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1 Les Soirées-Débats du GREP Midi-Pyrénées Science et art, mariage d’amour ou de raison? Jean-Louis BOUTAINE Ingénieur, chercheur en rayonnements ionisants, ancien chef du Département Recherche du Centre de Recherche et Restauration des Musées de France Conférence-débat tenue à Toulouse le 7 novembre 2014 GREP Midi-Pyrénées 5 rue des Gestes, BP119, 31013 Toulouse cedex 6 Tél : 05 61 13 60 61 Site : www.grep-mp.fr

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Les Soirées-Débats du GREP Midi-Pyrénées

Science et art, mariage

d’amour ou de raison?

Jean-Louis BOUTAINE

Ingénieur, chercheur en rayonnements ionisants,

ancien chef du Département Recherche

du Centre de Recherche et Restauration des Musées de France

Conférence-débat tenue à Toulouse

le 7 novembre 2014

GREP Midi-Pyrénées

5 rue des Gestes, BP119, 31013 Toulouse cedex 6

Tél : 05 61 13 60 61

Site : www.grep-mp.fr

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Science et art, mariage

d’amour ou de raison?

Jean-Louis BOUTAINE Ingénieur, chercheur en rayonnements ionisants,

ancien chef du Département Recherche

du Centre de Recherche et Restauration des Musées de France

Je suis ingénieur et donc ni conservateur, ni restaurateur, ni historien d’art. Aussi,

l’exposé va être le reflet de l’expérience d’un citoyen, ingénieur, de tendance plutôt

physique / chimie, qui a eu le privilège, en fin de carrière, d’être immergé dans une

institution publique française travaillant sur le patrimoine culturel de la nation, et

plus précisément sur les collections d’œuvres conservées dans les Musées de

France. Pour être plus précis, j’essaierai de vous présenter comment les sciences et

les techniques peuvent contribuer à la connaissance, la conservation et la

restauration des œuvres d’art et plus généralement du patrimoine culturel. Je

m’appuierai essentiellement sur l’expérience acquise, sur les œuvres rencontrées,

sur les problématiques à résoudre… au cours de 5 années passées au Centre de

Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), mais aussi de 15 ans

d’activité au sein d’un réseau, puis de deux importants projets européens de

recherche sur le thème « Sciences et techniques au service du patrimoine culturel ».

Nous verrons donc des œuvres (objets archéologiques, dessins, peintures,

sculptures, instruments de musique, objets du patrimoine industriel…), et nous

parlerons de physique, de chimie, de science des matériaux, de photographie, de

méthodes d’examen et de contrôle non destructif, de génie climatique… J’essaierai

également de soulever quelques questions plus générales et de tenter d’y répondre.

Qu’est-ce que la science de la conservation ? Comment cette discipline « vit-elle »

en France et en Europe ? Quel est le poids du patrimoine culturel dans la société et

l’économie française ? Enfin, je me risquerai à proposer quelques pistes pour

maintenir le rang de la France dans ce domaine.

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M’adressant à un public a priori assez divers, je me suis efforcé de respecter un

équilibre entre « pas assez » ou « trop » de science et de technique. Ayant accès à

une bibliothèque d’images exceptionnellement riche en qualité et en diversité, je

rassure d’avance ceux d’entre vous allergiques à la définition du degré d’oxydation

du fer ou à celle de l’humidité relative de l’air ambiant de cette salle ! J’ai choisi

comme première illustration la reproduction d’un tableau, trouvé sur le web, intitulé

Allégorie de l’art et de la science, par un anonyme flamand (ca 1625).

Fig. 1: Allégorie de l’art et de la science, anonyme flamand (ca 1625)

On y voit l’Art, une belle jeune femme endormie, sur les genoux d’un vieux

monsieur, probablement la Science, des instruments de mesure, des médailles

frappées à l’effigie d’artistes ou de savants célèbres, Bramante, Cardan, Dürer,

Michel-Ange… et des allégories de la peinture, de la gravure, de la musique, de la

perspective… Je ne sais si ce tableau a une grande valeur artistique, ni où il est

conservé, mais il me semble bien illustrer ce dont je vais parler. L’exposé sera

articulé de la façon suivante :

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1. Pourquoi des sciences et des techniques au service de la connaissance et de la

conservation-restauration du patrimoine culturel ?

2. Tentative de définition d’une « science de la conservation ». Les techniques

mises en œuvre

3. La situation en France, les acteurs principaux

4. La situation en Europe. Les acteurs principaux

5. Quelques données statistiques sur l’importance sociétale et économique du

patrimoine culturel

6. Quelques cas concrets illustrés

7. Quelques pistes pour le futur ?

1 – Pourquoi des sciences et des techniques au service de la connaissance et de

la conservation-restauration du patrimoine culturel ?

Il est légitime de se poser cette question. Ou, en d’autres termes, quels sont les

motifs qui justifient qu’un État ou une collectivité territoriale finance une structure

pour examiner, caractériser, analyser les œuvres du patrimoine culturel ? En fait

cela concerne le patrimoine culturel en lui-même et sa conservation, mais aussi

l’histoire de l’art [1]1 et l’histoire tout court, le public, le tourisme, l’économie de la

nation, les générations futures… Les problématiques peuvent être d’un ou de

plusieurs types :

Déterminer la nature des matériaux constitutifs

-Analyser et si possible définir l’origine de gemmes, roches, pigments, colorants,

vernis, métaux et alliages, terres cuites, fibres textiles, os, ivoire, essences de

bois, fibres constitutives de papiers…

-Fournir des éléments pour connaître la circulation des matériaux et des œuvres et

donc situer les échanges commerciaux, culturels… existant à l’époque de la

création de l’œuvre.

Dater

-Évaluer l’âge le plus vraisemblable d’une œuvre.

-et accessoirement diagnostiquer d’éventuelles copies ou contrefaçons.

Principales méthodes : dendrochronologie (morphologie des cernes des arbres),

thermoluminescence ou luminescence stimulée optiquement (terres cuites,

céramiques, éléments de fours…), analyse isotopique (carbone 14) des matériaux

organiques.

1 Les chiffres entre crochets renvoient à une liste bibliographique en pages 47-48

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Connaître le mode d’élaboration du matériau et/ou de l’œuvre

Quelques exemples :

-pigments jaunes, rouges et noirs des peintures pariétales du magdalénien dans

les grottes pyrénéennes, bleu et vert de synthèse égyptiens, pigments d’origine

animale, végétale, minérale ou de synthèse,

-bronzes archéologiques et leur patine, or, argent ou bronze des monnaies et

médailles, alliages utilisés en joaillerie,

-constituants des terres cuites mayas, constituants et mode de production des

glaçures de terres cuites de la Renaissance italienne et française,

-nature des pointes métalliques utilisées pour le dessin à la pointe sèche,

-verres, vitraux, émaux,

-élaboration des fils et modes de tissage des textiles,

-modes d’assemblage d’objets d’art, d’instruments de musique, ou d’objets

ethnographiques (collage, soudure, assemblages mécaniques divers)…

Comprendre les processus d’altération subie et en estimer l’importance

Quelques exemples :

-altération des verres, os et ivoires archéologiques enfouis,

-altération des vitraux,

-photo-oxydation et photo-dégradation des vernis, colorants, pigments, liants

organiques, colles, constituants du papier et des textiles,

-infestation des bois, des tissus, des papiers, des cuirs…,

-dégradation de la pierre (action du gel/dégel, lixiviation, attaque par la pollution

atmosphérique, les gaz corrosifs, les poussières en suspension…

Diagnostiquer les éventuelles restaurations antérieures

Déterminer quelles ont été les pratiques de restauration au cours des siècles :

-inserts dans les statues,

-rentoilage ou transposition des peintures de chevalet,

-vernis protecteur de peintures, de statues, d’instruments de musique…

Aider à la restauration

-Déterminer l’état d’altération d’une œuvre.

-Définir la compatibilité entre les procédés et/ou matériaux de restauration et les

œuvres.

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Prévoir et optimiser le devenir à court et long terme, dans les conditions de

conservation actuelles et proposer des stratégies (conservation préventive)

-Étudier la compatibilité entre les matériaux constitutifs des musées, galeries

d’exposition, bibliothèques, salles d’archives, réserves, conteneurs de transport et

les œuvres, pour définir des codes de bonne pratique et des normes.

-Étudier l’influence de paramètres tels que la température, l’humidité relative,

l’éclairage naturel ou artificiel (en particulier le rayonnement ultraviolet), les gaz

corrosifs, les poussières en suspension, les pollutions induites par le public, les

vibrations induites par les transports… sur la pérennité des œuvres et optimiser

les conditions de leur exposition et de leur conservation.

-Étudier la compatibilité avec les œuvres des nouveaux matériaux utilisables en

restauration (vernis, colles, inhibiteurs de corrosion…) ou pour leur exposition

(peintures de bâtiment, bois et ses dérivés, verres ou matériaux plastiques

transparents, anti-reflets ou anti-ultraviolet) et valider ou non leur emploi.

Lutter contre les faussaires et les trafiquants

Obtenir des éléments matériels permettant de discriminer avec une quasi certitude

aussi élevée que possible une copie ou un faux d’une œuvre originale

2 – Tentative de définition d’une science de la conservation

C'est l’ensemble des disciplines scientifiques et techniques pouvant contribuer à

apporter des réponses à la conservation/restauration, telle que définie par les

membres de l’ICOM-CC (International Council of Museums – Conservation

Committee) en 2008. Par « Conservation-restauration », on entend l’ensemble des

mesures et actions ayant pour objectif la sauvegarde du patrimoine culturel

matériel, tout en garantissant son accessibilité aux générations présentes et futures.

Cette discipline se décompose en trois sous-domaines : conservation préventive,

conservation curative, restauration.

2.1 La conservation préventive : c'est l’ensemble des mesures et actions ayant

pour objectif d’éviter et de minimiser les détériorations ou pertes à venir. Elles

s’inscrivent dans le contexte ou l’environnement d’un bien culturel, mais plus

souvent dans ceux d’un ensemble de biens, quels que soient leur ancienneté et leur

état. Ces mesures et actions sont indirectes- elles n’interfèrent pas avec les

matériaux et structures des biens. Elles ne modifient pas leur apparence.

Exemples d’action de conservation préventive : les mesures et actions mises en

œuvre pour assurer de façon appropriée l’inventaire, le stockage, la manipulation,

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l’emballage et le transport, la sécurité, le contrôle environnemental (lumière,

humidité, pollution, infestation), les plans d’urgence, la formation du personnel.

Voici 3 projets marquants en conservation préventive menés à bien au C2RMF en

2000-2005 :

Projet 1 : Chantier de rénovation du Musée de l’Orangerie – Paris. Projet de

l’agence Brochet/Lajus/Puyeo (2001-2006)

Chantier de rénovation du Musée de l’Orangerie (Paris)

Les Nymphéas, Claude Monet (1914-1924).

