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1 INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARIS CYCLE SUPERIEUR D’ETUDES POLITIQUES Le militantisme au R.P.R. (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à l’analyse générale du militantisme politique. Xavier JARDIN Mémoire présenté pour le DEA Etudes politiques Sous la direction de M. Jean CHARLOT Septembre 1994

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INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARIS CYCLE SUPERIEUR D’ETUDES POLITIQUES

Le militantisme au R.P.R. (dans quatre circonscriptions parisiennes)

Contribution à l’analyse générale du militantisme politique.

Xavier JARDIN

Mémoire présenté pour le

DEA Etudes politiques

Sous la direction de

M. Jean CHARLOT

Septembre 1994

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« - Pourquoi milites-tu ? - Moi ? Allez. Quelle question ! (...) A un moment donné, je l’ai décidé pour quelque chose, et je n’ai pas eu de motifs suffisants pour changer d’avis. (...) Mais dis-moi, ne sois pas si sournois : tu te promènes parmi les gens de la base avec cette petite question et tu les enfonces, les mecs. C’est comme demander ce que c’est qu’une table ». Manuel Vazquez MONTALBAN1

1 Manuel Vazquez MONTALBAN. Meurtre au comité central. Paris : Seuil, 1987. Souligné par nous.

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INTRODUCTION

A la recherche du militantisme politique

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Qu’est ce que le militantisme politique ? Il est vrai que s’interroger de la sorte sur le militantisme politique, comme sur toute

autre pratique sociale ou politique, c’est bien comme de se demander ce qu’est une table. Le

chercheur en science politique, par la démarche d’élucidation qui est la sienne, pose aux

acteurs des questions souvent bien naïves et semble, à plaisir, complexifier des choses qui

paraissent si simples, naturelles, et évidentes à ceux-ci. Pourtant, les questions doivent être

posées, les définitions établies, la recherche effectuée, car rien n’est aussi simple que cela, et

les pratiques les plus naturelles pour les acteurs constituent, en définitive, des construits

sociaux et historiques complexes. Si comprendre et expliquer les pratiques dites politiques

constituent l’objectif principal de la recherche en science politique, alors il n’existe aucune

question naïve, et se demander ce qu’est une table même devient légitime. La connaissance

d’un objet particulier n’est pas immédiate ; elle passe par une série de présentations, de

représentations : des mots et des définitions. Les définitions scientifiques utilisent des

concepts, forme la plus abstraite de la connaissance, mais qui, parce qu’ils visent à

systématiser, on un but beaucoup plus large que la simple connaissance. Or, les concepts

n’échappent pas à la règle : ce sont eux aussi des objets construits, produits pour rendre

compte d’une réalité observée. Les mots ne sont pas la chose nommée. Et, bien souvent, le

concept renvoie à une réalité plurielle, multiforme. Ainsi, interroger scientifiquement la

réalité, c’est avant tout clarifier les concepts.

Le concept de militantisme fait sans aucun doute partie de ces concepts polysémiques,

faisant l’objet d’investissements sociaux et politiques différenciés : chaque parti politique,

chaque syndicat, chaque militant propose une définition du militantisme. D’autre part, la

diversité des définitions scientifiques du phénomène militant renforce l’impression de flou qui

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flotte autour des concepts proposés pour rendre compte de ce phénomène. Il est étonnant de

constater que la science politique est incapable à l’heure actuelle de définir avec précision ce

qu’est un militant. Comme le signale M. OFFERLE « l’on sait, en effet que parmi les

adhérents a été socialement construite une catégorie « d’adhérents actifs » qui se

reconnaissent et sont reconnus par les autres comme militants. Faut-il dès lors entériner le

classement social spontané (« je milite au PS », « c’est un militant ») ou au contraire établir

objectivement des indicateurs de militantisme (assistance au réunions, activisme partisan,

temps consacré au parti, paiement régulier des cotisations...). Faut-il séparer les militants des

responsables ? Faut-il séparer le militant de l’élu en estimant que leurs rôles sont

contradictoires, et qu’un élu, même non professionnalisé, n’est déjà plus un militant ? »2.

Or, le problème de la définition du militantisme politique est l’enjeu principal de cette

recherche. Nous chercherons, en utilisant la méthode d’analyse des concepts en sciences

sociales proposée par G. SARTORI3, à clarifier le concept de militantisme afin d’en proposer

une formulation sans équivoque ni imprécision et qui puisse rendre compte de toutes les

dimensions de la réalité militante. Enfin, il s’agira de confronter le modèle théorique auquel

nous aboutirons à une certaine forme de pratique militante, en l’occurrence celle qui se

développe au sein du RPR dans le contexte parisien.

Ainsi ce mémoire présente une dualité. Mais, cette dualité de pure forme permet, nous

semble-t-il, de rendre le mieux compte de notre démarche : partir d’abord de la réalité telle

qu’elle se laisse appréhender en sciences sociales, par des mots, des représentations, clarifier

ensuite les définitions existante et en déduire une conceptualisation épurée, confronter, pour

finir, cette conceptualisation à l’épreuve des faits.

Pourquoi le Rassemblement pour la République ?

Un double constat préside au choix du mouvement gaulliste pour opérationnaliser

notre modèle. D’une part, le RPR est la seule formation de la droite modérée à présenter une

base militante importante et qui semble, par ailleurs, avoir échappé à ce qu’il est convenu

d’appeler la crise du militantisme. La grande majorité des commentateurs constate, en effet,

un déclin quantitatif important dans les années quatre-vingt du militantisme politique. Les 2 Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, p.72. 3 Giovanni SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a systematic analysis. Beverly Hills : Sage, 1984, 455 p.

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partis qui, traditionnellement en France, ne connaissent pas des effectifs très élevés, les voient

encore diminuer. Or ce déclin touche de façon différenciée les formations de gauche et celles

de droite. Ce sont surtout ces premières, PS et PCF, qui, sous l’effet, d’une part, des

désillusions entraînées par le passage au pouvoir des socialistes et, de l’autre, de la crise

internationale du communisme, sont les plus touchées par le déclin du militantisme. A droite

au contraire cette crise est moins ou pas du tout ressentie. Le RPR, au début des années

quatre-vingt-dix, est fort de près de 200 000 adhérents. Il constitue aujourd’hui l’une des

principales forces militantes sur l’échiquier politique français. Or l’existence d’une véritable

base militante, mais aussi de symboles et d’activités appartenant traditionnellement à une

culture de gauche, en justifie, à nos yeux, l’étude. Nous chercherons donc à déterminer

quelles sont les formes spécifiques que revêt le militantisme au RPR.

Le second constat concerne la faiblesse des études empiriques sur la question du

militantisme au RPR, liée, en fait, à celle, plus générale, des études sur les formations de la

droite modérée. Avant 1981, le militantisme est évoqué dans des monographies générales sur

les mouvements gaullistes4 et un seul ouvrage aborde la question de la spécificité de ce

phénomène par rapport au militantisme communiste et socialiste5. Après 1981, il est possible

de recenser plusieurs travaux sur le RPR, concernant soit les adhérents6, soit un type

particulier de militants, les « cadres »7 du mouvement. Mais force est de constater l’absence

d’enquête, au niveau national, sur les militants de base du RPR.

Or, la prédominance des études sur le militantisme à gauche, conséquence de cette

absence, a eu pour effet d’imposer une certaine définition du militantisme, inappropriée dans

le cas des formations de droite, et plus particulièrement gaullistes. La définition du militant

comme d’un activiste, dévoué corps et âme à son parti, relève de la mystique communiste et

ne fait pas sens dans le contexte des partis de droite. Cela justifie, à nouveau, le travail de

clarification du concept de militantisme que nous nous proposons d’effectuer, tant il est vrai

que celui-ci est chargée de connotations et d’équivoque. Etudier le militantisme au RPR, c’est

4 Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand Colin, 1967. - Pierre AVRIL. UDR et gaullistes. Paris : PUF, 1971. 5 Jacques LAGROYE et al. Les militants politiques dans trois partis français (PC, PS et UDR). Paris : PEDONE, 1976 6 Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28,1984. - Patrick LECOMTE. « Comment viennent-ils à la politique ? L’engagement des nouvelles recrues du RPR ». Revue Française de Science Politique, 39(5), oct. 1989. 7 Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris: Economica, 1987.

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s’intéresser à une autre forme de militantisme dont seul un concept retravaillé est capable de

rendre compte.

Ainsi, il est nécessaire de s’attacher d’abord à l’analyse du concept de militantisme

selon la méthode de G. SARTORI, en s’attachant, en premier lieu, aux termes mêmes utilisés

pour qualifier le concept, puis, ensuite, aux définitions scientifiques, théoriques et empiriques,

proposées par les politistes (première partie).

Nous tenterons alors de confronter le modèle interprétatif issu de la reconstruction

conceptuelle effectuée au cas pratique du RPR dans la capitale. Nous chercherons à

déterminer les formes que revêt le militantisme gaulliste dans ce contexte (seconde partie).

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PREMIERE PARTIE Le concept de militantisme

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La recherche en sciences sociales, et tout particulièrement en science politique, pose le

problème fondamental de la maîtrise des concepts. Force est de constater que bien souvent les

concepts utilisés par les politistes sont flous ou pour le moins ambigus. Le concept de

militantisme, ainsi que tous ceux qui lui sont liés (militants, militer...), n’échappe

malheureusement pas à ce constat. Il renvoie dans la réalité sociale à plusieurs phénomènes

donc forcement à plusieurs définitions. Car, comme tout concept, il a une histoire et s’est

enrichit de connotations plurielles. Or, pour être opérationnel, c’est-à-dire pour permettre de

poser à cette même réalité des questions pertinentes de « façon à maximiser leur utilité

scientifique et leur valeur cumulative »8, un concept doit être parfaitement défini. Autrement

dit, il convient de supprimer toute l’ambiguïté inhérente au vocabulaire utilisé et qui empêche

une claire compréhension des termes et partant de la réalité étudiée.

Pour tenter de définir le concept de militantisme nous nous inspirerons de la méthode

d’analyse des concepts en sciences sociales proposée par G. SARTORI9. Cette méthode

semble particulièrement appropriée pour clarifier les principaux concepts utilisés en science

politique. G. SARTORI énonce dix règles qui peuvent être ramenées à trois principales étapes

8 David E. APTER. Some conceptual approaches to the study of modernization. Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1968, p.17. cité par Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris : Armand Colin, 1972, p. 21. 9 Giovanni SARTORI. « Guidelines for concept analysis ». in G. SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a systematic analysis. Beverly Hills : Sage, 1984.

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de l’analyse des concepts. Il convient en premier lieu de s’attacher au terme même qui

désigne le concept : analyser l’histoire du mot, sa genèse dans le langage commun, ses

différents sens successifs ; analyser le champ sémantique dans lequel ce terme s’insère ;

analyser, enfin, les différents contextes dans lequel il est utilisé. Cette première étape doit

permettre un recensement préalable des caractéristiques propres à ce concept. La seconde

étape nécessite de s’attacher à la littérature scientifique où le concept étudié est mobilisé :

recenser les théories qui utilisent ce concept et analyser les définitions qui en sont données ;

analyser ensuite les définitions opérationnelles, celles qui supposent la possibilité d’une

opération de mesure.

Enfin, la troisième et dernière étape constitue un essai de reconceptualisation, c’est-à-

dire la mise en évidence de toutes les propriétés inhérentes au concept qui ne doit plus être à

présent ni flou ni ambigu mais parfaitement défini.

Ainsi il semble nécessaire d’effectuer un tel travail en ce qui concerne le concept de

militantisme dans la mesure où celui-ci est insuffisamment défini dans les travaux de science

politique. Dans un premier temps, nous analyserons le terme même de militantisme : sa

genèse, son histoire, son champ lexical et ses contextes d’utilisation (ch. 1). Ensuite, il

conviendra de recenser les définitions théoriques du concept qui existent dans la littérature de

science politique (ch. 2). Enfin, nous nous attacherons à analyser les définitions

opérationnelles du concept de militantisme (ch. 3) avant d’en proposer une

reconceptualisation possible.

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CHAPITRE 1 Analyse sémantique du terme ‘militantisme’

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« Tout effort scientifique exige sans doute un vocabulaire. Mais tout vocabulaire n’est pas signe de science. Le jargon n’est inévitable que lorsque tout a été fait pour l’éviter. » Alfred GROSSER10

La clarification du concept de militantisme suppose au préalable une analyse précise

du terme même de « militantisme » ainsi que des différents mots qui lui sont liés :

« militant », « militer », voire « militance ». L’analyse sémantique entend partir du mot même

qui désigne l’idée et constitue le concept, mot qui opère une coupure dans la réalité, afin d’en

rechercher une signification cohérente. Une telle analyse suppose, d’une part, de retracer

précisément la genèse du terme car l’origine d’un mot renseigne sur le sens qu’il porte de nos

jours et sur son histoire pour repérer les changements qu’il a pu subir. Elle réclame, par

ailleurs, une étude lexicale devant mettre en évidence les liens entretenus entre le terme de

« militantisme » et d’autres plus ou moins équivalents et synonymes ainsi que les principales

caractéristiques qui lui sont communément attachées. Enfin, l’étude des différents contextes

d’utilisation du terme devrait nous amener à en proposer une définition provisoire dans son

acception politique et plus particulièrement partisane.

1) La genèse du terme ‘militantisme’ :

Dans la langue française contemporaine, quatre termes différents renvoient au concept

de militantisme : celui de militant qui est à la fois un substantif et un adjectif, le verbe militer,

le terme militantisme lui-même et celui synonyme de militance. L’origine étymologique de

10 Alfred GROSSER. Op. cit., p.8.

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tous ces mots est latine et renvoie au vocabulaire guerrier : militare signifie combattre,

participer à une guerre, militia milice et miles, -itis soldat.

Historiquement, l’adjectif « militant », employé uniquement au féminin singulier,

apparaît le premier en français. Le tout premier usage du terme date de 1420 et relève du

vocabulaire théologique. Il signifie « qui appartient à la milice du Christ »11. Sous cette forme

le terme s’impose pour qualifier l’Eglise catholique « militante », c’est-à-dire l’Eglise qui

rassemble tous les fidèles sur terre, par opposition à l’Eglise « souffrante », les âmes du

purgatoire, et l’Eglise « triomphante », les âmes qui sont au Ciel. Jusqu’en 1835 le terme « ne

s’emploie que dans cette locution : Eglise Militante »12.

Vers 1835, l’adjectif se laïcise et devient un synonyme pour « combattant »,

« agressif » suivant en cela son origine latine. Il sert à qualifier toute personne « qui prône

l’action directe, le combat »13. Le terme de militant qui conserve sa forme d’adjectif, et qu’on

peut désormais rencontrer sous une forme masculine, s’utilise pour caractériser des notions

(comme « doctrine » ou « politique ») ou des collectifs (telle que « classe ») abstraits. En

aucun cas il ne sert à définir les membres d’une organisation politique14. Au même moment,

le verbe « militer » qui, depuis le XVIIème siècle, s’entend au figuré (militer pour ou contre

c’est-à-dire « constituer une raison, un argument pour ou contre »15) s’applique aux personnes

et signifie : « agir, lutter avec violence pour ou contre une cause »16.

Le substantif « militant » apparaît quant à lui dans les dernières années du XIXème

siècle. Sous l’influence des théories marxiste et léniniste et du syndicalisme révolutionnaire, il

sert à qualifier le révolutionnaire, l’activiste professionnel qui doit constituer l’avant-garde de

la classe prolétarienne.

Par ailleurs, le contexte politique français des vingt dernières années du XIXème

siècle est propice à une telle évolution du sens de ce terme. En effet, en 1881 une loi sur la

liberté de réunion supprime l’obligation d’une autorisation préalable, la même année la liberté

de la presse est assurée et en 1884 est votée la loi Waldeck-Rousseau qui autorise la création

des syndicats. Enfin, en 1901 la loi sur les associations suscite la création des premiers partis 11 Dictionnaire Etymologique de la Langue Française. Paris : PUF, 1975. 12 Dictionnaire de l’Académie Française. Paris : Académie Française, 1835. 13 C’est le deuxième sens retenu par Le Petit Robert. Paris : Dictionnaires le Robert, 1989. 14 A ce sujet cf. Jean DUBOIS. Le Vocabulaire Politique et Social en France de 1869 à 1872. Paris : Larousse, 1962. 15 Le Petit Robert. Op. cit.

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politiques dignes de ce nom en France (en 1901, le Parti Radical et Radical-Socialiste ; en

1905, la SFIO ; en 1920, le futur PCF). Ainsi les conditions favorables à l’action politique

organisée et démocratique sont mises en place.

C’est ainsi que dans les années trente, le terme « militant » perd sa connotation

spécifiquement révolutionnaire. Il s’applique désormais à tout membre d’une organisation, à

celui qui défend activement une cause quelle qu’elle soit. Il devient synonyme de « partisan »

sans pour autant signifier une appartenance politique. On peut ainsi parler de militants

ouvriers ou chrétiens aussi bien que de militants communistes ou socialistes. En 1938 apparaît

le néologisme « militance »17 qui sert à qualifier l’activité des militants : il n’aura pourtant pas

de postérité, aucun dictionnaire usuel ne l’indiquant plus aujourd’hui. On peut toutefois

remarquer que certains auteurs18 l’utilisent pourtant mais apparemment comme synonyme de

militantisme.

Après la seconde guerre mondiale, le substantif « militant » se spécialise et désigne

ceux qui dans un parti politique ou un syndicat luttent pour une cause à laquelle ils adhèrent.

M. GILL19 étudiant le vocabulaire politique employé lors des élections législatives de 1967

constate en effet que ce terme s’emploie dans ce sens : « militants UNR », « militants PSU ».

Ce n’est qu’en 1963 qu’apparaît le terme « militantisme » qui peut se définir comme

« l’attitude de ceux qui militent dans une organisation »20. « Militer » signifie simplement

alors « être un militant de parti, de syndicat »21.Enfin, la boucle est bouclée avec la définition

contemporaine du « militant » qui caractérise tous « ceux qui, dans un parti, n’ont pas de titre

ou de responsabilité particulière dans la hiérarchie (opposé à l’appareil, l’état-major) »22. Il

est fréquent dans cette acception de préciser qu’un militant est un « militant de base ».

Au terme de cette présentation de l’évolution des termes renvoyant au concept de

militantisme, il convient de souligner combien elle est le fruit d’un contexte culturel et

historique particulier. En effet, ce mouvement de spécialisation du sens des termes correspond

d’une part à un mouvement de laïcisation et d’autre part à un mouvement de démocratisation

16 ibid. 17Dictionnaire Etymologique et Historique du Français. Paris : Larousse, 1993. 18par exemple : Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil, 1973. ou Yves BOURDET. Qu’est-ce qui fait courir les militants ? Paris : Stock, 1976. 19 Marilyn GILL. Recherche sur le Vocabulaire Politique en Français Contemporain : étude des élections législatives de 02/03/1967. Besançon : thèse pour le doctorat de 3ème cycle, 1970. (particulièrement le Tome 3 p. 270-272.) 20 Le Petit Robert. Op. cit. 21 ibid. 22 ibid.

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qui tous deux caractérisent l’évolution de la politique française depuis le XIXème siècle. Petit

à petit, la notion de militantisme s’impose pour désigner l’une des réalités de la politique en

France : l’action politique à la base.

Cependant l’analyse de la genèse du terme est insuffisante, car pour rendre compte des

principales caractéristiques que le concept de militantisme recouvre, il convient d’en faire une

analyse spécifiquement lexicale.

2) Analyse lexicale du terme « militantisme » :

L’analyse lexicale consistera ici, à partir des définitions communes des trois termes

« militer », « militant » et « militantisme », à rechercher les mots qui dans la langue française

en sont plus ou moins proches, plus ou moins synonymes, afin de les organiser en un champ

lexical structuré.

A l’issue de l’évolution rappelée précédemment, nous sommes parvenus à une

définition du militant entendu comme toute personne qui agit, ou lutte pour ou contre une

cause, dans une organisation (parti ou syndicat) sans avoir au sein même de cette organisation

de responsabilités particulières. A partir de cette définition provisoire il est possible de

retrouver et d’organiser l’ensemble des termes qui correspondent aux caractéristiques

contenues dans celle-ci.

Tout d’abord, cette définition suppose qu’un militant est un « actif », c’est-à-dire

« une personne qui aime à agir, à se dépenser en travaux, en entreprises »23. Mais cet élément

est insuffisant pour caractériser un militant politique, car celui-ci est aussi un « partisan »,

« une personne attachée, dévouée à quelqu’un, à un parti ».

Cette caractéristique de l’attachement partisan renvoie de façon implicite au caractère

librement choisi, intentionnel voire dévoué du militantisme. Or cette idée est rendue en

français par deux termes souvent utilisés pour qualifier les militants : « bénévoles » et

« volontaires ». Un bénévole est une « personne qui accomplit un travail gratuitement et sans

y être obligé » tandis qu’un volontaire peut être défini comme toute « personne qui offre ses

services par simple dévouement ».

23Les définitions des différents termes proposés ici sont toutes tirées du Petit Robert. Paris : 1989.

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Par ailleurs, notre définition initiale contient explicitement la notion d’appartenance à

une organisation. Un militant est ainsi un « membre », un « adhérent » d’une quelconque

organisation, il est « engagé » dans une action collective qui le dépasse en tant que simple

individu. Un « membre » est bien entendu toute « personne qui fait nommément parti d’un

corps » ; ce qui suppose d’être aussi un « adhérent » c’est-à-dire à la fois une personne qui

s’inscrit volontairement dans une organisation et une personne qui partage les mêmes valeurs

que celles défendues par cette organisation. Donc un militant se défini aussi comme un

« engagé » ou autrement dit le défenseur d’une cause, ou parfois encore comme un

« activiste », c’est-à-dire le partisan d’une action plus ou moins violente menée pour la

défense de la cause.

De façon identique, il est possible d’associer au verbe « militer » les formes verbales

des substantifs qui ont été distingués précédemment (quand ils en connaissent) :

« s’engager », « agir », « adhérer ». On peut toutefois ajouter à cette liste le verbe

« participer », c’est-à-dire « prendre part à quelque chose, collaborer, se joindre à ». De plus,

le verbe « militer » possède d’après son étymologie latine une connotation guerrière,

connotation que l’on retrouve dans la définition préalablement retenue. On peut donc en toute

logique lui associer le verbe « lutter », c’est-à-dire « mener une action énergique pour ou

contre quelque chose » et « combattre », « mener un combat pour ou contre quelque chose ».

Enfin, le terme même de « militantisme » peut être relié aux termes suivants dérivés

des formes verbales et des substantifs énoncés précédemment : « activité », « activisme »,

« adhésion », « participation », « bénévolat », « volontariat », « engagement », « lutte » et

« combat ». Il convient toutefois de souligner que le terme de militantisme ne peut être

exclusivement défini par l’un ou l’autre de ces termes, mais qu’il les contient tous dans au

moins l’une de leurs acceptions. Il est ainsi possible de les classer en trois groupes distincts se

référant chacun à une propriété contenue dans le terme « militantisme » et donc recouvrant

une partie de la réalité que le concept entend décrire.

Le premier groupe de termes renvoie à une définition du militantisme entendu comme

une activité organisée : « activité » (et ses compléments « actif », « agir »), « participation »

(« participant », « participer »), « adhésion » (« adhérent », « adhérer »), « membre »,

« partisan ». Tous ces termes supposent l’existence d’une organisation à la base de l’activité

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militante ; ils constituent l’un des trois pôles structurant du champ lexical du terme

« militantisme », le pôle de l’organisation (le pôle O.).

Un deuxième groupe de termes souligne l’aspect intentionnel du militantisme :

« bénévolat » (« bénévole »), « volontariat » (« volontaire »), « adhésion » (au sens

d’inscription). Ils marquent tous la nécessité d’une initiative individuelle pour militer, le

caractère dévoué, gratuit et désintéressé de l’activité militante. Ils définissent un second pôle

qu’on pourrait qualifier d’individuel (le pôle I.).

Pour finir, un dernier ensemble de termes semble définir une troisième caractéristique

du militantisme, à savoir la concurrence et l’opposition : « activisme » (« activiste »),

« engagement » (« engagé », « s’engager »), « lutte » (« lutter »), « combat » (« combattre »),

« partisan », « volontaire », « adhésion » (au sens de se déclarer d’accord avec). Tous ces

termes sous-entendent la notion de conflictualité, c’est-à-dire l’opposition contre et

l’engagement pour quelque chose. Ainsi est définit le pôle du conflit (le pôle C.).

Certains de ces termes ont du être classés dans deux pôles simultanément. C’est le cas

d’« adhésion », au sens d’assentiment pour une cause, qui relève à la fois du pôle O. dans la

mesure où l’organisation structure l’action menée pour la défense de cette cause, et du pôle C.

car « adhérer » à une cause suppose se « battre pour » elle, voire « lutter » contre les tenants

d’autres causes. De même pour le terme « partisan ». « Volontaire » quant à lui appartient à la

fois au pôle I., car au sens d’« engagé volontaire » il suppose un choix individuel, et au pôle

C. car, tout comme « adhésion » (au sens d’accord), il suppose implicitement une opposition.

Enfin « adhésion », au sens d’inscription, relève du pôle I. car une intention, un choix

individuel la commande, et du pôle O. car l’organisation la réclame.

Cette analyse lexicale permet donc de dire que pour le sens commun, le militantisme

se définit essentiellement par la conjonction de trois propriétés : c’est une activité organisée,

non obligatoire, dépendante de l’intention des acteurs et supposant le conflit, la lutte. Le

schéma du champ lexical du terme « militantisme » illustre cette définition (cf. schéma 1).

Cependant, il convient de distinguer différents contextes d’utilisation du terme

« militantisme » qui contribuent à en modifier le sens, tout en autorisant à porter l’attention

sur les attitudes culturelles qui en structurent l’usage dans la langue.

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O.activité...

participation...membre

adhésion... adhésion...partisan

activisme...bénévolat... volontaire... engagement...

lutte... combat...I. C.

M

SCHEMA 1 : Champ lexical du terme « militantisme ».

3) Les contextes d’utilisation du terme « militantisme » :

On appellera contextes d’utilisation d’un terme ses champs d’application dans le

langage commun. Ces contextes d’utilisation renseignent sur l’ancrage culturel et idéologique

de ce terme ainsi que sur l’évolution de son usage. En ce qui concerne le terme de

« militantisme », il est possible de distinguer trois contextes différents en fonction des types

d’organisation qui structurent l’activité dite « militante » : militantisme et syndicats,

militantisme et associations, militantisme et partis politiques.

D’une part, le terme de militantisme s’emploie pour désigner l’activité des membres

des syndicats. Ces derniers, dont l’apparition est antérieure, en France, à celle des partis

politiques, sont des organisations de masse qui tentent d’organiser la défense des intérêts des

travailleurs. Les « militants » syndicaux agissent donc principalement dans le cadre de l’usine

(par la grève, la manifestation, l’occupation de locaux, etc.). Cette forme de militantisme se

distingue des militantismes associatif et partisan par les buts, les objectifs et les moyens mis

en oeuvre pour les remplir. Mais dans la mesure où il s’agit bien d’une activité organisée,

volontaire et impliquant une lutte, il est d’usage d’utiliser le terme « militantisme ».

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Cet usage reflète le poids, déjà constaté précédemment, du syndicalisme

révolutionnaire dans ce que R. MOURIAUX nomme la « valorisation française du

phénomène ‘militant’ »24. En effet, le militantisme s’ancre en France dans une culture

politique de gauche, héritière de la Révolution Française, du syndicalisme révolutionnaire et

du marxisme-léninisme, et qui se caractérise par « le primat accordé à l’action sur la

théorie »25.

En outre, le terme de « militantisme » peut s’employer pour désigner les personnes qui

participent à l’activité d’une association quelle qu’elle soit. Cependant il apparaît clairement

qu’on utilisera d’autant plus facilement ce terme que l’association dont il est question

poursuivra des objectifs proprement politiques. Par exemple, on parlera des militants de

GreenPeace ou de ceux de SOS-Racisme. Au contraire, les termes « bénévoles » et

« bénévolat », voire « volontaires », semblent plus appropriés pour désigner une activité non

spécifiquement politique, caritative, religieuse ou culturelle par exemple. Dans ce genre

d’associations, le dévouement, l’intention individuelle priment et le pôle de la conflictualité

est occulté au profit d’une activité qui se veut essentiellement consensuelle et reconnue

d’utilité publique. Autrement dit, dans le contexte associatif on n’utilisera les termes

« militantisme », « militants », « militer » que pour signifier une lutte, un combat (pour les

droits de l’homme, pour la protection de l’environnement, contre le racisme et l’extrême-

droite, etc.). Ce n’est que dans ce sens qu’il serait donc possible « d’appréhender

l’engagement associatif comme une forme de participation à la vie publique, d’action

collective et de militantisme »26 ; dans les autres cas, le terme de « militantisme » associatif

ne semble pas constituer une catégorie pertinente d’analyse.

