dauvillier 1948 les provinces chaldéennes de l'extérieur au moyen age (from variorum)

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1 1 Les Provinces Chaldéennes "de l'Extérieur" au Moyen Age Au Moyen Age, l'Eglise chaldéenne - qu'à la suite des voyageurs latins du XIII" siècle on appelle communément en Occident l'Eglise nestorienne (1) - a manif€'sté une force prodigieuse, témoignage de sa propre vitalité chrétienne. Elle a évangélisé l'Asie centrale, le Tibet, les Indes et la Chine; elle a essaimé de Chypre jusqu'à la Mand- chourie et jusqu'aux îles de Java et Sumatra. Après avoir enseigné aux conquérants arabes les éléments de la civilisation - lettres, philosophie, astronomie, physique .et médecine - elle a apporté la culture avec la religion chrétienne aux peu- ples nomades de l'Asie centrale. Avant d' être et de menacer notre Occident latin, les Turos ont été en grand nombre chrétiens de rite chaldéen, et les Mongols, dont ],es khans étaient devenus 'les maîtres du monde asiatique, se sont tournés un instant vers le christiani8me. A la même époque - c'était dans la seconde moitié du XIIIe ,siècI.e- le patriarche chaldéen Yahbhallàhâ III avait rétabli l'union avec l'Eglise (1) L'Eglise chaldéenne s'intitulait elle·même,au Moyen Age, l'Eglise orientale, par oppos.ition à l'Occident, qui était pour elle Antioche et Byzance. Ses fidèles se désignaient du nom de « chrétiens » Ou de « Syriens ». Les Jacobites et les Byzantins les ont qualifiés de nestoriens et les voy.ageurs latins du Moyen Age ont repris ce vocable; mais Nes- torius n'a jamais été patriarche de leur Eglise et n'y a joui que d'une autorité inférieure à -celle de Théodore de Mopsueste. Depuis le XV" et le XVI" siècLe, le terme de Chaldéens désIgne plUS spéCialement ceux qui sont revenus à l'unité oatholique. Les non catho- liques s'appellent aujourd'hui du nom d'Assyriens. On emploie parfois le terme Assyro-Chaldéens pour indiquer l'ens,emble de la nation. Bien qu'il n'ait pas été porté au Moyen Age, le nom de Chaldéens est oelui qui convient le mieux, en un temps où le centre de gravité de cette Eglise était Séleucie-Ctésiphon, puis Bagdad. On emplo-ie encore le terme de syriens orientaux, par oppesition aux Syriens occidentaux, qui relèvent du patriarche syrien d'Antioche.

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Page 1: Dauvillier 1948 Les provinces chaldéennes de l'extérieur au Moyen Age (from Variorum)

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Les Provinces Chaldéennes "de l'Extérieur"

au Moyen Age

Au Moyen Age, l'Eglise chaldéenne - qu'à la suite des voyageurs latins du XIII" siècle on appelle communément en Occident l'Eglise nestorienne (1) - a manif€'sté une force d~expansion prodigieuse, témoignage de sa propre vitalité chrétienne. Elle a évangélisé l'Asie centrale, le Tibet, les Indes et la Chine; elle a essaimé de Chypre jusqu'à la Mand­chourie et jusqu'aux îles de Java et Sumatra. Après avoir enseigné aux conquérants arabes les éléments de la civilisation - lettres, philosophie, astronomie, physique .et médecine -elle a apporté la culture avec la religion chrétienne aux peu­ples nomades de l'Asie centrale. Avant d' être islami~és et de menacer notre Occident latin, les Turos ont été en grand nombre chrétiens de rite chaldéen, et les Mongols, dont ],es khans étaient devenus 'les maîtres du monde asiatique, se sont tournés un instant vers le christiani8me. A la même époque -c'était dans la seconde moitié du XIIIe ,siècI.e- le patriarche chaldéen Yahbhallàhâ III avait rétabli l'union avec l'Eglise

(1) L'Eglise chaldéenne s'intitulait elle·même,au Moyen Age, l'Eglise orientale, par oppos.ition à l'Occident, qui était pour elle Antioche et Byzance. Ses fidèles se désignaient du nom de « chrétiens » Ou de « Syriens ». Les Jacobites et les Byzantins les ont qualifiés de nestoriens et les voy.ageurs latins du Moyen Age ont repris ce vocable; mais Nes­torius n'a jamais été patriarche de leur Eglise et n'y a joui que d'une autorité inférieure à -celle de Théodore de Mopsueste.

Depuis le XV" et le XVI" siècLe, le terme de Chaldéens désIgne plUS spéCialement ceux qui sont revenus à l'unité oatholique. Les non catho­liques s'appellent aujourd'hui du nom d'Assyriens. On emploie parfois le terme Assyro-Chaldéens pour indiquer l'ens,emble de la nation.

Bien qu'il n'ait pas été porté au Moyen Age, le nom de Chaldéens est oelui qui convient le mieux, en un temps où le centre de gravité de cette Eglise était Séleucie-Ctésiphon, puis Bagdad. On emplo-ie encore le terme de syriens orientaux, par oppesition aux Syriens occidentaux, qui relèvent du patriarche syrien d'Antioche.

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romaine. Si ce mouvement de conversion s'était poursuivi et approfondi, l'histoire du monde aurait été changée (2).

C'est un des aspects de cette prodigieuse aventure chré­tienne que nous nous proposons d'étudier, en affectueux hom­mage au .grand historien qu'e!!t le R. P. Cavallera. Quelles

(2) Nous ne pouvons songer à donner iCI une bibliographie complète de l'histoire de l'Eglise chaldéenne, ni même de son expansion, ce qui constituerait tout un article. L'ouyrage fondamental Bost l'article de Mgr E. TISSERANT (aujourd'hui S. E. le cardinal Tisserant, à qui nouS exprimons notre respectueuse gratitude.) ,Nestorienne (l'Eglise), Diction­naire de théologie çatholique, t. 11, Paris, 1931, col. 157-323. Les publica­tions les plUS récentes sur son histoire générale sont W. A. WIGRAM, The Assyrians OJnd their neighbours, Londres. 1929, et A. R. VINE, The Nestorian Churches, Londres, 1937. Sur l'expanSion chaldéenne, comme ouvrages essentiels, outre le travail d'E. TISSERANT, col. 195-218, nous citerons F. NAU, L'expansion nestorienne en Asie, Annales du Musée Guimet (bibliothèque de vulgarisation), t. 40, 1914, p. 193-388, et les nombreux articles de Paul PELLIOT, qui seront indiqués au cours de cette étude. Nous tenons à dire notre reconnaissance envers la mémoire de ce grand orientaliste, qui nous avait guidé dans nos reche'rches et avait approuvé les conclusions de ce travaIL Toutes les fois que nous le citons sans dçmne'r de réf.érence, nous rapportons le sentiment qu'il avait exprimé' de vive voix, ou dans ses lettres ou dans les notes manlllScrites qu'il a laissées. E. SACHAU, Zur Ausbreitung des Christen­tums in Asien, Abhandlungen der Preussischen Akademie derWissen: sChatten, Philosophisch-historische Klasse, 1919, p. 3-80, contient un exposé inté'ressant de l'expanSion chaldéenne dans le Proche et le Moyen­Orient; il a presque entièrement laissé de côté l'Asie centrale et l'Extrême-Orient et certaines de ses conjectures doivent être rectifiées. A. C. MOULE, Christians in China before the year 1550, Londres, 1930, et N estorians in China, some corrections and additions, China society,. 1940, a donné le memeur travail sûr l'expansion en Chine. A. MINGANA, T'he early spread of Christianity in Central Asia and the Far East, Bulletin of John Ry/ands Library, t. 9, 1925, p. 297-371 et tiré à part avec additions, Manchester, 1925, est aventureux et toutes ses affirma­tions do.iv.ent être contrôlées. Plus aventureux encore sont J. STEWART, Nestorian Missionary Enterprise, the story of a Church in (tre, Edim­bourg, 1928, et' FRITS HOLM, My Nestorian adventures, New-York, 1924. YOSHIRO SAEKI, Keikyô no kenkyû (Recherches sur le Nestorianisme), Tokyô, 1935,' .et The Nestorian documents «md relies in China, Tokyô, 1937, donnE) de nombreux documents, mais leur interprétation est sou­vent discutable. Nous adressons nos vifs remerciements. à M. Paul Demiéville, qui nous a communiqué ce travail japonais et nous a traduit les pass8Jgt8s qui nous intéressaIent. On trouvera, en outre, des indications sur les chrétientés chaldéennes, en plus de l'histoire géné­rale de l'Asie dans les beaux ouvrages de René GROUSSET, Histoire de l'Extrême-Orient, 2 vo.l., Paris, 1929; L'empire des steppes, Paris, 1939; L'empire mongoL, Paris, 1941; L'Asie ·orientale des origines au XV· siècle, Paris, 1941; Histoire de la Chine, paris, s. d. Nous remercions bien vivement M. René Grous,set. de l'Académie française, de nous avoir aidé à identifier certains lieux.

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étaient les métropoles de ces pays de mission, quelles étaient les provinces « de l'extérieur», comme on les appelle dans l,es textes chaldéens? C'est ce que nous nous efforcerons d'établir, après avoir déterminé leur statut canonique, en tâchant de soulever, autant que l'état présent de la science le permet, une partie du voile J'ombre qui les recouvre (3).

Pour réussir non seulement à se maintenir, mais encore ft conquérir, sous la domination d'un pouvoir séculier qui n'a jamais été chrétien - roi des rois sassanide, puis calife arabe - (songeons combien était différente la condition de nos chrétientés d'Occident), l'Eglise chaldéenne s'était donné une ~olide organisatioll, fortement hiérarchisée, servie par un droit, remarquable, élaboré par ses juristes ct ses synodes lég,isla­teurs (û).

Le catholicos patriarche de Séleucie-Ctésiphon, qui porte encore les titres d'archevêque et de Grand métropolite, a juridiction suprême et immédiate dans toute l'Eglise chal­déenne (5). Il lui appartient de créer de nouveaux sièges épis-

(3) JOSEPH-SIMONIUS ASSEMANI, Bibliotheca orientalis, t. 3, 2" partie, Rome, 1728, p. 706-788 et LE QUIEN, OrÎens christianus, t. 2, Paris, 1740, coL 1076-1342, donnent la list.e de la plupart des métropoles et des évè­chés chaldéens, avec une notice sur chacun d'eux, qu'on consulte en.core avec profit. Sir Henry YtlLE, Cathày and the way thither, 2" éd., par H. CORDIER, 4 voL, Londres, 1913-'1916, t. 1. p_ 103,' t. 3, p. 22-23; et M.-G. DEVÉRIA, Notes d'épigraphie mongole-chinoise, Journal asiati­que, 9" série, t. 8, 1896, p. 423-424, sur la base du texte. d'Assemant, proposent diverses identifications. Charles-Eudes BONIN, Note sur les anciennes chrétientés nestoriennes de l'Asie centrale, Journal asiatique, 9" série, t. 15 (qui porte par erreur le chiffre 14), 1, 1900, p_ 584-592, a repris l'étude de ·ces métropoles, mais son travail est vicié par d'énormes erreurs; Paul Pelliot était très sévère d·ans l'appréCiation qu'il portait sur lui, Bonin a cru, en outre, que nous connaissions le chiffre des évêchés, qu'en vertu d'une sim,ple opération arithmétique il pouvait attribuer à chaque métrop'Ûle troIs suffragants, et il n'hésite pas à les établir de la manière la plus arbitraire_

La plupart des chrétientés chaldéenne's d'Asie centrale et d'Extrême­Orient sont indiquées par A.. HERRMANN, Historical and commerciat Atlas of China, Cambridge (Massachussets), 1935, carte 45; mais, à la suite de Bonin, il attribue arbitrairement la qualité d'évèché à un certain nombre d'entre elles. Cf. en outre la recension de PELLIOT, T'oung Pao, t. 32, 1936, p_ 363·372.

(4) Le nroit de l'Eglise chaldéenne est exposé dans son évolution historique par J. DAUVILLIER, Chaldéen (Droit), Dictionnaire de droit canonique, fasc.· 13-14, col. 292-388 et tiré à part Le Droit chaldéen, Paris, 1939.

(5) Synode d'Isaac (4Hl) , oanon 12. Synodicon orientale ou recuea de synodes nestoriens, éd. J.-B. CHABOT, Paris, 1902, texte p. 26, trad. p. 266. .

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copaux et métropolitains; aucun évêque ne peut être institué sans son consentement ou sa confirmation (6). Mais son pou­voir est limité par l'obligation de ne rien décider sans le conseil des évêques qui l'assistent; s'il y a urgence, il doit consulter au moins trois évêques (7). C'est le principe du gou­vernement synodal, cher à tout l'Orient. C'est encore en synode que s'exerce son pouvoir législatif et judiciaire (8).

Les canonistes chaldéens rapportent l'innovation réalisée en 424 par le synode de Dadhîsô' : jusqu'alors le catholicos pouvait être jugé par les autres patriarches; désormais « l,es orientaux ne pourront se plaindre de leur patriarche devant les patriarches occidentaux. Qlle toute cause qui ne pourra être résolue en sa présence soit réservée au tribunal du Christ. » (g) Mais en même temps, ils ont conservé la tradi­tion antérieuœ, qui reconnaissait la primauté du patriarche de Rome. « Le patriarche de Rome, écrit à la fin du XIIIe siècle le grand canoniste 'Abhdîsô' bal' Bèrîkhâ, a juridiction, sùl!ànâ, sur tous les patriarches, comme le bienheureux Pierre avait juridiction sur la communauté tout entière, puisque (le patriarche qui est à) Rome tient la place de Pierre dans l'Eglise universelle.» (ro) Et l'Eglise assyrienne célèbre aujourd'hui encore la fête de l'Eglise de Rome.

L'Eglise chaldéenne est divisée en provinces ecclésiasti­ques, à la tête desquelles est placé un métropolite. II serait inexact de qualifier ce prélat d'archevêque, car si depuis la réforme carolingienne les évêques métropolitains de l'Eglise latine ont reçu le titre d'archevêque, il n'en est pas de même en Orient. L'Eglise chaldéenne ne connaît qu'un seul arche­vêque, qui est le catholicos de Séleucie-Ctésiphon.

A la différence du patriarche, le métropolite ne possède pas juridiction immédiate sur toute sa province. Il apparaît plutôt comme le délégué du patriarche, qui le désigne, du

(6) Synode d'Isaac (410), c. 1, p. 23, trad. p. 263; c. 20, P. 32, tra<l. p. 271; syn. de Màr 'Abhâ (544), p. 93, trad. p. 349.

(7) Synode de Joseph (554), c. 7, p. 101, trad. p. 358. (8) Synode d'Isaac, c. 6, p. 25, trad. p. 264; syn. de Babai, p. 64,

trad. p. 313; syn. d'Ezéchiel (576), c 15, p. 121, trad. p. 380 (9) P. 51. trad. p. 296. ~ ~I ,0';;:",..:) ~;..~ '-:.. J,.x>oClli? J..:,,""~~ ~_ Jo ..... (10)

~ .boo ... ~? 001 JL~ ~ ~ _O~? CIIr:-;,O? .gh ~X> .J~~ ~ .... o~ Epitomé des canons synodaux, traité 9, chap. 5, éd. A. MAI, Sctiptorum veterum nova et inedita col.lectio. t. 10, Rome, 1868, texte p. 327, trad. p. 165.

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consentement du clergé et du peuple de la métropole, ou du moins consent à son élection. Il ne peut d'ailleurs. prendre ce titre tant qu'il n'a pas reçu l'adhésion ou l'ordination du patriarche. Il a la lâche d'avertir le catholicos de tout ce qui se passe dans sa province. Vis-à-vis de ses évêques et ?e leur clergé, il doit aider , conseiller, reprendre, régler les dIf­férends en amiable compositeur, « par le conseil de la cha­rité, et non par la force de l'autorité» .. Le droit de visite lui est refusé. Il administre seulement le diOcèse vacant (II).

Toutefois, le métropolite, avec la majorité des évêques de ln. province, peut interdire un évêque. L'appel d'une cen,s~re qui émane de l'évêque est porté devant le syn?de que preSIde' le métropolite (12). Celui-ci n'a pas le pOUVOIr personnel de juger en appel, à la différence de l'archevêque latin.

Depui,s le synode du patriarche Joseph en 554 le métropolite peut créer un nouveau Eiiège épiscopal (13).

Le rôle du métropolite apparaît important dans les él~cti?ns épiscopales, comme dans la présidence du synode prOVInCIal. A la mort de l'évêque, il réunit les collègues du défunt et établit celui que la ville a choisi. Après l'avoir ordonné, il l'envoie avec ses lettres au patriarche, pour être confirmé ou « perfectionné» par lui (14). Le nouveau prélat se présente devant le catholicos, revêtu seulement de& insignes du sacer­doceet celui-ci répête sur lui une partie de la ~érémonie consécratoire, pour bien marquer que toute juridiction procède de sa suprême et uniqlle « paternité spirituelle ».

Le pouvoir du métropolite réside donc surtout dans son prestige personnel et dans son autorité morale, qui peuvent être fort étendus.

Mais aussitôt apparaît une distinction entre les métropo­lites qui sont « médiateurs dans la chirotonie patriarcale» et les métropolites « de l'extérieur». Les premiers détiennent les sièges des plus anciennes métropoles, situées en Mésopotami:, en Assyrie, ou sur le versant occidental de la Perse. Ils parh-

(11) SynOde d'Isaac, c. 18 et 19, p. 31-32, trad. p. 271; syn. de Joseph, c. 15, p. 104, trad. p. 362; syn. d'Ezéchiel, c. 1~, 22, p. 122-~24, t~ad. p. 381-383; Liber Patru1/l, éd. I. M. VOSTÉ (Fontt per la codlfl,cazlone canonica orientale, série 2, fasc. 16), Rome, 1940, P', :3;24. er

(12) Synode d'Isaac, c. 17, P. 30, trad. P. 270; syn. d Isô yahbh 1 (585), c. 29, p. 161-162. trad. p. 421.

(13) C. 18, Il. 105-106, trad. Il. 363. (14) Synode d'Ezéchiel, c. 19, Il. 122, trad. p. 381-382.

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cipent régulièrement aux synodes patriarcaux et se sont jalou­sement réservé le privilège de procéder à l'élection du patriar­che. Les autres, qui ont été créés au fur et à mesure de l'ex­pansion chaldéenne, sont les métropolites des pays de mission. Ils sont plus éloignés du siège patriarcal; certains ne parais­sent jamais dans les synodes patriarcaux. Ils ont été écartés de l'élection du patriarche et jouissent dans leurs provinces éloi­g'nées de pouvoirs plus larges.

Établissons d'abord la liste des métropolites électeurs (.1 G). Le premier siège métropolitain est celui de 'Elam, appelé -en syriaque Bêth Lapat, en pehlvi Gundisahpûhr, qui commande la province du Bêth Hûzayê, la Suziane ou tIuzistân. Les ruines de cette cit~ s?nt aujourd'hui S!l.httbàd, sur le versant montagneux de la Medle, entre Suse et Suster. Cc prélat avait le privilège de Gonsacrer le patriarche, -et il $outenait qu'une élection patriarcale faite en dehors de lui était nulle. Mais il est arrivé souvent qu'on passât outre.

Le second métropolite était celui de Nisibe (NÎsÎhÎn ou $ôbhâ), capitale du Bêth 'Arbàyê ou pays des 'Arab, 'l'Arvas­tân, partie occidentale de la Mésopotamie. A la suite de la déposition de ce prélat, remarque le Liber Patrum (16), de g05 à 1072 cette prérogative fut enlevée à ce $iège et Màr 'Abhâ ne le mentionne pas parmi le$ électeurs patriarcaux (17), non plus que Timothée lor (18). D'après le Liber Patrum, son rang a été restitué par Sabhdsô' et 'Abhdîsô' (1064·à lOgO) et son privi­lège électoral n'a plus été contesté.

Au troisième rang vient le' métropolite de Perath de Maysan,

(15) Cette liste est donnée par 'Abhdlsô', Epitomé des canons S'lino. daux, traité 8, chap. 15, éd MAI, p. 304, trad. p. 141-142, et Règles des jugements ecclésiastiques, livre I, traité I, chap. 7, éd. 1. M. VOSTE, Ordo iudiciorum ecclesiasticorum (Fonti, série 2, fasc. 15). nome. 1940, p. 56-57; le texte syriaque de ce dernier pass'lge se trouve dans J. B. CHA. BOT, Synodicon orientale, p. 618-619. Pour les métropolites de l'extérieur, l'ordre diffère dans ces. deux listes. Pour les métropolites électeurs, elles concordent entre elles, ainsi qu'avec les listes d'Elie de Damas, J.·S. ASSEMANI, B. O., t. 2, p. 458-459, du patriarche Théodose (853-858), MAI, op. cit" p. 308, trad. p. 146, et du Liber Patrum, p. 22-24. On se reportera à ces références 10Tsque nous les citerons au cours de cette étude.

(16) P. 22-23 et J.S. ASSEMANI, B.D., t. 3, 2, P. 647. (17) Synodicon orientale, p. 543, trad. P. 554. (18) Ibid., p. 601, trad. p. 605·606. Dans l'Epi tomé des. canons syno.

daux, 'Abhdîsô' a ajouté Nisibe, en interpolant le canon 1 de Timo­thée, p. 321-322, trad. p. 159, mais il a oublié de faire l'interpolation dans la lettre de Màr 'Abhâ, p. 318, trad. p. 156.

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cité toute proche de la ville moderne de Bassorah. C'est l'an­cienne .;DOpct8ct ou .;DOpctTOV; le nom pehlvi était Wahman-ArdasÎr ct à l'époque arabe elle est appelée Ba~ra.

La quatrième métropole est 'Arbêl, l'Irbil àrabe, à environ 80 kilomètres à l'ouest de Mossoul. C'est la capitale de l'Adia­bènc, I:Iedhayabh, région comprise entre le Grandet le Petit Zâb.

En 1281, la province est divisée en deux: la biographie anonyme de Yahbhallàhâ III que c.ontient le manuscrit de Siouffi cite MusÎ (Moïse), métropolite d'Arhêl, et Gabriel, métro­polite de Mossoul, parmi les prélats qui accompagnèrent le le nouveau patriarche à Bagdad après son élection. Les deux métropoles sont momentanément réunies quand, sous le même patriarcat, 'Abhdlsô' écrit ses Règles des jugements eccle­siastiques : le métropolite porte le titre d'Arbêl, de I:Iaz.zâ, d'As­syrie et de Mossoul (Mo~ul). Dans les listes que donnent après 1318 le manuscrit de Siouffi et pour le second quart d~XIVe siè­cle 'Amr ibn Magâ, évêque de Tirhân et ~elîbhâ ibn Yùl;annâ, prêtre de Mossoul, cette province est scindée en d~ux : le métro­polite de Mo~ul et d'Athûr (Assyrie) tient le quatrième rang et oelui d'Arbêl et l,Iazz<Î le cinquième; tous deux sont électeurs patriarcaux (1 g).