-Appui sans faille du conservateur en chef M. Pierre Georgel ; coopération

entre le personnel du musée, l’équipe de restaurateurs, les intervenants en

génie civil et le personnel du C2RMF.

-Constat d’état avec couverture photographique intégrale des Nymphéas de

Claude Monet.

-Transfert pendant les travaux de l’intégralité de la collection Walter-

Guillaume dans une salle spécialement aménagée (conditions climatiques

optimales et stables) au laboratoire du C2RMF.

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-Établissement d’un cahier des charges s’imposant aux entreprises

intervenantes (vibrations, taux d’empoussiérage, humidité relative,

température, « emmaillotage » des Nymphéas). Pose de capteurs pour mesure

de tous ces paramètres et télétransmission entre l’Orangerie et le C2RMF

pendant toute la durée des travaux.

Les Nymphéas n’ont pas souffert et sont maintenant visibles dans

d’excellentes conditions de lumière naturelle et de climat intérieur.

Projet 2 : Transport de «La Liberté guidant le Peuple» d’Eugène Delacroix à

Tokyo (1999)

-Réticence des conservateurs devant la décision « politique » de ce prêt. La taille

du tableau (220 x 325 cm), sa valeur, sa fragilité, le fait qu’il n’avait pas quitté le

Louvre depuis 1870, imposaient un transport très spécial ! D'où collaboration

avec Airbus Transport International pour instrumenter un Airbus Beluga

(accéléromètres 3 axes, température, pression, humidité relative). Mêmes

mesures dans le camion entre le Louvre et l’aéroport de Roissy. Vol de

démonstration Roissy – Moscou – Vladivostok – Tokyo.

-Démonstration concluante. (N.B.: ce sont les raccords entre le périphérique

parisien et l’autoroute A1 qui occasionnent les vibrations les plus agressives !), et

feu vert du conservateur

La Liberté guidant le Peuple, Eugène Delacroix (1830) Musée du Louvre

Depuis, cette procédure est appliquée pour un certain nombre de transports aériens

d’œuvres fragiles et aussi pour le choix des conteneurs de transport.

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Projet 3: Définition puis normalisation de produits et de procédés de marquage

des œuvres des collections nationales

-Collaboration entre les régisseurs, les fabricants de produits (encres, peintures,

feutres…), le LNE (Laboratoire National d’Essais) et le personnel du C2RMF.

-Critères : non agressivité vis-à-vis du substrat, facilité de mise en œuvre, tenue

dans le temps, résistance à l’abrasion, à la lumière, aux UV, à l’humidité…, non

effaçable.

On dispose maintenant de produits qualifiés et de modes opératoires pour

différents supports : toile, bois, céramique, verre, métaux cuivreux…

2.2 La conservation curative : c'est l’ensemble des actions directement

entreprises sur un bien culturel ou un groupe de biens ayant pour objectif d’arrêter

un processus actif de détérioration ou de les renforcer structurellement. Ces actions

ne sont mises en œuvre que lorsque l’existence même des biens est menacée, à

relativement court terme, par leur extrême fragilité ou la vitesse de leur

détérioration. Ces actions modifient parfois l’apparence des biens.

Exemples d’actions de conservation curative : désinfestation de textiles,

dessalement de céramiques, désacidification du papier, séchage contrôlé de

matériaux archéologiques humides, stabilisation de métaux corrodés, consolidation

de peintures murales, désherbage des mosaïques.

2.3 La restauration : c'est l’ensemble des actions directement entreprises sur un

bien culturel, singulier et en état stable, ayant pour objectif d’en améliorer

l’appréciation, la compréhension, et l’usage. Ces actions ne sont mises en œuvre

que lorsque le bien a perdu une part de sa signification ou de sa fonction du fait de

détériorations ou de remaniements passés. Elles se fondent sur le respect des

matériaux originaux. Le plus souvent, de telles actions modifient l’apparence du

bien [2].

Exemples d’actions de restauration : retoucher une peinture, assembler les

fragments d’une sculpture brisée, remettre en forme une vannerie, combler les

lacunes d’un vase de verre.

2.4 Les techniques mises en œuvre pour la conservation.

La science de la conservation va faire appel à de nombreuses disciplines

scientifiques et technologiques. On peut citer : photographie, microscopie (optique

et électronique), contrôles non-destructifs (dont radiographie), chimie analytique

minérale et organique, mesures physiques, physique de la couleur, traitement

d’image, géologie – minéralogie, métallurgie physique, environnement – pollution

– génie climatique, matériaux (bois, textile, papier, cuir…), biodétérioration… [3] à

[7].

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Pour l’examen, la caractérisation ou l’analyse des œuvres d’art et plus

généralement des œuvres du patrimoine culturel, et de leurs constituants, le

scientifique de la conservation a besoin d’une palette de techniques non

destructives, souvent utilisées de façon complémentaire ou contradictoire. Citons

les principales de ces techniques :

-Photographie (la plus utilisée) : photographie classique, photographie sous

éclairage en lumière rasante, photographie infrarouge par réflexion, photographie

de la fluorescence sous éclairage ultraviolet, réflectographie infrarouge avec une

caméra électronique

-Microscopie optique et électronique

-Radiographie X ou gamma, bêtagraphie, diffraction X ou neutronique

-Analyse par fluorescence X et par spectrométrie X associée au MEB

(microscope électronique à balayage)

-Analyse par faisceaux d’ions (comme sur la machine AGLAE) : PIXE, RBS et

réactions nucléaires

-Chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-

MS)

-Spectrométrie d'émission atomique (ICP-AES), spectrométrie infrarouge,

spectrométrie Raman

Dans le cadre des projets de recherche européens (LabS TECH et EU-ARTECH),

on a recensé 114 techniques mises en œuvre par 151 institutions de 31 pays !

(Tableau I page 20)

Quelques exemples de transfert de technologie

La science de la conservation n’est pas une discipline isolée, déconnectée des

avancées d’autres activités technologiques ou scientifiques. Voici deux exemples de

transfert de technologie réussis venant de l’industrie vers la science de la

conservation.

-Mesure de la corrosivité de l’air ambiant. Problème : comment s’assurer que les

polluants présents dans l’air ambiant d’une salle d’exposition ne vont pas

attaquer et altérer des œuvres comportant des métaux tels que l’aluminium,

l’argent, le cuivre, l’étain, le plomb ? On s’est inspiré de ce qui se fait dans

l’industrie des semi-conducteurs et de l’électronique : mesure de résistance de

feuilles minces de métaux purs, mesure de fréquence propre de microbalances à

quartz

-Tomographie. Problème : comment examiner la structure interne d’un objet

volumineux, lourd et de densité apparente de l’ordre de 10, dont on a aucune idée

de la structure, de la composition et du mode d’élaboration ? (voir le Poids aux

léopards de Shahi-Tump page 26). On a utilisé un prototype de tomographe à

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haute énergie (accélérateur de 30 MV) destiné au contrôle non destructif des

propulseurs à poudre d’Ariane.

3- La situation en France, les acteurs principaux

3-1 La France demeure un pays de culture jacobine et centralisatrice.

Le Ministère de la Culture et de la Communication définit et organise au niveau

national la politique de conservation du patrimoine culturel national : monuments

historiques, musées, bibliothèques, archives… Il gère un certain nombre

d’établissements publics en charge de la conservation restauration de ce patrimoine.

Pour avoir une idée de l’ampleur ce rôle, il faut mentionner le site web (portail) du

Ministère, d’une richesse exceptionnelle, constamment mis à jour, maintenant des

bases de données très riches quantitativement et qualitativement : www.culture.fr.

A titre d’exemple, citons la base MNR (Musées Nationaux Récupération)

donnant un répertoire de l’ensemble des œuvres pillées par les troupes de

l’Allemagne nazie et conservées dans les musées français, en attente des demandes

des familles spoliées ou de leurs ayant droits, www.culture.gouv.fr/documentation/mnr/

Citons également deux bases très riches sur le plan iconographiques : la Base

Mérimée (Monuments historiques), www.inventaire.culture.gouv.fr/, et la Base Joconde

(Collections des musées), www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr . Il faut aussi citer la

base relative aux Musées de Midi-Pyrénées réalisée avec le soutien du Conseil

Régional, www.musees-midi-pyrenees.fr

3-2 Les centres et laboratoires actifs en conservation-restauration

- Le C2RMF – Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France

(Paris et Versailles), héritier du Laboratoire du Musée du Louvre, créé en 1931.

Établissement à compétence nationale, dépendant du Service des Musées de

France (Ministère de la Culture et de la Communication) : www.c2rmf.fr Il

comporte 3 sites : Laboratoire du Carrousel, Ateliers de restauration du Pavillon

de Flore du Palais du Louvre à Paris, Ateliers de restauration des Petites Ecuries

du Roi à Versailles. On y trouve environ 150 agents permanents (Ministère de la

Culture, CNRS, CEA, Education Nationale), 4 à 5 thésards, 40 à 50 stagiaires

universitaires ou étrangers chaque année et 150 agents*an équivalents,

restaurateurs libéraux travaillant sur contrats dans les ateliers du centre, répartis

en quatre Départements : Conservation-Restauration, Recherche, Conservation

préventive, Documentation et Imagerie.

- Le LRMH – Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (Champs

sur Marne), www.lrmh.fr/lrmh/

- Le CRCC – Centre de Recherche sur la Conservation des Collections (Paris), http://crc.mnhn.fr/

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- Le Laboratoire et Atelier de Restauration du Musée de la Musique (Paris), http://philharmoniedeparis.fr/fr/musee-et-expositions - Le Laboratoire de la Bibliothèque Nationale de France - BNF (Paris et Bussy

Saint-Georges), www.bnf.fr/fr/professionnels/conservation.html

- L'ACRP - Atelier de restauration et de conservation des photographies de la

ville de Paris, www.paris.fr/politiques/histoire-et-patrimoine/conservation-restauration/p8504

Il existe également un réseau « informel » d’une vingtaine d’ateliers régionaux de

restauration dont certains ont une capacité de recherche, et sont spécialisés sur une

aire géographique d’intervention et/ou sur certains types de collections, tels que :

- Le CICRP- Centre Interdisciplinaire de Conservation et de Restauration du

Patrimoine - Marseille, www.cicrp.fr

- L'ARC Nucléart – Grenoble, www.arc-nucleart.fr/

- L'ARC Antique – Nantes, www.arcantique.org

- L'Atelier municipal de restauration des Musées de la Ville de Toulouse

Quelques exemples de techniques de conservation, choisis parmi les travaux

d’ARC-Nucléart – Grenoble (GIEPC CEA – Ministère de la Culture – Ville de

Grenoble – Région Rhône-Alpes). Ce laboratoire-atelier maîtrise différentes

techniques de préservation / consolidation d’objets archéologiques : désinfection

par irradiation gamma (cobalt 60), procédé NUCLEART basé sur l’imprégnation

par une résine suivie d’une polymérisation par irradiation gamma, imprégnation par

du PEG (poly-éthylène-glycol), lyophilisation.