Enfin, le terme « militantisme » appliqué aux partis politiques est d’un usage

beaucoup plus récent (1963), signe que le phénomène partisan est finalement tardivement

accepté en France. Phénomène récent, les partis politiques, au sens moderne du terme,

n’apparaissent qu’au début du XXème siècle. Le terme « parti » apparaît en France dès le

XVIème siècle mais, jusqu’au milieu du XIXème, il « ne désigne pas une organisation

politique telle que nous la connaissons maintenant avec sa hiérarchie, son bureau directeur, 24 René MOURIAUX. Document de travail sur l’étude du militantisme syndical. Paris : CEVIPOF, 1984, p. 3. 25 René MOURIAUX. Ibid., p. 3. 26Martine BARTHELEMY. « Le militantisme associatif ». L’engagement politique: déclin ou mutation (pré-actes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993.

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son comité central, et ses militants ou ses permanents ; le « parti » représente dans toute la

première partie du XIXème siècle, et encore en 1869, une « tendance », une « opinion » qui

cristallise les idées d’une classe ou d’un groupe social, plus ou moins distingué des autres »27.

Pour désigner le parti politique moderne on peut recourir aux critères définis par LA

PALOMBARA et WEINER28. Un parti est avant tout une organisation durable dont

l’espérance de vie dépasse celle de ses dirigeants ; elle suppose, par ailleurs, l’existence d’une

organisation locale qui entretient des relations avec l’échelon national, la volonté de prendre

et d’exercer le pouvoir, et, enfin, le souci de chercher des soutiens à travers le processus

électoral ou de toute autre manière. Les militants des partis politiques, quand ceux-ci en

connaissent, participent à ces objectifs en investissant essentiellement leur activité sur la

scène électorale (participation aux campagnes électorales, « tractage », « boitage », affichage,

réunions publiques, etc.). Le terme militantisme s’impose pour qualifier ce type d’activité car

il s’agit bien ici d’une activité organisée, volontaire et impliquant sinon une lutte, au moins

une concurrence entre les différents partis. On parlera donc de « militantisme partisan » (ou

politique) pour qualifier toute activité organisée par un parti à laquelle on prend

volontairement part et qui s’inscrit dans l’opposition des formations partisanes pour la

conquête de positions de pouvoir. Cette acception du terme suppose un dépassement de la

référence culturelle et idéologique de gauche, pour désigner plus largement des pratiques qui

se développent dans des organisations partisanes de droite.

Ainsi appliqué à différents contextes d’utilisation, le terme « militantisme » se charge

de connotations variées. Selon la nature de l’organisation, les objectifs revendiqués par celle-

ci et les moyens mis en oeuvre pour les promouvoir, le militantisme change de forme. Mais

toujours restent présents les trois éléments irréductibles que sont (1) l’organisation, (2)

l’intention individuelle et (3) le conflit.

Cependant, une étude sur le militantisme partisan, telle que nous l’envisageons,

nécessite de dépasser le simple sens commun et de rechercher quelles sont les définitions

scientifiques proposées dans la littérature de science politique. Il convient donc à présent

d’étudier les définitions théoriques et empiriques du militantisme proposées par la science

politique française.

27 Jean DUBOIS. Le Vocabulaire Politique et Social en France de 1869 à 1872. Paris : Larousse, 1962. 28 Joseph LA PALOMBARA, Myron WEINER (ed.). Political Parties and Political Development. Princeton : Princeton University Press, 1966.

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CHAPITRE 2 Les définitions théoriques du militantisme

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« Toute conceptualisation est théorisation. Toute théorie suppose un outillage conceptuel qui permet de définir et de classer le connu, puis d’analyser l’inconnu. L’outil n’est pas un récipient. Il est une pince qui découpe en même temps qu’elle saisit. Par conséquent il s’agit de saisir l’utile, l’important, le significatif. » Alfred GROSSER29

La seconde étape de l’analyse des concepts en sciences sociales proposée par G.

SARTORI consiste à rechercher dans la littérature scientifique les définitions proposées du

concept étudié. Il est possible de distinguer deux types principaux de définitions : les unes

« déclaratives », c’est-à-dire celles qui énoncent un sens et que l’on peut appeler

« théoriques »; les autres « dénotatives » ou « empiriques », celles qui sont conçues pour

saisir l’objet étudié, c’est-à-dire qui décrivent et se faisant établissent des frontières. Le

recensement de ces deux types de définitions doit permettre de préciser les principales

configurations de caractéristiques théoriques et empiriques appliquées ici au concept de

militantisme. Cette étape est nécessaire avant la reformulation finale du concept dans la

mesure où un concept sans caractéristiques bien définies ne peut être utilisé sans aucune

certitude ni consistance.

Nous nous attacherons plus particulièrement dans ce chapitre à l’analyse des

définitions théoriques du militantisme politique. Il apparaît que le concept de militantisme a

reçu dans les travaux de science politique plusieurs définitions théoriques, ce qui indique à

quel point la notion pose problème. Il est possible, en effet, de distinguer, au vu de la

littérature de science politique sur la question du militantisme, trois ensembles de définitions

théoriques. Le premier rassemble les théories dites « organisationnelles », c’est-à-dire celles

29 Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris: Armand Colin, 1972, p.46.

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qui soulignent le rôle principal joué par l’organisation dans la définition même du

militantisme : on y trouve les théories marxistes-léninistes ainsi que l’approche de M.

DUVERGER. Les approches de types psychologiques forment le second ensemble, elles

mettent quant à elles l’accent sur la personnalité individuelle des militants. Enfin, le dernier

groupe rassemble les théories « économicistes » liées à l’analogie de l’entreprise économique

appliquée aux partis politiques.

1) Les théories organisationnelles :

Les théories organisationnelles constituent le paradigme dominant des recherches

politologiques sur le militantisme. Elles se caractérisent par l’insistance mise sur

l’organisation comme élément central de la définition du militantisme. La théorie marxiste-

léniniste du militant révolutionnaire en est l’archétype. Comme le signale F. SUBILEAU30 ce

modèle théorique a dominé, au moins implicitement, les travaux sur le militantisme politique

d’autant plus qu’il a été renforcé, en même temps que prolongé et précisé, par l’approche de

M.DUVERGER.

1.1/ La théorie marxiste-léniniste du militantisme :

La théorie du militant révolutionnaire léniniste est un prolongement des travaux de

K.MARX31. Si dans ceux-ci la notion même de militantisme n’apparaît pas, il est clair que

l’auteur du Capital analyse les conditions de possibilité de l’action militante. La société

bourgeoise du XIXème siècle tend à rompre les liens traditionnels de sociabilité (clan,

famille, corporation, etc.) et ainsi à isoler les individus. Conscient de son appartenance de

classe, le militant cherche à rétablir ce lien rompu entre les individus. En prenant en charge

les intérêts de leur classe les militants constituent l’avant-garde du prolétariat. Mais ce sont

les organisations politiques (syndicales et partisanes) qui doivent fournir les cadres de

l’activité des militants. En septembre 1871, lors de la conférence de Londres, les délégués des

sections de la Première Internationale parlaient déjà de « l’état militant de la classe

ouvrière »32 devant amener l’ensemble des prolétaires à prendre conscience de leur

30 Françoise SUBILEAU. « Le militantisme dans les partis politiques sous la cinquième République : Etat des travaux de langue française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981. 31 Cf. René MOURIAUX. Deux approches marxistes du militantisme. Paris : CEVIPOF, 1984, 16 p. 32 Georges LABICA, Gérard BENSUSSAN. Dictionnaire critique du marxisme. Paris : PUF, 1985, p. 581.

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appartenance de classe et à les unir contre la bourgeoisie. Mais, comme le souligne R.

MOURIAUX, « la réflexion de MARX conserve une part d’imprécision qui résulte de l'état

du mouvement ouvrier et de son inattention aux phénomènes de pouvoir à l’intérieur même

des organisations prolétaires »33.

LENINE au contraire ira plus loin dans la définition du rôle des militants dans le cadre

de l’organisation prolétarienne. En 1904, il propose la création d’une organisation de

révolutionnaires professionnels destinée à consolider le « marxisme militant »34. Il précise,

par ailleurs, que cette organisation révolutionnaire doit être aussi centraliste et disciplinée que

possible. « Le seul principe sérieux en matière d’organisation pour les militants de notre

mouvement doit être : secret rigoureux, choix ingénieux des membres, préparation des

révolutionnaires professionnels »35. Ainsi le militant, amené à la conscience de classe par le

parti (bolchevik, communiste) et/ou le syndicat, devient le bras armé de l’organisation, le

médiateur entre celle-ci et les masses.

Or il apparaît que cette vision du militantisme politique va connaître une certaine

postérité dans les travaux de science politique jusqu’à une date très récente.

En 1973, par exemple, D. MOTHE, étudiant le militantisme syndical, définit le

militant de base comme « celui qui intériorise les valeurs de son parti ou de son syndicat et

qui se conduit comme un exécutant discipliné vis-à-vis de son organisation »36. Il en vient à

proposer une typologie des militants classés selon les trois fonctions principales qu’une

organisation syndicale doit, selon lui, remplir : tribunicienne, doctrinaire et administrative. Le

« tribun » est chargé de relier les travailleurs à l’organisation, de les faire participer à la vie de

celle-ci en même temps qu’il doit les informer. Le « doctrinaire » doit donner sens à l’action

menée par l’organisation. Et « l’administratif », enfin, doit la faire fonctionner. On peut noter

que D.MOTHE exclut de sa définition le militant de droite « dont les fortes sympathies avec

le pouvoir réduisent la militance à l’acceptation pure et simple du statu quo, atrophiant

considérablement son militantisme »37. Autrement dit il ne saurait y avoir de militants que de

gauche, remettant en question l’ordre établi, le pouvoir, fidèle à une organisation politique

structurée. Il s’agit bien ici du modèle du militant communiste révolutionnaire.

33 René MOURIAUX. op. cit., p. 9. 34 LENINE. « Les objectifs immédiats de notre mouvement ». Oeuvres choisies, T.1. Moscou : Editions en langues étrangères, 1962, p. 159. 35 LENINE. Ibid., p. 263. 36 Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil; 1973, p. 15. 37 Daniel MOTHE. ibid., p. 15.

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25

De plus, l’étude classique d’A. KRIEGEL sur les communistes français fournit un

autre exemple de la définition organisationnelle du militantisme. L’auteur indique que

« chaque membre du Parti doit, sous le contrôle de la cellule à laquelle il appartient, « remplir

une tâche » dans une association, une organisation, un mouvement où il est amené à coopérer

avec des non-communistes : il devient ainsi « responsable » devant le Parti, même si cette

tâche est modeste, responsable pas seulement de sa tâche à lui mais de toute la vie de

l’association dont, désormais, il est membre non plus de sa propre initiative mais parce que le

Parti le veut ainsi et l’en mandate »38. Le militant communiste est ainsi considéré comme un

« petit soleil » qui doit attirer vers la nébuleuse partisane de nouvelles recrues ou de nouveaux

sympathisants. Dans la pratique il faut distinguer deux types de militants : « ceux qui se

consacrent aux affaires propres du parti et ceux qui déploient leur activité à l’extérieur, dans

les « organisations de masses », c’est-à-dire dans les formations de toute nature, tout objet,

toute forme, toute importance où des communistes sont appelés à rencontrer des non-

communistes »39. L’activité militante se défini donc ici toujours en fonction de l’organisation

: soit que le militant travaille en son sein directement, soit qu’il doit intégrer (voire

« noyauter ») d’autres organisations au profit du parti communiste.

Mais il faut noter que les études, qui, se référant à ce modèle du militant

révolutionnaire, ont tenté d’expliquer les raisons du militantisme se sont avérées incapables

de le faire tant l’insistance mise sur le rôle joué par l’organisation est grande. L’explication

tourne, en effet, rapidement à la tautologie. L’adhésion, et partant le militantisme relèveraient

fondamentalement d’un choix idéologique : « Qu’est ce qu’un militant communiste ? Un

combattant des luttes de classes, membre du Parti communiste »40 ; « il est clair que

l’appartenance au parti communiste est un engagement spécifique. Il s’agit d’une option

fondamentale. »41.

Ainsi le modèle léniniste a dans une large mesure imposé l’image d’un militant

dévoué corps et âme à son organisation. Il a, de plus, contribué à enraciner l’idée selon

laquelle le militantisme ne pourrait être que de gauche. On peut constater que dans l’état des

38 Annie KRIEGEL. Les Communistes Français : 1920-1970. Paris : Seuil, 1985, p. 140-141. 39 Annie KRIEGEL. Ibid., p. 147-148. 40 J.-P. MOLINARI. « Contribution à la sociologie du PCF ». Cahiers du Communisme, 52(1), janvier 1976, p. 38-49. 41 Francine DEMICHEL. « Remarques sur l’étude du PCF ». Cahiers du Communisme, 56(3), mars 1980,p.56.

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26

recherches sur le militantisme politique constitué par F. SUBILEAU42, moins d’une référence

sur cinq renvoie à une forme de militantisme qui ne soit pas de gauche. Aujourd’hui, s’il est

possible de trouver davantage de travaux sur le militantisme de droite, force est de constater

que ce champ d’investigation reste encore largement en friche, au moins en ce qui concerne la

droite modérée. Ce phénomène semble s’expliquer par la prégnance des théories

organisationnelles dans la science politique française. La théorie marxiste-léniniste a, en effet,

conduit à privilégier les études sur le communisme. Mais on peut noter que l’approche de M.

DUVERGER a, dans une large mesure, contribué à renforcer l’étude du militantisme de

gauche en insistant sur les structures partisanes.

1.2/ L’approche organisationnelle de M. DUVERGER :

La définition du militantisme donnée par M. DUVERGER dans son ouvrage classique

de 1951 sur les partis politiques est liée à la distinction qu’il propose entre partis de cadres et

partis de masse. La forme du militantisme dépend de la nature de l’organisation. Dans les

partis de cadres, partis de notables où la qualité des adhésions prévaut sur la quantité, « la

notion de militant se confond avec celle de membre du parti »43. Dans les partis de masse au

contraire « le militant est l’adhérent actif : les militants forment le noyau de chaque groupe de

base du parti, sur qui repose son activité essentielle »44 ; les militants se distinguent de la

masse des adhérents car ils participent régulièrement aux réunions, à la diffusion des mots

d’ordre, à la préparation des campagnes électorales... ; ils ne peuvent être non plus confondus

avec les dirigeants car ce ne sont que des « exécutants ».

Or il apparaît que pour nombre de politistes, plutôt à tort qu’à raison, cette distinction

équivalait à l’opposition entre partis de droite et partis de gauche, les premiers étant

considérés comme des partis de cadres, les seconds comme des partis de masse. Ainsi le

militantisme est différemment conçu à droite et à gauche : « pour les partis de gauche le

développement du militantisme constitue un objectif prioritaire de l’organisation ; les

fonctions du militant consistent avant tout à garantir le maintien d’une base militante efficace

en assurant le recrutement et la formation des adhérents »45, tandis que le militantisme de

42 Françoise SUBILEAU. Op. cit. 43 Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10ème ed.), p. 175. 44 Maurice DUVERGER. Ibid., p. 174. 45 Jacques LAGROYE (et al.). Les militants politiques dans trois partis français. Paris : Pédone, 1976, p. 160.

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droite est essentiellement « moins orienté vers les activité partisanes et tourné vers un

rayonnement individuel dont les fins sont prioritairement électorales »46.

Dans ce type d’approche organisationnelle, les militants constituent un élément de

soutien des partis politiques parmi d’autres (électeurs, sympathisants, adhérents), élément qui

est fonction de la structure même de l’organisation. Partant, cette approche s’est moins

intéressée aux motivations des acteurs à militer qu’à la description de cette action. Cependant,

certains auteurs insistent plus particulièrement sur le rôle joué par l’organisation dans les

raisons et les motivations à adhérer et à militer. L’organisation est alors vue comme un lieu de

socialisation. G. LAVAU47 met ainsi en lumière les quatre formes de l’adhésion au PCF :

adhésion « émotion », adhésion « régularisation » et adhésion « rectification » qui sont les

moins fréquentes, enfin et surtout, adhésion « d’imprégnation ». Socialisés dans la matrice

communiste depuis leur plus jeune âge les individus adhèrent naturellement au Parti. Le PCF

était devenu un parti d’enfants de militants, précocement socialisés et durablement engagés.

J.DERVILLE et M. CROISAT48 opèrent le même constat mais précisent qu’une motivation

importante de l’adhésion au PCF est la volonté d’y trouver une éducation et une formation

spécifique. Dans ce sens le militantisme paraît être un comportement construit et transmis par

l’organisation qui forme et socialise à l’action politique ses adhérents.

Toutefois, si l’approche organisationnelle est d’un point de vue heuristique

fondamentale, il n’en reste pas moins qu’elle « oublie » l’individu en privilégiant les

structures. Au contraire les théories psychologiques du militantisme ont tenté par un retour

radical à l’acteur individuel, à sa psychologie, à son identité et à ses motivations de dépasser

une vision trop purement organisationnelle.

2) Les théories psychologiques du militantisme :

Les théories psychologiques du militantisme placent l’individu, et non plus

l’organisation, au coeur de la définition du militantisme. Il est possible de recenser trois

directions prises par ces théories : d’une part, l’étude du rôle affectif joué par le parti pour ses

46 Jacques LAGROYE (et al.). Ibid., p.160. 47 Georges LAVAU. A quoi sert le Parti communiste français ?. Paris : Seuil, 1981. 48 Jacques DERVILLE, Michel CROISAT. « La socialisation des militants communistes français ». Revue Française de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979.

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28

militants ; d’autre part, l’étude de la personnalité même des militants ; et enfin, l’étude des

motivations à militer.

2.1/ Le rôle affectif du parti :

Dans un ouvrage de 1983, P. ANSART49 prend en considération les problèmes

soulevés par l’affectivité inhérente à la vie politique. Il applique aux partis politiques un

questionnement propre à la psychologie et cherche à saisir le rôle affectif joué par

l’organisation partisane sur les militants.

Dans un premier temps, il met en évidence la fonction de sécurisation du parti : « le

petit groupe politique constitue, en particulier, un dispositif de libération par rapport aux

mécanismes communs de refoulement et donc un lieu de levée de la culpabilité (...), il permet

à chacun de se dépendre de l’emprise psychologique exercée par la société globale et ses

appareils idéologiques »50. Dans ce sens l’appartenance à un parti politique relève de la

volonté de rompre l’angoisse propre à la société moderne. Le parti « constitue un lieu social

exceptionnel. Le fait qu’il s’ordonne avec la vocation d’entraîner toute la société dans la juste

voie politique lui confère toute une signification émotionnelle particulière. Le parti est, pour

l’adhérent, une volonté collective, un projet d’accroître sa place, sa puissance »51.

Par ailleurs, P. ANSART propose une typologie des partis politiques (et des groupes

politiques en général) qui doit permettre de saisir les différents « univers affectifs » des

militants qui appartiennent à des organisations différenciées. Dans un premier type, le parti

est structuré autour d’un lien fort de dépendance des militants envers l’image idéale du chef

charismatique (le mouvement gaulliste à l’époque de De Gaulle appartient à ce type). Un

second type relève de la dynamique combat/fuite, c’est-à-dire que le groupe n’existe plus par

rapport à la personnalité du chef, mais se structure essentiellement en fonction du conflit avec

le monde extérieur (par exemple, le FN entendu comme un «parti-famille» regroupant, en les

maintenant en sécurité, des individus se sentant exclus ou pour le moins en opposition avec la

société contemporaine). Enfin, le dernier type mis à jour est caractérisé par le prophétisme et

le messianisme (les nihilistes russes de 1850-1870 en fournissent un bon exemple).

49 Pierre ANSART. La gestion des passions politiques. Paris : L’Age d’Homme, 1983. 50 Pierre ANSART. Ibid., p.106. 51 Pierre ANSART. Ibid., p.112-113.

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Cette approche qui cherche à inférer la psychologie des militants à partir des diverses

formes que peut revêtir l’organisation reste finalement dépendante du paradigme

organisationnel. Pourtant elle introduit des questions que ce dernier ne posait pas : quelles

sont les relations que les militants entretiennent avec l’autorité, le monde extérieur, l’histoire

? Cependant elle ne cherche pas à s’interroger sur la personnalité même des militants.

2.2/ La personnalité du militant politique :

L’étude de la personnalité des militant est paradoxalement l’une des plus récentes

encore que l’on puisse en trouver chez K. MARX les prémices. Comme le souligne

R.MOURIAUX : « aux prix d’efforts, de sacrifices, la vie militante favorise un

développement de soi par excentration du besoin personnel de se réaliser »52. L’individu, en

prenant conscience de son appartenance de classe, parvient à se réaliser non lu d’un point de

vue égoïste mais en défendant l’intérêt de cette classe, par une lutte qui le dépasse.

Plus récemment, M. LECOINTE53 a proposé de concevoir le militantisme comme une

solution apportée à la contradiction entre deux idéaux. Le militant d’un côté doit faire don de

sa personne à son organisation. Mais l’abnégation, l’oubli de soi, voire l’aliénation pure et

simple constituent une des formes de répression de la libido des militants. D’un autre côté,

l’exercice d’un pouvoir, d’une certaine autorité au sein de l’organisation par rapports à ceux,

adhérents, sympathisants ou électeurs qui n’en ont aucun, confère aux militants une certaine

valorisation d’eux-mêmes. « Le militant est un leader qui a ou se donne une autorité, qui se

calque sur une ou plusieurs images de chef et qui vise à l’exercice du pouvoir »54. Dans ce cas

le militant est prosélyte, il séduit, persuade, domine : il réalise en quelque sorte sa libido par

l’affirmation de sa puissance sur les autres. Or la clé de voûte de cette contradiction, selon

M.LECOINTE, est la figure du père : à la fois castrateur, source d’autorité à laquelle il faut

obéir, incarnée par le leader, mais aussi image idéale à laquelle il convient de ressembler.

« La militance serait alors une forme particulièrement active de résolution de ce problème ou

pour le moins s’inscrirait dans les tentatives de résolution de ce drame intime et collectif »55.

52 René MOURIAUX. Op. cit., p. 9. Cf. Lucien SEVE. Marxisme et théorie de la personnalité. Paris : Editions Sociales, 1962. 53 Michel LECOINTE. Les militants et leurs étranges organisations. Paris : Syros, 1983, p. 78-90. 54 Michel LECOINTE. Ibid., p. 78. 55 Michel LECOINTE. Ibid., p. 84.

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Le militant dans cette vision serait essentiellement à la recherche de son identité,

tiraillé entre deux affects, « l’obéissance-soumission-don de soi » et « l’émancipation-

autorité-réalisation de soi ». L’intérêt de cette approche est de reconnaître l’importance des

besoins psychologiques des acteurs politiques : plaisir de la domination, de l’obéissance à une

autorité plus forte. Mais elle ne saurait à elle seule rendre compte du processus complexe qui

conduit l’individu au militantisme.

2.3/ Les raisons du militantisme : identité et désaliénation.

Dans cette perspective psychologique plusieurs auteurs ont, en effet, proposé d’étudier

les raisons du militantisme comme relevant de la recherche d’une identité perdue ou d’une

« désaliénation », c’est-à-dire de la volonté d’échapper à une condition aliénée.

J. PENEFF56 a ainsi analysé des histoires de vie de militants syndicalistes

communistes. Son approche qualitative et biographique lui a permis de mettre en évidence

l’effacement de la vie individuelle de ces militants au profit de la vie professionnelle et

politique. Il apparaît alors que le militantisme communiste fournit une identité sociale forte

dans une société atomisée.

De façon similaire, J.-M. DONEGANI57, en étudiant les itinéraires de militants

catholiques de gauche, montre que l’activité militante exprime la nécessité de reconstituer un

lien social détruit avec la perte de la foi et la rupture avec la communauté religieuse.

Une seconde raison importante expliquant le militantisme serait la volonté des

individus d’échapper à une condition aliénée. L. SEVE58 met ainsi l’accent sur l’action

structurante du militantisme. Le militantisme est en soi désaliénant car il permet à l’individu

de participer consciemment à la transformation des rapports sociaux. Ni activité purement

égoïste, ni altruisme échevelé, le militantisme est en définitive un accomplissement de soi.

Ces quelques exemples, qui n’épuisent pas l’ensemble des travaux sur les raisons du

militantisme, illustrent cependant parfaitement cette approche qui tente de déceler dans la

psychologie des individus les déterminants de l’adhésion. Cependant le risque de cette

approche est de tomber facilement dans le piège d’une explication « psychologisante ». 56 J. PENEFF. « Autobiographies de militants ouvriers ». Revue française de Science Politique., 29(1), fév. 1979. 57 Jean-Marie DONEGANI. « Itinéraire politique et cheminement religieux ». Revue française de Science Politique., 29(4-5), août-oct. 1979. 58 Lucien SEVE. Op. Cit.

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31

Certains auteurs ont, en effet, tenter de montrer que le militantisme répondait soit à un

« impératif moral »59, soit à une « ardente vocation »60.

En fait, les théories psychologiques du militantisme politique présentées ici tombent

sous le coup d’une critique méthodologique visant l’approche psychologique en général

appliquée à l’explication des phénomènes sociaux. Principalement, elle pose le problème de

l’utilisation d’une discipline hors de ses cadres habituels de recueil et d’analyse des données,

de vérification et d’administration de la preuve. Par ailleurs, en tendant à ramener

l’explication vers une cause unique (la personnalité individuelle, la libido, l’inconscient), les

théories psychologiques du militantisme sont réductrices ; elles oublient le poids des

contextes, culturels, historiques ou sociaux, qui déterminent largement l’adhésion. Toutefois

elles ont le méritent d’introduire dans la définition du militantisme la donnée individuelle.

3) Les théories « économicistes » du militantisme :

Le troisième ensemble de théories que l’on peut qualifier d’« économicistes »

rassemble les contributions récentes de politistes qui ont en commun de se référer, à la fois, à

l’analogie de l’entreprise économique appliquée à l’analyse des partis politiques, suivant en

cela la définition de M. WEBER, et à celle du marché appliquée à l’analyse de la politique

démocratique, telle que J. SCHUMPETER61 l’a définie. M. WEBER définit, en effet, les

partis politiques comme des « sociations reposant sur un engagement (formellement) libre

ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d’un groupement et à leurs

militants actifs des chances - idéales ou matérielles - de poursuivre des buts objectifs,

d’obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensembles »62. A partir de cette

définition où M. WEBER envisage le parti comme une sorte d’entreprise dont le but serait la

conquête du pouvoir (alors que le profit économique serait celui d’une entreprise

économique) et procurant à ses militants des rétributions soit symboliques, soit matérielles, il

est possible de citer trois prolongements majeurs concernant l’analyse du militantisme : celui

de M. OFFERLE qui propose de définir le militantisme comme un « courtage »; celui, plus

important, de D. GAXIE qui insiste sur les rétributions du militantisme, et enfin, celui de P.

LACAM qui l’envisage comme une ressource à la disposition de l’entrepreneur politique.

59 F. DENANTES. « Le communisme, une patrie ». Projet, 101, janvier 1976, p. 9-22. 60 A. JEANNIERE. « Difficile et ambiguë, la militance aujourd’hui ». Projet, 136, juin 1976, p. 706-716. 61 Joseph A. SCHUMPETER. Capitalisme, Socialisme et Démocratie. Paris : Payot, 1974. 62 Max WEBER. Economie et Société. Paris : Plon, 1971, p. 294.