La cinquième métropole est Karkhâ dhe Bêth Selôkh, l'ac­tuelle Kerkuk. C'est la capitale du Bêth Garmai, rctpctp.ctict,

(19) Le texte de 'Amr est conservé dans le Vat. arŒb. 110, 2" partie, r. 177 r'; ce ms. est du milieu du XIV· siècle. Celai de ~(,libbà se trouve dans le Borg. arab. 198 (olim K. VI, 14), p. 171; on attribue à ce ms. la date de 1713, mais d'après S. E. le cardinal Tisserant, il est du XIX. siècle. On se reportera à ces références, toutes les fois que nous citerons ces listes. J. S. A:SSEMANI, B. O., t. 2, p. 458, a transcrit telle quelle la liste de 'Amr, qui contient plusieurs fautes de copiste, qu'on peut rectifier en la confrontant avec celle de $ëlîhbà qui mentionne, en outre, le métropolite d'Edesse. H. GISMONDI, Maris, Amri et Sliliae de patTiarchis nestorianorum cornmentaria, Rome, 1896-1899, p. 132 et 126, a donné des deux listes une édition qui est détestable et a fait à ce propos les corrections les plus mauvaises qu'on puisse imaginer. Or c'est sur la base de ces deux publications que jusqu'ici les orientalistes ont essayé d'identifier les métropoles ch,aldéennes. M. SroUFFl, Notice sur un 'Patriarche nestotien, Journal aSiatique, 7" série, t. 17, 1881, p. 89-96, a publié un manuscrit auquel manquent le début et la fin et qui contient une courte biographie du patriarche Yahbhallàhâ· III et donne, p. 95, une liste complète des métropolites chaldéens. L'ordre est celui que suit $élîbhâ, mais le texte en est bien meilleur et mentionne, en outre, le métropolite des !Jalla.J. Il est rêgrettable que ce texte soit passé inaperçu des orientalistes.

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région située à l'est du Tigre, entre ce fleuve, le Petit Zàb, les monts IJemrîn et le Diyàlà. En 128 l, ce métropolite porte les titres de Dakhûkh (ville qui est aussi appelée Lasôm) et Bêth Garmai.

Ces métropolites existaient déjà en 4 IO lors du synode d'Isaac, qui avait ainsi fixé leur ordre de préséance (20), et ils gouvernai,ent les provinces qui ont été le berceau de l'Eglise chaldéenne.

Le synode de Joseph, qui admet tous les métropolites comme électeurs patriarcaux, place immédiatement après eux, aux sixième et septième rangs, les métropolites de Rêw-ArdasÎr et de Merw (21). Mais ces deux prélats devaient être rejetés par Timothée 1er parmi les métropolites de l'extérieur. Et c'est l'évêque de IJala~, cité appelée IJolwàn à l'époque arabe et rési­dence des califes, qu'IWyahbh II de Gildhal (628 à 6'44 ou 646) érige en métropolite et place au 8e rang des électeurs patriar­caux au témoignage d'ibn at-Tayyib (22) et de 'Abhdîsà' (23). La constitution.de Timothée Jer l'exclut avec les métropolites de Rêw-Ardasir et de Merw du nombre des électeurs patriarcaux. Mais Théodose 1er (853-858) place au sixième rang de ceux-ci le seul métropolite de IJala~ (24). Il ,s'y maintiendra jusqu'à la fin du Moyen Age. A la fin du XIIIe siècle, d'après 'AbhdîSô" dans ~es Règles des jugements ecclésiast~ques, cette province englo­bait les deux métropoles de IJolwân et de Hamadàn, qui fait ainsi figure de métropole secondaire.

Ces métropolites ont gardé le privilège de participer à l'élection patriarcale. Màr 'Abhà en avait déterminé le nom­bre, en le fixant aux quatre métropolites de Bêth Laphat, de Perath de Maysan, d'Arbêl et de Bêth Sillôkh. A la mort du patriarche, l'évêque de Kaskar, auxiliaire du patriarche et

(20) C. 21, p. 33, trad. p. 272. (21) C. 14, p. 103-104, trad. p. 361 et souscriptions du synode, P. 109,

trad. p. 336. Il apparaît en effet qu'il faut identifier le métropolite de Mahozê-I:Iedhathâ avec celui de Rèw-Ardasir. J. B. CHABOT, op. cit., p. 676. A la fin des souscriptions, p. 109, trad. p. 367 le 6e rang est attribué expressément au métropolite de Rêw-Ardasîr et le 7e à celui de Merw.

(22) Fi~h an-na~rânÎyah, (Droit de la chrétienté), Vat. arab. 153, f. 162 v'. Nous remercions bien vivement le P. Raphael \Varda Bidawid, avec qui nous avons travaillé à Rome, de nous avoir indiqué ce texte, qui est d'un grand intérêt.

(23) Epitomé des canons synodaux, traité 8, chap. 15, p. 304, trad. p. 141.

(24) Cette constitution de Théodose a été recueillie par 'Abbdiilil' dans son Epitomé des canons synodaux, traité 8, chap. 19, p. 308, trad. p, 146; Liber Patrum, p. 24.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 269

gardien du trône, devait aussitôt avertir les métropolites; ceux-ci devaient venir accompagnés chac,un de trois évêques de leur province. Ils délibéraient avec l'évêque de Kaskar et les autres évêques de la province patriarcale et l'élection était arrêtée, d'accord avec le clergé et les notables des deux villes de Séleucie-Ctésiphon (25).

Le patriarche Joseph en 554 admit tous les métropolites à prendre part à l'élection; en temps de persécution, il suffit du consentement de deux métropolites (26). lSo'yahbh 1er décida en 585 que trois métropolites au moins devaient être pré­sents, avec chacun deux ou trois évêques de leur province (27)· Et de fait l'élection de Timothée 1er fut faite en 780 par les métropolites de Damas, del:lala~, de Bêth Garmai et de Merw qui procédèrent à sa consécration. Mais eUe fut contestée par ses adversaires, que dirigeait le métropolite de 'Elam et qui invoquaient la Pragmatique de Màr '~bhâ. Après s'être réci­proquement excommuniés, les deux partis entrèrent dans la voie des accommodements: Timothée accepta d'être réordonné par le métropolite de 'Elam en 782 ou 783 (28). Puis tous tinrent un synode, qui rétablit les règles posées par Màr 'Abhâ (29).

Le collège électoral par la suite fut seulement élargi par l'adjonction des métropolites de Nisibe et de IJalal).. 'Abhdisô' bar Bildkhâ énonce ces règles, en ajoutant qu'en temps de per­sécution, le patriarche peut être établi par deux métropolites, avec les évêques de la Grande province et le clergé des deux Cités (il reprend la règle posée par le ,synode de Joseph (30).

Le Liber Patrum, qui date vraisemblablement de la fin du xme ou du début du XIV· ,siècle, comme l'a établi le T.R.P. Vosté, dans sa savante édition, remarque que les autres métro­polites n'ont pas de suffrage à l'élection patriarcale, ,sauf au cas de nécessité ou si les autres font défaut. Si d'aventure ils sont présents, ils assistent à l'assemblée et leur avis est reçu; mais s'ils viennent exprès, sans avoir été appelés, ils ne sont

(25) Sixième lettre intitulée Practica, Synodicon orientale, p. 543-544. trad. p. 554.

(26) C. 14, p. 103-104, trad, p. 361. (27) C. 29, P. 161, trad. p. 420. . ' (28) J, LABOURT, De Timotheo l' Nestorianorump.~trwrca, .paTl~,

1904, p, 8-13; E. Cardo TISSERANT, nmothée 1er , Dtctionnmre de theolo(Jte catholique, fasc. 13'H40, 1946, col. 1122-1123.

(29) Synodicon orientale, p. 601, trad, p. 605·606. (30) Epitomé des canons synodaux, traité 9, chap. 2, 3, 4, p, 318-322,

trad. 156-160.

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pas admis (31). Et de fait en 1281 le métropolite du Tangut prend part à l'élection de Yahbhallàhâ III (32).

Bien différente des « médiateurs dans la chirotonie patriar­cale ))est la situation des métropolites « de l'extérieur Il. Sauf pour le métropolite de Perse et peut-être pour les plus voisins, ils ne sont presque jamais désignés parmi le clergé de leur pays. En fait, le patriarche les nomme et les ,sacre, sans requérir l'assentiment du clergé et des fidèles de leur métro­pole. Il les choisit ordinairement parmi les moines mission­naires (la presque totalité des évêques ,sortaient du clergé monastique (33), car le clergé ,séculier était marié et l'épis­copat était astreint au célibat); beaucoup étaient originaires du célèbre couvent de Bêth 'Abhê - « la maison des bois». Ensuite ils gagnaient la province qui leur avait été assi­gnée (3l!).

Le choix d'un métropolite indigène était fort rare: lors­qu'en 1280 le patriarche Denl:w consacra le moine ongüt Mar\.>.ùs, né près de Pékin, le futur Yahbhallàhâ III, métropolite pour le diocèse de Cathay et d'Ong - c'est-à-dire pour la Chine du nord ct le pays des Ongüt (35), ce fait semble avoir vivement frappé les contemporains.

Marco Polo, dont les voyages se placent (mire 1271 et 1295, a exactement noté cc mode de désignation: Tl (les Nestorin) ont patriarche, qu'il apclent Jatolic (catholicos), ct cestui pat/'ia/'-

(31) Introduetion. p. 7'D; p. 23 et 24-25. (32) Histoire de Mar Ja!Hûllha, pOtriarr:he, et de R(1Jban Sauma, éditée

par Paul BED.TAN, 2" éd., Paris· Leipzig, 18%, p. 33; trad. française de .T.-B. CHABOT, Histoire de Mar Jabalaha III, llatril/Tche des Nestoriens (-1281·1.117) et du mOine Ra/lban çauma, am/lassadcllr dll roi Araoun en OCCi­dent (1287), Paris, 1805, p. 3R·39: {rad. anglaise de E. A. W. BUDGE,-The monks of K'lhlai ]{han, E1JIpcror of China. or the His/oTl/ of the lite and travels of Rab/lan .5,;//·//"i, E/woy and Plenipotentiary oi the Mongol Khâns ta the Kings ot Europe and M"r!,o,< who as Mâr Yahbh-Allâhâ III became patriarch Of the Nestorian C/wrch in ASia, Londres, 1928, p. 152.

(33) C'est ce que remarque 'Abhdi;;ô' au début du 70 traité de son Epilom (! des canons synodau;r, p. 287, trad. p. 124.

(34) Cela apparaît dans de nombreux documents, notamment dans les lettres de Timothée 1er, éd. O. BRAUN, Timothei Patriarchae 1 epis­tulae, Corpus scriptorl11n christianorum orientalium, scriptores syri, série 2, t. 67 (incomplet); le P. Bidawid nous a aimablement communi. qué son excellent travail, encore inédit, Les lettres du patriarche nes. torien Timothée 1er (728-828) étude critique, pour paraître dans les Studi e testi. C'est ce qui ressort aussi de Thomas de Margâ, éd. E. A. W. BUDGE, The /look of governors : the Historia monastica of Thomas, bis hop of Margâ A. D. 840, Texte et traduction, Londres, 1893.

(3!'i) Ed. P. BEDJAN, p. 28; trad. E. A. W. BUDGE, p. 148; cf. infra.

LES PROVINCES CHALDÉENNES (( DE L'EXTÉRIEUR Il 271

che fait arcevescheve (traduisons métropolite) et vescheve et abés et tout plolés (prélatP) et les envoie par toutes pars cr: Yndie ct au Cata (la Chine du Nord) et en Baudac (Bagdad, ou réside le patriarche depuis Timothée 1er

) ~ a.usi~t C?"': faU l'apostoille de Rome (36) (dominus apostolwus, c est-a-dlre le pape). . . ,.

Et à propos de la désignation du métropohte de 1 Ile de Socotra, il écrit: Et encore sachiés que, se l'arccvesq~e de ceste ysle de Scotm se muert, il convient ·que de Baudac vtegne le autre; ne autrement ne hi auroit jamés arcevesque. Une variante des versions latines (R ct Z) ajoute - ce qui apparaît comme un cas exceptionnel : aut ipsi de insu/a ipsum eligunt et Zatolic ipsum confirmat (37)'

Si l'Eglise chaldéenne a eu daus les pays de mISSiOn un clergé en partie indigène, son épiscopat est resté strictement chaldéen ou persan. Sans doute redoutait-on des mouvemen~s séparatistes, qui s'étaient produits dans. la .Perse, p~opre. Et, Il en résultait que, lorsque les c.ommulll~~t~ons etaI~nt r~ste~s longtemps interrompues ~vec Badgad,. 1 epIsco~~t ~hsparaISSaIt et les chrétientés elles-memes menaçaIent de s etemdre.

Un autre trait manifestait ce souci de centralisation: à la différence des Byzantins, qui célébraient la liturgie dans la langue que parlait la population qu'i.ls évangélisai.ent, les Chaldéens conservaient partout le syrIaque comme langue liturgique et admettaient seulement les lectures et les hymnes dans la langue du pays (38).

Par ailleurs, les règles canoniques ont été assouplies à l'égard des métropolites de l'extérieure! on leur a reconnu une plus grande initiative.

Le patriarche Théodose 1er (853-858) les dispense de venir

(36) Il MiZione, éd. L. F. BENEDETTO, Florence, 1928, p. 18, éd. A. C. MOULE et P. FaLlOT, Marco Polo, The description of the world, t. 1, Londres, 1938, p. 100.

(37) Ed. BENEDETTO, p. 203-204; éd. MOULE-PELLIOT, p. 425-427. . (38) Guillaume de Rubrouck atteste qu'en Asie c~ntrale, le~ Nestonens

disent leur office et ont leurs livres sacrés en synaque, qu Ils ne com­prennent pas, éd. A. van den WYNGAERT, Quaracchi, 1929, p. 238. C'est ce q?e confirme la découverte de fragments de livres d'offi,ces en syriaque faIte aux environs de Turfàn. Mais nous avons en même tem?s le témoign~ge qu'existaient des lectionnaires et des hymnes en hunmque, en Sogdlen, en persan en turc en mongol et en chinois, E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), 'col. 201, '208, 210, 217, 264-265; à l.a bibliographie citée aiou~er E. BENVENISTE, Sur un fragment d'un psa,utter syro-pe,rsan, Journal asw­tique, t. 230, 1938, p. 458-462; P. Y. SAEKI, The Nestortan documents and ulics in China, p. 125-347.

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tous les quatre ans près du catholicos; il leur suffit d'envoyer tous les six ans des lettrfls d'adhésion, d'y consigner toutes les affaires de leur province et d'y joindre leuI1s dons pour l'entretien de la maison patriarcale. C'est en effet tous les quatre ans que devait en droit se réunir le synode patriarcal, auquel ils sont dispensés d'assister (39)·

Les métropolites de l'extérieur devaient user plus fréquem­ment que les autres du droit de créer un nouveau siège épis­oopal. Et dans hi. désignation des évêques de leur province, leur rôle apparaît bien plus important. Il arrivait que le patriarche choisît lui-même et consacrât le nouvel évêque missionnaire; c'est ainsi que procédait souvent Timothée 1

er•

Mais le métropolite pouvait aussi le désigner lui-même parmi les moines missionnaires qui l'aidaient dans sa tâche; dans Thomas de Margâ oela apparaît comme le cas habituel.

Depuis Timothée 1er , le métropolite de ces régions éloignées peut procéder au sacre du nouvel élu, assisté d'un seul évêque, s'il ne peut réunir deux évêques assistants. Une fois ordonné, le nouvel évêque était dispensé de se rendre auprès du catho­Ucos, pour recevoir de lui la « perfection », c'est-à-dire la con-firmation (40).

Aussi, il apparaît que pratiquement c'était le plus souvent le métropolite de l'extérieur qui choisissait l'épiscopat de sa province. Son autorité et son prestige en étaient accrus d'autant.

Métropolites et évêques de l'extérieur étaient assistés dans le gouvernement de leur Eglise par plusieurs chorévêques et par plusieurs archidiacres, comme il apparaît dans la stèle de Si-ngan-fou. Cette multiplication, qui n'était pas prévue par les canons de l'Eglise chaldéenne, était rendue nécessaire par l'immensité des territoires qu'ils évangélisaient.

Déterminer la liste des métropolites de l'extérieur est une tâche délicate. Un certain nombre d'entre eux ont été créés et ont disparu au cours du Moyen Age: les informations qui sont parvenues jusqu'à nous sont insuffisantes et incomplètes. Les seules listes complètes datent de la première moitié du :X:IV8 siècle, alors que nombre de métropoles n'existaient plus: oe sont celles de 'Amr, de ~eHbhâ et du manuscrit de Siouffi.

Une autre difficulté se rencontre: fréquemment des métro-

(39) 'AUBDisô" Epitomé des canons synodaux, traité 8, chap. 19, p. 308, trad. p. 146,

(40) Ibn a~-Tayyih, Vat. arab. 153; f. 161 r'; J. S. ASSEMANI, B.O., t. 3, l, p. 163, n. 1; Liber Paerum, D. 25; J. LABOURT, .De Timotheo l', p.4H5.

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polit~s ont porté deux titres, parfois même trois. Certaines provmce,sl dont l'étendue ,éta~t immense, ont eu deux capi­tales. D autre part, on reumssait souvent sur la tête d'un même métropolite plusieurs provinces normalement distinc­t~s. Ai,ns.i <Abhdîsô< bar Berîkhà a été ~étropolite de Nisibe et d ArmeIlle.

Ces métropolites ont été assez souvent attachés à une ville d~ter~inée. Mais ~'~utres, ont .ét~ créés pour des peuples et n ava~ent. pas de Siege determme, surtout en .AJsie centrale. Car, a coté des populations sédentaires, fixées dans les oasis, les groupements les plus importants étaient constitués par des peu~l~s nomades. Dans ces provinces mouvantes, on devine ~n eplscopat e? ?rande parti,e nomade, qui était attaché non a. un pays, malS a un peuple, et qui le suivait dans ses migra­hons.

, Ajo~t.~ns que l'ordre de ces sièges, qui était en principe determme par la date de leur création, était incertain et con­testé. Chaque auteur diffère des autres en le rapportant.

Du .côté de ~'~ccident, l'Eglise chaldéenne n'a pas eu une expanSIOn consld~rable. Au dire de Thomas de Margâ, avant meme la conquete arabe, un évêque était à la tête des chrétiens dispersés de la Damascène, lorsqu'en 630 le futur ISà<ya~bh Il.1 prit part à l'ambassade envoyée à Heraclius par la, reme, ~ora.n (41). La conquête arabe a permis aux Chal­deens d etabhr quelques communautés en Syrie. Damas en est devenue la métropole (42), antérieurement au patriarcat de T~mothée 1er

; le métropolite de Damas figurait en effet parmI les prélats q~i l'on~ ?o,nsacré en 780. Ibn at-'fayyib déclare que ce cathohcos a dIVIse en deux l'éparchie de Damas à cause des différ~nds qu~ s'r. étaient élevés (43). Or È7rIXPX.t; est le terme techmque qUI deslgne la province ecclésiastique. Cette seconde métropole a dû être de nouveau réunie à celle de Damas. Elie de Damas (44) mentionne en 893 le seul

(~1). E~. E. A. W. BUDGE, t. 1, p. 72, trad. t. 2, p. 129; J. LABOURT, Le chrtstWnlsme dans l'empire perse sous la dynastie sassanide, p. 242-244; A. A. VASILIEV, Histoire de l'empire byzantin, trad. P. Brodin et A. Bourguina, t. 1, Paris, 1932, p. 263.

(42) . LE QUIEN, Oriens christianus, t. 2, col. 1289-1290; A. R. VINE, The Nestorlan Churches, p. 125-126.

(43) vat. arab. 153, f. 162, v' (44) J. S. ASSEMANI, B.O., t. 2, p. 458-459; lui·même, B.O., t. 2, P. 507·

~, et t.. 3, ~re partie, p. 513-516; J. GUIDI, Ostsyrische BischOfe und Btschofssttze lm v, VI, und VII Jahrhundert, Zeitschrift der deutschen morgenUtnàischen GeseUscha1t, t. 43, 1889, p. 388-390; W. RIEDEL. Die

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métropolite de Damas, qui a pour suffragants les évêque!'! d'Alep, Jérusalem, Manbeg (c'est Bambikê, J'ancienne Hiéra­polis), Mopsueste et rnfin Tarse et Malatia (Mélitène).

'Abhdîsô' dans son Epitomé des canons synodaux attribue inexactement à Timothée le" la création de la province de Damas; dans ses Règles des jugements ecclésiastiques, il donne le second rang parmi les métropolites de l'extérieur à celut' « de Damas, de Jérusalem et du littoral». Ce prélat occupe le 15· rang chez 'Amr, le 17" chez ~elîbhà.

L'évêque de Jérusalem était devenu méLropolite dès le temps de SabhrÎsô' III (1.06,1-1072) (45); il a été tour à tour uni à Damas ou séparé de cette métropole. En 128 J, au synode qui élut Yahbhallàhâ Ill, ce métropolite portait le titre de Tripoli et de Jérusalem. Le métropolite de Jérusalem ~J..W),t est indiqué en marge de la liste de 'Amr; c'est certainement lui qui par suite d'une faute de scribe, figure sous le vocable énigmatique de ["Lw),t dans le manuscrit de ~eljbhâ, qui le place

au 8" rang. Il suffit en effet d'un trait pour transformer l'alif en lâm. Et le manuscrit de Siouffi, qui suit exactement l'ordre de la liste de ~elîbhâ, donne bien ce rang au métropolite de Jérusalem (46).

L'évêque de Tarse e~t devenu aussi métropolite. Il n'est mentionné ni par 'Amr, ni pal' ~Clîbhâ, ni par le manuscrit de Siouffi. Il avait dans sa provinc.e l'île de Chypre, qui marque le point extrême de l'expansion chaldéenne en Occident. Au XIIIe siècle les Chaldéens avaient une colonie à Nicosie, qui a reçu un évêque. L'union avec Rome, amorcée dans la seconde moitié du XIII" siècle, renouvelée cn 13!~0, est devenue définitive en 1445 par la profession de foi catholique que fit

RechtsqueUen des Patriarchats Alexandrien, Leipzig, 1900, p. 152; G GRAF Die christlich·arabische Literatur, Fribourg-en·Brisgau, 1905, p: 39, ~. 1, considèrent cet Elie de Damas comme différent d'Elie al-iauharî, métropolite de Damas et auteur d'une collection canonique écrite en arabe. Toutefois G. GRAF atténue son opinion dans Chtistlich­ara-bisches, Theologische Quartalschrift, t. 95, 1913, p. 174 et s. et A. BAUMSTARK, Geschichte der syrischen Literatur, Bonn, 1922, p. 82·.83, admet leur identification.

(45) LE QUIEN, Oriens christianus, t. 2, col. 1299-1300. (46) M. le chanoine Brière nous signale que François Nau avait noté

sur son exemplaire de Gismondi : «Un manuscrit de la Tour en mau­vais état s'est trouvé entre les mains de Siouffi, qui a traduit la biogra­phie de Jabalaha III, Journal asiatique, 7" série, t. 17, 1881, p. 90-95.» Et à cet endroit il avait indiqué que le manuscrit de Siouftl portait ici Jérusalem.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR" 275

à Chypre, puis au Latran le métropolite de Tarse. Vers 1360, les Chaldéens formaient l'aristocratie financière de Fama­gouste; ils y avaient une grande église, qui a été ,sans doute construite à cette époque, sur le modèle des églises du midi de la France et était ornée de fresques accompagnées d'ins­criptions syriaques (47).