Ces techniques sont complémentaires et peuvent être appliquées à des objets

réalisés dans des matériaux tels que bois sec, pierre poreuse, plâtre, bois gorgé

d’eau, cuir, vannerie…

3-3 Les principaux établissements d’enseignement

-L'INP – Institut National du Patrimoine : Formation des conservateurs du

patrimoine à Paris, Formation des restaurateurs du patrimoine (ex IFROA) à

Saint-Denis

-L'Université Paris I Panthéon-Sorbonne : Conservation-restauration des biens

culturels et Conservation préventive du patrimoine

- L'Université de Bordeaux 3 Montaigne : Matériaux patrimoine culturel et

archéométrie

- L'Université d’Artois – Lens : chimie, instrumentation au service de l’art

- L'Ecole supérieure d’art – Avignon : Restaurateurs de tableaux

- L'Ecole supérieure des beaux-arts – Tours : Conservation-restauration des

œuvres sculptées

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Trébuchet, 575-660 AD, if, buis et bronze, 190*70*40 mm, les poids en bronze sont à l’effigie de l’empereur

Justinien II (565-578) et de l’impératrice Sophie, épave de La Palud I, Ile de Port-Cros, Musée historique de

Marseille, traitement par lyophilisation.

Chaussure XIVe siècle, cuir, Brandes (Isère) Musée de l’Alpe d’Huez, traitement par

lyophilisation. avant restauration & consolidation) et après restauration

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3-4 Multiplicité des intervenants. Complexité des relations et des prises de

décision.

La décision d’examiner une œuvre et/ou de la restaurer peut être parfois simple à

prendre. Mais, assez fréquemment, de nombreux intervenants entrent dans le jeu,

avec un poids « officiel » ou « officieux » variable et difficile à estimer. On peut

dresser une liste, non exhaustive des intervenants ayant à un moment ou à un autre

une influence sur la vie d’une œuvre ou d’une collection :

-les décideurs politiques, du Président de la République au Maire : laisser sa

« marque » !

-les Conservateurs : les véritables responsables des collections, très souvent

passionnés, parfois très ou trop « spécialistes » d’un artiste, d’une école, d’une

période, d’une culture…

-Bercy !!! et ses « honorables correspondants »

-les Architectes et souvent leur « geste »

-les managers – gestionnaires de la nouvelle génération (RGPP, tableur Excel,

statistiques d’entrées, CA annuel, « marque commerciale » d’un musée, produits

dérivés…)

-les Exécutants : restaurateurs, ouvriers des métiers d’art, ingénieurs, techniciens,

documentalistes, régisseurs, gardiens, contractuels, vacataires, stagiaires…

-les mécènes, dont le poids économique peut devenir très important en ces temps

d’argent public compté

Tout ce monde peut être en interaction, dans un contexte socioculturel propre à la

France, à l’Art, au Ministère de la Culture, où l’on croise sur sa route : une

hiérarchie « socioculturelle » très forte entre les disciplines artistiques ou

patrimoniales, les écoles, les périodes2 ; les « grands » et les « petits » musées ;

Paris et la « province » (même Versailles est une province reculée pour les

« Parisiens » !) ; le « droit écrit » et le « droit coutumier », ce dernier très présent au

sein du Ministère de la Culture

2 Hiérarchie des domaines artistiques dans le monde de la Culture en France (sur papier à échelle

logarithmique !) ressentie par l’auteur et vécue comme arbitraire : Tout en haut : la peinture de chevalet

XVe / XVIII

e siècles, Italie, France, Flandres, Pays-Bas, et donc rien ou presque avant, rien après et

rien autour (ex Bonnard, Musée de Lisbonne), puis : Espagne, Allemagne, puis les autres époques,

avant et après, les antiquités égyptiennes, grecques, romaines, puis le dessin et la sculpture. En bas,

Sciences et techniques, Musique, Patrimoine Industriel, Ecomusées et tout en bas, Arts et Traditions

Populaires.

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4- La situation en Europe. Les acteurs principaux

L’Europe, et pas seulement les pays membres de l’Union Européenne, est le

continent majeur en science de la conservation. Il existe un très grand nombre

d’acteurs, établissements patrimoniaux publics, fondations, associations,

coopératives, entreprises privées... Les coopérations entre tous ces acteurs sont très

nombreuses et prennent des formes multiples : coopérations bilatérales thématiques,

réseaux européens et projets de recherche, soit dans le cadre des PCRD successifs

(Programmes Cadres pour la Recherche et le Développement), soit dans les actions

COST (European Cooperation in Science et Technology), échanges de stagiaires, de

thésards, de post-docs, de chercheurs invités…

Certains pays centralisateurs (comme la France, le Danemark, le Portugal, les

Pays-Bas…) ont des institutions patrimoniales nationales, d’autres à structure

fédérale ou décentralisée (Allemagne, Espagne…) ont des institutions régionales.

Quelques grands musées européens ont leur propre laboratoire de recherche et leurs

propres ateliers de restauration : National Gallery, British Museum, Victoria et

Albert Museum et Tate Gallery à Londres, Ermitage à Saint-Pétersbourg, Prado à

Madrid, Vatican à Rome…

Enfin, dans certains pays, des Universités importantes ont des départements

officiellement acteurs en science du patrimoine (Belgique, Grande-Bretagne, Italie,

Pologne…)

4-1 Quelques réseaux ou projets européens majeurs en sciences et techniques /

patrimoine culturel

-A l’échelon national

L’Italie a été l’initiatrice d’un réseau national dédié à la science de la

conservation, piloté par le CNR (l’équivalent du CNRS français) avec le soutien du

Ministère des Biens Culturels : Progetto finalizzato beni culturali. Ce Projet a

fonctionné dans les années 1996-2000. Depuis, les gouvernements successifs n’ont

pas pérennisé cette structure. Mais il en reste des traces vivantes, et certaines

régions (Toscane, par exemple) ont continué dans cette voie. En France, nous nous

sommes inspirés de ce projet et avons crée le réseau CHIMART, sous la forme d’un

GdR (Groupement de Recherche) piloté par le CNRS, moins ambitieux que le

projet italien, regroupant une trentaine de laboratoires divers, qui a fonctionné dans

les années 2000-2008 et qui a contribué à ouvrir les relations entre institutions

patrimoniales, universités, écoles d’ingénieurs et laboratoires de recherche.

En Espagne le CSIC (également équivalent du CNRS) a crée le Red de Ciencia y

Tecnología para la Conservación del Patrimonio (http://www.rtphc.csic.es) qui est

toujours actif et diffuse régulièrement un bulletin de grande qualité.

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17

-A l’échelon européen

La Commission Européenne, par sa Direction Générale « Recherche », a depuis

1989 soutenu une politique de diffusion des connaissances (networking), de

recherche collaborative, d’accès des chercheurs aux installations de recherche,

tantôt sous une ligne de programme explicitement dédiée au « patrimoine

culturel », tantôt agrégée aux programmes « environnement ». Environ 100 projets,

petits ou grands, ont été soutenus. Un bilan exhaustif des 20 premières années a été

publié en 2009 [9] et [10]. Sur la très importante base CORDIS

(http://cordis.europa.eu/projects/), si l’on effectue une requête avec les mots clefs

« cultural heritage » + « analysis » on identifie, en fait, plus de 300 projets qui ont

affaire au patrimoine culturel. Par exemple, la mise au point d’une instrumentation

portable d’analyse par fluorescence X, intéressant la métallurgie ou la recherche

minière, peut également être utile pour l’étude des œuvres d’art.

Concrètement on peut mentionner la séquence des projets suivants, dans lesquels

le C2RMF a été ou est acteur, coordonnés par des collègues italiens dont B.

Brunetti du Département de Chimie de l’Université de Pérouse.

-Réseau européen 5ème PCRD : LabS TECH (2000-2004) – Laboratories on

Science and Technology for the conservation of European Cultural Heritage. 11

institutions de 8 pays + 1 organisation internationale, www.chm.unipg.it/chimgen/LabS-

TECH.html

-Projet européen du 6ème PCRD : EU-ARTECH (2004-2009) – Access, research

and technology for the conservation of the European cultural heritage. 13

institutions de 8 pays. Ce projet, important par sa durée et le montant des

subventions accordées, avait l’originalité d’associer trois actions : la diffusion des

connaissances (séminaires semestriels thématiques ouverts, publications

communes entre utilisateurs finaux et scientifiques [8]…), l’accès à l’installation

lourde AGLAE du C2RMF pour des équipes d’autres pays, et l’accueil sur site de

pays tiers, de scientifiques italiens disposant d’une panoplie d’instruments

mobiles prototypes permettant des analyses in-situ, opération dénommée

MOLAB, une première dans l’histoire de la recherche européenne, et enfin des

actions de recherche collaborative (suivi de la corrosion du bronze, détérioration

de la pierre, redécouverte des procédés d’élaboration de colorants végétaux

traditionnels…). Une grande partie des résultats de ce projet est disponible sur le

site www.eu-artech.org

-Projet européen du 7ème PCRD : CHARISMA (2009-2014) – Cultural heritage

advanced research infrastructures: synergy for a multidisciplinary approach to

conservation/restoration. 20 institutions de 11 pays. Semblable au projet

précédent, mais ouvert à d’autres installations lourdes (synchrotron SOLEIL en

France et faisceaux de neutrons en Hongrie), plus échanges d’archives, dont

photographies, www.charismaproject.eu

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18

-Enfin le projet européen du 8ème PCRD : IPERION-CH – Integrated Platform

for the European Research Infrastructure on Culture Heritage, qui doit débuter fin

juin 2015. 24 institutions de 13 pays, dans la continuité du projet précédent, www.iperionch.eu

Par ailleurs, on peut citer un exemple de coopération transatlantique, initié dans

le cadre de EU-ARTECH. Un groupe de 34 contributeurs européens enrichit une

très importante et très intéressante encyclopédie en ligne sur les matériaux et les

techniques de restauration, CAMEO (Conservation et Art Materials Encyclopaedia

Online) créée par le Museum of Fine Arts de Boston, sous la responsabilité de

Michele Derrick, permettant désormais d’effectuer des requêtes dans sept langues

européennes, en plus de l’anglais, http://cameo.mfa.org/

4-2 Quelques institutions majeures en Europe

-Istituto Superiore per la Conservazione ed il Restauro (ISCR) – Rome : crée en

1939, dont le premier directeur, Cesare Brandi, est considéré comme le père

fondateur de la discipline « conservation/restauration » [XX], www.icr.beniculturali.it

