de la communautÉ franÇaise

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CRIc N o 109-RI15 (2015-2016) CRIc N o 109-RI15 (2015-2016) Commission des Relations internationales et des Questions européennes, des Affaires générales, des Hôpitaux universitaires, des Professions des soins de santé et du Règlement, de l’Informatique, du Contrôle des communications des membres du Gouvernement et des Dépenses électorales du PARLEMENT DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE Session 20152016 30 MAI 2016 COMPTE RENDU INTÉGRAL S ÉANCE DU LUNDI 30 MAI 2016 ( APRÈS - MIDI )

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Page 1: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

Commission des Relations internationales et des

Questions européennes, des Affaires générales, des

Hôpitaux universitaires, des Professions des soins de

santé et du Règlement, de l’Informatique, du Contrôle

des communications des membres du Gouvernement et

des Dépenses électorales du

PARLEMENT DE LA

COMMUNAUTÉ FRANÇAISE Session 2015–2016

30 MAI 2016

COMPTE RENDU INTÉGRAL

SÉANCE DU LUNDI 30 MAI 2016 (APRÈS-MIDI)

Page 2: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 2 )

TABLE DES MATIÈRES

1 Questions orales (Article 81 du règlement) 3

1.1 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Accord de principe conclu avec le Québec concernant le minerval pour les étudiants

belges» ................................................................................................................................... 3

1.2 Question de M. Jean-Luc Crucke à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Positive Belgium» ................................................................................................................ 4

1.3 Question de M. Gilles Mouyard à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Réseau Anti-Radicalisation» ................................................................................................. 5

1.4 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Projets de coopération en Asie du Sud-Est et ouverture vers le Myanmar» ............................. 7

1.5 Question de Mme Magali Dock à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Disponibilité et utilisation d’imprimantes 3D dans les hôpitaux universitaires» ..................... 7

1.6 Question de Mme Valérie Warzée-Caverenne à M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Étude américaine sur l'influence des valeurs politiques et culturelles françaises

sur le taux plus élevé de djihadistes en France et en Belgique» ................................................ 8

1.7 Question de Mme Valérie Warzée-Caverenne à M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Coordination avec le gouvernement wallon au sujet du Pacte pour un

enseignement d’excellence» .................................................................................................. 10

1.8 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Programmation du Centre Wallonie-Bruxelles de Paris»...................................................... 11

1.9 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Comité de concertation du 25 mai» ..................................................................................... 13

1.10 Question de Mme Caroline Persoons à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Cellule Art et Antiquités de la police fédérale» ................................................................... 15

2 Ordre des travaux 17

Page 3: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 3 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

Présidence de M. Jacques Brotchi, prési-

dent.

L'heure des questions et interpellations

commence à 14 h 20.

M. le président. – Mesdames, Messieurs,

nous entamons l’heure des questions et interpella-

tions.

1 Questions orales (Article 81 du

règlement)

1.1 Question de Mme Magali Dock à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Accord de principe conclu

avec le Québec concernant le minerval

pour les étudiants belges»

Mme Magali Dock (MR). – Lors de votre

mission au Canada en février, vous vous êtes en-

tretenu avec le premier ministre du Québec et

vous avez évoqué les difficultés des jeunes Belges

qui veulent étudier au Québec. En effet, alors que

les étudiants français paient le minerval au tarif

des Canadiens non-résidents au Québec, c’est-à-

dire 7 500 dollars, les Belges, eux, doivent payer

le minerval pour les étrangers, qui s’élève à

18 000 dollars. Le premier ministre québécois

avait déclaré: «Nous souhaitons corriger cette

situation, qui n’est pas agréable pour nous non

plus».

Depuis quelques mois, en Fédération Wallo-

nie-Bruxelles, nous parlons d’une hausse du mi-

nerval pour les étudiants étrangers. J’y suis plutôt

favorable, sauf lorsqu’il s’agit de ne pas respecter

une parole donnée à un partenaire étranger. Ainsi,

la proposition du ministre Marcourt de faire payer

aux étudiants étrangers un minerval de

12 250 euros risque de fâcher M. Philippe Couil-

lard, avec qui vous avez déclaré avoir conclu un

accord de principe sur la réduction du minerval

québécois pour les étudiants belges.

Le premier ministre québécois, M. Philippe

Couillard, vous a-t-il contacté à la suite du projet

de M. Marcourt d’augmenter le minerval pour les

étrangers? L’accord de principe que vous avez

conclu avec M. Couillard est-il toujours

d’actualité?

Afin de respecter votre parole et de pour-

suivre tout de même les projets de votre ministre

de l’Enseignement supérieur, prévoyez-vous une

exception à cette augmentation pour les étudiants

québécois? L’idée de tarifs différenciés pour les

étudiants québécois est-elle sur la table?

Pourquoi ne pas créer un tarif particulier

pour les étudiants ressortissant des pays membres

de la francophonie, en concluant des accords de

réciprocité des tarifs? Selon quelles conditions

cela vous semble-t-il possible?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – En

février, j’ai à nouveau eu l’occasion d’attirer

l’attention du premier ministre québécois sur une

différence de traitement réservée aux étudiants

français par rapport aux étudiants wallons et

bruxellois.

Il faut savoir que des accords privilégiés

existent pour les étudiants de ce pays. Il existe

également un statut pour les étudiants français et

pour les étudiants du reste du monde. Nous nous

trouvions en l’occurrence dans la troisième caté-

gorie.

J’ai constaté avec plaisir que M. Couillard

était favorable à l’idée de revoir le régime et de

faire en sorte que les Français et les Belges fran-

cophones soient inscrits sous le même statut et

bénéficient de tarifs de réduction identiques,

d’autant plus que la France et la Belgique franco-

phone témoignent d’une attitude très proche dans

les engagements bilatéraux.

Cet engagement de principe n’a pas été remis

en cause jusqu’à présent, mais je n’ai pas reçu

d’informations concernant son exécution pratique.

Nous avons un accord qui permet, s’il est

mené à terme, que l’ARES, les universités, les

hautes écoles et notre ministère puissent bénéfi-

cier de conditions d’inscription équivalentes à

celles des étudiants français.

Cet accord est important car il nous permet

d’avoir accès à différentes formations dans le

cadre de ces échanges.

Nous nous efforçons de réaliser concrètement

le rapprochement entre nos pays et, en avril der-

nier, une première réunion de cadrage a permis

d’établir un calendrier faisant en sorte que les

inscriptions sous les nouvelles conditions puissent

être réalisées d’ici 2017.

Il faut également noter qu’une discussion a

lieu au Québec afin d’augmenter tous les frais

d’inscription des étudiants étrangers faisant partie

des deuxième et troisième catégories.

Nous poursuivons les négociations, mais

elles ne sont toujours pas affinées.

Quant à votre question portant sur nos éta-

blissements d’enseignement supérieur, nos univer-

sités et le cadre de financement restreint, il existe,

comme au Québec, un principe d’autonomie

Par ailleurs, il reviendrait à notre gouverne-

ment de déterminer sa position dans le cadre de la

révision des montants des droits d’inscription, y

compris les droits d’inscription complémentaires

pour lesquels des aménagements pourraient être

prévus.

Je pense notamment à l’application des seuls

droits ordinaires d’inscription en cas de conclu-

sion d’accords bilatéraux qui comprendraient des

clauses de réciprocité accordant un statut

d’étudiants nationaux ou issus de l’entité intra-

Page 4: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 4 )

étatique d’accueil aux étudiants provenant de pays

de l’entité infra-étatique d’envoi signataire d’un

tel accord.

Mon collègue, le ministre Marcourt, a déjà

pu vous rassurer dernièrement en précisant que le

décret laisse l’opportunité d’établir des accords

spécifiques avec différents pays. À mon sens,

cette liberté pourrait permettre de conclure des

partenariats spécifiques comme vous le suggérez.

La porte peut donc être ouverte grâce à ce méca-

nisme.

Cela, sans oublier que la qualité de notre en-

seignement et de notre recherche scientifique doit

tenir compte de la nécessité d’attirer des talents

internationaux et de former nos jeunes dans les

mêmes conditions.

Pour répondre aussi précisément que possible

à votre question, des tarifs préférentiels peuvent

être mis en place en fonction des partenariats,

notamment dans le cadre de nos relations avec les

pays francophones. Nous inscrirons donc toujours

une clause tenant compte des efforts mutuellement

consentis.

Notez toutefois que les droits d’inscription

que nous appliquons aux étudiants étrangers sont

inférieurs à ceux appliqués dans les pays étran-

gers. On observe d’ailleurs au niveau international

une augmentation des droits d’inscription pour les

étudiants étrangers.

Nous sommes effectivement dans une pé-

riode de négociation. À titre personnel, j’ai voulu

plaider pour que nos étudiants bénéficient des

mêmes droits que les étudiants français. Une

clause de réciprocité me paraît toujours la bienve-

nue avec les pays dans lesquels nous bénéficions

nous-mêmes d’un avantage.

Je pense avoir été aussi précis que possible

dans les circonstances actuelles.

Mme Magali Dock (MR). – Je continuerai à

suivre l’évolution de ces négociations. Du point de

vue diplomatique, il importe qu’il y ait un accord

bilatéral. Nous ne pouvons pas faire payer aux

Québécois l’équivalent du niveau 3 du minerval.

Je vous remercie pour vos informations et ne

manquerai pas de vous réinterroger en fonction de

l’état d’avancement des négociations.

1.2 Question de M. Jean-Luc Crucke à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Positive Belgium»

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Pour lutter

contre le Belgium bashing, le premier ministre et

son gouvernement ont décidé de mettre 4 millions

d’euros sur la table, de négocier un plan lors du

Comité de concertation qui s’est récemment réuni

et de voir comment l’ensemble des entités du pays

pouvaient y participer.

Quelle est votre réaction concernant la ma-

nière dont ce plan a été présenté? Comment la

Fédération Wallonie-Bruxelles collaborera-t-elle à

ce plan Positive Belgium? Des mesures

d’amplification seront-elles prises?

