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1 La temporalité dans les arts visuels : quelques jalons Invisible dans des œuvres données à voir ; non-spatialisé là où l’étendue s’offre au regard ; subjectif, alors que l’historien cherche la règle commune ; indicible quand l’approche savante des œuvres d’arts visuels est avant tout une mise en mots : la temporalité comporte des traits qui tous semblent rendre son appréhension difficile par l’histoire de l’art. D’où sans doute la fortune réduite de la question, tout particulièrement en langue française 1 . Ce n’est pas le cas partout, et en particulier dans les pays de langue germanique depuis les années 1960. Ou pour tous les domaines de l’image, notamment l’image en mouvement – le cinéma : nous nous en tiendrons ici non seulement à l’image fixe mais nous exclurons la photographie qui, du fait de sa genèse spécifique et de sa logique indicielle, induit un rapport au temps très différent de celui des autres productions visuelles. Il s’agira de rendre compte des discours produits sur les arts visuels statiques, peinture et sculpture principalement. L’enjeu en est la possibilité de mieux prendre en considération une composante majeure de l’œuvre sitôt que l’on fait de celle-ci le centre de l’histoire de l’art ; qu’on la considère dans sa complexité singulière, ce que nous appelons pour notre part une poétique des arts visuels. Peut-on définir une temporalité des études sur le temps – en d’autres termes, une approche chronologique de l’historiographie ? En simplifiant les choses, l’on peut considérer que l’essor des travaux sur la temporalité, sensible à partir des années 1920, s’inscrit dans le contexte de la persistance et de la contestation d’une approche formelle de l’œuvre ouverte par H. Wölfflin et A. Riegl. On attendrait celle-ci du côté de l’espace : de fait, c’est à l’intersection entre celui-ci et le temps, autour de la notion de rythme, que se fait le développement des travaux (Kauffmann 1924, Panofsky 1926; sa reprise par Dittmann 1977). Toutefois, en dehors de quelques études iconographiques (Wittkower 1938), l’approche esthétique domine (Souriau 1949 Perpeet 1951 ; Aznar 1953 ; Sherman 1979). C’est seulement à partir des années 1960-70 qu’une articulation plus fine entre divers types de temporalité se développe (Arnheim 1976) Les progrès de la poétique en littérature jouent ici un rôle majeur (Weinrich 1964) : ils sous-tendent les travaux des deux figures majeures de la pensée sur la temporalité dans les arts visuels que sont Lorenz Dittmann et Götz Pochat 2 . La réflexion sur le cinéma joue également un rôle important : art « temporalisé », selon 1 Cf. Lamblin, Peinture et temps ; Baudson 1985 ; Ribon 1997 ; Philippot 2005 2 Dittmann 1979; Dittmann 1980; Pochat 1984 ; Pochat 1996-2004.

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Page 1: de la dicibilité de celle-ci, qui reste, depuis les

1

La temporalité dans les arts visuels : quelques jalons

Invisible dans des œuvres données à voir ; non-spatialisé là où l’étendue s’offre au regard ;

subjectif, alors que l’historien cherche la règle commune ; indicible quand l’approche savante

des œuvres d’arts visuels est avant tout une mise en mots : la temporalité comporte des traits

qui tous semblent rendre son appréhension difficile par l’histoire de l’art. D’où sans doute la

fortune réduite de la question, tout particulièrement en langue française1. Ce n’est pas le cas

partout, et en particulier dans les pays de langue germanique depuis les années 1960. Ou pour

tous les domaines de l’image, notamment l’image en mouvement – le cinéma : nous nous en

tiendrons ici non seulement à l’image fixe mais nous exclurons la photographie qui, du fait de

sa genèse spécifique et de sa logique indicielle, induit un rapport au temps très différent de

celui des autres productions visuelles. Il s’agira de rendre compte des discours produits sur les

arts visuels statiques, peinture et sculpture principalement. L’enjeu en est la possibilité de

mieux prendre en considération une composante majeure de l’œuvre sitôt que l’on fait de

celle-ci le centre de l’histoire de l’art ; qu’on la considère dans sa complexité singulière, ce

que nous appelons pour notre part une poétique des arts visuels.

Peut-on définir une temporalité des études sur le temps – en d’autres termes, une approche

chronologique de l’historiographie ? En simplifiant les choses, l’on peut considérer que

l’essor des travaux sur la temporalité, sensible à partir des années 1920, s’inscrit dans le

contexte de la persistance et de la contestation d’une approche formelle de l’œuvre ouverte

par H. Wölfflin et A. Riegl. On attendrait celle-ci du côté de l’espace : de fait, c’est à

l’intersection entre celui-ci et le temps, autour de la notion de rythme, que se fait le

développement des travaux (Kauffmann 1924, Panofsky 1926; sa reprise par Dittmann 1977).

Toutefois, en dehors de quelques études iconographiques (Wittkower 1938), l’approche

esthétique domine (Souriau 1949 Perpeet 1951 ; Aznar 1953 ; Sherman 1979). C’est

seulement à partir des années 1960-70 qu’une articulation plus fine entre divers types de

temporalité se développe (Arnheim 1976) Les progrès de la poétique en littérature jouent ici

un rôle majeur (Weinrich 1964) : ils sous-tendent les travaux des deux figures majeures de la

pensée sur la temporalité dans les arts visuels que sont Lorenz Dittmann et Götz Pochat2. La

réflexion sur le cinéma joue également un rôle important : art « temporalisé », selon

1 Cf. Lamblin, Peinture et temps ; Baudson 1985 ; Ribon 1997 ; Philippot 2005 2 Dittmann 1979; Dittmann 1980; Pochat 1984 ; Pochat 1996-2004.

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2

l’expression de Jacques Aumont, ou « temporel » selon B. Vouilloux3, il connaît le

développement d’une poétique en phase avec une production artistique qui s’appuie sur

l’approche intellectuelle de l’art propre à la nouvelle vague. Les historiens de l’art

commencent à s’intéresser à des œuvres précises (Dowley 1957, Panofsky 1963, Thuillier

1964, Messerer 1964, Spinner 1971), à des problèmes singuliers (Gombrich 1964) ou à des

périodes particulières (Groenewegen-Francfort 1951, Gehlen 1960, Assmann 1963). Les

premières synthèses apparaissent dans les années 1970 mais surtout 1980 (T. Zaunschirm

1973, Frey 1976, Belford & Herman 1980, Lamblin 1983 ; Holländer & Thomsen 1984,

Baudson 1984, Rohsmann 1984, Paflik 1987, Theissing 1987). C’est durant la décennie

suivante que sont soutenues les premières thèses consacrées à la question du temps dans les

œuvres (Broeker 1991; Netta 1996; Vergoossen 1996). Depuis, des projets de plus en plus

complexes se font jour, comme cette relecture de l’art occidental en termes de temporalité

telle que proposée par G. Pochat (1996-2004) ou les essais à large portée (Barasch 1997,

Ribon 1997). Le choix du thème du temps pour le congrès international du CIHA (comité

international d’histoire de l’art) en 2000 traduit l’importance qui lui est désormais conférée

(Heck 2002).

Si cette rapide présentation chronologique de l’évolution fait apparaître le succès croissant

de la réflexion sur le temps dans les arts visuels, elle ne permet pas d’en articuler une

présentation tant soit peu précise, tant les approches sont diverses. Par ailleurs, il est

impossible d’avoir une vision surplombante de l’ensemble de la production, notamment pour

les arts extra-occidentaux, mais aussi pour l’ensemble des périodes. On se propose donc de

s’en tenir ici à une recension des principaux aspects que connaît la réflexion générale sur le

temps, mais on ne retiendra, pour les aspects particuliers, que la période moderne - l’idée

étant de participer à l’instauration d’une dynamique d’étude prolongée par des chercheurs

compétents pour d’autres contextes. Celle-ci ne va pas sans poser problème, notamment en ce

qui concerne la définition du corpus. Le traitement des textes théoriques contemporains des

œuvres – ici, ceux de l’époque moderne – fait question : doit-on les considérer comme objets

d’étude, au même titre que les œuvres d’art ? Ou bien au contraire peut-on y voir les premiers

jalons de la réflexion sur la temporalité que nous souhaitons mettre au jour ? En d’autres

termes, doit-on les considérer comme prescriptifs ou comme descriptifs et, dans le second cas,

en faire les premiers jalons d’une réflexion sur les œuvres ? Ce qui apparaît ici n’est pas, de

fait, une caractéristique extérieure à la question de la temporalité. S’y joue en effet la question

3 B. Vouilloux, « La temporalité dans l’image peinte », in Sick 2007. p. 319-335

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3

de la dicibilité de celle-ci, qui reste, depuis les célèbres propos de saint Augustin, toujours

problématique, et que les grands travaux de P. Ricoeur ont popularisé (Ricoeur 2000). En

outre, il apparaît à l’étude que tous les aspects de la temporalité présents dans les œuvres ne

sont pas nécessairement théorisés – en d’autres termes, qu’il existe un écart entre théorie et

pratique. On intégrera donc ici les propos théoriques et critiques contemporains en tant qu’ils

sont symptomatiques d’une certaine manière d’aborder la question dans le contexte de leur

époque, mais l’on ne s’interdit pas d’aborder les œuvres selon des angles de vue inconnus

dans ce même contexte. La priorité est donnée à l’articulation thématique. D’où l’ordre de

présentation choisi, qui correspond de fait à un consensus présent notamment à partir de

l’œuvre de Theissing (1987) : étude de la temporalité dans la représentation, ou temporalité

interne ; de l’expérience du temps face à l’œuvre, ou temporalité externe ; de l’inscription du

temps de l’œuvre dans le temps collectif, ou temporalité historique. A partir de ce modèle qui

se veut pédagogique, cherchant à proposer une première mise en perspective

historiographique à l’aide de références bibliographiques qui ne sauraient en aucun cas être

considérées comme exhaustives, on s’interrogera sur la question de savoir si le temps, à

l’instar de l’espace par exemple, peut être considéré comme un simple problème dont on peut

présenter les divers aspects, ou bien si sa nature singulière résiste à la mise en discours – donc

à l’opération qui est celle par excellence celle de l’historien de l’art.

Questions de temporalité interne : le temps et la théorie de l’imitation

Commencer par la temporalité interne, c’est prendre acte du fait que la question centrale

pour les artistes de la tradition occidentale est de savoir comment intégrer la dimension

temporelle dans la théorie générale prévalente, associant, depuis la Poétique d’Aristote,

imitation et narration. C’est, du côté du discours critique, se référer aux importantes

ouvertures réalisées par la narratologie littéraire, dont on connaît le développement en France

dans les années 1960-1970 et qui se développe encore aujourd’hui4. Curieusement, l’on a

jusqu’ici que très peu tenté dans ce pays de l’adapter aux arts visuels : c’est plutôt dans les

pays anglo-saxons qu’ont été proposées, sur le plan théorique, des applications à l’histoire de

l’art, et plutôt pour les périodes antiques et médiévales5.

4 Cf. G. Genette et les théoriciens rassemblés autour de la revue Poétique, le texte fondamental restant Genette . Pour une mise au point récente, cf. Daniel Maher (dir.), Tempus in Fabula : topoï de la temporalité narrative dans la fiction d’Ancien Régime, Montréal, Presses de l’Université de Laval, 2006 5 W. Kemp, « Narrative », in Robert S. Nelson & Richard Shiff (dir.), Critical Terms for Art History, Chicago, CUP, 1996, p. 58-69; F. Wickhoff, « Narration in Ancient Art. A Symposium », American Journal of

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4

Temps du récit, temps de l’oeuvre

La doctrine de l’ut pictura poesis est à l’origine, on le sait, d’un art des temps modernes au

sein duquel sont très nombreuses les œuvres faisant référence à un texte initial. Il apparaît

alors nécessaire de déterminer d’étudier le mode de rapport entre la temporalité de celui-ci et

celle de l’œuvre visuelle. Il y va d’effets de sélection ; de compression, de dilatation de

l’action ; d’ellipses ou d’emphases. Une telle étude n’a de sens qu’au plus près des œuvres, et

bien des historiens de l’art s’y emploient : l’on peut espérer que bientôt de premières

synthèses permettront de repérer des régimes propres ou aux artistes ou à certains milieux de

création. L’on retiendra, pour la Renaissance, la notion de « syncope » développée par L.

Marin (Marin 1989)

Le temps de l’action, ou « le peintre n’a qu’un instant »

Bien mieux étudiée est la temporalité de la scène imitée. Elle s’accompagne de la mise en

place d’une unité temporelle que la Renaissance, aurait su retrouver. Même si L. Andrews,

dans un ouvrage remarquable (Andrews 1998), nous a mis en garde contre une périodisation

trop brutale du passage de la scène multiple à la scène unique, il n’en demeure pas moins que

la tendance générale se fait du côté d’une unification temporelle nécessitée par les

caractéristiques matérielles de l’œuvre peinte ou sculptée : statique, elle n’offre qu’un instant.

La réflexion est bien antérieure: on la trouve dans la théorie des eremiai d’Aristoxenos, selon

laquelle il faut choisir un moment de basculement dans l’action. De ce point de vue, il n’est

pas surprenant que l’un des tout premiers articles consacrés à la question du temps en histoire

de l’art soit celui de F. Dowley sur le « significant moment » (Dowley 1957) ; son corollaire

étant le fait que l’œuvre qui a sans doute suscité le plus de commentaires sur ce point, dès les

années 1960, est celle qui d’une part propose en elle-même une articulation complexe des

divers moments de l’action, d’autre part qui est associée à un corpus de textes anciens portant

sur la question du temps : la Manne de Poussin – de fait, et avant tout, la conférence donnée

Archeology, 61, 1957, p. 43; R. Brilliant, Visual Narratives: Storytelling in Etruscan and Roman Art, Ithaca, 1984; H.L. Kessler & M.S. Simpson (dir.), Studies in the History of Art : Pictorial Narrative in Antiquity and the Middle Ages, lieu, 1985; J. Karpf, Strukturanalyse der mittalterlichen Bildererzählung : Ein Beitrag zur kunsthistorischen Erzählforschung, 1994.

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par Le Brun à son sujet au sein de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 16676. Les

nombreux travaux mettent en effet l’accent sur la solution que Poussin est censée avoir

trouvée, en l’occurrence celle des « péripéties », les différents stades d’une même action que

l’artiste doit être capable de rappeler dans son œuvre (chez Le Brun, les « incidents » qui ont

« précédé »). Ainsi serait établi l’équivalent de l’unité d’action que l’on trouve dans la théorie

de la tragédie classique : le parallèle est établi entre les arts.

En fait, les travaux sur ces questions se concentrent pour l’instant avant tout sur G. E.