-Opificio delle Pietre Dure (OPD) – Florence : fondé en 1588 par Ferdinand I de

Médicis, en tant que manufacture d’art spécialisée dans le travail de la pierre

dure, www.opificiodellepietredure.it

-Rathgen-Forschungslabor – Berlin : le plus ancien laboratoire de musée du

monde, fondé en 1888 en tant que laboratoire de chimie des Musées Royaux de

Berlin et baptisé ensuite du nom de son premier Directeur, Friedrich Rathgen, www.smb.museum/museen-und-einrichtungen/rathgen-forschungslabor/home.html

-Bayerisches Landesamt für Denkmahlpflege (BLfD) – Munich, www.blfd.bayern.de

-Institut Royal du Patrimoine Artistique (KIK-IRPA) – Bruxelles, www.kikirpa.be/FR/1/22/Accueil.htm

-Agence du patrimoine culturel des Pays-Bas (RCE) – Amsterdam, www.culturalheritageagency.nl/en

4-3 Quelques réflexions sur l’Europe du patrimoine culturel

Quinze années d’expérience professionnelle riche, passionnante, d’échanges avec

des confrères divers (issus du milieu scientifique et du milieu patrimonial) me

permettent de livrer quelques réflexions :

-Fonctionnement de la DG Recherche de la Commission Européenne en charge

des programmes de R&D dans ce domaine : professionnalisme et intégrité des

fonctionnaires, diversité des experts, pratique du consensus, transparence des

classements des propositions aux appels d’offres. C’est une machine qui marche

bien, même si le formalisme des documents est lourd et consommateur de temps.

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19

-Les Français sont peu nombreux à vouloir se déplacer, même pour des

destinations prisées des touristes, font peu d’effort pour répondre aux appels

d’offres de la Commission, maîtrisent médiocrement l’anglais ou d’autres langues

européennes (allemand, italien), alors que de nombreux collègues allemands, grecs,

italiens, portugais maîtrisent le français. On pourrait définir cela comme un

mélange bizarre de timidité et d’arrogance, y compris dans les nouvelles

générations !

-Pourtant, il est rapidement évident qu’Allemands, Autrichiens, Belges,

Britanniques, Espagnols, Français, Grecs, Italiens, Portugais… partagent un

ensemble de valeurs, de codes… communs et sont les diverses facettes d’une

culture commune. J’ai ainsi le privilège d’avoir construit un réseau amical : Berlin,

Bruxelles, Florence, Lisbonne, Londres, Madrid, Munich, Pérouse, Rome.

-Toutefois, dans ce domaine, la France et ses représentants sont écoutés, parfois

même enviés (Allemagne, Grèce, Portugal, Turquie, Amérique Latine, États-

Unis…), en particulier pour l’engagement de l’État et la qualité des travaux menés

à bien dans le pays !

Pour conclure ce chapitre, je dirais que j’ai acquis la conviction que le patrimoine

culturel devrait être le socle d’une culture partagée en Europe, en mettant de côté

l’obsédant et omniprésent rapport déficit public / PIB national !

5- Quelques données statistiques sur l’importance sociétale et économique

du patrimoine culturel

On ne peut pas s’empêcher, lorsque l’on travaille dans ce milieu, de réfléchir aux

corrélations pouvant exister entre tourisme et économie de la culture. On trouvera

dans les tableaux II, III et IV quelques chiffres relatifs au tourisme dans le monde,

aux pratiques culturelles des français et à la fréquentation des lieux culturels en

France. On voit que la Chine et la France sont les deux destinations les plus prisées

des voyageurs. On voit aussi que le trio des grands pays latins européens (France,

Italie, Espagne) a un poids considérable dans le tourisme mondial. On observe le

poids énorme des grands établissements de Paris et de l’Île-de-France dans les

classements des lieux les plus visités en France.

Quel est le poids du patrimoine culturel dans l’attractivité du tourisme en

France ? Quelles sont les retombées économiques directes et indirectes du

patrimoine culturel (activité des sociétés de transport, de l’hôtellerie et de la

restauration…) ? Je ne connais pas d’étude sérieuse publiée sur ces thèmes.

L’Université Bocconi de Milan avait, il y a quelques années, des projets, mais je ne

sais pas si cela s’est concrétisé. Pourtant, définir des indicateurs à propos de cette

thématique, les évaluer, les suivre, pourrait être très utile lorsque le Ministère de la

Culture se bat face à Bercy pour justifier des crédits dans le domaine de la

conservation-restauration !

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I - Fréquence d'utilisation des techniques - Projets européens LabS-TECH & EU -ARTECH

(mise à jour 26/02/2009) N.B. : 114 techniques différentes sont mentionnées par 151 institutions participantes

RANK TECHNIQUE FREQUENCE

1 Microscopie optique par réflexion 107

2 Microscopie optique par transmission 99

3 Photographie numérique 91

4 Microscopie électronique à balayage (MEB) 89

5 Photographie argentique 73

6 Spectrometrie infrarouge 73

7 Spectrometrie visible & ultraviolet 60

8 Diffraction X 57

9 Colorimétrie 57

10 Photographie de fluorescence sous ultraviolet 57

11 Diffractométrie de poudres 56

12 Radiographie X basse tension (HT < 150 kV) 53

13 Tests climatiques (en enceinte) 52

14 Spectroscopie par microscopie infrarouge 52

15 Numérisation des images pour archivage 49

16 Chromatographie en phase gazeuse (GC) 43

17 Chromatographie en phase liquide (HPLC) 42

18 Chromatographie en phase gazeuse spectrométrie de masse (GC-MS) 41

19 Photographie argentique dans l'infrarouge 41

20 Analuse thermique différentielle (DTA / TG / DTG) 40

21 Analyse par fluorescence X (tube X - laboratoire) 39

22 Tests mécaniques universels 39

23 Photographie en lumière rasante 39

24 Réflectographie infrarouge avec caméra électronique 39

25 Spectro-photo-colorimétrie 38

26 Photographie numérique haute résolution 36

27 Radiographie X haute tension (150 < HT < 450 kV) 33

28 Chromatographie ionique 32

29 Spectrométrie Raman 32

30 Analyse par fluorescence X (tube X - portative) 30

31 Chromatographie en couche mincey (TLC) 29

32 Spectrométrie d'émission atomique (ICP-AES) 28

33 Microsonde électronique 27

34 Analyse par absorbtion atomique (AAA) 26

35 Tests climatiques (en extérieur) 26

36 Pyrolyse + chromatographie en phase gazeuse (Py-GC) 22

37 Porosimétrie au mercure 22

38 Analyse par faisceau d'ion PIXE 21

39 Pyrolyse + chromatographie + spectrométrie de masse (Py-GC-MS) 18

40 Microscopie électronique à balayage, dit environnemental (ESEM) 18

41 Examen sous rayonnement synchrotron 18

42 Spectrométrie de masse sous torche à plasma (ICP-MS) 18

43 Microscopie de fluorescence sous ultraviolet 18

44 Spectrophotométrie de fluorescence 17

45 Spectrométrie de masse par bombardement électronque (EI-MS) 16

46 Contrôle par ultrasons 16

47 Analyse par faisceau d'ion RBS 16

48 Mesure de surface spécifique (BET) 15

49 Microscopie électronique par transmission 15

50 Mesure d'angle de contact 15

51 Microscopie AFM 15

52 Réflectométrie infrarouge à balayage 15

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II - Tourisme dans le Monde - Principaux pays visités en 2012 (Source Banque Mondiale)

Pays Visiteurs - V (en millions)

Visiteurs (en % du total mondial)

Rappel Population - P (en millions)

Ratio V/P

1 Chine * 95,1 9,4% 1401,7 0,07

2 France 83,0 8,2% 64,6 1,28

3 Etats-Unis 67,0 6,7% 322,6 0,21

4 Espagne 57,7 5,7% 47,1 1,23

5 Italie 46,4 4,6% 61,1 0,76

6 Turquie 35,7 3,5% 75,8 0,47

7 Allemagne 30,4 3,0% 82,7 0,37

8 Royaume Uni 29,3 2,9% 63,5 0,46

9 Russie 28,2 2,8% 142,5 0,20

10 Malaisie 25,0 2,5% 30,2 0,83

11 Autriche 24,2 2,4% 8,5 2,85

12 Mexique 23,4 2,3% 123,8 0,19

13 Ukraine 23,0 2,3% 44,9 0,51

14 Thailande 22,4 2,2% 67,2 0,33

15 Canada 16,3 1,6% 35,5 0,46

16 Grèce 15,5 1,5% 11,1 1,40

17 Pologne 14,8 1,5% 38,2 0,39

18 Arabie Saoudite 14,3 1,4% 29,4 0,49

19 Pays-Bas 11,7 1,2% 16,8 0,70

20 Egypte 11,2 1,1% 83,4 0,13

21 Corée du Sud 11,1 1,1% 49,5 0,22

22 Singapour 11,1 1,1% 5,4 2,06

23 Croatie 10,4 1,0% 4,3 2,42

24 Hongrie 10,4 1,0% 9,9 1,05

25 Maroc 9,4 0,9% 33,5 0,28

26 Afrique du Sud 9,2 0,9% 53,1 0,17

27 République Tchèque 8,9 0,9% 10,7 0,83

28 Suisse 8,6 0,9% 8,2 1,05

29 Japon 8,4 0,8% 127,0 0,07

30 Danemark 8,1 0,8% 5,6 1,45

Total 1007,4

* en incluant Hong-Kong et Ma-cao

III - Pratiques culturelles des français (1997 & 2008), source Ministère de la Culture

DSEP

Fréquentation des équipements culturels

Question : avez-vous fréquenté au cours des 12 derniers mois …? Sur 100 personnes âgées de 15 ans et plus

1997 2008

Cinéma

0 fois 51 43

1 à 5 fois par an 27 33

6 fois et plus par an 23 24

Bibliothèque, médiathèque

0 fois 69 72

1 à 5 fois par an 22 20

6 fois et plus par an 9 7

Lieu de spectacle vivant

0 fois 53 51

1 à 5 fois par an 23 26

6 fois et plus par an 24 22

Lieu d'exposition

0 fois 54 58

1 à 5 fois par an 21 21

6 fois et plus par an 25 22

Lieu de patrimoine

0 fois 61 62

1 à 5 fois par an 21 22

6 fois et plus par an 18 16

IV - Fréquentation annuelle (2010) des Musées & des Monuments Historiques en France Source Ministère de la Culture DEPS

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22

Musées Visiteurs (x 1000)

Monuments Historiques Visiteurs (x 1000)

