurs, sous peinede vicier la procédure ; qu’à cette finelle définit des modèles de convoca-tion dont la « sobriété » est destinée,selon les ministres, à proscrire touteindication mensongère sur l’objet réelde cette mesure, sans pour autantdonner d’indice révélant le risqued’une mesure de rétention et de re-conduite forcée ; que l’utilisation deces formulaires ne constitue pas, parelle même un procédé déloyal ou uneviolation du paragraphe 1 de l’article5 de la convention européenne desauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales, relatif audroit à la liberté et à la sûreté ;

Considérant, d’autre part, que les dis-positions susanalysées de la circulairene font obstacle ni au respect du droitconstitutionnel d’asile, tel que men-tionné en particulier au paragraphe 4du préambule de la Constitution du27 octobre 1946, ni à la mise en œuvredes procédures d’examen des deman-des d’asile prévues par la loi ; qu’ainsi,le moyen tiré de ce que la situationdes demandeurs d’asile se trouveraitaggravée par ces dispositions ne peutêtre accueilli ;

En ce qui concerne le paragraphe I. A/1.4.1, relatif aux interpellations àproximité d’un logement-foyer ou d’uncentre d’hébergement :

Considérant que ce paragraphe pré-cise qu’une interpellation à proximitéd’un tel local constitue « un contrôlesur la voie publique de droit com-mun », soumis aux principes résultantde la jurisprudence relative à l’appré-ciation de la qualité d’étranger enfonction de « signes objectifs d’extra-néité », et que la régularité du séjourdes personnes sortant du local ou yentrant « peut être contrôlée en de-hors de tout contrôle d’identité sur lefondement de l’article L. 611-1 ducode de l’entrée et du séjour desétrangers et du droit d’asile, ou dansle cadre des contrôles d’identité ef-fectués dans les conditions prévuespar les articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du

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code de procédure pénale. » ; qu’enrecommandant l’application de cestextes, tout en en rappelant le cadrejuridique, la circulaire attaquée n’apas porté atteinte à la liberté indivi-duelle garantie par la Constitution ;

En ce qui concerne le paragraphe I Crelatif à la garde à vue :

Considérant que les requérants con-testent ce paragraphe en tant qu’il dis-pose que, s’agissant des durées degarde à vue, « il est demandé aux ma-gistrats du parquet d’être particuliè-rement vigilants ( ) et d’appeler l’at-tention de l’autorité administrative surla nécessité de mettre en état la procé-dure d’éloignement au cours des 24premières heures de garde à vue » ;

Considérant que les requérants sou-tiennent que ces dispositions mécon-naîtraient le champ de compétence duprocureur de la République qui, auxtermes de l’article 41 du code de pro-cédure pénale, « dirige l’activité desofficiers et agents de la police judi-ciaire » et « contrôle les mesures degarde à vue » ; que le ministre de lajustice, en prescrivant aux parquets

de veiller au respect du délai de gardeà vue prévu par l’article 77 du codede procédure pénale s’est borné àfaire application de l’article 30 de cecode, et n’a pas méconnu les compé-tences dévolues aux procureurs parles dispositions précitées ;

En ce qui concerne le paragraphe II.A/ relatif au traitement par les parquetsdes infractions à la législation sur lesétrangers :

Considérant que la circulaire attaquéeénonce, d’une part, en son point II.A/1.1.2., que « Lorsque des poursuitessont exercées, le recours à la compa-rution immédiate paraît s’imposer dufait des faibles garanties de représen-tation. Pour ces mêmes raisons, desréquisitions de mandat de dépôt doi-vent être prises lorsque l’examen del’affaire est renvoyé à une audienceultérieure. » et, d’autre part, en sonpoint II.A/1.2, relatif aux obstaclesmis par les personnes concernées àl’exécution des procédures adminis-tratives et judiciaires, que « il convien-dra de privilégier la voie de la com-parution immédiate assortie de réqui-

sitions d’emprisonnement ferme ou,compte tenu de la faiblesse des garan-ties de représentation, de placementen détention provisoire. » ;

Considérant que le ministre de la jus-tice tenait de l’article 30 du code deprocédure pénale le droit de donnerces instructions, qui ne portent enrien atteinte à la capacité du minis-tère public, prévue à l’article 33 dumême code, de développer « libre-ment les observations orales qu’il croitconvenables au bien de la justice » ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention de laCimade sous le n° 293 271 est admise.

Article 2 : Les requêtes de la Liguedes droits de l’Homme, du Syndicatde la Magistrature, de la Fédérationde solidarité avec les travailleurs im-migrés, du Mouvement contre le ra-cisme et pour l’amitié entre les peu-ples, du Groupe d’information et desoutien des immigrés et du Syndicatdes Avocats de France sont rejetées.