Lessing et sa fameuse formulation du « fruchtbare Augenblick », d’« instant fécond »7.On

pourrait rappeler la genèse d’une telle approche à partir des nombreux textes qui, tout au long

de la seconde moitié du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, rappelle comme une sorte

d’incantation la nécessité de cette unification8 ; noter le registre de l’intensité, de l’impact

comme critère du choix de l’instant opportun, dans la droite ligne de la l’esthétique de

l’attraction, de la sympathie définie par de Piles et Dubos9 ; retracer les débats, au XVIIIe

siècle, sur la possibilité même d’ouvrir le spectre temporel par des motifs rappelant le passé et

6 Le Brun à propos de la Manne, rétorque aux critiques « qu’il n’en est pas de la peinture comme de l’histoire, qu’un historien se fait entendre par un arrangement de paroles et une suite de discours qui forment une image des choses qu’il veut dire, et représente successivement telle action qu’il lui plaît. Mais le peintre n’ayant qu’un instant dans lequel il doit prendre la chose qu’il veut figurer pour représenter ce qui s’est passé dans ce moment-là, il est quelquefois nécessaire qu’il joigne ensemble beaucoup d’incidents qui aient précédé » (H. Jouin, Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture recueillies, annotées et précédées d'une étude sur les artistes écrivains..., Paris, 1883, p. 62). Cf. Thuillier 1964 ; Imdahl 1985 ; Imdahl 1989 ; Oy-Marra 1997; J. Jurt, « Die Debatte um die Zeitlichkeit in des ARPS am Beispiel von Poussins Mannalese », in Franziska Sick (dir.), Zeitlichkeit in Text und Bild, Heidelberg, 2007, p. 337-347. 7 « So ist es gewiss, dass jener einzige Augenblich und einzige Gesichtspunkt dieses einzigen Augenblickes, nicht fruchtbar genug gewählet werden kann » (G.E. Lessing, Laokoon oder über die Grenzen der Malerei und Poesie, Stuttgart, Reclam, 1987, p. 23). Cf. dans la traduction française du Laocoon, éd. J. Bialostocka & R. Klein, Paris, 1964, p. 67-68. 8 Cf. A. Félibien, à propos du Pordenone, p. 72: « Dans le troisième Tableau (réalisé à Ceneda), le Pordenone, en représentant le jugement de Salomon, fit voir les différentes actions, qui vraysemblablement parurent dans cette occasion. ». A l’opposé, La lisibilité du contexte semble optimale, avec l’horizon que constitue la théorie théâtrale des trois unités. On remarquera que celle-ci est interprétée par Le Brun en termes de condensation d’une multiplicité d’ « événements » au sein d’une même « action », les « péripéties » constituant autant d’épisodes. Mais les artistes restent très prudents, ainsi Paillet en 1674 : « Je ne serais point de sentiment qu’il fit (le peintre) plusieurs histoires dans un tableau. L’on ne peut estre en mesme temps en plusieurs endroits » (Paillet, « Conférence sur la composition et le clair-obscur », 2 juin 1674, Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, éd. Michel & Lichtenstein, I, Paris, 2006, p. 550). 9 Cf. P. Corneille, « La Poésie à la Peinture, en faveur de l’Académie des peintres illustres » (avant 1653) : la Poésie dit à la Peinture : « Ce que je n’ai pu faire avec toutes mes voix (...) Un coup d’oeil le va faire, et ton art plus charmant/ pour un si grand effet ne veut qu’un seul moment » (Œuvres complètes, éd. L’Intégrale, Paris, 1963, p. 876. Cette idée est clairement évoquée par Philippe de Champaigne (2 mai 1671) au sujet d’un tableau célèbre de Poussin, l’Eté. Après avoir décrit l’action du personnage central, Ruth, il ajoute : «ce moment est si bien représenté qu’il fait concevoir vivement l’histoire » vérifier ConfARPS.

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annonçant le futur10 ; faire apparaître la manifestation visible du temps, le mouvement,

comme constituant l’enjeu d’une réflexion constante.

Le temps visible : le mouvement

Depuis Aristote, le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur-postérieur11 : une

telle définition entraîne l’usage, en art, de l’indication de mouvement comme mode

d’évocation du devenir temporel, dont on situe traditionnellement l’origine dans le

déhanchement du kouros grec à la fin du Vie siècle avant J.-C. L’importance du phénomène

sera là aussi appréhendée d’abord par les esthéticiens (Brücke 1881, Souriau 1889, Wahl

1955, Armstrong 1983) : les thèses de Lessing sont au cœur du débat (Eichhorn 1927). En

histoire de l’art proprement dite, c’est justement une spécialiste de la période antique qui la

première consacre un ouvrage au thème sur un corpus précis (Groenewegen-Frankfort 1951).

L’un des aspects majeurs est la question de la valeur expressive du mouvement quand celui-ci

devient geste (Adelmann & Weise 1954). Comme sur bien d’autres points, c’est E.H.

Gombrich qui va proposer une première synthèse sur la question (Gombrich 1964). Il procède

de la manière qui est la sienne, en prenant appui sur les acquis de la psychologie

expérimentale si importante dans la culture germanique (Flach 1928) ; cette culture arrive en

France dans le contexte de l’op art (P. Fraisse, F. Popper 1965). Elle est à l’heure actuelle

particulièrement enrichie par deux approches : d’une part la phénoménologie, dominante 10 La question se trouve déjà sous la plume d’un auteur du cercle de Bellori (Cf. le Discorso consacré à l’Apollon et Daphné de Carlo Maratta qui fait suite à la Vita di Carlo Maratti, Rome, 1732, p. 122-124 ; rédigé vers 1680). ; elle anime les débats à l’Académie royale de peinture et de sculpture avant d’être thématisée par Shaftesbury et Richardson, mais aussi repris tout au long du XVIIIe siècle (A. Cooper, comte de Shaftesbury, « Idée du Tableau historique du Jugement d’Hercule d’après Prodicus », in Oeuvres, Genève, 1769, t. III.; G.E. Lessing, trad. Courtin, rééd. Paris, 1990. ; J. Richardson, An Essay on the Theory of Painting, Londres, 1715, p. 56-59, trad. Frnaise Amsterdam 1728). Il s’agit donc de pouvoir évoquer le passé (Repeal) et le futur (Anticipitation) : ainsi chez Shaftesbury, le choix d’un moment précédant la décision d’Hercule permet d’ouvrir un spectre temporel plus large. J. Harris, dans son Discourse on Music, Painting and Poetry insiste sur le point important : cet accroissement du spectre chronologique ne peut se faire que s’il y a connaissance de ce qui se passe avant et après (cf. Gombrich 1982, p. 42). C’est ici que se pose la question des marques visibles qui permettent de connaître le déroulement du temps. Parmi celle-ci, le mouvement joue un rôle fondamental, ainsi pour Diderot : « Que de sujets depuis l’instant où la fille de Jephté vient au-devant de son père, jusqu’à celui où ce père cruel lui enfonce un poignard dans le sein ! » (Œuvres complètes, éd. R. Lewinter, Paris, 1969-73, vol. III, p. 89). Cf. également le passage d’un texte attribué au secrétaire de l’Académie Royale Renou, au sujet du Sacrifice d’Iphigénie de Carle Van Loo exposé au Salon de 1757 : « On pense unanimement que l’instant de l’évanouissement de la mere & de la douleur du père est le même où Calcas va sacrifier leur fille : c’est dans cet instant que Diane arrive, & par conséquent, dans le même moment que les Soldats, qui la voyent, en sont surpris et étonnés ; on n’entrevoit dans tout cela qu’un moment, mais on s’en rapportera à ses lumières », [Extraits des observations sur la phsique, et les arts. Lettre à l’auteur (sur l’exposition de cette année), [Paris] 1757 (coll. Del., vol. VII, p. 81/7). 11 Physique, IV, 11, 219a : „Nous connaissons le temps quand nous avons déterminé le mouvement en utilisant pour cette détermination l’antérieur-postérieur“.

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jusqu’il y a peu dans l’esthétique française (Barbaras 1996) ; d’autre part les sciences

cognitives et les neurosciences (Birdwhistell 1973 ; Bonnet 1987 ; Berthoz 1987). Les

ouvrages de G. Deleuze sur le cinéma, au fort retentissement, peuvent être utilisés par les

spécialistes des arts statiques cum grano salis (Deleuze 1983). Pour ce qui concerne la période

moderne, l’on note des ouvertures du côté de la théorie – ainsi la thèse récente de N. Michels

(Michels 1998).

En ce qui concerne la sculpture, la question de la temporalité est encore à développer : ce

n’est que récemment que l’on a dépassé la pure logique spatiale centrée sur la question du

nombre de points de vue (Berlin 1995-96), qui pose pourtant de manière immédiate la

question d’une temporalité induite par la circulation autour de l’œuvre. G. Reuter est l’un des

rares à s’intéresser au problème, tant au travers de la théorie (Reuter 2006) que la pratique

(Reuter 2007). Les études sur la temporalité interne des œuvres, telle celle menée par Rodin à

propos de la statue du maréchal Ney par Rude (Rodin 1912), restent encore aujourd’hui bien

rares.

De façon plus large, l’on peut considérer que beaucoup reste à faire pour l’étude du

mouvement, tant en ce qui concerne la théorie que la pratique. La première repose encore très

fortement sur la critique du mouvement dans les arts visuels statiques telle que formulée par

Lessing : nous avons pour notre part essayé de montrer que c’est presque un siècle plus tôt,

dans le Césarion de l’abbé de Saint-Réal (1684), que se trouve la première formulation d’une

condamnation du mouvement en peinture qui fera florès tout au long du XVIIIe siècle et dont

Lessing n’est que l’héritier (Jollet 1997). Pour ce qui concerne la pratique, on peut citer le

phénomène curieux selon lequel, durant la première moitié du XVIIIe siècle, la peinture

d’histoire française renonce presque complètement à l’action et obéit à une modalité qu’on a

pu qualifier de « présentation »12. Elle correspond de fait à la victoire de l’ « action-repos »

selon l’efficace formule d’A. Coypel13 : le tout est à intégrer dans une étude des deux

modalités de la narration telle que définies par Félibien dans sa fameuse préface aux

conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture de 1667, l’ « histoire » et la

« fable », dont il serait souhaitable d’envisager l’étude au long cours. Elle obligerait

notamment à ouvrir plus largement le spectre de la temporalité, pour associer celle de l’action,

toujours limitée, à celle, variée et complexe, de l’évocation de la durée.

12 Cf. S. Caviglia, « Corps représentés, corps présentés. La crise du mouvement dans la peinture d’histoire de Charles-Joseph Natoire », actes du colloque Watteau aux confluents des arts. Les caractères de la danse, Valenciennes, décembre 2010 (Valenciennes, 2011, à paraître). 13 Vérifier dans Mérot, paysage

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La durée et la question de l’ « aspect »

Une autre dimension non thématisée est la question de l’aspect, c’est-à-dire l’expression de

la durée. A ce propos, l’on doit se demander si l’alternative proposée par G. Deleuze pour le

cinéma: „image-mouvement“ ou „image-temps“, vision de l’action ou sentiment de la durée,

vaut également pour les arts visuels statiques14. L’opposition passe par le rôle respectif du

mouvement et de l’immobilité dans la représentation. Or la durée n’est guère prise en charge

par les historiens de l’art, hormis quelques travaux pionniers qui la pensent dans une

opposition avec l’instant (Courthion 1975, Castor 1996). A l’instant, au « point

temporel » (Zeitpunkt)15, on oppose, comme le fait L. Dittmann, le « fond temporel »

(Zeitgrund) 16. Mais l’on peut envisager une étude plus complexe encore, qui prendrait en

considération les formes variées d’expression de la durée. On la trouve cependant, non

thématisée, au travers de la prise en considération des caractéristiques temporelles propres aux

différents genres. Intuitivement, la peinture d’histoire est liée à l’action close sur elle-même et

donc au perfectif, le portrait renvoie à la question générale du monument et donc à l’aspect

imperfectif (Lesy 1980), la peinture de genre repose sur une modalité itérative, le paysage

également mais en y ajoutant la question de la permanence ; la nature morte, quant à elle,

renvoie plus directement que tout autre genre à la question de la mort.

De tels renvois sont, comme toute application directe des systèmes langagiers sur l’œuvre

visuelle, aussi dangereux que tentants : ils n’ont cependant d’intérêt que s’ils permettent

d’être sensible à la grande variété des approches et surtout au mélange dans une même œuvre

de diverses modalités temporelles (Domon 2003) : bien souvent l’action sémelfactive se

dégage sur fond de continuité, itérative ou non : il y a donc opposition entre ce que les

linguistes nomment aspect non-sécant et aspect sécant. Cette opposition, sans doute la plus

importante, permet de mettre en rapport les êtres importants qui « motivent » l’œuvre et un

environnement humain ou naturel qui les met en relation avec le commun des mortels : enjeu

primordial, qu’il s’agisse d’un héros ou d’une figure religieuse. Mais on note la situation

inverse : des « accidents » dans la peinture de genre, brisant le continuum de la vie17. Ainsi

l’orage ou l’éruption volcanique et de manière générale le cataclysme viennent-ils donner une

14 Cf. Deleuze 1985 ; Deleuze 1989 ; S. Heath, “Narrative Space”, Screen, XVII, 3, août 1976, p. 68-112; les divers travaux de Jacques Aumont. 15 Holländer 1984; Gendolla 1992. 16 Dittmann 1977. 17 Cf. par exemple ce singe faisant tomber une corbeille dans la Marchande de fruits de Pieter van Boucle, vers 1623, Arras, musée des Beaux-arts.

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valeur aspectuelle semelfactive au paysage18. Dans certaines œuvres, la durée devient le

thème même de l’œuvre en lieu et place de l’action attendue : c’est le cas dans l’ensemble des

scènes d’ « absorbement » bien repérées par M. Fried19 : le sommeil, la lecture, la réflexion,

ce qu’on peut appeler la « stase », cet arrêt momentané de l’action cher à Chardin ; ou encore

le travail, celui de la Dentellière de Vermeer ou de la Jeune fille à l’ouvrage de F. Duparc20.

De même, l’on doit s’interroger sur la possibilité de voir traduit dans les arts visuels les

aspects multiplicatif, progressif, inchoatif, terminatif. On peut pour cela tenir compte des

témoignages anciens, comme ce qu’écrit Le Brun à propos de la Manne de Poussin21.

Plus généralement, il apparaît nécessaire de souligner l’intérêt que peut avoir la prise en

considération de la modalité générique, pas uniquement temporelle, de la potentialité : de tout

ce qui peut se déployer à partir du moment représenté et du lieu disponible à partir des motifs

et des figures représentées. Cette modalité est de fait d’une importance capitale dans l’art

d’Occident, puisqu’elle constitue une manière d’ouvrir le spectre temporel qui fait appel au

for intérieur du spectateur, à la fois à sa sensibilité et à ses connaissances. Elle constitue la

modalité fondamentale de la vraisemblance en Occident : le kouros grec dont nous parlions

précédemment, c’est celui qui est potentiellement en mouvement. A. Riegl était sensible à

cette modalité quand il parlait de Bewegungsfähigkeit22 ; il apparaît aujourd’hui important de

savoir la prendre en considération, au-delà d’une approche iconographique qui tend à réduire

l’œuvre à un objet d’identification.

La modalité de la potentialité pose le problème de la relation entre le temps et l’espace, qui

se combine avec celui des rapports entre figure et fond23. Pour reprendre la terminologie de L.

Dittmann, le Zeitgrund rejoint ainsi le Bildgrund, le „fond de l’image“, ce qui est dépourvu

de motif (das Ungegenständliche) et qui donc se situe à la fois hors d’un repérage spatial et

d’un repérage temporel24. Il s’agit alors d’accorder la plus grande importance à la manière

dont s’articule l’effet de création de la tridimensionnalité et la temporalité. Il en va ainsi tout

18 Cf. les œuvres de Poussin pour l’orage, de Volaire pour les éruptions musicales. 19 M. Fried, La Place du spectateur, trad. fr. Paris, 1990. 20 Marseille, musée des Beaux-arts. 21 Cf. éd. Jouin, op. cit., p. 58: « Un homme qui goûte à la manne ; on voit à sa mine qu’il ne fait que commencer à y tâter ». 22 Dans Das holländische Gruppenporträt, Vienne, 1997 (1ère éd. 1902). 23*Cf. les travaux depuis Panofsky 1924 et Burckhardt 1994 ; H. Jantzen, K. Badt, Carter, J. White, A. Parrochi , S. Edgerton; Gioseffi, Kitao, Dittmann 1969, Zaunschirm 1973 ; Veltman, Lynch 1995; Penny Small 1999 ; Leupen 2005. Pour comparaison, dans le domaine des lettres, cf. J. Terrasse, Le Temps et l’espace dans les romans de Diderot, Oxford, SVEC, 2000. P. Fraisse, dans La Psychologie du Temps, 1963, s’intéresse tout spécialement aux effets d’analogie entre l’espace et le temps. 24 Dittmann 1977

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particulièrement pour la perspective, dont on connaît l’importance dans l’art d’Occident25;

mais elle est le plus souvent traitée en référence à l’infini, dans sa double acception

temporelle et spatiale. Toutefois, de nombreux historiens de l’art, principalement allemands,

accorderont donc la plus grande importance au clair-obscur en tant que „temporalisation du

fond“26. Au-delà, ou en deçà, se pose la question de l’effet produit par l’environnement spatial

des figures et les connotations associées à ses composants : ainsi de l’eau qui coule suscitant

l’idée de continuité, ou la tempête comme évocation de la plus haute intensité – d’un temps du

sublime (Marin 1990) ; ou bien encore l’inscription du temps de cheminement des rois mages

par la scansion des replis de terrain (Brock 1996)27.