Dans le manuscrit de ~elîbhâ figure au 9" rang le métro­polite de lt6}I; or dans la tradition des écrivains chaldéens,

ce terme désigné Edesse : "EÔEooa est en effet le nom grec de la ville qui s'appelait en syriaque ~Cljol 'Urhài ou 'Orhoi, et en

arabe, Jlœ5J' ar-Roha, aujourd'hui Urfah ou Ol'fah (48). Cette

cité où l'on connaissait l'existence d'une communauté c.hal­dée~ne, était donc devenue métropole vers 1332, au temps où écrivait ~elîbhâ_

Thomas de Margâ et la chronique patriarcale de Mari men­tionnent un évêque chaldéen d'Egypte vers 745, vers 987 et vers 1013. A cette époque, les chrétientés d'Egypte et de Jéru­salem furent gravement touchées; il ne resta que quelques chrétiens en Egypte et l'évêque fut même transféré en Perse (l1f)). Mais l'évêque d'Egypte fut réta~li et il est désigné du titre de métropolite verf;; 1063 et vers 1092 (50).

Mais c'est surtout vers l'Orient que s'est tournée l'Eglise chaldéenne. Le premier pays qui s'ouvrait à son prosélytisme était la Perse propre, soumise à la domination sassanide. Déjà

(47) E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), col. 225-226; J. HACKETT, A history of the Orthodax Church of Cyprus tram the coming of the apostles Paul and Barnabas ta the commencement of the British occu­pation (A.D. 45-A.D. 187~) tagether with some accaunt of the Latin and other Churches existina in the island, Londres, 1901, p. 529, 532-533; HEFELE-LECLERCQ, Histoire des Conciles, t. 7, 2e partie, Paris, 1916, p. 1106; C. ENLART, L'art gothiqUe et la RenaiSsance en Chypre, t. 1, Paris, 1899, p. 356-365; nous avons aussi utilisé des notes manuscrites de Paul Pelliot.

(48) Suivant Assemani, Golius, RosenmülIer et Michaëlis, le nom d'Urhài viendrait de pmi par abréviation de KaÀ).lpon, épithète qu'EdessEl devait à l'abondance des eaux de son territoire, Rubens DUVAL, Histoire politique, religiel1se et littéraire d'Edesse, paris, 1892, p. 22. Nous remer­cions bien vivement M. le chanoine Brière et le P. Raymond Tonneau des indications qu'il nous ont aimablement données.

(49) Ed. BUDGE, The boa', of gavernors, Londres, 1893, t. 1, P 132, trad_ t. 2, p. 275; Mari bar SULAIMAN, éd. H. GISMONDI, Rome, 1896, p. 102.

(50) Ibill., p. 110, 118; E. SACHAU, Zur Ausbreitllna des Christentums in Asien, A bhanillunaen der Pre1.lssischen A /wllemie ller Wissenschatten, 1919, p. 71.

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au synode d'Isaac, en Ipo, apparaît un « évêque de la Perse n,

cité parmi les prélats qui gouvernaient de.s diocèses éloignés, qui n'étaient encore rattachés à aucune métropole (51) : sans doute est-ce l'évêque de Rêw-ArdasÎr. Cette ville était située au nord-ouest de l'actuelle Risahr (BusÎr), sur le fleuve Tâb, à la frontière du Fars et du ijuzistân. Il flgùre en nom au synode de DadMsôc en 424 (52). Au témoignage de cAbhdîSô', l'évêque de Hêw-ArdasÎr a été élevé à la dignité métropolitaine par Yahbhallàhâ 1er (415-420). Au synode d'Acace, en 486, il est nommé avec les métropolites, mais après les évêques des pro­vinces de l'intérieur (53). Il figure le premier parmi les métro­polites de l'extérieur, avec le titre de métropolite de la Perse et des îles maritimes. Il a, comme le patriarche, le privilège de porter la crosse el d'avoir la Lête couverte par le bîrûnâ pendant toute la durée de la liturgie; il peut ordonner un évêque pour son éparchie, s'il 'se trouve au siège patriarcal (54).

Pendant la ,seconde moitié du VIe siècle, avant la chute des Sassanides, à la suite du Grand schisme qui a opposé Narsai et Elysée, ce prélat s'est séparé de l'obédience de Séleucie­Ctésiphon et a cessé de recevoir sa consécration des mains du catholicos. ISô'yahbh JIJ (647 ou 650-657/658) supplie encore Siméon de Rêw-ArdasÎr de ne pas persister dans ce schisme, qui avait touché deux métropolites et plus de vingt évêques, des deux côtés du Golfe Persique (55). Cela témoigne que Ce pré­lat était désigné par l'élection du clergé ct du peuple de sa métropole, et non pas choisi par le patriarche parmi les moines de la Mésopotamie. Mingana suppose que primitivement tous les évêques des Indes étaient ses suffragants (56).

La chrétienté de Perside subsiste très réduite pendant la domination arabe; on a lm suivre ,ses traces jusqu'au début du XI" siècle (57).

Deux méLropoles, qui semblent bien distinctes, se sont

(51) Synodicon, p. 34, trad. p. 273. (52) Ibid. p. 43, trad. p. 285. (53) Ibid. p. 53, trad. p. 300. (54) LibBr patrum, p. 25. (55) E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), col. 181, 190; [i\ô)abbb patri~r­

r;hae III liber epistularum, éd. Rubens DUVAL, Corpus scrzptorum chns· tianorum orientalîum, scriptores syri, série 2, t. 64, Paris, 1905, p. 247-260, trad. P. 179-188.

(56) The early spread ot Chtistianity in India, Bulletin of lohn Rylands Library, t. 10, 1926, p. 493.

(57) E. SACHAU, Vom Christentum in der Persis, Sitzungsberichte der koniglichen Preussischen Akademie der Wissenschatten, 1916, p. 958·980; B. TI'SSERANT, op. cit., col. 190.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 277

déLachées de cette province : celle du Bêth ~a~ràyê et celle de Socotra.

Le Bêth ~atràyê est la région a~abe située su~ la c?te ?uest du Golfe Persique, en face des des du Bahram ((,azrathlt, « les îles») qui avaient déjà plusieurs évêques dès 410. Il avait rang de métropole depuis quelque temps déjà lors .d~ synode qu'y tint le patriarche Georges, I.er e~ 676,. car cel~l-cl se préoccupe de réorganiser ces chretIentes, qUI reculaIent devant l'Islam depuis le milieu du VII" siècle. Malgré ses efforts, le christianisme devait y disparaître définitivement, sens doute au début du VIll" siècle, lors des campagnes d'al-J:Iajâj ibn Yûsuf (58).

'Amr place au II" rang le métropolite de~".bi ~atraba (que Yule vocalise ~otroba et qui est visiblement le Bêth ~atràyê). ~elîbhâ, comme le manuscrit de Siouffi, orthographient ~;bi Fatraba et c'est d'après cette forme que Gismondi rectifie à tort le 'texte de 'Amr.

Socotra, qui, au térrioignage de Cosmas Indicopleustes (5g), avait déjà une communauté chrétienne en 520-525, avait à la fin du IX" siècle un évêque, qui figure dans la liste d'Elie de Damas comme suffragant de Rêw-ArdasÎr. Marco Polo nous apprend que de son temps se trouvait un archevêque (resti­tuons un métropolit.e) dans l'île de Scotra, c'est-à-dire de Soco­tra. JI ajoute qu'un de ,ses suffragants exerçait la seigneurie sur l'isle des mas les e'l femes (60).

Pourtant. 'Amr ne mentionne qu'un simple évêque de Socotra au temps du patriarche Yahbhallàhâ III (61). Sans doute est-ce à ce moment que ce siège a perdu son rang de métropole, peu après qu'écrivait Marco Polo.

Yule propose d'identifier ~otroha avec Socotra, CM le géo­graphe arabe Idrîsî décrit ~otroba comme une île habitée par les chrétiens, et qui doit être ,située près de Socotra. Comme Marco Polo précise qu'on trouve un archevêque dans cette dernière île, il faudrait rectifier Idrisî en ce sens (62). Cette argumentation n'emporte pas la conviction: les deux métro­poles du Bêth ~atràyè et de Socotra étaient vraisemblablement dü;tinctes et tel était le sentiIU.ent de Paul Pelliot.

(58) Synodicon, p. 216, trad. p. 482; E. TISSERANT, ibid., col. 189 ... (59) To.pographia christiana, P.G., t. 88, col. 169, E. TISSERANT, ~btd.,

col. 196. 42" 427 (60) Ed. BENEDETTO, p. 203-204; éd. MOULE-PELLIOT, p. ;)- '. (61) Ed. GISMONDI, p. 72; E. SACHAU, Zur Ausbreituno des Chnstentums

in Asien, p. 70. (62) Op. cit., t. 3, p. 23.

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L'Egli!;e chaldéenne comptait des fidèles en Arméniè : dès 42/. elle y avait un évêque(63). Timothée 1er en a fait un métro­p.olite. Ibn at-rayyi? nous apprend que ce patriarche a créé SIX ~o~venes provmces; de son temps, au t. XI" siècle, n'en subs.\staient plus que tr?is ,et.il nomme l'Armenie et Ray (64). L~ sleg~ de ce métropolIte etaIt Barda'ah (en arménien Partaw), v~lle ou se sont tel}us des synodes arméniens. C'est ce qu'in­dIque à la fin du IXe siècle Elie de Damas. <Abhdîsô< lui donne les titr('~ d'Arân et d'Alaniâ. Il lui attribue le 13" rang <Amr le 14" et SeHbhâ le 16". ' · Dans l~ seconde moitié du XIIIe siècle apparaît u~ métropo­

l~te de l'Ad~erbaijan, qui en 1265 prend part à la consécra­tIon du patrIarche DenM (65), et en 1281 à celle de Yahbhal­làhâ III ~66). ~lais i!",~'a pas subsis,té et, au temps même de c~ c~thohcos, ~bhdlso, dans ses Regles des jugements ecclé­sLa~tlques, mentwnne s~uleme~t u~ évêque de l'Adherbaijan, qUI est suffraga.nt du metropohte d Arbêl (67). On ne le trouve pas dans les hstes de 'Amr, de ~elîbhâ et du manuscrit de Siouffi. · Au ~ord de l'Iran, Timothée I"r a constitué en métropole l'an­

tIque vIlle de Ray, à 40 km. au sud-est de l'actuelle Téhéran' ?'é~ai~ d,éjà un évê?hé en ~ ~o (68) ct en 4:>.4 (69)' « Cette éparchie: ecnt-I~ a Serg~ de Elam, s etcnd sur deux cents parasanges; deux satrapIes en depe~dent, ~ui.,sont celles de Rayet de ~Iolwàn.» (70) Au cours ~es XI ct XII slecles, ces deux métropoles ont été s?uvent umes (71). Cc métropolite figure au Ile rang, avec les t~tres de Ray, ~ûm et ~asan, dans <AbhdiSô<, au 160 avec le h~re de Ray e~ Taba~is~ân dans 'Amr, au I8 e dans ~élîbhâ, qui fa.Il une provmcc dlstmcte du Tabaristân, qu'il place immé" dlatement après.

Thomas de Margâ nous révèle que Timothée créa encore

(63) Synodicon, p. 43, trad. p. 28;'. (64) Vat. arab. 153, f. 162, v' et 163 r'. (65) J. S. ASSEMANI, B.O., t. 2, )1. 456; LE QUIEN, Oriens christianus

t. 2, col. 1283-1284. . ,

· (66) E~: B~DJAN, p. 37; trad. BUDGE, p: 155. La biographie du ms. de SIOUÏfi n mdlqUe pas le nom de ce métropolite parmi ceux qui accom­pagnèrent à Bagdad le nouveau patriarche, Journal asiatique 1881 p. 92. ' ,

(67) Ed. LM. VOSTÉ, p. 56. (68) Synodicon, p. 34; trad. p. 273. (69) Ibid., p. 43; trad. 285. (70) Timothei Patriarchae 1 epistulae, éd. O. BRAUN t 1 Tl 131-132,

trad. p. 88. ' . ,.,.

(71) 'AMR, éd. GISMONDI, p. 47, 60; MARI, éd. GrsMONDI, P. 114.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR)) 279

les deux métropoles de Gîlân et Dailôm (72) (les ethniques sont Gîlàyê et Dailômàyê). C'est l'Hyrc,anie des anciens, au sud­ouest de la mer Caspienne. Cette province s'étendait sur le massif montagneux du Dailôm, sur la zone marécageuse du Gîlân et sur la plaine du Mû~ân, où Timothée avait aussi établi un évêque. On note déjà en 554 un évêque d'Amôl et Gîlân (73). Mais cette contrée était encore païenne: on y adorait des arbres, des quadrupèdes, des poissons, des repti­les, des oiseaux de proie eL des idoles en bois; il y avait aussi

. quelques groupes de Marcionites et de Manichéens. Timothée consacra d'abord pour métropolite unique de

Gîlân et Dailôm Sûbhe~alîsô<, qui opéra de multiples conver­sions, se constitua un clergé, bâtit des églises, et termina sa vie par le martyre. Le patriarche en fait le récit dans une leUre qu'il écrivit vers 795-798 (74). Il sépara alors les deux métropoles et consacra ~ardagh métropolite de Gîlân et Yahbhallàhâ métropolite de Dailôm; ils emmenèrent avec eux ceux qui avaient été nommés évêques pour ces provinces et ils consac.rèrent ensuite sept autres évêques pour les aider dans leur apostolat.

<Abhdîsô< ne mentionne pas les métropoles de Gîlân et de Dailôm, qui comptent sans doute parmi les quatre provinces créées par Timothée, qui, dit-il, avaient disparu de son temps. Par contre celle de Dailôm reparaît au cours du XIV· ,siècle : 'Amr lui donne le 17" rang et $élîbhâ le 20·.

Au sud-est de l'Iran, un métropolite a été établi dans la cité appelée en syriaque _~;.œ Sarbaziyah, en arabe 'r~r

Serbaz. Il gouvernait la redpCt1~ia des anciens, l'actuel Bélou­tchistan.

Cette province existait au temps de Timothée lor, qui ne semble pas l'avoir créée. Il nous raconte dans une de Ises lettres à Serge de 'Elam, qu'il avait choisi et consacré dans le plus grand secret I:fenànîsô< comme métropolite pour ce siège. Il lui recommande de garder le silence jusqu'à son arrivée au delà du Fars, dont les habitants sont violemment antichrétiens. Le nouvel élu fait son entrée solennelle à Ba~râ,

(72) Thomas de MARGA, éd. E. A. W. BUDGE, texte t. 1, p. 252 et s., trad. t. 2, p. 467 et s.

(73) Synode de Joseph, Synodicon, p. 109, trad. p. 366. (74) Vat. Boroiano sir'iaco 81 (olim K VI, 3), p. 697; Vat. sir. 605,

f. 310 v'; cf. O. BRAUN, Ein Brier des KatllOlicos Timotheos 1, Oriens christianus, t. 1, 1901, p. 309 et s.; la datation de cette lettre a été établie par le P. Bidawid.

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en costume pontifical, puis devant les difficultés qui ,s'élèvent, son~e. à ~egagner son couvent. Il sera interdit de tout degré eccleslastIque en dehors de Sarbaziyah. « Beaucoup de moines, lui a répondu Timothée, paslsent la mer pour aller aux Indes ou en Chine, muni,g seulement d'un bâton et d'une besace. » (75)

Cette métropole avait disparu au temps de 'Abhdîso' et de 'Amr. . Au nord de la Gédrosie, à l'est de la Médie, était la pro­

VlIlce de Ségestân; c'est la ~a"aO"Tav,f de Ptolémée, la Drangiane de,g anc1ens. Elle correspond au sud-ouest de l'Afganistân actuel.

Le Ségestân apparaît pour la première fois comme évêché au synode de Dadhîsô' en 424 (76). Au VI" siècle, il comptait déjà plusieurs chrétientés: Màr 'Abhâ en 544 divise en deux ce .diocèse; il confirme Yzedhafrîdh dans l'épiscopat des Eghses de Zarang, Pharah et ~as; Serge, qui de bonne foi a été ordonné évêque de son vivant, gouvernera les Eglises de Bist et de Rûkhûth, si leurs fidèles l'acceptent comme évêque. E~ si Y zedhafrîdh meurt le premier, Serge prendra sa place (77). Des cette époque, Zarang, appelée encore Ramseherestân était la ville la plus importante; ç'a été sans doute plus t;rd la résidence du métropolite.

Au IX" siècle, Elie de Damas place encore le Ségestân dans la province de Hérat. Au XIe siècle, le Ségestân fait dans cette province figure de ,seconde métropole: le patriarche SabhrîSô' III (1064-1072) consacre Georges de Kaskar métropolite pour le l]orâsân et le Ségestân (78). Cette métropole a disparu au temps de 'AbhdîSô'. Mais elle reparaît au couns du XIV· siècle et elle figure au dernier rang Sur les listes de 'Amr et de $êlîbhâ. Le manuscrit de Siouffi la place au 24· rang, après celle des lfallaj.

Dès le début du v· siècle, l'Eglise chaldéenne avait com­mencé la conquête de l'Asie centrale; les frontières de la Perse avaient été évangélisées ,et comportaient déjà des sièges épis­copaux. Deux d'entre eux sont devenu les métropoles de Merw et de Hérat.

Merw, au nord du l]orâsân, avait déjà un évêque en

(75) Timothei Patriarchae 1 epistulae, éd. O. BRAUN, p. 107-109, trad. p. 70-71; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), col. 193 et Timothée 1er, col. 1125-1126.

(76) Synodicon, p. 43, trad. Il. 285. (77) Ibid., p. 87-89, trad. p. 342-345. (78) MARI, éd. H. GISMONDI, p. 125, trad. p. 110.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 281

424 (79); ibn at-'fayyib déclare qu'il existait déjà au temps d'Isaac (80). On le retrouve en 497 (8r). C'est entre cette date et l'avènement d'Elisée, vers 524, sous le patriarcat de Babai ou de Sila, que ce siège a été élevé au rang de métropole. D'après la chronique de Séert, David était métropolite de Merw, quand il prit l'initiative de consacrer Elisée comme patriarche (82). Il aurait été ensuite déposé par Mar 'Abhâ, bien qu'il eût été jadis son disciple (83).

Il n'apparaît en effet dans aucun des synodes de ce patriar­che. Sans doute a-t-il été rétabli, car il siège comme métropo-

'lite en 554 au synode de Joseph et on attribue à la métropole de Merw le 7" rang (84). Il faut donc corriger 'Abhdîsô" qui dans son Epitomé des canons synodaux croit que la création de cette métropole est due à Y ahbhallàhâ.

Au milieu du VIle ,siècle, le métropolite Elie de Merw tra­vaille en Transoxiane, au delà de l'Amu Dâryâ, à la conver­sion des tribus turques (85).

Le métropolite dB Merw et Nisapûhr tient le\ ge rang - le troisième des métropolites de l'extérieur - dans 'AbhdîSô'. Il est au même rang dans 'Amr, au Ire dans ~el1bhâ, et vient immé­diatement après le métropolite de Perse.

Hérat, a.;", Hériû en Isyriaque, Harew en pehlvi est devenue métropole du reste du l]orâsân, au nord-ouest de l'Afganistan actuel. C'était un simple évêché en 424 (86) et encore en 497 (87); il ne figure pas parmi les métropoles dont la liste est arrêtée en 554 au synode de Joseph. Par contœ Gabriel s'intitule métropolite de Hérat en 585, au synode d'ISô'yahbh lor, où il se fait représenter (88). C'est sans doute pourquoi ibn a~-'fayyib attribue à ISô'yahbh la création de cette province (89).

(79) Synodicon, p. 43, trad. p. 285. (80) Vat. arab. 153, f. 162, v o.

(81) Synodicon, 1>. 66, trad. p.. 315. (82) Addai SCHER, Histoire nestorienne (Chroniqu.e de Séert), 2" partie,

rase. 1, Patrologia orientalis, t. 7, Paris, 1911, p. 149, 171. (83) 'AMR, éd. GISMONDI, p. 22; J. S. ASSEMANI, B.O., t. 2, p. 412, t. 3,

1, p. 86. (84) Synodicon, p. 109, trad. p. 366 et 367. (85) I. GUIDI, Chronica minora, Corpus scriptorum christianoru.m

orientalium, sér. 3, t. 4, Paris, 1903., p. 34, trad. p. 28-29; F. NAu, L'expan­sion nestorienne en Asie, p. 246; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Ealise), col. 208.

(86) Synodicon, p. 43, trad. p. 285. (87) Ibid., P. 63, trad. p. 31l. (88) Ibid., p. 165, trad. p. 423. (89) Vat. arab., 153, f. 162, y'.

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Là aussi, il faut rectifier 'Ahhdlso', qui la croit él'ig,ée par ~ëlîbhà Zèkhâ.

Au IX· siècle, Elie de Damas n'indique comme suffraaant que le seul évêque du Ségestân. Le métropolite des Herîw?mê c'est-à-dire de Hérat, occupe le 12e rang chez <Abhdisô', le 10;

chez 'Amr et le 12e chez Sèlîbhà Après avoir cité le métropolite de l~ôlwAn parmi ceux qui

parti~ipaient à l'élection patriarcale, 'Amr indique au 20· rang, parmI les métropolites de l'extérieur, celui de 1-.::... Halah ~élî~hâ ne le mentionne pas. Halal.l est le nom ~ue p~rtai; anCIennement I~olwàn; mais il est invraisemblable que 'Amr ait cité deux fois le même siège, à la fois parmi les électeurs patriarcaux et parmi les métropolites de l'extérieur. Quelle est dono cette mystérieuse IJalal.l P

Joseph Simonius Assemani ~90) avait proposé de lire BalI! (Balkh), conjecture que Yule (91) et Devéria (92) se contentent de rapporter. Sans doute, BalI} était un centre chrétien connu d'où était originaire le prêtre Mîlîs (Milès), dont il est questio~ dans ~a st~le Si.-ngan-fou. Mais cela ne suffit pas pour établir cette IdentIficatlOn, qui ne peut être retenue.

On pourrait aussi song'er à ili Kalah qui désigne en arabe le détroit de Malacca, où quelques com~unautés chaldéennes s'étaient implantées. Mais on peut se demander si elles étaioot assez impor~antes pour j~stifier la création d'un métropolite. Et surtout Il est peu vraIsemblable qu'une confusion se soit ~~od.uiteen~re kâf et l)â; ces deux lettres se prononcent et s ecnvent d une façon trop différente.

Sachau repousse la lecture de Gismondi è-::... IJalal,1, comme la correction qu'il propose e-h Halîl,1. Il faut lire, ~it-i1, t~ tIamlîl} , qui est la capitale des Khazares où ibn Faidiân chez Yalo1t signale une communauté chréÙenne (93). 'Mingana ado~t: cette correction (94), en ajoutant que 'Amr mentionne un eveque dans cette ville (95).