Page 32: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

32

3.1/ Le militantisme comme « courtage » :

M. OFFERLE a, en effet, proposé de définir le parti politique comme « une

organisation différenciée qui ne peut fonctionner qu’à deux conditions : qu’il existe un

différentiel de ressources initiales ou organisationnelles entre les dirigeants et les auxiliaires,

et que la division du travail (ici politique) soit ajustée aux attentes des différents membres de

l’organisation »63. Différentes catégories d’acteurs coexistent ainsi dans l’organisation

partisane (dirigeants d’une part et auxiliaires de l’autre, parmi lesquels les militants, les

adhérents, les sympathisants voire les électeurs). Le militantisme dépend dans ce sens de la

nature et du volume du capital politique détenu par les acteurs (prédispositions sociales

déterminées par la position dans l’espace social, socialisation politique, itinéraires

individuels, etc.) Ainsi « le terme militantisme renvoie à une pluralité de situations. Il permet

de désigner des agents intéressés politiquement qui, disposant de suffisamment de capitaux

pour estimer avoir le droit de s’occuper de questions politiques, n’ont cependant pas -

temporairement ou définitivement - les ressources nécessaires pour vivre de et pour la

politique »64. Au sein de l’organisation partisane les militants sont des sortes de « courtiers »

devant exécuter les ordres de l’état-major partisan : « auxiliaires indispensables, certains ne le

seront que temporairement, soit parce qu’ils s’en iront, soit parce qu’ils accumulent (sans le

savoir ou tout en le sachant) un capital susceptible d’autoriser leur professionnalisation ;

d’autres enfin y passeront une large partie de leur existence »65.

Cette conception du militantisme risque, comme l’indique J. CHARLOT, de

« conduire à un éclairage anachronique du phénomène partisan »66, en transposant tel quel un

concept daté à une réalité historique différente. Elle a cependant le mérite de souligner que le

militantisme n’est pas une activité fortuite et qu’un certain nombre de déterminants rentrent

en jeu pour l’expliquer.

3.2/ Le militantisme comme activité rétribuée :

63 Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, p. 55. 64 Michel OFFERLE. Ibid., p. 74. 65 Michel OFFERLE. Ibid., p. 75. 66 Jean CHARLOT. « Partis politiques : pour une nouvelle synthèse théorique ». in Yves MENY (éd.). Idéologies, partis politiques et groupes sociaux. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1989, p. 292.

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33

D. GAXIE est sans doute celui qui a le plus contribué, dans une perspective

« économiciste », à l’analyse du phénomène militant. Dans un article devenu classique de

197767, il tente de répondre à la question de savoir comment les dirigeants de partis, les

entrepreneurs politiques, parviennent à réunir les moyens nécessaires à la conquête du

pouvoir. Dans les démocraties occidentales cette conquête s’effectuant par le jeu institué des

élections, les partis ont trois solutions pour résoudre cette question : dans le cas des partis de

cadres, faire appel à des « mercenaires » politiques ; dans les partis de patronage, s’assurer les

services d’un personnel compétent et permanent en échange d’emplois à la discrétion du parti

; enfin, dans le cas des partis de masse, la principale solution consiste à mobiliser des

militants. D.GAXIE tente d’expliquer cette dernière solution en montrant que la mobilisation

en continu des militants dépend de la capacité de l’organisation à produire des rémunérations

soit purement matérielles (des emplois par exemple), soit symboliques (idéologiques), soit

collectives (la formation, la pédagogie au PCF), soit individuelles. Ces rétributions permettent

de comprendre à la fois le passage à l’acte politique (rétributions espérées) et la rupture de

l’activité quand le parti n’est plus à même de produire les gratifications nécessaires. Enfin,

« en empêchant les adhérents (donc les militants) de prendre conscience des intérêts qui sont

au fondement de leur désintéressement, le sentiment de défendre une cause occulte donc les

mécanismes d’échange sur lesquels repose l’existence des partis de masse et contribue ainsi

au fonctionnement de ces mécanismes »68.

En mettant en évidence la dimension relationnelle, d’échange qui réside au fondement

du militantisme, D. GAXIE fournit une définition pertinente de ce phénomène en alliant la

rationalité individuelle et le poids de l’organisation dans son modèle. Mais on peut reprocher

à cette approche de conduire à une vision du militantisme « fondé sur le mensonge, le militant

n’invoquant des motivations idéologiques ou altruistes (...) que pour mieux cacher qu’il n’agit

en réalité que dans son intérêt propre »69.

3.3/ Le militantisme comme ressource :

La dernière contribution de ce courant « économiciste » dans l’étude du militantisme

politique est fournie par J.-P. LACAM. On doit à ce dernier le modèle du politicien 67 Daniel GAXIE. « Economie des partis et rétributions du militantisme ». Revue Française de Science Politique. 27(1), fév. 1977. 68 Daniel GAXIE. Op. cit. p. 151. 69 Martine BARTHELEMY. De l’usage des métaphores économiques dans l’explication du militantisme : le cas de l’individualisme méthodologique. Paris : CEVIPOF, 1986, 15 p.

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investisseur70 qui se veut « un modèle interprétatif de la manière dont l’homme politique gère

les ressources nécessaires à la conquête ou la conservation du pouvoir »71. Parmi les

ressources politiques, c’est-à-dire tout moyen dont dispose l’entrepreneur politique pour

diminuer les contraintes qui pèsent sur son action et étendre son autonomie, se trouvent bien

entendu les militants. Ceux-ci comme l’ensemble du soutien logistique fourni par le parti

correspondent au type de ressources politiques que J.-P. LACAM nomme « contextuelles-

persuasives ». Contextuelle, car d’une circonscription à une autre, cette ressource, qui renvoie

en fait à l’implantation du parti, peut être plus au moins importante. Persuasive, car elle relève

dans une large mesure du normatif, de l’affectif et fait appel à des sentiments (allégeance vis-

à-vis du leader, défense d’une même cause, convivialité, etc.).

Cependant, J.-P. LACAM signale combien « l’entrepreneur politique dont la carrière

est fortement dépendante du soutien d’une organisation partisane n’a pas toute latitude dans la

gestion de son stock de ressources »72. Or, les militants ne peuvent pas être tout à fait

considérés comme un simple stock de ressources, mobilisés à la convenance du leader ; ils

possèdent leurs stratégies propres et peuvent cesser de militer à tout moment. Comme le

précise J. LAGROYE « la présence de groupes importants de militants dans un parti politique

a généralement pour effet le développement de tensions, voire de conflits, entre ces groupes et

les professionnels, notamment les élus »73. L’entrepreneur politique doit donc savoir et

pouvoir mobiliser les militants (par son autorité, son charisme, les gratifications qu’il

propose, etc.), ce qui en soit constitue une contrainte forte.

Ce modèle a le mérite de proposer une vision plus complexe du phénomène militant,

entendu comme un ensemble d’échanges (de services, de gratifications en retour) et de

contraintes (sur les stratégies des militants par le leader, sur celles du leader par les militants).

Les approches « économicistes » du militantisme politique fournissent une définition

du militant comme un exécutant, un courtier de l’entreprise partisane, une ressource pour

l’homme politique professionnel, et considère le militantisme comme une activité rétribuée

mais toutefois volontaire. Elles prolongent la théorie organisationnelle dans la mesure où elles

70 Jean-Patrice LACAM. « Le politicien investisseur : Un modèle d’interprétation de la gestion des ressources politiques », Revue Française de Science Politique, 38(1), fév. 1988. 71 Jean-Patrice LACAM. Ibid., p. 24. 72 Jean-Patrice LACAM. Ibid., p. 36. 73 Jacques LAGROYE. Sociologie Politique. Paris : Dalloz - Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, p. 228.

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fournissent un modèle interprétatif des relations qui existent à l’intérieur de l’organisation

mais elles tentent de la dépasser car elles cherchent à dévoiler des phénomènes cachés, y

compris aux yeux mêmes des acteurs (rétributions occultées par l’idéologie, possession d’un

capital politique particulier, etc.).

Les théories scientifiques du militantisme présentées ici confirment dans une grande

mesure les trois caractéristiques inférées des définitions du langage commun. Le militantisme

est, en effet, défini comme une activité fortement dépendante d’un certain type d’organisation

partisane (M. DUVERGER), impliquant, de plus, un conflit (modèle du militant

révolutionnaire) ou du moins une concurrence sur le marché politique (théories

« économicistes »), et enfin, à laquelle l’individu prend une part active (théories

psychologiques).

On peut donc organiser les théories scientifiques du militantisme politique en un

ensemble ordonné suivant le découpage en trois pôles proposé au chapitre précédent. Sous le

pôle de l’organisation (O.), il est possible de classer l’approche de M. DUVERGER mais

aussi celle de D. GAXIE qui se réfère directement à la distinction «duvergienne», et celle de

M. OFFERLE pour qui l’organisation reste prédominante. Sous le pôle de la conflictualité

(C.) se situe le modèle du politicien investisseur de J.-P. LACAM qui insiste sur le

militantisme comme ressource mobilisable dans la lutte politique. Sous le pôle de l’individu

(I.) on retrouve les approches psychologiques (M. LECOINTE, J.-M. DONEGANI, J.

PENEFF).

D’autres approches appartiennent à deux pôles simultanément : l’approche marxiste-

léninisme aux pôles O. et C. car elle insiste à la fois sur l’organisation et sur la dimension

conflictuelle du militantisme ; celle de L. SEVE aux pôles I. et C. car la volonté de

désaliénation qu’il propose comme raison du militantisme renvoie à la participation de

l’individu aux luttes sociales ; enfin, celle de P. ANSART aux pôle I. et O., puisque cet auteur

propose d’étudier le rôle affectif de l’organisation sur ces militants (cf. schéma 2).

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O.M.DUVERGER

D.GAXIEM.OFFERLE

P.ANSART LENINEM

J.PENEFF J.-P.LACAMJ.-M. DONEGANI L.SEVEM.LECOINTE

I. C.

SCHEMA 2 : Champ organisé des théories du militantisme selon les pôles O., C., I.

Avant de parvenir à la phase de reformulation du concept, ou reconceptualisation dans

le langage de G. SARTORI, il reste à recueillir, comme pour les définitions théoriques, un

nombre représentatif de définitions empiriques du militantisme, ce qui permettra de saisir la

façon dont les politistes ont tenté d’appréhender la réalité militante.

Page 37: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

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CHAPITRE 3 Les définitions empiriques du militantisme

Page 38: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

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« La sélection des variables repose sur un découpage de la réalité qui présuppose une conceptualisation fondée sur des hypothèses ; la vérification d’une hypothèse généralisante est un acte de validation d’une théorie ; la construction d’indices ne se ferait pas sans une référence à une réalité induite, donc théorique. » Alfred GROSSER74

L’ultime étape avant la reformulation du concept de militantisme consiste à rassembler

les définitions empiriques de celui-ci proposées dans la littérature de science politique. Les

définitions empiriques, à la différence des définitions théoriques ne « déclarent » pas un sens

présumé du concept, mais cherchent à en déterminer les contours. Elles tracent donc des

lignes et des frontières dans le « continuum » des faits sociaux, elles isolent en quantifiant,

elles classent en comptant.

Les études empiriques sur le militantisme, quasi inexistantes avant les années 1970, se

sont multipliées dans les vingt dernières années. Il ne s’agit donc pas ici d’en faire le

recensement exhaustif mais de signaler, d’une part, quels sont les différents modes

d’approches privilégiés, et d’autre part, de faire une présentation critique des critères de

mesure retenus dans ces enquêtes.

1) Deux modes privilégiés d’approche :

Il apparaît clairement, comme le signale F. SUBILEAU75, que deux modes d’approche

ont été utilisés de façon privilégiée par les chercheurs en science politique dans l’étude

empirique du militantisme. D’une part, l’approche sociographique qui cherche à mettre à jour 74 Alfred GROSSER. Op. cit., p. 43. 75 Françoise SUBILEAU. Op. Cit., p. 1049.

Page 39: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

39

les conditions sociales du militantisme ; et, d’autre part, l’approche psychosociologique qui

étudie en priorité les univers idéologiques, culturels, les représentations des militants. En

pratique, la distinction n’est pas si tranchée et une étude sérieuse sur le militantisme retiendra

les deux modes d’approche.

1.1/ L’approche sociographique :

Les enquêtes sociographiques cherchent à mettre à jour les variables explicatives de

l’activité militante. L’âge, le sexe, la religion, le niveau d’études, la profession, parmi bien

d’autres, sont des variables qui paraissent indispensables pour savoir qui milite. Il est possible

toutefois de distinguer les approches nationales, enquêtes basées sur des échantillons

nationaux, et les enquêtes régionales beaucoup plus nombreuses que les premières.

Si les enquêtes sur des échantillons nationaux de militants sont rares, elles ont le

mérite de permettre de généraliser les constatations opérées à l’ensemble des militants d’un

parti politique. Il est possible de citer deux exemples significatifs de ce mode d’approche.

P. HARDOUIN76, dans un article de 1978, effectue une étude à partir d’un sondage au

cinquième du fichier national du Parti Socialiste. Dans cette enquête, l’auteur montre le

caractère interclassiste de ce parti, la sur-représentation des catégories privilégiées et la sous-

représentation des couches populaires. Il met en lumière certains « facteurs structurants » de

l’adhésion au parti : le niveau élevé d’éducation, l’appartenance au corps enseignant,

l’exercice d’une activité professionnelle.

Par une approche sociographique similaire, R. CAYROL et Y. TAVERNIER, à partir

d’un sondage au dixième du fichier national du PSU en 1969, montrent que ce parti qui a

perdu entre 1960 et 1968 près des trois quarts de ces adhérents a su se renouveler en recrutant

principalement dans les milieux intellectuels et dans les catégories les plus jeunes.

Cette approche permet donc de décrire avec une certaine précision le profil socio-

démographique des adhérents d’un parti ainsi que les mouvements quantitatifs de recul ou de

renouvellement de la base. Toutefois elle ne peut isoler les militants des adhérents dans la

mesure où les fichiers des partis ne distinguent pas ces catégories.

76 Patrick HARDOUIN. « Les caractéristiques sociologiques du Parti Socialiste ». Revue Française de Science Politique, 28(2), avril 1978.

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Les enquêtes régionales sont plus nombreuses et il est difficile de rendre compte de

toutes. On peut toutefois citer l’importante contribution de J. LAGROYE, G. LORD, L.

MOUNIER-CHAZEL et J. PALARD77 sur les militants politiques dans trois partis (le PCF, le

PS et l’UNR) en Gironde. Cette enquête fournit un ensemble d’indications sur les

caractéristiques sociales des militants de ces trois partis (milieux professionnels, éducation

familiale et religieuse, sexe, âge), mais aussi sur leurs pratiques politiques, leurs itinéraires,

leur conception du rôle du militant et leurs choix idéologiques. Les auteurs en viennent à

distinguer des types de militantisme d’une organisation partisane à l’autre : le PCF est un

parti fortement centralisé dans lequel les militants apparaissent « comme fortement motivés

en matière idéologique, accordant une grande importance à la formation doctrinale et

privilégiant les objectifs politiques généraux sur les préoccupations électorales »78 ; le

militant socialiste quant à lui accepterait plus facilement les enjeux électoraux bien qu’il se

tourne essentiellement vers l’action sociale ; le militant gaulliste, enfin, est le plus tourné vers

la lutte électorale bien qu’il aspire à diffuser par d’autres activités les thèmes gaullistes.

Mais, il convient de remarquer que les recherches les plus récentes sur le phénomène

militant ne font pas l’économie de cette approche sociographique. Ainsi H. REY et F.

SUBILEAU79 dans leur étude sur les militants du parti socialiste après l’arrivée au pouvoir de

ce parti, en décrivent les « profils sociaux ». Car pour comprendre ce qu’est le militantisme au

PS, il faut saisir la nature même du parti, qui, si elle réside dans son projet politique et

idéologique, tient aussi pour une grande part dans les caractéristiques mêmes de ses

membres.

C’est là le coeur de l’approche sociographique qui peut se résumer dans un schéma

simple proposé par M. OFFERLE80. Le militantisme est expliqué par l’état de l’offre

politique, c’est-à-dire les partis politiques en présence sur le marché politique, mais aussi par

les dispositions différentielles au militantisme qui sont dépendantes des facteurs sociaux-

démographiques : l’âge, le sexe, la position sociale, l’origine sociale. Ce modèle aboutissant à

l’établissement de « types différentiels de militantisme ».

77 Jacques LAGROYE et al. Les militants politiques dans trois partis français. Paris : PEDONE, 1976. 78 Jacques LAGROYE et al. Ibid., p. 150. 79 Henri REY, Françoise SUBILEAU. Les militants socialistes à l’épreuve du pouvoir. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991. 80 cf. schéma 3.

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Mais les études présentées ici rejoignent en fait directement les théories

organisationnelles du militantisme, car le militantisme politique est fonction de la nature de

l’organisation partisane. L’analyse des conditions sociales du phénomène militant va de pair

avec l’analyse des caractéristiques organisationnelles des partis politiques. Cette approche

socio-démographique permet donc de mettre à jour des types différenciés de militantisme

d’un parti à un autre.

SCHEMA 3 : Les « facteurs » sociaux du militantisme81.

1.2/ Les enquêtes psychosociales :

Si l’approche sociographique peut être considérée comme le pendant empirique des

théories organisationnelles, les approches psychosociales se rapprochent des théories

psychologiques du militantisme. Elles cherchent à mettre en évidence les systèmes de valeurs,

de symboles, de représentations, de visions du monde propres aux militants. Elles tentent de

déterminer les « univers idéologiques » qui commandent l’adhésion et le militantisme. Ce

type d’approche est très récent dans la mesure où il ne figure pas au tableau des études sur le

militantisme dressé par F. SUBILEAU82. Il est toutefois possible de citer trois contributions

représentatives de ce mode d’approche : d’une part, celles, assez classiques, de C. YSMAL

sur l’univers politique des militants RPR, et de F. SUBILEAU et H. REY sur les militants

socialistes, qui se rattachent toutefois à l’approche sociographique tout en la complétant ;

d’autre part, un exemple d’étude de psychologie sociale dans la lignée de S. MOSCOVICI83.

81 Michel OFFERLE. Op. cit., p. 74. 82 Françoise SUBILEAU. « Le militantisme dans les partis politiques sous la cinquième République : état des travaux de langue Française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981. 83 Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. « Un parti et ses militants : synchronisations et ruptures ». Bulletin de psychologie, 40(379), mars 1987.

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En 1984, C. YSMAL84 étudie l’univers politique des militants du RPR à partir d’une

enquête réalisée auprès des délégués de ce parti à un congrès extraordinaire. Elle montre que

le RPR constitue une tendance originale au sein de la droite française : tradition gaulliste

revendiquée par les militants, mépris des partis, dirigisme économique, conservatisme et

nationalisme. La méthode consiste ici à poser aux militants des questions faisant dans une

large partie intervenir leur subjectivité, puis de les croiser avec les données classiques

recueillies par l’analyse sociographique : situation sur l’axe gauche-droite, notes à attribuer

aux partis politiques et aux syndicats, perception des problèmes politiques... Cette approche

complète parfaitement l’approche sociographique car elle rend perceptible les catégories de

jugement, de pensée et de représentations des « indigènes », ici des militants politiques, qui si

elles sont produites socialement servent de support subjectif aux pratiques de ces militants.

De façon identique, H. REY et F. SUBILEAU, dans leur étude sur les militants

socialistes, mettent en évidence les « systèmes de valeurs » propres à cette catégorie de

militants. Ils ont, en effet, remarqué que s’il existe un certain consensus idéologique de base

parmi les militants socialistes, il existe au moins deux conceptions opposées de la politique :

d’une part, les militants attachés aux valeurs de la laïcité auxquels s’opposent ceux attachés à

celle de l’autogestion. Les auteurs prouvent ainsi qu’un parti politique, du point de vue de ses

militants, n’est pas un tout homogène idéologiquement.

Enfin, il est possible de signaler une contribution originale de psychologie sociale

appliquée à l’étude du phénomène militant. Une équipe de chercheurs du laboratoire

« personnalisation et changements sociaux » du CNRS a, en effet, entrepris d’étudier, en

1987, les changements qui interviennent dans les représentations politiques de militants

communistes et les relations entretenues entre ces représentations et les positions officielles

du parti. Les auteurs ont donc fait intervenir la variable temps en faisant passer un

questionnaire identique à deux moments différents (en 1980, puis en 1982). Ils constatent, en

premier lieu, qu’il existe au sein des militants trois représentations différentes de l’union de la

gauche. La représentation dominante en T1 est celle qui, loin de refuser l’union, entend

privilégier les luttes sociales et l’action militante au sein du PCF. De plus les auteurs montrent

que les militants se référant à l’une de ces trois opinions en changent entre T1 et T2. La

représentation majoritaire en 1982, alors que le PCF partage le pouvoir avec le PS, est celle

84 Colette YSMAL. « L’univers politique des militants RPR ». Pouvoirs, 28, 1984.

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de l’union entendue comme moyen de promouvoir des réformes sociales plus que pour

changer radicalement la société.

Mais l’originalité de cette approche réside dans le fait que les auteurs construisent une

typologie des militants selon leur position en T1 et T2 et leur accord ou désaccord avec le

parti. Quatre cas de figure sont à distinguer : 1) les militants qui, en T1, étaient d’accord avec

les positions de leur parti et le reste en T2 ; 2) ceux qui étaient d’accord en T1 et ne le sont

plus en T2 ; 3) ceux qui, en T1, étaient en désaccord et le sont aussi en T2 ; 4) ceux qui

étaient en désaccord en T1 et se trouvent d’accord en T2. Les auteurs relèvent donc « la

multiplicité des positions et des itinéraires, au sein d’une même organisation, sur un même

problème, lequel n’en reste pas moins le lieu d’un projet collectif et d’une action

commune »85. Le problème posé ici est bien celui du choix de la fidélité ou de l’indépendance

d’esprit des militants, de l’homogénéité des représentations politiques et idéologiques ou de

leur hétérogénéité au sein d’une même formation politique. Cette étude a le grand mérite de

souligner l’existence d’une pluralité de sensibilités parmi les militants politiques. Il n’y aurait

donc pas un « univers » de représentations et de valeurs mais plusieurs en conflit les uns les

autres et en opposition ou en phase avec les positions officielles du parti.

L’approche psychosociale permet de rappeler que derrière les structures de

l’organisation, les rétributions, les déterminants sociaux-démographiques, etc., le militant est

aussi un individu qui « croit » en quelque chose, qui partage certaines valeurs, qui a du

monde, de la société et de l’histoire une certaine vision, qui, enfin, est prêt à agir dans la

défense de ses valeurs et ses opinions. Cette approche dénonce, enfin, l’illusion de

l’homogénéité idéologique d’un parti politique. A cet égard, elle permet d’insister sur le fait

qu’il existe en réalité, au sein d’une même organisation partisane, différents types de

militants.

Toutefois ces différents modes d’approches empiriques doivent se doter de critères

opérationnels de mesure et de classement du militantisme qui doivent permettre

l’objectivation d’un groupe déterminé d’acteurs. C’est à ces critères qu’il convient de

s’intéresser à présent.

2) Les critères de mesure du militantisme :

85 Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. Op. cit., p. 218.

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En 1951 déjà M. DUVERGER prenait acte de l’impossibilité de définir un « taux de

militantisme exprimant en pourcentage le nombre des militants par rapport à celui des

adhérents »86. Cette impossibilité résidait, et réside toujours, dans « l’imprécision de la

catégorie qu’il s’agit de dénombrer »87. Comment en effet distinguer les militants des

adhérents, des permanents, voire des cadres ? L’affaire devient de plus en plus compliquée

quand les élus revendiquent pour eux-mêmes le titre de militant. Cependant la nécessité de

délimiter une catégorie permettant de l’étudier d’un point de vue scientifique a conduit

plusieurs chercheurs à proposer différentes solutions à ce problème. On peut en retenir trois :

tout d’abord le critère subjectif par excellence de l’auto-évaluation ; ensuite, les critères

objectifs de mesure du militantisme ; et, enfin, la mesure du militantisme par les congrès.

2.1/ L’auto-évaluation :

Demander aux personnes interrogées de s’évaluer elles-mêmes comme simple

adhérent, militant actif ou épisodique, peut être un bon moyen de distinguer les militants des

autres catégories de personnel partisan. L’intérêt d’une telle évaluation est de faire intervenir

des données purement subjectives, telles que l’estime de soi, la comparaison avec d’autres

militants,... Car en s’évaluant soi-même le militant évalue aussi les autres. Mais si cet indice

fournit des indications précieuses, il reste que « globalement le nombre des militants (par

auto-estimation) excède celui des militants de fait »88.

Ainsi cette évaluation subjective du militantisme si elle est nécessaire n’en est pas

moins insuffisante et doit être relayée par une mesure plus objective de ce phénomène.

2.2/ Les critères objectifs du militantisme :

Toute étude empirique cherche à quantifier, à dénombrer et donc à classer la réalité.

Dans le cas du militantisme les études empiriques partent quasiment toutes de la définition

donnée par M. DUVERGER du militantisme entendu comme activisme. Ainsi appréhendé, il

est possible de le mesurer. Par exemple, l’étude menée, entre autres, par J. LAGROYE sur les

militants politiques dans trois partis, fournit un bon exemple d’une volonté de saisir le

86 Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10ème Ed.), p. 175. 87 Maurice DUVERGER. Op. cit., p. 175. 88Jacques LAGROYE et al. Op. cit., p. 133.

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militantisme par des critères objectifs. Les auteurs ont en effet mis en évidence quatre critères

devant rendre compte de l’intensité de l’engagement partisan propre au militant : la continuité

dans l’action, la participation aux tâches les plus décisives pour le bon fonctionnement de

l’organisation, le dévouement et l’intérêt pour les réunions et les congrès89. A partir de ces

critères les auteurs construisent une variable de mesure comportant trois éléments : 1) la

participation régulière aux réunions du parti ; 2) le temps consacré chaque semaine aux

activités partisanes (au moins trois heures hebdomadaires étant la limite) ; 3) les activités

auxquelles l’adhérents consacre le plus de temps et la participation à des congrès nationaux

ou départementaux. Mais on peut reprocher à ces critères d’être un peu trop exigeants, et

comme les auteurs le signalent eux-mêmes de « révéler seulement des groupes de « super-

militants » »90. De plus, en traçant des limites assez arbitraires, la définition de critères

objectifs du miliatntisme, situent hors de la définition de militants des individus sont plus que

de simples adhérents et qui s’engagent dans le parti.

De façon identique, H. REY et F. SUBILEAU cherchent à mesurer la continuité dans

l’action qui est pour eux l’élément central qui distingue les militants des adhérents : « il

existe, en effet, une différence de nature entre un soutien actif de longue durée à une cause

collective et la participation ponctuelle ou même épisodique à des actions sectorielles »91.

Cependant, une telle différence suffit-elle pour établir une limite infranchissable entre

adhérents et militants? En fait il semble qu’une telle définition du militantisme renvoie

implicitement à une conception de gauche de ce phénomène, c’est-à-dire considérant le

militant comme un activiste dévoué corps et âme, et continuellement à la cause. Or, on peut

penser que dans les organisations de droite, le militant est moins constamment mobilisé et agit

de façon relativement intermittente ; principalement lors des périodes électorales. Il paraît

difficile de parler alors de simple adhérent.

Pour en finir avec les critères objectifs du militantisme, on peut citer la tentative de

construction par K. JANDA92 d’un critère de mesure de la participation partisane

(« involvement ») faisant intervenir plusieurs variables simultanément. Six variables

participent à la constitution de ce critère : 1) une échelle des exigences à l’entrée (inscription,

89 Jacques LAGROYE et al. Ibid., p. 11. 90Jacques LAGROYE et al. Op. cit., p. 11. 91 Henri REY, Françoise SUBILEAU. Op. cit., p. 18. 92 Kenneth JANDA. Political parties : a cross national survey. Londres : The Free Prees, 1980.

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46

cotisation, période probatoire avant l’adhésion) ; 2) une échelle d’implication partisane (les

adhérents nominaux, les intermittents - marginal members -, les participants réguliers, enfin

les militants qui participent à presque toutes les activités du parti) ; 3) un système de

rétributions matérielles; 4) un système de rétributions « idéologiques » ; 5) l’intensité de la

doctrine partisane ; 5) le poids du leader.

Ce critère très complet permet de distinguer assez finement les différentes catégories

du personnel partisan en croisant de multiples variables. On peut toutefois lui reprocher de

réserver le terme « militants » aux groupes les plus actifs et les plus impliqués dans l’activité

du parti et d’oublier des aspects fondamentaux comme le cumul de positions militantes. Il

reste toutefois qu’un tel critère permet de restituer toute la complexité du phénomène militant.

2.3/ La mesure du militantisme par les congrès :

Un dernier moyen de mesure du militantisme a été proposé par R. CAYROL et C.