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Maquette : Atelier Malte MartinPAO : Marc Fromentin

Achevé d’impriméen novembre 2008

par Expressions II – 75020 ParisISBN 2-914132-60-3

Défendre les droits des étrangers

Le Gisti est né en 1972 de la rencontre entre des travailleurs sociaux, des militants associa-tifs en contact régulier avec des populations étrangères et des juristes. Cette double appro-che, à la fois concrète et juridique, fait la principale originalité du groupe.

Le Gisti s’efforce de répondre, sur le terrain du droit, aux besoins des immigrés et desassociations qui les soutiennent. Ce mode d’intervention est d’autant plus nécessaireque la réglementation relative aux étrangers est trop souvent méconnue, y compris desadministrations chargées de l’appliquer.

Défendre l’État de droit

Défendre les libertés des étrangers, c’est défendre l’État de droit.

Le Gisti publie et analyse un grand nombre de textes, en particulier ceux qui ne sont pasrendus publics par l’administration.

Il appuie de nombreux recours individuels devant les tribunaux, y compris devant la Com-mission et la Cour européennes des droits de l’homme. Il prend aussi l’initiative de déférercirculaires et décrets illégaux à la censure du Conseil d’État.

L’ensemble de ces interventions s’appuie sur l’existence d’un service de consultations juri-diques par téléphone et par courrier, et sur une permanence d’accueil hebdomadaire oùdes juristes bénévoles conseillent et assistent les étrangers qui rencontrent des difficultéspour faire valoir leurs droits.

Participer au débat d’idées et aux luttes de terrain

Mais le droit n’est qu’un moyen d’action parmi d’autres : l’analyse des textes, la défense decas individuels, les actions en justice n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans une ré-flexion et une action globales.

Le Gisti entend participer au débat d’idées, voire le susciter, à travers la presse, des collo-ques et des séminaires, des réunions publiques. Il s’investit également dans des actionscollectives défensives, mais aussi offensives visant à promouvoir l’égalité des droits entremigrants communautaires, migrants des pays tiers et nationaux. Le Gisti agit ici en rela-tion avec les associations immigrées, les associations de défense des droits de l’homme,les organisations syndicales et familiales aux niveaux national ou européen.

Le GISTI est agréé par la Fondation de France. Les dons qui lui sont adressés sont déductibles desimpôts à hauteur de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable. Si ces dons sont supérieursà 20 %, l'excédant est reporté successivement sur les années suivantes jusqu'à la cinquième annéecomprise et ouvre droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions. Vous avez aussi lapossibilité de lui faire des dons par prélèvements automatiques (n’hésitez pas à nous écrire pourobtenir de plus amples informations : Gisti, 3 villa Marcès, 75011 Paris).

Qu’est-ce que le Gisti ?

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Gisti3, villa Marcès 75011 Paris

www.gisti.org

www.gisti.org/publicationsDirecteur de la publication : Stéphane Maugendre

Novembre 2008ISBN 2-914132-60-3

10 € (+ 3 € de frais d’envoi)

Toute reproductionde cette publicationsans autorisationdu Gisti est interdite

Le 8 décembre 1978, le Conseil d’État rendait, à la requête du Gisti un arrêt promis à ungrand retentissement : dans cet arrêt, le Conseil d’État reconnaissait l’existence d’un« principe général du droit », le droit de mener une vie familiale normale, dont pouvaientse prévaloir non seulement les nationaux mais aussi les étrangers résidant régulièrementen France. Et sur le fondement de ce principe, il annulait un décret pris l’année précédentepar le gouvernement, qui subordonnait le regroupement familial à l’engagement desmembres de famille de ne pas travailler en France.

Cet arrêt, connu de tous les étudiants en droit, a été le premier d’une longue série. Aucours des trente années écoulées, un peu plus de 80 décisions ont été rendues à larequête de l’association, agissant seule ou conjointement avec d’autres.

Le Gisti a saisi l’occasion du trentième anniversaire de l’arrêt de 1978 pour proposer uneréflexion plus générale sur la défense des étrangers en justice, en organisant un colloque,le 15 novembre 2008, avec la participation de membres du Conseil d’État, de magistrats,d’avocats, d’universitaires, de militants associatifs.

À partir des combats contentieux menés par le Gisti devant différentes instancesjuridictionnelles ou non juridictionnelles – le juge administratif, bien sûr, mais aussi lesjuridictions judiciaires, la Cour européenne des droits de l’homme, la Haute autorité delutte contre les discriminations… –, l’objectif est de s’interroger sur les stratégiesdéveloppées par les associations, les syndicats, les avocats dans le cadre de la défensedes étrangers, d’analyser les raisons qui, trop souvent, privent d’effectivité les victoiresobtenues, de faire finalement le bilan de trente ans de jurisprudence concernant lacondition des étrangers.