Nous nous sommes arrêtés avec Palll PelIiot à une autre

(90) B.O., t. 3, 2, p. 727·728. (91) Op. cit., t. 3, p. 23. (92) Notes d'épigraphie mongole·chinoise, Journal aSiatique, 90 série,

t. 8, 1896, p. 424. (93) E. SACHAU, Zur Ausbreitung des Christentums in Asien, Abh/ltnd­

lungen der Preussischen Akademie de.r Wissenschatten Berlin 1919 p.22. ' , ,

(94) A. MINGANA, The early spread of Christianity in Central Asia and the Far East reprinted with additions, Manchester 1925 p 25-26

(95) Ed. H. GIS~ONDI, p. 126, 132, trad. p. 73, 74. ' ,. .

LES PROVINCES CHALDÉENNES (( DE L'EXT&RIEUR )) 283

interprétation. Si l'on suppose qu'au début du mot le scribe a omis Je point supérieur du l}â et à la fin du mot le point inférieur du jlm, on peut restituer ct:... tIalla]. Et ce terme

désigne une tribu turque assez bien connue et assez importante pour avoir été dotée quelque temps d'un métropolite. Le manuscrit de Siouffi confirme cette hypothèse : le texte porte bien la leçon ct::. que Siouffi a vocalisé Khoulj, mais en indi-quant les caractères arabes. C'est incontestablement le métro­polite des tIallaj, qui dans c.ette liste figure au 23· rang.

Les tIallaj ou plutôt tIaJaé étaient de race turque et vivaient autrefois entre l'Inde et les districts du Ségestân, derrière Ghûr. Puis ils avaient nomadisé dans le Tol}ârestân autour du Syr Daryâ et de l'Amu Daryâ. Marquart, qui s'appuie sur l'historien armé­nien Moïse de Khorène (Mousês Xorenaçi) y voit les restes des hordes des Huns Hephthalites (96). Or ces peuplades avaient été depuis longtemps évangélisées. Dès la fin du v· siècle, on comptait des chrétiens parmi les Huns des bor.ds de l'Oxus ou Hephthalites, auprès desquels s'était réfugié ~avâdh (97). Vers 525, un évêque d' Aran ~ardûtSath était parti avec sept prêtres évangéliser une tribu de Huns, probabl.ement en Cisoxiane, et avait traduit en hunnique un certain nombre de livres reli­gieux (98). Peu après, en 549, les Hephthalites avaient demandé à Màr 'Abhâ de leur donner un évêque (99).

D'après le géographe persan anonyme qui écrivit en 982-983 le {ludûd al-<dlam (les régions du monde), les t1allaj étaient extrêmement nombreux et élevaient d'immenses troupeaux de moutons (100). Barthold en fait les ancêtres de la tribu afgane qui porte le nOm de Ghilzai (101).

Samarl<.and est la métropole de la Sogdiane, située sur la rivière Soghd, à l'est de Bul}àrâ. La Sogdiane était habitée par une population de race indo-européenne, qui pariait une lan­gue d'affinités iraniennes, qui a Iservi de lingua franca dans

(96) ,t,.âniwh,. nach der Geographie des Ps. Moses Xorenac'i, Berlin, 1901, D. 251 ~254.

(97) Chronique de Séert (2· partie, fasc. 1) éd. Addai SCHER, Patro­logia orientalis, t. 7, p. 107, 124, 128.

(98) ZACHARIE LE RHÉTEUR, éd. LAND, Anecdota syriaca, t. 3, Leyde, 1870, P. 377-339.

(99) Histoire de Mar Jabalaha, de trois autres patriarches, d'un prêtre et de deux laïcs nestoriens, Paris, 1888, p. 266-269; cf. F. NAU, op. cit., p. 245-246; E. TISSERANT, Nestorienne '(l'Eglise), col. 207·208.

(100) Ed. V. MINORSKY, Oxford, 1937, p. 347. (101) Encyclopédie de l'Islam, Leyde, Paris, 1!:127, t. 2, p. !l28, v' I{ha­

!adj.

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toute l'Asie centrale, Agriculteurs et commerçants habiles et tenaces, dotés d'une vieille et forte civilisation ils ont occupé ~oute ,la zone cultiva~,le entre la ,haute montagne et la steppe, Jusqu au nord des TIen Chan; Ils sont allés d'oasis en oasis jusque dans le Turkestan chinois et même dans la Chine où ils ont formé des colonies d'étrangers, Au VIlle siècle so~mis à la domination turque ils se transmettent encore la 'connais­san~e, de le,ur langue, de leur écriture propres, bien que les ~hr,etIens aIeI?t souv~nt ado~té le~ caractères syriaques pour ecnre le sogdIen, MaI!! vers 1 an mIlle, submergées sous le flot des e,nvahisseurs turcs, leur langue et leur culture sont près de dIsparaître (102),

• ..Ibn at-'fayyib attr,ibue la çréation de cette métropole à Iso yahbh (103), ce qUI la ferait remonter à la fin du VIe siècle s'il s'agit d'Isô'yahbh 1er (582-595) ou au cours du VII~ siècle s'ïi vise lSô'yahbh II (628-644/646) ou lSô'yahbh III (647/650-657/ 658),

'AbhdlSô', dans son Epitomé des canons synodaux rapporte l'érection de la métropole de Samar~and à ~èl1bhâ ièkhâ (7 1 4-728), en même temps que Hérat et la Chine, D'autres aut.o­rités, dit-il, l'attribuent à 'A~lai (411-414) ou à Sila (505-5~H/522), Mais, ajoute-t-il, les métropolites de Hérat, des Indes, de la Chine, ont la préséance sur celui de Samar­~and (104), Cette date apparaît d'ailleurs bien trop précoce, au sentiment même de Mingana (105), 'AbhdiSô' le mentionne sous le nom de métropolite des Turcs dans ses Règles des jUfj'e­~!"ents ecclésiastiques.

Le patriarche Théodose (853-858) cite Samar~and la dernière parmi les métropoles de l'extérieur, C'est sans doute celle-ci que vise Elie de Damas sous le nom de Kand, Au XIII~ siècle, Marco Polo mentionne la communauté chaldéenne de San­mal'can (Samar~and), province que gouvernait Ciagatai, le fl'ere charnaus au gl'ant Can, qui s'était fait chrétien, Il raconte que les chrétiens y avaient bâti une belle et grande église ronde dédiée à saint Jean Baptiste, et qu'un miracle s'y produisit,

(102) R. GAUTHIOT, Essai de grammaire sogdienne, Paris, 1914-1923, p. IV et S.; P. PELLIOT, Le Cha·tcheou-tou·tou-fou-t'ou-king et la coLonie sogdienne de la région du Lob-nor, Journal asiatique, 11" série, t. 7. 1916, 1. p. 111-123.

(103) Vat. arab., 153, f. 162, v', (104) Ed. MAI, p. 304, trad. p. 141-142. (105) Op, cit., p. 29.

LES PROVIKCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR )) 285

quand plus tard les Sarrazins voulurent reprendre une pierre enlevée à l'une de leurs mosquées (106).

A diverses reprises au cours de l'histoire, la métropole de SamarJ.<.and s'est confondue avec la métropole des Turcs. Le .métropolite de Samar~and était attaché à un siège fixe et avait dû d'abord gouverner des chrétientés formées dans leur )llajo­rité de Sogdiens sédentaires. On rencontrait en. effet parmi les Sogdiens, en Transoxiane, des chrétiens de rite chaldéen, à côté des Soldains melkites que signale Hay ton l'Arménien, et qui célébraient comme les Grecs, mais dans leur langue natio-

. nale (107), Au contraire le métropolite des Turcs ne semble pas avoir eu de siège fix:e et était attaché à un peuple qui noma­disait dans l'Asie centrale et qui s'est rassemblé ensuite en grande partie dans la Sogdiane, devenue le Turkestân. Cela explique, nous semble-t-il, que ces deux métropol,es aient été tour à tour distinctes et eonfondues,

La création de ce métropolite des Turcs est due à Timo­thée 1er

, qui avait activement poussé l'évangélisation de l'Asie centrale, Dans sa leUre aux Maronites, il nous apprend que dans la seconde année de son pontificat - en 782-783 - le khaqan des Turcs s'est converti avec presque tout son peuple et qu'il leur a consacré un métropolite (108), Il revient sur cet événement dans la lettre qu'il écrivit vers 795-798 à Serge de 'El am : « L'Esprit Saint a consacré en ces jours-ci un métro­polite pour le pays des Turcs, Bêth rûrkàyê » (109), ce qui nous révèle le titre de ce prélat. Ainsi les provinces créées par Timo­thée sont l'Arménie, Ray, Dailôm, Gîlân, le Bêth 'fûrkàyê et la nouvelle éparchie démembrée de Damas.

D'après le sentiment de Paul Pelliot, le centre de gravité de cette métropole se plaçait alor& autour d'Otrar, sur la rive droite du Sîr Daryâ. C'est plus tard que la métropole des Turcs tendra à se confondre avec la Sogdiane.

C'est à ces métropoles qu'ont dû se rattacher les commu­nautés chrétiennes de BulJârâ et de 'fâlâs, dont les églises furent

(106) Ed. BENEDETTO, p. 40,41; éd. MOULE·PElLLIOT, p. 143-1«. (107) Notes de Paul PELLIOT; M. DEVÉRIA, Notes d'épigraphie mongole.

chinoise Journal aSiatique, go série, t. 8, 1896, p. ~4; N. MARR, Ar/mun, mOngOls;We nazvanie christian v svjazi 5 voprosom ob Armjanach­chalkedonitach, Vizantijs7,ij Vremennik, t. 12, 1906, fasc. 1·4, p. 1-68, qui conclut que les Chalcédoniens, les Syriens et les Arméniens ont pré­cédé les Nestoriens dans l'évangélisation de l'Asie centrale.

(108) vat. Borgiano siriaco 81 (olim K VI, 3), 5, p. 646 in ttne et 647; Vat. sir. 605, f. 270 b.

(109) Vat. Borgiano siriaco 81, p. 697; Vat. sir. 605, f. 310.

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converties en mosquées avec le triomphe de l'Islam. D'après Mas'ûdî, les Turcs de Tâlâs convertis de force en 893 par Ismâ'îl ibn 'Al:J.med auraient été des ~arluJ.<. (110) : le christia­nisme chaldéen aurait donc touché cette tribu.

<AbhdîsôC, comme le Liber Patrum, ne mentionnent qu'une seule province, qu'ils nomment province de SamarJ.<.and ou pays des Turcs. Mais c.es deux métropoles sont de nouveau distinctes chez 'Amr, qui placie: ,SamarJ.<.and au 18e rang immédiatement après at-Turk, le métropolite des Turcs. De même ~elÎbhâ met au 2 le rang le métropoli'te de SamarJ.<.and et au 22" celui de Turlebsân; sans doute faut-il restituer avec Gismondi Turkes­tân. Le manuscrit de Siouffi, dans la traductjon que donne ce dernier, porte Kurdistân; mais sans doute est-ce une mauvaise leçon.

Marchands ct missionnaires chaldéens ont franchi le Pamir, dès avant le Ville siècle, en suivant les deux routes, septentrionale et méridionale, des caravanes de la soie, et ont pénétré en Kachgarie, l'actuel Turkestan chinois ou Sin­kiang. C'était alors un pays prospère, habité par des peuples qui parlaient des langues indo-iraniennes, la langue des Sae:es, le çaka, le sogdien, le tokharien, le koutchéen, langue étroite­ment apparentée employée à Kuca, à Karâsahr et dans 'la région de Turfàn. Dans ce carrefour se ~ont rencontrées les civilisations de la Chine, de l'Inde, de l'Iran, et même de la Grèce, pour y évoluer selon des formules parfois nouvelles. A côt~ de groupements bouddhistes, manichéens, mazdéens, les chréhens y ont constitué des communautés importantes, jus­qu'au jour où tout le pays a été submergé et nivelé par l'Islam (1 II) .

Le centre le plus important de l'actuel Turkestan chinois, Kâsgar est devenu métropole de l'Eglise chaldéenne. Depuis quand cette ville a-t-elle été Je siège d'un évêché, puis d:une métropole? Bonin avance que cette métropole a été érigée à la fin du xm" ou au début du XIV· siècle et il y rattache çncore plus arbitrairement trois « évêchés»: Djoutchi (Tokmak), Cambali~ (Urumtsi) et Yârkand! (112) Kâsgar avait été évan-

(110) W. BARTHOLD, Turkestan down to the Mongol Invasion, Londres, 1928, p. 106, 124.

(111) P. PELLIOT, Tokharien et J{outchéen, Journal asiatique, t. 224, 1934, 1, p. 23·106; A propos du Tokharien, T'oung Pao, 1936, P. 259-284; La Haute Asie, Paris, 1931, p. 9.

(112) Note sur les anciennes chrétientés nestoriennes de l'As'le cen· trale, Journal asiatique, t. 15, 1900, p. 586-587.

LES PROVINCES CHALDÉENNES cc DE L'EXTÉRIEUR)) 287

gélisée d'assez bonne 4eure, car si l'on admet que le tezkérè de l'iman Mu~ammad GazâH repose sur quelques données his­toriques, sur lesquelles s'est exercée la légende, au début du VIp" siècle, le prince de Kâsgar était un chrétien, nommé Serkianos, qui est la forme uigur de ~epy,cxv6> (113); nous ne pouvons savoir s'il était de rite chaldéen, melkite ou jacobite. Au XII" siècle, cette ville possédait un métropolite, au témoi­gnage de 'Amr: Elie III 'abû l.JaHm (1176-1I90) nomme suc­cessivement à ce siège l'évêque Jean, puis après sa mort SabhriiW (II4). Au siècle suivant, Marco Polo mentionne à

. Cascar (Kâsgar), au milieu d'une population mulsumane, des chrétiens nestoriens qui demeurent en cette contrée: Ils y ont leur église et leur loi et sont de race turque (II5). Quand Mar~ôs et Rabban ~àumâ y passèrent, en 1276-1277, la ville était privée d'habitants, car elle avait été récemm,ent saccagée par les enne­mis (1I6).

Le christianisme s'était répandu dans le bas!,\in du Tarim. Marco Polo signale à Yârkand, parmi la population musul­mane, des chrétiens nestoriens et des jacobites (117).

Au milieu du XIIe siècle, si l'on croit le tezkérè de Mahmud Karam Kabûlî, J)otan était gouvernée par un prince chrétien, Nudum khan, qui avait un gouverneur chrétien à 'Ak,su. Ce dernier commandait des troupes en grande partie. chrétiennes, qui s'opposaient à l'invasion des chïïtes (1I8).

Un cimetière chrétien a été découvert à ijotan et d'après Gardîzî il y avait dans cette cité deux égFses, l'une dans la ville intérieme, l'autre dans les faubourgs (Ilg).

La métropole de Kâsgar n'est pas citée par (AbhdîiW. Par contre, la liste de 'Amr porte en marge l'indication du

(113) E. BLüCHET, La conquête des éta.ts nestoriens de l'Asie cen, trale par les Shiïtes, Revue de l'Orient chrétien, t. 25, 1925-1926, p. 24-27.

(114) Ed. H. GISMONDI, p. 110-111, trad. p. 64. (115) Ed. BENEDETTO, p. 40; éd. MOULE-PELLIOT, p. 143. En 1604 OU 1605,

le_ gouverneur de Cialis (Karàsahr), fils naturel du khan de Kàsgar. declare à Bento de Goes (( que leurs ancêtres aussi avaient été chrétiens» Matteo RICCI, Opere storiche, Macerata, 1911, p. 545; cf. H. BERNARD: LIJ frère Bento de Goes chez les musulmans de la Ha.ute Asie, Tientsin, . 1934, p. 130; R. GROUSSET, L'Empire des steppes, p. 578; P. PELLIOT, La Haute Asie, p. 21; W. BARTHOLD, La découverte de l'Asie, Paris, 1947, p. 112-114.

(116) Ed. J. B. CHABOT, p. 22. (117) Ed. BENEDETTO, p. 41; éd. MOULE-PELLIOT, p. 146 (118) E. BLOCH ET, op. cit., p. 25-27; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise),

col. 208·209. . (119) Notes inédites de Paul PELLIOT.

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métropolite de c..-sI."." )" ........ ~ Kasamgâr et Nu'kth. Et la 'liste de ~elîbhâ et le manuscrit de Siouffi indiquent au 27" et dernier rang le métropolite de ~!"J, )'~.i.N:..~ Kâsgar et Nu'kth. La pre­mière métropole dans ces deux listes est évidemment Kâsgar.

Comment faut-il lir,e le second terme et comment identi-fier la métropole qu'il désigne P .

Joseph-Simonius Assemani a transcrit en latin prononcé à l'italienne Chasemgara et Nuacheta, en reconnaissant d'ail­leurs Kâsgar dans le premier nom. Yule s'est demandé si Cha­semgarah et Nuachet n'étaient pas les noms indiens de Kasim­ghar et de Nyakot, sans pouvoir préciser où Ise trouvaient ces cités. Il reconnaît comme probable que le premier nom dési­gne Kâsgar et remarque que dans Idrîsî Nauakath est le nom d'une ville du Turkestan, qui pourrait êtr,e identifiée avec Yanghi-Hisar, près de Kâsgar, ou avec Yanghikand près de Tàlâs ; ces deux noms ont en effet le même sens (120).

Devéria, qui connaissait la première édition de Yul,e, a lu Nanakath et rapporte l'identification possible avec Yanghi­Hisar (121). Bonin reproduit le terme déformé Nanakath et objecte la proximité de Yanghi-Hisar et de Ipsgar; il est peu probable qu'on ait créé deux métropoles aussi voisines. Il essaie de ramener N anakath à un assemblage de chinois et de mongol: la première syllabe correspondrait à ngan, paix ou nan, sud, la seconde au mongol lûwto, citadelle. Gela dési­gnerait leFergâna, que les Chinois appellent Ngan-tsi-ien (122). Nanakath se retrouve, avec un point d'interrogation, dans l'at­las d'Albert Herrmann, qui place cette ville au ]i'ergâna (123).

Nous avons recherché avec Paul Pelliot une identification qui repose sur un fondement plus solide. Pelliot l'emarquait que ce nom est d'origine persane ou sogdienne et signifie « nouvelle viUe»; c'est une dénomination qui s'est appliquée à plusieurs cités, qui sont indiquées par lés géographes arabes ou persans et on peut hésiter entre plusieurs d'entre elles.

Comment vocaliser cc motP M, Benvéniste nous indique qu'il donne la préférence à la forme NavëkaB. C'est en effet en nwy (qui correspond à navè) que 'se constituent les noms de lieux ou de personne sogdiens. D'ailleurs NavëkaB est attesté. La forme NavakaB, qu'on rencontre chez plusieurs auteurs,

(120) Op. cit. ,. t. 3, p. 22-23. (121) Op. cit" p. 424. Siouffi avait vourtant donné une meilleure

transcription : Navaketl1. Mais sa publication est demeurée inconnue. (122) Op. cit., p. 586. (123) Historical and commercial atlas of China, catte 45.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 289

doit être interprétée par l'imala, comme le remarque Minorsky. La prononciation NavïkaB, un peu plus récente que l'autre, est également possible. La terminaison -kaB, aussi bien que -kanB., kand, qui signifie ville, est très répandue dans ces con­trées (124).

Avec quelle cité de NavekaB identifi.er la métropole chal­déenneP Où la 10caliserP

Le géographe persan à qui est dû le 'Iudûd al-<âlam cite une ville qui porte ce nom et qui est située dans le Sînistân (dont la capitale est Kumdan, c'est-à-dire Si-ngan-fou), c'est-à-dire

. en Chine ou dans les contrées soumises à la domination chi­noise. Elle est placée au bord de la mer ou d'un fleuve (le mot l..?)~ daryâ a en effet ces deux sens). C'est une ville grande, prospère, très agréable et qui a une population belliqueuse. Cette cité de NavekaB pourrait être localisée dans le bassin du Tarim, où les Chinois ont eu des sujets sogdiens. Minorsky propose de la rapprocher de Yangi-baliJ.<. (qui signifie « nouvelle Tille»); Kasgarî mentionne parmi les uigur cette cité, située tH'ès des T'ien-chan orientaux (125).

Cette localisation a l'avantage d'écarter l'objection, qui n'est d'ailleurs pas insurmontable, que l'autre NavekaB est trop proche de la métropole d'AlmâliJ.<.. Mais nous ne savons s'il s'y trouvait une chrétienté chaldéenne de quelque importance.

Si l'on admet cette conjecture, la province de Kâsgar et de NavckaB s'étendrait sur le bassin du Tarim et occuperait le sud-ouest du Sin-kiang actuel; elle serait située au sud de la province d' AlmâliJ.<. .

Une autre cité de NavëkaB nous est attestée, qui était située au centre de chrétientés importantes. C'est une ville d'origine sogdienne, située près de l' Issyl<.-kôl, et dont l'exacte localisa­tion est assez délicate à déterminer.

Barthold a identifié NavëkaB avec la bourgade qu'ibn ljordâÇ!beh nomme ~..,..; Nûnkat et r~~al]rî ~.ii Tûnkat. L'auteur du fludûd al-<âlam place ~..,..; Nûkat sur la rive de l'lIak, affluent de la rive droite du Sîr-Daryâ (126). Cette ville est la capi-

(124) E. BENVENISTE, Noms saadiens dans un texte ·pehlevi de Turfan, Journal asiatique, t. 216, 1930, 2, p. 291-295; c'est ainsi qu'on trouve Nal'ë{arn Navè-rniix Navè-yan. Sur la terminaison -kaO, kanO, kand, cf. E. BEN­VENISTE, La ville de Cyreschata, Journal asiatique (années 1943-1945), 1947, p. 165. Nous remercions bien cordialement M. Benvéniste des pré­cieuses indications qu'il nous a données.

(125) Ed. MINORSKY, p. 86 et commentaire p. 234. (126) Ibid., p. 117, 356.

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tale de 1'1Iâ/f. et possède une cité, une citadelle et des fau­bourgs. Située entre la montagne et la steppe, la province qu'elle commande à une nombreuse population et est cultivée et prospère. Barthold propose de lire ~".; Navakat ou Navïkat à la place de. Tûnkat. Navïkat serait l'actuelle Kôk-muy~a/f. (12 7).

Marquart indique que Nawakat était devenue la résidence d'un khaqan turc et il identifie cette ville avec Suyab (128). Minorsky propose de recoJ}naître Suyab dans l'actuel Sugati, dans la vallée du Tchou (Cu), en aval de Tokmak. C'est à cet emplacement que Robert Gauthiot mentionne NawakaB sur la carte où il décrit l'aire du sogdien (129).