Malheureusement, la Flandre a pris ses

propres initiatives de son côté, avec la création de

la cellule EventFlanders et le lancement de la

campagne Share our smile. Notre Fédération sera-

t-elle dans une dynamique semblable ou accorde-

ra-t-elle la préférence à une coopération avec le

pouvoir fédéral?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – J’ai

effectivement participé à la dernière réunion du

Comité de concertation mercredi dernier et ai pris

connaissance de la note d’intention du gouverne-

ment fédéral. Aujourd’hui, on ne peut pas encore

parler de «plan» puisque, comme vous le relevez

d’ailleurs vous-même, on est encore en train

d’affiner les contours de la procédure à mettre en

place.

Le texte de la note précise: «Il importe dès

lors de mettre en place à très brève échéance une

task force pour la définition des initiatives à pren-

dre par le fédéral et pour la coopération et la coor-

dination des actions des entités fédérées et autres

partenaires utiles, afin d’unir les efforts et d’en

garantir la cohérence générale».

Il est proposé de mener cette initiative sur

une période de deux ans, pour qu’elle puisse avoir

un impact suffisant. L’objectif est d’être pleine-

ment opérationnel dès octobre 2016. Il est donc

proposé dans ce contexte de faire appel à des ex-

perts en communication pour mener à bien un

travail sur différents fronts et lancer, à partir de là,

diverses actions de communication tant en Bel-

gique qu’à l’étranger. Il s’agit de rassurer et de

mettre en avant les atouts de la Belgique afin de

renforcer son potentiel en matière de tourisme,

d’événements, etc.

Le véritable plan ne pourra être élaboré qu’à

partir des conclusions de la task force dont je

viens de rappeler le cahier de missions. Cela étant,

je salue, comme je l’ai fait publiquement et le

répète aujourd’hui, la volonté du pouvoir fédéral

d’impliquer un maximum d’acteurs ainsi que les

entités fédérées, dont la Fédération Wallonie-

Bruxelles. Il est vrai qu’à l’inverse, on n’aurait

pas compris que nous tirions tous de notre côté.

Des initiatives propres à chaque entité n’auraient

servi personne. Cette campagne de communication

ambitionne donc de s’adresser à plusieurs groupes

cibles: la presse, les touristes, les voyageurs

d’affaires, les investisseurs ou plus simplement

nos concitoyens, qui doivent aussi trouver des

arguments.

Il est par ailleurs souligné que cette cam-

pagne doit s’adapter aux différentes perceptions

selon les zones géographiques: c’est notamment à

ce niveau-là que la Fédération Wallonie-Bruxelles

pourra apporter son expertise et, je l’espère, sa

plus-value.

Page 5: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 5 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

Je puis vous assurer que, convaincus de

l’opportunité de prendre une initiative, nous y

avons réservé un accueil favorable et assuré

l’autorité fédérale de notre entière collaboration.

Nous voulons donc à la fois participer et cons-

truire. Il est d’ailleurs heureux que le gouverne-

ment fédéral ait décidé de réagir à l’image

négative dont nous souffrons tous aujourd’hui, et

qui est celle que certains colportent de la Belgique

depuis des mois.

Le premier ministre a déclaré vouloir consa-

crer 4 millions d’euros sur deux ans à cette cam-

pagne de communication. C’est un montant très

appréciable, qu’il faudra évaluer ensuite en fonc-

tion des objectifs du plan. D’autant plus que, si

nous devons lancer un marché portant sur

l’élaboration du concept global de la campagne et

sur la diffusion, il est encore un peu prématuré

d’en définir les contours financiers précis. De ce

point de vue, je compte bien être attentif à l’aspect

financier de ce dossier. Du débat contradictoire

ressort toujours une valeur ajoutée.

Je compte aussi veiller particulièrement à ce

que les hommes et les femmes qui travaillent quo-

tidiennement dans les services de nos différentes

institutions soient associés concrètement à cette

action.

Vous me demandez si des mesures

d’amplification seront programmées dans notre

Fédération. Le gouvernement n’a pas encore eu

l’occasion d’en débattre. Il s’est dit favorable à

cette initiative. Nous voulons connaître l’avis du

groupe de travail avant de décider de notre impli-

cation. Nous tenterons de trouver notre place dans

le processus.

Nous souhaitons aussi améliorer notre image

internationale. Lorsque je reçois notre délégation,

je l’encourage à diffuser une image de la Belgique

qui va à l’encontre du Belgium bashing et de

l’image d’un pays dispersé et affaibli donnée par

d’autres. Je continuerai à le faire avec d’autant

plus de conviction que nous avons coordonné

notre politique en la matière.

La majorité fédérale et les majorités fédérées

ont souligné que nous devions être attentifs au

contenu. Une campagne de communication est

importante mais, pour améliorer l’image du pays,

nous devons aussi travailler sur tous les éléments

fondateurs du doute, promouvoir la lutte contre le

radicalisme et soutenir les initiatives publiques.

Nous devons renouer le dialogue et ouvrir certains

débats dans notre société. Nous partageons tous

cette volonté. Le changement de méthodes et de

sens de l’écoute est important pour chacun des

acteurs de la reconstruction de l’image de la Bel-

gique.

Mus par cet esprit positif, nous nous inscri-

vons dans ce contexte compliqué, mais indispen-

sable. Nous ne pourrons rétablir l’image positive

de la Belgique que si nous avons tous la volonté

de faire partie de ce processus.

M. Jean-Luc Crucke (MR). – Je remercie le

ministre-président pour la manière très positive

dont il aborde ce dossier.

Dans ce cas précis, le modèle belge, dont

vous connaissez le principe – L’union fait la force

–, doit prévaloir. Je constate que tout le monde n’a

pas fait preuve du même élan que vous, un élan

que, d’ailleurs, je partage.

1.3 Question de M. Gilles Mouyard à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Réseau Anti-Radicalisation»

M. Gilles Mouyard (MR). – En début de lé-

gislature, le gouvernement a adopté une stratégie

préventive ciblée pour faire face au phénomène de

la radicalisation violente. Diverses mesures ont

ainsi été prises, comme la création du RAR (Ré-

seau Anti-Radicalisation) qui, au lendemain des

événements du 22 mars, se voyait renforcé dans

ses missions.

Le RAR a donc pour mission, depuis le début

de cette année, de coordonner le plan de lutte et de

prévention contre le radicalisme adopté par

l’exécutif communautaire. À ce jour, ce dernier se

serait réuni plus d’une quinzaine de fois.

Monsieur le Ministre-Président, quelle est

votre analyse de la situation? Pourriez-vous faire

le point sur le travail réalisé par le Réseau Anti-

Radicalisation? Le RAR a-t-il pu tisser des con-

tacts avec les structures similaires en Wallonie et

au sein de la Région de Bruxelles-Capitale? Quels

sont les liens entretenus avec le fédéral en matière

de lutte contre la radicalisation? Le RAR dispose-

t-il, après cinq mois de fonctionnement, des res-

sources suffisantes à son bon fonctionnement?

Avant de conclure, je me permets d’attirer

votre attention sur un point. J’ai découvert derniè-

rement, en regardant une émission de télévision

française, qu’il y avait chez nos voisins une com-

mission antiradicalisme qui met autour de la table

les différents échelons de pouvoir, que ce soit au

niveau des départements, avec les délégués des

préfets, mais également les régions, le gouverne-

ment central et les représentants des écoles. Les

cas éventuels de radicalisation sont discutés au

cours de cette réunion. Parfois, cela débouche sur

des conseils: il faut faire attention, il faut plus

encadrer. La police est également présente. Cette

commission réalise un véritable travail proactif et

ciblé sur le radicalisme et cela semble fonctionner

correctement. Je n’en ai pris connaissance que

grâce à cette émission. J’aimerais que vous nous

expliquiez le fonctionnement du RAR. Est-ce un

peu le même type de travail ou est-ce totalement

différent?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – La

décision de renforcer le dispositif de lutte contre

le radicalisme prise en janvier 2016 l’a été dans le

cadre de l’évaluation de l’action menée pendant

Page 6: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 6 )

une année, évaluation qui avait démontré le besoin

d’amplifier l’action de la Fédération Wallonie-

Bruxelles à travers le milieu associatif, à travers

l’administration, qui avait porté à notre connais-

sance des demandes de soutien, tant en formation

que dans la pratique: comment entrer sur le terrain

et appréhender concrètement le travail à accom-

plir? Les groupes de travail chargés de la re-

cherche, des outils de formation et des

interventions pluridisciplinaires ont réuni des

membres de la société civile, du monde acadé-

mique, de l’administration et, sur cette base, ont

identifié ces besoins. Pour ne pas en rester à des

démarches abstraites, on a traduit ces besoins en

termes de plans d’actions prioritaires. On a

d’abord constaté la nécessité pour tous d’avoir un

degré de formation transversale en matière de

radicalisme violent. Tous les secteurs l’ont de-

mandé. C’est un marché public qui ne devait pas,

selon nous, être lancé exclusivement pour notre

Fédération. Cela concerne aussi la Région de

Bruxelles et la Région wallonne. Un peu dans

l’esprit de ce que vous expliquiez, on a voulu lan-

cer une démarche qui touche tout le monde et

permette à chacun de s’exprimer.

Vous parliez du travail réalisé en France avec

les départements, les régions, l’État national, les

communautés de communes françaises. Nous

avons aussi des secteurs abrités dans ces institu-

tions. Ce choix permettra aussi à ces secteurs

d’échanger leurs expériences, de se rencontrer. On

est au cœur même du dispositif que vous décriviez

à propos de la France. On a beaucoup de points

communs à cet égard.

Nous ne regardons pas qui est à l’initiative.

Nous pensons qu’il est utile de conjuguer les ac-

tions. Par ailleurs, un cahier des charges en cours

de finalisation porte sur une recherche centrée sur

la question des trajectoires de jeunes qui ont opté

pour un engagement violent. Beaucoup de repor-

tages ont décrit les trajectoires de manière un peu

empirique: voilà ce qu’on observe, voilà comment

l’on tire un certain nombre de conclusions. Un peu

comme en médecine, Monsieur le Président, on

observe un phénomène et on se demande comment

on peut l’interpréter de manière scientifique, c’est-

à-dire le confronter à l’evidence-based. Cette dé-

marche d’investigation fait l’objet d’un cahier des

charges. Une leçon peut déjà être tirée des expé-

riences vécues à l’étranger, notamment au Québec

dont on parlait il y a quelques instants: les trajec-

toires ne sont pas uniques. Nous pouvons les re-

grouper par catégories. Un phénomène est

intéressant: aucun engagement n’est purement

idéologique. Les facteurs sont multiples. Il n’y a

jamais une lecture «monocausale» des trajectoires;

les ingrédients conduisant les jeunes à s’engager

sont variés. Un phénomène transversal apparaît

parfois: les personnes enclines à s’engager de

manière violente peuvent se retrouver d’un côté ou

de l’autre avec la même conviction. La versatilité

peut donc apparaître car l’engagement violent est

un choix individuel. Nous pouvons le constater à

la frontière ukrainienne.