Temporalités cycliques

On connaît l’importance, dans la pensée antique, du modèle cyclique : il apparaît à ce titre

dans les représentations visuelles des temps modernes. La première modalité, à l’échelle des

motifs, est la métamorphose. Celle-ci joue à plusieurs niveaux. Le premier est le devenir d’un

être ; le deuxième est la référence implicite à un état précoce du développement de

l’humanité – nous sommes dans une pensée de l’origine28. Là aussi, il apparaît nécessaire de

rendre compte du cas dans lequel il y a multiplicité d’éléments : la métamorphose doit alors

s’entendre de l’un à l’autre, ce que l’on a pu, à l’instar de G. Careri, gloser en parlant de

« montage » en référence au « montage des attractions » cher à S. Eisenstein29. La

thématisation du cycle se fait d’ailleurs à bien d’autres échelles, supérieures à celle du motif.

On pourra ainsi mentionner les heures du jour, les mois, les saisons, les âges de la vie, jusqu’à

une inscription dans une histoire du monde avec les « âges » de celui-ci, de l’âge d’or à l’âge

de fer30. Les travaux de M. Bakhtine, dans les années 1980, époque de leur traduction en

français, ont joué sur ce point un rôle considérable31.

25 P Philippot in Philippot 2005, p. 94 : « La perspective ne bloque nullement le temps. Bien au contraire, elle le mesure, le rythme par la scansion qu’elle impose à la profondeur infinie, ramenée aux limites du plan d’intersection ». 26 „Verzeitlichung des Grundes“. Cf. Dittmann 1977, p. 103 : „Die Helldunkelphase des 17. Jahrhunderts kann dabei als Verzeitlichung des Grundes begriffen werden“. Cf. Également Messerer 1964 ; Spinner 1971. 27 « Le secret de la peinture ou la postérité de Parrhasios : recherches sur l’art italien du moyen âge tardif et de la Renaissance », thèse d’Etat non publiée, Paris, EHESS, 1996 28Cf. L. Barkan, The Gods made Flesh: Metamorphosis and the Pursuit of Paganism, New Haen et Londres, 1986 ; C. Heselhaus, „Metamorphose-Dichtungen und Metamorphose-Anschauungen“, Euphorion, XLVII, 1953, p. 121-146. 29 G. Careri, Envols d’amour. Le Bernin : montage des arts et dévotion baroque, Paris,1990. 30 Goodich 1989

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Ces différentes évocations combinent l’évocation du temps linéaire humain au temps

cyclique de la nature, mais s’enrichissent également, au fur et à mesure, de ce qui relève de

l’accidentel : soit au travers de l’évocation des formes habituelles de dégradation – c’est la

question de la ruine, si importante en Occident – soit par l’évocation de ce qui marque le

caractère éphémère des choses, comme la représentation des nuages 32. L’aboutissement de

tout cela est l’inscription dans la représentation d’une immobilité traductrice de l’éternité:

dans le contexte de domination de la religion chrétienne en Occident, cette dimension est

évidemment particulièrement importante, qu’elle soit directement évoquée par le fond doré, la

bidimensionnalité ostentatoire, la facialité des figures33. On pourra alors opposer, comme P.

-Chew S.C., The Pilgrimage of Life, réf ; (Renaissance, personnification, allégorie, morale, temporalité, iconographie, justice) -Panafieu Hélène de, « Les âges de la vie dans lapeinture et l’estampes occidentales des XVIe et XVIIe siècles », Bulletin archéologique,CTHS, 2002, fasc. 29, p. 43-79 (temporalité, jeunesse, vieillesse) iconographie de la vieillesse cf la Vecchia de Giorgione : Cf au XVIIe : La seconde nature ou l’abondance de l’art admirable de la noble peinture en la cration de nouvelle chose,, 1644, Saint-Aignan parson abandonce elle fait encore d’avantage en ses emblesmes, enigmes et hiéroglykes, nous montrant ce qu ne se peut voir que par la belle peinture, les siècles, les Ans, les Mois, les Jours, les Nuits, les Heures, les moments, lesAges, les hommes ? , la Vie, la Mort, le Printemps, ... = ie intéressant la question du temps, mais dans le cadre de la diversité des objets ie universalité -pour le cosmos : *cosmos *temps du monde Cf L. de Vinci : ie tout ce qui relève de l’histoire du monde : ie du vieillissement ; = ouvre aux effets qui peuvent être les plus extrêmes, cf today les travaux sur les cataclysmes, etc. : ie l’inscription dans une histoire du monde connue comme telle cf cosmos Pour les saisons, par exemple : *saison -Suchtelen Ariane van, Holland frozen in time. The Dutch winter Landscape in the Golden Age, Zwolle, 2001 (saison, hiver, glace, froid) Cf. pour les moments de la journée : -logique des « parties »: cf Bourdon in Jouin 122 sq présentant ses deux conf antérieure: « les observations qu’elles renferment étaient partagées en six parties » 123 ie lumière, composition, trait, expression, couleur et harmonie: fait des descriptions des différents moments de la journée ie constitue de sortes de tableaux idéaux (quoique appui sur Bril). Pour l’époque moderne, on peut penser aux séries de Monet, ainsi les Meules de foin 31 M. Bakhtine, L’Oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, trad. fr. Paris, 1970 32 -études nuages Cozens, Constable, Boudin, etc. *ruines -certains aspects privilégiés : *occasion -Mirimonde, AP.P. de, « Les allégories politiques de « l’Occcasion » de Frans Francken II », GBA, 1966, p. 129-144 (temporalité) *Hasard -Wittkower R. "Chance, Time and Virtue", Journal of the Warburg and Courtaulds Institute, 1, n° 4, (1938), pp. 313-321 (temps, temporalité) 33 -Perpeet W. « Von der Zeitlosigkeit der Kunst », Jahrbuch für Asthetik und Allgemeine Kunstwissenschaft, n°1, 1951, p. 1-28

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Philippot, la « durée humaine », « un devenir qui est aspiration à l’intersubjectivité » et « un

idéal intemporel de beauté »34. La forme extrême est la disparition de la dimension

temporelle dans l’évocation de l’atemporel. Dans le champ des arts visuels, il est fortement

associé à l’idée de l’infini35, mais aussi à la question du sublime comme arrêt de l’écoulement

temporel36.

Au travers de ces différents genres interviennent des types de production de sens qui

concernent directement le temps : il s’agit, au premier chef, de l’allégorie. Celle-ci correspond

à une interrogation du temps sur un registre qui en nie la spécificité, puisque l’allégorie

présente les objets dont elle rend compte sub specie aeternitatis. L’iconographie du temps –

nous préférons, pour notre part, parler de thématisation puisque cela inclut une possible

dimension narrative – a fait l’objet d’un certain nombre d’études, qui invite à l’articuler avec

la question générale du temps vécu37. On rejoint ainsi une méditation générale sur le temps

qui déborde fortement les arts visuels : il s’agit au contraire de confrontations avec le texte.

Elle peut cependant apparaître de telle manière qu’elle rend compte du sentiment pur de

passage du temps38. On aurait également intérêt à travailler sur le rapport entre point temporel

et durée dans un type d’objet jouant statutairement sur les diverses modalités du « temps

long » : le « monument »39.

34 100 35 Cf. P. Schneider 36 Cf B. Saint-Girons 37 Cf wittkower 1938 ; -Paris, 2000, L’Empire du Temps. Mythes et créations, Paris, musée du Louvre, 10 avril-10 juillet 2000 (cat. exp. Sous la dir. d’Annie Caubet, Patrick Pouysségur, Louis-Antoine Prat) -Cardinal -Mythologies du Temps (le temps des origiesn ; la course des astres ; celndriers et zosiaques ; les Saisons et les Heures ; le cycle de mort et de renaissance ; les âges de l’humanité ; les âges de la vie et la destinée de l’homme ; le Temps personiié ; les symboles de finitude ; proverbes et leçons 38 Cf. le *passage du temps -Panofsky E., « Et in arcadia ego: on the conception of transience in Poussin and Watteau », in Philosophy and History. Essays presented to E. Cassirer, New York & Londres,, 1963 (temporalité, mort, utopie) = surtout bien noter l’opposition qui se définit d’elle-même entre le temps donné ie celui de la nature, le « c’est ainsi » et tout ce que l’action humaine peut / au temps -accélération -densification Et leurs opposés : 39 Respectivement p. 184 et p. 189. de la réflexion propose des définitions différentes – et il est impossible sur ce point d’établir une différenciation nette entre l’historien d’art et le théoricien : ainsi W. Messerer qualifie ce moment rechercher de « monumentaliserte – besser : der in sich monumentale Moment », le seul qui permette de déterminer un « wahre Zeit »

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Enfin, au-delà de l’œuvre unique, l’histoire de l’art en Occident propose de nombreuses

représentations qui n’ont de sens qu’en rapport avec d’autres : l’écart spatial existant entre les

éléments d’un programme décoratif a pour corrélat l’établissement d’une relation temporelle

entre les composants40. Il en va ainsi des divers éléments d’un retable41, mais surtout des

séries, soit qu’elles se fondent explicitement sur une temporalité, comme le cycle des saisons,

des heures de la journée ou de divers états météorologiques, comme ceux que traduisent les

Meules ou les Cathédrales de Rouen de Monet42, soit qu’au contraire elles semblent suspendre

cette temporalité, comme dans le cas de séries d’hommes illustres, ou dans les « saintes

conversations ». Il est très étonnant par exemple de constater la pauvreté des études sur les

pendants43. Les installations contemporaines jouent évidemment de la rencontre entre diverses

temporalités, sans qu’on puisse faire le départ entre ce qui relève d’une temporalité interne et

de l’ « historicité » des différents composants (cf. infra).

Une temporalité externe ? Le temps et le spectateur

Le temps du spectateur

On sait la place qu’occupe aujourd’hui dans l’historiographie l’étrange figure du

spectateur44. La prise en considération de celui-ci traverse l’histoire de la théorie de l’art, au

moins depuis Alberti : il est à la fois un œil et un statut social ; il devrait être également une

temporalité, puisque tout rapport à l’œuvre d’art induit un certain temps passé devant ou avec

celle-ci, qu’il existe, selon la formule de F. Schmalenbach, des « sentiments du temps devant

les œuvres »45. Le problème est que la subjectivité même qu’il s’agit de dire constitue un

obstacle majeur : comment construire un discours du temps singulier ? On a pu pourtant

consacrer au thème une section du 30e congrès international d’histoire de l’art (2000)46. L.

40 Cf. Koering 41 Cf. Polyptyques. Le tableau multiple du moyen âge au vingtième siècle, Paris, musée du Louvre, 27 mars-23 juillet 1990. 42 Barbara Wittmann, « Le temps retrouvé : Claude Monets Getreideschober zwischen « impression un nachträglichkeit », in K. Gludovatz etc. p. 211-226 43 Réf ou supprimer 44 Cf. au premier chef W. Kemp. 45 Schmalenbach F., « Zeitgefühle vor Bildern », in Studien über Malerei und Malereigeschichte, Berlin, 1972, p. 59-64. 46 D’où des tentatives comme celles d’ A. Roessler-Friedenthal & J. Nathan (dir.), The enduring instant: time and the spectator in the visual arts,; a section of the XXXth International Congress for the History of Art, Londres, Berlin, Mann, 2003 (temporalité, temps)

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Dittmann propose de parler d’un « temps adéquat pour la perception et la compréhension

d’une œuvre d’art », qui s’oppose à des « structures temporelles implicites dans les formes de

mouvement et les relations établies entre les actions »47. Mais plus que sa définition c’est le

caractère changeant d’une telle entité qui intéresse, sa dimension historique, telle que mise au

point notamment par W. Kemp48.

Ordre du tableau, ordre du regard

La question la plus immédiatement sensible pour l’historien de l’art, dans le contexte de

domination du modèle narratif évoqué précédemment, est la question du parcours de l’œil sur

l’œuvre – simple décalque de la linéarité du rapport à l’œuvre qu’offre la littérature49. Rares

sont les historiens de l’art qui, à l’instar de K. Badt, prennent le risque de le définir50. Il

apparaît en effet évident qu’on ne peut parler sur ce point que d’interaction entre l’œuvre et le

spectateur. Ce lien a été conçu selon des modalités différentes selon les époques : encore faut-

il nettement différencier le discours de la pratique. Pour la seconde, on aurait tendance à

utiliser les outils définis par notre période ; mais l’on peut considérer comme important de

connaître les approches contemporaines en ce qu’elles sont susceptibles de fournir un cadre

tant pour la conception que pour la réception de l’œuvre.

La temporalité de la contemplation intervient dans les textes théoriques de l’époque

moderne dans la distinction opérée entre différents types de regard porté sur l’œuvre : ainsi de

Ie de 2000 = très forte orientation autour de la question de la reception : Cf J. Sherman, « Donatello, the Spectator and the Shared Moment », p. 53-69 Manifestation : “(..) manifestation is no more and no less than placing before the eyes, making evident, trading in stasis for the momentary, marking and yet preserving the passage of time” 47 -cf Dittmann in Piel, Frierich & Traeger, Jorg (dir.), Festschrift Wolfgang Braunfels, Tübingen, 1977 -le temps de la contemplation ie ma temporalité externe qu’il dénommme ainsi : « Die für das adäquate Wahrnehmen und Verstehen eines Bildkunstwerks erforderliche Zeit » cf l’activité de l’oeil: ie constamment en mouvement -temporalité interne dans mon langage : dans le sien : « Die in den bildlich dargestellten Bewegungsformen und Handlungszusammenhängen implizierten Zeitstrukturen“: p. 94 48 Les ouvrages 49 Cf. A.L. Yarbus, Eye Movements and Vision, New York, 1967. 50 -pb du parcours du regard : = avec comme enjeu simple et principal le fait qu’on accepte ou non l’idée d’un cheminement privilégié : ie la thèse de K. Badt, cf son analyse de L’allégorie de la peinture de Vermeer:

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la célèbre distinction proposée par Poussin, l’ « aspect » et le « prospect ». En elle-même, la

distinction est avant tout spatiale : le « prospect » est cet « office de raison » qui vérifie la

bonne prise en considération des effets de distance tels que définis par l’œuvre elle-même.