Minorsky donne une autre localisation à cette cité de NavëkaB, située près de l'Issy/f.-kôl, où il reconnaît la métropole chaldéenne. Il remarque qu'ibn lIordàdbeh distingue: ~.".; Nûnkat et ~".; ou ~!".J Navîkat et il observe que souvent en vieil iranien è est rendu par yâ ou par élif, ce dernier lu avec l'imala, ce qui ramène à la prononciation NavëkaB. Ibn ijordâdbeh et ~udâma disent que Nûzkat (Nûnkat) est un grand village, alors que ~udâma qualifie Navâkat (c'est-à-dire Navë­kaB) de grande ville, d'où on fait route vers Barsban. En outre, Nûnkat est situé à l'ouest du Tchou et NavëkaB à l'est. D'après Gardîsî, à partir de ~.".:; Tûmkat, la route dans la direction sud-est laisse l'Issy/f.-kol à gauche (c'est-à-dire au nord), alors qu'à partir de NavëkaB, la route laisse le bassin du lac à droite (c'est-à-dire au sud) (130). La métropole chal­déenne serait donc ISÏtuée à quelque distance du Tchou, au nord de Tokmak (aujourd'hui Frunze)_

Tout près de NavëkaB ont été découverts les quatre cime­tières dits du SemirMe (Djety-su ou pays des Sept-Rivières); les deux premiers sont situés à l'ouest du lac près de Pispek, le troisième au nord-est, le quatrième. au sud-est le long de la rivière Zaukê. Leurs inscriptionlS, qui s'échelonnent peut-être entre 858 et 1345, particulièrement nombreuses quand la peste noire a dévasté la contrée, témoignent de chrétientés fortement

(127) 0 CI,,·isti,wstvè v Tltl'l!estane iz do mongols1cij pcriod (po povodu semil'èl:enskich nadpisej), Zapiski v09toénnyo otdèlenija imperatorskago russ1cago al'cheologiéeskago obiiéestva., t. 8, St.-Pétersbourg, 1893, P. 15-17; Tur1cestan down to the Mongol Invasion, Londres, 1928, p. 172; préface à l'édition MINORSKY du Hudûd al-'âlam, p. 24.

(128) El'iinsah~, D. 82. (129) Essai de grammaire sogdienne, carte 1. (130) lfltdûd al-'iilam, commentaire p. 289-290 et carte 6, p. 299.

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LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 291

organisées et qui comptaient des monastères. EUes révèlent en grande majorité des chrétiens chaldéens, de race et de langue turque qui, d'après Barthold, seraient des uigur, à côté de quelques Arméniens (131).

Si l'on admet que oette seconde NavëkaB est la métropole chaldéenne, la double province de Kâsgaret NavëkaB s'étendrait npn seulement au sud, mais encore à l'ouest de la pro­vince d'Almâlil<.. Or les ~arâ-tlitâi avaient fondé au XII" siècle un empire qui dominait à la fois les cités du Tchou et celles de l'IIi et du Tarim. Ce peuple, qui se rattache à la famille mon­'gole, était en partie chrétien et en partie adorait le soleil, au dire d'Awfî, de même que les Turcs uigur (132). Cette pro­vince chaldéenne devait comprendre, à côté des sogrliens et des turcs du Semireèe, des ~arâ-ijitâi et peut-être aussi une partie des uigur.

L'Eglise chaldéenne a compté dans le Haut Moyen Age un métropolite du Tibet. Timothée 1er

, dans sa lettre aux Maronites, écrite en 792-793, fait mention des chrétiens du

(131) D. CHWOLSON, Syrische Grabinschriften aus Semirde-tchie, Mémoi­reS de l'Académie impériale des sciences de St.-Pétersbourg, série 8, t. 34, n. 4, 1886; t. 37, n. 8, 1890; Syrisch·nestorian'i,sche Grabinschriften aus Semirjetschie, Neue Folge, St.-Pétersbourg, 1897; P. K. KOKOVCOV, Christians1co-sirijSkija nadgrobnija nadpisi iz Almalyka, Zapiski VOstOl­nago otdelenija imperatorskago russkago al'cheologiceskago obséestva, t. 16, 1905, publié en 1906, p. 0190-0200; Neskolko novych nadgro·bnych kamne} s christiansko-sirijskimi nadllisjami iz Sredne,i Azij, lzvestiia impera. torskoj A1cademii ,nau"', 1907, p. 427-458; J( siro-tureckoj epigrafihé SemirJ­éja, ibid., 1909, p. 773-796, où il Signale un quatrième cimetière chrétien. Il admet la présence de quelques jacobites ou melkites; mais l'argu­ment qu'il donne, qui est cette forme du taw .c.., n'est pas péremptoire, ibid. p. 779-780; dans le même sens: que Kokovcov, N. MARR, Arkaun, mongolskoe nazvanie Christian v sv,jazi S. voprosom ob Armjanach­Challcedonitach, Vizantijskij Vremennik, t. 12, 1906, fase. :1..4, p. 1-68. Les deux premiers cimetières'ont été étudiés par F. NAU. Les pierres tom­bales nestoriennes du Musée Gu.imet, Revue de l'Orient chrétien, t. 18, n 1, 1913; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), 'col, 210; cf. aussi W. BAR­THOLD, Histoire des Turcs d'Asie centrale, Paris, 1945, p. 99-101.

On a été frappé du grand nombre de morts de la peste en 1338-1339, CJJue révèlent les inscriptions tombales. Or il semble bien que l'épidémie soit venue de la Chine, où elle a ravagé le pays en 1328-1330, et ait ensuite .g.agné l'Europe où on la retrouve en 1347-1350. Elle a mis autant de temps pour aller de Chine au Semirece que pour venir d'Asie centrale en Europe. Notes de Paul PELLIOT. .

(132) Notes inédites de Paul PELLIOT; R. GROUSSET, Histoire de l'Ex­trême-Orient, t. 1, p. 375; t. 2, p. 407-408; L'empire des steppes, p. 221 et s.; L'empire mongol, p. 15-21; W. BARTHOLD, ZUr Geschichte des Chris·· tentums in Mittelasien bis zur Mongolischen Erorberungen, Tübinaen, 1901, I>. 58.

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pays des Tibétains ~'~ol~, Bêth Tûptàyê (133). Et dans unè lettre à Serge de 'Elam, vers 795-798, il annonce: « L'Es­prit Saint a consacré en ces jours-ci un métropolite pour le pays des Turcs, et de plus nous nous préparons àen consacrer un autre pour le pays des Tibétains.» (134) Puis il indique toute une liste de métropoles et de diocèses à pourvoir. Cela laisse entendre que ce siège métropolitain ,existait déjà et qu'il s'agissait uniquement de pourvoir à une vacance. La création de cette métropole ne semble pas due à Timothée; on peut restituer par ailleurs les six nouvelles provinces qu'il a consti­tuées - à moins de compter pour une seule celles de Gîlân et Dailôm.

Le terme Tûptàyê ou Tôptàyê est l',ethnique syriaque qui désigne les Tibétains; on le rencontre dans le Gannat Bûssamê, où il a été signalé par le T.R.P. Vosté (135). Il a été emprunté au vieux turc - on trouve dans les inscriptions de l'Orkhon Tüpüt (ou Topüt, Topot) (136) - ou encore au sogdien Twpp'yyt; ct ces formes peuvent être rapprochées du chinois T'ou-fan, qui qualifie les Tibétains (137). •

Dès la seconde moitié du vue siècle, des tribus tibétaines ont pu être touchées par l'apostolat d'un généralissime chinois, chrétien chaldéen d'origine persane, qui était au service de l'empereur Kao-tsong, de la dynastie des T'ang. Ce chef de guerre se nommait A-Io-han (sans doute Abraham) et gou­verna les tribus sauvages sur les confins du Tihet, où il érigea une stèle, semblable à celle de Si-ngan-fou (138).

Une croix de type. sassanide est. dessinée sur une feuille couverte d'exercices d'écritures tibétaines, que Paul Pelliot

(133) vat. Borg. sir. 81 (olim K VI, 3), 5, p. 646 in fine et 647; Vat. sir. 605, f. 270 b.

(134) Vat. Borg. sir. 81, p. 697; Vat. sir. 605, f. 310 vo; cf. O. BRAUN, Ein Briet des Kathoti.cos Timotheos 1, Oriens christianus, t. 1, 1901, p. 309-311, qui propose de remplacer arbitrairement Bêth TÛlltàyê par Bêth TlllJ.ràyê, le Tollârestân.

(135) Texte publié par J. VOSTÉ, dans J. BlDEZ et F. CUMONT, Les Mages heUénisés, t. 2, Paris, 1938, p. 113-117; J. VOSTÉ, Le Gannat B'I1s­sàmê, Revue biblique, t. 37, 1928, p. 221-232, 386-419, t. 42, 1933, <p •. 82.

(136) V. THOMSEN, Les inscriptions de l'Orkhon déchiffrées, Helsing­fors, 1895, texte IlE 5, trad. IE4, P. 24, 140 n. 8 et 167 n. 69. Nous adres­sons nos vifs remerciements à M. Deny, administrateur de l'Ecole des Langues orientales, pour les indications qu'il nous a données à ce propos.

(137) P. PELLIOT, Quelques transcriptions chinoises de noms tibétains, T'oungpao, t. 16, 1915, p. 18-20. M. Hambis nous a aimablement com­muniqué le résultat de ses recherches personnelles sur ce point.

(13'8) P. Y. SAEKI, The Nestorian documents Qlnd relics in China, p. 453-455.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR Il 293

a rapportée de Touen-houang, et que nous a signalée Mlle Mar­celle Lalou (139). Au jugement même de Pelliot, c'est un des documents chrétien& de Touen-houang, à côté de la peinture du Bon Pasteur et de l'hymne à la Trinité. Cette croix pro­vient d'un atelier local et témoigne que le christianisme avait au moins atteint les Tibétains de l'Asie centrale où ils ten­taient alors de constituer un empire. Cette cr~ix est anté­rieure à 1035; des documents voisins peuvent être datés de 760 à 822 : il est probable qu'elle remonte à la même épo­que, ce qui coïnciderait avec les patriarcats de Jacques II (754-773) I:IenànÎsô' II (773-780) et Timothée {"r (780-823).

Mais le christianisme chaldéen a pénétré dans le Tibet m.ême. C'est ce que laisse entendre le terme « pays des Ti'bé­tams)) employé par Timothée et c'est ce que prouvent deux découvertes archéologiques. Francke a trouvé au cou d'un indigèn~ une croix faite d'un alliage de fer et de bronze, qui provenait des environs du lac mThsomo-riri, dans le Ladakh, qui faisait alors partie intégrante du Tibet (140). Et surtout F. E. Shawe, membre de la mission morave protestante de Leh, en 1906, puis Gustave Toussaint, en 1907, déc.ouvraient les inscriptions de Dran-tse, près du lac Pan-koil, sur la piste caravanière qui conduit à Lha-sa et mettait en communication la Kachgarie, la Bactriane et les Indes avec le Tibet central (141). Sur les parois des rochers sont gravées trois .grandes croix en forme de croix de Malte, le type caractéristique des croix chaldéennes. Au-dessus de l'une d'clIcs, on lit le mot sogdien

(139) M. LALOU, Inventaire des manuscrits tibétains de Touen-houang conservés à la Bibliothèque nationale (fonds Pelliot tibétain), t. 2 (pour paraître), n. 1182. Mlle Lalou a examiné ce document avec nous et nous l'en remercions. bien vivement.

(140) A. H. FRANCKE, Antiquities ot Indian Tibet, Archaeological Sur· vey of India, new imperial series, t. 38, part 1, Personal narrative, Cal· cutta, 1914, p. 53-54 et appendix A, p. 111, n. 2. Cette croix a été remise à l 'Indian Museum de Calcutta.

(141) A. H. FRANCKE, Felseninschriften in Ladakh, Sitzungsberichte der 'l1reussischen Akademie der Wissenschaften, t. 30-34, Berlin, 1925, Philo­sophisch-historische I(lasse, p. 366-370; Antiquities of Indian Tibet, Archaeological survey of ln dia, t. 38, part 1, 1914, p 59-60; G. C. Tous­SAINT, La Géographie, t. 18, 2" semestre 1908, p. 421·422; W. BOSSHARD, lm Lande der Lamas, Bilder aus west-Tibet (Deutsche Zentralasien· Expedition, 1928), A tlantis , mai 1929, Heft 5, p. 275-288; P. J. VAN DURME, Notes sur le lamaïsme, La question des aVP'orts étrangers, Mélan{}es chinois et bouddhiques "publiés par l'Institut belge des Hautes-Etucles chinoises, t. 1, Bruxelles, 1932, p. 263·321.

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Y(i)saw Jésus (142). Elles sont accompagnées d'inscriptions en tibétain, en sogdien, en koutchéen ou dans une langue voisine, et de deux caractères chinois (143). L'une des inscriptions tibé­taines, au dire de Francke, a l'allure d'une écriture du Ville ou du IX· siècle. On y lit : li-stag-lo, l'année du tigre de métal, ce qui correspondrait à 774 ou à 834, sous le patriarcat de HenànîSô' II ou de SabhrÎsô' II, à supposer que le cycle sexa­~énaire se fût appliqué avant 1027 (144). L'inscription tibé­taine la plus importante - la lectur,e faite par Peter est dou­teuse - est malheureusement inintelligible. L'inscripion sog­dienne, qui a été déchiffrée en partie par F. W .. K. Müller ,et par M. Benvéniste, parle d'un homme de SamarJs.and, qui est venu au Tibet (Twp'nyt, peut-être Twpp'yyt). On y voit aussi le chiffre 210 (Müller 'lisait 215). A cause de la difficulté de le rapporter à une ère déterminée, F. W. K. Müller conjectu­rait que cela désignait peut-être le nombre des étapes. Yoshiro Saeki propose d'y voir une date, comptée d'après l'ère de l'Hégire (145). SamarJs.and était alors sous la domination mu­sulmane et de fait assez souvent les Chaldéens ont compté d'après « les années de l'empire des Arabes », ce qui rend vrai­semblable l'hypothèse de Saeki. L'année 210 de l'Hégire com­mence le 24 avril 825 et se termine le 12 avril 826 A. D., au temps du successeur de Timothée 1er

, ISô < bar Nûn. . Dans le voisinage de Dran-tse, à Scha:tschukul, sont d'au­

tres croix, accompagnées d'inscriptions tibétaines et d'un oiseau, qui semble être une colombe et qui peut avoir une

t142) F. W. K. MÜLLER, Eine soghdische Inschrift in Ladakh, Sitzungs· berichte der preussischen Akademie der Wissenschaften, 1925, Phil. hist. Kl., p. 371·372; E. BENVÉNISTE, Notes sogdiennes, Bulletin of the SchOol of Oriental Studies London Institution, t. 9, 1938, p. 502-505.

(143) Le Dr Filliozat nous a obligeamment communiqué le texte de l'inscription koutchéenne, rapporté en 1932 par le Dr de Terra et Hut­chinsoll"cellé·ci soulève de grandes difficultés d'interprétation. Les deux caractèr'es chinois qu'a bien voulu examiner M. Demiéville signifient, l'un : haut, élevé; l'autre : loyal, loyauté.

(144) P. PELLIOT, Le cycle sexagénaire dans la chronologie tibétaine, lournal asiatique, 11e série, t. 1, 1913, p. 633·667; A. VON STAEL·HoLSTEIN, On the sexagenary Cycle of the Tibetans, Monumenta serica, t. 1, 1985· 1936, p. 277-314.

(145) P.Y. SAEKI, Keiky6 no kenky-o, (Recherches sur le nestorianisme), Tokyo, 1935, p. 745·746. Saeki, qui retient le chiffre de 215, proposé par F.W.K. MÜLLER, a oublié que l'année musulmane est une année lunaire de 354 jours et croit que 215 H. correspond à 837 A.D. (Elle commence le 28 février 830 et finit le 17 février 831 A.D.). Il traduit: « Un certain lSamai venu de Sàmarkand, est parti d'ici» ta quitté le monde). Bos­Shard' croit déchiffrer le nom de ce personnage qui serait Charansar.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 295

signification chrétienne, comme les colombes de bronze trou­vées dans le pays des Ongüt.

. Ces inscriptions laissent deviner que .l'évangélisation du Tibet s'est faite à partir de l'Asie centrale et a été l'œuvre de marchands ou de moines missionnaires venus de SamarJs.and en Sogdiane et de Kuèâ en Kachgarie, plus encore que de la Chine. Les Tibétains établis en Kachgarie, qui rentraient au Tibet, ont pu aussi y contribuer. Ces communautés ohrétien­nes du Tibet comptaient sans doute des éléments étrangers, sogdiens, koutchéens et chinois, mais comprenaient aussi des Tibétains. Sans avoir jamais constitué la majorité de la popu­lation, elles ont été aSsez importantes pour l'Ccevoir un métro­polite, ce qui suppose plusieurs évêques au-dessous de lui.

J,..e géographe arabe • Abû Dulaf Mis'ar ben Muhalhil, qui vivait à la cour desSamanides de Bubârà et avait aC,compa:­gné vers 940 une ambassade chinoise à travers l'Asie centrale, parle d'une tribu appelée c.:.+i Tübbiit ou Tübiit, terme arabe qui désigne le Tibet. Dans leur ville, dit-il, se trouvent des chrétiens, à côté de musulmans, de juifs, de mages et d'In­dous (146). D'après le IJudûd al-'âlam, vers 982-983, les musul­mans formaient une colonie à Lha-sa et y avaient une mos­quée (147). Il est possible que les chrétiens chaldéens y aient eu aussi une communauté.

Comment ces chrétientés tibétaines ont-elles disparu? Sans doute les chrétiens ont-ils été persécutés, en même temps que les bouddhistes, comme adeptes d'une religion étrangère, lors de la réaction menée par la noblesse ,et les sorciers Bon vers 840 (148). Au même moment, le christianisme était proscrit en Chine et un mouvement antichrétien Ise manifestait aussi à Turfân. Après le retour triomphant du bouddhisme, ce qui demeurait de ces communautés a sans doute fini par être étouffé, alors que se constituait une théocratie toute puissante.

On ne les retrouve plus à l'époque mongole et aucune trace n'en subsiste dans les chroniques tibétaines. L'administration impériale appelée Siuan-tcheng-yuan, qui avait la haute direc­tion du clergé bouddhiste, exerçait alors le gouvernement des

.(146) G. FERRAND, Relallons de voyages et textes fjéographiques arabes, t. 1, Paris, 1913, p. 212·213. Le texte a été publié par WÜSTENFELD, Zeit· schrift für vergleichende Erdkllnde, t. 2, Magdebourg, 1842, p. 205-218, d'après KAZWINI, 'Ajrlïb al-mablû(:rlt

(147) Ed. V. MINORSKY, p. 92. (148) F. W. THOMAS, 'l'ibetan literary texts and documents concerning

Chinese Turkestan, part 1, Literary texts, Londres, 1935.

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territoires des Tibétains (T'ou-fan); elle avait la garde des routes qui conduisaient au Tibet; elle commettait autant d'abus que son pouvoir spirituel et temporel le lui permet­tait (149) : nul doute qu'elle n'ait rigoureusement fermé ce pays aux Chaldéens et interdit par là toute nouvelle évangé­lisation.

Nous sommes bien informés sur la pr,emière évangélisation de la Chine (150), grâce à la célèbre stèle de Si~ngan-fou (151), érigée en 781. Le christianisme, « la Religion radieuse» a été apporté en 635 à Tch'ang-ngan, qui est Si-nglan-fou, capitale des T'ang, par A-Io-pen; l'empereur T'ai-tsong approuve les livres des Ecritures et rend en 638 en faveur de la religion chrétienne un édit qui a été retrouvé dans le T'ang houei-yao. Un monastère est construit dans la capitale, dans le quartier Yi-ning. L'empereur Kao-tsong (650-683) donne à A-Io-pen le titre de « Grand Seigneur de la Loi, gardien du' Royaume»; il permet d'établir un monastère dans chaque préfecture. « La loi se répandit dans les dix gouvernements... les monastères

(149) M. G. DEVÉRIA, Notes d'épigraphie mongole-chinoise, Journn~ asiatique, ge série, t. 8, 1896, p. 126-127.

(150) Sur l'expansion chaldéenne en Chine, F. NAU, D'expansion nes­torienne en Asie, p. 248-268; P. PELLIOT, Chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême· Orient, T'OU1ig Pao, t. 15, 1914, p. 623-644; Communication sur la découverte de nouveaux textes d'origine nestorienne en Chine, Jour­naL asiatique, t. 15, 1920, 1, p. 261; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), col. 199-218 et recension par P. PELLIOT, T'oung Pao, t. 28, 1931, p. 218-220; A. C. MOULE, Christians in China betore the year 1550, Londres, 1930; The Nestorians in China, The Shih -1;l1-sslt at Fang-Shan, The Journal of the Royal Asiatic Society, Hl33, p. 116·120; The Use of the cross among the Nestorians in China, T'oung pao, t. 28, 1931, p. 78-86; P. Y. SAEKI, The Nestorian documents and relies in China, TOkyô, 1937. Nous n'avons pu consulter J. FOSTER, The Church of the T'ang Dynasty, Londres, 1939, ni A. C. MOULE, Nestorians in China, sorne corrections and additions, China Society, 1940, ni S. D. STURTON, The site ot the Nestorian monastery at Hang-chow, The Asiatic Review, Londres, janvier 1945, ni O. FRANIŒ, Die Spuren der Nestorianer in China, Orientalische Literatur Zeitung, 1939, n. 4.

(151) De l'abondante littérature consacrée il cette stèle nous citerons seulement L. GILES, Notes on the Nestorian monument at Sian-tu, B,ulle­tm Of the School of oriental studies, t. 1, 1917, p. 93-96; part 2, 1918, p. 16-29; part 3, 1920, p. 39-49; part 4, p. 15-26; P. Y. SAEKI, The Nestorian documents and relies in China, p'. 11-124 et en apppendice, Chinese text, p. 1-96.; P. PELLIOT, Deux titres bouddhiques portés par des religieu.c nestorzens, T'oung Pao, t. 12, 1911, P. 664c670; Une phrase obscure de l'inscription de Si-ngan-fou, T'oung Pao, t. 28, 1931, p. 369-378; nous avons consulté l'ouvrage inédit de P. PELLIOT, L'inscription nestorienne de Si-ngan-fou, qlli constitue le travail définitif sur la question.

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existèrent dans cent cités, et les familles prospérèrent dans un bonheur radieux. »

Sous l'impératrice Wou Ts6-t'ien, entre 698-700, les boud­dhistes provoquent une persécution. Mais la situation se réta­blit par l'arrivée en 732 du « grandement vertueux» Ki-lie (Gabriel), envoyé du « roi de Perse», du « chef des prêtres Il (archidiacre) Lo-han (sans doute Abraham), et de « religieux éminents détachés du monde». « Ensemble ils soulevèrent la corde mystérieuse; de concert ils rattachèrent les mailles rompues». Hiuan-tsong (712-756) accorde de nouveau les faveurs- impériales, qui sont continuées sous les empereurs Sou-tsong (756-762) qui rétablit les monastères radieux, Tai­tsong (763-779) et Tô-tsong (780-805).

Telle est l'origine du double évêché de Kumdan (Si-ngan­fou) et Sarag (Lo-yang), qui correspond aux deux capitales des T'ang, comme l'a démontré Paul ,Pelliot (152). A quelle époque est-il' devenu métropoleP Ibn at-'fayyib en attribue la création à lSô<yahbh (153), <Abhdisô< à $eHbhâ Zekhâ (714-728). Pourtant en 781 la stèle de Si-ngan-fou mentionne seulement en syriaque l'évêque Jean, sans lui donner le titre de métro­polile. Celui-ci existait au début du patriarcat de Timothée 1er

,

car ce dernier annonce dans une de ses lettres la mort du métro­polite (154) et Thomas de Margâ donne le nom du moine de Bêth 'Abhê David, qu'ils institua vers 787 métropolite du Bêth ~inàyê (155). François Nau (156) et Mgr Labourt (157) ont pensé que Timothée 1er avait élevé cet évêché au rang de métropole; mais nous connaissons par ailleurs les six provinces qu'il a constituées - à moins qu'on ne tienne pour une seule d'entre eUes la double métropole de Gîlân : la sixième serait alors soit celle du Tibet, soit celle de la Chine.