1 Louvre 8350 Tour Eiffel 6700

2 Versailles 6090 Arc de Triomphe 1500

3 Centre Georges Pompidou 3260 Mont Saint-Michel 1290

4 Orsay 2990 Sainte-Chapelle 790

5 Armée 1430 Domaine de Chambord 730

6 Quai Branly 1330 Panthéon Paris 690

7 Carnavalet 1090 Château & remparts Carcassonne 470

8 Museum National d'Histoire Naturelle 730 Conciergerie Paris 440

9 Rodin 710 Tours de Notre-Dame 400

10 Petit Palais 700 Château Azay le Rideau 290

11 Orangerie 690 Château Roi René Angers 170

12 Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris 680 Domaine National Saint-Cloud 170

13 Centre Pompidou Metz 620 Remparts Aigues Mortes 150

14 Arts Décoratifs 490 Abbaye de Cluny 150

15 Mémorial de Caen 390 Basilique de Saint-Denis 150

16 Fontainebleau 280 Château de Pierrefonds 130

17 Musée du Débarquemet Arromanches 330 Tours de La Rochelle 110

18 Arles Antique 320 Abbaye du Thoronet 110

19 Musée des Monuments Français 320 Certains Monuments Historiques privés ne

20 Musées de Narbonne 320 communiquent pas de statistiques

21 Moyen Age Cluny 310

22 Beaux Arts rouen 300

23 Fabre Montpellier 290 5 - Autres musées de Midi-Pyrénées

24 Beaux Arts Lyon 290 Les Abattoirs 130

25 Blois 260 Augustins 110

26 Air & espace le Bourget 250 Musée Départemental Foix 87

27 Histoire & archéologie Baux de Provence 240 Saint-Raymond Toulouse 76

28 Musée de Besançon 230 Préhistoire Cabrerets 73

29 Piscine Roubaix 230 Musée Pyrénéen Lourdes 72

30 Arts Asiatiques Guimet 220 Champollion Figeac 49

31 M. National des Techniques - Arts & Métiers 210 Ingres Montauban 42

32 Beaux Arts Lille 210 Musée Ch G Phébus Mauvezin 34

33 Museum Toulouse 200 Musée de la Forge Montgailhard 30

34 Automobile Mulhouse 200 Palais des Evêques Saint-Lizier 25

35 Château des Ducs de Bretagne Nantes 190 Goya Castres 23

36 Marine 170 Musée Labit Toulouse 21

37 Musée de Grenoble 170 Fenaille Rodez 20

38 Maison de Victor Hugo Paris 160

39 Toulouse-Lautrec Albi 160 Total musées midi-Pyrénées 1460

40 Matisse Nice 160

41 Beaux Arts Dijon 150

42 Archéologie Cluny 150 NB

43 Beaux Arts Caen 150 1 - Le musée Picasso (Paris) était fermé pour cause de

44 Message Biblique Marc Chagall Nice 150 réaménagement

45 Château de Grignan 150 2 - Le Louvre Lens & le MUCEM Marseille n'étaient pas

46 Centre Historique Minier Lewarde 150 encore ouverts

47 Musée de la Musique 150 3 - Hors Cité des Sciences & de l'Industrie

48 Musée de la vie romantique Paris 140 & Palais de la Découverte

49 Granet Aix en Provence 130 4 - Total des entrées dans les 1040 Musées de France :

50 Picasso Antibes 130 57 300 000, dont 58 % payantes & 42 % gratuites

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6- Quelques cas concrets illustrés

Pour illustrer ce que peuvent apporter science et technique à la connaissance des

œuvres, sans bien sur être exhaustif, voici un échantillon de quelques méthodes

d’examen ou d’analyse mises en œuvre sur des œuvres de diverses natures le tout

regroupé selon différentes problématiques.

6-1 «Réinvention» d’un matériau ancien dont on a perdu le « cahier de

procédé » : cas de pigments

A – Niaux

(Ariège)

B – Altamira (Cantabrie)

Rouge des peintures pariétales des grottes pyrénéennes du Magdalénien (15 000

BC). Comprendre et valider expérimentalement un procédé de transformation d’un

pigment jaune naturel localement disponible (goethite) en un pigment rouge stable

(hématite) non disponible dans une aire géographique proche des lieux de création.

Ex. : bisons des peintures pariétales du Magdalénien des grottes de Niaux - Ariège

(13 000 ans) et d’Altamira - Cantabrie (entre 15 500 et 13 500 ans).

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Bleu et vert égyptiens. Le bleu égyptien est certainement le premier pigment

synthétique fabriqué par l'homme. Il apparaît en Egypte, peut être sous la IVe

dynastie, avec certitude sous la Ve dynastie, c'est-à-dire vers 2500 av. J.C. On l'a

ensuite retrouvé dans tout le bassin méditerranéen jusqu'au VIIe siècle de notre ère,

époque à laquelle sa fabrication semble avoir cessé. Ce pigment était obtenu par

cuisson, dans des fours de potier, de mélanges de silice, de produits calcaires, de

cuivre ou de ses composés et d'un fondant, le natron (sesquicarbonate de sodium

naturel). Ils sont par exemple utilisés dans les peintures murales du temple

d’Hatchepsout comme la Déesse Nekhbet aux rémiges vertes et bleues.

Un travail expérimental a permis de comprendre et de reproduire les mécanismes

d’élaboration du bleu et du vert égyptien : essais et contrôle des proportions des

mélanges et des paramètres de cuisson, atmosphère du four, température, durée du

traitement thermique et vitesse de refroidissement. Ceci a permis de démontrer que

les pigments vert et bleu étaient réellement distincts. Bien que préparés dans des

conditions proches, chaque pigment a une couleur caractéristique stable et

reproductible due aux proportions précises du mélange et aux domaines thermiques

dans lesquels la cuisson a eu lieu. Ces travaux apportent un éclairage nouveau sur la

maîtrise des technologies antiques et leur influence sur les techniques de peinture et

de céramique. De plus, ils contribuent à l'amélioration des techniques de

restauration et de conservation des œuvres.

Fig. 6: Temple d’Hatchepsout – Egypte pharaonique, XVIIIe dynastie, 1479-1458 av.JC, (Deir el Bahari,

Thèbes Ouest) - Déesse Nekhbet aux rémiges vertes et bleues - S. Pages-Camagna, (C2RMF)

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25

6-2 Nécessité d’une mise au point de protocoles spécifiques d’examen ou

d’analyse pour des matériaux qui ne sont plus produits

Parfois, on est obligé d’adapter des méthodes d’examen ou d’analyse appliquées

en routine dans les laboratoires de recherche, voire dans les laboratoires de contrôle

de l’industrie contemporaine pour les appliquer à des matériaux ou des objets

anciens. Citons quelques exemples caractéristiques pour la compréhension de

divers bronzes et autres alliages de cuivre anciens :

-analyse par spectrométrie d’émission atomique (ICP-AES) de bronzes

archéologiques avec « impuretés » (en particulier contenant de l’arsenic) :

élaboration préalable d’une, collection de matériaux de référence, y compris

certains réalisés « à l’ancienne » à cette occasion, puis élaboration de protocoles

d’analyse particuliers (D. Bourgarit, B. Mille – C2RMF)

-caractérisation par diffraction neutronique d’armes et objets archéologiques

divers : différenciation entre métal coulé, forgé, martelé (W. Kockelmann, S. Siano,

D. Visser et al. - Rutherford Appleton Laboratory, ISIS Neutron Facility, Chilton –

Grande-Bretagne)

-analyse par activation neutronique de: monnaies grecques (drachmes) produites

en Crète (IVe – II

e siècles av. J.C), qui sont des copies (« fausse monnaie ») des

authentiques drachmes de Rhodes. C’est la teneur en arsenic du bronze qui a permis

la discrimination (J.N. Barrandon – CNRS Orléans)

-caractérisation par diffraction neutronique de la structure métallographique de

monnaies en alliage argent/cuivre (Thaler Ferdinand, XVIe siècle, Cabinet des

monnaies, Kunsthistorisches Museum, et M. Scheiner, Akademie der bildendenden

Künste Vienne – Autriche)

6-3 Quelle méthode d’examen non destructif pour un « objet non identifié»?

1-Tomodensimétrie : Le Poids aux léopards de Shahi Tump

.Il s’agit d’un objet découvert dans une tombe de la vallée de Kech, au

Balouchistan (sud du Pakistan). Il appartient à la civilisation de Shahi Tump –

Makran (fin du IVe millénaire – début du III

e millénaire av. J.C.). Hauteur :

200 mm; masse : 13.5 kg. On ne dispose d’aucune information sur sa destination !

Il n’existe pas d’analogue permettant d’étayer des hypothèses sur sa composition et

sa fabrication. Compte tenu de sa masse volumique apparente (de l’ordre de

10 g/cm3), il peut contenir du plomb ou de l’or.

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“Poids” aux léopards de Shahi Tump, civilisation de Shahi Tump – Makran (fin du IVe millénaire –

début du IIIe millénaire av. J.C.) Musée National de Karachi (Pakistan)

A – Photographie D. Bagault (C2RMF) B- Coupe tomodensimétrique – CEA-LETI Grenoble

C’est par l’obtention d’une coupe tomodensimétrique à l’aide d’un accélérateur

(30 MV) utilisé pour le contrôle des propulseurs solides d’Ariane (CEA-LETI

Grenoble) que l’on a été capable de décrire la structure de l’objet et de comprendre

son mode d’élaboration. La coque (e = 3 mm) a été réalisée par fonderie à la cire

perdue d’un alliage de cuivre (12.6 % Pb, 2.6 % As), puis elle a été remplie par du

plomb fondu (99.5 %). Cette coque est incrustée de léopards chassant des chèvres

sauvages, réalisés avec des fragments de coquillages polis. (B. Mille, D. Bourgarit

(C2RMF), R. Besenval (Musée Guimet – Paris))

2-Méthodes d’analyse

-Analyse par fluorescence X. C’est une technique d’analyse élémentaire non

destructive, qui consiste à « éclairer » l’objet à analyser avec un faisceau de

photons de quelques keV à quelques dizaines de keV et à recueillir à l’aide d’un

détecteur approprié les photons X de fluorescence caractéristiques des éléments

constitutifs du matériau étudié ; par spectrométrie, on peut obtenir une analyse

qualitative (et parfois quantitative) de ce matériau. L’importance de cette technique

dans le domaine du patrimoine culturel est bien établie. Des progrès récents sur la

technologie des tubes X, des optiques X de focalisation, des détecteurs fonctionnant

à température ambiante, la miniaturisation de l’électronique, les performance des

logiciels de spectrométrie ont permis de mettre sur le marché des appareils

portables performants permettant des analyses in-situ : chantiers de fouilles

archéologiques, musées, ateliers de restauration, monuments historiques.