YSMAL. Il s’agit d’étudier les militants en passant par l’intermédiaire des Congrès des partis

politiques, car ceux-ci « rassemblent en un moment solennisé par la culture politique de

l’organisation, tous les animateurs du parti, considérés à ses différents degrés d’activité :

leaders nationaux et locaux, cadres intermédiaires et représentants actifs de la base » 93. On

serait donc en contact avec la « chair militante de l’organisation, avec ceux qui la font vivre et

agir à tous les niveaux »94. Il serait alors possible d’étudier les données socio-

démographiques, idéologiques, culturelles des représentants des militants de base et d’en

inférer la réalité du militantisme dans un parti donné. Or, il apparaît clairement qu’une telle

approche pêche par manque de représentativité. En étudiant les représentants aux congrès, on

étudie les militants les plus actifs, les plus impliqués dans l’organisation, ceux qui sont en

voie de professionnalisation, c’est-à-dire les cadres, et non les militants de base. L’enquête de

P. BRECHON, J. DERVILLE et P. LECOMTE sur les cadres du RPR est à cet égard

significative. Les auteurs mettent en évidence un type si particulier de militants, les délégués

aux congrès du RPR, qu’il est légitime de se demander s’il s’agit toujours de militants. En

fait, cette approche met en évidence, une nouvelle fois, l’aspect complexe et pluriel de ce

phénomène qui ne peut se ramener à une forme unique.

93 Roland CAYROL, Colette YSMAL. « Les militants du PS originalité et diversité ». Projet, 165, mai 1982, p. 572. 94 Roland CAYROL, Colette YSMAL. Ibid., p. 572.

Page 47: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

47

Il apparaît ainsi qu’aucun critère de mesure ne puisse rendre parfaitement compte

d’une réalité qui en soit est multiforme. Les critères trop simples risquent de donner une

définition restrictive au concept de militantisme, tandis que les critères les plus complexes

risquent d’étendre son champ d’application à des réalités qui sortent de la définition théorique

du militantisme (adhérents, cadres, élus). Entre ces deux maux il semble que le second soit le

moindre, à condition de reformuler le concept de sorte qu’il intègre dans sa définition une

même réalité mais qui en soit est plurielle. Autrement dit, contre l’illusion d’un militantisme

défini par une dimension et un critère uniques, il convient de retrouver toute la variété des

types de militants dans une seule et même définition.

Page 48: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

48

RECONSTRUCTION DU CONCEPT DE MILITANTISME

Le modèle O., C., I.

Page 49: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

49

La dernière étape de l’analyse des concepts proposée par G. SARTORI consiste à

reconstruire le concept étudié. Après avoir déterminé les principales caractéristiques qui

définissent le concept de militantisme, il est nécessaire de formuler, d’une part, une

conceptualisation qui élimine toute imprécision et ambiguïté de ce concept, et d’autre part, de

proposer une définition opérationnelle mobilisable dans une enquête empirique.

L’analyse sémantique du terme « militantisme » a permis de mettre à jour les trois

principales caractéristiques contenues dans celui-ci, à savoir l’organisation, l’individu et la

conflictualité. A son tour, l’analyse des définitions théoriques a confirmé ce découpage. Il

apparaît, en fait, qu’aucune définition du militantisme n’est valable si au moins l’une de ces

caractéristiques est absente. Le militantisme est tout aussi inconcevable si l’organisation ou

l’individu fait défaut, ce qui est évident. Ce qui l’est peut-être moins c’est l’impossibilité de

penser le militantisme sans la dimension du conflit. Car le militantisme implique un combat

pour une « cause », une lutte, euphémisée dans le cadre de la vie politique démocratique.

Toute autre forme d’engagement public qui rassemblerait les deux premières caractéristiques

mais non cette dernière doit, en toute logique, être définie autrement : on parlera alors de

bénévolat, de volontariat mais pas de militantisme. Ces trois caractéristiques sont donc en fait

des conditions sine qua non de l’existence du militantisme.

Il est donc possible de partir de ces trois éléments qui définissent trois pôles de

caractéristiques pour reformuler le concept de militantisme (cf. schéma 4).

Page 50: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

50

Le pôle de l’organisation (O.) définit les chances objectives de militer ainsi que les

modalités pratiques du fonctionnement de l’activité militante. Le type d’organisation

(association, syndicat, parti ; parti de cadres, de masse, etc.) définit le type de militantisme.

L’organisation fournit les buts (conquête du pouvoir) et les moyens (rétributions) du

militantisme.

Le pôle de l’individu (I.) renvoie à l’aspect volontaire de l’engagement militant.

L’individu a des motivations, des intérêts particuliers mais aussi des besoins psychologiques

qui le conduisent à s’engager dans la défense de telle ou telle cause, à adhérer à telle ou telle

organisation. De plus, son itinéraire personnel et l’héritage politique qu’il a pu recevoir le

prédispose plus au moins à cette même fin.

Enfin, le pôle de la conflictualité (C.) détermine les enjeux de la lutte, c’est-à-dire la

« cause » défendue. Il renvoie directement à l’aspect idéologique ou doctrinaire du

militantisme. L’idéologie fournit un programme d’action, définit les buts de celle-ci, les

adversaires et les obstacles à surmonter. Elle répond à la question posée par Lénine : « que

faire ? ». Ce qui suppose de répondre aussi aux questions de savoir « qui doit le faire ?» et

« contre qui le faire ?».

De plus il est possible de déterminer entre ces trois pôles trois formes d’interactions ou

d’échanges, qui constituent à proprement parler les moteurs du militantisme politique.

L’interaction entre les pôles O. et I. renvoie au processus complexe d’échanges qui

s’effectue entre l’individu et l’organisation. L’individu trouve auprès de l’organisation des

chances objectives de militer qui répondent à ses motivations et à ses besoins psychologiques.

L’organisation et ses dirigeants trouvent dans l’échange une ressource pour le fonctionnement

même de l’organisation, ressource qu’il faut « payer » par la distribution de gratifications.

Cette interaction rend possible l’intégration des individus à l’organisation et le

fonctionnement de cette dernière.

La seconde interaction qu’il est possible de relever engage les pôles I. et C. En

s’engageant dans la défense d’une cause l’individu adhère implicitement à un système plus ou

moins structuré de valeurs, d’idées et de représentations du monde, soit à une doctrine, soit à

une idéologie. Pour l’individu, ce système fournit, d’une part, une explication des

phénomènes politiques, de l’autre, des critères d’évaluation de ce qui est juste et injuste, bien

et mal, et enfin, renforce le sentiment d’identité et d’appartenance collective. En échange, les

Page 51: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

51

individus qui adhèrent à ce système concourent à son maintien et à sa circulation, c’est-à-dire

à sa reproduction.

La dernière interaction s’effectue entre les pôle C. et O. L’organisation mobilise une

idéologie ou une doctrine particulière dans la concurrence avec les autres organisations. Le

pôle C. définit les buts idéologiques poursuivis par l’organisation, détermine ses adversaires

et les justifications morales de l’action menée. En échange, l’organisation exprime

l’idéologie, institutionnalise la cause, instrumentalise les idées et les valeurs.

En outre, il faut préciser que le militantisme est une activité qui dépend largement du

contexte dans lequel elle se situe. Il est possible de distinguer trois environnements

déterminants du militantisme : l’environnement social, l’environnement politique et

l’environnement idéologique.

L’environnement social détermine le pôle I. L’approche socio-graphique a, en effet,

montré que le militantisme dépendait largement de l’origine et de la position sociales ainsi

que des caractéristiques socio-démographiques (âge, sexe, etc.) des individus. Si

l’engagement militant est « formellement » libre, l’individu ne milite toutefois pas au hasard.

L’environnement politique détermine le pôle O. Il s’agit ici de la conjoncture et de

l’offre politiques. La première renvoie aux « temps politiques » : élections, changements de

régime, événements fondamentaux, etc. L’offre politique quant à elle définit l’état des forces

politiques à un moment donné.

L’environnement idéologique, enfin, détermine le pôle C. Cet environnement définit

l’état des luttes socio-politiques à un moment précis ainsi que l’offre idéologique. La

disparition d’idéologies (comme le communisme) ou bien encore l’apparition de nouveaux

enjeux définissant de nouvelles causes (comme celui de l’environnement) modèlent les

conflits, les oppositions dont se nourrit le militantisme.

Il apparaît donc que le militantisme ne peut être compris hors de l’étude des contextes

spatio-temporels qui en définissent la nature différentielle. Car le militantisme se transforme

dans le temps ; il subit les modifications historiques de ces trois environnements. Toutefois, il

manque à l’heure actuelle une socio-histoire du militantisme qui mettrait à jour les

transformations de cette pratique. De plus, on peut faire l’hypothèse que les formes du

militantisme varient dans l’espace, selon les lieux d’implantation des organisations politiques

:

Page 52: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

52

Page 53: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

53

le militantisme communiste à Halluin95, par exemple, connaît des spécificités qui relèvent de

la géographie.

Pour résumer, le militantisme est ici conçu comme un processus complexe

d’interactions entre trois éléments fondamentaux. Cette définition présente à nos yeux le

mérite de rompre avec certaines illusions : illusion des définitions idéologiques du

militantisme qui tendent à dire que le militantisme ne peut être que de gauche, illusion des

définitions théoriques ne faisant intervenir qu’un seul élément caractéristique (approches

organisationnelles, psychologiques, etc.). Au contraire, elle permet de mettre en évidence

l’aspect pluriel de cette activité politique. Il n’y a pas une forme unique et figée de

militantisme, mais plusieurs, différentes, selon le type d’organisation (syndicats, associations,

partis), l’idéologie mobilisée, la « cause » défendue, les individus engagés.

De plus, cette définition, en contextualisant le militantisme, rappelle qu’aucune

activité sociale et politique n’échappe aux mouvements de son environnement. Ainsi la crise

du militantisme pourrait être interprétée à l’aune de ce modèle. Ce phénomène correspondrait

à la disparition ou l’atrophie d’un des trois pôles O., C. ou I. Par exemple, l’affaiblissement

des grands systèmes d’idées, le marxisme en tête, l’effacement des conflits idéologiques,

c’est-à-dire la transformation radicale du pôle C. a des conséquences sur les deux autres pôles

: perte d’identité chez les individus, perte, pour l’organisation, des buts et objectifs

traditionnellement défendus, etc. De façon identique, le renouveau du militantisme peut

s’expliquer par les transformations des pôles O. et C. : l’apparition de nouveaux enjeux (la

lutte pour la protection de l’environnement, la lutte contre l’extrême-droite et le racisme, la

lutte contre le SIDA, etc.) définit de nouvelles attentes que de nouvelles organisations

viennent combler (essentiellement des associations).

Enfin, il convient de proposer une définition opérationnelle du militantisme, liée à

cette définition théorique, avant de l’appliquer au cas pratique du RPR. Les enquêtes

empiriques sur le militantisme politique se sont toutes heurtées à la difficulté de définir le

militant. Plusieurs solutions ont été adoptées, comme nous l’avons vu précédemment, mais

aucune, nous semble-t-il, ne permet de rendre compte de la pluralité de situations que le terme

militant recouvre. 95 Michel HASTINGS. Halluin, la Rouge , 1919-1939 : aspects d’un communisme identitaire. Lille : Presses

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54

Dans une logique de minimisation de la perte d’information inhérente à tout

découpage de la réalité sociale, nous utiliserons dans le cadre de l’enquête envisagée un

critère de militantisme croisant plusieurs variables à la fois subjectives et objectives :

1/ le système de motivations des militants (raisons d’adhérer et de militer) ;

2/ l’auto-évaluation par les individus eux-mêmes de leur situation (simple adhérents,

militant intermittent, militant actif) ;

3/ l’implication dans les activités partisanes (type d’activités effectuées, temps

consacré, fréquence, etc.) ;

4/ l’implication dans les activités extérieures (cumul de positions militantes dans les

associations, syndicats, etc.) ;

5/ le système de rétributions reçues et attendues par les militants (collectives,

sélectives, symboliques, matérielles, etc.).

6/ la fidélité aux principes idéologiques défendus par l’organisation.

Il semble dès lors possible grâce à un indicateur de ce type de saisir la complexité des

situations militantes en comprenant, ce que notre reconceptualisation théorique nous amenait

à faire, le militantisme non comme un ensemble d’activités effectuées volontairement par un

groupe d’individus clairement défini et différencié d’autres groupes (adhérents, permanents,

élus), mais comme un ensemble d’attributs définissant des types particuliers. Ainsi selon les

huit variables de ce critère, il sera possible de distinguer différentes catégories de militants.

A présent que les outils tant théoriques qu’empiriques sont définis, il convient de les

confronter à la réalité, et précisément au phénomène militant dans un parti politique de droite,

le RPR.

Universitaires de Lille, 1991.

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55

SECONDE PARTIE

Les formes du militantisme au RPR

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La reconceptualisation théorique, à laquelle conduit l’analyse sartorienne du concept

de militantisme, semble offrir les moyens d’une réflexion empirique sur le phénomène

militant dans une organisation politique de droite. Le choix du Rassemblement Pour la

République comme terrain d’application de ce modèle interprétatif du militantisme politique

se justifie par, au moins, deux raisons.

La première est que le RPR représente aujourd’hui l’un des premiers partis de France

en terme d’adhérents (200 00096 en 1992), et se place presque à hauteur du PCF (220 000 en

1990) et devant le PS (125 000 en 1992). De plus, force est de constater la capacité de cette

formation à mobiliser en permanence, pour l’action politique, des hommes et des femmes

dévoués, des militants. Refuser de voir cette évidence, au titre que le militantisme ne peut

appartenir qu’à une culture de gauche, c’est passer à côté de l’une des réalités de la vie

politique de notre pays.

La seconde raison, qui motive une telle enquête, est que cette puissante militante a été

étudiée, très peu du reste, avec des outils théoriques inadaptées. Les définitions théoriques du

militantisme, comme nous l’avons vu précédemment, décrivent essentiellement la réalité du

militantisme tel qu’il se pratique dans les organisations de gauche : fortement structuré par

l’organisation, caractérisé par un fort dévouement au parti, par une fidélité sans faille à

l’idéologie. Au contraire, sans privilégier, dans sa définition du militantisme, un élément

(organisation, individu ou idéologie) au profit d’un autre, le modèle O., C., I. restitue toute la 96 chiffres estimés par Colette YSMAL. « Transformations du militantisme et déclin des partis ». L’engagement politique : déclin ou mutation. (pré-actes du colloque, 4-6/03/1993). Paris : CEVIPOF, 1993, p. 363.

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complexité de ce phénomène que l’on ne peut réduire à des définitions unidimensionnelles,

par trop réductrices. Et partant, il ne décrivant pas une réalité a priori, peut s’appliquer à

toutes les formes du militantisme politique (partisan, syndical ou associatif).

Nous chercherons donc, ici, à confronter ce modèle théorique à la réalité du

militantisme au RPR, dans un contexte particulier, celui de la capitale. Nous chercherons à

mettre à jour, les formes différenciées que peut revêtir cette pratique dans une organisation de

droite. Pour ce faire, nous tenterons de construire, grâce à l’indicateur définit précédemment,

une typologie des militants du RPR qui permettra de saisir les spécificités de ce mode

d’engagement politique.

Cependant, pour y parvenir, il convient d’analyser, successivement et préalablement,

les trois pôles constitutifs du modèle O., C., I.

Dans un premier temps, nous spécifierons le pôle individuel. L’analyse suppose ici de

déterminer d’abord l’environnement social des adhérents du RPR avant de préciser les

caractéristiques de leur système de motivations à s’engager personnellement dans l’action

politique (ch. 4). Le second temps de l’analyse doit conduire à préciser le rôle joué par le parti

dans l’organisation du militantisme : définition normative, activités effectuées et système de

rétribution (ch. 5). La dernière étape consistera, enfin, en l’analyse du pôle de la confictualité.

Nous chercherons à déterminer les caractéristiques propres des univers politique et

idéologique des militants du RPR (ch. 6) (cf. annexe 1 pour la méthodologie suivie). Ce n’est

qu’à l’issue de cette étude qu’il sera possible de définir des types différenciés de militants.

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58

CHAPITRE 4 L’engagement individuel

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59

Le modèle O., C., I. incite, en effet, à penser le militantisme comme un construit

complexe de plusieurs éléments en interaction. Aucun des trois éléments constitutifs du

modèle ne dominant dans l’explication du phénomène, il est possible de partir de n’importe

lequel. Toutefois, il semble logique de commencer l’analyse du militantisme au RPR par le

pôle individuel. Il sera ainsi possible de s’interroger sur les motivations, les raisons à adhérer

et à militer de l’individu qui se situent en amont du militantisme proprement dit.

Dans un premier temps, nous mettrons en évidence l’environnement social des

adhérents du RPR. Nous chercherons, plus particulièrement, à préciser quelle est la base

sociale du RPR. La question mérite d’être posée pour au moins deux raisons. D’une part,

parce qu’en nombre d’adhérents, le RPR est aujourd’hui l’un des premiers partis de France.

En 1992, son effectif était estimé à 200 000 adhérents. Pour l’année 1993, le RPR annonce

encore 150 000 adhérents. Or, cette importance numérique de la base a pour conséquence de

lui conférer un pouvoir important sur l’état-major du parti gaulliste. D’autre part, parce que le

RPR représente une véritable force militante dont il faut tenter de connaître l’origine et la

spécificité sociales

Une fois préciser l’environnement social des adhérents du RPR, il convient de passer à

l’explication proprement dite du pôle I., dans le cas pratique du RPR à Paris. Nous nous

attacherons à montrer comment les prédispositions sociales à adhérer se transforment en

adhésions réelles. Nous retiendrons deux aspects fondamentaux, le rôle joué par les

Page 60: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

60

circonstances, et ce que nous appellerons le système de motivations des individus, c’est-à-dire

ce qu’ils attendent et espèrent de leur entrée au RPR.

1) l’environnement social des adhérents du RPR :

Alors que les partis politiques gauche, socialistes et communistes, ont théorisé le

champ dans lequel leur action doit s’orienter, à savoir la classe ouvrière, le prolétariat, etc., le

mouvement gaulliste a, dès son origine, récusé tout découpage de la société en classes ou

groupes sociaux ayant des intérêts divergents que les organisations politiques seraient sensées

représentés et défendre. Le mouvement gaulliste se situe donc au dessus des divisions de

quelques natures quelles soient; il représente le Peuple Français, un et indivisible.

L’organisation politique aux yeux des dirigeants gaullistes n’est pas un parti, mais le

rassemblement de ce peuple. « Le Rassemblement a pour but de réunir tous les hommes et

toutes les femmes de France décidés à remplir leur devoir envers la Nation et à exercer leurs

droits politiques, économiques, sociaux et culturels dans le cadre des institutions de la Ve

République »97.

Cette volonté de rassemblement conduit les dirigeants gaullistes à promouvoir l’image

du RPR comme d’un mouvement qui serait la copie conforme de la société française. A.

Juppé peut ainsi déclarer : « Aujourd’hui, nous sommes le grand mouvement populaire que

nous avons toujours eu l’ambition d’être »98. Cette représentation n’est pas dénuée de tout

fondement. Le mouvement gaulliste est, en effet, la seule formation de droite pouvant

revendiquer comme adhérents des ouvriers, des employés, des artisans et des agriculteurs, en

même temps que des cadres supérieurs, des entrepreneurs, etc..

Mais, dans une large mesure, cette prétention à incarner la réalité sociale de la Nation

Française se heurte à certaines spécificités propres à l’environnement social du mouvement

gaulliste. D’une part, le RPR reste essentiellement un parti d’hommes, bien qu’il est ai connu

une réelle féminisation. D’autre part, c’est un parti de personnes d’âge mûr, malgré un certain

rajeunissement . Enfin, c’est un parti qui recrute essentiellement dans les classes moyennes.

Ces différents éléments constituent un ensemble de facteurs explicatifs de l’adhésion au RPR

; ils constituent un ensemble de prédispositions sociales à l’engagement politique.

97Statuts nationaux du RPR. 1989, article 2 § 1.

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61

1.1/ Une réelle féminisation :

Le sexe puis l’âge fournissent les premiers traits du profil social de l’adhérent du RPR.

Si les hommes restent largement majoritaires, les enquêtes les plus récentes y compris la notre

montrent clairement que le « RPR est le parti français le plus féminin »99 (cf. tableau 1). Si en

1979, le pourcentage officiellement déclaré de femmes au RPR (41,4%100), exagérait

largement la réalité des faits, il n’en reste pas moins que dans les années 1980, le taux de

femmes est

TABLEAU 1 : Sociologie des adhérents du RPR (en %).

1984 1986 1994

SEXEHommes 80 63 61Femmes 20 37 39

AGEmoins de 25 ans 4 3 2425-34 ans 16 11 3135-49 ans 36 21.550-64 ans 34 14plus de 65 ans 4 16 9.5

CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLESAgriculteurs 3.5 5 0 Artisans, commerçants 8 3 7Cadres et professions sup. 34.5 20 20Professions intermédiaires 15 11 27Employés 8 11 7Ouvriers 2 5 3.5Inactifs 21 27 24.5

}75

a b

a: Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris : Economica, 1987. b: Enquête réalisée par Louis Harris entre les 17 et 29 octobre 1986 auprès d’un échantillon de 1000 adhérents du RPR, selon la méthode aléatoire. La PCS est ici celle du chef de ménage et non celle de la personne interrogée.

multiplié par plus de 3. En 1978, une enquête réalisée par R. CAYROL et C. YSMAL auprès

des délégués à un congrès extraordinaire du RPR, enregistrait un taux de 11% de femmes

98Alain JUPPE. Rapport annuel d’activité 1993-1994. 99Colette YSMAL. Les partis politiques sous la Ve République. Paris : Montchrestien, 1989, p. 206. 100Charles PASQUA. Rapport sur la vie du mouvement. Assises nationales du 31/03/1979.

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62

parmi les personnes interrogées. En 1984, le taux s’élève à 20%. 37% en 1986. Et 39% selon

notre enquête en 1994.

Cette population féminine possède ses caractéristiques propres. L’enquête de 1984;

précise que 36% des femmes du RPR sont des inactives. En 1994, on trouve un taux

équivalent de 32,5%. Les actives, 64% en 1984, représente 77,5% dix ans après.

Ce phénomène semble correspondre aux transformations sociales en cours. Les

femmes, plus actives, tendent à calquer leurs pratiques, en matière de politique sur celles des

hommes. Comme l’ont montré J. MOSSUZ-LAVAU et M. SINEAU101, les femmes actives

sont plus intéressées par la politique et plus enclines à s’engager dans un parti que les

inactives. Il est possible toutefois de préciser ces données en indiquant la répartition des

femmes adhérentes du RPR par catégories socioprofessionnelles. En se basant sur une

enquête de 1979, C. YSMAL signale « que les femmes qui travaillent, sont plus fréquemment

cadres moyens que leurs homologues masculins (24 contre 17%), moins souvent cadres

supérieurs (32 au lieu de 38%) »102. Ce phénomène correspondrait pour elle « à la logique qui

fonctionne au sein de la société globale »103. Les données recueillies en 1994 confirme cette

hypothèse : les femmes interrogées sont, en effet, plus souvent cadres moyens (35,5%) que les

hommes (21,5%) et moins fréquemment cadres supérieurs (16% contre 22,5%).

Mais si la féminisation du RPR si elle est réelle doit être relativisée. Car, d’une part,

les femmes au RPR ont des positions sociales légèrement inférieures à celle des hommes. Et,

d’autre part, ces derniers constituent toujours la majorité des effectifs gaullistes (61% encore

en 1994).

1.2/ Un parti d’hommes mûrs :

La jeunesse représente un véritable enjeu pour un parti politique : car plus que tout

autre élément elle prouve son dynamisme. En 1979, le RPR revendiquait près de 16% de

jeunes adhérents de moins de 25 ans. Les plus de 40 ans représentaient toutefois, selon ces

données, 64% des effectifs partisans.

Les enquêtes menées en 1984 et 1986, confirment d’une part la réalité du poids de ces

adultes, voire personnes âgées. L’enquête concernant les cadres du RPR montre que 75% des

adhérents ont entre 35 et 64 ans, dont, plus précisément 34% entre 35 et 44 ans, 21% entre 45

101 Janine MOSSUZ--LAVAU, Mariette SINEAU. Enquête sur les femmes en politique. Paris : PUF, 1983. 102 Colette YSMAL. Op. cit., p. 206. 103 Colette YSMAL. Ibid., p. 199.

Page 63: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

63

et 54 ans et 20% entre 55 et 64 ans. Cette prédominance des catégories d’âge actif (35-64 ans)

signale que le temps de l’insertion professionnelle donc sociale favorise l’engagement

partisan. Mais ce phénomène est ici grossi dans la mesure où la population étudiée est

composée de cadres du parti, qui pour la plupart occupent des responsabilités, ce qui suppose

une bonne insertion sociale et politique. L’enquête de 1986 sur les adhérents du RPR renforce

l’idée de la prédominance de ces classes d’âge : 70% des effectifs du RPR appartiennent à la

classe 35-65 ans.

Il semblerait donc que le RPR a du mal à recruter chez les catégories les plus jeunes,

les moins insérées socialement et les moins intéressées politiquement. Toutefois, cette

conclusion peut être relativisée. Notre enquête sur les militants parisiens du RPR fait

apparaître un très fort taux de jeunes : 54% de personnes interrogées ont moins de 35 ans.

Cette prédominance des jeunes semble s’expliquer par le fait que le militantisme à Paris est

essentiellement mené par les Jeunes du RPR qui constituent, à proprement parler, le fer de

lance du mouvement. Les jeunes du RPR représentent environ 4500 personnes dans la

capitale, ce qui représente une vraie force militante.

Par ailleurs, il est possible que le mode de transmission des questionnaires (cf. annexe

1) ai encouragé les réponses des plus jeunes. Ce serait donc un biais de notre enquête, qui

néanmoins signale une réalité de l’activité militante du RPR dans le contexte parisien. Il reste

que le RPR dans son ensemble apparaît comme un parti d’hommes mûrs, ce que notre enquête

constate aussi : 45% des personnes interrogées ont 35 ans ou plus, ce qui reste un taux

important.

1.3/ La prépondérance des classes moyennes :

Enfin, dernier trait caractéristique de l’univers social des adhérents gaullistes : le poids

prépondérant des classes moyennes. Comme l’indiquent P. GUIOL et E. NEVEU, « plus que

la moyenne nationale les formations gaullistes évoquent les nationaux moyens »104. Ce

constat n’est ni récent ni propre au RPR. J. LAGROYE, G. LORD, L. MOUNIER-CHAZEL

et J.PALARD105 constataient dans leur enquête de 1972, que l’UDR est un parti socialement

disparate où aucune catégorie socioprofessionnelle l’emportait réellement. De façon

104 Patrick GUIOL, Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 98. 105 Jacques LAGROYE et al. Op. cit.

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identique, M. KESSELMAN106 à la même époque constate la prédominance chez les

adhérents de l’UDR de ce qu’il nomme la « petite bourgeoisie » (petits commerçants, artisans,

cadres moyens, employés représentant 57% de son échantillon).

Les données les plus récentes sur le RPR confirment largement ces conclusions. Les

trois enquêtes de 1984, 1986 et 1994 montrent clairement la sous-représentation des

catégories dites « populaires » (ouvriers). Les ouvriers ne représentent que 5% au maximum

des adhérents (alors qu’ils représentent 30.5% dans la société française en 1990107). Surtout,

les données de ces enquêtes s’accordent à montrer la prédominance des catégories sociales

moyennes : professions intermédiaires (qui selon la nomenclature des PCS correspond

essentiellement aux cadres moyens et aux contremaîtres de la nomenclature des CSP),

employés, artisans et commerçants. Ces catégories représentent chez les cadres du RPR, 31%

en 1984, 25% chez les adhérents en 1986 et 41% en 1994 (alors que ces mêmes catégories

représentent 53.5% dans la société française en 1990). Enfin, si la catégorie « cadres et

professions intellectuelles supérieures » apparaît chez les cadres du RPR comme la plus

importante (34.5%), elle ne représente plus que 20% en 1986 et 1994 chez les adhérents. Mais

cette catégorie est sur-représentée par rapport à la société française où elle ne représente que

10.5%. Il faut noter que, dans cette catégorie prédomine au RPR, les cadres administratifs et

commerciaux alors que les catégories intellectuelles supérieurs sont sous-représentées.

Ces données semblent donc suffisamment homogènes pour permettre de tirer des

conclusions assez précises. D’une part, il apparaît que l’espace social occupé est important,

toutes les catégories sont représentées. Toutefois, les catégories moyennes sont sur-

représentées au détriment des catégories populaires. En ce qui concerne les catégories

supérieures, le pôle économique l’emporte sur le pôle intellectuel.