Quelles chrétientés y avait-il dans cette provinc:eP A l'épo­que des T'ang, F. S. Drake a retrouvé trace de deux monastères à Si-ngan-fou et d'un autre dans le voisinage; d'autres monas­tèr.es ont été élevés à Tcheou-tche, dont les ruines Isont à 70 ou 80 kilomètres environ de cette capitale, à Lo-yang, à Ling­wou (au sud de Ning-hia), à Fang-chan dans les montagnes situées à l'est de la ville, à Tch'eng-tou et sur la montagne

(152) L'évêché nestorien de Khumdan et Sarag, T'oun(J pao, t. 25, 1928, p. 91-92.

(153) vat. arab. 153, r. 162 v'. (154) Vat. Borg. sir. 81, p. 426; Ed. O. BRAUN, P. 109, trad. p. 72. (155) Ed. E. A. W. BUDGE, t. 1, p. 238, trad. t. 2, p. 448. (156) L'expansion nestorienne en Asie, p. 249. (157) De Timotheo l' Nestorianorum Patriarca, p. 48.

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Ngo-mei (Omei), tous deux au Sseu-tch'ouan (158). On' trouve des chrétiens à Hang-tcheou, la Venise de l'Extrême-Orient, et à Kouang-tcheou, l'actuelle Canton. Ajoutons un monastère dans un autre grand port chinois, à Ts'iuan-tcheou et un autre dans la banlieue. Cela témoigne de la diffusion de la « Religion radieuse». Sans doute, dans les ports ,et dans les centres commerciaux de l'intérieur, le long des fleuves il y avait des Chaldéens venus de Perse ou d'Asie centrale pour oommercer; mais il y avait aussi, probablement surtout dans les villes, un nombre important de chrétiens chinois, c.omme l'a établi Son Eminence le cardinal Tisserant, sur le témoi­gnage même de la stèle de Si-ngan-fou (159).

C'est précisément l'esprit d'apostolat de ces chrétiens d'Ex­trême-Orient qui fut cause de la persécution qui s'abattit sur eux : en 845 les taoïstes obtiennent de l'empereur Wou-tsong un édit qui ordonne le. fermeture des monastères et proscrit les religions étrangères. Les communautés chrétiennes sont alors dispersées. Le monastère de Tch'eng-tou subsiste quelque temps après 850. Mais quand le bouddhisme refleurit après la perséc,ution, les monastères chrétiens sont transformés en monastères bouddhiques. Le chroniqueur arabe 'Abû Zeyd rap­porte le massacre de 120.000 chrétiens, juifs et parsis dans la ville de Canton en 879, lors de la révolte de Houang Tch'ao. Vers 980 une mi,ssion de six moines est envoyée par le ca tho­licos <Abhdîsô< 1er pour reconnaître la situation (160).

Pourtant dans la seconde moitié du XIe siècle on retrouve encore des chréti.ens à Canton (161) et les chrétientés com­mencent à se reformer. Au témoignage de Mârî, Georges de Kaskar, consacré par Sabhrisô< III (1064-1072) métropolite du ijorâsân et du Ség,estân, part pour la Chine et y reste toute sa

(158) Nestorian monasteries of the T'ang dynasty and the site of the discovery of the Nestorian Tablet, Monumenta serica, t. 2, 1936-1937, P. 293-340_ Sur les vestiges arChéologiques trouvés en Chine, notamment les croix de Ts'iuan-tcheou, A. C. MOULE, Christians in China before the year 1550, p. 78-80 et 87.

(159) OP. cit_, col. 205. (160) G. FERRAND, Relations de voyages et textes. aéographiques ara­

bes, persans et turks relatifs à l'Extrême-Orient du VIlle au XVIIIe siè­cles, t. 1, Paris, 1913, p. 129.

(161) P. PELLIOT, Un témoignage éventuel sur le christianisme à Canton au XI" siècle, Mélanges chinois et bouddhiques pUbliés '[Jar l'Institut belge des Hautes-Etudes chinoises, t. 1, Bruxelles, 1932, p. 217-219; Les Nestoriens en Chine après 845, The Journal of the Royal Asiatic Society, 1933, p. 115-116.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 299

vie (162). Comme l'a établi Paul Pelliot, le christianisme chal­déen n'est pas rentré en Chine avec les Mongols, mais avec les IJitâi et les Kin, qui au XIe et au XIIe siècles occupent les pro­vinces septentrionales. Pelliot a retrouvé la filiation de diverses familles chrétiennes de rite chaldéen, qui ,s'établissent alors dans la Chine du nord et donnent naissance à toute une dynas­tie de fonctionnaires chinois. Il en est ainsi des anc,êtres de Ma Tsou-ch'ong : Hormizd (Houo-lou-mi.,sseu) reçoit des terres de la cour lJitâi de Pékin en 1066-1073; son petit-fils nommé Bar f?àumâ Elisû (Po-so-mi Ye-li-chou), s'adapte à la situation sous les Kin. Le fils de ce dernier porte encore le nom de Sirgis, c'est-à-dire Serge (Ma Si-li-ki-sseu). On œtrouve son descendant au service de ~ubilai et président du ministère des rites en 1261 (163).

L'empereur Kin Wou-k'i-mai installe encore des prison­niers ongüt libérés pour avoir expliqué l'une de ses visions, au nord du Fleuve Jaune, à Tsing-tcheou (164).

Sous la dynastie mongole des Yuan, le clergé chrétien est exempt d'impôts, de même que le clergé bouddhiste et taoïste, et bénéficie des distributions de grains faites par ordre de l'empereur. En 1289, ~ubilai institue le Tch'ong-fou-Isseu, bureau chargé de l'admini'stration du culte chrétien dans tout l'empire.

En un temps où les Mongols n'avaient encore conquis qu'une partie de la Chine (165), en 1254, Guillaume de

(162) Ed. C,'ISMONDI, p. 125, trad. P. 110. (163) P. PELLIOT, Familles nestori~nnes en Chine, travail inédit;

R. GROUSSET, L'empire mongol, p. 490. (164) P. PELLIOT, Chrétiens d'Asie centrale et d'Extréme-Orient, P. 630;

R. GROUSSET, L'empire des steppes, p. 190. (165) Sur le christianisme à l'époque mongole, M. G. DEVÉRIA, Notes

d'épigraphie mongole-chinoise, Journal aSiatique, 9" série, t. 8,1896, p. 395-441; H. CORDIER, Le christianisme en Chine et en Asie centrale sous les Mongols, T'oung pao, t. 18, 1917, p. 48-113; A. C. MOULE, Rang-Chou to Shang-tu A. D. 1276, T'oung Pao, t. 16, 1915, p.. 393 et s_; A. C. MOULFJ et L_ GlLES, Christians at Chên-chieng tu, T'oung Pao, t. 16, 1915, p. 627-686; A. B. DUVIGNAU, L'e:vpansion nestorienne en Chine d'après Marco Polo, Bulletin catholique de Pékin, t. 21, 1934, p. 195-207; 24(}'252, 304-315, 416-429, 473-483, 541-553, 588-607, tiré à part, Peiping, 1934; H. BER­NARD, L'extinction des communautés chrétiennes sous les Ming, Bulletin catholique de Pékin, t. 18, 1931,' p. 467-478; Chrétiens nestoriens et mis­sionnaires cathOliques à la ttn du XVIe siècle, ibid., t. 19, 1932, p. 176-178; La découverte de Nestoriens mongols aux Ordos et l'histoire ancienne du christianisme en Extréme-Orient, Tien-tsin, 1935; Note sur l'histoire ancienne du christanisrne en Extréme-Orient, Monumenta serica, t. 1, 1935-1936, p. 478-4Rti.

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Rubrouck rapporte que les Nestoriens sont installés dans quinze villes du Cathay; il a seulement connaissance d'un évêque à Segin (166). Le Quien, qui identifie cette ville avec Si-ngan­fou, en tire qu'il n'y avait en Chine qu'un seul évêque, qui avait rang de métropolite et n'avait pas le pouvoir d'instituer des suffragants, de même que l'abuna d'Ethiopie (167). Mai,s cette allégation est contraire au droit de l'Eglise chaldéenne; de plus 'Amr, et le manuscrit de Siouffi, en donnant la liste des métropolites, ajoutent que chacun d'eux avait six à douze évêques au-dessous de lui (168). Rubrouck ignore l,e métro­polite de lJânbâli~, qui existait de son temps et Paul Pelliot a montré que Segin désignait Si-king'" c'est-à-dire à cette date Ta-t'ong fou dans le Chan-si (169). Cet évêque était sans doute un suffragant du métropolite de Ijànbâlil>:. L'informateur de Rubrouck lui avait probablement indiqué l'évêque chal­déen le plus proche en Chine.

A cette époque, la province de Chine s'était dédoublée. Tout en ne mentionnant qu'un seul métropolite, 'AbhdîSô' indique la double métropole de $ln ~J et Ma~lll ~J"', à laquelle était alors jointe celle de Dâbhagh. Il lui donne le Ile rang, après le métropolite des Indes. 'Amr place au 12" rang le métropolite de Chine ~I a~-$în et $êlîbhâ au 14e

; tous deux le nomment avant le métropolite des Indes. En marge de la liste de 'Amr figure le métropolite de &Jl.i.n, &J~ (:,l~ lJân­bâli~ et 'Alfâli~. $êlîbhâ indique au 24" rang, le manuscrit de Siouffi au 25", le métropolite de &,loJI, &J~ uL~ tIànbâlî~ et 'Almâlik.

Ma~în . désigne la Chine du sud et correspond à l'ancien empire Song. C',est le Manzy ou Mangy des voyag;eurs latins. Quelles chrétientés y trouve-t-on à l'époque mongole? Marco Polo signale des nes.toriens de race turque à Pao-ying (Pau­ghin) (170). A Tchen-kiang (Cinghianfu) dans le delta du Yang-tse, le gouverneur Màr Sargîs (Marsarchis) , c'est-à-dire Serge fit construire en 1278 deux églises (171). A Hang-tcheou (Quinsay) se trouve une belle église de chrétiens nesto-

(166) Ed. A. van den WYNGAERT, p. 237. (167) Oriens christianus, t. 2, col. 1089 et 1269-1270. (168) Vat. arab. 110, 2e partie, 1. 177 r'. (169) Recension d'E. Tisserant, T'oung Pao, t. 28, 1931, p. 218-220. (170) Ed. MOULE-PELLIOT, p. 314. . (171) Ed. BENEDETTO, p. 141; éd. MOULE-PEILIOT, p. 312; sur cette com-

munauté chrétienne, A. C. MOULE, Christians in China ùetore the year 1550. P. 145.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR II 3D1

riens (172). Marco Polo indique ençore des nestoriens de race turque dans la province de Caragian, qui est l'ancien royau­me de Ta-li, l'ac,iuel Yun-nan et dans la capitale de ce pays, à Yun-nan-fou (lad) (173). Odoric de Pordenone entre 1325 et 1328 mentionne à Yang-teheou. (Ianzai ou Ianzu) trois églises nestoriennes (174). L'une d'elles, comme l'a découvert Paul Pelliot, avait été fondée à la fin du XIII" siè­cle par un riche marchand nommé Abraham. Mais le chris­tianisme semble professé surtout par les populations non chinoises, a,u service de la dynastie régnante (175); ce sont surtout des Turcs et un peu de Mongols, de rite chaldéen, et des Alains, de rite byzantin. Aussi, à l'avènement de la dynas­tie nationale des Ming, en 1368, ils pâtissent de la faveur que les Yuan leur avaient témoignée. Isolées et persécutées, ces communautés chrétiennes végètent pendant au moins deux siècles et finissent par disparaître vers 1550. Les premiers miss-ionnaires jésuites en retrouvent la trace au début du XVIIe siècle (176).

$ln désigne la Chine du nord; c'est le Catai ou Cathay des voyageurs latins. La nouvelle métropole était Jjànbâli~, qui est te nom turc (et non pas mongol) donné à Pékin. Un métropo­lite y était établi vers 1248, date à laquelle Rabban ~àumâ reçoit la tonsure monastique des mains du métropolite Màr Gîwarg.îs (Georges); vers 1263 l'ôngüt MarMs (I.e nom turc est Marküz), qui ,embrasse la vie monastique,est tonsuré par le métropolite Màr NestôrÎs.

~ubilai a fixé à Pékin en 1264 la capitale de l'empire mongol. Mais, comme le remarque Paul Pelliot, ç'avait été auparavant la capitale des rois Kin ou luèen, et le nom de lJànbâIi~ a pu lui être donné dès ce moment, c'est-à-dire bien avant 1215. La

(172) Ed. BENEDETTO, .p. 152; éd. MOULE-PELLIOT, p. 339.

(173) Ed. BENEDETTO, p. 115; éd. MOULE-PELLIOT, P. 276.

(174) Ed. A. van den WYNGAERT, p. 469;' H. CORDIER, Les voyages en Asie du bienheureux frère Odoric de Pordenone, Paris, 1891, p. 357; A. C. MOULE, Christians in China before the year 1550, P. ,241-249.

(175) P. PELLIOT, Chrétiens d'.(!sie centrale et d'Extrême-Orient, T'oung Pao, t. 15, 1914, p. 623-644; La Haute Asie, p. 20.

(176) Matteo RIcci, éd. P. TACCHI-VENTURI, t. 1, Opere storiche, Mace­rata, 1911, p. 87, 469-471, 472-473; t. 2, Lettere, Macerata, 1913, p. 289-292. 338, 344, 390; J. BRUCKER, Le P. Mathieu Ricci, fondateur des missions de Chine (1552-1610), Etudes, t. 124, 1910, D. 5-27; H. BERNARD, La décou­verte de Nestoriens mongOls aux Ordos, p. 31-32, 54-55.

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création d'un métropolite de tJânbâlil., est donc antérieure au temps où cette ville est devenue la capitale des Yuan (177).

Marco Polo déclare qu'il y a un petit nombre de chrétiens au Catai ,et a noté la communauté de Ho-kien-fou (Caeianfu) , où est une église (178). II signale encore des nestoriens de race turque sur les frontières du Cœlai et du Mangi, dans la province de Cuneun (179), coin montagneux et boisé des 'fs'iFl.,.ling, que Duvignau identifie avec Kouan-tchong, « les Quatre-passes» .

Mais cette province débordait de beaucoup la Chine et s'éten­dait sur l'Asie centrale. En 1280 le moine Marl5-ùs fut consacré métropolite par le catholicos Denl,lâ sous le nom de Yahbhallàhâ ~ .. oho +~ J~~ lëmarCîthâ dhe Katai wadhong (180), pour le diocèse de Catai et d'Ong. Le premier terme désigne la Chine du Nord: Bar 'Ebhràyâ rapporte d'ailleurs que Den}:t;1 ordonna Yahbhallàhà métropolite de ~J Sîn, ce qui correspond exacte­ment au Calai (181); Paul Pelliot a montré que ~JoJ 'ông ou ong est le singulier d'6ngüt, employé en syriaque à l'état sim­pl.e (l'ethnique p!uriel est j;~oJ 'ôngày€) comme nom de lieu pour indiquer le pays des ongüt (182). Le nouveau métropo­lite, empêché par les guerres de gagner sa lointaine province, devenait l'année suivante le patriarche Yahbhallàhâ III (1281-1318); Son Eminence le cardinal Tisserant a retrouvé dans les archives du Vatican le témoignage de son adhésion à la foi catholique (183).

(177) P. PEILIOT, Màr YahbhaUàhtl, Rabban $àumâ et les princes ongùt chrétiens, .article inédit. C'est àce travail que nous avons em­prunté la datation de l'entrée en religion de ces deux personnages.

(178) Ed. BENEDETTO, p. 106, 128; éd. MOULE-PELLIOT. p. 263. 301. (179) Ed. MOULE-PEILIOT. p. 264. (iSO) Ed. P. BEDJAN, Histoire de Mar lab-alaha. Patriarche. et· de

Raban sauma. 2" éd .• Paris-Leipzig. 1895. p. 28-29. La première édition. parue en 1888, portait le mot JbJ,;_ villes, au lieu de J~~ diocèse et c'est sur ce texte fautif qu'a été 'établie la traduction de J. B. CHABOT. Histoire de Mar labalaha III. !patriarche des Nestoriens (1281-1317), et du moine Rabban çwuma. ambassadeur du roi Argoun en Occident (1281), Paris. 1895. p. 35 : « pour les villes de Kathay et Ouang '. Par contre, L. A. W. BUDGE, The MonTes of frublai Khan ... , Londres. 1928, p. 148. et J .A. MONTGOMERY. The History of Yaballaha IIL .• New-York, 1927, p. 41. donnent la traduction corrècte.

(l81) Chronicon ecclesia'sticum, éd. J. B. ABBELOOS et T. J. LAMY, t. 3. Paris-Louvain, 1877, col. 452.

(182) P. PELLIOT, Chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême-Orient. p. 629 et s .. Màr Yahbhallàha. Rabban Sàumâ et les princes ongilt chrétiens.

(183) Nestorienne (l·Eglise). col.' 222-223.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 303

En plus de la Chine, Yahbhallàhâ r,ecevait donc le pa.ys des Ongüt, tribu de langue turque en voi·e de se mongoIiser, qui occupait le nord de la boucle du Fleuve Jaune, autour de Souei­yuan et de Kouei-houa-tch'eng actuels. C'est le pays de Ten­due, dont parI,e Marco Polo, qui comprend la province appelée Ung COng), ,où sont des nestoriens de race turque, qu'il oppose à la provinoe nommée Mongul (Mongol), où vivent les Tarlar, qu'à cause de c,ela on désigne parfois sous le nom de Mongul (Mongols) (184). La capitale, que Marco Polo appelle la ville de Tendue, était Kosang, d'où le futur patriarche était ,origi­naire. Paul PelIiot l'a identifi~ avec le Tozan d'Odoric de Por­denone, l'actuel ToXto, qui portait à l'époque mongole le nom de Tong-cheng. Les prinoes de ce peuple étaient chré­ti,ens et portaient les noms turcs de Kün-butm et Ai-bu/.<.a (ce der­nier était gendre de ~ubilai et le père du « prince Georges»). « Nous nous donnons beaucoup de peine, avaient-ils dit à MarMs et à Rabban $immâ avant leur départ, pour attirer ici des moines et des évêques. Comment pouvons-nous vous lais­ser partir il ))

P,eu après, on trouve le prince Georges (Gîwargîs) , roi des 'Ongàyê (6ngüt), « du lignage du prêtre Jean)), dont parle Marco Polo, et qui fut tué en 1298; c'est le Korgüz des écri­vains musulmans, que Jean de Montecorvino ramena au catho­licisme et dont il baptisa le fils en lui donnant son pr,opre pré­nom; celui-ci, qui est né vers 1297, porte en effet le nom de Tchou-ngan, qui n'est plus le Yô}:tannàn s.yriaque,mais corres­pond à Ju'an, c'est-à-dire Johannes ,ou Giovanni (185).

Nombreux sont les vestig,es chrétiens qui ont été retrouvés dans cette région, notamment de petits bronzes en forme de croix, de colombe et de poisson (186), ainsi que des médailles de saint Georges. (Ces dernières proviennent peut-être des Géor­giens du XIII" siècle, de rite byzantin, établis en Mongolie.)

(184) Ed. BENEDETTO. p. 60; éd. MOULE-PELLIOT. p. 181-]83. Pelliot remar­qUe que le mot Tendue rappelle l'appellation du pays ôngüt depuis la dynastie des T'ang : T'ien-tak ou T·ien-tôk. conservée par les Tur.cs Cha-t·o e't leurs descendants ôngüt, alors qU'au XIII" siècle les Chinois prononçaient T·ien-to. Chrétiens d'Asie c.entrale .... p. 630.

(185) P. PELLIOT. ibid .• p. 630-631. et Mar YahbMllàhâ, Rabban Sàumâ et les princes ongüt chrétiens; TI. GROUSSET. L'empire mongol. p. 212. 332. 489, 555-557.

(186) Parmi les nombreux articles pUbliés sur ce sujet. nous citerons seulement P. PEUJOT, Sceaux-amulettes de bronze avec eToi,]; et colomue:; provenant de la boucle du Fleuve laune. Revue des a.rts asiatiques. t. 7. 1931, p. lr3.

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Owen Lattimore a découvert en 1933 les ruines d'une puis­fiante cité à Olon Sümayin-tor, au nord-est de Pai-ling-miao; il y a remarqué les ruines d'une église, ornée de croix. Il y voit la capitale nord des Ongüt (187). Dans un cimetière voi­sin, Desmond Martin a trouvé une tablette commémorative en l'honn.eur des tuteurs royaux, parents du prince Georges. Près de là, à Bièik JaIlliy, à Wang mou, proche de Boro-Baysing, à Mukhor Sobol'yan, des pierres tombales portent des croix et des inscriptions syriaques. Ces villes semblent marquer le terme des anciennes routes commerciales au nord du pays ongüt (188).

A l'extrémité est de l'habitat des Ongüt, on avait décou­vert en 1890 un cimetière, dont toutes les pi,erres sont cruci­fères, à 24 kilomètres des ruines du palais de Cayan-nor, à mi­route de Pékin et de Chang-tou (189).

Dans le pay1s ongüt, le P. Mostaert a retrouvé en 1933 dans la tribu des Erküt des descendants d'anciens chrétiens chal­déens, qui ont gardé quelques confuses réminiscences du chris­tianisme (190).

'Amr a cru que Yahbhallàhâ avait été fait métropolite du Tangut (191). C'est une erreur, car un autre prélat avait alors ce titre, et a :siégé au synode qui a élevé Yahbhallàhâ au patriarcat le 25 février 1281, comme en témoigne l'auteur de la vie de ce patriarche (192). Et 'Amr lui-même indique plus loin qu'ISô'sabhran, métropolite du Tangut, assista à la consé-

(187) A 1uined Nestorlan city in inner Mongo/ia, The geographical. Journal, t. 84, n. 6, 1934, p. 481-487.

(188) preliminary report on Nestorian remains north Of Kuei.hua, Suiyüan, Monùmenta serica, t. 3, 1937·1938, P. 232.256.

(189) M. DEVÉRIA, Notes d'épigraphie mongole-ch'inoise, p. 428-429. (190) A. MOSTAERT, Textes Ordos recueillis et pUliliés avec introduc.

tion, notes morphologiques, commentaire et glossaire, Monumenta serica, Monograph Series n. 1, Peiping, 1937; H. BERNARD, La découverte de Nestoriens Mongols aux Ordos, p. 56-75. Il nous parait vain de rechercher chez eux, comme chez les Chinois, une survivance de l'extrême.onction, alors que ce sacrement n'était plus pratiqué dans l'Eglise chaldéenne. Il serait bien étrange que ce rite se fût conservé dans les pays de mission à l'époque mongole. L'archidiacre chaldéen que Rubrouck extrêmisa à Karakorum lui dit que ce sacrement n'était pas en usage chez eux, éd. A. van den WYNGAERT, P. 284. .