Il existe donc un besoin d’objectivation, de

recherche scientifique que nous avons voulu ap-

profondir par des moyens ad hoc. Les actions

prioritaires dont je vous parlais vont être mises en

œuvre par deux centres opérationnels que nous

allons développer. Ils vont rencontrer trois objec-

tifs.

Le premier est de mettre à la disposition des

citoyens confrontés à des problèmes liés à la radi-

calisation violente une équipe pluridisciplinaire,

ce qui étaye ce que je viens de vous dire sur notre

pressentiment de la multiplicité des causes

d’engagement et des trajectoires. Cette équipe,

spécialement formée à cette problématique, est

compétente pour intervenir en appui des familles,

mais aussi des individus confrontés à ce problème.

Le deuxième concerne la mise à disposition

des institutions qui en expriment le besoin, de

spécialistes compétents pour intervenir lorsque

des dynamiques de groupe ou des situations de

polarisation pouvant mener à de la violence sont

constatées.

Enfin, le troisième objectif porte sur la créa-

tion, par des intervenants de première ligne de la

Fédération Wallonie-Bruxelles, d’outils pouvant

être utilisés dans la prévention et la lutte contre le

radicalisme violent. Ces outils sont davantage

génériques et peuvent servir à tout un chacun.

Pour le reste, je vous confirme que la Fédéra-

tion Wallonie-Bruxelles collabore activement avec

les autres entités fédérées; j’en ai déjà démontré

l’utilité dans le domaine de la lutte contre le rad i-

calisme. Nous jouons un rôle d’ensemblier unis-

sant les différentes entités francophones.

La Wallonie, la Région de Bruxelles-Capitale

et la Communauté germanophone sont conviées à

toutes les réunions du comité stratégique du Ré-

seau Anti-Radicalisation. Notre référent participe

aux réunions d’information et de concertation

organisées par le SPF Intérieur, qui rassemble lors

de ses réunions les représentants des Communau-

tés, des Régions et des administrations fédérales.

Enfin, mon cabinet participe également aux réu-

nions organisées par le gouvernement fédéral avec

les autres entités fédérées pour le suivi des déci-

sions du comité de concertation, dont la dernière

réunion remonte déjà au 28 janvier 2015.

M. Gilles Mouyard (MR). – Je vous remer-

cie pour cette réponse très complète.

Ne faudrait-il pas réfléchir à un quatrième

axe pour cibler les problèmes potentiels de ma-

nière plus individuelle?

Si un directeur d’école constate un change-

ment de comportement chez un jeune, il devrait

pouvoir en faire part à une personne de référence,

afin d’entamer un travail avec ce jeune. Il devrait

également avoir la possibilité d’en informer les

Page 7: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 7 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

autorités compétentes, susceptibles d’assurer un

suivi et d’apprécier s’il n’y a pas d’autre risque,

dans la mesure où l’on sait que, parfois, les jeunes

radicalisés sont formés à la dissimulation.

Le reportage que j’ai vu sur la situation en

France allait aussi dans ce sens.

Ne pensez pas que je souhaite organiser une

surveillance de tous les élèves mais, parfois, lors-

qu’un problème se manifeste avec un élève, en

parler avec lui n’est pas suffisant. Les jeunes radi-

calisés sont aussi formés à la manipulation. Ils

peuvent jouer les innocents et, en réalité, fabriquer

une bombe chez eux! Ça s’est vu…

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Ce

quatrième axe fait sens. Je pense qu’il est inscrit

dans les priorités, mais pas de manière détaillée.

Ne pas avoir une approche intuitu personae

serait une erreur. Nous entendons cet argument et

l’approuvons.

1.4 Question de Mme Magali Dock à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Projets de coopération en

Asie du Sud-Est et ouverture vers le

Myanmar»

Mme Magali Dock (MR). – Wallonie-

Bruxelles International, via l’APEFE,

l’Association pour la promotion de l’enseignement

et de la formation à l’étranger, met en place et

finance des projets de coopération avec des pays

du Sud, en Afrique, en Amérique latine, au

Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

Selon le site de l’APEFE, en Asie, les projets

sont développés au Laos, au Cambodge et au

Vietnam. Ils permettent notamment de former des

jeunes à la mécanique automobile, à la gestion de

supermarchés, etc.

Par contre, la Note de politique internationale

ne mentionne que la Chine et le Vietnam, pour

l’Asie; pas un mot sur le Laos et le Cambodge, ni

sur d’autres pays partenaires potentiels. S’agit-il

d’un oubli ou les programmes avec ces deux pays

ne sont-ils plus poursuivis?

Si mes informations sont bonnes, les pro-

grammes actuels s’étendaient de 2014 à 2016.

Nous sommes presque mi-2016. Les projets enta-

més seront-ils reconduits après 2016? Dans la

négative, pourquoi? Des partenariats avec d’autres

pays d’Asie du Sud-Est sont-ils envisagés? Si oui,

pour quels types de projets? À la suite de son ré-

cent développement démocratique, le Myanmar

est-il un partenaire envisageable pour l’APEFE?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je

vous remercie de me permettre de préciser que

l’APEFE met en œuvre, au Cambodge, au Laos et

au Vietnam, un programme pluriannuel – vous

l’avez vous-même relevé – qui se termine en

2016. Il s’agit d’un programme régional, au sens

géopolitique du terme qui, au-delà de l’objectif

spécifique relatif à la formation technique et pro-

fessionnelle, vise à resserrer les liens entre ces

trois pays, dans le cadre de l’Association des na-

tions de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), par le biais

d’un support de la francophonie. Ce programme

est d’ailleurs porté par un partenariat entre États,

signé par les instances compétentes des trois pays,

sous l’égide de l’Organisation internationale de la

francophonie (OIF) et auquel Wallonie-Bruxelles

International (WBI) et l’APEFE sont parties pre-

nantes.

Ce programme se termine en décembre de

cette année et n’aura pas de suite, dans la mesure

où ces trois pays ne figurent plus dans la liste des

pays prioritaires de la coopération fédérale belge,

elle-même établie par l’arrêté royal du 10 avril

2014.

Comme vous le savez, les programmes de

l’APEFE sont directement financés par la Coopé-

ration belge au développement; c’est d’ailleurs un

très bel exemple de coopération avec les entités

fédérées.

Le Myanmar ne figure plus sur la liste; dès

lors, l’APEFE ne peut y développer de pro-

grammes à partir des fonds qui proviennent de ce

type de coopération.

Pour sa part, la Note de politique internatio-

nale ne mentionne que la Chine et le Vietnam car,

plus encore dans le contexte budgétaire actuel, la

préoccupation va à la concentration géographique

des moyens financiers et humains, dans une lo-

gique d’efficacité.

Cela dit, le Vietnam est un pays central, dans

cette région de l’Asie du Sud-Est, et nous pour-

rions donc programmer des actions régionales

dans les domaines académique, culturel, écono-

mique, grâce à nos différents outils, comme cela

se fait aujourd’hui pour d’autres pays du monde.

Mme Magali Dock (MR). – Je prends acte

de votre réponse. Je suis ravie de l’efficacité dont

vous faites preuve et qui doit être la pièce maî-

tresse de la coopération en Chine et au Vietnam,

notamment au niveau académique.

1.5 Question de Mme Magali Dock à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Disponibilité et utilisation

d’imprimantes 3D dans les hôpitaux

universitaires»

Mme Magali Dock (MR). – Les impri-

mantes 3D sont de plus en plus utilisées par la

médecine dans le monde, même si cette technique

est encore mal connue du grand public, pour qui

cela reste une invention spectaculaire, mais finan-

cièrement inaccessible. Pourtant, en Chine, des

chirurgiens ont imprimé une vertèbre grâce à une

imprimante 3D et l’ont implantée chez un garçon

de 12 ans qui souffrait d’une tumeur à la moelle

Page 8: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 8 )

épinière. En Grande-Bretagne, c’est la pommette

d’un accidenté de la route qui a été reproduite de

cette manière. Les exemples ne manquent pas.

Grâce à cet outil, les médecins peuvent reproduire

le membre ou l’os à l’identique par rapport à

l’«original» du patient. Bref, c’est une révolution

dans le monde de la chirurgie!

Une autre utilisation de l’impression 3D me

semble tout aussi innovante et primordiale: la

reproduction de certaines parties du corps d’un

patient sur la base de scanners multiples. Elle

permet au chirurgien de préparer son intervention

en évaluant les différentes stratégies.

Par exemple, lorsqu’un patient souffre d’une

tumeur complexe au cerveau, le chirurgien peut

reproduire ce dernier grâce à l’impression 3D et

préparer son intervention en amont.

De combien d’imprimantes 3D nos hôpitaux

universitaires disposent-ils? Comment ce matériel

est-il partagé entre les différents hôpitaux et ser-

vices? Quel est le budget alloué à l’achat et à

l’entretien de ces imprimantes 3D? Quels sont les

usages qu’en font les chirurgiens dans nos hôpi-

taux universitaires? S’agit-il davantage

d’impression d’os ou de membres, ou plutôt de

reproduction de parties du corps? L’utilisation

d’imprimantes 3D et les formations afférentes

sont-elles des priorités de nos hôpitaux universi-

taires? Ceux-ci ont-ils noué des contacts et parte-

nariats avec des universités étrangères, par

exemple aux États-Unis, pour développer

l’utilisation de ce type d’imprimante?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Un

petit nombre d’appareils médicaux est soumis à

autorisation et agrément, pour des raisons de santé

publique ou de sécurité sociale. Les imprimantes

3D n’en font pas partie. Les hôpitaux peuvent

donc en acquérir sans m’en informer.

La législation héritée du pouvoir fédéral qui

nous a transmis cette compétence ne prévoit au-

cune subvention spécifique pour ce matériel, que

ce soit à la charge d’honoraires médicaux, du ma-

tériel médical ou non médical voire du forfait

informatique qui relève toujours du pouvoir fédé-

ral.