De plus, une autre variable, le sentiment subjectif d’appartenance à une classe sociale,

confirme la prépondérance de la classe moyenne. A la question, « avez-vous le sentiment

d’appartenir à une classe sociale ? », 52% des personnes interrogées en 1994 répondent par

l’affirmative. Parmi ces réponses, nous avons procédé à un regroupement en six classes dans

un premier temps, puis finalement en quatre :

106 Mark KESSELMAN. « Systèmes de pouvoir et culture politique au sein des partis politiques français ». Revue Française de Sociologie, 13, 1972. 107 D’après les données du recensement de la population effectué par l’INSEE en 1990.

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- la première classe est la « classe moyenne » : 34% ont le sentiment d’y appartenir.

Ce résultat est congruent avec celui relevé par l’enquête de 1984 : 33% des cadres du RPR

partageaient ce même sentiment.

- La seconde classe est une construction qui regroupe la « bourgeoisie » et la « classe

aisée » et qui représente 25%. Cette classe regroupe toutes les réponses où transparaît le

sentiment d’un privilège social. L’enquête de 1984 retenait elle aussi une telle catégorie qui

auprès des cadres du RPR représentait 19%.

- la troisième classe regroupe les réponses qui font apparaître une certaine fierté à

appartenir au monde du travail, à produire, à être actif, ce que nous avons appeler la « classe

laborieuse ». On peut y adjoindre la catégorie « cadres », qui renvoie en priorité

l’appartenance sociale à l’aspect laborieux et actif. Cette classe représente 16% dans notre

enquête, et 28% dans celle de 1984.

- la dernière classe, est la « classe ouvrière » qui ne représente que 11.5%.

Il faut remarquer que cette dernière catégorie n’apparaît pas dans l’enquête sur les

cadres du RPR, et qu’au contraire les auteurs de celle-ci distinguent deux autres classes : la

« classe libérale » et la « classe des salariés ». Ces différences tiennent à la spécificité des

deux échantillons : d’une part, il s’agit de cadres du parti, qui ont des responsabilités, d’autre

part de simples adhérents. Dans un cas, les cadres du RPR s’identifient davantage aux

catégories les plus supérieures et privilégiés. Dans l’autre, l’autoperception est beaucoup

moins élitiste ; les catégories « classe moyenne » et « classe ouvrière » représentant 50% des

répondants.

Cependant le point commun de ces deux enquêtes est de signaler la même

prépondérance de la catégorie « classe moyenne ».

Enfin, un dernier indicateur peut être mobilisé pour rendre compte de la prédominance

des classes moyennes dans les rangs du RPR : l’origine sociale des adhérents.

TABLEAU 2: PCS des parents d’adhérents du RPR en 1994 (en %).

Profession et Catégories Socioprofessionnelles Père Mère Agriculteurs 2.5 1 Artisans, commerçants 15.5 6 Cadres et professions supérieures 27 4.5 Professions intermédiaires 22 20

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Employés 16.5 7 Ouvriers 6 2.5 Inactifs 1 37.5

La structure des catégories socioprofessionnelles des parents d’adhérents du RPR

confirme celles des enfants (cf. Tableau 2) : importance des catégories moyennes (artisans et

commerçants, 15.5% chez les pères, 6% chez les mères, professions intermédiaires, 22% et

20%, employés 16.5% et 7%) qui représentent chez les pères 54% au total et chez les mères

33% ; sous-représentation des ouvriers (6% et 2.5%) ; enfin, les cadres et professions

supérieures, au moins chez les pères, sont sur-représentés (27%). Les adhérents du RPR sont

donc issus de milieux assez proches de ceux auxquels ils appartiennent eux-mêmes.

Il est possible, enfin, de croiser la profession des adhérents par celles de leur père.

Toutefois les résultats doivent être pris ici avec beaucoup de précautions, la faible taille de

l’échantillon limitant l’intérêt des tris croisés. Cependant, l’opération fournit ici quelques

renseignements (cf. tableau 3). D’une part, le taux de reproduction sociale, donné par la

diagonale du tableau, est relativement important pour les employés (50%), les artisans et

commerçants (40%). Le processus de mobilité ascendante se fait largement sentir : 44% des

cadres supérieurs ont eu un père soit employé, soit ouvrier, soit artisan, commerçant ; le taux

atteint 55% pour les professions intermédiaires. Enfin, pour les ouvriers on constate un

processus de mobilité descendante : 33% avait un père appartenant à la catégorie profession

intermédiaire. Il est intéressant de noter que ces ouvriers n’appartiennent pas au milieu de la

classe ouvrière dont ils ne partagent ni la culture ni les valeurs.

TABLEAU 3 : Origine sociale des adhérents du RPR en 1994 (en %).

Père Artisans, Cadres et Professions Employés Ouvriers Inactifs Adhérent Agriculteurs commerçants professions sup intermédiaires Artisans, Commerçants - 40 20 40 - - - Cadres et professions 12.5 19 25 19 19 6 - supérieures Professions - 20 25 20 25 10 - intermédiaires

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Employés - 33 - - 50 - 17 Ouvriers - 66.5 - 33.5 - - -

Ainsi, on peut dire que le RPR recrute essentiellement dans une certaine classe

sociale, la classe moyenne, caractérisée par le poids des petits salariés et du monde du travail

indépendant (agriculteurs, artisans, commerçants, petits industriels). Ainsi, le mouvement

gaulliste loin d’être le décalque précis de la société française, est davantage le lieu politique

où s’exprime une certaine culture, certaines valeurs et traditions propres à ce monde social.

Cependant, force est de constater que la définition de la « classe moyenne » reste floue. Cette

catégorisation regroupe des ensembles d’individus assez disparates : quel rapport peut-on

établir entre un artisan boulanger, un employé de bureau et un instituteur ?

Il semble, en fait, que l’on soit plus près de la réalité en disant que les adhérents du

RPR appartiennent aux couches supérieures de la classe moyenne. Hypothèse qui est

confirmée par deux indicateurs : le niveau de diplôme et le revenu du foyer. En effet, 65%

des adhérents interrogés sont titulaires au moins d’un bac + 2. Autrement, dit les adhérents du

RPR sont culturellement privilégiés. Ce résultat confirme par ailleurs les conclusions des

enquêtes socio-graphiques qui ont montré que la politisation dépendait largement du niveau

d’études. L’indicateur « revenu du foyer » indique, quant à lui, que près de 43% des adhérents

interrogés reçoivent au moins 15000 francs par mois, contre 32% qui touchent moins que

cette somme. A nouveau, nous sommes en présence de catégories sinon aisées au moins

relativement privilégiées.

L’analyse de l’environnement social des adhérents du RPR met en évidence les

prédispositions sociales à adhérer. Si toutes les catégories socio-profesionnelles contribuent

peu ou prou à fournir des adhérents aux partis politiques, il apparaît que, dans le cas du RPR,

sont le plus prédisposés à cela les hommes d’âge mûrs, membres des classes moyennes

supérieures, possédant des ressources sociales, économiques et culturelles suffisantes pour

sauter le pas de l’engagement. Il convient à présent de montrer comment ces prédispositions

sont transformées en adhésions réelles.

2) Contextes et raisons de l’adhésion :

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Après avoir précisé les caractéristiques de l’environnement social du militantisme au

RPR, il convient de poursuivre l’analyse du pôle I. par une interprétation des modalités de

l’adhésion à ce mouvement. Cette dernière est largement déterminée par les circonstances, qui

à un moment donné et dans un contexte précis, familial, historique ou politique, transforment

les prédispositions en acte. Toutefois, on risque de mal comprendre le phénomène si on ne

cherche pas à déterminer le système de motivations des adhérents, qui seul exprime leurs

attentes, leurs espoirs, et leurs besoins.

2.1/ Les circonstances de l’adhésion :

Pour beaucoup de membres du RPR, l’adhésion a été la conclusion logique d’un

intérêt précoce pour la politique. Presque 70% des personnes interrogées affirment s’être

intéressées à la politique avant l’âge de 20 ans, et 27% avant 15 ans. Cette précocité, résultat

de la socialisation politique des individus, si elle rend compréhensible l’adhésion à un parti

politique ne permet pas de saisir ce qui a déclenché celle-ci.

Les dates de l’adhésion fournissent un premier indice du poids des circonstances dans

l’adhésion au RPR. Mais notre échantillon comptant un nombre élevé de jeunes, il n’est pas

surprenant de constater que l’importance des adhésions les plus récentes : presque 65% de

notre échantillon a adhéré après 1988. Ce qui, malgré ce biais, coïncide avec un afflux

d’adhésion depuis 1986. C. YSMAL108 constate, en effet, qu’entre 1986 et 1992, le nombre

d’adhérents du RPR fait plus que doubler, passant de 98 000 à 200 000 (chiffres estimés).

De plus, ces données reflètent la disparition des adhérents les plus anciens : il ne reste

plus dans notre échantillon que 8% d’adhérents d’avant 1981, 10.5% de 1981 à 1986 et 13%

de 1986 à 1988. Ce phénomène peut s’expliquer par deux raisons. D’une part les plus anciens

adhérents laissent leur place aux jeunes et quittent le mouvement. D’autre part, la conjoncture

politique des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, faites d’espoirs (élections

présidentielles de 1981 et 1988) et d’alternances au pouvoir (cohabitations de 1986 et 1993),

qui réclament dans les deux cas un soutien renforcé au mouvement, ont été un contexte

favorable à l’adhésion.

108 Colette YSMAL. « Transformations du militantisme et déclin des partis ». Op. cit, p. 363.

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Cependant il est possible en croisant la date d’adhésion par l’âge de préciser quatre

types générationnels :

- les moins de 35 ans qui ont adhérer au RPR après 1988 constituent le plus grand

groupe dans notre échantillon : 44%. Il s’agit de jeunes arrivés tôt en politique, marqués par la

victoire socialiste de 1988, Maastricht et l’expérience de la seconde cohabitation.

- le second type représente 19%. Il s’agit des plus de 35 ans ayant adhérer avant 1988.

Pour une part, il s’agit de fidèles venus au RPR avant l’arrivée des socialistes au pouvoir en

1981. Pour une autre, ce sont des adhérents qui réagissent à cette arrivée ou qui, en 1986,

soutiennent l’action de J. CHIRAC.

- les plus de 35 ans, adhérant après 1988, représentent 19%. Leur adhésion est plus

tardive, correspondant pour la plupart à un ras-le-bol de la politique socialiste et une

aspiration à un renouveau.

- enfin, les moins de 35 ans qui viennent au RPR avant 1988, constitue la partie

congrue, 6%, de notre questionnaire. Ce sont essentiellement des personnes venues au RPR à

partir de la cohabitation de 1986.

Cependant cette explication contextuelle de l’adhésion implique d’imposer aux

adhérents un système de motivations simples, voire simplistes, qui consisterait à vouloir

soutenir le mouvement gaulliste et à s’opposer à la gauche. Or, les raisons des adhérents sont

plus nombreuses que cela et forment un système relativement bien structuré qui possède sa

propre logique.

2.2/ Le système de motivations des adhérents du RPR :

Nous appellerons « système de motivations », l’ensemble des raisons, attentes, désirs

revendiqués par les adhérents pour justifier leur engagement. Ce système est au coeur du pôle

I. Par sa compréhension passe donc une part non négligeable de l’explication du phénomène

militant. D’une part il est possible de distinguer quatre grandes catégories de motivations

subjectives : la défense de valeurs et convictions personnelles, le poids d’un événement

fondateur, la personnalité des leaders gaullistes, et enfin la tradition gaulliste.

Les réponses à la question ouverte, « pouvez-vous dire en quelques mots ce qui vous a

conduit à adhérer au RPR ? », ont été recodées dans un premier temps en 12 groupes de

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raisons invoquées pour justifier l’adhésion au RPR. Il est toutefois possible de retenir un

classement en quatre catégories :

- la première, représentant 23% de l’échantillon, se réfère à l’idée de la défense et du

combat pour des idées et des convictions personnelles. Elle est composée des personnes qui

ont répondu soit « par conviction personnelle » (14%), « désir d’agir » (4.5%) ou « pour un

renouveau » (4.5%). On constate que 60% des personnes classées ici appartiennent au premier

type générationnel, les moins de 35 ans ayant adhérés après 1988. Il s’agit donc de ces jeunes

venus précocement à la politique mais dont l’engagement dépend moins du contexte politique

que de la volonté d’exprimer « en première personne » ses opinions. Ce phénomène est

caractéristique des individus les mieux insérés socialement. Il s’agit essentiellement de

personnes actives et possédant un niveau culturel assez élevé.

Certains entretiens mettent l’accent sur cette idée de l’expression d’idées personnelles

et du désir d’agir pour les défendre :

« Ce que je cherchais (en adhérant) c’était pouvoir développer, comme tout un chacun,

ses idées sur tel ou tel thème, je crois qu’effectivement c’est faisable, c’est largement

possible. Bon, je tenais à développer certaines idées et puis à agir, à agir pour un « camp », là

je crois aussi que je le fais » (entretien 4).

- la deuxième catégorie regroupe tous ceux qui font référence à un événement

fondateur et représente 20% de l’échantillon. L’arrivée de la gauche au pouvoir est citée par

14% des personnes interrogées, Maastricht par 3.5% et la défaite de J. CHIRAC en 1988 par

2.5%. Tous ceux qui se réfèrent à ces deux derniers événements appartiennent au premier

pôle générationnel. La moitié de ceux qui citent l’arrivée de la gauche au pouvoir

appartiennent au deuxième type générationnel, les plus de 35 ans ayant adhéré avant 1988. Le

contexte joue donc un rôle indéniable, mais d’autant plus que l’événement a provoqué un

traumatisme durable, comme c’est le cas pour l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Les

données recueillies par les entretiens confirment cette constatation : soit la réaction est

immédiate, soit elle intervient avec retard à mesure que l’expérience socialiste perdure. Mais

elle est, à chaque fois, à la mesure du choc reçu :

« Je suis venu au RPR en 1982, parce que la gauche était arrivée au pouvoir, je pensais

qu’il fallait réagir, je pensais qu’il fallait que la gauche fasse un mandat court, je pensais qu’il

fallait tous que l’on se mobilisent, qu’on se battent, moi j’ai adhéré au RPR » (entretien 6);

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« En 1981, j’avais 13 ans, je commençais à m’intéresser de façon assez lointaine, mais

réelle, à la vie politique du pays. Les socialistes sont arrivés au pouvoir, j’en pensais pas

grand chose. Mes parents étaient horrifiés, mais moi-même voyais ça d’un oeil plutôt neutre.

Et c’est l’évolution de l’expérience, quels que soient les premiers ministres qui ont été en

poste, qui m’a amenée à penser qu’il y avait certainement une autre solution (...) Et c’est ce

qui m’a amenée à m’engager dans le mouvement » (entretien 1).

- la troisième catégorie regroupe ceux qui affirment être attachés aux valeurs

défendues par le RPR, au gaullisme. Elle représente 16,5% de l’échantillon. Elle est

composée des groupes « valeurs défendues par le RPR » (10.5) et « tradition gaulliste » (6%).

Cette raison est présentée essentiellement, pour plus de la moitié, par les personnes qui ont

adhéré avant 1988, quelque soit leur âge. Il s’agit donc ici de fidèles du gaullisme dont

l’engagement est le résultat de la transformation d’une tradition idéologique en une action au

sein d’un parti qui représente le mieux cette tradition.

- la dernière catégorie, enfin, regroupe tous ceux qui ont été influencés par une

personnalité, en l’occurrence soit J. CHIRAC (10.5%) soit Ch. De GAULLE (4.5%), pour un

total de 15% de l’échantillon. Il s’agit surtout ici de jeunes ayant adhérés après 1988

(50%) et largement influencés par la personnalité de J. CHIRAC. Les entretiens mettent aussi

en évidence cet aspect subjectivement important :

« Là bas (au RPR), j’ai trouvé J. CHIRAC, en fait c’est clair. Et je suis allé à la

convention en 1985 et vraiment ça a été pour moi la révélation, où j’ai commencé à connaître,

heu, Jacques, le grand Jacques » (entretien 3).

« Je pense très honnêtement que si je n’avais pas été contemporain du général De

GAULLE, je n’aurais pas fait de politique. J’ai fait de la politique parce que c’était le général

De GAULLE, et qu’en suite je suis restée, parce que c’était un enchaînement, il fallait rester,

il fallait maintenir ce qu’avait fait le général De GAULLE. Mais je ne me serais jamais

engagée si ça n’avait pas été le Général De GAULLE. Ca c’est clair et net, parce que jusqu’à

présent aucun homme politique ne m’avait séduite et me séduit encore comme De GAULLE,

sauf CHIRAC » (entretien 2).

Il est possible, enfin, d’affiner cette typologie en analysant les réponses produites à la

question fermée sur les raisons de l’adhésion (« Pour les raisons suivantes qui ont pu vous

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faire adhérer au RPR quelles sont celles qui vous semblent très importantes, plutôt

importantes, plutôt pas importantes, pas importantes du tout ? ») (cf. tableau 4). Tout d’abord,

toutes ses raisons sont jugées majoritairement importantes (soit très importantes, soit plutôt

importantes) pour rendre compte de l’adhésion au RPR, à l’exception d’une seule : « trouver

sa véritable identité ».

Cette dernière ne recueille, en effet, que 43.5% de jugement positif contre 46% de

négatif. Cela prouve, s’il en était besoin, à nouveau que la population étudiée est relativement

bien intégrée socialement.

TABLEAU 4 : Jugement porté sur les raisons d’adhérer au RPR en 1994 (en %)

Raisons : Importantes Pas importantes

Participer à la transformation de la société 78 14.5

La personnalité de J. CHIRAC 75 17.5

Rencontrer des gens qui ont la même opinion 61 30.5

Convaincre par son exemple 56.5 30.5

Exercer des responsabilités 48.5 42.5

Trouver sa véritable identité 43.5 46

L’hypothèse selon laquelle l’adhésion exprimerait un désir d’action, une volonté de

combattre pour changer les choses, tout en défendant ses idées, est largement confirmer. Pour

78% de notre échantillon « participer à la transformation de la société » est une raison

importante de l’adhésion. De plus, la personnalité de J. CHIRAC demeure un mobile jugé

important qui fait écho aux réponses spontanées.

Par contre, des raisons comme « rencontrer des gens qui ont la même opinion que

soi », « convaincre par son exemple » et « exercer des responsabilités », si elles sont jugées

importantes, le sont relativement moins que les précédentes. On peut supposer que s’exprime

ici une différence entre ceux qui adhérent, au sens le plus strict du terme, qui prennent une

carte et payent une cotisation sans autre engagement de leur part, et ceux qui sautent un

nouveau pas et deviennent des militants.

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Si l’analyse des motivations à adhérer éclaire le phénomène d’entrée dans un parti,

elle laisse en suspend le problème du passage à l’acte militant. Or il apparaît que le système

de motivations de l’adhésion définit un terreau favorable au militantisme. Mais ce dernier ne

peut être compris que dans l’interaction qui lie le pôle individuel aux pôles organisationnel et

conflictuel.

Après avoir mis en évidence les principales caractéristiques du pôle I. dans le cas du

RPR, c’est-à-dire à la fois les prédispositions sociales des adhérents ainsi que leur système de

motivations, il est nécessaire de passer à l’exploration des pôles suivants, en commençant par

celui de l’organisation.

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CHAPITRE 5 L’organisation du militantisme

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La description du pôle I. de notre modèle, appliqué au cas du RPR, nous a conduit à

préciser, d’une part, les prédispositions au militantisme des adhérents gaullistes, et d’autre

part, les motivations qui les animent. Cependant l’analyse des formes du militantisme au RPR

doit se poursuivre à présent par la description du pôle O., qui permettra d’élucider le

problème de la mobilisation des adhérents dans les activités militantes offertes par le parti.

Théoriquement, le pôle de l’organisation réunit tous les éléments qui, dépendant de

l’organisation, concourent à définir le militantisme politique : chances objectives, modalités

pratiques, et rétributions.

Dans un premier temps, nous nous attacherons à la définition normative et idéale du

militant politique donne le RPR. En proposant à leurs adhérents différentes activités, les partis

politiques tendent, en effet, à donner du militant une définition souvent normative, renvoyant

à l’idéal du « bon militant ». Le RPR dans ses publications impose l’image d’un militant

tourné vers l ’extérieur, prosélyte, alors que l’image revendiquée par les militants eux-mêmes

est tout autre.

Pour éclairer les formes différenciées que prend le militantisme au RPR, l’analyse des

qualités requises, imposées ou revendiquées, pour être un militant ne suffit pas. Il convient de

s’attacher à l’analyse des types d’activités privilégiés au sein du RPR. L’hypothèse selon

laquelle le RPR serait un parti d’électeurs tendrait à nous inciter à penser que la participation

active aux activités du parti est faible et très intermittente. Cette hypothèse doit être vérifiée

ici.

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Enfin, nous insisterons sur l’interaction entre les pôles O. et I. qui permet d’expliquer

comment l’organisation motive ses adhérents à s’investir dans les activités militantes. Il s’agit

ici de mettre à jour le système de rétributions offertes par le parti à ses adhérents, en échange

d’un engagement très coûteux, qui dépasse la simple adhésion.

1) La définition normative du militantisme au RPR :

Chaque organisation politique tend à proposer une définition normative particulière du

militant, du « bon militant ». J. LAGROYE, G. LORD, L. MOUNIER-CHAZEL et J.

PALARD ont montré, dans leur enquête sur le militantisme politique dans trois partis en

Gironde, qu’il existe plusieurs modèles de militants qui varient selon les objectifs mêmes des

partis ; « ces objectifs impliquant en effet que certaines tâches soient privilégiées, et c’est à

ces tâches que les militants se consacrent surtout »109. Les mêmes auteurs soulignent qu’il

existe néanmoins un fond commun de qualités morales qu’un militant, qu’il soit communiste,

socialiste ou gaulliste, se doit de posséder : le désintéressement, le dévouement, l’honnêteté.

Toutefois les partis communiste et socialiste proposent une définition du « bon militant » qui

tourne essentiellement autour du « pôle partisan », c’est-à-dire qu’est privilégié ici le

dévouement au parti. La définition gaulliste trancherait radicalement avec celle-ci : le « bon

militant » se définissant essentiellement comme un prosélyte, dont le principal devoir est de

propagande et d’explication des idées gaullistes.

Cette image du militant gaulliste est encore très largement présente au RPR. Mais il

faut souligner que cet idéal est imposé par l’organisation, l’image revendiquée par les

militants étant toute autre.

1.1/ Une image imposée :

L’analyse de la presse du parti gaulliste permet de mettre à jour une image particulière

du militantisme que cette organisation entend imposer. Le bon militant gaulliste doit

principalement être un prosélyte, ouvert sur l’extérieur et dont la mission est d’expliquer et de

convaincre.

On peut ainsi lire dans le « guide de l’adhérent » distribué à chaque nouveau arrivant

au RPR que « l’action politique ne doit pas être vécue en circuit fermé. Notre premier devoir

109 Jacques LAGROYE, et al. Op. cit., p. 128.

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est d’être proche des Français. Cela signifie être à l’écoute des gens, de leurs besoins, de leurs

problèmes et de leurs questions et en même temps, chercher à expliquer, à convaincre et

chaque fois qu’on le peut à aider ».

Cette idée est à nouveau présente sous la plume d’H. CROUX, délégué départemental

à la jeunesse, qui écrit « le soutien de la politique gouvernementale par l’ensemble des jeunes

du Rassemblement se traduit par un renforcement de l’action militante pour une meilleure

compréhension des réformes entreprises. Les jeunes ont désormais un rôle « pédagogique » :

tenter d’expliquer au travers des choix gouvernementaux le bien fondé de ces nouvelles

réformes »110.

Mais cette fonction principale qui définit le militant gaulliste si elle doit être

permanente, s’effectue de façon privilégiée lors des campagnes électorales : « s’il revient aux

militants de relayer les actions du mouvement en ce qui concerne le dialogue avec les

Français, et son esprit d’ouverture aux autres, il leur faut également se préparer aux

prochaines échéances électorales, tant il est vrai qu’une grande formation politique doit

affirmer sa présence dans tout le pays »111.

Enfin, cette idée est largement confirmer quand on regarde les intitulés des séminaires

de formation que dispense le RPR à ses militants et à ses cadres. Tous tournent autour d’une

préoccupation centrale : comment mieux propager les idées que l’on défend ? On trouve ainsi

des sujets tels que « Persuader et convaincre », « expression orale », « Communication

écrite » et « conduite de réunion ». Le but de ces séminaires étant de fournir aux militants tous

les moyens de parvenir à remplir parfaitement leur rôle de diffuseur d’idées.

Le modèle idéal du militantisme politique est ici clairement défini : ce qui compte

c’est le rayonnement extérieur et la propagande. Mais pour pouvoir correctement diffusé ses

idées, encore faut-il y être fidèle et dévoué. L’analyse des portraits d’élus et de responsables

du RPR, que l’on peut trouver, entre autre, dans la lettre de la nation, montre le parcours idéal

du « bon militant » :

- engagé précocement, par exemple « Nourdine CHERKAOUI décline depuis l’âge de

seize ans le verbe militer à tous les temps et sur tous les modes. A croire, d’ailleurs, qu’il est

110 Hervé CROUX. « S’engager, c’est être solidaire ». Journal d’Information du RPR de Paris, 12, nov.déc. 1993. 111 La Lettre de la Nation, 929, 25/10/1993.

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né militant »112 (Nourdine CHERKAOUI est aujourd’hui le secrétaire national à la jeunesse

du RPR) ;

- mais aussi fidèle à des idées souvent héritées de parents et grands-parents gaullistes ;

« son père, avant d’entreprendre une carrière d’officier, fut résistant dans le maquis près de

Grenoble. Le gaullisme fait donc partie de la culture familiale et c’est sans doute pour cette

raison que le jeune Hugues MARTIN adhère à l’UNR en 1968 et crée l’Union des Jeunes

pour le progrès en Aquitaine »113 (Hugues MARTIN est premier vice-président du conseil

général de Gironde) ;

- et prêt à défendre activement ses idées ; « les conseils de son grand-père, Brigitte Le

BRETHON les a si bien retenus que, dès l’âge de 16 ans, elle milite à l’Union des jeunes pour

le progrès. Issue d’une vieille famille normande, il ne lui viendrait pas à l’idée de renier un

tempérament qui emprunte tout à la fois aux Celtes et aux Vikings : elle est combative et

défend de pied ferme les idées auxquelles elle croit »114 (Brigitte le BRETHON est deuxième

vice-président du conseil général du Calvados) ;

- le militant doit, enfin, accéder rapidement à des positions de responsabilité, « des

responsabilités, Jean-Paul HEIDER en a pris très tôt en adhérant à la fin des années 50 aux

jeunes Républicains sociaux. Puis ce sera l’Union des jeunes pour le progrès qui reste et

demeure l’une des grandes écoles du militantisme gaulliste, pour ne pas dire du militantisme

tout court. Il est, enfin, depuis 1974, secrétaire départemental du Haut-Rhin »115.

Or l’on sait que « le militantisme ne constitue guère dans les partis de droite un moyen

de promotion permettant d’être en situation d’être élu »116. Cette présentation de parcours

idéaux, du militant aux élus ou responsables du parti, participe à l‘imposition d’une certaine

image du militant qui reste, en fait, assez éloignée de l’image que revendiquent pour eux-

mêmes les militants.

1.2/ Une image revendiquée :

Un premier élément, définissant cette image revendiquée par les militants, est donné

par le classement, selon leur degré d’importance, de cinq fonctions que peut remplir un

112 La Lettre de la Nation. Magazine, 221, 10/09/1993. 113 La Lettre de la Nation. Magazine, 229, 05/11/1993. 114 La Lettre de la Nation. Magazine, 223, 24/09/1993. 115 La Lettre de la Nation. Magazine, 231, 19/11/1993. 116 Philippe GARRAUD. Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains. Paris : L’Harmattan, 1989, p. 38.

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79

militant (cf. Tableau 5). Ce tableau agrège en deux catégories la fréquence des classements

dans les positions les plus basses (1 et 2) et dans les positions les plus hautes (4 et 5). Il se lit

de la manière suivante : la fonction « contribuer à l’élaboration des programmes » a été

classée par 29.5% des répondants en position 1 et 2, c’est-à-dire celles qui représentent le

degré le plus faible d’importance, et par 31.5% dans les positions 4 et 5, qui correspondent au

degré le plus élevé d’importance.

TABLEAU 5 : Classement des fonctions remplies par un militant selon leur degré

d’importance (en %).