(191) Ed. H. GISMONDI, p. 123, trad. p. 71. 1192) Ed. BEDJAN (2" éd.), p. 33, trad. BUDGE, p. 152. L'auteur de ce

récit ne donne pas le nom de ce prélat, mais raconte plus loin la cons­piration ourdie par lSô'sabbran, métropolite du Tangut, qui caloITmia le nouveau patriarche devant l'ilkhan 'AtllllCd, texte p. 40, trad. BUDGE, P. 159.

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cration du patriarche (193). Mais Joseph-Simonius A.sse­mani (194) et Le Quien (195) en ont concl~ q~e la. provmce de Chine était unie à celle du Tangut. Et Bonm Imagme que la province du Tangut comprenait toute ~a Chi~e de l'.ouest, avait pour capitale Si-ngan-fou et que le metropohte avait pour suf­fragants les trois « évêques» de Ning-hia, de Kan-tcheou et du Chen-si! (196) .

Au temps de 'Amr et de ,selîbhâ, la métropole de ijànbâli~ était unie à celle d' Almâli~ : &WI.., est bien en effet la leçon que donnent le ms. Borgiano arabico Ig8 (olim K VI 14), p. 171, comme le manuscri~ de Siouffi, ce q.ui c~~~rme l.'hy­pothèse que nous avions émIse avec Paul Pelhot; 1 emgmatlque ~WI du Vaticano arabico 1 IO (2" partie), f. 177 1'0 résulte d'une erreur du scribe, qui a confondu le mîm avec un fâ et al doit être interprété non comme l'artiele arabe, mais comme faisant corps avec le mot. C'est un non-sens de corrig,er le texte de .seiîbhâ d'après la leçon erronée du Vaticano arabico 1 IO comme l'a fait Gismondi. Et ainsi s'évanouit cette mys­téri~use métropole d'al-Phalek qu'avait imaginée Joseph Simo­nius Assemani et qui se retrouve dans Le Quien. 'Almâlil~ ou 'Almâlig, « la pommeraie», près de l'actuel ~ul.iâ, était une ville importante, située à l'ouest de l'IIi, et qui ·est connue comme un centre de l'Eglise chaldéenne. Dès 12 II, le prince de cette cité, 'Ozar, qui se soumet à Gengis Khan, porte un nom chrétien. Paul Pelliot rapproche 'Ozal' de Nzar, de 'Azaria, nom que porte un chrétien sur une pierre tombale du cimetière de Pispek (197), et aussi d'Aw~âr ('Aw~àr Râzé dans Bar 'Ebhràyâ) (198). Ainsi il il y avait des chrétiens à 'Almâli~ dès le règne de Gengis Khan (199). Rien de surprenant que cette ville soit citée comme une m.étropole.

Sachau, qui n'a connu que cette leçon fautive, proposait une double correction : il restitue &~ u~ jilllbah~ pOur ijàn­bàli~ et al-Bâli,k pour al-FMi~; ce derpier terme équivau­drait à ni Bâli~ (200). Et Bonin identifie Jànbali~ avec Urum.tsi,

(193) H. GrsMoNnI, p. 124, trad. p. 72. (194) B.D., t. 2, p. 456, t. 3, 2, p. 779, 783·784. (195) Oriens christianus, t. 2, col. 1272, 1301-1304. (196) Note sur les anciennes chrétientés nestoriennes de l'Asie cen-

trale, Journal asiatique, 9" série, t. 15, 1900, p. 585. (197) D. CHWOLSON, Syrische Grabinschriften aus Semirjetschie, I, p. 87. (198) Thomas de MARGA, éd. BUDGE, t. 2, p. 268. O!J9) Notes de Paul PELLIOT. (200) Zur Ausbreitun(] des Christentums in Asien, p. 22.

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capitale de l'actuel Sin-kiang et IIi Bâli~ avec 'Almàli~ (201). Il retrouve par ce détour 'Almâlil.c Yule proposait dubitative­ment cette dernière identificatio'n (202), qu'acceptait Devé­ria (203).

Si l'on admettait l'hypothèse de Sachau, cette double pro­vince de Câmbali~ et 'Aimâlil,\. serait située tout entière dans le Turkestan chinois, à l'est de la province d~ Kasgâr e~ Navêkath. Certes, Cambalil,\. qu'on nomme encore Jambali~, Canbalil,\. ou iambalig, pos,sédait une communauté chaldéenn~; une pierre tombale du Semirece mentionne Mikhaïl, prêtre de Cambalil.<- (204). Mais cela ne suffit pas pOUl' justifier cette correction arbi­traire. Nous ,savons que dès le milieu du XIIIe siècle tIânbâlil,\. avait un métropolite et que la Chine constituait deux pro­vinces· les deux manuscrits de la Vaticane s'accordent en outre '~Ul' ce mot. La seule difficulté J'admettre l'existenc,e ùe ces deux immenses provinces, réunies sous un seul métropolite, et dont les capitales sont situées aux deux extrémités, est l'éloignement d'Almâlil,\. par rapport à Pékin. Mais cela s'accorde avec le témoignage de Rubrouck: dans cette région, dit-il, les chrétientés sont si p.loignées que certaines d'entre elles, ne reçoivent la visite d'un évêque qu'une fois peut-être tous les cinquante ans. Et pour perpétuer le sacerdoce, on ordonne alors tous les enfants mâles, même ceux qui sont encore au berceau (205). (Cette ordination des enfants était d'ailleUl'll Gon­traire aux canons de l'Eglise chaldéenne, aussi bien que la polygamie de quelques éhrétiens qui vivaient parmi les Mon­gols).

(201) Op. cit., p. 586-587. (202) Op_ cU., t. 3, p. 23. (203) Op. cit., p. 424. (204) D. CHWOLSON, Syrisch-nestorianische Grabinschritten aus Semi­

rjetschie, Neue Fo!ge (III), n. 125. (205) Ed_ A. van den WYNGAERT, p. 238. Le Droit de l'Eglise chaldéenne,

en vigueur au temps de Rubrouck, exigeait l'âge de 30 ans pour recevoir le sacerdoce; c. 16 du synode d'Isaac, Synodicon, p. 28, trad. p. 269, que rappelle le Lilier patrum, éd. VOSTÉ, p_ 32. 'AbhdîSô' se contentera de l'âge de 25 ans, Epitomé des canons synodaux, traité 6, chap. 4, éd, MAI, p. 275, trad. p. 112. Par contre, l'usage qU81 Signale R~brouck et qui permettait aux prêtres de. se remarier, était conforme au droit de l'Eglise chaldéenne. Le c. 3 du synode d'Acace, en 486, avait abrogé l'empêchement d'ordre et l'irrégularité qui provient de la bigamie suc­cessive. Synodicum, p. 56-59, trad. p. 303-306; J. DAUVILLIER, ~e mariœge dans !e droit classique de rEglise, Paris, 1933, p. 458-470; Le droit cha!­déen, col. 308-310, et tiré à part, col. 25-27; J. DAUVILLIER-C. de CLERCQ, Le mariage en droit canonique O1'iental, Paris, 1936, p. 174-176.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTERIEUR» 307

Il semble qu'avant d'être jointe au XIVe ,siècle à la pro­vince de tlànbâlil.<. (tout en demeurant distincte), la pro­vince d' Almâlil.<. avait été unie à la fin du xm" siècle à celle du Tangut. En effet, dans la liste des prélats qui en 1281 accompa­gnèrent à Bagdad Yahbhallàhâ III, le chroniqueur du manus­crit de Siouffi qualifie ISà'sabhran de métropolite d'Almali~ ct du Tangut (206). Et précédemment Yahbhallàhâ était seule­ment métropolite de l)âl1bâlil.<. et des Ongüt, mais non d'AI­mâlil.c

Quelles étaient les chrétientés de l'Asie centrale qui se rat­tachaient à ces deux métropolesP (207) D'abord la colonie sog­dienne qui s'était établie chez lesToguzguz, Où l'on trouvait des chrétiens, à côté de guèbres et de sabéens (208). Mais, plus encore que les Sogdiens qui avaient essaimé dans le Turkestan chinois, on rencontre des populations turques, qu'il est souvent malaisé de distinguer des Mongols.

Au nord d'Almâlil.<., Rubrouck signale des Nestoriens dans la région de Cailac (2°9), qui est ~ayalig, près de Kopal.

A côté des ~arâ l)itâi, en partie chrétiens, les uigur, de race turque, après avoir été un moment ralliés par le manichéisme, alors qu'aux VIlI

e et IX· siècles ils avaient dominé l'Asie cen­trale, étaient en majorité chrétiens et en partie professaient le bouddhisme. Jean du Plan de Carpin fait des Uyrori des Nes­toriens ct Rubrouck dit que dans toutes les villes des Iugures les Nestoriens et les Sarrazins sont mêlés (210). D'après Marco Polo, les chrétiens nestoriens sont nombreux dans l'Icoguris­tan et s'unissent souvent aux idolâtres. La principale viUe est Carachoto (211), qui est ~arâ t1ojo, appelée encore Kao-tch'ang ou

(206) M. Sw UFFI , Notice sur un patriarChe nestorien, p. 92. (207) Sur ces chrétientés d'Asie centrale, F. NAU, L'expansion nesto­

rienne en Asie, p. 246-248, 268-294; E. TISSERANT, Nestorienne (l'Eglise), col. 208-213, 264-265; P. PELLIOT, Chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême­Orient, Toung Pao, t. 15, 1914, p. 623-644; Les Mongols et la Papauté, Revue de l'Orient chrétien, t. 23, 1922-1923, p. 3-30, t. 24, 1924, p. 225-335, t. 28, 1931-1932, p. 3-84, et tiré à part, Paris, 1923-1931; La Haute-Asie [PariS, 1931]; Le .vrai nom de « Seroctan », T'oung pao, t. 29, 1932, p. 43-54; H. BERNARD, La découverte de Nestoriens mongOls aux « Ordos », Tien­tsin, 1935; L. LIGETI, Rapport préliminaire d'un voyage d'explOration tait en Mongolie chinoise, 1928-1931, BUdapest, 1931; P. Y. SAEKI, The Nestorian documents and relies in China, p. 408-428, 440-447; W. BAR­THOLD, La découverte de l'Asie, Paris, 1947, p. 85-95.

(208) Notes de Paul PELLIOT; sur les controverses à propos des Toghuz-ghuz, R. GROUSSET, L'empire des steppes, p. 162-163, note 2.

(209) Ed_ A. van den WYNGAERT, p. 226, 227, 238-239. (210) Notes de Paul PELLIOT, éd. A. van den WYNGAEIU, p. 55-56, P. 233. (211) Ed. BENEDETTO, p. 46; éd. MOULE-PELLIOT, p. 156.

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,!,urfân. C'est là que von Le Coq a découv~r~ en 1905 les ruines d'un grand monastère, des fresques chret~ennes et des frag­ments de manuscrits syriaques et sogdlens. Au nord d,e ,!,urfân, à Bulayi~, il a trou~é un grand nombre de textes chre­tiens en syriaque, en sogdlen, en turc et en persan (212).

A Ha-mi dont le nom turc était ~amil et le nom mongol Kamul (le Cdmul de Marco Polo) (213) 'Amr signale un évêque ~halùéen en 1265 (214). ., .

A Ghinghintalas (ou Ginchintala~, ~hyen~hzntalas~, rrewo~ située au nord de ,!,urfàn et de Besbahl~ (Dzlmsa), ou ~ubllal fit exploiter des mines d'amiante, M~rco Pol~ not~ la pre:ence de chrétiens de l'ace turque, nestonens et. JacobItes (21?). Il place cette province dans le Tangut; peut-.~tre u~.e partie du pays uigur était-elle rattachée à cette dermere metropole.

Les Naiman nomadisaient dans les steppes et les monta­gnes de l'Altai et des Khangai, à l'ouest d';l haut Orkhon et de la rivière Narun. Bien que leur nom paraIsse mongol, l~urs titulatures Isont turques, remarque Paul Pelliot; et ils pourr~lent bien être dels Turcs mongolisés. Ils professaIent e~ par,tI~ l~ chamanisme, mais le christianisme, chald~en ~vaIt penetre parmi eux, comme l'atteste le per~a.n Jûwaynl? qUI af~rme ,que la plupart des N aiman étaient chretI:lls. Il ~J,oute q~, a.~ deb~t du XIIIe siècle, l'héritier de leurs l'OIS, le celebre Kuclug aVaIt été élevé dans cette religion (216). Rubrouck affirn~e que leur souverain était chrétien nestorien et se nommaIt « le roi Jean)) (217),

A l'est des Naiman vivaient les Keriiit, qui nomadisaient

(212) A. von LE COQ, Chotscho, Erge~nisse der kOni.~lichen preussi­schen Turfanexpedition, planche 7, Berlm, ~913; A. G~UNWEDEL, AUbUd: dhistische KultsUitten in Chinesisch .TllTlastan, Berhn,. 1912, p. 339, F W. K. MÜLLER, Handschritten Reste m. Estrangelo-SCh,,:* aus Tu,rfan, Abhandlungen der kOniglichen preuss~sc.hen A/cademte der Wtssen· schaften, 1904, p. 36 et S.; Soghdische Text~, l,. ibid." 191~, fasc. ~, p. I-II!; E SACHAU, Litteratur Bruchstiic/ce aus Chtne~~sch-11lr!'tstan, Sttzun(Jsbe­richte der koniglichen Preussischen A/cademu ,der Wtss~nschaften, 1905, p. 964-973; E. BENVÉNISTE, SU?' un fragment d un psautœr syro-persan, lournal asiatique, t. 230, 1938, p. 458-462.

(213) Ed. BENEDETTO, p. 48; éd. MOULE-PELLlOT, p. 154.. . (214) Cet évêque, nommé Jean, assista à la consécrat~on ~U patriarche

Denhâ H. GrsMoNDI, p. 122-123, trad. p'. 70. Stewart la tIansformé en métropolite, de même que l'évêque de I~Jrât.

(215) Ed. BENEDflTIO, p. 47; éd. MOULE-PELLIOT, p. 156. Cf. R. GROUSSET,

L'empire mongoL, p. 512-513. . . (216) P. PELLIOT, La Haute Asie, p. 28 et notes médites; R. GROUSSET,

L'empire des steppes, p. 244; L'empire mongol, p. 30-31. (217) Ed. A. v,an den WYNGAERT, p. 206.

LES PROVINCES CHALDÉENNES (( DE L'EXTÉRIEUR» 309

dans la Mongolie septentrionale. Leur habitat, au sentiment de Paul Pelliot, ne peut êtr.e déterminé avec précision, et il est encore difficile de dire s'ils étaient des Mongols qui avaient fortement subi l'influence turque, ou des Tu.rcs en voie de se mongoliser (218). Au début du XIe et encore à la fin du XIIe siè­cle, ils étaient le peuple le plus puissant de la Mongoli.e. Leurs rois, qui se donnaient le titre de gûrhân, c'est-à-dire de khan ulliversel, étaient chrétiens et porlaient au XIIe siècle des 110ms comme Marguz (Marc) ou ~ur.la~uz (Cyriaque). Les Kcriiit étaient en majorité chrétiens. Bar 'Ebhràyâ fait remonter leur conver­sion à IOOg, date à laquelle leur roi se serait fait baptiser avec deux cent mille personnes (2Ig). Mais Paul Pelliot se deman­dait si dans cette lettre de 'AbhdîSô', métropolite de Merw, au patriarche de Séleucie-Ctésiphon, le nom des Kerait n'avait pas été interpolé. Les Kerait chrétiens étaient nombr~ux dans l'entourage de Gengis khan et ils ont joué un rôle capital dans l'administration du jeune empire (220).

Au nord de ce peuple, le christianisme avait touché les Markit, Turos ou Mongols mêlés de Turcs, qui vivaient au sud du lac Baïkal, sur la basse Sélenga. D'après Rubrouck, leur roi, alors seigneur d'une petite ville dénommée Caracorum (Karakorum), se serait converti au christianisme, puis se serait fait idolâtre (221). On y trouvait quelques éléments chré­tiens (222).

Peut-être y avait-il aussi des chrétiens parmi les Oïrat ou Oyirat, peuple de race mongole qui nomadisait à l'ouest du Baïkal méridional (223). En effet, comme le remarque Pelliot, Ogul.~aïmis, l'une des femmes de Mongka, de naissance oïrat, était chrétienne - à moins de supposer qu'elle se fut convertie après son mariage, sous l'influence de sa belle-mère chré­tienne (224).

Le christianisme chaldéen avait aussi pénétré en Mand­chourie. Le prince Nayan, qu,i se révolta contr,e J:{ubilai en 1287,

(218) La Haute Aste, p. 25. (219) Chronicon ecclesiasticum, éd. J. B. ABBELOOS et T. J. LAMY, t. 3,

col. 279-282. (220) P. PELLIOT, La Haute Asie, p. 19-20; R. GROUSSET, L'empire des

steppes, p. 245-246; L'empire mongol, P. 27-30. (221) Ed. A. van den WYNGAERT, p. 207. (222) R. GROUSSET, L'empire des steppes, p. 246; L'empire mongol, p. 27. (223) R. GROUSSET, L'empire mongol, Il. 27. (224) P. PELLIOT, Les Mongols et la Papauté 1 III) , Revue de l'Orient

chrétien, 3e série, t. 8 (28), 1931-1932, p. 60 et tiré à part p. 198, note 2; R. GROUSSET, L'emp'lre monyol, p. 547.

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et avait mis la croix sur ses étend~rds, te,nait ses, ~efs en Mongolie orientale et en Mandchoune. ~pres, sa defaIte, A un certain nombre de ses partisans furent deportes sur les cotes de la Chine, au Tcho-kiang; ils devaient être chrétiens (225/. Une croix de bronze trouvée à l'ouest de Hai-Iouen, deux. crOiX de terre cuite découvertes en 1927 près de Ngan-chan-tIen et des pierres tombales mises à jour près .de Ts'ien-chan, (~26) attestent que des chrétiens se rencontraIent dans les regIOns de Mukden et de IJarbin.

L'expansion chaldéenne a-t-elle atteint le Japonr ~ayce. a relevé sur deux poutres du Hôryûji, du YlIe siècle, ,des mscnp­tions « apparentées au syriaque» et acc~mpag?~es par des croix (227). Mais est-on en pré~ence ~e crOIX chretIennes c~al­déennes et ces caractèr.es sont-Ils synaques? On. ne peut 1 af­firmer el il n'est pas prouvé non plus que le christianisme de rite ch'aldéen ait exercé une influenee indirecte sur le Japon, ce qu'ont avancé Saeki et Stewart (228).

Le métropolite du Tangut ~ qui répond au syriaque l~~l figure en marge de la liste de '~mr. ~l est placé au 26e rang - l'avant-dernier après le metropohte de tIânbâli.~ et d'Almâlik - dans la liste de ~ëlibhâ et dans le manuscnt de Siouffi .. <Abhdîsô< ne le mentionne pas; pourtant ce prélat existait sous le patriarcat de Denl.lâ (1265-1281), a pris part a~ synode qui a élu Yahbhallàhâ III ~t a plus tard comp!ote contre lui. Cette métropole date vraIsemblablement de 1 epo-que mongol.e.

La province ecclésiastique du Tangut désigne l.'~ncien roy~u­me Si-hia, qui s'était constitué à la fin. du ,x·. sIec!e" et q~I a été détruit par Gengis khan. La population etaIt ml-sedentaIre,

(225) Marco POLO, éd. BENEDETTO, p. 69-70; ~d. MOyLE-PELLIOT, p. 200; P. PELLIOT, Chrétiens d'Asie centrale et d'Extreme-on~nt,. p. 635 et n~tes inédites; R. GROUSSET, L'empire des steppes, p. 361; Hlstmre de la Chme,

p. 297. l' . Ch' (226) P. Y. SAEKI, The Nestorian documents and re lC.S m ma,

p. 440-443. . ' Ch' L (227) Préface de Y. SAEKI, The Nestorian Monument m tna, 0r:-

dres 1916, p. Y-VI. Ges poutres sont actuellement au Musée de Tokyo. Oi28) J. STEWART, Nestorian. missionary ~nter.pri?e, p. 187; F. NA~,

L'expansion nestorienne en Aste, p. 275, mdIque qu on a cru découvnr un médecin nestorien et des missionnaires sous l'empereur Shomu (724-728); dans son dernier ouvrage, SAEKI, The N~storian doc~ments ~ntt relics in China, p. 444-445, signale seulement qu un des ~ffiClers. de l ar­méemongole qui a tenté d'envahir le Japon en 1281,. étaIt Ch~étlen. S?n casque, conservé au musée de Fukuoka, Kyushu, étaIt orné d une crOIX.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 311

mi-nomade et parIait une langue qui se rattache à la famille tibéto-birmane. Au témoignag,e de Marco Polo (229) les chré­tiens étaient (en partie) de race turque, comme dans le reste de l'Asie centrale. Le Tangut de l'époque mongole n'a rien de commun avec le Bêth Tûptàyê au temps de Timothée 1er •

C'est à tort que Nau (230), Mingana (231) et Stewart (232) les confondent et font remonter cette province aux environs de 790. Et c'est une erreur encore plus grande, comme fait Ste­wart, qui suit Le Quien et Bonin, de lui attribuer pour capi­tale Si-ngan-fou.

La capitale était Ning-hia, en mongol Erikaya,l'Egrigaia de Marco Polo, qui remarque trois belles églises de chrétiens nestoriens (certains manuscrits portent quatre églises) (233). L'ensemble de la population était bouddhiste ,et elle çomptait aussi des musulmans. L'auteur de l'histoire de Màr Yahbhallàhâ témoigne de la ferveur de ces chrétiens, qui fir.ent le meilleur accueil aux deux pèlerins, « car la foi des habitants de Tang;ut était très ardente et leur pensée était pure.» (234)

Marco Polo signale plusieurs autres centres chrétiens au Tangut : à Touen-houang, qu'il nomme Saciou (qui est Cha­tcheou), les chrétiens sont de race turque (235). Nous pouvons ajouter que cette communauté a compté des chrétiens tibétains et chinois. Sir Aurel Stein y a découvert en 1908 une peinture chrétienne qui représente sans doute le Bon Pasteur (236), .et Paul Pelliot un hymne chinois à la Trinité et une croix tibé­taine de type sassanide. Marco Polo indique d'autres chrétientés à Sou-tcheou qu'il nomme Succiu (c'est l'ancienne prononciation

(229) Ed. MOULE-PBLLIOT, p. 150-t51. (230) L'expansion nestorienne en Asie, p. 248. (231) The early spread ot Christianity in CentraL Asia and the Far

East, tiré à part, p. 30. (232) Nestorian missionary Enterprise, n. 161 et s. (233) Ed. BENEDETTO, P. 60; éd_ MOULE-PELLIOT, p. 181. Sur ce nom,

R. GROUSSET, L'e'm·nire mongol, p. 495. (234) Ed. BEDJAN, p. 17-18; trad. J. B. CHABOT, p. 22. (235) Ed. BENEDETTO, p, 44. (236) Aurel STEIN, serindia, t. 2, Oxford, 1921, p. 666; A. WALEY, Cata­

logue Of paintings recovered trom Tun-huang by sir Aurel Stein, Oxford, 1931, planChe 48; P. Y. SAEKI, The Nestonan documents and reLies in China, reproduit cette péinture en frontispice et en donne p. 408 une restauration par Furuyama; Eiichi MATSUMOTO, On a Nestorian Figure Painting trom Tun-huang (en japonais, avec résumé en anglais), I{okka., n. 493, décembre 1931; n. 496, mars 1932. Elle présente la caractéristi<IiUe dés peintures chino'ises, plus spéCialement bouddhiques, et révèle un élément persan.