Nonobstant l’intérêt de ce matériel utile pour

la prévention et les soins curatifs, je ne dispose

pas de davantage d’information. Renseignements

pris, il semble qu’aucun des quatre hôpitaux uni-

versitaires ne possède ce type d’appareillage, mais

des partenariats existent. On m’a rapporté

l’exemple des Cliniques Saint-Luc qui utilisent

une application développée par la start-up 3D Side

créée en février 2015 à Louvain-la-Neuve grâce au

rapprochement des activités des spinoffs Visyos et

Sentis.

3D Side planifie, en collaboration avec les

médecins des Cliniques universitaires Saint-Luc,

des interventions complexes dans une logique

préventive et de préparation. Cela se fait au cas

par cas et permet de guider un chirurgien autre-

ment que par une visualisation 3D théorique en

salle d’opération, grâce des instruments réalisés

sur mesure par les technologies 3D.

Je ne ferai pas d’exposé sur les potentialités

de la 3D, qui sont énormes. La démonstration en a

été faite, notamment dans les domaines de la chi-

rurgie reconstructrice et de la reconstruction cellu-

laire à partir de substrats 3D. Nous n’en sommes

qu’aux balbutiements. Ces matières ont évidem-

ment un intérêt primordial pour la recherche et,

singulièrement, la recherche appliquée à la santé.

Mme Magali Dock (MR). – Je remercie le

ministre-président pour sa réponse et l’intérêt

qu’il porte à cette matière. Je suis persuadée que

nous n’en sommes encore qu’au début.

Je regrette que les hôpitaux universitaires ne

disposent pas de ce matériel mais, dans sa dernière

édition, Le Journal du médecin signale que ces

techniques sont de plus en plus abordables.

Je salue les partenariats et je vous rejoins sur

les potentialités gigantesques de ces outils pour la

médecine.

1.6 Question de Mme Valérie Warzée-

Caverenne à M. Rudy Demotte, mi-

nistre-président, intitulée «Étude

américaine sur l'influence des valeurs

politiques et culturelles françaises sur

le taux plus élevé de djihadistes en

France et en Belgique»

Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –

Deux chercheurs américains issus de la Brookings

Institution, un prestigieux centre d’études améri-

cain, ont établi que les valeurs politiques et cultu-

relles françaises, en ce compris en Belgique

francophone, jouent paradoxalement un rôle clé

dans la radicalisation islamiste. Selon William

McCants et Christopher Meserole de la Brookings

Institution, «le danger que posent les djihadistes

est plus grand en France et en Belgique que dans

le reste de l’Europe».

Leurs réflexions ont fait l’objet d’un article

intitulé The French Connection publié dans la

revue Foreign Affairs, vivement contesté par

l’Ambassadeur de France aux États-Unis.

Pour ces deux auteurs, «le premier facteur

n’est pas qu’ils viennent d’un pays riche ou non

ou d’un pays éduqué ou non; le premier facteur

n’est pas non plus qu’ils soient eux-mêmes riches

ou non, qu’ils aient un bon accès à l’internet ou

pas». Le premier facteur est, selon eux, qu’ils

proviennent d’un pays francophone ou ayant eu le

français comme langue nationale. L’explication

qu’ils avancent se résume en trois mots: la «cul-

ture politique française». La conception incisive

de la laïcité ainsi que la corrélation entre le taux

d’urbanisation élevé et le taux de chômage élevé

dans certains quartiers sont mises en exergue dans

Page 9: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 9 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

l’étude.

Monsieur le Ministre-Président, quelle est

votre position sur cette étude et les constatations

établies? L’Organisation internationale de la Fran-

cophonie a-t-elle pris position sur cette étude?

Que répondez-vous lorsque la «culture politique

française» est pointée du doigt comme responsable

du taux plus élevé qu’ailleurs de djihadistes sur

son territoire?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Le

problème du djihadisme est fondamental et,

comme je l’ai dit à propos de la mise en place de

stratégies préventives, nous devons procéder à une

analyse rigoureuse et à des investissements à tous

les niveaux et à tous moments.

Une approche européenne est donc indispen-

sable et doit être basée sur des modèles de com-

préhension qui sont nuancés, multifactoriels et qui

entrent forcément en contradiction avec les visions

caricaturales.

Ainsi convient-il de considérer la portée de

l’étude que vous évoquez.

Avant tout, il faut préciser que Foreign Af-

fairs n’est pas une revue scientifique, mais un

magazine de débats relatifs à la politique étran-

gère. L’approche des chercheurs n’a rien de scien-

tifique, comme en témoigne le fait qu’aucune

méthodologie ou donnée n’apparaisse. Il ne s’agit

que d’assertions qui, jusqu’à preuve du contraire,

ne constituent pas un élément de bilan scienti-

fique, mais qui s’apparente plutôt au dogme.

Sur le fond, ces chercheurs se basent sur des

chiffres d’une base de données particulière, alors

que nous savons que ces chiffres fluctuent sensi-

blement d’une base à l’autre, parfois du simple au

double, compte tenu du chiffre noir de ceux dont

on ignore le départ. Ainsi, dans certaines bases de

données, le phénomène de foreign fighters frappe

plus l’Allemagne et l’Angleterre que la France et

la Belgique.

Par ailleurs, vous aurez noté que ces cher-

cheurs considèrent la Belgique comme franco-

phone. On peut en sourire mais, plus

sérieusement, cela atteste d’une profonde mécon-

naissance de la structure et de la réalité de ce pays

ainsi que des filières mises au jour à Anvers ou à

Vilvorde. Ces chercheurs partent aussi du principe

que les attentats islamiques ont commencé avec

les attaques de Paris de 2015, événement mar-

quant, mais c’est oublier un peu rapidement les

attentats de Madrid, en 2004, qui ont fait

190 morts et de très nombreux blessés, ceux de

Londres, en 2005, qui ont fait 50 morts et

800 blessés, le meurtre de Théo Van Gogh ou

encore les attentats de Boston, en 2013, qui ont

fait trois morts et 264 blessés. L’enquête sur les

attentats de Paris a en outre révélé des ramifica-

tions en Angleterre, aux Pays-Bas, en Turquie, en

Allemagne et au Danemark. Je ne reviens même

pas sur les attentats aux Twin Towers de New

York. Le phénomène est européen et mondial.

Imaginer autre chose mène à la caricature et au

préjugé.

Je voudrais également faire remarquer sur le

fond que c’est moins la culture politique ou la

langue française que les auteurs épinglent dans

l’approche «agressive» du sécularisme français.

Ils mentionnent notamment l’interdiction du voile

intégral. De nombreux pays ont, à cet égard, une

approche plus mixte.

Ainsi, la Flandre accorde des jours de congé

spécifiques dans les écoles et a pris une mesure

d’interdiction générale du foulard ou encore, bien

que de tradition multiculturelle, les Pays-Bas et le

Québec ont interdit le voile intégral. Le Québec

connaît d’importants débats très proches de ceux

que nous connaissons sur le foulard ou le halal et

évolue sur ces questions de manière différente que

le reste du Canada. Comment expliquer alors

qu’aucun attentat n’ait eu lieu dans ces territoires?

Cela étant, ne nous trompons pas d’enjeu: ce

n’est pas parce que nous pouvons critiquer cette

étude que nous devons nous exonérer de toute

action contre le radicalisme; ce serait d’ailleurs

aussi caricatural que le produit même de l’étude.

Ce n’est pas ce que nous faisons puisque cette

étude a fait l’objet d’une analyse, qui a notamment

donné lieu aux critiques que je viens d’émettre.

Je m’en suis directement entretenu avec la

Secrétaire générale de l’OIF, Mme Michaëlle

Jean, et lui ai fait part de mon souci de voir pro-

pagés des préjugés de pareille manière. Elle m’a

transmis des éléments d’analyse que j’évoque très

sommairement dans ma réponse.

Aujourd’hui, l’espace francophone est très

durement touché par le radicalisme: la Belgique,

la France, la Tunisie, le Burkina Faso, la Côte

d’Ivoire ou le Mali. Il est donc à la fois normal et

essentiel que la Francophonie s’en préoccupe,

qu’elle sache qu’elle a aussi un rôle à jouer face à

ce fléau dans son propre espace. C’est dans ce

sens que la Fédération inscrit aussi son action

dans l’OIF.

Nous menons une diplomate active, comme

ce fut le cas encore très récemment lors de mes

missions au Burkina Faso ou au Sénégal: nous

allons sur le terrain à la rencontre des acteurs et

leur demandons quels sont les éléments d’analyse

et de recettes pour appréhender des phénomènes

de radicalisme. La situation au Sénégal, par

exemple, est très intéressante: on voit que les fra-

ternités musulmanes ont permis jusqu’à présent –

et je touche du bois – d’éviter les dérives radi-

cales.

Ces approches territoriales ont l’intérêt de la

comparaison et démontrent, si besoin en était, que

les francophones de Belgique ne se limitent pas à

mettre en œuvre des stratégies ici, mais marquent

aussi leur intérêt sur le terrain de la diplomatie

internationale et y agissent concrètement.

Page 10: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 10 )

Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –

Monsieur le Ministre-Président, cette étude

s’inscrit dans le cadre de la problématique de la

radicalisation.

La radicalisation fait couler beaucoup

d’encre et suscite de nombreux débats dans notre

pays depuis les récents événements. Il faut être

ouvert à tout. Vous avez évoqué différentes ren-

contres dans d’autres pays de la francophonie.

Toute rencontre est enrichissante et permet parfois

d’apporter des réponses différentes aux questions

qui se posent. Le débat reste ouvert. Cette étude

n’est qu’un élément supplémentaire susceptible de

nourrir votre analyse, laquelle doit être rigoureuse

et ne peut se limiter à des caricatures ou à des

effets de société qui n’ont rien à voir avec la rad i-

calisation.

1.7 Question de Mme Valérie Warzée-

Caverenne à M. Rudy Demotte, mi-

nistre-président, intitulée «Coordina-

tion avec le gouvernement wallon au

sujet du Pacte pour un enseignement

d’excellence»

Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –

Les travaux du Pacte pour un enseignement

d’excellence se concrétisent par la sortie du deu-

xième avis du groupe central. Les acteurs de

l’enseignement posent la question du financement

et de la priorisation. Les derniers travaux du Pacte

montrent que votre gouvernement envisage, pour

accompagner les jeunes élèves, notamment en

maternelle, un recours plus fréquent, voire perma-

nent, aux services de puéricultrices et de spécia-

listes en psychomotricité. Les investissements

numériques pourraient aussi être renforcés.