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Portrait d’Une Princesse d'Este, Pisanello (1441) Musée du Louvre, Analyse par micro-fluorescence X

montrant la diversité des pigments utilisés par l'artiste E. Laval (C2RMF)

La figure ci-dessus montre les résultats de l’analyse par micro-fluorescence X de

la diversité des pigments utilisés par Pisanello dans le Portrait d’une Princesse

d'Este, Pisanello (1441) Musée du Louvre.

-Analyse par faisceau d’ions sur l’accélérateur de particules AGLAE. Le C2RMF

est le seul laboratoire au monde à disposer d’un accélérateur dédié à l’analyse

d’oeuvres d’art ou d’objets du patrimoine culturel par faisceaux d’ions. AGLAE

(Accélérateur Grand Louvre pour l’Analyse Elémentaire) est un accélérateur

tandem de 2 MV. Les principales caractéristiques sont :

.principal mode d'analyse utilisé : PIXE (Particle Induced X-ray Emission) qui

consiste à bombarder la surface de l’objet à analyser avec un faisceau collimaté

d’ions accélérés (protons, deutons, hélions…), qui induisent l’émission de

photons X caractéristiques des éléments rencontrés (analyse possible des

éléments au-delà de l’oxygène)

.limite pratique de détection quelques 10-9

, donc possibilités de mise en évidence

de traces

.micro-faisceau extrait, d'un diamètre de l'ordre de 10 µm et système

d’acquisition multiparamétrique et de déplacement pas à pas de l’échantillon

permettant d’analyser de petits détails, tels que des inclusions dans les gemmes,

en effectuant des cartographies de concentration d’éléments.

La figure suivante montre le cas de l’analyse de rubis incrustés dans une statue

parthe en albâtre Ishtar (environ 200 av JC, Musée du Louvre), ayant permis de

déterminer l’origine géographique de ces pierres :

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Détermination, par l’analyse PIXE, de l’origine géographique de rubis sur une statue parthe Ishtar –

environ 200 BC (Musée du Louvre) T. Calligaro, J.C. Dran, J. Salomon (C2RMF)

3. Méthodes d’examen (photographies, radiographies)

Classiquement, pour l’étude d’une peinture de chevalet sur support toile ou

parquet de bois, on utilise la panoplie suivante :

-photographie couleurs en lumière visible (film argentique ou numérique haute

définition), en général avec mire de référence. C’est le cliché classique pour

l’archivage, les catalogues ; c’est aussi un témoin de l’état du tableau

-photographie en lumière rasante, donnant des indications sur la topographie de la

couche picturale, des informations sur les déchirures, fractures, modifications

éventuelles du tableau…

-photographie dans l’infrarouge (film argentique infrarouge, ou numérique

adapté, ou caméra vidéo infrarouge). Ceci permet de mettre en évidence

d’éventuels dessins sous-jacents, en général réalisés avec un crayon au charbon

de bois

-photographie de fluorescence sous éclairage ultraviolet, permettant de mettre en

évidence certains vernis ou pigments,

-radiographie X à basse tension, donnant des indications sur l’état du support,

l’état de conservation de la couche picturale, les repeints, les superpositions de

deux peintures, ou les restaurations, les rentoilages, les changements de format…

-photographie conventionnelle du revers donnant des indications sur l’état du

support et très souvent des indications sur les numéros d’inventaire, des marques

de propriétaire, des indications d’expositions temporaires, de prêts ; bref, des

informations parfois précieuses sur l’histoire du tableau.

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Les figures ci-dessus illustrent ces examens dans le cas du portrait d’une Dame

en prière, anonyme espagnol, XVIe siècle (Musée du Louvre) :

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Dans le cas de l’examen de la statuaire (métal ou pierre) il existe une panoplie de

méthodes complémentaires de contrôle non destructif : examen visuel, endoscopie,

radiographie X ou gamma, tomodensimétrie, ultrasons… Quatre exemples :

Jupiter, sculpture en bronze, Epoque Gallo-Romaine (sanctuaire du Vieil-Evreux), 2nde moitié

1er siècle AD, bronze au plomb + inserts (argent pour les yeux, cuivre non allié pour les lèvres

et les tétons), Musée d’Evreux

La radiographie révèle la jonction entre la tête et le tronc. Elle est constituée

d’une sorte de chaîne de soudures ponctuée par une séquence de bassins formant

collier. T. Borel (C2RMF)

Hawtar’athat, sculpture en bronze, période Sud-Arabique, Nashqum

(actuellement Al-Bayda), Yemen, fin VIIe - début VIe BC, bronze au plomb +

plomb (yeux), Musée National Sanaa T. Borel (C2RMF)

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Masque d’or de Toutankhamon, radiographie gamma (iridium 192) réalisée à l’occasion de

l’exposition «Toutankhamon et son temps» - Petit Palais Paris (1967). Certainement l’une des

plus belles radiographies gamma, mettant en évidence la grande maîtrise des orfèvres de

l’Egypte Pharaonique.

La nature se dévoilant devant la science, Louis Etienne Barrias (1899) (Musée d’Orsay)

Radiographie gamma réalisée avant restauration, d’une statue de grande taille, complexe,

intégrant marbre polychrome, onyx, malachite, lapis-lazuli, granit, qui permet de visualiser et

comprendre les tenons et inserts d’assemblage. B. Rattoni (CEA-Saclay)

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-Emissiographie : c’est une technique où l’on utilise la couche superficielle

d'œuvres planes, comme convertisseur photons X / électrons (épaisseur de couche

-couche est disposé

contre la couche étudiée, coté faisceau incident. Cette technique est valable aussi

bien pour les peintures de chevalet sur supports toile, que bois, cuivre ou pierre, que

pour les émaux cloisonnés ou champlevés… Un exemple concerne l’examen d’un

émail sur support de cuivre qui permet la visualisation de microfissures et de zones

de bulles en surface de la couche vitreuse

Cas d’émail sur support de cuivre – Croix épiscopale, émail champlevé, Limousin, Moyen Age, Musée du

Louvre. Visualisation de microfissures et zones de bulles en surface de la couche vitreuse. T. Borel

(C2RMF). Radiographie et émissiographie

6-4 Identification des copies au sein d’un même atelier, d’une école…

Papier

Le premier filigrane – une croix grecque – a été identifié sur un papier fabriqué

en Italie (Fabriano) en 1282, les papiers provenant d'Orient ou du monde arabe n'en

possédant pas. Depuis, il est possible d’identifier et de dater des papiers filigranés

par la mise en évidence des filigranes aux armes ou à la marque des maîtres

papetiers et de leurs variations au cours du temps. Ceci est obtenu par bêtagraphie

avec des sources plaques émettrices de particules β (carbone 14, Eβ = 250keV). La

marque évolue au cours du temps, par l’emploi de la forme, ou par modification

volontaire (de père en fils, privilèges accordés, etc.) Ceci permet aux historiens du

papier ou des textes, ou des arts graphiques, de dater le papier et donc le document.

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La figure suivante montre quelques exemples de bêtagraphies (carbone 14) de

papiers filigranés du XVIe siècle (grappe de raisins, bœuf, blason, licorne) A.

Lemonnier (CEA – Saclay).

Exemples de bêtagraphies (carbone 14) de papiers filigranés A. Lemonnier (CEA-Saclay).

Quatre filigranes différents

Peinture de chevalet

Vincent van Gogh (1853-1890) – Portrait du Docteur Gachet. A l’occasion de

l’exposition, le docteur Gachet, un ami de Cézanne et Van Gogh (Galeries

Nationales du Grand Palais Paris - 1999), le C2RMF a pu examiner une trentaine de

tableaux de Paul Cézanne et de Vincent van Gogh ainsi que des copies réalisées par

le Docteur Gachet et son fils, signant Paul et Louis van Rijsel (Rijsel est le nom

néerlandais de Lille, leur ville). Sur le portrait du Docteur Gachet, celui-ci tient un

bouquet de digitales qui devraient être de couleur pourpre. Van Gogh a utilisé pour

la première fois une nouvelle couleur à base d’éosine, colorant rouge organique de

synthèse récemment introduit sur le marché, mélangée à une couleur bleue

classique à base d’un pigment minéral stable. En un siècle, l’éosine, par photo-

dégradation s’est décolorée et les digitales nous apparaissent bleues. Peu après la

mort de van Gogh, Blanche Derousse, élève du Dr. Gachet, réalise une aquarelle,

copie de ce portrait, avec des couleurs classiques. Un siècle après, le pourpre de

l’aquarelle est toujours là ! Les couleurs de la copie de l’amateur nous renseignent

sur la palette au temps de l’œuvre originale !

Cas particulier des objets du patrimoine industriel – Restauration à l’état

« neuf » ou à un « instant t » de la vie de l’objet

Louis Blériot (1872 – 1936), ingénieur (ECP 1895), aviateur, constructeur

aéronautique, a effectué la première traversée de la Manche, aux commandes de son

Blériot XI, le 25 juillet 1909. L’appareil est conservé au Musée des Arts et Métiers

(Paris). Lorsque le Musée a décidé de l’exposer, s’est posée la question : dans quel

état le présente-t-on ? Tel qu’il a décollé de France, ou tel qu’il a mal atterri

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(« crashé ») en Angleterre ? Un dialogue intéressant s’est établi entre conservateur,

restaurateur, historien des techniques, ingénieur et technicien de la restauration.

Pour compliquer les choses, les archives de l’entreprise Blériot sont perdues et on

ne dispose pas des plans de l’original. Le C2RMF a contribué à cette réflexion en

réalisant un examen radiographique X assez complet de l’appareil. Accessoirement,

il est intéressant de noter que cet appareil est une sorte d’ »Airbus » avant Airbus :

conception et réalisation de la cellule : Blériot (Neuilly, France), moteur : Anzani

(Londres, Grande-Bretagne et Courbevoie, France), entoilage caoutchouté :

Continental Gummi (Hannovre, Allemagne) !

Photographie et radiographie de la dérive

6-5 Pourquoi un intérêt à propos des répliques ou des fac-similés au Musée

de la Musique ?

Les musées d’instruments de musique, comme les musées des sciences et

techniques (Musée des Arts et Métiers, Paris - Deutsches Museum, Munich -

Istituto e Museo di Storia della Scienza, Florence…) ou les musées industriels

(Automobile ou Chemins de Fer, Mulhouse - Air et Espace, Le Bourget…)

souhaitent présenter au public des instruments ou des matériels dans un état aussi

proche que possible de celui de leur création ou de leur usage, les conserver dans

cet état pour les générations futures, et si possible pouvoir les présenter en

fonctionnement.

Le Musée de la Musique souhaite également pouvoir les confier à des musiciens

pour les jouer et que le public les entende. Cette seconde option entraîne des

contraintes particulières : changement éventuel de composants irrémédiablement

dégradés, applications de contraintes mécaniques insupportables (tensions sur les

cordes, les membranes, les tables d’harmonie, vibrations…) Aussi le musée fait-il

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réaliser par des facteurs contemporains des fac-similés (ou reconstitutions, ou

répliques, ou copies..) pour permettre de jouer les instruments et accéder à un son

aussi proche que possible du son original.