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Suk-tcheu) (237), à Kan-~cheou (Canpiciou) , où sont trois églises grandes et belles (238), à Leang-tcheou (Erginul) (239), à Si-ning (Silingiu) (240).

Les chrétientés d'Asie centrale étaient donc compactes et étendues. Quelques-unes d'entre elles rassemblaient la majeure partie de la population. Les Turcs chaldéens étaient nombreux et l'auteur de la vie de Yahbhallàhâ pouvait écrire dans son introduction: « Aujourd'hui les Turcs ont attaché à leur cou le joug d.e la domination de Dieu; ils ont çru et approuvé de tout leur cœur la parole du Seigneur.» Et ill ajoutait que les lndous, les Chinois et les autres peuples orientaux ont été faits enfants de Di,eu. Le christianisme avait dû pénétrer les masses avec plus ou moins de profondeur; parfois la vie chrétienne devait être assez superficielle et encor,e mêlée de paganisme; mais l'exemple de Rabban ~àumâ et de Yahbhallàhâ montre que certaines âmes atteignaient une spiritualité très élevée.

L'Inde (241) a été le lieu d'une évangélisation ancienne, qui peut remonter à la fin du ne siècle, probablement en rela­tions étroites avec Edesse. Ver,s 450, quand l'Eglise chaldéenne est fortement constituée, ces communautés chrétiennes sont rattachées au siège de Séleucie-Ctésiphon.

Cosmas lndicopleustes, entre 520 ,et 525, signale une com­munauté chrétienne à Taprobane, qui est Ceylan, avec un prêtre ordonné en Perse, et d'autres chrétientés à Malê et à Quilon, KIlÀÀ'ci'vCl, où sc trouve un évêque ordonné en Perse (242); ces deux centres sont situés sur la côte du Malabar.

ISô'yahbh III (647/650-657/658) dit dans ses lettres que le

(237) Ed. BENEDETTO, p. 48; éd. MOULE-PELLIOT, p. 158; cf. R. GROUSSET, L'empire mongol, p, 532.

(238) Ed, BENEDETTO, p, 48; éd. MOULE-PELLIOT, p. 158. (239) Ed. BENEDETTO, p. 58; un des mss. identifie ces chrétiens nestoriens

avec les Turcs, mais les autres distinguent les Turcs, les chrétiens nes­toriens, les musulmans et ceux qui adorent les idoles (bouddhistes); l'éd, MOULE·PELLIOT, p. 178, admet l'existence de ,chrétiens nombreux (de race indigène) et de chrétiens de raCe turque.

(240) Ed. BENEDETTO, p. 58; éd. MOULE-PELLIOT, P. 179. (241) Sur les chrétientés de l'Inde, E. Cardo TISSERANT, Syro·malabare

(l'Eglise), Dictionnaire de théologi,e catholique, fasc. 134·136, 1re partie, 1941, col. 3089-3116; Nestorienne (l'Egl.ise), col. 195-199; recension de P. PELLIOT, T'oung pao, t. 28, 1931, p. 218·220; A. MINGANA, The early spread of Christianity in India, Bulletin of John Rylands Li brary , t. 10, 1926, p. 435-514, et plus spécialement p. 495-499; F. NAU, L'exPansion nes­torienne en Asie, p. 205-211; A. R. VINE, The Nestorian ChurCheS, p. 60-61, 78-79, 126·127, 161-163; G. M. RAE, The syrian Church in India, EdimbOurg­Londres, 1892.

(242) Topographia christiana, P. G., t. 88, col. 169, 445.

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR» 313

séparatisme du métropolite de Rêw-ArdasÎr détournait du ca tho­licos les évêques de l'Inde. Il apparait que de son temps n'exis­tait pas encore de métropolite pour ce pays. Le christianisme s'était étendu jusqu'à ~alah ou ~ilah (243), sans doute la Kalah des géographes arabes, sur le détroit de Malacca.

Les vestiges archéologiques sont ass,C'z réduits : des croix à inscriptions pehlvies ont été découvertes à Meilapore, sur la côte de Coromandel, près de Madras, au lieu où l'on vénère le tombeau de saint Thomas, et au Travancore à Kottayam (244), à Katalanam, à Muttucira (245) et à Kadammattam (246). La croix de Meilapore comme celles du Trava~core,' peut dater du v;· ou du vu" siècle. Des chrétientés étaient donc établies à cette époq?e sur les deux côtes .de l'Inde. Deux privilèges (çaçaNam), graves sur plaques de CUIvre, ont été concédés aux chrétiens du Malabar par le roi Vïraraghavacakravartin vers 774 et par le roi SthüI)uraviguptavers 824 (247).

Avant cette date, deux évêques çhaldéens, Sabhrlsô' et Péroz se seraient établis près de Quilon (248).

A queUe époque et des mains de qui ces chrétientés ont-elles reçu un métropolite? Ibn at-Tayyib cite le patriarche ISô'yahbh (249) que Mingana croit êtreISô'yahbhII (628-644/646) (250). Il est é.trans:e d~ns ce cas qu'ISô'yahbh III n'en parle pas .. Ce métropo­hte eXistaIt au temps du patriarche Théodose (853-858). 'AbhdîSôc

déclare qu'il a préséance sur celui de la Chine, ce qui indique­rait une création antérieure; comme ce dernier existait déjà sous. le, ~atr~arcat de Timothée I"r, le métropolite de l'Inde auraIt ete creé avant 780. 'Amr le place au 13" rang et SeIîbhâ au 15", après celui de la Chine. .

Mé~ropolite. et évêq~~s é!aient d~signés et consaçrés par le cathohcos, qUI les ChoIsIssaIt parmI les moines chaldéens. Et quand. les ?o~munications étaient trop longtemps interrom­pues, ~l. arrIvaIt que l'Inde fut privée d'épiscopat, comme il se prodUIsIt dans la seconde moitié du xv" siècle (2'51).

(243) Isô'yahhh Patriarchae III liber epistularum, éd. Rubens DUVAL g"Si~'.O" scriptores syri, sel', 2, t. 64, Paris-Leipzig, 1905, p. 252, trad:

(244) A C. BURNELL, Some Pahlavi inscriptions in south lndia The Indian Antiquary, t. 3, 1874, p. 308-316. '

(245) A. MINGANA, T11.e early spread of Christianity in India, p. 506. (246) J. J. MODI, Astatic Papers, Bombay, 1929, p. 1-18. (247) G. M. RAE, The syrian Chur ch in 11l,.dia, p. 155-165. (248) A. MINGANA, The early spread of Christianity in lndia, p. 508 (249) Vat. arab. 153, f. 162 v'. . (250) The early spread of Christianity in India, ,p. 496. (251) E. Cardo TISSERANT, Syro·malabare (l'Eglise), col. 3097.

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Au XVIe siècle, de 1503 à 1587, la résidence du métropolite était Angamala. Auparavant aucune source digne de foi n'in­dique où résidaient le métropolite et les évêques de l'Inde. On ne peut retenir le récit, qui sent l'imposture, que rappor­tent Aubry des Trois Fontaines (252) et la Grande Chronique de Belgique, d'où Stewart (253) a tiré qu'un métropolite était établi en 1122 à Ulna ou Patna.

Au XVIe siècle les chrétiens formaient un ensemble de 30.000 familles dispersés dans une vingtaine de villes et de nombreux villages, dont la plupart étaient situés dans la chaîne des Ghats occidentaux. Les principaux centres étaielJlt Quilon, Cochin, Cranganor..e, au Travancore et la communauté plus dis-tante de Meilapore. .

De l'Inde ou de la Chine, le christianisme chaldéen avait gagné la Malaisie. <Abhdîilô< dans ses Règles des jugements ecclésiastiq_ue's cite 'en dernier lieu (( le métropoHte des Iles de la mer et de l'intérieur, Dâbhag,h, ~în et Mâ~îIl. » Au moment où il écrit, semble-t-il, un ,seul métropolite réunit entre ses mains les provinces de Dâbhagh, de la Chine du nord et de la Chine du sud.

Le terme~t Dâbhagh correspond à l'arabe <Blj Zâbaj, qui se prononçait anciennement Zâbag et représente la trans.crip­tion de la forme initiale Jâwaga. Aux Xe et XIe siècles, le Zâbag correspond au San-fo-ts'i des Chinois et au Suvarnad­vîpa des Indous, c'est-à-dire au royaume sumatranais de Çrîvi­jaya, qui désigne à la fois Java et Sumatra. Le maharaja régnait sur Kalah (Kra indique la péninsule malaise) et sur Sribuza, c'est-à-dire Çrîvijaya. Ce royaume malais indouisé de Palembang avait une extension considérable et son influence rayonnait sur les deux côtes de la péninsule. Il a laissé' peu de monuments archéologiques et épigraphiques; celaexpIique peut-être pourquoi on n'a pas encore retrouvé de vestige,s chré­tiens. Il disparaît à la fin du XIII· siècle.

L'Islam, propagé par les commerçants, fait de grands pro­grès à Sumatra à la fin du XIII· siècle. A Java, il progresse plus tardivement, au, début du xv· siècle; l'islamisation est achevée dans les dernières années du siècle et au début du XVIe (254).

(252) Monumenta Germaniae historica, scriptores, t. 23, éd. G. H. PERTZ, Hanovre, 1874, p. 824-825. LE QULEN, Oriens chtistianus, t. 2, col. 1273, rapporte ce texte, qu'on retrouve dans la Grande Chronique de Belgique.

(253) Nestorian Missionary Enterprise, p. 292. (254) G. FERRAND, L'empire sumatranŒis de Çrîvijaya, Journal asta­

tique. 11e série. t. 20. 1922. p. 17-104, 161-244; N. J. KROM, Hinfloe

LES PROVINCES CHALDÉENNES « DE L'EXTÉRIEUR )) 315

En même temps que le patrimione spirituel indou, l'Islam a sans doute ruiné les communautés chrétiennes, comme il les a ruinées en Asie centrale.

Nous n'avons aucune indication sur les lieux où s'étaient implantées des communautés chrétiennes dans les îles malai­ses, non plus que sur leur nombre et sur leur étendue. Nous pouvons seulement dire que, sans avoir jamais constitué la majorité de la population, elles ont été assez importantes pour former une province chaldéenne. La chrétienté de Kalah ·et celles qui avaient pu se fonder dans la péninsule étaient sans doute rattachées à cette métropole (255).

Ni Marco Polo, ni Odoric de Pordenone ne ,signalent de communauté chrétienne dans ces pays, ce qui donne à penser qu'elles n'étaient pas considérables de leur temps.

Jean de Marignolli, qui fut légat du pape à Pékin, après avoir visité le tombeau de ,saint Thomas, sur la côte de Coro­mandel, alla en 1348-1349 au pays de (( Saba», qu'il trouva gouverné par une reine, et qu'il faut sans doute identifier avec Dâbhagh. Il déclare qu'il y a un petit nombre de chrétiens dans ce pays (256).

En 1503, le patriarche Elie V ordonne encore un métropo­lite et deux évêques pour l'Inde et les îles de la mer, qui sont entre Dâbhagh, ~în et Ma~in (257).

En 1506, Louis de Varthema rencontre au Bengale des mar­chands chaldéens qui viennent de Sarnam (Ayuthyâ), capitale du Siam. Il les accompagne à Pégou, où le roi avait 1.000 chrétiens à son service, puis à Bornéo, à Java et dans les îles

javaansche Geschiedenis. 2e éd .• La Haye, 1931; G. COEDÈS. Le royaume de Çrîvijaya. Bibliothèque de l'ECOle française de l'Extrême-Orient, t. 18. 1918, p. 1-28; Histoire ancienne des Etœts indouisés d·Extrême-Orient. HanOÏ, 1944, p. 117. 129, 137. 166, 181, 183. 216, 264. Nous remercions bien vivement M. Georges Coedès des indications qu'il nous a données à ce propos.

(255) Vers 1610. dans un oratoire ruiné de Malacca a été découverte une plaque de cuivre ornée d'une croix et antérieure à l'arrivée des Por­tugais. H. BERNARD. La découverte de Nestoriens mongOls aux Ordos .... p.30.

(256) Ed. A. van den WYNGAERT, p'. 531; H. YULE, Cathay and the way thither, 2" éd. par H. CORDIER, t_ 1. p. 123-124; t. 3, p. 191.

(257) J. S. ASSEMANI, B.O_. t. 3, 1, p. 591-592; SCHURHAMMER, Three let'ters of Mar Jacob. bishop of Malabar, GrelJorianum, 1. 14, 1933. p. 62-65. Stewart en fait trois métropolites.

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Moluques (258). Mais il ne !;ignale a.Qcun établissement chré­tien dans ces dernières contrées.

Parce que les deux tiers de la population des Moluques et des Philippines se sont convertis rapidement au contact des missionnaires catholiques ou protestants, Stewart en tire qu'ils devaient être précédemment chrétiens chaldéens (259). C'est une affirmation aventureuse. Nulle part en Malaisie les chré­tiens n'ont jamais constitué les deux tiers de la population. Dès le XIVe siècle ces chrétientés n'étaient plus très impor­tantes. Aucun texte, ni aucun vestige archéologique ne permet­tent présentement d'affirmer que des communautés stables étaient établies aux Moluques et aux Philippines.

Telles sont les métropoles que nous avons pu identifier. Elles témoignent du rayonnement de l'Eg.Iise chaldéenne dans ses beaux jours. La conversion des khans de la Perse ~ nsla­misme chiïte, le fanatisme musulman des khans du Cagatai, qui dominent l'Asie centrale, la férocité de Temur Lank (Tamerlan) qui identifie les Turcs à l'Islam, la peste noire, la rupture' des communications avec le reste de l'Asie centrale, la conversion' des Mongols au lamaïsme, la réaction nationaliste chinoise sous les Ming amènent au cours du XIV" et du xv" siè­cle la ruine des chrétientés « de l'extérieur» (260). Et seules les communautés du Malabar attesteront l'ancienne expansion de l'Eglise chaldéenne.

* Les caractères étrangers de cet article ont été prêtés par l'Impri­merie Nationale.

(258) Ed. C. SCHEFFER, Les voyaacs de Ludovi.c de Varthenw (1502-1508), trad. J. BALARllII de RACOINS, Paris, 1888, p. 220 et s.; H. YULE·CORDIER, t. 1, p. 123-124 signale qu'en 1496 Jérôme de San Stefano enterre son compagnon de voyage dans la ville dé Pégou dans une église ruinée qui n'était plus fréquentée par personne. Les chrétientés du Pégou, dans l'actuelle Birmanie, et du Siam devaient être rattachées à la métro· pole des Indes.

(259) Nestorian Missionary Enterprise, p. 99 et s. (260) Sur l'évolution des communautés réfugiées dans les montagnes

du Hekarî et qui ont vécu à peu près indépendantes jusqu'à la guerre de 1914, existe un excellent travail encore inédit de Pierre RONDOT, Les tribus assyriennes et les rappDrt, tradi.tionnels assyra-kurdes, enquête sur l'organisation sociale traditionnelle des Assyriens tribaux.

II

TÉMOIGNAGES NOUVEAUX SUR LE CHRISTIANISME NESTORIEN

CHEZ LES TIBETAINS

Les communautés chrétiennes, qui apparaissent en Chal­dée au cours du m" siècle, se sont fédérées au siècle suivant sous l'hégémonie de l'évêque de Séleucie-Ctésiphon, capitale de l'empire des Sassanides. Ce prélat a pris le titre de ca­tholicos et archevêque de tout l'Orient, puis de patriarche. L'Église chaldéenne a adhéré à la fin du V" siècle aux doc­trines de Théodore de Mopsueste, de Diodore de Tarse et de Nestorius. D'où le nom, qui lui a été donné, d'.Église nes­torienne, alors qu'elle-même s'intitule Église orientale.

Grâce à sa solide organisation et à son esprit mis-sion­naire, elle a essaimé, dès la fin de la période antique et pen­dant le Moyen âge, dans toute l'Asie, des rivages de la Méditerranée jusqu'au Pacifique. Aux Indes, elle a annexé les communautés chrétiennes, qui se réclamaient de l'apô­tre saint Thomas. Mais surtout elle a tourné ses regards vers l'Asie centrale et vers la Chine. Ses missionnaires ont suivi la route de la soie, qui par le Turkestan menait à l'Ex­trême-Orient, et qui a mis en contact les civilisations de la Grèce, de l'Iran, de l'Inde et de la., Chine. Des communautés chrétiennes se sont constituées, à côté de groupements bouddhistes, manichéens, mazdéens, jusqu'au jour où le Turkestan a été submergé par l'Islam, et où toutes les tri­bus de la Mongolie sont passées au lamaïsme.

Les grandes lignes de cette expansion sont aujourd'hui assez bien connues, grâce aux explorations de M. Paul Pel-

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Professeur Jean Dauvillier

Jean Dauvillier

Histoire et institutions des Eglises orientales au Moyen Age

VARIORUM REPRINTS

London 1983

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Copyright © 1983 by

Dauvillier, Jean Histoire et institutions des Eglises orientales au Moyen Age. - (Collected studies series; CS173) 1. Nestorian Church - History I. Title 281 '.8 BX150

ISBN 0-86078-121-6

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1

TABLE DES MATIÈRES

Préface

L'ÉGLISE CHALDÉENNE

1

II

III

Les provinces chaldéennes "de l'extérieur" au Moyen Age

Mélanges F. Cavallera. Toulouse: Institut catholique de Toulouse, 1948

Témoignages nouveaux sur le christianisme nestorien chez les Tibétains

Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 3e serie, IV. Toulouse, 1941

L'évangélisation du Tibet au Moyen Age par l'Eglise chaldéenne et le problème des rapports du bouddhisme et du christianisme

Actes du XXIe Congrès international des orientalistes (Paris, juillet 1948). Paris, 1949

i-iii

261-316

163-167

355-356

Page 32: Dauvillier 1948 Les provinces chaldéennes de l'extérieur au Moyen Age (from Variorum)

IV L'expansion au Tibet de l'Eglise IX Quelques témoignages littéraires et chaldéenne au Moyen Age et le problème

archéologiques sur la présence et sur des rapports du bouddhisme et le culte des images dans l'ancienne du christianisme 218-221 Eglise chaldéenne 297-304

Bulletin de l'Université et de l'Académie L'Orient syrien 1. de Toulouse 75 (Société toulousaine Paris, 1956 d'études classiques).

Toulouse, 1950

X Les croix triomphales dans V Influences chrétiennes [au Tibet] l'ancienne Eglise chaldéenne 11-17

Marcelle La/ou 15-19 Eléona, octobre 1956. Marcelle Lalou, Les religions du Tibet, ch. Il Toulouse, 1956 Paris: Presses Universitaires de France, 1957

XI L'archéologie des anciennes églises VI Guillaume de Rubrouck et les communautés de rite chaldéen 357-386

chaldéennes d'Asie centrale au Moyen Age 223-242 Parole de l'Orient (Melto) VI-VII (Mélanges François Graffin). L'Orient syrien II. Jounieh (Liban), 1975-1976 Paris, 1957

XII L'ambon ou bêmâ dans les textes VII Le droit public et le droit de 1'Eglise chaldéenne et de l'Eglise sacramentaire de l'Eglise chaldéenne 27-32 syrienne au Moyen Age 11-30

Annuaire de l'Ecole des Législations religieuses Cahiers archéologiques VI. (Institut catholique de Paris), 1950-1951. Paris, 1952 Paris, 1952

VIII Les diverses formes extraordinaires AUTRES ÉGLISES ORIENTALES du mariage et l'absence totale de forme dans le droit de "l'Eglise d'Orient" et de l'Eglise d'Occident 273-308 XIII L'expansion de l'Eglise syrienne Mélanges offerts à Pierre Hébraud. en Asie centrale et en Extrême-Orient 76-87 Toulouse: Université des Sciences sociales

L'Orient syrien 1. de Toulouse, 1981 Paris, 1956

Page 33: Dauvillier 1948 Les provinces chaldéennes de l'extérieur au Moyen Age (from Variorum)

XIV Quelques réflexions à propos d'un ouvrage récent sur l'histoire de 1'Eglise arménienne

Cahiers de civilisation médiévale XIII Poitiers, 1970

XV Les Arméniens en Chine et en Asie centrale au Moyen Age

Mélanges de sinologie offerts à M Paul Demiéville t. II (Bibliothèque de 1 Institut des Hautes ' Etudes chinoises, XX). Paris, 1974

XVI Byzantins d'Asie centrale et d'Extrême-Orient au Moyen Age

XVII

Revue des études byzantines XI (= Mélanges Martin Jugie). Paris, 1953

La papauté, l'union des Eglises et les missions en Orient durant le Moyen Age. A propos d'un ouvrage récent

Revue d'histoire ecclésiastique LXXIV. Louvain, 1979

Addenda et corrigenda

Index

Ce volume est composé de 312 pages

63-72

1-17

62-87

640-651

1-2

1-12

PRÉFACE

Grâce à l'aimable hospitalité que nous offre la direction des Variorum Reprints de Londres, à qui nous exprimons notre gratitude, nous avons rassemblé dans ce volume un ensemble d'études sur les Eglises orientales. Ces travaux étaient jusqu'ici dispersés dans diverses revues, parfois peu accessibles, ou même devenues introuvables, ou qui risquaient d'échapper au lecteur.

Ces Eglises orientales, qui ont été trop longtemps méconnues, perpétuent les plus anciennes communautés chrétiennes qui avaient pris naissance et s'étaient développées en Orient. Elles présentent des traits communs, qui souvent remontent à l'Antiquité. Elles ont gardé une spiritualité propre, une splendide liturgie et des institutions originales. Elles ont été illustrées par des théologiens éminents, dont un certain nombre ont pris place parmi les docteurs de 1'Eglise, par des canonistes remarquables et par des écrivains de valeur. Malgré leurs divisions qui remontent aux grandes controverses christo logiques de l'Antiquité, et les luttes qui les ont souvent opposées, elles ont essaimé par le monde et elles ont brillé d'un vif éclat au Moyen Age.

Les articles les plus nombreux sont consacrés à l'Eglise chaldéenne, plus connue sous la dénomination de nestorienne, qu'elle n'a jamais portée elle-même. Nestorius ne venait d'ailleurs qu'au troisième rang de ses docteurs, bien après Théodore de Mopsueste, "saint Théodore l'Interprète ", interprète par excellence des Ecritures, et après Diodore de Tarse. Elle-même s'intitulait "l'Eglise orientale", par opposition à l'Occident, qui pour elle était Antioche et Constantinople. Ses fidèles se dénommaient eux-mêmes soit "Syriens", ce qui ne les distinguait pas des Syriens monophysites, qualifiés de jacobites, soit tout simplement "chrétiens ".

Grâce à sa solide organisation hiérarchique, et à un droit ferme et précis, élaboré dans ses synodes législateurs, et sans avoir jamais reçu l'appui du pouvoir séculier, parfois tolérant, souvent même hostile, cette Eglise a eu la plus grande expansion; elle a créé des