La question du financement est complexe.

Les marges budgétaires ne sont pas extensibles à

souhait. Si votre gouvernement ne veut pas être

confronté à des choix cornéliens, et trahir une

partie de l’ambition du Pacte, il devra collaborer

avec d’autres niveaux de pouvoir pour financer

certaines mesures.

Cette possibilité avait d’ailleurs déjà été évo-

quée récemment pour la fourniture des tablettes

aux classes wallonnes. Le ministre Marcourt

s’était récemment dit ouvert à une éventuelle nu-

mérisation des classes, prévue dans le Pacte. Le

matériel informatique serait alors financé par le

gouvernement wallon.

Pour l’emploi des professeurs et des accom-

pagnants scolaires, communément appelés aides

complémentaires, le nombre de périodes orga-

niques financées par la Communauté française

serait – tel est le sentiment de la Commission cen-

trale de gestion des emplois – revu à la baisse, au

profit de périodes payées sous contrat APE, et

donc financées par la Région wallonne.

Ces deux exemples montrent la connexion

entre la Communauté, qui indiquerait la marche à

suivre, et la Région, qui financerait les mesures

que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut sou-

tenir.

Comment la coordination avec le gouverne-

ment wallon s’organise-t-elle? Le ministre-

président s’emploie-t-il à renforcer les accords

avec ses partenaires wallons et bruxellois afin de

financer certaines nouvelles mesures ambitieuses?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je

ne vous ferai pas l’outrage de vous rappeler que

les travaux sur le Pacte pour un enseignement

d’excellence sont toujours en cours. À ce jour, le

gouvernement n’a pas encore adopté le pacte en

tant que tel. Il convient par contre de préciser que

nous avons analysé le rapport rédigé par le groupe

central, dans lequel figurent une série de proposi-

tions et d’orientations. Celles-ci ne sont pas en-

core définitives et demandent à être affinées. Il

s’agit d’une étape de travail intermédiaire. Les

travaux complémentaires ont commencé et seront

menés rapidement afin que nous décidions des

mesures à prendre à court, moyen et long terme.

Dans le cadre de ce travail de priorisation

auquel s’attèlent tous les acteurs du pacte, se pose-

ront les questions budgétaires et matérielles. Il est

évident que toutes les propositions ne pourront pas

être prises en compte en même temps. Nous al-

lons, comme je l’ai dit, les séquencer sur le court,

le moyen et le long terme. Il est, pour ce faire,

essentiel d’analyser l’impact de chacune des me-

sures sur le système éducatif, dans l’ordre des

priorités, et de mettre en regard ces priorités et le

coût qu’elles impliquent. Sur cette base, nous en-

visagerons le financement.

Si certaines propositions s’avèrent très coû-

teuses, d’autres mesures sont susceptibles de recy-

cler voire de dégager des moyens. Il faudra donc

chercher l’équilibre juste. Nous ne sommes en

effet pas ici pour ajouter de la dépense à la dé-

pense. Nous allons aussi envisager les attributions

budgétaires qui peuvent être modifiées.

Cela dit, j’insiste à nouveau sur le processus

du pacte et sur la nécessité, pour nous et pour nos

enfants, d’investir dans ce secteur important

qu’est l’enseignement. Vous avez donc raison de

mettre en évidence la nécessité de dépasser la

ligne d’horizon institutionnelle qui est la nôtre. Il

faut établir des connexions entre la Fédération

Wallonie-Bruxelles et les Régions wallonne et

bruxelloise, dont des représentants siègent

d’ailleurs au Comité d’accompagnement du pacte.

La Fédération veille, par exemple, à ce que la

Région bruxelloise soit associée à la mise en

œuvre du plan Marshall en Wallonie pour faire en

sorte que les liens entre Bruxelles et la Wallonie

soient aussi abordés sous l’angle de la réflexion

des modalités d’enseignement à mettre en place.

Nous réfléchissons aussi à la manière

d’implémenter la Stratégie 2025 de la Région de

Bruxelles-Capitale dans les structures de

Page 11: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 11 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

l’enseignement.

Dans les exemples de collaboration relatifs

au numérique et se rapportant, cette fois-ci, à

l’autre Région, la Wallonie, une décision vient

encore d’être prise par M. Marcourt, dans le cadre

de son quatrième plan numérique. Il a veillé à ce

que la Région dont il est originaire investisse

7 millions d’euros pour moderniser le parc infor-

matique des établissements situés sur son terri-

toire. C’est toujours cette logique d’affinités entre

la Fédération Wallonie-Bruxelles et les Régions

qui nous guide dans la mise en œuvre des diffé-

rentes collaborations.

Nous avons aussi mis en place un groupe de

travail qui réunit les représentants des ministres

compétents en matière d’enseignement qualifiant

et les représentants des ministres régionaux com-

pétents en matière de formation. Quand on réflé-

chit aux besoins de la Région de Bruxelles-

Capitale et à ceux de la Wallonie, on se trouve au

cœur du dispositif portant sur les connexions entre

enseignement, économie et formation. Là, nous

mettons en exergue des questions relatives à la

définition des fonctions respectives, des interac-

tions des opérateurs d’enseignement qualifiant et

de formation, qui fondent les démarches substan-

tielles, voire «ontologiques», de ce que nous vou-

lons mettre en place par le biais du Pacte

d’excellence.

Voilà pour les premières étapes. Nous atten-

dons l’automne pour que la priorisation nous per-

mette d’avancer plus loin dans les synergies à

mettre en œuvre avec les récipients institutionnels

que sont les deux Régions.

Mme Valérie Warzée-Caverenne (MR). –

Monsieur le Ministre-Président, je suis bien cons-

ciente que le Pacte d’excellence n’en est qu’à ses

balbutiements. C’est pourquoi ma question prenait

en compte les aides complémentaires déjà exis-

tantes: les puéricultrices, les heures de psychomo-

tricité, l’aide fournie par la Région wallonne pour

l’aménagement de cyberclasses ou la fourniture de

tablettes numériques.

Les commissions zonales répartissent, en

fonction de critères établis, les emplois dans les

différents établissements. Déjà aujourd’hui, on

commence les réunions en disant que l’on «gère la

misère», car toutes les écoles ont de tels besoins…

Point positif, le groupe de travail du Pacte

pour un enseignement d’excellence fait exacte-

ment le même constat: il faut renforcer les aides

complémentaires dans nos écoles, plus spécifi-

quement pour les plus jeunes, en maternelle.

Je voulais souligner qu’aujourd’hui, déjà, on

a du mal à joindre les deux bouts.

La question soulevée ici portait sur le per-

sonnel, alors que nous connaissons le manque de

moyens des écoles malgré l’aide des Régions sous

la forme d’APE en Wallonie et d’ACS à

Bruxelles. Ne faudrait-il pas penser à l’impact

budgétaire de ce type de mesures qui répondent

aux besoins exprimés par le terrain et que complé-

tera le Pacte pour un enseignement d’excellence?

Je me réjouis que vous ayez une discussion avec

les autres gouvernements et j’espère que nous

n’aurons plus à gérer la misère et que nous pour-

rons aider les enseignants.

1.8 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Programmation du Centre

Wallonie-Bruxelles de Paris»

M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Monsieur le

Ministre-Président, la presse s’est fait l’écho

d’une exposition consacrée à Paul Delvaux au

Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, durant toute

la saison d’été, jusqu’au 19 septembre. Je vou-

drais, à travers vous, féliciter la direction artis-

tique pour cet excellent choix, particulièrement

emblématique et susceptible de drainer vers le

Centre un nombreux public parisien, français et

international, vu la renommée de cet artiste. Il me

semble toutefois souhaitable de pousser la ré-

flexion un peu plus loin et de vous interroger à

cette occasion sur la vocation de base du Centre

Wallonie-Bruxelles de Paris.

Si je me réfère au site internet de Wallonie-

Bruxelles International (WBI), le Centre est «la

vitrine pour Paris et la France des multiples as-

pects de la création en Wallonie et à Bruxelles».

De plus, si je relis la note de politique internatio-

nale, en particulier son chapitre La créativité et la

culture comme outils de rayonnement, je relève

que la mission principale de WBI en matière cul-

turelle consiste «à soutenir les opérateurs culturels

et créatifs en vue de renforcer leur dimension in-

ternationale via des mécanismes spécifiques favo-

risant leur exportation sur les marchés/festivals ou

manifestations prioritaires à l’étranger et/ou en

Wallonie et à Bruxelles dans la mesure où ceux-ci

contribuent au développement de réseaux de coo-

pération et de diffusion bénéfiques pour nos opé-

rateurs». En outre, cette note mentionne

explicitement le Centre Wallonie-Bruxelles de

Paris parmi les instruments qui ont un rôle essen-

tiel pour «favoriser la diffusion et la mise en mar-

ché des opérateurs culturels de la Fédération

Wallonie-Bruxelles à l’international». Ce centre

n’est donc pas un lieu culturel parisien parmi une

multitude d’autres. À juste titre, l’accent est mis

sur son rôle tout à fait spécifique comme «trem-

plin» pour aider nos créateurs à se développer sur

le marché parisien et français, bien davantage que

sur des rétrospectives à caractère patrimonial qui

ont toute leur valeur et toute leur raison d’être en

elles-mêmes, mais qui visent d’autres objectifs.

Ma question porte dès lors sur le principe et

l’opportunité d’inclure des événements de type

emblématique et patrimonial dans la programma-

tion du Centre, qui est un des outils majeurs de

notre Fédération pour la diffusion internationale

Page 12: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 12 )

de la création contemporaine dans nos Régions. Si

cette opportunité est fondée, quelle place peut-elle

leur être accordée pour ne pas mettre en péril la

mission de base, à savoir la promotion de la créa-

tion actuelle?

Même s’il s’agit de la période estivale, la du-

rée de cette exposition m’interpelle. Est-il courant

d’organiser au Centre des expositions de

quatre mois? Loin de moi l’idée de nier l’intérêt

évident d’une exposition Delvaux, mais ne faut-il

pas plutôt encourager l’organisation d’une telle

rétrospective dans un lieu culturel parisien plus

adéquat et susceptible d’accueillir un plus grand

nombre de visiteurs? Enfin, en ces temps de di-

sette budgétaire, j’aimerais vous interroger sur le

coût global de cette exposition.