Cependant, l’existence même d’une différenciation des modes de contemplation porte avec

elle l’idée d’un passage, d’une modification. Celle-ci s’ancre fortement sur la distinction si

importante en Occident entre illiterati et literati, qui fonde sur le long cours la légitimation des

clercs ; Félibien, lui, parle des « ignorants » et des « savants »51. Un regard savant, analytique,

va au-delà de l’affect auquel reste attaché l’homme du commun52 : un grand basculement est

ainsi défini, qui fait passer de l’effet à la cause, de la passivité sensible à l’activité de

compréhension. Plus profondément encore il s’agit de l’opposition entre le corps et l’esprit,

les clercs seuls accédant au second niveau – en l’occurrence l’importance du sujet et pas

seulement les plaisirs octroyés aux sens par les caractéristiques plastiques de l’oeuvre53. D’un

point de vue temporel, cela signifie un mouvement dans l’espace, qui fait passer d’une vision

globale et à distance à une étude rapprochée, prenant en considération ce que l’on nomme à

l’époque les différentes « parties », par exemple l’usage de la couleur ou celle de la

perspective54. Une conséquence de cette « professionnalisation » de l’étude de l’œuvre est la

nécessaire prise en compte d’un possible état de saturation : on peut voir l’œuvre trop

longtemps55. De fait, il est pris en considération un spectateur qui est à la fois corps et esprit :

51 -reprise par de Piles (contrôler, pê dans Teyssèdre): pp. 88-89: « On voit par expérience, que ce Tableau produittout l’effet qu’on peut en attendre: car personne ne le regarde attentivement qu’il ne soit frappé d’horreur, e qu’il ne descende, pour ainsi dire, tout vivant dans les enfers. Les ignorans, sans y penser, en font l’éloge aussi bien que les plus savans Connoisseurs, les premiers en détournant les yeux, après l’avoir regardé quelque tems, parce qu’ils n’en peuvent souffrir l’effet terrible, & qu’il leur semble effectivement voir de véritables damnéz; et les savans, en changeant aussi-tost cette terreur en admiration, & en s’extasiant, pour ainsi parler, à la veuë de cet Ouvrage incomparable, après en avoir examiné chaque partie, et l’eeffet du Tout-ensemble » = texte très important par de nombreux aspects, à retravailler 52 Félibien; « Tous s’approchèrent pour le considérer (le tableau) plus exactement, et tous jugèrent que la chose n’était point dessinée comme le particulier s’imaginait de la voir »: première conf Félibien, donner réf. précise 53 Félibien, Entretiens, II, 157: « J’avoue, repartis-je, que la plus grande satisfaction qu’on puisse recevoir en considérant un Tableau, c’est qu’au mesme temps que les yeux voient avec joye le beau mélange des couleurs, et l’artifice du pinceau, l’esprit apprenne quelque chose de nouveau dans l’invention du sujet, et dans la fidèle représentation de l’action que le Peintre a prétendu faire voir » 54 -un exemple XVIIe d’utilisation correcte de « l’ut pictura poesis », De Piles, Dissertation sur la vie des plus fameux peintres, 1681, p. 65: « La Peinture n’est point faite pour estre veuë de près, non plus que la Poësie: Ut Pictura Poësis erit; quae, /Si proprius stes, / Te capiet magis; et quaedam, / Si longius abstes; et il suffit que les Tableaux fassent leur effet du lieu d’où on les regarde, si ce n’est que les Connnoisseurs, après les avoir veus d’une distance raisonnable, veuillent s’en approcher en suite pour en voir l’artifice: car il n’y a point de Tableau qui ne doive avoir son point de distance, d’où il doit être regardé 55

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il peut être « fatigué » par l’image proposée56. Un « principe du moindre effort » régit la

perception : selon Desportes, « Les hommes ne peuvent penser attentivement qu’à une seule

chose à la fois », ce qui fonde l’unité d’action non pas sur des principes cognitifs, mais bien

selon une logique perceptive57.

La conséquence, très importante pour la temporalité du rapport à l’œuvre, est que le rapport

à celle-ci ne peut pas être conçu selon le seul régime de l’action volontaire. La victoire de

ceux que l’on va appeler les « rubénistes » signifie principalement l’acceptation d’une

temporalité définie par l’œuvre elle-même et que de Piles définira dans son Cours de peinture

par principes (1708) en termes d’attraction58. D’où l’intérêt pour les processus spontanés nés

des caractéristiques plastiques et qui déterminent d’eux-mêmes les modalités de

contemplation, parmi lesquelles l’ « ordonnance » ou, plus proche du vocabulaire employé

pour les événements publics, l’ « ordre » du tableau59.

*saturation : il peut y avoir excès : cf Félibien, 3e entretien, t. I, p. 61-62 : « Ayant cessé de parler, nous demeurâmes encore quelque temps à considérer ce palais [les Tuileries], sans rien dire. Enfin Pymandre se 62 tournatn tout d’un coup vers moi, me dit : C’est trop longteps regarder ces belles choses, qui ont cela de commun avec la lumière, qu’enfin on en demeure éblouï » = c’est tout à fait important, puisque inscrit le rapport à l’œuvre dans une temporalité humaine ; ie des capacités limitées à apprécier ou non 56 *unité : lié à structure pensée homme -TE temporalité externe et tout-ensemble cf Desportes in Fontaine 63: « ... les grains dispersés ayant chacun leur lumière et leur ombre fatigueraient la vue en la divisant » cf la « fameuse grappe de raisin du Titien » d’où nécessité de l’ »intelligence du clair-obscur »: chez ceux qui ne l’ont pas 64 « il y a toujours dans le tout ensemble une froideur, une espèce d’insipidité qui n’invite point le spectateur à venir admirer. L’intérieur du bâtiment est beau, mais la façade ne donne pas le désir d’y rentrer » = maussi des « raisons philosophiques et frappantes tirées de la nature même de l’homme, de l’analogie des sens et de l’uniformité des principes des autres parties de la peinture » 64 57 : « De là vient la règle établie de l’unité d’action dans les pièces de théâtre et que le peintre doit observer dans ses compositions. Les yeux du corps, comme ceux de l’esprit, ne veulent point de distraction ni de partage, et ne voient avec plaisir un tableau que quand le tout ensemble forme une espèce d’unité d’objet. 65 A l’égard de l’analogie des sens, je ne parlerai que de ceux de la vue et de l’ouie. Si plusieurs personnes parlent séparément ou chantent différents airs dans un même lieu, il est certain qu’on ne sait auquel entendre et qu’on n’entend reellement rien. Si l’on jette les yeux sur une praire émaillée de mille et mille fleurs, il est sûr qu’on n’en distingue précisément aucune, et qu’on ne voit qu’une masse brillante, mais confuse » 65 (= cela signifie qu’il faut consacrer une partie très importante à une sorte de présent absolu, celui de la confusion, simultanément spatiale et temporelle. 58 T. Puttfarken, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven & Londres, 1985. *attraction : ie c’est ainsi que se définit le cheminement dans le tableau, celui qui est impossible à déterminer : La version « statique » en est le fameux phénomène d’ »appel » qu’a bien étudié T. Puttfarken chez R. de Piles 59 -temporalité et attraction

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Approches cognitives

C’est peut-être justement parce que la dynamique propre à l’œuvre d’art visuel fixe, celle à

laquelle nous nous intéressons ici, est considérée comme d’autant plus efficace qu’elle

apparaît clandestinement qu’elle n’est thématisée qu’à une date finalement récente : au cours

du troisième tiers du XIXe siècle, qui voit l’essor de la psychologie scientifique. C’est alors

l’essor de la réflexion sur la notion de rythme. Selon l’efficace formule de M. Gubser, „les

oeuvres d’art sont considérés, dans une telle approche, comme la réalisation continuelle d’un

effet de contig/nuité“60. Elle prendra sa forme populaire au travers de la diffusion des théories

de la Gestalt à partir des années 1920 (même si les premières formulations datent de la fin du

XIXe siècle) et comportent leur versant temporel61. De fait, c’est la plus ou moins grande

vitesse de réaction aux impulsions proposées qui sert de critère à la définition de la « bonne

forme » (ainsi la localisation à la périphérie, correspondant à la loi de clôture, au centre – loi

du centre- correspondant à un patron fixe – loi du rythme).

L’histoire de l’art du temps reprend ce questionnement, comme en témoigne la controverse

sur l’étude du rythme dans l’oeuvre de Dürer proposée par Kaufmann et reprise par

Panofsky62, reprise par L. Dittmann en 197763. Le grand apport de Panofsky est de déterminer

cf Champaigne le neveu à propos des pélerins d’Emmaüs du Titien, 3 octobre 1676, Fontaine 128-129: « En effet la figure du Christ ne laisse pas d’avancer autant qu’il est nécessaire, attirant la vue sur elle comme étant l’objet principal de tout cet ouvrage » -Champaigne le neveu sur la Madeleine du Guide, 11 avril 1677, Font 139: ...le tableau qui sort de la main du peintre doit être un tout et que ce tout est l’objet de la vue; il doit lui être proportionné et l’attirer aisément et sans lui faire aucune peine » -cf le fameux passage de de Piles Cours ; Un exemple de : « C’est l’ordre » etc. -Félibien, Tapisseries du roi, où sont représentez les quatre élémens et les quatre saisons, Paris, 1670, est. -FONDAMENTAL: l’articulation entre l’ordre au sens de composition, disposition, etc et l’ordre temporel cf p. 16: « Et parce que dans chaque pièce de Tapisserie, qui représente un des Elémens, on veut observer le même ordre et la même conduite que dans celle qui figure l’Elément du Feu, on a aussi mis dans la bordure d’en bas de celle dont je parle, ces paroles en lettres d’or.: ie le cartel en bas au centre, « Ludovicus XIIII » etc 60 Gubser 197 : « Art works became the sites of a ceaseless enactment of contig/nuity” 61 Diffusées en France notamment par P. Guillaume, La Psychologie de la forme, Paris, 1937. 62 *rythme ie comme question fondamentale : -Panofsky-Panofsky E., « Albrecht Dürers rhythmische Kunst », Jahrbuch für Kunstwissenschart, 1926, p. 136-192 (rythme, temporalité, haméthode, hahistoriographie) Cf in Dittmann in Piel, Frierich & Traeger, Jorg (dir.), Festschrift Wolfgang Braunfels, Tübingen, 1977 : le débat entre Hans Kauffmann et Erwin Panofsky : -Kaufffmann : Albrecht Dürers rhythmische Kunst, Leipzig, 1924 -réponse de panofsky dans le Jahrbich Fîr Kinstwisssenschaft,en 1926 : faire : le rythme est pour Panfosky „eine stetige Ordnung optischer oder akustischer Eindrücke in der Zeit“ p. 136-137 est « eune Beweung in Verhältnissen, die ein Aufhören der Bewegung mit sich bringen“ = définition de Hans Hermann Russack dans „Der Begriff der Rhythmus bei den deutschen Kunsthistorikern der 19. Jahrhunderts“, Diss. Leipzig; Weida in Thüringen 1910, p. 38

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une logique de la complexité, en évoquant des „couches“ rythmiques diverses (lignes,

couleurs, clair-obscur) susceptible de permettre une confrontation avec la dimension

temporelle issu du mouvement représenté. Il y a en effet la possibilité d’une réintroduction de

la dimension narrative, en ce que le mouvement ressenti sur le plan des formes peut prendre la

signification d’une temporalité autre celle que l’action – un temps différent, celui du divin par

exemple, ou de la nature. On a alors intérêt à prendre en considération le caractère

anisotropique de l’espace, notamment l’orientation dominante droite-gauche, le rapport entre

le haut et le bas, le dedans et le dedans, l’avant et l’arrière : toutes déterminations spatiales

qui, dans la mesure où elles participent de la création spontanée de séquences (en Occident,

on regarde plutôt au début sur la gauche) tendent à instaurer un ordre temporel. Il va de soi

que le développement de l’art abstrait, qui fait disparaître la référence à la narration et à sa

temporalité propre, ne fait qu’accentuer le phénomène. Par ailleurs, la démarche d’E.

Gombrich illustre la persistance d’un intérêt pour la prise en considération des lois

psychophysiologiques de la perception (lois de la clôture, du rythme, du centre)64 . Il en va

ainsi pour la peinture mais de façon encore plus évidente pour la sculpture, avec la question

de la multiplicité des points de vue ; il en va de plus en plus souvent ainsi pour l’architecture –

la diffusion de la notion de « promenade architecturale », initiée par Le Corbusier, semble

-pour Kauffmann : les groupes de figures chez Dûrer sont relités entre eux par une rhmique ie un mouvement qui afffect e l’ensemble de la représentaton : -mais la différence entre P & K est la suivante : pour K il s’agit de mouvements correspondant à différentes phases d’un même mouvement -pour P plusieurs mouvements différents, mais en accord entre eux -P fait référence à la thépoerie du mouvement d’Aristoxenos : ie que le mieux est de représenter le mouvement soit à un point d’arrêt ou encore mieux à un point de changement : ie Haltepunkt/Wendepunkt ie eremiai : ie ntoamment à propos du tableau de tous les saints de 1511 par Dürer , du KHM de Vienne ie un Wölfflin : « Eine rastlos flutende Bewegung und doch im Ganzen eine feierliche Stille -avec utilisation de la coucleur pour définir les rythmes ie au sein du jeu entre les trois couches ie « Schichten » de relation :s formes, clair-obscur, couleur : ie / en rapport avec les lignes de fuite, etc. mais aussi tensions entre les pôles chromatiques ie du rouge au bleu : -Hager W., « Über den Rhythmus in der Kunst », in Studium Generale, Jg. 2 Heft 3, Heidelberg, 1949, p. 154-160 (rythme, temporalité, Haméthode) -Dittmann L., « Probleme der Bildrythmik », Zeitschrift für Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft, XXIX/2, 1984, p. 192-213 -Kuhn R. Komposition und Rhythmus. Beiträge zur Neubegründung einer historischen Kompositionlehre, Berlin-NY, 1979 (1980) (composition, rythme, temporalité, esthétique) -Sauvanet, Michel, = sur le rythme (temporalité) 63 Réf Dittmann rythme 64 Cf. The sense of order ; mais aussi Kanisza, etc.

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avoir joué un rôle décisif. Les historiens de l’architecture retrouvent dans les traités des

périodes antérieures l’intérêt porté au point de vue en déplacement à l’extérieur et à l’intérieur

de l’espace bâti65. A l’époque moderne tout du moins, il ne s’agit d’ailleurs pas seulement

d’un déplacement dans l’espace : on lui associe la découverte qui se fait peu à peu de certains

traits de l’architecture, selon le processus d’attraction évoqué à propos des arts visuels.66. On

notera que dans ce cas l’on passe d’un temps de déambulation à un temps de contemplation.

« S’arrêter à considérer » quelque chose, selon la formule de J.-F. Félibien, c’est voir non pas

65 -notamment pour *architecture : ie la question de la circulation des regards, particulièrement stratégique : voir ce que je peux retrouver par Dubourg-Glatigny -Lipp, Wilfried, « Von der Zeitlichkeit des Zeitlosen : Pflegefall Moderne », Kunsthistoriker, 1999-2000, vol. 15-16, p. 89-93 (sur architecture dans espace-temps accélrée 66 = ATTENTION JEAN FRANCOIS FELIBIEN !!!! -Description de l’Eglise royale des Invalides, Paris, 1702 = donc inutilisable !!!! ou utilisable avec précaution « Plus on regarde les ornements du dôme, et plus on est surpris de leur beauté et de leur richesse » 39 p. 43: « Très peu de personnes s’arresteront à considérer la disposition des ornements d’architecture de l’elglise des invalides, qui seule néantmoins peut servir à faire voir avec facilité la elle ordonnance et le travail excellent de toues les parties d’un édifice si somptueux. Le grand autel comme la partie la plus sainte du temple, et en mesme temps la plus ornée; attire en entrant tous les regards. On ne les destourne d’aucun costé jusqu’à ce qu’on soit arrivé sous le dôme; Mais / p. 44 alors les différentes veues et le nouveaux embelissements qu’on découvre de toutes parts, et plus que le reste les riches ornements du haut du grand sanctuaire, et aussi la hauteur extraordinaire du dôme, ostent à l’esprit toute la liverté qu’il faudoit pour considérer avec ordre tout ce que l’on voit d’esclatant dans des lieux si vastes, et qui impriment tout à la fois tant de surprise et tant de respect . Les yeux attirez par une inifinté d’objets, s’élèvent insensiblement, é s’attachen tbien-tost à considérer les peintures qui ornent le sanctuaire et le dôme » = bien noter que c’est lorsqu’on expérimente ce trouble de la perception que la dimension temporelle reapparaît: -noter aussi que ce passage tr_s important porte sur l’architecture: ie qu’elle semble mieux permettre la prise en compte d’un rapport personnel, donc d’une évocation de la figure d du spectateur, qui fin id par se traduire temporellement -quand on revient à la peinture ie celle qui décore le grand Sanctuaire, on retrouve ordre ie d’abord description de ta Trinité ; p. 47 « Après avoir attentivement considéré dans le plus haut du sancturaire l’image du mystère de l’adorable trintité, qui est le fondement rrpincipal de la religion /p. 48 chrestienne; l’on doit encore regarder avec attention les peintures qui remplissent un espace fort estendu et une palce très distinguée au dessus de lagrande arcade par où l’on descouvre tout le choeur des Invalides » -lié à dimension spirituelle et notamment le mouvement de « ravissement » de l’âme dans contexte religieux : ie une évolution temporelle/progression spatiale qui traduit ce qui doit se passer dans l’être -réapparition de la dimension temporelle lorsqu’on sorte de la description de l’oeuvre elle-même ie paradoxalement: p. 81: « Il n’y a personne qui ne se sente comme ravi hors de soy en regardant à la fois du milieu du dôme toutes les peintures que nous venons de décrire » = lié à l’idée du mouvement ie notamment ascensionnel: ie le tout constitue un même sujet d’adoration pour toutes ces figures « qui portez par des nuages semblent s’élever de toutes parts et quitter la terre pour aller habiter le ciel » p. 81 -valorisaiton de la dimesnion temporelle ie hsitorique c 108: « Il est à rporpos, ce me semble, de considérer les autres tableaux de cette chapelle suivant l’ordre chronologique des duvers événements de la vie de saint Ambroise qu’on y a représenterz; quoy que le peintre ne se soit pas assujetti de les placer tous, par rapport à cet ordres; mais selon les avantages qu’i a avoulu tirer des jours différetsns et des diverses formes et grandeurs de quelque de ces mesmes tableaux »

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tant en mouvement qu’en arrêtant le mouvement67. On retrouve ici la formulation du rapport

à l’œuvre d’art selon l’ordre du temps dans les écrits de R. de Piles : « La véritable Peinture

est donc celle qui nous appelle (pour ainsi dire) en nous surprenant: et ce n'est que par la force

de l'effet qu'elle produit que nous ne pouvons nous empêcher d'en approcher, comme si elle

avait quelque chose à nous dire »68. En d’autres termes, pour reprendre la distinction proposée

par G. Deleuze, le temps apparaît quand le mouvement disparaît. Ou, plus précisément, la

durée. Celle-ci apparaît dès lors comme la modalité la plus évidente du temps partagé : de

fait, on glisse aisément de la durée en tant que telle, en référence à une valeur aspectuelle du

temps, à la question de l’accord, qu’évoque le terme allemand, par ailleurs intraduisible, de

Stimmung : il s’agit d’un accord, d’une harmonie qui vaut simultanément à l’intérieur de

l’œuvre et dans les rapports entre l’œuvre et le spectateur, l’un ou l’une suscitant l’autre.