Clavecin Jean-Claude Goujon, Paris (vers 1749) et son fac-similé par Ivan de Halleux, Bruges

(1995) Musée de la Musique Paris

6-6 Mes découvertes. Ce qui m’a marqué

Voici ce qu’un ingénieur confronté aux techniques de l’art des siècles et des

millénaires passés retient :

Le savoir « technologique » de civilisations anciennes : les pigments jaunes,

rouges, noirs des peintures pariétales des grottes ornées pyrénéennes (magdalénien,

environ 17.000 / 13.000 BC), le bronze des cloches, Chine (environ 2.300 BC), le

vert et le bleu égyptien (Xe dynastie, environ 2.100 BC), production pendant trois

millénaires autour de la Méditerranée !

La civilisation n’a pas commencé en Angleterre, en Allemagne, en France… aux

XVIIIe et XIX

e siècles, comme on l’entend souvent dans les amphithéâtres des

« grandes écoles » d’ingénieurs!

L’universalité des usages : le vermillon (cinabre HgS) en Chine (3600 BC), en

Perse, en Grèce (300 BC), dans l’Egypte pharaonique (IVe siècle BC) et dans les

civilisations amérindiennes précolombiennes (Nahua, Moche) ; les couches

préparatoires dans le Rajasthan (instruments de musique) et en Europe (peinture de

chevalet sur support bois puis toile) à la Renaissance (Italie, France, Flandres, Pays-

Bas…)

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La circulation des œuvres, des objets (la mondialisation avant la

mondialisation) : les rubis de Birmanie (civilisation Parthe Ier siècle BC - Ier siècle

AD), les soieries dans la nécropole Xiongnu d'Egiin Gol en Mongolie

septentrionale, provenant de la Chine maritime (IIIe – II

e siècles av JC), les

vêtements tissés en laine provenant d’Anatolie dans une sépulture de la Gaule

Celtique à Lattes (Languedoc) (500 - 50 av JC)

Le savoir-faire artisanal, support du savoir faire faire artistique, comme le

support en parquet de bois de sapin des peintures de Giotto di Bondone, comme le

Crucifix de Santa Maria Novella, Florence (1290)

La «sidération» d’un public « aléatoire » lors de la première vision de certaines

œuvres, par exemple, une statue en grès khmère du Xe siècle (Musée de Phnom

Penh) ou d’une statue en obsidienne olmèque (1200 / 500 av JC, Galerie de

préfiguration du Musée du quai Branly au Musée du Louvre)

7- Quelques pistes pour le futur ?

Puisque nous sommes au GREP, je m’autorise à suggérer quelques pistes, pour

que cette discipline vive dans les années futures, dans une France confrontée aux

aléas de l’époque :

-Ne pas casser les outils dont la France dispose, enviés par les collègues

allemands, américains… (comme cela aurait pu arriver entre 2005 et 2010 à

l’occasion d’une polémique à propos du déménagement du C2RMF lié au projet du

Louvre d’Abu Dhabi et à la création d’un Centre des réserves des musées à Cergy-

Pontoise)

-Améliorer la coordination entre les équipes dépendant du Ministère de la

Culture, avec une vraie politique incitative de la Mission Recherche de ce Ministère

-Améliorer la gestion des Musées (mieux intégrer les principes de la conservation

préventive dès leur conception ou lors de réaménagements, améliorer la pédagogie

à propos des ouvres exposées, cartels, notices historiques synthétiques, éclairage,

choix des couleurs dominantes, ateliers et visites pour les scolaires…)

-Décider d’un moratoire sur les grands équipements culturels créés ex nihilo

(investissements lourds parfois sous-évalués, mais aussi coûts de fonctionnement

induits importants et souvent mal évalués ou délibérément sous estimés) puis

privilégier la réhabilitation/reconversion de bâtiments désaffectés (halles,

manufactures, usines, casernes…)

-Créer et faire vivre un réseau national « sciences et techniques au service du

patrimoine culturel » : établissements culturels, musées, bibliothèques, archives,

archéologie, monuments historiques, ateliers régionaux de restauration/

conservation, universités, écoles d’ingénieurs, IUT, lycées à sections de BTS,

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centres techniques industriels (bois, fonderie, papier, textile), industrie active dans

le domaine des matériaux du patrimoine (Saint-Gobain, Arjo-Wiggins, Canson-

Montgolfier, Clairefontaine, Lefranc-Bourgeois, Pébéo, Sennelier, Arkéma, Rhodia-

Solvay…)

-Inciter à la création de réseaux régionaux (par exemple en Midi-Pyrénées, peut-

être même au sein de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée sur des sujets d’intérêt

commun comme les grottes ornées, l’art roman…)

-Améliorer la participation française dans les projets européens de R&D

(détachement de fonctionnaires français de qualité à la Commission, experts,

réponses aux appels d’offres…)

-Agir pour institutionnaliser à la Commission Européenne une ligne de

programme dédiée au patrimoine culturel

-Définir et suivre des indicateurs techno-économiques au niveau national sur les

retombées de la culture sur le tourisme et donc l’économie nationale

-Rendre lisible et visible l’enseignement de la discipline « science de la

conservation ». Il existe bien quelques masters dédiés (Paris I Sorbonne, Bordeaux

3, Lens…). On pourrait créer des options ou des modules dans les universités, les

écoles d’ingénieurs, les IUT, les sections BTS (chimie analytique, instrumentation,

contrôle non destructif, génie climatique, science des matériaux…)

-Faire véritablement vivre le projet initié par J. Lang de collaboration Éducation

Nationale / Culture, pour ouvrir le monde de l’art et du patrimoine aux enfants de la

République

J’espère avoir fait découvrir un domaine passionnant mais relativement peu

connu, dans lequel les équipes françaises sont parmi les plus reconnues, où l’État

continue de jouer un rôle important et dont les retombées concernent l’art, la

culture, mais aussi l’économie.

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Débat

Michel Rouffet (Présentateur de cette soirée) - Une première question me brûle

les lèvres. Derrière tout cela, on sent qu’il y a une aventure humaine. Le fait d’avoir

dans ses mains tous ces objets doit provoquer des réactions et, je pense, au delà de

l’aspect technique. Peux-tu nous dire comment tu vivais ce métier. Pouvais-tu être

uniquement un technicien ?

Jean-Louis Boutaine - J'ai eu le sentiment de bénéficier d'un privilège

exceptionnel. Soudain, on est face à des œuvres dont on a pu rêver. Rêver de tenir

un Van Gogh entre ses mains sans aller au musée d’Amsterdam, évidemment ! Je

citerai aussi trois situations où avec plusieurs collègues aux profils professionnels

très différents (ouvrier du laboratoire, chimiste, régisseur, photographe, physicien,

secrétaire, restaurateur…) nous avons été soudain en face d’œuvres remarquables.

Au C2RMF, on a reçu une caisse contenant une statue destinée à être acquise

pour figurer dans la collection du futur Musée du quai Branly. C’était une statue

Olmèque. Quand on a ouvert la caisse, il y a eu un silence absolu devant cette

œuvre. Moi, cela m’a fait penser aux statues de l’Ile de Pâques. Immédiatement. Ce

regard tourné vers l’infini de l’autre côté de l’océan… Que l’on soit croyant ou

incroyant, face à une œuvre comme cela, le silence absolu s’établit…

En une autre occasion, au CEA Saclay, on a reçu une caisse venant de Phnom

Penh, après que les khmers rouges en soient partis. Elle contenait une statue que

nous devions examiner par radiographie gamma, avant restauration, puis exposition

au Musée Guimet. On ouvre la caisse (accessoirement des insectes asiatiques

inconnus, tels des passagers clandestins, se sont répandus dans le laboratoire et ont

effrayé certains) et nous nous sommes trouvés devant une statue en grès khmère du

VIIe siècle imposant une sérénité rare. Pareil, silence total. Donc, il y a quelque

chose qui s’impose partout, qui impose le silence et après qui fait rêver.

La troisième situation semblable est advenue au Laboratoire Atelier ARC-

Nucléart à Grenoble. Régis Ramière le dirigeait. Il m’a montré un jour cette

chaussure dont je vous ai présenté les photographies avant (en lambeaux) et après

restauration. Une fois restaurée, cette chaussure constituée d’une seule feuille de

cuir ajourée et mise en forme n’avait rien à envier aux modèles actuels des grands

chausseurs italiens ! Cet objet m’a fait rêver et ceci me distingue de notre directeur

à l’époque. Lui, cela ne l’a pas fait rêver du tout, si l’on en juge par ses

commentaires sarcastiques !

Après, si l’on peut mettre en évidence dans l’objet que l’on étudie des éléments

de techniques qui nous sont familières, si l’on peut dire : « tiens, ces gens-là ont fait

cela comme ça, mais d’autres en un autre lieu ont peut être fait la même chose et

personne ne le sait, ou bien ont fait autrement et ont utilisé cette technique pour

autre chose », cela, c’est très intéressant.

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Ce sont souvent des sentiments du même ordre que j’ai ressentis lors de mes

rapports avec le Musée de la Musique et son laboratoire / atelier de restauration.

C’est, à mes yeux, le plus beau musée de la musique du monde. 5000 instruments,

500 présentés, une équipe de passionnés, ouverts à tous – en particulier aux enfants

– et à toutes les musiques du monde. Des expositions de très grande qualité : La

voix du dragon (le bronze de la Chine ancienne), We want Miles ! (éloge de Miles

Davis, un marqueur pour les gens de ma génération)… On peut y observer des

instruments en cours d’étude, qui sont en soi des œuvres d’art, par leur esthétique,

leur facture…et qui ouvrent à toutes les musiques du monde.

Un participant - Ma question porte justement sur ce qu’est la restauration. Je

suis allé, récemment, au Musée des Augustins voir l’exposition consacrée à

Benjamin Constant, où on peut voir des tableaux qui ont assurément été restaurés.

Là, visiblement, les couleurs ont retrouvé leur valeur originale, mais est-on sûr, en

restaurant ces tableaux par les techniques actuelles, de retrouver les couleurs

originelles qu’a utilisées l’artiste lors de leur création, ou ces techniques modifient-

elles parfois, un petit peu, l’aspect qu’elles avaient au départ ?

Peut-on dire que les restaurations aboutissent toujours ou bien peuvent-elles être

loupées, manquées, selon le mode d’utilisation des produits, les produits utilisés ou

par le manque de dextérité de celui qui a procédé à la restauration ?