Fonctions qu’un militant moins importante plus importante différence peut remplir (positions 1 et 2) (positions 4 et 5) Recruter des adhérents 31 31 0

Former des militants 31 29.5 1.5

Faire connaître aux gens les idées du RPR 38.5 27.5 11

Contribuer à l’élaboration des programmes 29.5 18.5 0.5

Faire connaître aux dirigeants les souhaits 22.5 35 -12.5 des adhérents Or, ce classement ne confirme pas l’image idéale imposée par l’organisation. D’une

part, la fonction « faire connaître aux gens les idées du RPR » est classée par 38.5% des

répondants dans les deux positions les plus basses, et par seulement 27.5% dans les positions

les plus hautes. D’autre part, la fonction « faire connaître aux dirigeants les souhaits des

adhérents », est le plus fréquemment positionnée en 4 ou 5 (35%), et le moins en 1 ou 2

(22.5%). L’aspect extérieur du militantisme disparaît ici au profit d’une action plus tournée

vers l’intérieur et l’aspect partisan de l’action militante. Cependant, il faut relativiser cette

conclusion en constatant que les trois autres fonctions (« recruter des adhérents », « former

des militants », « contribuer à l’élaboration des programmes ») sont globalement aussi

souvent classées comme importantes et peu importantes. On peut donc dire, au moins, que

l’idéal militant défini par l’organisation n’est pas partagé par tous les adhérents.

Ce phénomène, semble-t-il, est la marque du développement du militantisme au RPR

qui, depuis une quinzaine d’années, tend à créer des militants très attachés à leur organisation,

et davantage tournés qu’avant vers des préoccupations internes. Comme l’indique un

interviewé, « être un bon militant, je dirais que c’est tracter dehors, aller dehors, et s’investir

dans la vie politique de son parti » (entretien 7). Cette dualité interne-externe semble être

l’une des caractéristiques du militantisme au RPR. Cela suppose de ne pas s’arrêter à la trop

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80

simple définition normative du militantisme qu’elle soit imposée par l’organisation ou

revendiquée par les militants, et de s’attacher à l’analyse des activités mêmes, proposées aux

adhérents par l’organisation.

2) Les activités militantes au RPR :

Le pôle O. détermine l’ensemble des modalités pratiques du militantisme : c’est-à-dire

les types d’activités proposés au adhérents, le cumul des positions militantes et le système des

rétributions du militantisme.

Au RPR, il apparaît que l’activité intra-partisane domine. Il faut, en effet, constater la

faiblesse des activités militantes externes et du cumul d’engagements militants. Cela infirme

l’une de nos hypothèses de départ selon laquelle l’inverse aurait du se produire dans le cadre

d’un parti d’électeurs. Ce résultat doit, en fait, conduire à s’interroger sur la réalité de

l’importance des objectifs électoraux motivant le militantisme au RPR, et finalement à la

relativiser.

2.1/ L’importance de l’investissement intra-partisan :

L’importance de l’investissement constitue un résultat original de notre enquête. Les

études qui existent sur le militantisme RPR tendent au contraire à montrer que cet

investissement est faible. Les auteurs de l’enquête sur les militants politiques dans trois partis

français117 mettent clairement en évidence la limitation de l’activisme intra-partisan à l’UDR.

Certes, il existe des aspirations au militantisme chez les adhérents de ce parti mais elles ne

trouvent pas à se développer dans des activités intra-partisanes. Ph. PORTIER118 confirme

pour le RPR cette analyse et avance les mêmes explications. Or, il semble qu’entre l’UDR et

le RPR, il y ait une différence de nature en ce qui concerne les structures organisationnelles,

et que ce dernier parti a réussi à se doter d’une véritable base militante. Ce serait donc dans

les transformations de l’organisation politique elle-même que devrait se trouver l’explication

de cet activisme intra-partisan.

Un premier critère fournit un indice de cet investissement au sein du RPR : l’auto-

évaluation des adhérents (réponses à la question, « Diriez-vous que vous vous considérez

comme un simple adhérent, un militant épisodique, un militant actif, autre ? »).

117 Jacques LAGROYE, et al. Op. cit. 118Philippe PORTIER. « Les militants du RPR : étude d’une fédération ». Pouvoirs, 28, 1984.

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En 1976, les auteurs de l’enquête sur le militantisme politique affirmaient que « les

adhérents gaullistes sont moins portés que les communistes et les socialistes à se classer

parmi les « militants actifs ». »119.

Notre enquête montre que 73% des adhérents se classent soit comme « militant

épisodique » (13%) soit comme « militant actif » (61%), tandis que 19% affirment être de

simples adhérents. Ce faible taux s’explique, d’une part, par le mode de transmission des

questionnaires qui, pour moitié, ont été envoyés aux adhérents, les autres ayant été passés sur

le terrain. On peut penser, en effet, que les adhérents moins impliqués ont relativement moins

répondu aux questionnaires alors que les gens rencontrés sur le terrain étant des militants,

plus impliqués, ont répondu plus volontiers. D’autre part, il est possible que ce classement -

militant actif - corresponde à une volonté de valoriser son engagement. Se dire militant est

aussi une façon de se distinguer des autres, en se reconnaissant un titre qui implique un

certain savoir-faire, un certain pouvoir sur ceux qui en sont dénués.

Un second indicateur permet de corriger le premier : le temps consacré en moyenne

par semaine aux activités partisanes. Si l’on croise ce dernier avec le critère auto-évaluation

on constate que la barre des 5 heures est discriminante, et définit la frontière entre deux

groupes distincts.

D’une part ceux qui consacrent moins de cinq heures à leurs activités partisanes : ils

représentent 55.5% des personnes interrogées. 66% des simples adhérents sont dans ce cas.

De même, 72.5% des militants épisodiques se classent dans ce groupe. Ces deux résultats sont

assez logiques. Mais on remarque que 52% des militants actifs déclarent passer moins de 5

heures à leurs activités. Il s’agit ici d’un groupe de personnes que l’on pourrait qualifier,

quelle que soit la catégorie subjective de classement, d’intermittents.

D’autre part, ceux qui consacrent plus de 5 heures à leurs activités, représentant 27.5%

de l’échantillon. Il faut noter que ce taux est important et confirme notre hypothèse d’un

activisme partisan important ; à titre de comparaison Ph. PORTIER indique que seuls 5% des

adhérents déclarent consacrer plus de 3 heures par semaine à leurs activité120. 18% des

militants épisodiques appartiennent à ce groupe, ainsi que 41,5% des militants actifs. Il s’agit

ici des personnes les plus actives, et dont l’activisme les conduit logiquement à se définir

comme militants, épisodiques ou actifs. Nous parlerons ici d’activistes.

119 Jacques LAGROYE, et al. Op. cit., p. 152.

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82

Il convient, enfin, de qualifier cet investissement interne : quelles sont les principales

activités que suivent les militants ? A la différence des conclusions apportées par Ph.

PORTIER, il faut d’abord reconnaître que le RPR développe des activités nécessitant une

forte implication personnelle. Selon Ph. PORTIER « les tâches de propagande partisane

(affichages, distributions de tracts, animation de débats publics, collecte de fonds, secrétariat)

dont on s’accorde ordinairement à relever l’importance au sein du PCF et, à un moindre titre,

au sein du PS, sont ici tout à fait secondaires »121. Or, ces tâches n’apparaissent plus

désormais comme secondaires. Il est vrai que les activités ne supposant qu’une implication

faible de la part des militants restent largement pratiquées. Le taux d’assistance régulière aux

réunions du parti, relevées par Ph. PORTIER comme seul acte d’activisme interne au RPR,

s’élève à 80% (27%, à chaque fois, 53% régulièrement) des personnes interrogées. La lecture

de la presse partisane est pratiquée régulièrement par 69.5% des personnes interrogées.

Cela dit, les tâches impliquant davantage le militant sont pratiquées par un taux non

négligeable d’adhérents (cf. tableau 6)

TABLEAU 6 : Activités effectués par les membres du RPR (en %).

Régulièrement ou Rarement ou de temps en temps jamais

L’organisation de réunions privées 33 53

Le collage d’affiches 35.5 53

La tenue d’une permanence 36.5 53

La participation à des séminaires de 41 47.5 formation

La distribution de tracts 67 24.5

L’assistance à des meetings 67 22

La participation régulière aux activités les plus impliquantes (telles que l’organisation

de réunions d’appartements, le collage d’affiches, la tenue d’une permanence ou encore la

participation à des séminaires de formation) concernent une minorité de notre échantillon, un

peu plus d’un tiers. Seuls ou presque les militants les plus actifs, les « activistes », participent 120 Philippe PORTIER. Op. cit., p. 118-119.

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à ces activités, boudées par les « intermittents ». Par contre, des activités relativement moins

impliquantes et parfaitement rentrées dans la culture militante du RPR (telles que la

distribution de tracts ou l’assistance à des meetings) concernent les deux tiers de notre

échantillon et touchent indistinctement « activistes » et « intermittents ».

Cette image d’un militantisme centrée sur les activités intra-partisanes s’explique par

les structures mêmes de l’organisation RPR. L’un des objectifs de la transformation du

mouvement gaulliste en 1976 était de faire naître un authentique militantisme, une puissante

énergie militante. Or comme l’indique M. OFFERLE, « cette énergie canalisée est alimentée

par une transformation du système de rétributions internes au parti : la division des instances,

la création de structures de réflexion et d’animation, le développement des stages de

formation politique, la relance périodique des secteurs jeunes, femmes ou entreprise,

l’amoindrissement de la place des membres de droit dans la direction de l’organisation,

accroissent le nombre des positions de pouvoir offertes à l’émulation et la concurrence des

adhérents »122. La transformation du pôle O. induit ici un renouvellement des chances

objectives de militer ainsi que du type d’activités militantes.

2.2/ La faiblesse des activités militantes externes :

Le corollaire de la force de l’investissement est la faiblesse relative des activités

militantes externes. Alors que dans le cas de l’UDR et encore du RPR des années 1976-1977,

le désir de participation, action militante ne trouvant pas à s’exprimer au sein du mouvement

était reconverti dans un engagement à l’extérieur. Engagement qui, souligne Ph. PORTIER,

est principalement syndical123. Or, selon les résultats de notre enquête cette constatation est

infirmée : 89.5% des personnes interrogées affirment ne pas appartenir à un syndicat ou à une

organisation professionnelle. A la désaffection que connaissent les syndicats s’ajoute, pour

expliquer ce phénomène, le fait que les adhérents du RPR trouvent désormais dans leur

organisation même les moyens de transformer en action leur désir de participation.

Cependant, le taux d’appartenance à une association est beaucoup plus élevé : 61%

des personnes interrogées affirment appartenir à au moins une association. Ce phénomène

121 Philippe PORTIER. Ibid., p. 119. 122 Michel OFFERLE. « Transformation d’une entreprise politique : de l’UDR au RPR (1973-1977) ». Pouvoirs, 28, 1984, p.13. 123 Philippe PORTIER. Ibid., p. 120.

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84

s’explique par la prégnance du modèle normatif du militant gaulliste. On peut ainsi lire dans

le guide de l’adhérent : « cette ouverture sur l’extérieur implique également d’essayer, aussi

souvent que possible, d’aller au-delà de la simple action individuelle, du cercle des proches et

des sympathisants. Pour convaincre, il faut témoigner de la valeur de ses propres convictions,

à travers la vie associative et la vie locale. »

Ainsi les associations où s’engagent les adhérents du RPR ne sont pas forcément

politiques, ni proches du RPR, appartenant à ce que P. SIGODA124 nomme « les cercles

extérieurs du RPR ». Certaines associations, comme l’association Femme Avenir, font sans

doute partie de ces cercles, mais une minorité d’adhérents affirment y appartenir. Il s’agit en

fait essentiellement d’associations humanitaires et religieuses (17.5% des répondants),

sportives (17.5%). Enfin une catégorie intéressante d’associations sont celles créées par les

jeunes du RPR (12%) : ce sont soit des associations à caractère politique (on peut citer le

Rassemblement pour une Nouvelle Politique des jeunes de la 1ère circonscription), soit de

soutien à certaines causes (l’association des jeunes de la 10ème circonscription, Canal 2010,

organise des soirées dont les recettes sont distribuées pour la recherche contre le SIDA).

La participation aux associations signale que les militants du RPR sont près à

s’engager dans d’autres organisations pour promouvoir leurs idées. Mais il est difficile de

parler ici de cumul d’engagements militants dans la mesure où les types d’associations cités

renvoient davantage au bénévolat qu’au militantisme. L’engagement à l’extérieur n’est pas

forcément motivé par le volonté de propager les idées du mouvement.

Un autre indicateur permet de relativiser la participation aux actions qui sortent de

l’ordinaire partisan : le potentiel de participation à des actions non-conventionnelles. D’un

côté, le taux de personnes prêtes (tout à fait prêtes et plutôt prêtes) à manifester pour exprimer

leurs idées est très fort (76%, alors que ceux qui approuveraient la manifestation représentent

50% des personnes interrogées lors de l’enquête du CEVIPOF au printemps 1988125).

Pourtant, il faut constater un rejet des formes les moins conventionnelles et les plus violentes

de participation : 89.5% ne serait pas prêts à provoquer des dégâts matériels, 74.5% à peindre

des slogans sur les murs, 72.5% à refuser de payer leurs impôts, 62.5% à occuper des

bâtiments administratifs. La grève, qui appartient essentiellement au répertoire d’action de la

gauche, est repoussée par 59% des répondants. Ces résultats expriment la volonté de rester

124 Pascal SIGODA. « Les cercles extérieurs du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 143-158. 125 Guy MICHELAT. « Les échelles d’attitudes et de comportements » in : CEVIPOF. L’électeurs Français en questions. Paris : Presses de la Fondation des Sciences Politiques, 1990.

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dans un cadre conventionnel et légal de participation politique, en l’occurrence d’en rester à

une action intra-partisane. Cependant, le potentiel protestataire des militants du RPR reste

élevé : 3.5% seraient prêts à provoquer des dégâts matériels (contre 1% dans l’enquête

CEVIPOF), 18% à peindre des slogans sur les murs (contre 5%), 20% à refuser de payer ses

impôts et 29.5% à occuper des bâtiments administratifs (contre 28%). Ces taux importants,

mais qui ne concernent qu’une minorité des adhérents, s’expliquent par le nombre important

de jeunes et de diplômés dans notre échantillon. On sait, en effet, que l’âge et le niveau

culturel sont déterminants du potentiel d’action protestataire. De plus, on note que ce sont les

« activistes », c’est-à-dire les militants les plus engagés dans le parti, qui seraient prêts pour

défendre leurs idées à passer à un autre mode d’action. Il faut toutefois être prudent car cet

indicateur mesure un potentiel et non le passage à l’acte lui-même.

2.3/ Limitation de l’importance des objectifs électoraux :

Dernier élément qui caractérise le mode d’action des militants du RPR, et qui est la

conséquence de la plus forte implication intrapartisane, et du plus faible engagement extérieur

: le limitation des objectifs électoraux.

Il est indéniable que l’élection joue un rôle prépondérant dans l’action des militants

politiques : elle structure le jeu politique en en fournissant les enjeux. Dans cette compétition

les militants, de quelle que formation politique qu’il s’agisse, trouvent un moment privilégié

pour développer leur action.

C’est bien évidemment le cas aussi pour les militants du RPR comme le montre la

fréquence des thèmes abordés lors des réunions qui, rappelons-le sont largement suivies de

façon régulière. Le thème « organisation des campagnes électorales » est très fréquemment à

l’ordre du jour des réunions : 69% des personnes interrogées affirment qu’il est abordé soit

très souvent, soit quelquefois lors des réunions (contre 24.5% rarement ou jamais). De plus,

73% affirment que les problèmes politiques nationaux, « la politique politicienne », sont

fréquemment abordés lors des réunions ; 70.5% signalent la fréquence de la mise à l’ordre du

jour des « problèmes économiques et sociaux ». Ces deux thèmes indiquent l’importance de

certains enjeux dans la bataille électorale. Mais cette importance des questions électorales et

nationales ne doit pas occulter le fait qu’il existe des discussions sur « l’organisation interne

du mouvement » (thème fréquemment abordé selon 54.5% des personnes interrogées), sur

« l’élaboration du programme du mouvement » (53%) ou encore sur la « vie de la

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86

circonscription » (68%). il faut donc relativiser l’importance des questions d’ordre électorale,

il existe aussi au sein du RPR un réflexion d’ordre programmatique, organisationnelle et

locale, qui souligne que le militantisme ne finit pas avec l’élection.

On peut remarquer, en effet, que pour certains militants, les « activistes », l’action

tend à devenir continue, régulière, à ne pas s’arrêter aux simples échéances électorales. Les

permanences du RPR sont ainsi ouvertes très régulièrement : celle de la 1ère circonscription

l’est toute la journée, les autres par demi-journées. Les réunions sont régulières : celles des

jeunes du RPR se déroulent une fois par semaine ou une fois par quinzaine. Les séances de

tractage sur les marchés sont, dans certaines circonscriptions, hebdomadaires ; comme

l’indique une militante : « les marchés on en fait le samedi, on en fait le dimanche, moi j’y

vais pas tous les week-end, j’ai quand même une famille, j’y fait de temps en temps, ça

permet d’avoir un contact avec les gens de la rue parce qu’en politique il y a le principe de

l’écoute des autres; c’est vrai que sur les marchés ça nous permet de rencontrer tout le

monde » (entretien 6). Le mouvement se doit donc d’afficher une présence importante sur le

terrain, d’apparaître continuellement à l’écoute des gens. Ces deux aspects « être sur le

terrain », « être à l’écoute des gens » reviennent souvent dans les entretiens et semblent

qualifier les militants les plus actifs, les « activistes ».

Pour finir, il est possible de constater un renouvellement qualitatif des actions

militantes menées lors des périodes électorales. Si la distribution de tracts sur les marchés et

dans les boîtes aux lettres restent les activités principales, il faut remarquer que certaines

activités tendent à disparaître. Ainsi de l’affichage, car, d’une part, cette pratique est très

réglementée : l’affichage sauvage étant puni il est difficile d’en faire hors des périodes

électorales et hors des emplacements réservés. D’autre part, l’affichage coûte cher et les

partis, ayant vu limitées leurs dépenses électorales par la loi du 15 janvier 1990 relative au

financement des élections et des partis, tendent à diminuer leurs dépenses en matériel de

campagne. Parallèlement, on voit apparaître de nouvelles activités. Les réunions

d’appartement, si elles ne constituent pas une véritable nouveauté, sont multipliées. Il s’agit

de réunions privées au cours desquelles le candidat vient répondre aux questions d’une

trentaine de personnes invitées et choisies par un militant. Les activités de propagande

suppose donc d’avoir au préalable « travaillé le terrain » de la circonscription, de faire la

preuve par sa présence de la réalité de la volonté d’écoute et de proximité des gens affichée

par le mouvement gaulliste.

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87

On peut donc dire que le militantisme au RPR, au moins à Paris, se veut une activité

de proximité, qui tend à devenir continue et régulière tant il est vrai que pour les militants une

élection ne se gagne que si un travail de longue haleine a été mené préalablement.

3) Le système de rétributions du militantisme au RPR :

Maintenant que les modalités pratiques du militantisme au RPR sont comprises, il

convient de tenter d’expliquer comment l’organisation motive ses adhérents à passer à

l’engagement militant. Il s’agit ici de décrire l’interaction I.-O., c’est-à-dire le processus

d’échanges qui existe entre l’individu et l’organisation. Pour l’individu, l’engagement militant

présente un coût plus important que le simple fait de prendre sa carte. L’organisation doit

donc rétribuer ses militants à hauteur de ce coût. Nous tenterons de décrire le système des

rétributions du militantisme au RPR en partant de la satisfaction ou de l’insatisfaction avouée

des militants.

3.1/ le coût de l’engagement militant :

Il faut d’abord saisir en quoi l’engagement militant est coûteux.

Il l’est d’abord par l’effort qu’il réclame pour s’intégrer au groupe relativement clos et

replié sur lui-même des militants déjà présents. Un militant explique parfaitement ce

phénomène :

« -Au début, je dirais que la première fois que tu y vas, tu ne sais pas où tu vas et tu te

présentes là, tu vois ce que ça donne et à mon avis c’est la troisième fois que tu choisis si tu as

envie de rester ou pas. C’est vrai qu’au départ, c’est dur...

« - C’est dur...

« - S’intégrer surtout, il faut trouver des gens qui t’aident à t’intégrer ». (entretien 7)

L’intégration au groupe est un processus relativement long, actif et coûteux pour la

personne qui s’engage. Ce processus réclame de « faire ses preuves » afin d’être reconnu par

les autres comme un militant à part entière. Faire ses preuves, c’est-à-dire être présent sur le

terrain, agir avec les autres. C’est à ce prix que l’adhérent s’insère dans le groupe militant, fait

petit à petit l’apprentissage du fonctionnement interne du groupe et accède finalement au titre

de militant.

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88

Une fois ce travail plus ou moins facile effectué, l’engagement militant nécessite

encore d’y consacrer un certain temps : « il y en a qui tiennent des permanences mais moi je

ne le fait pas, ça c’est la semaine mais comme je travaille, vous savez j’ai des horaires,

comme je suis directrice de crèche je sors à sept heure le soir ; alors comme j’ai un travail très

prenant la semaine, c’est pourquoi je travaille (pour le RPR) plutôt les week-ends » (entretien

6). Or, tous les adhérents ne sont pas prêts à passer à une action militante continue. Ainsi un

interviewé, qui s’autoévalue comme « simple adhérent », affirme : « mon but c’est

simplement de faire un petit peu de politique, de faire entendre ma voix. La cotisation est

importante, le soutien qu’on accorde à nos élus, et bon de temps en temps il faut distribuer des

tracts, il faut tracter un peu, enfin tout ce boulot de fond. Mais la politique n’est pas au centre

de ma vie, et je ne veux pas en faire une préoccupation au centre de ma vie parce que j’ai un

métier qui m’intéresse beaucoup, qui est très prenant et mon métier sera toujours plus

important que la politique ».

Ainsi ceux qui après l’adhésion passe à l’action militante active doivent recevoir de la

part de l’organisation les rétributions de leur action, c’est-à-dire que leurs attentes, leurs

espoirs doivent être remplis. La satisfaction ou l’insatisfaction qui découle de l’engagement

militant permet d’éclairer le système de rétributions du militantisme au RPR.

3.2/ Gratifications matérielles et symboliques :

Globalement, au travers des entretiens, il apparaît que les personnes interrogées sont

plutôt satisfaites de leur engagement. Elles affirment avoir trouvé dans celui-ci ce qu’elles

cherchaient quand elles sont venues au RPR. C’est donc que l’organisation semble remplir

correctement son rôle dans l’échange de gratifications avec l’individu.

Toutefois un certain nombre de critiques sont adressées au parti. Pour certains « les

militants n’ont pas tellement, je ne dirais pas le droit de parole, mais la possibilité d’intervenir

sur des tracts par exemple. Le mouvement devrait plus tenter de nous initiés aux

problématiques du parti. On a un peu l’impression d’être des soldats de troupes » (entretien

4). Cette insatisfaction souligne le désir d’être associé davantage à la prise de décision. Une

autre critique rejoint celle-ci : « Pour tout vous dire, j’ai une petite déception sur le plan que

j’espérais que les gens qui travaillent sur le terrain essaieraient de monter sur le plan

politique, par exemple devenir conseillère d’arrondissement moi c’est quelque chose qui

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89

m’intéresserait, mais on est tous un peu déçus parce qu’on se rend compte qu’aux municipales

J. TOUBON prend un peu plus les gens qu’il veut que les gens qui travaillent » et plus loin

« il faut avoir la foi, les seules récompenses qu’on a c’est quand on se retrouve entre nous,

quand on a un petit repas ensemble sympa et quand on a des invitations à des meetings ou à

des réunions » (entretien 7).

Ces critiques, cette insatisfaction réelle montre que le système de rétributions du

militantisme au RPR est fortement dominé par les rétributions symboliques. Le noyau dur des

militants du RPR, les « activistes », est constitué essentiellement de « croyants » qui se

satisfont de rétributions collectives symboliques. Les « croyants » sont définis par

A.PANEBIANCO126 comme des militants qui sont attachés de façon affective aux objectifs

officiels du parti, à ses leaders. Il s’agit de ces militants qui ont la foi et dont cette foi doit être

entretenue par les leaders par des rituels où l’identité des « croyants » est renforcé. La

participation à toutes les activités où les militants se retrouvent entre eux, les réunions, les

meetings, les grands-messes des Assises ou des universités d’été des Jeunes du RPR, ou

encore les « pots » et les dîners rituels sont des rétributions symboliques de première

importance. Car là, les différences sociales s’annulent, chacun appartient à une même

communauté, soudé autour d’un idéal et d’un combat communs.

Comme l’indique un militant interrogé par entretien, « quelles que soient nos idées, on

a tous un point commun, on aime tous la sangria du samedi, on se retrouve tous les samedi

entre onze heure et treize heure autour d’une sangria, les jeunes et les moins jeunes, et c’est

l’occasion où l’agriculteur va parler au chef d’entreprise, c’est véritablement sympathique et

je trouve que c’est important, très important » (entretien 5). De la même façon, une ancienne

militante évoque les satisfactions retirées de son militantisme : « ça m’a contentée, ç’a ma fait

rencontrer des gens que je n’aurais peut-être jamais rencontrés, ça m’a donnée de grandes

joies quand il fallait faire des meetings, etc., ces grands-messes gaullistes au Palais des Sports

ou ailleurs, entourée de gens qui communiaient dans le même idéal » (entretien 2).

Par ailleurs, la fidélité aux leaders, est une autre forme de rétribution symbolique qui

vient satisfaire un besoin psychoaffectif. Dans le cas du RPR, les « croyants » sont aussi des

fidèles de J. CHIRAC, ce que montre clairement les notes qui lui sont attribuées : avec une

moyenne de 4.6 sur 5 il devance largement les autres personnalités du RPR.

126 Angelo PANEBIANCO. Political parties : Organization and power. Cambridge : Cambridge University Press, 1988, p. 25 et s.

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90

A l’inverse, le système de rétributions du militantisme au RPR laisse peu de place aux

gratifications matérielles personnelles (emplois, postes de responsabilités dans le parti...). Il

est vrai que les pratiques clientélistes quand elles existent ne se montrent pas en plein jour.

Mais on peut dire que les critiques relevées précédemment signale l’absence de ces

rétributions à l’intérieur du parti. Les militants « carriéristes », définis par A.

PANEBIANCO127 comme des individus dont la participation dépend de rétributions

sélectives, sont rares et, comme c’est le cas ici, légèrement insatisfaits et déçus. Ce

phénomène relève aussi la réalité organisationnelle du RPR. Parti centralisé et monocratique,

il laisse très peu de place dans le processus décisionnel aux militants qui, « bons petits

soldats », appliquent les ordres venus du haut.

Mais il serait très réducteur et simpliste d’avancer comme explication du militantisme

l’attente utilitariste de gratifications, quelles soient symboliques ou matérielles. Les militants

sont aussi des personnes qui mènent un combat pour défendre les valeurs et les idées qui sont

les leurs. Il convient donc à présent de déterminer quelles sont ces valeurs et ses idées, en

analysant le pôle C., celui de la conflictualité.

127 Angelo PANEBIANCO. Ibid.

Page 91: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

91

CHAPITRE 6

Univers politique et idéologique des militants du RPR

Page 92: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

92

La dernière étape de l’analyse du militantisme au RPR consiste à étudier les

caractéristiques du pôle C., le pôle de la conflictualité. Dans notre modèle théorique, ce pôle

regroupe ce qu’il est convenu d’appeler la « cause » défendue, l’idéologie ou la doctrine qui

est à la base du combat mené, c’est-à-dire, en fait, les valeurs et les représentations partagées

par les militants et qui structurent leur action. Pour quoi les militants du RPR agissent-ils ?

Quel est leur système de valeurs, leurs représentations du monde ?

Nous tenterons, dans un premier temps, de spécifier l’univers politique des militants

du RPR. Il apparaît clairement que le RPR est du point de vue de ses militants un parti de

droite. Les militants radicalisent le clivage droite-gauche. Leur positionnement à droite et leur

rejet vigoureux de la gauche impliquent le partage de certaines valeurs fondamentales.