Les travaux actuels dans la perspective des sciences cognitives doivent également pouvoir

être utilisés un jour par les historiens de l’art. On ne peut que se réjouir des rapprochements

entre les disciplines opérés dans diverses institutions69. Il faut prendre en considération la

manière dont l’image se stabilise au travers du processus d’accommodation ; comment la

perception s’amenuise du fait du processus d’accoutumance. Concernent directement les

historiens de l’art les notions de « saillance » et de « nouveauté » utilisées pour rendre compte

respectivement d’une différenciation perceptive et d’une différenciation cognitive : on parle

de « sélection tardive » ou de « sélection précoce »70, la première se faisant avant tout sur le

plan psychophysiologique, la seconde correspondant aux processus les plus complexes

comme l’écriture. Une telle approche est tout particulièrement bienvenue pour un art

occidental fortement marqué par la question de la tradition, donc la référence à des

productions antérieures, mais aussi, en ce qui concerne les figures, par la « notoriété » : il est

généralement considéré comme souhaitable que les motif soient aisément identifiables, tant

67 -attirer/arrêter : ie modèle de la circulation (mondaine ?) : « s’arrêter à considérer » p. 113: « Il est difficile de marquer tout l’art que le peintre a employé dans l’exécutun de ce sujet, et de toutes les autres peintures de la mesme chapelle.(..). Mais qui ne s’arrestera pas surtout à considérer avec quel art et quelle force de pinceau, saint Ambroise est représenté au lit de la mort dans le sixième tableau, placé entre les deux fenestres audessus de l’autel ? » -l’arrêt devant chef d’oeuvre -le passage à la technique -la temporalité par arrêt (ie par opposition au continuum non limité) 68 Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, 1708, rééd. Paris, 1989, p. 8. 69 Ainsi au Collège de France entre Alain Berthoz et Roland Recht, à l’Ecole normale supérieure entre historiens de l’art et philosophes au sein du séminaire « art et cognition ». 70 Tiberghien, p. 29.

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sur un plan cognitif que visuel. Les historiens de l’art doivent également repérer le processus

par lequel un certain nombre de motifs sont pris simultanément en considération (l’ « empan

de « conscience » de W. James) et conservés à l’esprit par la mémoire immédiate, en jouant

ou non sur la persistance rétinienne. La dimension qualitative de ce temps a depuis longtemps

été prise en considération : au XVIIIe siècle déjà, Hemsterhuis indexait la qualité de l’œuvre à

l’équation : le maximum d’ « idées » dans le minimum de temps71. De fait, cela peut

correspondre à des modalités propres aux différentes périodes artistiques : on a pu aborder en

termes temporels la perspective albertienne72, mais aussi le « rococo », pour mettre en avant le

régime de fugacité des impressions que ses productions privilégient73.

La question majeure est la possibilité de déterminer l’importance relative des différents

niveaux : le jeu propre des déterminations psychophysiologiques fondamentales ; la

dimension cognitive liée aux motifs évoqués ; la part propre à la personnalité de chaque

spectateur. Il va de soi que la réponse est négative : que l’on ne peut que repérer un certain

nombre de traits qui sont susceptibles de déterminer une posture particulière de la part du

spectateur ; que, par ailleurs, l’on doit tenter de définir les cadres génériques –

anthropologiques, sociologiques, esthétiques – au sein desquels se définit le comportement

singulier du spectateur.

Approche anthropologique

L’approche peut tout d’abord être anthropologique, à l’instar de celle de K. Pomian qui,

lorsqu’il évoque le « temps du regard », évoque sous ce terme l’intérêt purement esthétique

qui se serait peu à peu imposé en Occident dans le rapport aux productions plastiques – d’où

la création de lieux spécialisés, les musées74. Elle affleure dans le succès récent de

71 rréf 72 -Frangenberg, Thomas, „The Image and the moving eye, Jean Pèlerin (Viator) to Guildobaldo del Monte“, JWCI, vol. XLIX, 1986, p. 150-171 (oeil, mouvement, psychophysiologie de la perception) 73 Vergoossen, Manuel, Zeitstrukturen und Zeitmotive im französischen Rokoko, Aachen 1996, Dresde 2001 (temps, temporalité, narration, récit) -Sherman C. « Passing symmetry : space and Time in Eighteenth-Century aesthetics », Stanford French Review, 3 , 1979, pp. 223-33 (espace, temps, temporalité, esthétique, symétrie, asymétrie, composition) -Perkins M.L., Diderot and time-space continuum : his philosophy, aesthetics and politics, SVEC, 1982 (espace, temporalité, continuité) 74 -Pomian K., « Le temps du regard », Cahiers du Mnam, 1992, n° 42, hiver, p. 49-61 (temporalité) : ie un certain type de regard : sur les œuvres ie esthétique, au sein du musée (logique sémiphore) ; ie le pb de ce qui est art

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l’opposition entre glance et gaze en anglais, le regard rapide et le regard prolongé75 : mais le

dernier terme est vite récupéré dans une perspective culturaliste où il correspond très peu à un

processus optique et beaucoup à une dimension cognitive liée aux caractéristiques de

l’individu concerné. De fait, on est allé rapidement au-delà du schéma proposé par E.

Gombrich et marquant le caractère culturel des modes de vision, pour en arriver à une

détermination par l’identité76. La sociologie de la temporalité de la contemplation de l’œuvre

n’est guère avancée : à notre connaissance, il n’y a guère que les travaux de P. Bourdieu dans

L’Amour de l’art pour mesurer le temps passé devant les œuvres, à l’échelle toutefois de la

visite d’un musée77.

Temporalités de l’attention

La question de l’attention est approchée, dans le contexte de l’art de l’âge moderne, selon

une modalité qualitative qui opère une hiérarchisation dans l’œuvre. Le trait majeur en est la

distinction entre l’action principale et les « circonstances »78, distinction qui se structure

temporellement par la nécessité de faire en sorte que la première soit perçue avant les

secondes. On parlera d’ailleurs de « naissance » pour décrire le processus par lequel les motifs

secondaires finissent par être perçus79. Mais c’est seulement avec A. Riegl que la notion

d’attention prend toute son importance. Dans le Portrait de groupe hollandais80 , l’auteur

repère deux modalités, la nécessité dans certains cas de passer du temps avant de découvrir un

motif, ou bien la transformation qui s’effectue dans la perception en fonction de la durée de

75 Réf ie biblio sur le “gaze”. 76 -Gombrich E.H., « Standards of Truth ; The Arrested Image and the Moving Eye », in The Image and the Eye, ... Oxford, Phaidon, 1982 (vérité ; image immobile, mouvement de l’oeil, optique, psychologie de la perception) -une référence sur le gaze 77 réf 78 -Champaigne sur Eliezer et Rebecca 7 janvier 1668 Jouin 87 sq. : résumé pour commencer ie éloge de Poussin puis imp table puis thèse: le génie compte plus que les règles de l’art, néanmoins présentation de « trois ou quatre règles générales et importantes » - »représenter l’action principale du sujet avec tant d’art, qu’elle soit distinguée sans peine des circonstances qui l’accompagnent »: ie c’est le cas ici, « l’oeil s’attachoit d’abord aux principales figures de l’histoire » 79 -Cela correspond à l’ensemble des modes de circulation dans l’œuvre induits par celle-ci : Les motifs naissent sous l’œil du spectateur Cf Paillet, conférence : « Et comme ces groupes sont composez de plusieurs figures et que celles de devant constituent une partie de celles qui sont derrière, il observera (le peintre) que les parties des figures de derrière naissent agréablement sans donner de peine à l’oeil, ny qu’elles se confondent l’une pour l’autre » p. 15 = important ie accord entre ordre de la perception, établi par elle, et ordre de la raison 80 réf

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contemplation du même motif, transformation qui se fait le plus souvent dans le sens de

l’approfondissement de la relation avec la figure représentée et donc avec l’œuvre toute

entière81. Riegl est particulièrement attentif au fait que le subjectivisme qui se développe dans

le corpus étudié tend à rejoindre la sensibilité moderne qui privilégie les « phénomènes

fortuits, fugaces, saisis par un sujet à un moment donné »82. J. Crary, il y a peu, a su donner

un ancrage social et politique à la question de l’attention83. Elle invite à prendre en

considération le fait que l’œuvre se donne plus ou moins aisément dans sa complexité

singulière. On rejoint alors la perspective importante ouverte par D. Arasse au travers de sa

notion de « détail »84. Mais elle permet de prendre également en considération les

phénomènes d’usure liés à l’accoutumance. L’approche cognitiviste parle de « saillance » liée

au degré d’ « attente », le terme, et c’est toute sa richesse, devant être pris dans sa double

acception temporelle et cognitive. L’enjeu en est un plaisir pris à l’œuvre selon le degré de

facilité avec lequel les différents éléments rentrent en rapport les uns avec les autres85. Il faut

y ajouter le principe de non-pertinence (le motif n’a pas de rapport avec ce que l’on s’attend à

81Respectivement, introduction de la dimension temporelle de la contemplation : ie le temps nécessaire pour percevoir les johannites (Prém13) et 3e partie : l règne dans ce tableau un silence tel que l’on croirait entendre les paroles tomber goutte à goutte. Plus il regarde longtemps, et moins le sujet regardant peut se soustraire à la tension intérieure qui fait vibrer ces quatre âmes et se communique à lui. -comme exemple d’un usage raisonné : Prém14 : « Observons maintenant un portrait italien du XVe siècle, comme celui - exemple très classique, il est vrai - du cardinal Francesco Gonzaga peint par Mantegna dans la Chambre des époux de Mantoue, avec son regard émouvant, ses globes oculaires et ses lèvres où la sensualité affleure, et son effet immédiat sur le spectateur qui, sous le coup de l’impression sensuelle suscitée par l’objet, s’oublie entièrement, tout sujet qu’il est ; et comparons ce portrait à nos Johannites, qui regardent autour d’eux sans prétention, mais pleins d’une vie intérieure, le regard tout autant tourné vers l’intérieur que vers l’extérieur, de sorte que l’on ne perçoit même pas l’œil matériel, tridimensionnel, ces hospitaliers qui ne peuvent véritablement être compris dans leur sens et leur signification intimes que par un sujet regardant auquel on laisse le temps de s’y retrouver lui-même : on ne peut alors plus se méprendre sur le caractère profond du portrait néerlandais » = évidemment en pas reprendre cette trop longue citation, mais c’est la question de la motivation du choix du terme : on voit bien ici que c’est dans le contexte d’une disparition du spectateur en tant que sujet face à la figure de Mantegna qu’apparaît le « betrachtende Subjekt » dans le contexte hollandais, où là il est vraiment lui-même « auquel on laisse le temps de s’y retrouver lui-même » (« sich darin selbst wiederzufinden ») 82 prem27 : sse différemment autour des épaules, etc. Une telle recherche de variété est bien entendu de nature subjectiviste, qui induit déjà ce que notre goût moderne exige : des phénomènes fortuits, fugaces, saisis par un sujet à un moment donné. A83 ie bien «von einem Subjekt in einem Zeitmomente erhaschte Erscheinungen » : surtout bien souligner erhaschen cf happer, etc. : pour animaux; qq chose de violent dans la saisie; vaut évidmment pour temporalité également 83 Réf. ; Jean Paul Mialet, l’attention, Paris, 1999 . Cf. aussi -McGregor W., « Le Portrait de gentilhomme de Largillière : un exercice d’attention », Revue de l’art, n° 100, 1993-3, pp. 29-43 84 Réf. 85 cf le Riegl des stilfragen Iversen 63 : puisque beauté lié àau degré de faciltié avec les quels les différents éléments rentent en rapport les uns ave c les atures : ie dimension temporelle, plus ou moins rapide ; = cf l’homme à la théorie du temps ie sculptrue : dans coll. ENSBA

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trouver)86. La logique de la découverte de l’œuvre, donc d’un processus qui s’inscrit dans le

temps, a pour conséquence de privilégier ce qui est le plus aisé à percevoir87 : d’où l’emploi

de termes comme « repos » pour qualifier des parties du tableau dans lesquelles l’œil n’est pas

ou peu sollicité88. A l’opposé, on trouve trace de l’inscription d’un rapport sensible à l’œuvre,

qui se modifie au fur et à mesure de la durée de contemplation89.

Ne plus croire à l’image, ne plus voir le mouvement

Avec cette prise en considération du spectateur actif, c’est bien la question d’une adéquation

entre le mode d’appréhension de l’œuvre et les caractères de celle-ci qui est posée. On rejoint

ici les fondements du questionnement le plus célèbre concernant la temporalité dans les arts

visuels fixes, le propos de G.E. Lessing dans son Laokoon (1766)90. On sait que l’auteur dénie

à ces arts la capacité à rendre contact compte du mouvement. Une telle condamnation repose

sur le fait que l’œuvre est matériellement immobile et qu’il y a donc contradiction avec l’idée 86 Nous considérons pour notre part que ce phénomène de « neutralisation », dont l’envers est la « motivation », si l’on reprend une terminologie chère aux formalistes russes du début du siècle, est l’un des principes fondamentaux de la représentation figurative. 87 *facilité *repérage : Paillet, 2e conf : « Il fera bien voir les positions des figures pour ne pas donner la peine au spectateur de la chercher » 88 *repos Paillet, conférence : -avec la prise en compte de la temporalité propre au regard, sur le registre de l’effort physique, de l’ennui, etc ie d’une dimension quasi-physiologique: = d’où l’importante notion de « repos »: « J’appellerai cette ombre le repos de la veue, qui après s’estre occupée à voir ce qui est clair, trouve enfin dans les ombres ce repos, qui doit estre dans touttes les compositions, sans quoy elles ne font nul effet. » p. 16 89 *émotion : *affetti , etc. Ie on est dans une logique affective : -Champaigne le neveu sur la Madelien du Guide 11 avril 1677 Font 137: « Il serait difficile de la considérer quelque temps avec attention sans être touché soi-mêmede l’amour tout divin dont elle paraît pénétrée. » 90 G.E. Lessing, Laokoon, trad. Courtin, rééd. Paris, 1990. -McClain J., « Time in the visual arts. Lessing and modern criticism », JAAC, vol. XIV, n° 1, p. 41-58 (temporalité, temps) -Wellbery D.E., Lessing's Laokoon. Semiotics and Aesthetics in the Age of Reason, Cambridge, 1984. (esthétique, paragone, mouvement) +Clement Greenberg, towards a new Laocoon -Helsdingen H.W. van, « Laokoon in the seventeenth century », Simiolus, X, 1979, p. 127-141 (laocoon, théorie art, mouvement) “Le peintre ne peut que laisser deviner le mouvement, mais en fait ses figures sont immobiles » (p. 151) ; Or ce déplaisir a directement à voir avec la question du temps: certains motifs ne supportent pas d'être contemplés longtemps. Ils "prennent, en raison de la durée que leur impose l'art, un aspect contre nature, de sorte que, chaque fois que nous les regardons, l'impression s'affaiblit un peu plus et qu'enfin l'objet ne nous inspire qu'aversion ou répugnance. La Mettrie, qui s'est fait peindre en Démocrite, ne rit que la première fois qu'on le voit" (p. 56).