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je

vous remercie, Monsieur le Député, pour l’intérêt

que vous manifestez pour l’espace culturel fran-

cophone de Belgique, que nous cherchons à diffu-

ser par-delà nos frontières.

Dans l’établissement de sa programmation,

l’équipe du Centre veille particulièrement à ce que

les créateurs de chaque discipline valorisée jouis-

sent d’une visibilité qui leur permette de se pro-

fessionnaliser davantage et favorise leur mise sur

le marché. C’est là que nos créateurs doivent trou-

ver des débouchés. Cette terminologie souligne

notre conscience accrue de l’impact économique

de l’action culturelle. L’un des objets de discus-

sion de votre commission est d’ailleurs de porter

la culture au pavois de l’économie sans l’y ré-

duire.

En vertu de sa mission, le Centre agit princi-

palement en faveur des artistes qui œuvrent au-

jourd’hui à la vitalité de notre création, comme en

atteste sa programmation de 2015 qui comptait pas

moins de 150 événements. Comme vous, je trouve

remarquable d’avoir choisi de consacrer une expo-

sition à Paul Delvaux. J’attire aussi votre attention

sur le cahier des charges. La direction du Centre

prescrit de «mettre en valeur le patrimoine artis-

tique de l’ensemble de la Fédération Wallonie-

Bruxelles, en ce compris nos institutions mu-

séales». Il est indéniable que le Centre n’a de

cesse de placer sous les feux de la rampe nos mu-

sées et nos centres d’art. C’est le cas avec le Mu-

sée d’Ixelles, comme ce fut le cas avec le Musée

des Beaux-Arts de Liège ou le Musée des Arts

contemporains du Grand Hornu, le Mac’s.

L’œuvre de Paul Delvaux n’avait plus connu

d’exposition majeure en France depuis 1991, avec

celle organisée au Grand Palais. Sans la collabora-

tion exceptionnelle des collectionneurs Pierre et

Nicole Ghêne du Musée d’Ixelles, celle-ci n’aurait

jamais pu voir le jour. Notre presse, et c’est heu-

reux, y a fait largement écho; il en a été de même

du côté français, qui accorde un intérêt particulier

à notre Centre, situé face au Centre Pompidou.

Bien au-delà de cette exposition, l’identité du

Centre Wallonie-Bruxelles et sa riche programma-

tion s’affirment avec dynamisme. Ses taux de

fréquentation sont toujours en train de croître et

son public se diversifie. Les expositions dites pa-

trimoniales que le Centre programme sont en

quelque sorte un vaisseau amiral, une façon de

mieux valoriser par la suite nos artistes actuels. La

tendance artistique actuelle relève d’ailleurs la fin

d’une dichotomie stricte qui peut exister entre

patrimoine et création contemporaine. J’en ai moi-

même été le témoin direct, puisqu’on avait jadis

réparti la compétence de la Culture entre deux

ministres. L’un s’occupait de la culture patrimo-

niale, les artistes morts, l’autre des artistes vi-

vants. Inutile de vous dire que, lorsqu’on se

trompait en envoyant le ministre compétent pour

les artistes morts à l’inauguration d’une exposition

d’artistes vivants, c’était assez traumatisant.

C’était un peu comme si la grande faucheuse se

présentait à la porte…

Si l’amateur d’art au regard aiguisé peut

s’introduire dans les champs parfois arides de la

création contemporaine, le grand public trouve

dans cette nouvelle harmonie entre patrimoine et

art contemporain les clés d’une compréhension de

démarches artistiques qui émergent pour braver

parfois un certain hermétisme.

La prochaine exposition du Centre

s’intitulera d’ailleurs Images et mots depuis Ma-

gritte, ce qui montre bien la connexion entre le

patrimoine et la création. Elle se déroulera du

13 octobre 2016 au 29 janvier 2017, sous le com-

missariat de Michèle Bodson. Elle s’appuiera sur

le constat de ce lien organique. Elle mettra en

valeur les relations entre l’écriture et les arts plas-

tiques, du surréalisme à Cobra, à l’art conceptuel

et aux médias actuels, à travers une sélection

d’œuvres de René Magritte, de Marcel

Broodthaers, de Jacques Charlier, de Joëlle Tuer-

linckx et d’Ann Veronica Janssens. Cette exposi-

tion sera aussi l’occasion de renforcer notre

partenariat avec Beaubourg.

Le Centre a pris l’habitude de programmer

quatre grandes expositions par an. La durée de

celle qui est consacrée à Paul Delvaux a été pen-

sée au regard de l’impact relatif à la communica-

tion et des coûts générés par le prêt exceptionnel

des œuvres de la collection particulière.

Quant au coût des expositions du Centre, je

puis vous dire qu’ils varient entre 40 000 et

55 000 euros, en ce compris les frais de communi-

cation. Une exposition dite patrimoniale n’est pas

nécessairement plus onéreuse que la valorisation

de jeunes créateurs. Dans le premier cas,

l’importance des coûts réside dans les droits et les

assurances et, dans le deuxième cas, dans

l’invitation de tous les créateurs, afin qu’ils pré-

sentent leur travail auprès des professionnels et de

la presse.

J’aimerais rappeler, dans une conclusion

toute provisoire, que le Centre Wallonie-Bruxelles

est un des outils majeurs du rayonnement de la

Page 13: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 13 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

Fédération Wallonie-Bruxelles et que son ouver-

ture au développement de réseaux de coopération

et de diffusion s’avère très bénéfique pour nos

opérateurs et pour nos artistes, un peu comme

nous le faisons aussi dans le domaine des arts de

la scène, notamment en Avignon.

M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Je vous re-

mercie pour cette réponse, comme souvent teintée

d’humour, Monsieur le Ministre-Président. Je suis

satisfait de votre mise en contexte, car elle montre

bien l’équilibre trouvé par le Centre Wallonie-

Bruxelles entre la création contemporaine et le

patrimoine.

Pour moi, le Centre est avant tout et malgré

tout un outil de développement économique, non

pas au sens commercial du terme, mais pour la

«mise sur le marché» de nos artistes. S’ils ne peu-

vent vivre de leurs œuvres, ils se trouveront en

grande difficulté, au péril de cette création qui

constitue pourtant un des éléments forts de notre

richesse et de notre identité. Ce faisant, si l’on

s’appuie sur notre patrimoine, comme c’est le cas

ici et lors de la prochaine exposition qui a l’air

bien alléchante, tant mieux!

La dernière exposition consacrée à Delvaux,

en 1991, a été organisée dans un grand lieu em-

blématique de l’art et de la culture française. Une

des forces que le Centre pourrait développer grâce

au réseau qu’il a déjà tissé sur place est la multi-

plication de ce genre d’initiatives. Il faut profiter

des lieux qui attirent par eux-mêmes, comme le

Grand Palais, pour y valoriser nos créateurs et

notre patrimoine.

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je

suis heureux que cette question m’ait été posée.

Pour corroborer votre propos, je dirai que nous

avons aujourd’hui une lecture ossifiée notamment

de l’architecture et de la création. C’est comme si

l’on devait sanctuariser la culture pour lui donner

de la valeur. Pour que la culture patrimoniale

trouve un prolongement et une valeur ajoutée, il

faut que la culture créatrice s’y accole, l’une

s’enracinant dans l’autre.

Des expositions actuelles intéressantes sur la

représentation patrimoniale montrent que l’image

des édifices, aujourd’hui, n’est pas celle qu’ils ont

eue depuis toujours. Au fil des siècles, les édifices

ont été bâtis, modifiés, reconfigurés avec un pro-

duit final qui nous inspire un sentiment

d’harmonie et de beauté, voire de surprise. Il en va

de même pour les racines créatrices. Les différents

courants qui ont traversé nos contrées ne détermi-

nent pas aujourd’hui le comportement des créa-

teurs, mais en sont généralement les racines. Cette

réflexion apporte une vision nuancée du monde à

l’heure où l’on aime les dichotomies. Elle montre

que l’enrichissement provient davantage du bras-

sin et du métissage de la culture qui se juxtapose

et s’interpénètre de génération en génération que

d’un acte créateur ex nihilo. L’humanité se re-

trouve dans la création à travers chacune de ses

couches. Vous m’avez donné l’opportunité

d’exprimer ce point de vie intéressant qui n’est

plus explicité dans notre société, car elle n’a plus

le temps de la nuance, mais tend à la caricature.

1.9 Question de M. Hamza Fassi-Fihri à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Comité de concertation du

25 mai»

M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Cette ques-

tion aurait peut-être pu être jointe à la question de

M. Crucke pour l’intérêt du débat.

Le 18 mai dernier, Bernard Delvaux, patron

de la Sonaca, Johnny Thijs, ex-CEO de La Poste,

et Baudouin Meunier, administrateur délégué des

Cliniques universitaires UCL Mont-Godinne,

s’exprimaient via une carte blanche dans la presse.

Face aux dysfonctionnements de notre État, no-

tamment les difficultés de coordination entre ni-

veaux de pouvoir, ils suggèrent un changement de

méthode mettant l’accent sur cinq projets trans-

versaux – mobilité, énergie, sécurité, vieillisse-

ment, compétitivité – qui «doivent faire l’objet

d’une concertation active et constructive dans

laquelle chaque parti démocratique doit pouvoir

trouver sa juste place et les partenaires sociaux la

leur».

Le cdH se retrouve parfaitement dans cet ap-

pel. Nous avons d’ailleurs plaidé à plusieurs re-

prises pour une politique qui dépasse les clivages

majorité/opposition et État fédéral/entités fédérées

pour faire face aux enjeux qui engagent le présent

et notre avenir commun. Le lieu à partir duquel

pourraient converger tous ces acteurs existe déjà.

Il s’agit du Comité de concertation, qui s’est jus-

tement réuni mercredi dernier. Je souhaiterais

vous interroger sur l’esprit qui a prévalu lors de

cette réunion et sur un point particulier de l’ordre

du jour.

Avez-vous constaté un changement dans

l’attitude des membres du comité qui laisse augu-

rer une prise de conscience des défis à relever

ensemble? Comment cela se manifeste-t-il, no-

tamment dans votre chef? Certaines réunions ont

été houleuses et improductives. Je m’interroge

donc sur l’évolution de l’esprit du travail au sein

de ce comité.