Pour finir, nous chercherons à caractériser cette appartenance à la droite en précisant

l’univers idéologique et doctrinaire des militants. Il faut remarquer, à cette égard, un certain

flou. La tradition gaulliste qui reste présente et contribue toujours à définir certaines valeurs

fondamentales est de moins en moins comprise. Nous tenterons d’expliquer ce phénomène

comme une modification de l’interaction entre les pôles O. et C. Le recentrage idéologique du

RPR, effectué dans les années quatre-vingt, au profit du néo-libéralisme a des conséquences

importante sur l’identité idéologique et politique des militants du RPR.

Page 93: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

93

1) l’univers politique des militants du RPR :

L’univers politique des militants du RPR se caractérise par deux aspects : d’une part,

un positionnement fondamental à droite et, d’autre part, un rejet total de la gauche, et

principalement des socialistes. Le clivage droite-gauche autrefois nié par la tradition gaulliste

est ici radicalisé.

1.1/ le positionnement à droite :

Les réponses aux questions portant sur le classement des adhérents et de leurs parents

sur l’échelle gauche-droite soulignent clairement l’importance du choix de la droite.

89.5% des personnes interrogées s’auto-positionnent, en effet, dans les cases 5 (centre-

droit) à 8 (extrême-droite). 31% des personnes choisissent de se placer dans les cases 5 et 6,

catégories qui relèvent de la droite modérée. 48.5% acceptent de se placer à l’extrémité droite

de l’échelle (cases 7 et 8). Alors que la tradition gaulliste récuse la division droite-gauche,

force est de constater que les adhérents se positionnent sans difficulté aucune sur une échelle

qui en rend compte (à l’exception toutefois d’une minorité de 7% des personnes interrogées

qui refusent le positionnement, en se classant en « ni droite, ni gauche »).

Il est possible de relever certains facteurs discriminants de la position sur l’échelle

gauche-droite : le sexe, certaines PCS, la religion et l’autoévaluation comme simple adhérent

ou comme militant. On peut noter que les femmes se positionnent plus facilement dans les

cases extrêmes que les hommes (57.5% le font contre 44%). Les hommes sont ainsi plus

nombreux à choisir les cases plus centrales (46% contre 30%).

Les personnes qui appartiennent aux catégories socioprofessionnelles supérieures

(« cadres et professions intellectuelles supérieures ») sont plus de 70% à choisir les positions

les moins extrêmes. Tandis que plus de 65% des professions intermédiaires, et 47.5% des

inactifs se positionnent dans les catégories les plus extrêmes. Ainsi ce sont les représentants

des classes moyennes qui se situent le plus souvent sur ces positions, et les plus jeunes, dans

la mesure ou la catégorie inactifs regroupe essentiellement des étudiants.

L’appartenance à la religion catholique est discriminante de l’autopositionnement à

l’extrême-droite. 55% des catholiques se positionnent sur les cases les plus à droite, contre

40% sur celles les plus au centre. L’irréligion, au contraire, favorise le positionnement sur les

Page 94: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

94

cases centrales : 46% de ceux qui affirment être sans religion se situent en 5 ou 6, contre 30%

en 7 ou 8.

Enfin, on remarque que la probabilité de se positionner dans les cases extrêmes

augmente selon la catégorie de l’autoévaluation militante : 50% de ceux qui se déclarent

simples adhérents se positionnent ici, 54.5% des militants épisodiques et 61% des militants

actifs aussi.

On peut donc distinguer deux groupes. D’un côté les « modérés », qui sont plutôt des

« intermittents », le plus souvent membres des catégories professionnelles supérieures, un peu

moins catholiques et plus souvent des hommes que des femmes. Un des interviewés semble se

rapprocher assez bien de ce groupe lorsqu’il affirme: « pour moi, Europe non comprise,

j’adhérerais aussi simplement à l’UDF. Moi je ne fais pas nécessairement de grandes

différences entre les deux. » (entretien 3). Ce groupe serait comparable à une sensibilité plus

centriste et relativement bien représentée par l’UDF. Pour eux, l’Union des deux composantes

de la majorité ne posent pas de problèmes majeurs et doit se faire.

De l’autre, les « radicaux », qui sont davantage des « militants actifs », membres des

catégories moyennes, plutôt des catholiques, des jeunes et le plus souvent des femmes. Cette

sensibilité se retrouve aussi dans un entretien : « Je vais quand même vous dire, j’ai une

sympathie pour Ph. de VILLIERS, il n’est pas RPR mais je trouve que c’est un personnage

qui est très intéressant, qui correspond un petit peu à mes idées dans le sens qu’il combat,

vous savez il a créé un mouvement qui s’appelle ‘Combat pour les Valeurs’, il défend la

famille, il est contre l’avortement et il est contre la Révolution Française, c’est aussi mes

idées » (entretien 6).

Si la sensibilité dominante est bien à droite force est de constater l’hétérogénéité des

valeurs partagées.

Le positionnement par les personnes interrogées de leurs parents sur l’échelle gauche-

droite souligne, de plus, que l’appartenance à la droite est un élément hérité. 41% des

adhérents placent leur père dans les positions modérées et 48.5% dans les positions extrêmes.

A noter toutefois, 11% des adhérents situent leur père à gauche (positions 2 à 4). En ce qui

concerne les mères, 38% les situent dans les positions modérées, et 40% dans les positions les

plus extrêmes.

Page 95: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

95

Le fort positionnement à droite que nous relevons ici semble être le résultat d’une

mutation qui a touché le mouvement gaulliste dès après la victoire socialiste de 1981.

P.BRECHON, J. DERVILLE et P. LECOMTE128 constatent, pour les cadres du RPR, une

inversion de perspectives en ce qui concerne l’autopositionnement gauche-droite. Si en 1978,

les cadres du RPR se situaient majoritairement au centre, il apparaît qu’en 1984, ils se

classent pour les deux-tiers au centre-droit et pour 10% sur les positions extrêmes. Le RPR

dans l’opposition a vu ses effectifs se renouveler après 1981 par un afflux d’adhérents

s’opposant au socialisme. De la même façon on peut expliquer la « dérive droitière » que nous

enregistrons par un afflux similaire de nouveaux adhérents à partir de 1988, date de la

seconde victoire de F. MITTERRAND à l’élection présidentielle, adhérents se revendiquant

de droite.

1.2/ le rejet de la gauche :

En outre, à ce fort positionnement à droite correspond de la part des adhérents

interrogés un rejet total de la gauche en général et en particulier des socialistes.

Les notes attribuées aux formations politiques fournissent un précieux indicateur de ce

rejet de la gauche. La question posée était la suivante : « Voici une liste de partis politiques

(hormis le RPR), en mettant une note allant de 0 à 5, pouvez-vous dire, pour chacun d’entre

eux, s’ils sont proches ou non de vos idées (0= pas proches du tout ; 5= très proches) ? ». Il

est possible de classer en trois groupes les différentes formations selon la note moyenne

qu’elles ont reçu :

- le premier groupe est constitué des notes entre 0 et 1, il signifie bien entendu un rejet

quasi absolu des formations concernées. Or toutes les formations de gauche appartiennent à

ce groupe. La plus basse moyenne (0.05) est attribuée aux « partis d’extrême gauche », la plus

forte (0.7) au mouvement des citoyens. Le PCF obtient 0.1 tandis que le PS obtient 0.4, tout

comme le MRG. A l’antipathie affichée pour Génération Ecologie qui recueille une moyenne

de 0.7.

- le deuxième groupe est composée des formation ayant reçu une note moyenne allant

de 1 à 2.5, c’est-à-dire moins de la moyenne sur 5. Ce groupe exprime une certaine hostilité

128 Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « L’univers idéologique des cadres du RPR : entre l’héritage gaulliste et la dérive droitière ». Revue Française de Science Politique, 37(5), oct. 1987., p. 682 et s.

Page 96: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

96

ou, au moins, une certaine méfiance. On y trouve les Verts (note moyenne, 1), le FN (1.1) et

le CNI (2).

- Enfin, le dernier groupe rassemble les notes excédant 2.5. Une seule formation reçoit

ici une telle note : l’UDF avec 3.5.

Il est possible de faire trois constatations. D’une part, le rejet de la gauche sous toutes

ces formes est radical et sans conteste. Par ailleurs, le FN est globalement repoussé par les

adhérents du RPR. Il faut toutefois remarquer que la dispersion des notes signale l’existence

d’une frange d’adhérents ayant attribué à cette formation une note dépassant 2 (18.5% des

répondants). Enfin, l’UDF est très largement acceptée : seule une minorité (12.5%) lui a

attribué une note inférieure à la moyenne.

Ainsi les adhérents du RPR, étudiés ici, radicalisent le clivage droite-gauche. Ils

dessinent une frontière fondamentale entre eux, et les alliés de l’UDF et la gauche.

Ceci se retrouve dans les entretiens avec les militants. « Je suis anti-socialiste. Quand

on voit la IVème République ce qu’elle a donné, quand on voit la déliquescence du parti

socialiste depuis 1981, on a quelques inquiétudes à se demander comment les Français ont pu

encore voter MITTERRAND en 1988 » lance une militante (entretien 2). Pour un autre « les

socialistes, ce qu’on peut leur reprocher de plus important, c’est d’avoir détruit les illusions,

nous avons une jeunesse sans aucune illusion, sans aucun avenir, sans aucune illusion. Le plus

grave c’est que quand les socialistes sont arrivés au pouvoir, ils étaient porteurs de cette

illusion. Ils sont arrivés au pouvoir parce qu’ils représentaient une certaine illusion, et ils ont

tué cette illusion dans toute une génération » (entretien 5).

Il est nécessaire à présent de préciser la nature de ce positionnement à droite et de

tenter d’interpréter cette radicalisation du clivage droite-gauche. Quel est, autrement dit,

l’univers idéologique des militants du RPR ?

2) l’univers idéologique des militants :

Il apparaît que cet univers idéologique est de plus en plus caractérisé par un certain

flou. La tradition gaulliste, certes encore présente à bien des égards, semble, de plus en plus,

ne plus revêtir de signification réelle, surtout chez les jeunes. Ce phénomène semble trouver

Page 97: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

97

son explication dans le revirement néo-libéral effectué par le RPR dans les années 1980,

c’est-à-dire dans la transformation de l’interaction entre le pôle de l’organisation et celui du

conflit.

2.1/ que reste-t-il de la tradition gaulliste ?

Poser cette question revient à s’interroger sur la nature de l’interaction entre le pôle I.,

l’engagement individuel, et le pôle de la conflictualité. Autrement dit, les militants du RPR

s’identifient-ils aux valeurs et aux principes traditionnellement défendus par leur organisation

?

Pour de nombreux militants interrogés par entretien, il apparaît, en fait, que le

gaullisme, entendu, non comme une idéologie très structurée, mais comme un ensemble de

principes et de valeurs (indépendance et grandeur de la France, Etat fort, réconciliation

sociale, etc.), reste finalement une chose très vague, sans consistance et à laquelle il

s’identifie avec mal.

Un jeune militant précise ainsi : « Il n’y a personne qui a jamais voulu m’expliquer ce

que c’était vraiment que le gaullisme, parce que le gaullisme, on m’a dit, c’est De GAULLE,

voilà une certaine idée de la France forte, de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, alors que

certaines personnes du RPR veulent l’Europe restreinte, je ne vois pas l’intérêt, vu qu’on se

réclame du gaullisme, certaines choses sont un peu contradictoires. » (entretien 7).

La conséquence de cette difficulté à préciser ce qu’est le gaullisme conduit à ne plus

se définir soi-même comme gaulliste.

« Je ne sais pas ce que signifie le gaullisme. Pour moi c’est un certain pragmatisme.

Mais moi je ne suis pas gaulliste, moi je suis chiraquien » (entretien 3).

« Le gaullisme, il était une époque où ça représentait quelque chose, de nos jours ça ne

représente plus rien. En réalité ça ne représente rien parce que De GAULLE, ça fait des

années que ses idées ont été exploitées par tout le monde et ont été détruites par tout le

monde. Le gaullisme ne veut plus rien dire. La droite veut encore dire quelque chose. La

droite, l’individualisme, la liberté, les valeurs comme le travail, le combat pour se réaliser,

s’épanouir soi-même et non pas à l’intérieur d’une société, ça, ça existe encore, mais le

gaullisme ne veut plus rien dire » (entretien 5).

On accepte l’appartenance à la droite, essentiellement, on le voit ici, à la droite

libérale, mais l’identification au gaullisme est rejetée. Ces militants témoignent d’un certain

Page 98: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

98

réalisme, d’un certain pragmatisme : le gaullisme est dépassé, disent-ils, on ne sait plus très

bien ce qu’il signifie.

Pour d’autres militants et adhérents du RPR, le gaullisme apparaît encore comme

porteur de certaines valeurs. Plusieurs thèmes proprement gaullistes sont ainsi présents dans

leur discours: le volontarisme, un certain patriotisme et l’indépendance et l’ouverture d’esprit

:

- le volontarisme apparaît dans plusieurs entretiens ; il semble être l’un des moteurs du

militantisme gaulliste. « Et puis dans le gaullisme, on retrouve ce mot « combat » puisque De

GAULLE s’est toujours battu, il s’est battu pendant la guerre puisqu’il a fait la résistance et

puis il s’est battu après quand il a repris le pouvoir en 1958, et c’est quand même lui qui a su

relever le pays, qui a fait que les années soixante ont été très prospères. » (entretien 6). Le

revers de cette idée est le rejet de tout immobilisme : « C’est l’immobilisme, comme Balladur

en ce moment qui est mou, c’est l’immobilisme, on n’arrive à rien, on n’a pas de grande

réforme, il faudrait en faire, avec la majorité qu’on a à l’Assemblée, là, on pourrait faire

beaucoup. Moi l’immobilisme c’est quelque chose que je ne tolère pas. » (entretien 6). Mais

ce volontarisme, ce rejet de l’immobilisme, est moins un élément d’une doctrine politique

bien arrêtée qu’une vertu nécessaire aux yeux de chaque militant. C’est, par exemple, ce

volontarisme qui fait préférer, au sein du RPR, J. CHIRAC à E. BALLADUR : « CHIRAC

c’est différent de BALLADUR c’est quelqu’un qui donnerait une impulsion à la France, c’est

quelqu’un de dynamique. Pour moi BALLADUR et MITTERRAND c’est des « mous ».

C’est pour ça que j’ai un peu peur que ce soit BALLADUR qui se présente parce que la

France aime les mous » (entretien 7).

- le patriotisme évoque dans le discours des militants la « certaine idée de la France »

propre à la pensée du général De GAULLE : « Il y a ce sens d’aimer son pays, je crois qu’il y

a un grand amour de la patrie qu’on retrouvait chez le général, un homme qui a beaucoup

aimé son pays, et ça je crois qu’on le trouve plus au sein du RPR que de l’UDF. Je trouve

qu’il y a un grand amour de la patrie au sein du RPR » (entretien 6). « Le gaullisme, c’est un

homme qui a incarné la France, et qui a surtout aimé avant tout son pays, qui a eu comme

souci majeur la France » (entretien 2). Cet aspect du gaullisme se retrouve cependant

davantage chez les plus anciens militants que chez les plus jeunes, qui comme nous l’avons

souligné précédemment ont du mal à le définir.

Page 99: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

99

- l’indépendance et l’ouverture d’esprit, plus qu’une valeur, à proprement parler,

correspondent à un état d’esprit des adhérents et militants du RPR. Pour une jeune adhérente,

le gaullisme « c’est une façon de se placer au dessus des partis, c’est vrai que forcément le

nom du gaullisme est attaché à un parti qui est au combien structuré, mais quand même au

départ, c’est une façon d’être un petit peu indépendant, tout en se rattachant clairement à un

courant anti-communiste et conservateur » (entretien 1). Pour un autre, enfin, cette

indépendance coïncide avec une certaine ouverture d’esprit qu’il applique quotidiennement :

« Pas uniquement en tant que militant de ma permanence, mais aussi dans ma vie de tous les

jours, j’essaie de faire en sorte de m’entendre avec le plus de monde possible, j’essaie

d’écouter tout le monde, j’essaie d’être un peu en osmose avec les gens qui m’entourent »

(entretien 4).

Or, ces trois éléments dessinent les traits du leader du mouvement, J. CHIRAC,

« dynamique », « volontaire », « respectueux des autres », il apparaît pour la plupart des

militants interrogés ici comme le seul à pouvoir redresser la France. Ce qui reste du

gaullisme sans De GAULLE est en fait incarné par J. CHIRAC. L’unanimité se fait, en effet,

sur son nom, le plus souvent contre E. BALLADUR, dans un contexte où les personnalités

sont présentées comme de futurs concurrents à l’élection présidentielle de 1995. Plus que des

gaullistes les militants du RPR sur Paris sont des « chiraquiens », dévoués corps et âme à leur

maire, au président de leur mouvement. L’identification à l’idéologie ou à la doctrine

politique défendue par le parti, dont l’interaction I.-C. rend compte, est médiatisée au RPR

par le leader charismatique qui rassemble en lui-même toutes les valeurs et tous les principes

qui sont aussi au fondement de l’action militante.

Par ailleurs, il apparaît que le recentrage idéologique que le RPR a connu dans les

années quatre-vingt permette d’expliquer, à la fois la radicalisation du clivage gauche-droite

et le faible rôle joué par la tradition gaulliste chez les militants de ce mouvement.

2.2/ le recentrage néo-libéral et ses conséquences :

Nous avons défini, dans notre modèle du militantisme, l’interaction entre les pôles

organisationnel et conflictuel, comme un processus dans lequel l’organisation politique

mobilise à ses propres fins une idéologie politique, une doctrine ou un système de valeurs. Le

Page 100: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

100

gaullisme est bien entendu le système idéologique principal de référence des adhérents et de

militants engagés dans les différentes organisations politiques qui se sont succédées depuis le

Rassemblement du Peuple Français. J. CHARLOT129 caractérise ce système qui selon lui est

composé, d’une part, d’un fond commun et, de l’autre par trois courants doctrinaux distincts.

Le fond commun, propre à tout gaulliste, est représenté par la « certaine idée de la France »

du général De GAULLE. Il s’agit là de cette mystique de la nation, caractéristique de la

pensée de De GAULLE, où la grandeur, l’indépendance et la puissance sont les principaux

éléments. Les trois courants doctrinaux signalent des différences de sensibilités entre les

tenants du gaullisme. Il s’agit, premièrement, d’une doctrine de l’Etat fort, de type jacobin,

indépendant des factions et permettant d’unifier tous les Français autour d’un pouvoir central.

La seconde doctrine est celle de la démocratie sociale, qui dans la logique unitaire du

gaullisme, implique la réconciliation sociale et la négation des divisions de classe. Enfin,

troisième courant doctrinal, celui du « bien commun » qui fait du gaullisme une méthode

d’action, volontaire, impliquant un effort et un dépassement de soi, pour parvenir à la

satisfaction du bien de tous.

Or, depuis 1981, cette doctrine ne semble plus au fondement de l’organisation

gaulliste. A partir de cette date, le RPR, comme le souligne J. BAUDOUIN, « s’engage dans

un intense processus de renouvellement intellectuel qui l’éloigne de ses vieilles hérédités

gaulliennes et l’inscrit, à l’inverse, dans le sillage immédiat de cette grande mythologie néo-

libérale qui semble essaimer dans toutes les sociétés occidentales »130. En d’autres termes,

l’interaction entre les pôles O. et C. s’est transformée : dans un contexte où le RPR doit se

situer dans l’opposition à un pouvoir de gauche, où il n’a pas l’hégémonie face à l’allié-

concurrent qu’est l’UDF, le RPR doit modifier, rectifier, son identification idéologique s’il

veut recouvrer l’hégémonie au sein des droites et, finalement, le pouvoir. Les thèses néo-

libérales qui se caractérisent par la défense du libéralisme économique (dénonciation du trop

d’Etat, appels renouvelés à la déréglementation, la débureaucratisation, la privatisation, etc.)

et d’un certain ordre moral (exprimé parfaitement par J. TOUBON en 1982, « Pas de

féminisme mais la famille, pas l’écologie mais le travail et le niveau de vie, pas le

régionalisme mais la nation, pas la permissivité mais la morale »131), ancrent le RPR à droite. 129 Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand Colin, 1967. 130Jean BAUDOUIN. « Le ‘moment néo-libéral’ du RPR : essai d’interprétation ». Revue Française de Science Politique, 40(6), déc. 1990, p. 830. 131 cité par Jean BAUDOUIN. op. cit., p. 833.

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101

Cette modification de l’une des trois interactions fondamentales, qui sont au coeur du

phénomène militant, a forcément des implications sur le militantisme au RPR. Les militants et

adhérents venus au RPR dans les années quatre-vingt sont donc, comme nous l’avons indiqué,

plus ancrés à droite que les générations plus anciennes, qui ont connu le gaullisme triomphant

des années cinquante et soixante. Ils sont plus enclins à adopter les idées libérales et à

repousser violemment toutes les formes que peut prendre la gauche. Ce phénomène illustre,

semble-t-il assez bien, la fidélité des militants aux choix idéologiques des dirigeants, qui n’est

qu’un élément de la fidélité plus générale qu’éprouve les militants à l’égard de leurs leaders.

Enfin, s’inscrivant désormais davantage dans la lutte politique, la concurrence entre

des options fondamentales, des choix de société antagonistes, le RPR tend à devenir, dans une

grande mesure, un parti de militants, dont l’activité est un peu plus tournée vers l’organisation

elle-même, la réflexion doctrinale et programmatique, sans que les objectifs électoraux soient

pour autant minimisés.

Maintenant que les trois pôles du modèle O., C., I. ont été analysés dans le cas du RPR

à Paris, il semble possible de tenter de définir une typologie des militants du RPR à partir du

critère en six variables défini à la fin de la première partie.

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102

UNE TYPOLOGIE DES MILITANTS DU RPR

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103

Proposer une typologie des militants ce n’est pas enfermer la réalité militante dans des

catégories préconçues. Mais, sans toutefois vouloir « s’instituer le Buffon de la science

politique »132, il apparaît néanmoins que cet effort de typologie permet de souligner la

pluralité des situations militantes au sein d’un parti politique. Notre indicateur du militantisme défini en fin de première partie est composé de six

variables, chacune d’entre elles contribue à dessiner une typologie des militants

caractéristique du RPR à Paris.

La première variable définissait le système de motivations propres aux militants.

Appliquée au cas pratique du RPR, elle a permis de mettre à jour quatre grandes catégories de

motivations : celles qui se référent à l’idée d’un combat pour des idées et des convictions

personnelles, celles qui traduisent le rôle joué par un événement important, celles qui se

rattachent aux valeurs que représentent le RPR, et enfin celles déterminées par la personnalité

d’un leader gaulliste (Ch. De GAULLE ou J. CHIRAC). Ces quatre catégories peuvent être

ramenées à deux types principaux de motivations : les motivations « idéologiques » (défense

d’idées personnelles, et valeurs représentées par le RPR) et les motivations « contextuelles »

(événement ou personnalité).

La seconde variable, l’auto-évaluation par les individus eux-mêmes de leur situation

(simple adhérents, militant intermittent, militant actif), croisée avec la troisième, c’est-à-dire

132 Michel OFFERLE. Les partis politiques. Op. cit., p. 16.

Page 104: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

104

l’implication dans les activités partisanes (type d’activités effectuées, temps consacré,

fréquence, etc.) a dévoilé deux types de militants : les « activistes » et les « intermittents ».

La quatrième variable, l’implication dans les activités extérieures (cumul de positions

militantes dans les associations, syndicats, etc.), ne donne pas lieu dans le contexte du RPR à

la définition d’un type de militant « extérieur », prosélyte, occupé avant tout du rayonnement

des idées gaullistes hors du mouvement. Si un tel type a existé dans les organisations

gaullistes précédant le RPR, force est de constater qu’il a disparu dans celui-ci.

La cinquième variable qui n‘est rien d’autre que le système de rétributions reçues et

attendues par les militants (collectives, sélectives, symboliques, matérielles, etc.) défini deux

types de militants : les « croyants » et les « carriéristes ». Mais dans le cas étudié, il apparaît

que les premiers dominent largement, tandis que les seconds restent une minorité tant il est

vrai que le système de rétributions du militantisme au RPR se caractérise essentiellement par

l’importance des gratification symboliques collectives.

Enfin, la fidélité aux principes idéologiques défendus par l’organisation, la sixième

variable de notre indicateur, qui apparaît dans l’analyse du pôle de la conflictualité, ne permet

pas de distinguer de types différenciés de militants. Au RPR, la fidélité aux principes

idéologiques que représentent l’organisation est une vertu que partage chaque militant. Le

militant RPR est donc essentiellement un « fidèle ».

Ainsi, l’application du modèle O., C., I. a permis de saisir les formes plurielles du

militantisme au RPR, en définissant une typologie propre à ce parti dans le contexte où il a été

étudié. Les militants ne sont pas ici considéré comme un groupe homogène, parfaitement

défini selon tel ou tel critère objectif, mais représentent des types différenciés renvoyant à une

pluralité de situations militantes.

Page 105: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

105

CONCLUSION Les fourmis et l’aveugle

Page 106: (dans quatre circonscriptions parisiennes) Contribution à

106

W. SCHONFELD133 sous-titrait son ouvrage sur les dirigeants du PS et du RPR, « les

éléphants et l’aveugle ». Dans le cas précis, les éléphants étaient les dirigeants qui

constituaient l’objet d’étude, et l’aveugle, le politiste, le chercheur qui, lorsqu’il est en

présence d’une trompe ou d’une queue, c’est-à-dire lorsqu’il met à jour des caractéristiques

particulières à son objet, ne sait pas très bien en définitive si il a entre les mains une queue ou

une trompe, ce qu’il saisit correspond à la réalité.

Etudier le phénomène militant c’est aussi largement être aveugle. Car les militants, qui

ne sont pas ici des éléphants, mais des fourmis, constituent une réalité protéiforme, multiple,

variée. Pour le chercheur qui a su dépasser l’illusion de l’existence, dans l’organisation

partisane, d’un groupe autonome, homogène et clairement défini de militants, apparaît alors

toute la diversité des situations militantes. Ainsi quand le politiste a devant les yeux un

militant, il n’est jamais vraiment sûr que ce soit un « activiste » ou un « intermittent », un

« croyant » ou un « carriériste ». Toutes les définitions et toutes les typologies trouvent ici

leur limite : en découpant la réalité, en constituant des frontières, elles n’éclairent qu’une

partie des phénomènes étudiés et laisse dans l’ombre des aspects particuliers de ceux-ci. Cela

nous semble particulièrement vrai dans le cas du militantisme. Toute tentative de

conceptualisation du militantisme politique entraîne une perte d’information ; si elle donne à

133 William SCHONFELD. Op. cit.

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107

voir certains éléments propres à ce phénomène, elle aveugle aussi et interdit d’en saisir

d’autres.

Le modèle O., C., I. n’échappe pas à cette règle. Mais il cherche à minimiser la perte

de l’information inévitable dans toute modélisation. Il tente de restituer le caractère complexe

et divers du phénomène militant en croisant les trois instances individuelle, organisationnelle

et idéologique, et en précisant par ailleurs leurs interactions. L’éclairage ici se veut plus

grand, pour que l’aveugle se sente un peu moins aveugle, bien qu’il est évident qu’il le restera

toujours.

Ainsi l’application pratique du modèle O., C., I. au cas du RPR, illustre sa capacité à

saisir les formes variées que le militantisme peut revêtir dans se parti politique. Alors que les

approches unidimensionnelles semblent incapable de le faire. Ainsi le modèle du militant

activiste, dévoué à son parti, propre aux organisations de gauche, et particulièrement au parti

communiste, est ici réducteur. Appliqué au RPR, il ne mettrait en évidence qu’une partie de la

réalité. En ne distinguant que les militants les plus actifs, les plus engagés dans le parti, mais

qui représentent une minorité, il oublierait qu’il existe dans cette organisation toute une

catégorie de militants intermittents, moins engagés, faute de temps, de motivations, etc., mais

qui revendiquent pour eux mêmes le titre de militants.

Ainsi, pour finir, on peut dire que le militantisme politique est défini dès qu’il est

perdu en tant qu’objet clairement délimité. C’est, paradoxalement, dans son éclatement en

sous-groupes, en types différenciés, qu’il apparaît plus proche de sa réalité. La contribution à

l’analyse générale du militantisme que représente le modèle O., C., I. peut se résumer par la

volonté de saisir la complexité de ce phénomène, en insistant sur l’interaction entre

différentes instances (individuelles, organisationnelles, idéologiques) et en repoussant les

approches unidimensionnelles qui semblent trop réductrices.

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ANNEXE 1 :

METHODOLOGIE SUIVIE

L’enquête s’est déroulée de janvier 1994 à mars 1994. Elle a débuté par une analyse

des documents édités par le RPR (matériel à destination des adhérents, presse - Lettre de la

Nation pour l’année 1993 et le premier trimestre 1994 -, etc.)