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même de mouvement. Il ne s’agit pas de nier celui-ci en tant que mode privilégié de la

« visualisation » du temps : on le voit ainsi, mais on ne l’accepte pas, parce qu’une sensibilité

intégrale au temps fait que celui-ci n’est pas vu dans la représentation mais vécu face à

l’artefact qu’est le tableau. La logique habituelle correspond à la conception du mouvement

selon Zénon, pourtant considérée comme paradoxale : à chaque moment la flèche en

mouvement est immobile, et c’est bien ce qui se passe dans les arts visuels fixes. Or il

apparaît qu’une telle conception a été remise en cause, au long de l’histoire de l’art européen.

On peut ainsi suivre la fortune critique du « guerrier de Polygnote », ce soldat dont Pline

l’Ancien, dans son Histoire naturelle91, dit qu’on ne sait s’il monte ou s’il descend de l’échelle

où il est placé : elle est évoquée à diverses reprises durant l’époque moderne, parmi ce qu’on

nommera, avec Diderot, des « figures amphibologiques »92. En ce qui concerne la critique de

la représentation du mouvement elle-même, nous la faisons pour notre part remonter à la fin

du XVIIe siècle avec l’œuvre de Saint-Réal93. La thèse est reprise tout au long du XVIIIe

siècle94 ; elle s’associe à l’autre source importante que constitue un texte de Shaftesbury95.

Dans les deux cas la condamnation se fonde sur un rapport « sympathique » à l’œuvre qui

requiert une adéquation entre le temps de la représentation et le temps de l’artefact.

Le processus créatif entre temporalité et causalité

Il faut introduire ici, dans ces jeux sur les différents niveaux d’aperception du temps dans

la représentation, ce qui concerne l’attention au processus créatif. Celui-ci n’est pas visible en

tant que tel : on n’en voit que le résultat, mais la pratique des artistes peut être telle qu’elle

donne à ressentir plus encore qu’à voir l’idée même de processus. La formulation d’une

91 réf 92 Cf. nos Figures de la pesanteur : Pomponius Gauricus, etc. 93 Saint-Réal, Césarion, in Oeuvres, Paris, 1745, t. I, p. 441 : Je ne sçais si personne n’a jamais senti la même peine que moi, en considérant ces sortes de peintures: mais il me semble toujours, que les figures doivent se remuer; et l’attitude agissante, où elles sont représentées, tout immobiles qu’elles sont en effet, enferme une espèce de contradiction dont mon imagination ne sçauroit s’empêcher d’être blessée» 94 Abbé J.-B. Le Blanc, Lettre sur l’exposition des ouvrages de peinture et de sculpture de l’année 1747, et sur l’utilité générale de ces sortes d’expositions, Paris, 1747 : vérifier : C’est dans cette acception que le terme « instant » est employé par exemple par l’abbé Le Blanc : « c’est cette hardiesse qui ont les peintres de représenter des actions qui n’ont qu’un instant dans la nature, & que par conséquent on ne peut pas considérer longtemps avec plaisir (...) ». "Le sujet historique dont M. Greuze a fait choix pour son tableau de réception à l'Académie nous rappelle ce passage de l'abbé de Saint-Réal: "Il serait mieux de peindre, dit cet écrivain, des histoires dont le point essentiel consistât dans un état de repos, que le pinceau peut représenter parfaitement et dans lesquelles il y a eu quelques instants où toutes les personnes entre qui elles se sont passées, ont vraisemblablement été immobiles" (L'Avant-Coureur, 1769, Del. IX, pp. 393-394). Watelet C.-H. et Lévêque P.-C., Dictionnaire des Beaux-Arts, Paris, 1788-92. 95 cf A. Cooper, comte de Shaftesbury, « Idée du Tableau historique du Jugement d’Hercule d’après Prodicus », in Oeuvres, Genève, 1769, t. III, vérifier pages

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correspondance idéale entre l’attitude du producteur, du récepteur et du modèle se trouve dans

la phrase de Nanteuil rapportée par D. Tempesti : « Les portraits doivent être censés faits en

un instant, puisqu’ils ne représentent qu’un instant, et qu’on les juge en un instant »96. Une

telle approche rend particulièrement sensible au jeu sur les différentes stades de la création :

on la trouve dès l’Antiquité dans l’usage de l’imparfait accompagnant la signature de

l’artiste97 ; elle revient par intervalles dans la réflexion sur l’inachevé, ainsi Michel-Ange ou

au travers du succès de la notion de fragment dans la tradition romantique98. Le deuxième

point concerne le rapport établi entre la temporalité de la production et la temporalité de la

réception. Pline l’Ancien évoque de manière positive ce Nicomaque qui peignait vite et

bien99. A l’opposé, Félibien considère que le tableau fait trop rapidement produit un effet

intense au premier contact mais qui ne dure pas100. La question importante ici est celle de

l’ennui, la durée désagréable – ce contre quoi on doit avant tout lutter au sein d’une culture de

cour, de laquelle l’œuvre d’art visuel participe dès la Renaissance. C’est peut-être ce qui

fonde le succès du dessin, puis de l’esquisse sous ses diverses formes (modelli, bozzetti,

ricordi, etc.). On doit également associer la réflexion sur la question de la vitesse dans

l’exécution, qui fonde la sprezzatura, cette „nonchalance feinte“ que le spectateur ressent et

qu’une facture trop précise empêche d’atteindre101. Il en va ainsi en architecture lorsqu’on

laisse apparentes les conséquences des différentes phases102.

96 « Maximes et réflexions de R. Nanteuil sur la peinture », publié par Charles Loriquet dans son Robert Nanteuil, sa vie et son œuvre,Reims, 1886, p. 72 = 97 Cf le lieu commun from Pline, retrouver du « faciebat » : repris par Scudéry : -in Scudéry, éd. 1991 p.12, on cite l’avis au lecteur de La Mort de César LIRE PRECISEMENT: Ne t’imagine donc pas de voir un tableau fini, puisque j’écris à tous ceux qui partent de ma main, SCUDERY FAISAIT CETTE PEINTURE; et non jamais A FAIT »: 98 -Grassi L., "I concetti di schizzo, abbozzo, macchia, "non finito" et la costruzione dell'opera d'arte" in Studi in onore di Pietro Silva, Florence 1957, p. 101 ; -Schmoll J.A. gen Eisenwerth (dir.à, Das Unvollendete als künstlerische Form, Berne & Münich, 1959 ; A. Chastel, « Le fragmentaire, l’hybride et l’inachevé », in Fables, formes, figures, Paris, Flammarion, 1978, II, p. 33-50 ; E. Rothstein, « ‘Ideal Presence ‘ and the ‘Non finito’ in Eighteenth-Century Aesthetics », Eighteenth-Century Studies, 9, 1976, pp.. 307-332. 99 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, xxxiv. 100 cf Félibien, Entretiens, II, 198: « Ce n’est pas que je veuille dire que les Peintres se doivent laisser emporter à la violence de leur premier feu. Car comme les grands efforts ne durent quelquefois qu’un moment, on voit aussi qu’encore que les Tableaux que se sont faits avec furie ayent je ne scay quoy de plaisant, et qui surprend d’abord; néanmoins lorsqu’on vient à les examiner, on s’en lasse bientôt; parce qu’on reconnaît que toutes les choses y estant faites et mises au hazard, et sans jugement, il n’y pas tant de beauté qu’on s’estoit imaginé » 101 *facture : ie la temporalité de : cf la touche apparente, etc. = avec étroite relation il semble avec degré de précision dans restitution :

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27

La mise au jour, ou le fait de laisser visible le processus de création pose la question très

importante du lien entre temporalité et causalité : en effet, ce qui est ici ressenti, c’est celui

d’une succession de moments qui sont autant de causes de l’état terminal qu’on appelle

l’œuvre. Dans ce vaste registre de la cause, une dimension a toujours été privilégiée depuis la

Poétique d’Aristote : l’intentionnalité. Dans le célèbre passage opposant le trait aux couleurs,

notons bien que le philosophe évoque celles-ci en tant qu’elles sont disposées au hasard103.

L’approche génétique de l’œuvre, qui fait florès en littérature depuis des décennies et qui ne

fait guère que naître en histoire des arts visuels, notamment du fait de la séparation des

compétences entre spécialistes du dessin et de la peinture, pourra faire évoluer la situation.

Mais l’on doit également prendre en considération le lien entre causalité et temporalité dans

l’œuvre elle-même : en effet, l’action représentée, dans la peinture narrative, peut être

associée à ce qui simultanément la précède et la cause.

Le temps et l’image mentale

Tout ce que l’on vient d’évoquer repose sur un effet de présence à l’œuvre. Or il apparaît

très important de prendre en considération ce qui correspond somme toute à la situation la

plus fréquente, eu égard au caractère « autographique », pour reprendre le terme forgé par N.

Goodman, de l’œuvre d’art visuel : celle dans laquelle le spectateur n’est pas devant l’œuvre,

mais a une image mentale de l’œuvre. L’on pourrait dire que dans un tel contexte la question

de la temporalité ne se pose pas, puisque l’œuvre apparaît comme constamment disponible.

Or elle s’y manifeste au moins de deux manières. La première correspond au fait que dans la

-intégrer dans temporalité la question du « *fini » ; ie cf conf Champaigne le neveu, sur la saison de l’été du poussin, sous le voile de l’histoirede Ruth supllant Booz se pouvoir glaner dans son champs , 2 mai 1671: Fontaine 123: « ... comme cette entente générale est la plus noble partie et la plus importante, elle demande de s’y appliquer continuellement de toutes ses forces et avec plus de soin. Or il est évident que, finissant extrêmement les parties, l’on détourne l’esprit par de longs arrêts, l’empêchant un grand temps de s’appliquer au plus essentiel et à ce que la peinture a de plus grand et de plus magnifique en elle »: ie bien introduire la notion de gestion du temps ie des contretemps, de ce qui retient, etc: voir s’il existe une réflexion sur l’attention comme une sorte de capital etc ( à ce propos absolument rechercher l’article sur Largillière et la question de l’attention) = l’important ie pê restituer : se situe à la frontière entre ce que crée l’artiste et ce que perçoit le spectateur : ie vraiment le plus important que cette relation : on est dans ce qui est ressenti de la façon la plus intime 102 *processus réalisation oeuvre *genèse (attention, autre sens) Cf Gludovatz, notamment pour architecture : www.ornementaleentwerfen.de: der Versuch, die Momente im Prozess festzuhalten, in Gludovatz, p. 141-152 103 Réf. A propos

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référence mentale à l’œuvre la question de la temporalité externe ne se pose plus, puisque l’on

se situe hors de l’expérience vécue. On comprend dès lors l’intérêt du rapprochement entre le

développement de l’œuvre d’art visuel en Occident et l’art de la mémoire tel que l’ont fait

revivre F. Yates, L. Bolzoni ou M. Carruthers104. Il y a celle qui correspond à la conservation

de l’image mentale de l’œuvre, telle qu’étudiée par G. Boehm105. La seconde approche est

d’ordre phénoménologique, toujours si importante en France dans le champ de l’esthétique.

Le « triangle phénoménologique », qui associe l’horizontale du temps qui s’écoule à la

plongée qui se fait peu à peu dans le passé, apparaît très proche de ce qu’une certaine

esthétique tend à privilégier dans le rapport à l’œuvre : ou opposition entre le temps de

l’existence et le temps de l’être – ce que M. Ribon nomme « temps horizontal » et « temps

vertical »106. Une telle opposition ne peut être prise en charge par l’historien de l’art sans

fortement limiter son champ d’investigation, les deux dimensions étant fortement associées à

une subjectivité impossible à restituer dans un énoncé à valeur générale. Mais elle a

évidemment l’intérêt d’associer l’étude à un rapport à l’œuvre qui excède fortement celle-ci,

qui oblige à poser son inscription dans un imaginaire personnel, en passant par les images

mentales, les souvenirs, puis tout ce que la psychanalyse peut prendre en charge. En outre,

elle situe le présent de l’appréhension de l’œuvre dans une double tension, entre rétention et

protention, regard mental tourné vers un passé récent ou un futur imminent.

La conséquence d’une telle temporalisation du regard est le privilège accordé à ce qui

permet de définir une relation d’homologie entre la posture du spectateur et celle des figures

représentées: la durée, dont on a dit plus haut, lorsqu’on l’a abordée du côté des motifs,

104 réf 105 -Boehm, Gottfried, “Mnemosyne – Zur Kategorie des erinnernden Sehens”, in G. Boehm (dir.), Modernität und Tradition. Festschrift für Max Imdahl, Munich, 1985, p. 37-57 = important parce que pose la question de savoir comment on conserve l’image en tête ; lié à parcours de l’œil sur l’ 106 *esthétique -Ribon -Ribon Michel, L’Art et l’Or du temps : essai sur l’art et le temps, Paris, 1997 (temporalité) = les deux axes : -temps horizontal ie celui du devenir humain : ie regret déception,remords, souci déception 17 : « L’art naît de cette volonté d’affrotner le temps horizontal, notre blessure intime : non pour le refuser mais pour le domestiquer et le transcender » : -temps vertical « un temps qui ne s’écoule plus vers la mort et dontle présent ne meurt plus dans le passé, mais un temps qui jaillit dans la plénitude d’un présent qui fait de l’œuvre, non eulement un événement, mais aussi un avènement » 17 = présent de l’art aux deux sens du terme : « l’Instant suspendu et son Offrande » L’art comme « sensation-révélation » 18 Epiphanie/révélation

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qu’elle était le lieu d’une possible fusion entre l’œuvre et le spectateur. En effet, la mise en

exergue de la figure du spectateur ne s’établit pas du côté de la prise en considération de

l’ensemble des formes du temps interne : on a ainsi pu parler d’une « durée interne » à

laquelle participent certains traits plastiques107. Une version dramatisée, qui a l’avantage de

prendre en considération la fausse disponibilité de l’image dans l’espace et le temps, qu’elle

se traduise par l’invitation à partager une image mentale ou bien à regarder une reproduction

de l’œuvre, est celle proposée par Adrian Stokes, l’un des rares esthéticiens à placer au centre

de sa réflexion le manque à l’œuvre – à l’œuvre en tant que présence, le souvenir de l’œuvre

connue en contexte (en l’occurrence en Italie) étant la mesure même d’un deuil sous-jacent au

temps présent108. Dans tous les cas, il y a articulation entre plusieurs temporalités : celle de

l’œuvre, celle du sujet qui la contemple, celle enfin, collective, au sein de laquelle l’œuvre

d’une part, l’individu d’autre part s’insèrent : c’est la question du temps historique, celle qui

sans doute fait aujourd’hui l’objet des plus grandes manifestations d’intérêt.