Un des points de l’ordre du jour concernait la

décision prise par le Conseil des ministres fédé-

raux d’investir 4 millions d’euros pour mener une

stratégie de communication visant à redorer le

blason de la Belgique. Sans un changement radical

dans la logique et l’esprit de la concertation, je

crains que cette initiative soit inutile. Si, par bon-

heur, vous m’annonciez que ce changement a eu

lieu, il me semble utile de rappeler que l’image de

la Belgique à l’étranger ne dépend pas uniquement

du gouvernement fédéral. Il est dès lors fonda-

mental de réussir une approche commune à

l’étranger. Avez-vous également abordé ce point

Page 14: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 14 )

en comité de concertation?

Avez-vous interrogé les délégations de Wal-

lonie-Bruxelles International sur l’image de notre

pays et, a fortiori, de notre Communauté à

l’étranger? Quels sont les propos qui vous revien-

nent? Quelles réponses pouvez-vous apporter avec

les moyens dont vous disposez?

M. Rudy Demotte, ministre-président. – J’ai

participé à cette réunion du Comité de concerta-

tion. Les formes de concertation en Belgique sont

multiples: parfois, des points sont portés

d’initiative, d’autres fois, des propositions sont

formulées par l’État fédéral. Je m’y suis exprimé

la dernière fois sur le thème de la pension du sec-

teur public et, plus particulièrement, des ensei-

gnants dans notre Fédération.

Nous avions de nombreuses raisons de dialo-

guer, mais ici, le contexte était celui de la volonté

affichée par le fédéral de se concerter sur le thème

du Belgium bashing et de voir comment nous pou-

vions progresser ensemble.

Le Comité de concertation devra se pencher

sur de nombreux autres sujets, complexes et par-

fois polémiques, comme la sécurité, le vieillisse-

ment, la compétitivité ou l’énergie.

La prochaine réunion n’ayant lieu qu’en juil-

let, nous attendrons pour voir si l’esprit restera

positif lorsque nous aborderons des thèmes qui

fâchent un peu plus. Pour l’instant, je ne peux que

me baser sur ce que j’ai éprouvé lors de la der-

nière réunion. J’ai voulu donner une image posi-

tive de ma propre lecture des faits, à commencer

par le point que je viens d’évoquer. J’ai porté de-

vant le comité, de manière totalement neutre, la

question de savoir jusqu’où nous voulions discuter

ensemble de l’appréhension de plus de

100 000 personnes du monde enseignant de la

problématique des pensions.

À ce stade, je n’ai pas eu le sentiment d’un

désintérêt du fédéral par rapport à ce que j’ai ex-

posé, pas plus que je n’ai eu d’assurance sur la

qualité du dialogue à venir.

Je suis une personne optimiste et j’espère que

l’issue sera positive.

Je songe aujourd’hui à l’impact de certaines

mesures pour les agents de la fonction publique et

plus particulièrement pour les enseignants de la

Fédération Wallonie-Bruxelles, pour lesquels la

réforme des pensions, telle qu’évoquée au-

jourd’hui et menée par mesures successives, pour-

rait avoir des conséquences malheureuses.

J’ai fait part de mes remarques sans esprit de

polémique, et je ne réserve pas mes commentaires

aux journalistes à la sortie du Comité de concerta-

tion, dans le but d’instiller un poison quelconque

aux uns ou aux autres; que chacun fasse comme il

l’entend.

Il était important de démontrer que lorsqu’on

veut organiser le dialogue, on doit être réellement

à l’écoute les uns des autres.

Aujourd’hui, le mécanisme de concertation

mérite d’être relancé sur de meilleures bases.

Certes, nous sommes dans une logique où l’on ne

peut pas dire a priori que les choses ne peuvent

pas déboucher sur du concret, mais si les comités

de concertation renvoient beaucoup de points aux

groupes de travail, ceux-ci ne reviennent plus avec

des propositions permettant de sortir de l’ornière.

Une révolution mentale doit intervenir.

Les problèmes peuvent également être liés à

l’attitude de l’autorité qui organise le comité de

concertation, par exemple lorsqu’elle donne le

sentiment d’une ouverture dans les contacts que

nous avons entre nous, mais qu’à l’usage de ses

arbitrages internes – je pense notamment aux

questions d’ajustement budgétaire –, elle tranche

des matières qui ont été laissées en suspens.

Vous m’interrogez par ailleurs sur l’initiative

de Positive Belgium. Le premier ministre part d’un

principe utile dans les circonstances actuelles, à

savoir investir de l’argent dans une campagne de

communication pour redorer l’image du pays.

Comme je l’ai dit à M. Crucke, nous allons

faire tout ce que nous pouvons pour nous y joindre

dès que la task force aura déterminé ses lignes de

force, mais nous devrons dans le même temps

veiller à ce que le fond évolue positivement. Si,

demain, le climat d’insécurité reste identique,

nous pourrons organiser toutes les campagnes de

communication que nous voulons, ce ne sera pas

bon. Si demain, nous n’avons pas la force de trou-

ver en nous le ressort pour améliorer le climat

social, c’est mauvais pour le pays. La déstabilisa-

tion du pays passe parfois par le sentiment que les

problèmes de fond sont insurmontables.

En ce qui me concerne, je ferai en sorte que

les différents groupes ciblés – la presse, les tou-

ristes, les voyageurs d’affaires, les investisseurs,

nos concitoyens – se voient motivés par un mes-

sage positif car il importe, dans des moments de

crise, des moments sombres, de délivrer ce dis-

cours. Et les messages envoyés par la Fédération

Wallonie-Bruxelles au fédéral, c’est que nous ne

sommes pas seulement intéressés par la démarche,

mais que nous voulons nous engager concrète-

ment. Nous avons aussi mené des actions sur le

terrain, partout où nous sommes présents avec nos

délégations. Nous distillons un message

d’encouragement positif.

Il importe à présent de faire en sorte que tout

fonctionne très correctement; que les missions

économiques et les chambres de commerce jouent

un rôle dans l’appréhension de l’image générale

de la Belgique; que les organes d’exportation

bruxellois et wallons aient un discours entrepre-

nant et positif; que l’Horeca ait demain la faculté

d’accueillir dans des conditions optimales davan-

tage de touristes pour qu’eux-mêmes se fassent le

relais de ce qui a évolué positivement à la suite

des situations d’attentats; que, finalement, nous

Page 15: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 15 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

donnions l’image d’une nation qui se reprend en

main, creuset de diversités linguistiques et cultu-

relles cultivant l’art ô combien difficile, mais

riche, du compromis. Bref, un modèle, qui comme

beaucoup d’autres aujourd’hui, est secoué, mais

un modèle qui garde une légitimité parce qu’il

permet le débat démocratique et qu’il préserve

l’essentiel: l’image que nous donnons au reste du

monde.

M. Hamza Fassi-Fihri (cdH). – Cette dis-

cussion est importante. L’État est fragilisé de

toutes parts, la démocratie sociale est bousculée,

la population est en souffrance et la cohésion so-

ciale est malmenée. Sans avoir encore une longue

expérience politique, je n’ai jamais connu pareille

situation.

Face à un tel chaos, nos gouvernements ont

une obligation de résultat, notamment au sein du

Comité de concertation. La concertation ne peut se

limiter à un échange de positions. Nous sommes

dans l’urgence. Je n’ai pas le sentiment au-

jourd’hui que les gouvernements s’inscrivent dans

cette logique d’obligation de résultat.

Je vous entends. Je lis la presse. J’aperçois

peut-être le début d’une nouvelle ère, un tournant

dans la manière d’appréhender cet espace qui

pourrait prendre une dimension symbolique forte

et redevenir le lieu où l’on reconstruit la confiance

et l’espoir.

J’entends que vous êtes neutre par rapport à

cette atmosphère de travail. Je m’en réjouis. Lors-

que les réalités et les majorités sont si différentes,

c’est la volonté politique qui fait toute la diffé-

rence.

Prendre des engagements est déjà une ex-

pression de la volonté politique. J’ai entendu les

engagements des uns et des autres. Après

l’engagement vient l’acte. Nous verrons alors la

force de l’engagement des uns et des autres. Nous

y verrons peut-être plus clair en juillet. J’insiste

sur l’urgence et sur l’obligation de résultat de ce

Comité de concertation.

L’image de la Belgique n’est pas un sujet

d’importance majeure, comparée au vécu quoti-

dien de nos concitoyens. Son importance est sym-

bolique. C’est le miroir dans lequel on se regarde.

Cette image doit être restaurée. Vous devez ac-

complir collectivement et avec succès cette pre-

mière démarche vers l’étranger.

J’ai entendu, dans votre réponse à

M. Crucke, que ce projet était encore en construc-

tion. J’ai lu dans la presse que les uns et les autres

souhaitaient associer la société civile à ce travail

sur l’image de nous-mêmes que nous véhiculons à

l’étranger. C’est une excellente idée.

La société civile, dans nos compétences, ce

sont les artistes et les sportifs. Des artistes et des

sportifs de notre Communauté devraient contri-

buer à redorer l’image de la Belgique à l’étranger.

Cet été, nos artistes et nos sportifs pour-

raient, lors de trois événements européens et mon-

diaux, contribuer à améliorer l’image de notre

pays. Je pense à Roland-Garros, à l’Euro 2016 et

aux Jeux olympiques. Au-delà de leurs perfor-

mances, ils pourraient mener une action particu-

lière.

Nos ambassadeurs pourraient attester de nos

capacités de résilience. Au-delà du travail des

politiques, des administrations, des agences, des

institutions et des délégués, la société civile peut

être notre meilleure ambassadrice. J’espère que

vous prendrez des initiatives dans ce sens.

1.10 Question de Mme Caroline Persoons à

M. Rudy Demotte, ministre-président,

intitulée «Cellule Art et Antiquités de

la police fédérale»

Mme Caroline Persoons (DéFI). – Si ma

question ne relève pas directement de la compé-

tence de notre Fédération, plusieurs raisons m’ont

convaincue de la déposer. Tout d’abord, ce sont

des responsables de musée qui m’a alertée sur le

devenir de la cellule «Art et Antiquités» de la

police fédérale. C’est aussi, vous comprendrez

pourquoi, parce que je vois un lien avec le débat

sur le radicalisme. Enfin, nous avons dans nos

compétences la culture, mais également les rela-

tions internationales, liées à ces compétences cul-

turelles.