En ce qui concerne le questionnaire la méthode retenue est la suivante : 200

questionnaires ont été envoyés à des adhérents du RPR tirés au sort dans les fichiers

d’adhérents des 1ère, 5ème, 8ème et 10ème circonscriptions de Paris (50 personnes par

circonscription). Ces circonscriptions ont été choisies pour l’importance de la base militante

RPR que l’on peut y rencontrer ainsi que pour leur situation différenciée (la 1ère regroupe les

1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements ; la 5ème, le 10ème arrondissement ; la 8ème, le

12ème et la 10ème, une partie du 13ème et du 14ème). 100 autres questionnaires ont été

distribués sur le terrain, lors des réunions, des séances de tractages sur les marchés, etc. Il

s’agissait d’éviter une sur-représentation des simples adhérents et de toucher les militants. La

formulation des questions dérive directement du système d’hypothèses qui était le notre après

la reformulation théorique du concept de militantisme.

Moins d’un tiers de ces 300 questionnaires ont été retournés dont 85 seulement ont pu

être traités. La faiblesse numérique de l’échantillon limite donc la portée générale des

conclusions de l’enquête. C’est donc à titre indicatif et non représentatif de l’ensemble des

adhérents du RPR à Paris qu’il faut prendre les résultats de cette enquête (cf. annexe 2).

Parallèlement à ce questionnaire, sept entretiens semi-directifs avec des adhérents et

des militants du RPR ont été effectués. Il s’agissait de préciser des éléments plus subjectifs

(motivations, rétributions, rapport à l’idéologie gaulliste, etc.) que les questionnaires ne

permettaient pas de saisir (cf. annexes 3 et 4). Les entretiens nous ont donc servis de sources

supplémentaires d’informations, c’est-à-dire que leur usage a été complémentaire par rapport

au questionnaire et non exploratoire.

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ANNEXE 2 :

RESULTATS DE L’ENQUETE (en pourcentages arrondis)

Sexe : Homme 61 Femme 39 Age : moins de 25 ans 24 25-34 ans 31 35-49 ans 21.5 50-64 ans 14 plus de 65 ans 9.5 Quelle est votre situation de famille actuelle ? Marié 28 Vivant maritalement 15.5 Célibataire 44.5 Divorcé 3.5 Veuf 8 Quel est le diplôme le plus élevé que vous avez obtenu ? Aucun diplôme 2.5 Certificat d’études primaires 1 Brevet, BEPC 8 CAP 6 BEP 8 BAC technique 7 BAC général 2.5 BAC plus 2 15.5 Diplôme de l’enseignement sup. 49.5 Quelle est votre profession ? Si retraité, chômeur, femme au foyer, quelle a été votre dernière profession ? (détaillez le plus possible) Artisans, commerçants 7 Cadres et professions sup. 20 Professions intermédiaires 27 Employés 7 Ouvriers 3.5 Inactifs 24.5 Divers inclassables 2.5 Non-réponse 8

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Quelle est la profession de votre conjoint ? (détaillez le plus possible) Artisans, commerçants 9.5 Cadres et professions sup. 10.5 Professions intermédiaires 9.5 Employés 6 Ouvriers 3.5 Inactifs 9.5 Divers inclassables 2.5 Quelle est la profession de votre père ? (détaillez le plus possible) Agriculteurs 2.5 Artisans, commerçants 15.5 Cadres et professions sup. 27 Professions intermédiaires 22 Employés 16.5 Ouvriers 6 Inactifs 1 Divers inclassables 2.5 Non-réponse 7 Quelle est la profession de votre mère ? (détaillez le plus possible) Agriculteurs 1 Artisans, commerçants 6 Cadres et professions sup. 4.5 Professions intermédiaires 20 Employés 7 Ouvriers 2.5 Inactifs 37.5 Divers inclassables 4.5 Non-réponse 16.5 Revenu du foyer par mois: Moins de 5000 FF 9.5 De 5001 à 7500 FF 7 De 7501 à 10000 FF 15.5 De 10001 à 15000 FF 19 De 15001 à 20000 FF 16.5 De 20001 à 25000 FF 10.5 Plus de 25000 FF 15.5 Non-réponse 7 Quelle est votre religion ? Catholique 70.5 Protestante 4.5 Musulmane 3.5 Autres 4.5 Sans religion 16.5

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Diriez-vous que vous allez sur les lieux du culte ? Au mois une fois par semaine 20 Une ou deux fois par mois 21 Pour les grands événements 42.5 Jamais 16.5 Date d’adhésion au RPR : avant 1981 8 de 1981 à 1986 10.5 de 1986 à 1988 13 de 1988 à 1993 40 après 1993 24.5 Non-réponse 3.5 A quel âge vous êtes-vous intéressés pour la première fois à la politique ? Avant 15 ans 27 De 15 à 20 ans 42.5 Après 20 ans 26 Non-réponse 4.5 On classe habituellement les Français sur une échelle qui va de la gauche à la droite vous personnellement où vous classeriez-vous sur cette échelle ?

1 2 3 4 5 6 7 8 9 Non-réponse0 0 0 1 10,5 30,5 33 15,5 7 2,5

Où situeriez-vous votre père sur l’échelle gauche-droite ?

1 2 3 4 5 6 7 8 9 Non-réponse0 2,5 2,5 6 10,5 21 27 19 9,5 2,5

Où situeriez-vous votre mère sur l’échelle gauche-droite ?

1 2 3 4 5 6 7 8 9 Non-réponse1 0 2,5 2,5 12 26 19 21 9 7

Avez-vous le sentiment d’appartenir à une classe sociale ? Oui 52 Non 42 Non-réponse 6 Si oui, laquelle ? Classe moyenne 34 Bourgeoisie 18 Classe ouvrière 11.5

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Cadres 11.5 Classe aisée 7 Classe laborieuse 4.5 Divers 4.5 N.S.P. 9 Avez-vous déjà appartenu à un parti politique ? Oui 15.5 Non 84.5 Pouvez-vous dire en quelques mots ce qui vous a conduit à adhérer au RPR ? (question ouverte recodée comme suit) Par conviction personnelle 14 L’arrivée de la gauche au pouvoir 14 Jacques Chirac 10.5 Les valeurs défendues par le RPR 10.5 Par tradition gaulliste 6 Par désir d’agir 4.5 Le général de Gaulle 4.5 Pour un renouveau 4.5 Maastricht 3.5 Convaincu par un tiers 3.5 Plaisir des échanges sur la politique 3.5 La défaite en 1988 2.5 Divers inclassables 10.5 Non-réponse 7 Pour les raisons suivantes qui ont pu vous faire adhérer au RPR quelles sont celles qui vous semblent très importantes (1), plutôt importantes (2), plutôt pas importantes (3), pas importantes du tout (4) ? 1 2 3 4 N.S.P. Rencontrer des gens qui ont 20 41 17.5 13 8 les mêmes opinions que vous Trouver votre véritable identité 16.5 27 19 27 10.5 Exercer des responsabilités 22.5 26 22.5 20 9.5 Participer à la transformation de la société 46 32 12 2.5 8 Convaincre par votre exemple 23.5 33 16.5 14 13 La personnalité de J. Chirac 47 28 10.5 7 7 Diriez-vous que vous vous considérez comme ? Un simple adhérent du parti 19 Un militant épisodique 13 Un militant actif 61 Autre 4.5 Non-réponse 2.5

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Combien de temps par semaine en moyenne consacrez-vous à vos activités partisanes ? (question ouverte recodée comme suit) Aucun 3.5 Moins de 5 heures 52 De 5 à 10 heures 12 De 10 à 15 heures 3.5 Plus de 15 heures 12 Variable 6 Non-réponse 12 Voici une liste de fonctions qu’un militant peut remplir. Pourriez-vous les classer selon leur degré d’importance, de 1 la moins importante à 5 la plus importante ? 1 2 3 4 5 N.S.P. Recruter des adhérents : 13 18 14 18 13 23.5 Former des militants : 12 19 16.5 15.5 14 23.5 Faire connaître aux gens les idées du RPR : 30.5 8 10.5 12 15.5 23.5 Contribuer à l’élaboration des programmes du RPR : 12 17.5 15.5 14 17.5 23.5 Faire connaître aux dirigeants les souhaits des adhérents : 9.5 13 19 17.5 17.5 23.5 Assistez-vous aux réunions de votre parti : A chaque fois 27 Régulièrement 53 Rarement 14 Jamais 2.5 Non-réponse 3.5 Lisez-vous les publications de votre parti (La Lettre de la Nation, Participer, Contacts...) : A chaque fois 23.5 Régulièrement 46 Rarement 22.5 Jamais 7 Non-réponse 1 Etes-vous abonnés à une ou plusieurs publications de votre parti (La Lettre de la Nation, Participer, Contacts...) ? Oui 35.5 Non 62.5 Non-réponse 2.5 Appartenez-vous à un syndicat ou à une organisation professionnelle ? Oui 8 Non 89.5 Non-réponse 2.5 Etes-vous membre d’une ou de plusieurs associations (à caractère social, humanitaire, religieux, sportif ou autre) ?

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Oui 61 Non 37.5 Non-réponse 1.5 Si oui, laquelle ou lesquelles ? Humanitaires et religieuses 17.5 Sportives 17.5 Associations des jeunes du RPR 12 Associations de femmes 8 Clubs de réflexion 8 Culturelles 8 Etudiantes 4 Divers 21.5 Non-réponse 4 Pouvez-vous dire quels sont les sujets qui sont abordés, très souvent (1), quelquefois seulement (2), rarement (3), jamais (4) lors des réunions de votre parti ? 1 2 3 4 N.S.P. L’organisation interne du mouvement 17.5 37.5 17.5 7 20 L’organisation des campagnes électorales 41 28 9.5 4.5 16.5 L’élaboration du programme du mouvement 22.5 30.5 20 6 21 Les problèmes politiques nationaux 60 13 6 4.5 16.5 La vie de la circonscription 48 20 8 7 16.5 Les problèmes économiques et sociaux 43.5 27 10.5 4.5 14 Voici une liste de partis politiques (hormis le RPR), en mettant une note allant de 0 à 5, pouvez-vous me dire, pour chacun d’entre eux, s’ils sont proches ou non de vos idées (0= pas proches du tout ; 5= très proches) : 0 1 2 3 4 5 N.S.P. Génération Ecologie 40 21 15.5 8 - - 15.5 MRG 59 16.5 8 - - - 16.5 PCF 79 7 - - - - 14 UDF 1 4.5 7 24.5 40 16.5 6 Les partis d’extrême gauche 81 2.5 1 - - - 15.5 FN 43.5 14 14 13 4.5 1 9.5 PS 63.5 14 6 3.5 - - 13 CNI 26 12 10.5 15.5 16.5 4.5 15.5 Les Verts 44.5 16.5 14 6 1 2.5 15.5 Le Mouvement des Citoyens 44.5 14 10.5 4.5 1 - 24.5 Note moyenne : Les partis d’extrême gauche 0.05 PCF 0.1 MRG 0.4 PS 0.4

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Génération Ecologie 0.7 Le Mouvement des Citoyens 0.7 Les Verts 1 FN 1.1 CNI 2 UDF 3.5 Voici une liste d’activités que les membres d’un parti politique peuvent être appelés à effectuer, vous mêmes participez-vous régulièrement (1), de temps en temps (2), rarement (3), jamais (4) à : 1 2 3 4 N.S.P. La tenue d’une permanence 22.5 14 16.5 36.5 10.5 Le collage d’affiches 23.5 12 13 40 12 La distribution de tracts 33 34 10.5 14 8 L’organisation de réunions privées 12 21 14 39 14 L’assistance à des meetings 34 33 8 14 10.5 La participation à des séminaires 13 28 12 35.5 12 de formation Pour défendre vos idées et dans certaines circonstances, diriez-vous que vous êtes tout à fait prêt (1), plutôt prêt (2), plutôt pas prêt (3), pas prêt du tout (4) à : 1 2 3 4 N.S.P. Faire grève 21 10.5 22.5 36.5 9.5 Participer à une manifestation 46 26 8 12 8 Refuser de payer vos impôts 15.5 4.5 17.5 54 8 Peindre des slogans sur les murs 12 6 12 62.5 8 Occuper des bâtiments administratifs 16.5 13 12 50.5 8 Provoquer des dégâts matériels 2.5 1 7 82.5 7 Voici une liste de personnalités du RPR, en leur attribuant une note de 0 à 5, pouvez-vous dire celles que vous appréciez et celles que vous n’appréciez pas (0= n’apprécie pas du tout ; 5= apprécie beaucoup) : 0 1 2 3 4 5 N.S.P. B. Pons 4.5 9.5 23.5 27 14 16.5 4.5 J. Toubon 1 7 16.5 23.5 23.5 26 2.5 A. Juppé - 2.5 3.5 14 41 36.5 2.5 Ch. Pasqua 1 4.5 3.5 15.5 19 55.5 1 J. Chirac - 2.5 1 4.5 15.5 75.5 1 Ph. Seguin 3.5 - 9.5 28 29.5 24.5 4.5 J.-L. Debré 9.5 8 27 26 15.5 7 7 E. Balladur 4.5 4.5 12 20 16.5 39 3.5 Note moyenne : J.-L. Debré 2.5

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B. Pons 2.9 J. Toubon 3.4 E. Balladur 3.5 Ph. Seguin 3.6 A. Juppé 4.1 Ch. Pasqua 4.1 J. Chirac 4.6 ANNEXE 3 :

GUIDE D’ENTRETIEN

1) Vous êtes adhérent au RPR, pouvez-vous me raconter comment vous en êtes venu à ce parti politique : Série de thèmes à explorer : - le contexte de l’adhésion - l’itinéraire social et politique de l’individu - les motivations de l’adhésion 2) Maintenant, j’aimerais que vous me racontiez comment se déroulent vos activités au RPR : Série de thèmes à explorer : - types d’activités privilégiées - les lieux - coût de ces activités 3) J’aimerais à présent aborder avec vous le thème des relations que vous entretenez avec les autres membres du parti : Série de thèmes à explorer : - existence de conflits, de tensions entre les membres -relations avec les autres catégories du personnel partisan - caractère convivial du militantisme 4) Pouvez-vous me dire si vous pensez avoir trouvé au RPR ce que vous y cherchiez en y adhérant ? Série de thèmes à explorer : - frustration ou satisfaction de l’engagement politique - rétributions attendues, reçues

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5) Pour finir, j’aimerais que vous disiez ce que signifie pour vous le gaullisme : Série de thèmes à explorer : - poids de l’idéologie dans l’adhésion au RPR - poids de l’idéologie dans le militantisme

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ANNEXE 4 :

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ANNEXE 4 (suite) :

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BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages de références, dictionnaires, vocabulaires, etc. : - Le Petit Robert. Paris : Dictionnaires le Robert, 1989. - Dictionnaire Etymologique de la Langue Française. Paris : PUF, 1975. - Dictionnaire Etymologique et Historique du Français. Paris : Larousse, 1993. - Dictionnaire de l’Académie Française. Paris : Académie Française, 1835. - Jean DUBOIS. Le vocabulaire politique et social en France de 1869 à 1872. Paris : Larousse, 1962. - Marilyn GILL. Recherche sur le vocabulaire politique en Français contemporain : étude des élections législatives de 02/03/1967. Besançon : thèse pour le doctorat de 3ème cycle, 1970. - Georges LABICA, Gérard BENSUSSAN. Dictionnaire critique du marxisme. Paris : PUF, 1985. II. Ouvrages généraux de sociologie et de sociologie politique : - Philippe GARRAUD. Profession : Homme politique. La carrière politique des maires urbains. Paris : L’Harmattan, 1989, 224 p. - Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris : Armand Colin, 1972, 144 p. - Jacques LAGROYE. Sociologie politique. Paris : Dalloz-Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, 479 p. - Giovanni SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a systematic analysis. Beverly Hills : Sage, 1984, 455 p. - Joseph SCHUMPETER. Capitalisme, Socialisme et démocratie. Paris : Payot, 1974, 433 p. - Max WEBER. Economie et société. Paris : Plon, 1971, 650 p.

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III. Ouvrages et articles généraux sur les partis politiques : 1) Ouvrages : - Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10eme Ed.), 566 p. - Kenneth JANDA. Political Parties : a cross national survey. Londres : The Free Press, 1980, 1019 p. - Joseph LA PALOMBARA, Myron WEINER (ed.). Political Parties and Political Development. Princeton : Princeton University Press, 1966, 487 p. - Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, 125 p. - Angelo PANEBIANCO. Political parties : Organization and power. Cambridge : Cambridge University Press, 1988. - Colette YSMAL. Les partis politiques sous la cinquième République. Paris : Montchrestien, 1989, 312 p. 2) Articles : - Jean CHARLOT. « Partis politiques : pour une nouvelle synthèse théorique ». in Yves MENY (ed.). Idéologies, partis politiques et groupes sociaux. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1989, p. 285-295. - Patrick HARDOUIN. « Les caractérisitiques sociologiques de Parti Socialiste ». Revue Française de Science Politique, 28(2), avril 1978, p. 220-256. - Jean-Patrice LACAM. « Le politicien investisseur : un modèle d’interprétation de la gestion des ressources politiques ». Revue Française de Science Politique, 38(1), fév. 1988, p. 23-46. - Frédéric SAWICKI. « Questions de recherche: pour une analyse locale des partis politiques ». Politix, 2, print. 1988, p. 13-28. - Mark KESSELMAN. « Systèmes de pouvoir et cultures politiques au sein des partis politiques français. Les cas du PS et des démocrates pour la Veme République ». Revue française de Sociologie, 13, 1972, p. 485-515. IV. Ouvrages, articles et inédits sur le militantisme dans les partis politiques: 1) Ouvrages : - Pierre ANSART. La gestion des passions politiques. Paris : L’Age d’Homme, 1983, 203 p.

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- Yves BOURDET. Qu’est-ce qui fait courir les militants ? Paris : Stock, 1976, 302 p. - Michel HASTINGS. Halluin la Rouge, 1919-1939 : aspects d’un communisme identitaire. Lille : Presses Universitaires de Lille, 1991, 438 p. - Annie KRIEGEL. Les communistes Français : 1920-1970. Paris : Seuil, 1985, 400 p. - Jacques LAGROYE, Guy LORD, Lise MOUNIER-CHAZEL, Jacques PALARD. Les militants politiques dans trois partis français, PC, PS et UDR. Paris : Pedone, 1976, 186 p. - Georges LAVAU. A quoi sert le Parti Communiste Français ? Paris : Seuil, 1981, 444 p. - Michel LECOINTE. Les militants et leurs étranges organisations. Paris: Syros, 1983, 189 p. - Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil, 1973, 182 p. - Henri REY, Françoise SUBILEAU. Les militants socialistes à l’épreuve du pouvoir. Paris: Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, 291 p. - Lucien SEVE. Marxisme et théorie de la personnalité. Paris : Editions Sociales, 1974, 598 p. 2) Articles : - Martine BARTHELEMY. « Le militantisme associatif ». L’engagement politique : déclin ou mutation (pré-actes du colloque : 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOF, 1993, p. 175-199. - Roland CAYROL, Colette YSMAL. « Les militants du PS : originalité et diversité ». Projet, 165, mai 1982, p. 572-586. - Francine DEMICHEL. « Remarques sur l’étude du PCF ». Cahiers du Communisme, 56(3), mars 1980, p. 54-61. - F. DENANTES. « Le communisme, une patrie ». Projet, 101, janvier 1976, p. 9-22. - Jacques DERVILLE, Michel CROISAT. « La socialisation des militants communistes français ». Revue Française de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979, p. 760-790. - Jean-Marie DONEGANI. « Itinéraire politique et cheminement religieux ». Revue Française de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979, p. 693-738. - Daniel GAXIE. « Economie des partis et rétributions du militantisme ». Revue Française de Science Politique, 20(1), février 1977, p. 123-154. - Jacques ION. « L’évolution des formes de l’engagement public ». L’engagement politique: déclin ou mutation (pré-actes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993, p. 289-308. - A. JEANNIERE. « Difficile et ambiguë, la militance aujourd’hui ». Projet, 136, juin 1976, p. 706-716.

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- Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. « Un parti et ses militants : synchronisations et ruptures ». Bulletin de psychologie, 40(379), mars 1987, p. 215-223. - LENINE. « Les objectifs immédiats de notre mouvement ». Oeuvres choisies, T.1. Moscou : Editions en langues étrangères, 1962. - J.-P. MOLINARI. « Contribution à la sociologie du PCF ». Cahiers du communisme, 52(1), janvier 1976, p. 38-49. - J. PENEFF. « Autobiographies de militants ouvriers ». Revue Française de Science Politique, 29(1), fév. 1979, p. 5-82. - Thierry PFISTER. « La crise du militantisme ». Revue Politique et Parlementaire, 92(945), fev. 1990, p. 18-24. - Françoise SUBILEAU. « Le militantisme sous la cinquième République: Etat des travaux de langue Française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981, p. 1038-1068. - Colette YSMAL. « Tranformations du militantisme et déclin des partis ». L’engagement politique: déclin ou mutation (pré-actes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993, p. 357-384. 3) Inédits : - Martine BARTHELEMY. De l’usage des métaphores économiques dans l’explication du militantisme : le cas de l’individualisme méthodologique. Paris : CEVIPOF, 1986, 14 p. - René MOURIAUX. Deux approches marxistes du militantisme. Paris: CEVIPOF, 1984,16 p. - René MOURIAUX. Document de travail sur le militantisme syndical. Paris : CEVIPOF, 1984, 19 f. V. Ouvrages, articles et inédits sur le RPR : 1) Ouvrages : - Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris: Economica, 1987, 260 p. - Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand Colin, 1967, 364 p. - William SCHONFELD. Ethnographie du PS et du RPR. Les éléphants et l’aveugle. Paris : Economica, 1984.

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2) Articles : - Jeau BAUDOUIN. « Le « moment néo-libéral » du RPR : essai d’interprétation ». Revue Française de Science Politique, 40(6), décembre 1990, p. 830-843. - Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « Plongée libre au sein du RPR ». Revue Politique et Parlementaire, 89(927), fév. 1987, p.19-28. - Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. «L’univers idéologique des cadres RPR : entre l’héritage gaulliste et la dérive droitière ». Revue Française de Science Politique, 37(5), décembre 1987, p. 675-695. - Patrick GUIOL, Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 91-106. - Philippe HABERT. « Les cadres du RPR: l’empire éclaté ». L’Etat de l’Opinion, SOFRES, 1991, p. 199-219. - Andrew KNAPP, Patrick LE GALES. « Top-down to bottom-up? Centre-Periphery relations and power structures in France’s gaullist party ». West European Politics, 16(3), juillet 1993, p. 271-294. - Patrick LECOMTE. « Comment viennent-ils à la politique ? L’engagement des nouvelles recrues du RPR ». Revue Française de Science Politique, 39(5), oct. 1989, p. 683-699. - Michel OFFERLE. « Transformation d’une entreprise politique : de l’UDR au RPR (1973-1977) ». Pouvoirs, 28, 1984, p.5-26. - Philippe PORTIER. « Les militants RPR: étude d’une fédération ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 107-122. - Pascal SIGODA. « Les cercles extérieurs du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 143-158. - Colette YSMAL. « Un colosse aux pieds d’argile : le RPR ». Temps Modernes, 465, avril 1985, p. 1872-1892. - Colette YSMAL. « L’univers politique des militants du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 77-90. 3) Inédits : - Pierre BRECHON. « Adhérents et militants gaullistes. Profil socio-démographique, univers politique, univers culturel ». Le RPR et l’UDF à la fin des années 1980. Bordeaux : congrès national de l’AFSP, 1988.

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- Bernard BRUNETEAU. Les néo-gaullistes : attitudes politiques et dynamiques sociales. Etude de la Fédération RPR du Finistère 1985-1986. (mémoire pour le DEA « Etudes Politiques »). Rennes : 1986, 216 p. - Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « RPR-Génération 1986 : processus de mobilisation et système de représentation des adhérents récents du RPR » . Le RPR et l’UDF à la fin des années 1980. Bordeaux : congrès national de l’AFSP, 1988. - Philippe MARQUET. Etude comparée de l’UDR et du RPR. (mémoire pour le DEA « Etudes Politiques »). Paris: Paris II, 1978, 130 p. - Philippe PORTIER. Le RPR dans le département du Morbihan. (mémoire pour le DEA « Etudes Politiques »). Rennes : 1978, 144 p. - Sophie VANBREMEERSCH-DEVEDJIAN - Adhérents RPR dans les Hauts-de-Seine. (mémoire pour le DEA « Etudes Politiques »). Paris : 1982. VI. Ouvrages sur la droite : 1) Ouvrages : - René REMOND. Les droites en France. Paris : Aubier, 1982, 544 p. - Jean-François SIRINELLI. Histoire des droites en France. (3 tomes). Paris : Gallimard, 1992.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tous les adhérents et militants du

RPR qui se sont prêtés bien volontiers à mon enquête. Je

remercie M. Jean CHARLOT pour ses avis et ses conseils.

Merci, enfin, à Denise JARDIN et à Nathalie REHBY qui

ont accepté de relire ce mémoire, ainsi qu’à mon ami

Laurent WILLEMEZ pour m’avoir fait découvrir M. V.

MONTALBAN et pour son soutien indéfectible.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION : A la recherche du militantisme politique 2

PREMIERE PARTIE : Le concept de militantisme 7

Chapitre 1 : Analyse sémantique du terme ‘militantisme’ 10

1) La genèse du terme ‘militantisme’ 11

2) Analyse lexicale du terme ‘militantisme’ 14

3) Les contextes d’utilisation du terme ‘militantisme’ 17

Chapitre 2 : Les définitions théoriques du militantisme 20

1) Les théories organisationnelles 22

1.1/ la théorie marxiste-léniniste du militantisme 22

1.2/ l’approche organisationnelle de M. DUVERGER 25

2) Les théories psychologiques du militantisme 26

2.1/ le rôle affectif du parti 26

2.2/ la personnalité du militant politique 27

2.3/ les raisons du militantisme : identité et désaliénation 28

3) Les théories « économicistes » du militantisme : 30

3.1/ le militantisme comme ‘courtage’ 30

3.2/ le militantisme comme activité rétribuée

31

3.3/ le militantisme comme ressources 32

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Chapitre 3 : Les définitions empiriques du militantisme 35

1) Deux modes privilégiés d’approches 36

1.1/ l’approche sociographique 37

1.2/ les enquêtes psychosociales 39

2) Les critères de mesure du militantisme 41

2.1/ l’auto-évaluation 42

2.2/ les critères objectifs du militantisme 42

2.3/ la mesure du militantisme par les congrès 44

Reconstruction du concept de militantisme : le modèle O., C., I. 46

SECONDE PARTIE : Les formes du militantisme au RPR 53

Chapitre 4 : L’engagement individuel 56

1) L’environnement social des adhérents du RPR 58

1.1/ une réelle féminisation 59

1.2/ un partis d’hommes mûrs 60

1.3/ la prépondérance des classes moyennes 61

2) Contextes et raisons de l’adhésion

65

2.1/ les circonstances de l’adhésion 66

2.2/ le systèmes de motivations des adhérents du RPR 67

Chapitre 5 : L’organisation du militantisme 72

1) La définition normative du militantisme au RPR 74

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1.1/ une image imposée 74

1.2/ une image revendiquée 76

2) Les activités militantes au RPR 78

2.1/ l’importance de l’investissement intrapartisan 78

2.2/ la faiblesse des activités militantes externes 81

2.3/ limitation de l’importance des objectifs électoraux 83

3) Le système de rétributions du militantisme au RPR 85

3.1/ le coût de l’engagement militant 85

3.2/ Gratifications matérielles et symboliques 86

Chapitre 6 : Univers politique et idéologique des militants du RPR 89

1) L’univers politique des militants du RPR 91

1.1/ le positionnement à droite 91

1.2/ le rejet de la gauche 93

2) L’univers idéologique des militants du RPR 94

2.1/ que reste-t-il de la tradition gaulliste ? 95

2.2/ le recentrage néo-libéral et ses conséquences 97

Une typologie des militants du RPR 100

CONCLUSION : Les fourmis et l’aveugle 103

Annexe 1 : Méthodologie suivie 106 Annexe 2 : Résultats de l’enquête 107

Annexe 3 : Guide d’entretien 114

Annexe 4 : Renseignements signalétiques des personnes interrogées par entretiens 115

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Bibliographie 117

Remerciements 123