L’oeuvre et le temps historique

Le questionnement ouvert ici porte de fait avant tout sur la copule : quel type de relation

peut exister entre l’œuvre dans sa singularité et une histoire conçue comme devenir de

l’humanité ? La relation est basée sur le rôle fondamental que joue, en Occident, la doctrine

de l’imitation. On sait que celle-ci est double : imitation de la réalité, imitation des chefs-

d’œuvre de la tradition. La première dimension a pour conséquence la valorisation de la

représentation des événements de l’histoire, notamment à partir de la Renaissance. L’œuvre

peut alors devenir illustration, ou document. Approche de plus en plus contestée, même si elle

demeure parfois présente chez les historiens, ainsi dans l’actuelle réflexion sur l’histoire des

arts dans l’enseignement primaire et secondaire. Les radicales critiques de P. Francastel,

affirmant que l’œuvre d’art produit certains traits dominants de sa période autant qu’elle est

produite par ceux-ci, restent d’actualité109.

De fait, c’est au cœur même de la notion d’histoire de l’art que se trouvent les antinomies

les plus marquées. On a pu souligner avec raison le coup de force que constitue la notion

même, puisque passe ainsi comme une sorte d’évidence le fait qu’il y ait art et que celui-ci ait 107 *durée intérieure : ie rejoint la question de la contemplation -Huyghe René, “La Couleur et l’Expression de la Durée intérieure en Occident”, in Adolf Portmann & Rudolf Ritsema, « Welt der Farben », Eranos Jahrbuch, 1972, 47, p. 217-263 (temporalité) 108 Cf. notamment The Quattro Cento & Stones of Rimini, Aldershot, Ashgate, 2002. 109 réf

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une histoire110 ; qu’il y ait superposition entre d’une part l’idée de l’existence d’une histoire

générale (le devenir de l’humanité) au sein de laquelle se trouve incluse celle de l’art, d’autre

part celle d’une historicité propre au monde de l’art, c’est-à-dire d’un effet de consécution au

sein même de la production artistique. Que le temps historique soit une construction culturelle

est maintenant une évidence111 : qu’en est-il du temps de cette production artistique, lors

même que l’œuvre, dans sa présence singulière ici et maintenant, semble inviter à une

approche située hors du temps : celle que l’on appelle critique, ou esthétique ?

La première dimension caractéristique de la culture occidentale est tout d’abord la

constitution d’une historicité : les travaux de F. Hartog et de R. Koselleck notamment sont

bien connus : ils ont permis, chacun à leur manière, d’être conscients des « régimes

d’historicité » variables qu’ont connus les différentes époques112. La période moderne se

singularise de ce point de vue par la constitution, dans divers domaines du savoir, d’une

historicité comprise comme le devenir de diverses réalités superposées : l’homme, mais aussi

le monde naturel – et l’artiste est invité à prendre en considération cette dimension113. Il s’agit

là d’un point de vue extérieur décrivant des phénomènes globaux. De nouvelles approches

invitent à s’intéresser à l’histoire de la perception du temps, à la manière dont celui-ci est

vécu114. Le temps technique, celui de la montre, de la pendule ou de l’horloge, est désormais

110 Cf. ainsi G. Didi-Huberman, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Minuit, 2000. 111 = sans doute placer : -John Landes, le temps qu’il fait, etc. -K. Pomian L’ordre du temps -Whitrow G.J., Time in History : the Evoltuion of Our genral Awareness of Time and Temporal perspective, NY, 1988 (temps, temporalité) -Brandon S.G.F., Time and Mankind : an Historical and Philosophical Study of Mankind’s Attitude to the Penomena of Change, Londres, 1951 (temps, historiographie, temporalité) -Baker J.T., An Historical and Critical Examination of English Space and Time Theories from Henry More to Bishop Berkeley, Bronxville, 1930 (espace, temps, angletere) -Lewis P.W., Time and Western Man, lieu 1957 (temps, temporalité, occident) -Lippincott, Kristen et al., The Story of time, Londres, Merrell Holberton& National Maritime Museum, 1999 (histoire du temps, temporalité -Raulff, Ulrich, Der unsichtbare Augenblick : Zeitkonzepte in der Geschichte, Göttingen, Wallstein-Verlag, 2000 (temps, temporalité) -Günther H., Le Temps de l’histoire, Paris, 1996 (historiographie) -Schmitt J.-C., « Le temps comme paramètre et comme objet de l’histoire, » in coll. Le frontiere del tempo, avril 1980, Milan 1981, préciser (temporalité, historiographie) 112 Hartog et Koselleck 113 -Meyer H., The Age of the World. A Chapter in the History of Enlightenment, Allentown (Pa), 1951 114 -Piétri C., Dagron G., Le Goff J., Le Temps chrétien de la fin de l’Antiquité et au Moyen Âge, IIIe-XIIIe siècles, Paris, 1984 (temporalité)

-Ribemont B. (dir.), Le Temps, sa mesure et sa perception au Moyen Âge, Orléans, 1991 (temporalité)

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bien étudié, avec le corrélat que constitue la décoration symbolique qui lui est

traditionnellement associée115. Les historiens se font fort de reconstituer la perception

contemporaine du temps. Les historiens de l’art les rencontrent lorsqu’il s’agit de s’intéresser

aux modes d’évocation directe du temps partagé, selon des régimes qui apparaissent différents

selon les périodes : il en va ainsi de l’étude des représentations des heures, des mois, des

saisons, des signes du zodiaque, etc.116. On doit lui associer un temps social, pris évidemment

en charge par les sociologues, basé notamment sur le rythme des activités statutaires117.

Certains historiens de l’art ont tenté de définir le régime temporel caractéristique des

œuvres d’une période donnée – ainsi P. Philippot pour la fin du Moyen âge, dans lequel il voit

le développement d’une intériorité nouvelle du sujet, une « densité nouvelle de la durée : une

intériorité subjective » ; la conséquence en étant que « plus s’affirme le réalisme, plus l’image

s’immobilise dans la durée »118. Il apparaît nécessaire de tenir compte du changement

qualitatif qui advient, notamment si l’on prend en considération la question de la vitesse119.

On a pu également définir l’art du XVIIIe français comme une « esthétique du moment », ou

mesurer l’impact de la pensée du temps selon Bergson à la fin du XIXe siècle120.

-Lorcin M.-T., « Le temps chez les humbles, passé, présent et futur dans les testaments foréziesn (1300-1450) », Revue historique, n° 566, avril-juin 1988, p. 313-336 (temporalité)-Roche Daniel, « L’Espace et le Temps urbains au XVIIIe siècle. Le témoignage d’un artisan parisien », in Pouvoir, ville et société en Europe 1650-1750, colloque d’oct. 1981, actes réunis par G. Livet et B. Vogler, Paris, 1983, pp. 615-27 115 *chronologie -Briatore L., Cronologia e techniche della misura del tempo, Florence, 1976 (chronologie, temps, mesure du temps) -Pomian K., L’Ordre du Temps, Paris, 1984 (temporalité, histoire, historiographie) -Conrad-Martius H., Die Zeit, Munich, 1954 (temporalité) -Landes J., L'Heure qu'il est, les horloges, la mesure du temps et la formation du monde moderne, trad. fr., Paris, 1987 (temporalité) -Duncan D.E., Le Temps compté, le temps conté. La grande aventure de la mesure du temps, Paris, 1999 -Hubert M.-C., Construire le temps. Normes et usages chronologiques du Moyen âge à l’époque contemporaine, Paris, 2000 (temporalité), 24,40 euros -Maurice K., Die französische Pendule des 18. Jahrhunderts. Ein Beitrag zu ihrer Ikonologie, Berlin, 1967 (temporalité, temps, ) 116 -Baltimore, 1988, Time sanctified. The Book of Hours in medieval art and life, The Walters Art Gallery, 23 avril-17 juillet 1988 (moyen âge, temps) -Time in the medieval world. Occupations of the months and signs of the zodiac in the Inex of Christian Artn Princeton Univisty, 2007 117 -Elias N., Le Temps, trad. fr. Paris, 1999 (temporalité) 118 Réf, p. 91. 119 -Studeny C., L’Invention de la vitesse. France, XVIIIe-Xxe siècle, Paris, 1995 (temps, territoire national ; transport) -l’autre livre sur la vitesse 120

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Temporalité de l’histoire interne de l’art : la question du modèle, du style, de la période

La temporalité est ici celle créée par le découpage opérée par les historiens de l’art, ou du

moins les écrivains sur les arts contemporains des œuvres. L’essor important de

l’historiographie de l’histoire de l’art a permis de mieux connaître la manière dont se met en

place un discours qui s’organise de manière spatiale (le « campanilisme » joue un rôle majeur)

mais aussi chronologique et dont l’archétype est la périodisation proposée par G. Vasari dans

ses Vies121. On aura donc des stades de développement qui font passer des primi lumi à

l’époque contemporaine – pour Vasari, celle de Michel-Ange. A cette approche linéaire doit

être associée l’intérêt porté par les historiographes à certaines périodes ou plutôt à la manière

dont on constitue un laps de temps donné en tant que période : ainsi de la question des

« primitifs »122. De manière plus large, c’est la question de la périodisation qui fait

aujourd’hui question123 : elle est d’autant plus importante qu’elle est utilisée, de manière plus

ou moins explicite, dans une conception de l’histoire de l’art basée sur la prise en

considération des conditions de réception, qu’il s’agisse de la notion d’ « horizon d’attente »

philosophie : = certains auteurs privilégiés : -Antliff, Mark, Inventing Bergson. Cultural Politics and the Parisian avant-garde, Princeton, 1993 -ainsi pour la notion d’instant : Ou à certaines périodes -Kavanagh Thomas M., Esthetics of the moment : literature and art in the French Enlightenment, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1996(temporalité) 121 J. von Schlosser, 122 Ie pour Italie, retrouver, Previtali je crois ; F.R. Martin pour today 123 -Ferguson W.K., La Renaissance dans la pensée historique, Paris, 1950 ; -Van der Pot J.N.J., De Periodisering der geschidenis : Een Overzicht der theorien, La Haye, 1951 ; -Boas G., « Historical Periods », JAAC, XI, 1953, p. 248 (périodisation) ; -Kamlah S. « ‘Zeitalter’ überhaupt « Neuzeit » und Frühneuzeit’ « in Saeculum, vol. 8, 1957, 326 (périodisation,) ; -Gumbrecht H.U ; (dir), Epochenschwellen und Epochenstrukturen im Diskurs der Literatur- und Sprachhistorie, Francfort/Main, 1985 (périodisation) ; -Vierhaus Rudolf (dir.), Frühe Neuzeit –Frühe Moderne ? Forschungen zur Vielschichtigkeit von Übergangprozessen, Göttingen, 1992 (historiographie, périodisation, progrès

-+ mon article : « La Renaissance à l’ombre des Lumières » : pour l’histoire de l’art : cf Previtali G., « Die Periodisierung der italienischen Kunstgeschichte », Italienische Kunst. Eine neue sicht auf ihtre Geschichte, 2 vol. Berlin, 1987, t. II, p. 107-195 (hahistoriographie, périodisation) ie trad. La périodisation dans l’art italien, 1979, trad. fr. Paris, 1996 -Diller H. & Schalk F., Studien zur Periodisierung und zum Epochebegriff, Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaftlichen Klasse, année 1972, n° 4, pp. 141-176

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chère à l’Ecole de Constance ou bien du « period eye » défini par M. Baxandall124. La notion

de périodisation tend de fait à revenir sitôt que l’on fait jouer un principe de contemporanéité

qui, même s’il a mauvaise presse, reste prégnant dans les faits : il est bien difficile de ne pas

considérer des témoignages contemporains comme révélateur d’un certain état de la société

ou de l’œuvre à étudier ; une reprise trop rapide de la notion foucaldienne d’episteme est le

dernier avatar de ce qui somme toute est appelé par le désir de l’historien de classer, donc de

définir des sous-ensembles. C’est là où l’ouvrage classique de G. Kubler, Formes du temps,

constitue encore un repère fondamental125. Son problème est avant tout celui de la

diffusion des modèles et une interrogation de la validité de la notion de style : il l’oblige à

s’intéresser aux liens entre l’original et les copies, à la disparition et au retour des modèles, à

la circulation de ceux-ci entre le centre et la périphérie126. A ce titre, directement ou via

l’œuvre de son disciple D. Summers, il permet de rendre compte de la mondialisation actuelle

et des effets de différenciation qui concernent également la conception du temps127.

Le temps et la tradition

124 Pour ce dernier cf. -Langdale A., « Aspects of the critical reception and intellectual history of Baxandall’s concept of the period eye », Art History, 1998, vol. 21, n° 4, décembre, p. 479-497 (optique, mentalités, périodisation, œil, réception, histoire des idées, hahistoriographie) 125 The Shape of Time. Remarks on the history of things, New Haven, 1962. Trad. fr Paris, 1973. -Patocka Jan, L’Art et le temps, trad. fr. Erika Abrams, Paris, POL, 1990 (temporalité) -Kubler G., Formes du temps. Remarques sur l’histoire des choses, trad. fr. Paris, 1973 (1962) (temporalité) cf The Shape of Time. Remarks on the history of things, New Haven & Londres, 1962 (haméthodologie) -Kubler George, « Formes du temps réexaminé », Artibus et historiae, n° 4, 1981 = à rapprocher de ce que fait Kosellack ie les régimes eux-mêmes historicsés de la construction du schème historique : Avec jeu -anciens/moderns -cf la manière dont Koselleck décrit modernité ie Neuzeit : ie temps modernes : «cité par Vergoossen note 12 p. 10 : from « Das achtezehnte Jahrhundert als Beginn der Neuzeit » in Reinhart Herzog & R. Koselleck (dir). Epochenwelle & Epochenbewusstsein, Munich, 1987, p ; 280-281 : ie -« Die Dynamiseirung und Verzeitlichungder Erfahrungswelt ; die offene Zukunft, die planend anzugehen unsere Aufgabe bleibt, ohne die Wege der Geschichte voraussehen zu können -Arnheim reposant Paul Weiss ie bilogiste : unité des objets ie stabilité ; cf l’ensemble des contraintes qui s’exrecent sru lui -ie dynamique dans l’immobilité: cf la graphie : Cf l’op art Contrapposto, etc. -les types de composition : triangulaire, spirale, ellipse, cf Léonard ; 126 : ie circulation des œuvres ; temporalité différenciée : retard, avance, etc. Cf J. Onians et la world art history -DaCosta Kaufman Thomas & Pilliod Elisabeth (dir.), Time & Space. The Geohistory of Art , Aldershot, Ashgate (espace, temps, temporalité, géographie, topographie) 127 D. Summers, -Summers, David, Real Spaces. World Art History and the Rise of Western Modernism, Londres, Phaidon, 2003.

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A cette organisation temporelle du devenir de l’art, qui se fait avant tout à l’échelle des

artistes, doit être associée une autre qui, cette fois, concerne celle des œuvres : elle est induite

par l’importance, durant la période moderne, de la référence aux modèles. En ce qui concerne

les artistes eux-mêmes, on a pu étudier la prise en considération d’une temporalité

consécutive à l’importance que revêt en Occident –en France, jusqu’à la disparition du prix de

Rome, pourrait-on dire- la référence à l’antique et la récurrence des controverses entre

Anciens et Modernes128. Mais il faut également noter l’essor de la notion d’ « originalité »,

qui sous-entend une référence aux productions antérieures129. On peut également reprendre la

question du style, de la pratique caractéristique d’un individu, d’un groupe ou d’une période

en repérant certaines caractéristiques temporelles130, en l’enrichissant de tous les phénomènes

qui caractérise le rapport au temps à une époque donnée : de « revival », d’historicisme au

XIXe siècle, de « modernité » au XXe131. Sur ce dernier point la question est particulièrement

importante parce que le temps y apparaît, suite aux nouveaux acquis de la science moderne,

comme la « quatrième dimension » des arts visuels132. Mais c’est sans doute la vogue actuelle

des travaux d’Aby Warburg et la question de la « survivance de l’antique » (« Nachleben der

Antike ») qui donne aujourd’hui un nouvel intérêt à la notion de tradition.