J’ai appris par voie de presse la suppression

de la cellule de la police fédérale chargée des vols

d’œuvres d’art. Cette annonce a été confirmée le

11 mai dernier en commission de l’Intérieur du

Parlement fédéral.

Cette cellule a été constituée en 2006 et

comptait à cette époque cinq inspecteurs. Ce

nombre avait déjà été ramené à deux inspecteurs

uniquement, ce qui – il faut l’avouer – ne repré-

sente pour l’État une charge budgétaire que très

minime au regard de leur expertise et de leur utili-

té. La suppression de la cellule est justifiée par

l’optimalisation de l’organisation de la police

fédérale qui implique d’orienter la capacité cen-

trale de la police judiciaire fédérale vers ses mis-

sions prioritaires. Le trafic d’œuvres d’art et

d’antiquités ne figure pas parmi celles-ci. Cette

décision s’inscrit donc dans un mouvement

d’optimalisation lancé en 2013, alors que le con-

texte international et l’importance du trafic

d’œuvres d’art dans le financement du terrorisme

ont, depuis lors, fortement évolué.

Cette justification est surprenante lorsqu’on

sait la part que représente le vol et le trafic

d’œuvres d’art et d’antiquités dans le financement

du terrorisme international, phénomène qui con-

centre légitimement toute notre attention au regard

de la menace qu’il fait peser sur notre intégrité

physique, mais également sur nos libertés. L’État

islamique tire en effet des revenus substantiels du

Page 16: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

CRIc No109-RI15 (2015-2016) ( 16 )

trafic illégal de pièces archéologiques, qui transi-

tent souvent par l’Europe pour arriver en Bel-

gique.

Le trafic des biens culturels est en outre le

troisième en importance dans le monde après le

blanchiment d’argent et le trafic de drogues.

La cellule ainsi supprimée serait intégrée,

avec d’autres, dans une nouvelle direction chargée

de la lutte contre le terrorisme, avec des moyens

supplémentaires. C’est toutefois occulter l’utilité

de la cellule «Art et antiquités» dans d’autres do-

maines, comme celui du blanchiment d’argent en

cas de rétrocommissions.

Enfin, ce choix va totalement à contre-

courant des choix opérés dans les autres États

membres de l’Union européenne. La Lituanie, la

Pologne et la Roumanie viennent en effet de créer

une cellule spécialisée dans le trafic d’œuvres

d’art et les cellules déjà existantes en Italie, en

France et aux Pays-Bas viennent d’être étoffées.

Plusieurs experts muséaux de notre Fédéra-

tion collaborent régulièrement avec cette cellule.

L’ASBL Le Bouclier bleu y collabore également.

Ce sont d’ailleurs eux qui m’ont prévenue de la

disparition de cette cellule. C’est une véritable

perte pour nos musées qui achètent des œuvres et

font attention à leur patrimoine.

Quelle est la position de votre gouvernement

face à cette décision? En tant que pouvoir ayant

parmi ses compétences la culture, ne nous est-il

pas possible d’intervenir auprès de l’autorité fédé-

rale?

Notre Fédération apporte une aide substan-

tielle à de nombreux musées situés sur son terri-

toire, mais peut-être aussi à des musées étrangers,

via sa politique de relations internationales.

M. Rudy Demotte, ministre-président. – La

décision a été prise par le gouvernement fédéral et

relève de l’organisation des services de police. Je

partage entièrement votre constat. Les mouve-

ments terroristes, aujourd’hui, tirent profit no-

tamment de la vente d’antiquités et d’œuvres d’art

volées. Un certain nombre de pièces transitent par

l’Europe et aboutissent en Belgique. La France et

notre autre voisin, les Pays-Bas, ont fait le con-

traire. Ils ont renforcé leur service «Art» dans leur

police. C’est aussi le cas des pays d’Europe cen-

trale et orientale, dont la Roumanie et la Pologne,

par exemple. J’ajoute que le Conseil des ministres

du Conseil de l’Europe a adopté un projet de man-

dat d’un comité d’experts chargé de l’élaboration

d’une nouvelle convention sur les infractions qui

concernent les œuvres et biens culturels.

Comme vous, je note que la Belgique

s’inscrit dans la direction inverse, en décidant de

supprimer cette cellule «Art et antiquités» qui ne

serait plus une priorité pour le gouvernement fédé-

ral. Je cite le texte: «Les autorités et la direction

de la police ont opté pour maximaliser les res-

sources humaines en les décentralisant, et garder

une capacité minimale au niveau central. Étant

donné que la criminalité relative à l’art et aux

antiquités n’est pas jugée prioritaire, sa prise en

charge est intégrée au travail régulier de la po-

lice.» Je ne suis pas d’accord. Dans cette optique,

c’est la police locale qui devrait assumer cette

tâche à l’avenir! On connaît déjà le débordement

de la police locale aujourd’hui!

Vous avez cité Le Bouclier bleu. C’est effec-

tivement une association belge chargée de la pro-

tection des œuvres d’art. Pour cet organisme, qui a

une expérience de terrain, il n’est pas possible

pour la police locale de s’investir dans cette tâche.

Elle n’a pas les outils nécessaires. C’est une spé-

cialité, c’est une criminalité qui n’est pas équiva-

lente à celle que l’on rencontre dans les

municipalités. Elle n’a pas non plus la capacité de

se confronter avec les outils déployés notamment

par Interpol. Elle n’a pas le type de connexions,

d’habitudes lui permettant de s’atteler à cette

tâche. Cela va aussi nuire à la lutte contre les vols

d’œuvres d’art chez nous, en Belgique.

Encore récemment, la cellule «Art» a pu

mettre la main sur des tableaux qui avaient été

volés il y a cinquante ans dans l’église de Bou-

vignes à Dinant et qui ont été retrouvés, il y a

quelques semaines, chez un antiquaire de Bruges.

La Belgique s’inscrit à rebours dans cette évolu-

tion générale. Je suis obligé de dire que l’image

que nous donnons de nous à l’étranger n’est pas

excellente. Ce n’est pas Positive Belgium et je

serais beaucoup plus réservé sur le mot à utiliser!

Comme je ne souhaite pas de polémique, je ne

dirai rien!

Le Parlement où le débat doit être mené,

puisqu’il s’agit réellement de tâches de police,

c’est le Parlement fédéral. Votre question me

donne l’occasion de vous dire que je me range à

votre point de vue. Je signale d’ailleurs qu’à

l’audition de votre intervention, j’ai aussi pris la

décision d’écrire au premier ministre pour lui ex-

primer mon ressenti à ce sujet. Je vais lui dire que,

sans vouloir empiéter sur les compétences fédé-

rales, nous considérons que c’est une erreur d’aller

aujourd’hui ouvrir les vannes – ou en tout cas ne

pas les fermer – du financement d’une certaine

forme de criminalité singulièrement liée au terro-

risme, alors que nous faisons tout pour la com-

battre.

Mme Caroline Persoons (DéFI). – Je re-

mercie le ministre-président pour sa réponse.

Qu’il prenne la plume pour exprimer au premier

ministre son ressenti à cet égard est certainement

positif! D’après un responsable du secteur muséal

fédéral, il y aurait une volonté de confier certaines

tâches dans ce domaine aux Communautés, étant

donné leur expertise en œuvres d’art, musées, etc.

Il y a peut-être aussi une envie de confier cette

cellule à la police locale, avec l’appui des Com-

munautés qui ont une expertise utile dans ce do-

maine. C’est peut-être aussi une tendance…

Page 17: DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE

( 17 ) CRIc No109-RI15 (2015-2016)

M. Rudy Demotte, ministre-président. – Je

ne voudrais pas être polémique, mais je souhaite-

rais apporter quelques éléments pour nuancer le

débat. Lors de la dernière réunion du Comité de

concertation, quand j’ai abordé la question du

régime des pensions, j’ai utilisé une image. J’ai dit

au premier ministre que nous étions dans un cli-

mat de Noël: lors d’une trêve, nous devons nous

mobiliser, mais il faut faire attention de ne pas

toujours rejeter les responsabilités sur les autres.

Je prends, par exemple, la suppression de la

bonification à la pension liée au diplôme. C’est

une catastrophe pour les travailleurs de la fonction

publique et en particulier pour les enseignants qui

ont fait un effort, parfois au détriment de leur qua-

lité de vie ou de celle de leurs parents qui se sont

saignés pour leur permettre de faire des études.

Pour bénéficier de cette bonification, ils devront

désormais cotiser. Certains craignent que, dans

une logique de «pilarisation» des pensions, les

entités publiques fédérées ne soient amenées à la

payer. Le pouvoir fédéral reporterait donc cette

charge sur les entités fédérées.

Si le pouvoir fédéral décidait de confier la

compétence en matière de lutte contre le vol

d’œuvres d’art ou de revente d’antiquités aux po-

lices locales, tout en demandant aux Communau-

tés d’intervenir, cela relèverait du même

raisonnement. Notre expertise est bien réelle, mais

elle ne porte pas sur ces aspects, elle n’est pas la

même que celle de cette cellule spécialisée. Je

voudrais rester optimiste sur la qualité de la colla-

boration et éviter de donner aussi le sentiment de

se défausser de ses responsabilités sur autrui.

Je le répète: je n’ai aucune forme de pensée

sous-jacente ou hypocrite à ce sujet, mais il serait

désastreux qu’à chaque fois qu’un problème appa-

raît, la même logique de report de responsabilité

soit appliquée.

2 Ordre des travaux

M. le président. – Les questions orales à

M. Rudy Demotte, ministre-président, de

Mme Véronique Waroux, intitulées «Situation en

Palestine» et «Massacres en cours sur le territoire

de Béni, dans la province du Nord-Kivu au Con-

go», et de M. Jean-Luc Crucke, intitulée «Adhé-

sion de la Catalogne à l'OIF», sont retirées.

La question orale de M. Jean-Pierre Denis à

M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée

«Initiatives de prévention du radicalisme et de

bien-vivre ensemble», est reportée.

Voilà qui clôt l'heure des questions et inter-

pellations.

L'heure des questions et interpellations se

termine à 16 h 05.