Mémoire et histoire

Cependant, le progrès le plus important se situe dans les diverses formes de mise en cause

du schéma historique linéaire, avec une réflexion approfondie sur la question de la

mémoire133. Il s’agit de mettre l’accent sur le fait que l’œuvre est un artefact qui vient du

passé et à propos duquel on doit donc prendre cette ancienneté même. Il faut la considérer à

différents stades et notamment en distinguant bien ce qui relève des différents types de

mémoire. On met l’accent sur le rôle que joue la mémoire dans des démarches si importantes

128 Éd. Fumaroli; Jauss; Rigault 129 / Cézanne 130 Cf. par exemple Vergoossen 131 -Gehlen A., Zeit-Bilder. Zur Soziologie und Ästhetik der modernen Malerei, Francfort, 1960 (temporalité) -Herding K., « Die Zeit im Umbruch der Zeiten », Idea, 1989, VIII, p. 95-109 (temps) -Meyer, R.W., (dir.), Das Zeitproblem im 20. Jahrhundert, Berne/Munich 1964, p. 90-110 132 -Henderson L.D.,The Fourth Dimension and Non-Euclidian Geometry, Princeton, 1983 (temporalité, temps, géométrie non-euclidienne, quatrième dimension, psychologie) 133 Il tempo e la memoria, 1997 (temps, mémoire) : préciser (je tombe sur un Bruno Basile) -Temps, mémoire, tradition au moyen âge, Aix en Provence, 1982 (actes coll. juin 1982) -Dewitte, Jacques & Nys, Philippe (dir.), Le Temps et l’epsace, Bruxelles, Ousia, 1992 ; P. Ricoeur, -Ricoeur P., La Mémoire, l’Histoire, l’oubli, Paris, 2000

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pour l’histoire de l’art que sont le collectionnisme, la culture des musées mais aussi la

question, fondamentale en Occident, du monument comme récepteur et producteur de

mémoire collective134. On s’intéresse à l’ancrage des notions dans le paysage135 ; on mène une

réflexion sur les mécanismes d’oubli136. Tout cela oblige à introduire la question du temps

disponible pour voir l’œuvre et notamment la distinction fondamentale entre les œuvres

pérennes et les œuvres éphémères. Celles-ci ont depuis quelques décennies un grand succès,

notamment les fêtes et cérémonies137 : les pratiques artistiques contemporaines leur donnent

en effet une nouvelle actualité. On se rend compte ici qu’il est bien difficile de faire la part de

ce qui, en termes de temporalité, relève de l’œuvre et du spectateur : c’est pourquoi il apparaît

nécessaire de s’interroger sur la temporalité en tant qu’elle est centrée sur celui-ci.

A ce jeu complexe sur le modèle doit être ajoutée la modalité temporelle propre à la

tradition chrétienne, celle de l’Eucharistie et plus généralement de l’Incarnation : voir le

tableau, voir la statue, c’est savoir qu’on va les revoir à l’identique, c’est avoir une

matérialisation du temps présent sans cesse rejoué du saint Sacrifice. Il s’agit d’une modalité

très particulière, mais l’on peut s’interroger sur sa valeur de modèle dans le rapport à des

œuvres de thématique autre : l’iconographie de la Sainte conversation, par exemple, est basée

sur l’effacement de l’ancrage chronologique des figures. Une telle conception de l’œuvre

privilégie, pour parler en termes piercéens, l’indice sur l’icône ou le symbole. En relève par

exemple les reliques, mais aussi les ruines, les remplois138. C’est la temporalité matérielle qui

apparaît ici importante139.

134 = vers art -les arts de la mémoire : from Yates to M. Carruthers --Stewart S., On Longing : Narratives of the miniature, the Gigantic, the Souvenir, the Collection, , Baltimore, 1984 135 *mémoire collective : Cf Halbwachs, etc. Schama, Le Paysage et la mémoire 136 -Ricoeur P., La Mémoire, l’Histoire, l’oubli, Paris, 2000 (historiographie, temporalité) -Weinrich H. Lethé. Art et critique de l’oubli, trad. fr. Paris, Fayard, 1999 (temporalité) -Rossi P., Il Passato, la memoria, l’oblio. Sei saggi di storia delle idee, Bologne, 1991 (mémoire, passé, oubli, temporalité) 137 *éphémère ie tous les arts éphémères : Cf les tapisseries médiévales : cf Laura Weigert -Hesberg H. v., « Temporäre Bilder oder die Grenzen der Kunst. Zur Legitimation frühhellenisticher Königsherrschaft im Fest »Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts, 104, 1989, pp. 61-82 (fête, cérémonie, limites des arts, hellénisme, antiquité, grèce) 138 -Furet François (dir.), Patrimoine, temps, espace. Patrimoine en place, patrimoine déplacé, Paris, Fayard-Editions du Patrimoine, Entretiens du Patrimoine, thé^^atre national de Chaillot, Paris, 22, 23 et 24 janvier 1996 (contexte)

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D’où l’importance de la relation établie entre l’œuvre et la notion de patrimoine, ainsi dans

l’œuvre de Riegl. Les catégories établies pour celui-ci dans le célébrissime Culte moderne des

monuments. La prise en considération de la valeur d’ancienneté correspond aux jeux de

l’imagination pour marquer un écart dans le temps historique ; la valeur historique correspond

à ce qui est élaboré au sein d’un discours cohérent, la valeur artistique se situant dans le

contexte de la mise en cause de toute valeur temporelle. On perçoit la position médiane d’un

objet comme le tombeau, dont Panofsky décrit l’iconographie en fonction du stade représenté

par rapport à la mort140. On ne s’étonnera pas dans ces conditions de l’intérêt que l’on porte

désormais à la restauration des œuvres et à leur histoire141 ; à leur patine, terme que l’on

emploie à l’occasion dans d’autres domaines pour traduire la trace du temps142. Cependant, la

mise en cause la plus profonde de la linéarité du temps se fait autour de la question de

l’anachronisme : celle-ci s’accompagne d’une nouvelle manière d’articuler les diverses

temporalités présentes dans les œuvres, celle du récit, celle du spectateur, celle des temps de

création et du temps de réception143.

-Settis S., « Les remplois », in F. Furet (dir.), Patrimoine, temps, espace. Patrimoine en place, patrimoine déplacé, Paris, Fayard-Editions du Patrimoine, Entretiens du Patrimoine, thé^^atre national de Chaillot, Paris, 22, 23 et 24 janvier 1996, p. 67-86 139 = cf le lieu commun sur la fragilité de l’œuvre d’art et son contraire : Aere perennius -Erskine-Hill H. , « The Medal against time », JWCI, XXVIII, 1965, pp. 274-298 (temps, temporalité, médaille, monument) *l’œuvre d’art visuel comme objet qui vient du passé -Piel, Frierich & Traeger, Jorg (dir.), Festschrift Wolfgang Braunfels, Tübingen, 1977 -Dittmann: -présentation d’abord de la question du temps, etc -puis de la relation du tremps avec les arts visuels -détermination de trois types de temps -le temps historique : trait sépcifique de l’œuvre d’art visuel / aux textes et aux oevures musciales (ie rejoint ce que’on appelle ie Goddman les œuvres allographes et les œuvres autographes : : ie correspond à ce trait souligné par Dittmann selon lequel l’œuvre plastique est un objet qui vient du passé : 140 réf 141 -Brandi -Guillerme J., L’atelier du temps, Paris 1964 (restauration) -Philippot P., Pénétrer l’art. Restaurer l’oeuvre. Une vision humaniste, Bruxelles, 1990 (restauration, technique) 142 -patine : ie trace du passé ; cf son usage dans autre champs Uwe Schneider, » Strategien der Verzeitlichung in der Gartenkunst : das Phänomen der kunstlichen Patina”, in Gludovatz, p. 153-167 143 Cf. G. Didi-Huberman, N. Loraux, J. Rancière.

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Anachronisme, anachronismes, anachronies

Longtemps, la question de l’anachronisme, quand elle a été abordée, l’a été à l’échelle de

motifs dont l’origine chronologique différait de celle induite à l’échelle de l’œuvre toute

entière et notamment par l’éventuel récit à l’origine de la représentation : ainsi des vêtements

vaguement de style « Louis XIII » dans les fêtes galantes de Watteau. Il s’agit d’un jeu avec la

référence. Bien différent est le questionnement posé depuis quelques décennies autour du

même terme par des esthéticiens et historiens de l’art, D. Payot, H. Damisch mais aussi,

aujourd’hui, de nombreux chercheurs du CEHTA (« centre d’histoire et de théorie de l’art »)

de l’EHESS144. Il s’agit en tout état de cause de prendre ses distances vis-à-vis d’une culture

post-hégélienne au sein de laquelle le devenir historique linéaire est d’autant plus légitimé

qu’il s’associe à l’entreprise même de réflexion sur l’homme comme progrès de la conscience

de soi. Anachronisme donc non pas du motif mais de l’œuvre elle-même, qui joue à plusieurs

niveaux.

Le premier correspond au sens courant d’« anachronisme », qui évoque des non-

correspondances temporelles, des décalages, des reprises, des variations, des échos. L’on met

ici en cause la vieille notion de convenance, en l’occurrence chronologique, qui à l’époque

moderne constitue un impératif145 : à celle-ci, E. Panofsky a pu opposer la pratique médiévale

et sa „loi du chiasme“, selon laquelle le costume antique va à la figure chrétienne et

réciproquement146. Le travail sur la multiplicité des temps, sur les effets de reprise,

d’imitation, de manipulation des références temporelles a été repris récemment dans

l’important ouvrage signé récemment par A. Nagel et C. Wood, Anachronic Renaissance, qui

dialogue avec les travaux déjà cités, évoquant les œuvres réalisées principalement en Italie et

en Allemagne durant les XVe et XVIe siècles et dans laquelle une très grande variété

d’aspects de la question est traitée en fonction d’une logique générale dite de

144 --Payot D., Anachronies de l’oeuvre d’art, Paris, Galilée, 1990 (temps, temporalité -Didi-Huberman Georges, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Minuit, 2000Cf. les actes du colloque Traditions et temporalités des images, Paris, EHESS, 2009, publié sous la direction de G. Careri. 145 *chronologie ie respect de : (comme caractéristique fondamentale de la vraisemblance) -l’ordre des temps : cf Louis Boulogne, mémoires inédits, I , p. 209: « Les peintres, étant quelquefois obligés de satisfaire les personnes qui leur commandent un tableau, se trouvent réduits à faire une composition contraire à l’histoire et à l’ordre des temps »: inexcusables « s’ils choquent l’histoire et la chronologie » 146

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« substitution »147 : elle détermine une très grande variété de questions, notamment en ce qui

concerne le rapport à l’original, la notion d’auteur et corrélativement la notion d’œuvre, les

remplois ou les collisions temporelles.

Il s’agit donc avant tout d’une confrontation entre deux temps différents. Une approche

plus radicale, celle des chercheurs du CEHTA notamment, tend à associer deux démarches

différentes : celle d’Aby Warburg d’une part, celle de Walter Benjamin de l’autre. Le premier

est convoqué avant tout pour la question de la notion de„survivance de l’antique“

(« Nachleben der Antike »). Le second l’est principalement par la manière dont il oppose à la

traditionnelle relation passé-présent celle qui associe l’ « autrefois » et le « maintenant » : elle

a l’intérêt, selon Benjamin, de maintenir vivace la tension (la « dialectique », dit-il) dans

l’œuvre, celle-ci n’étant rien d’autre que la « dialectique à l’arrêt »148, une épiphanie

constamment renouvelée. Parmi les diverses questions posées par une telle approche il

faudrait sans doute s’interroger sur la manière dont elle s’articule avec l’antique question du

sublime, qui correspond elle aussi à une disparition du repérage temporel : on pense

évidemment à l’œuvre de L. Marin qui, quant à lui a été sensible, notamment à la fin de sa

vie, à tout ce qui dans l’œuvre dépasse toute appréhension en termes de temporalité continue,

notamment ce qu’il nommait la « syncope »149.

Une telle approche, si tant est que l’on puisse unifier des pratiques seulement convergentes

et non similaires, a le grand intérêt de faire apparaître comme une vision intérieure, comme

une conception mentale particulière, elle-même datée, la conception linéaire de la temporalité

historique. En outre, elle permet de faire de la temporalité de l’œuvre un des lieux de sa

complexité, en obligeant à prendre en considération la pluralité des temporalités. On peut avec

d’autant plus d’intérêt s’interroger sur la manière dont est favorisé dans une telle approche le

rapport dramatisé avec l’oeuvre (comme il l’est chez Benjamin, dans un contexte historique

particulier) que le regard du spectateur vient faire revivre. On pourrait lui opposer le fait qu’il

peut paraître réducteur de concevoir une relation unique alors qu’on peut, à l’instar de Proust, 147 réf 148 -Paris, 2000, Le Temps, vite., Centre Georges-Pompidou, 12 janvier-17 avril 2000 G Ddidi H : « L’image survient : l’historie se démonte, le temps se remonte » Paris, captiale du XIXe siècle : « Il ne faut pas dire que le passé éclaire le présent ou que le présent éclaire le passé. Une image, au contraire, est ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation (sondern Bild is das jenige, worin das Gewesene mit dem Jetzt blitzhaft zu einer Konstellation zusammentritt). L’image est donc « la dialectique à l’arrêt » (Bild ist die Dialektik im Stillstand). Car, tandis que la relation du présent avec le passé est purement temporelle, continue, la relation de l’Autrefois avec le Maintenant est dialectique : ce n’est pas quelque chose qui se déroule mais une image saccadée (sprunghaft) » p. 478-479 149 , Opacité de la peinture. Essais sur la représentation au Quattrocento, Paris, 1989

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prendre en considération la variabilité des états mentaux ou de l’âge du spectateur ; que

l’œuvre n’est pas nécessairement à déterminer en fonction du regard d’un spectateur humain

(ainsi des statues des tombes égyptiennes) ; que la dimension cognitive pourrait être prise en

considération – la reprise du modèle ancien ne s’effectuant pas de la même manière selon le

degré de connaissance qu’a l’artiste des réalisations antérieures, et il en va de même pour le

spectateur.

La mise en question de la linéarité temporelle tend fortement à se répandre aujourd’hui

sous l’influence des pratiques contemporaines : rien d’étonnant à voir étudiées les

« temporalités non-linéaires » par certains esthéticiens et artistes150 et que la notion même de

temps puisse être critiquée comme purement intellectuel, au nom de la défense des valeurs

liées au corps151. De fait, les installations, performances et autres pratiques, en introduisant

notamment le caractère éphémère de l’événement mais aussi sa perpétuation au travers des

images vidéo définissent une temporalité bien plus complexe, d’autant que très souvent

l’image mobile, celle de la vidéo notamment, intervient. La réflexion menée aujourd’hui sur

la notion d’ « obsolescence » dans l’art contemporain en est l’un des témoignages les plus

intéressants152. Cependant la direction la plus fructueuse, en tout état de cause celle qui

connaît sans doute le plus grand succès est celle qui associe l’espace et le temps et fait

apparaître les questions propres à l’époque contemporaines : accélération du temps, donc

modification des distances153 ; et surtout diversité des temps selon les civilisations affrontant

la mise en place d’un régime commun, celui de la mondialisation économique154.

150 Cf la journée organisées par l’équi e « Recherches sur la pluralité esthétique » : les 18 et 19 février 2005 à Ulm : ie Paris VIII Temoralités non linéarires dans les arts : cf Martine Créac’h, Estelle Jacoby et Laurent Zimmermann : contrestaiton de la inéraités temporelles ; -l’après coup -anachronisme Jacques Rancière, Nicole Loraux, G. DidiH M. Créach’h : l’écho eie en posée : tout sauf Jean-Louis Déotte : temporlalits e appareil : dont musées : ie / perspective artificielle : camera obscura, musée, photo, etc 151 *corps ie critique de la notion de temps en ce qu’elle renvoie à l’idée d’un individu sans corps : ie cf Joan Copjec, « The strut of vison : seeing’s corporeal support », in Gill Bailey p. 35-47. ie critique Crary : Lacan 152 Cf. les travaux de Miguel Hernandez Navarro ; -Gregson, Nicky & Crewe, Louise, Second-Hand Cultures, Oxford & NY, 2003 153 P. Virilio, C. Studeny. 154 -May, Jon & Thrift, Nigel (dir.), Timespace. Geographies of temporality, Londres, Routledge, 2001

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