Jean-Louis Boutaine - Dans votre question, je trouve à peu près toutes les

interrogations que nous pouvons avoir : faut-il restaurer ou pas, jusqu’où pouvons-

nous aller et en plus, devons-nous avant tout respecter l’esthétique d’un moment et

d’un endroit ?

Certains restaurateurs ou ouvriers des métiers d’art chevronnés m’ont fait

découvrir plein de choses, m’ont appris des termes que j’ai utilisés ce soir. Je pense

que tout restaurateur qui a de l’expérience, qui aime son métier et qui a été bien

formé, vous dira qu’aucune restauration n’est vraiment aboutie. On s’arrête à un

moment donné parce qu’il ne faut pas aller trop loin, il ne faut pas altérer ce sur

quoi on travaille et il faut éviter d’être trop dogmatique sur des présupposés de ce

qu’était l’œuvre à un moment donné. Ceci dit, il y a dans notre civilisation

d’Europe occidentale, depuis des siècles, une tradition de la restauration et une

continuité de la pratique de la restauration. Les restaurateurs ne le sont pas ex nihilo

et n’arrivent pas dans les musées uniquement après avoir obtenu un master à

Paris I. Ils ont un savoir-faire artisanal depuis un certain temps. Ils ont un diplôme

universitaire, ce qui est une marque de reconnaissance, mais ce sont des gens qui

ont presque tous une double culture : artisan et histoire de l’art, ou artisan et science

et technique, et ils font la synthèse de ces éléments. Donc ils sont prudents, comme

tous les artisans.

En Europe occidentale – je vais me limiter à la France, l’Italie, la Belgique et

n’irai pas plus loin, parce qu’au delà cela commence un peu à changer – l’éthique

de la restauration est assez commune. Il ne faut pas se substituer au créateur pour

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« recréer », il faut, quand il y a une lacune visible, suggérer ce que cela pouvait

être. Donc, sur certains tableaux, on peut voir une discontinuité et on passe ainsi

d’une zone parfaitement connue à une autre, en suggérant qu’il y avait continuité et

que ce nuage bleu, lapis-lazuli / blanc de plomb était bien présent d’ici à là. Et on

s’arrête là. On enlève les vernis altérés… Sur cet aspect particulier, j’ai rencontré

des gens obsédés du non-dévernissage. Ce sont des gens de ma génération. Ils

arrivent en délégation dans le laboratoire en disant : « en vertu de l’arrêté n° tant,

du droit d’accès des citoyens aux documents publics…, montrez nous comment la

décision de dévernir a été prise. »

Or à l’époque où les tableaux étaient commandés et créés pour un monastère, un

prince, un prélat ou un marchand, tout le monde savait que le vernis était là

uniquement pour protéger la couche picturale qui était en dessous. Il existe même

des manuels de la Renaissance qui expliquent comment dévernir et revernir. Donc,

tous ceux qui disent que, dans tel tableau d’un monastère italien, le bleu azur dû au

lapis lazuli est « beaucoup trop bleu », ne connaissent pas les propriétés de ce

pigment. Le lapis lazuli est stable pour « les siècles des siècles », et s’il n’est plus

couleur bleu azur, c’est qu’il a été encrassé par un vernis qui a jauni par photolyse,

par le dépôt de crottes de mouche ou de la suie de bougies. Celui qui a élaboré et

appliqué ce vernis savait très bien qu’un jour ou l’autre il faudrait l’enlever.

Dans la peinture contemporaine, où il n’y a plus de lapis lazuli, certains, par

incompétence ou improvisation, avec des matériaux dont personne ne connaît la

durée de vie, ont utilisé des vernis qui ne sont pas faits pour cet usage. Là, je serais

extrêmement prudent. Face à un vernis dont on ne connaît pas la composition, je

dirais : surtout ne l’enlevez pas, parce que si jamais, en l’enlevant vous enlevez tout

ce qu’il y a dessous, vous n’aurez plus d’œuvre du tout. Quand on sait d’où on part

on peut essayer, sinon… Après, vous avez des gens un peu plus dogmatiques qui

disent : « je ne restaurerai une peinture italienne de telle époque, dans tel musée,

qu’avec du pigment venant de chez Zecchi à Florence»!

Dans la culture de l’Europe chrétienne orthodoxe, comme dans la culture de la

Chine millénaire, on ne respecte pas les mêmes règles concernant l’authenticité des

matériaux d’origine : il faut que l’objet soit toujours impeccable pour remplir la

fonction religieuse. Ces objets ont été créés pour honorer Dieu, une sainte ou un

saint, donc les moines repeignent, relaquent ou redorent régulièrement des icônes.

Quant à la Chine, si 10 couches de laque recouvrent une colonne d’un temple et

qu’il en faut 12 pour que ce soit beau, cela ne leur pose aucun problème. Ils font

cela depuis des millénaires.

J’ai dit tout à l’heure qu’il fallait aussi se préoccuper de l’innovation dans les

techniques, de l’introduction des nouveaux produits. On ne peut pas dire que tout

produit nouveau mis sur le marché par les entreprises de la chimie des matières

plastiques est interdit dans les musées. On peut trouver des plastiques transparents

récents qui font écran contre le rayonnement ultraviolet, ou contre le rayonnement

infrarouge, qui résistent à la rayure, sont mécaniquement et optiquement stables…

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Il sera possible de les introduire dans les musées ou les galeries d’exposition

temporaire et ainsi permettre de protéger des tableaux, des dessins ou d’autres

œuvres. Si l’on peut, sans altérer la vision que l’on a de l’œuvre, en même temps la

protéger… pourquoi pas ? Mais en restant très, très prudent.

J’ai appris en 15 ans que, dans les musées de l’Europe occidentale, il n’y a pas de

dogme ou de codes de bonne pratique ayant force de loi, mais il y a vraiment une

très grande tradition, que l’écrasante majorité des gens respectent. Lorsque vous

recevez et déballez une œuvre inconnue, il faut aussi être prudent. Je me souviens

d’une figure de proue d’une embarcation venant de Papouasie-Nouvelle Guinée,

dans une sorte d’ébène, qui avait été complètement « mangée » à cœur par des

guêpes xylophages. Nous avons découvert dans le même temps le nom d’une île de

l’Insulinde, la Nouvelle Irlande, un témoignage d’une civilisation, une essence de

bois, et en plus que les insectes xylophages qui l’avaient attaqué étaient des

guêpes ! Vous ne trouverez personne en Europe occidentale qui ait la moindre idée

de la manière de restaurer un tel objet. Il faut alors procéder par analogie, faire au

moins mauvais et parfois, comme France Dijoud (qui était chef du département

Conservation-Restauration du C2RMF), dire : « on ne fait rien », placer l’œuvre

dans une atmosphère aussi pure, saine et stable que possible pour cette œuvre et

s’arrêter là.

Un participant - Il est évident que toutes ces œuvres, à un moment ou à un autre,

vont évoluer. Tous les musées ont-ils une politique systématique pour documenter,

disons tous les 10 ans, l’état de tous les objets, de toutes les peintures ? En

particulier, tout ce qui a trait à la peinture moderne et aux matériaux qui sont tout à

fait différents, qui peuvent évoluer très vite. Est-il possible, matériellement, de faire

ce catalogue avec les moyens classiques ? Tous ces travaux que vous faites, sont-ils

documentés ?

Jean-Louis Boutaine - Tous. Et disponibles pour le public.

Le participant - Vous gardez donc une trace quelque part et je présume que c’est

une trace numérisée. Avec tous les problèmes de conservation des éléments

numériques, comment procédez vous ?

Jean-Louis Boutaine – On s’efforce de conserver une double source. Si je

prends par exemple les plaques photographiques du début du laboratoire du

C2RMF actuel (1931), ces plaques ont été numérisées mais elles sont aussi

conservées dans des conditions aussi bonnes, aussi sérieuses que possible. Le

système de numérisation a déjà changé au moins deux fois. C’est-à-dire qu’à un

moment donné, un informaticien bien informé a dit : attention, les disques ATG

(l’ancienne entreprise toulousaine Alcatel-Thomson-Gigadisc) ne vont plus être

maintenus, il faut tout transférer sur disque X ou Y… Bertrand Lavédrine,

responsable du Centre de Recherche sur la Conservation des Collections (CRCC),

passionné par la conservation de la photographie et des supports numériques, a,

dans ses attributions, celle d’estimer la durabilité des disques de support numérique

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de reproduction des œuvres d’art, mais aussi des actes officiels de la République.

Le support physique d’un décret signé par notre actuel président va durer beaucoup

moins longtemps qu’un décret du roi Louis XIV écrit sur un papier parfaitement

stable, en pur chiffon, et stocké dans de bonnes conditions depuis trois siècles.

Alors, il faut procéder en deux temps : documentation des œuvres puis

récolement des œuvres. Un évènement significatif a été le déménagement du

Ministère des Finances du Louvre à Bercy en 1988 sous un gouvernement de

gauche. Du mobilier (commodes, bureaux, horloges, tableaux…) appartenant aux

collections du Mobilier National a déménagé du Louvre à Bercy, au nouveau

ministère des finances. Puis, sous Balladur, « retour chariot » de Bercy au Louvre ;

puis à nouveau, sous Bérégovoy, voyage du Louvre à Bercy. Puis, à l’inventaire du

mobilier national (et/ou des musées nationaux ou des monuments historiques), on

constate des « fuites » : des œuvres, propriétés de la République Française, sont

parties du Louvre pour aller à Bercy, ne sont peut être pas revenues au Louvre et en

tous cas ne se sont pas retrouvées à Bercy ! Ceci a déclenché un coup de semonce

assez sévère, avec la création d'une commission de récolement, présidée par un

conseiller d’État, haut fonctionnaire strict, sérieux, très soucieux de la bonne

gestion des biens patrimoniaux de la Nation.

Désormais, tous les responsables des collections publiques françaises –

bibliothèques, archives, monuments historiques, mobilier national, musées

nationaux – sont tenus de faire des récolements périodiques documentés. Et, tant

qu’à faire un marquage lors d’un récolement, autant qu’il soit indélébile pour qu’on

ne puisse plus dire à monsieur le Sous-préfet : « cette commode Boulle qui est à la

sous-préfecture de XXX …, êtes-vous sûr qu’elle ne devrait pas être au musée

Machin ? » Si cela arrive, ce n’est pas parce que le Sous-préfet a « pris » une

commode, mais parce qu’un jour, pour récompenser un notable ou l’un des ses

prédécesseurs pendant son mandat, l’État a mis à leur disposition une commode

Boulle appartenant aux collections d’un musée et qu’elle n’est jamais revenue. On

dispose maintenant de marquage indélébile, d’un code de bonnes pratiques… Par

contre, réaliser un état exhaustif des collections publiques, simplement par

photographie numérique, avec une mire de couleur et une mire noir et blanc pour

constater qualitativement l’état des œuvres, est matériellement impossible. On a

affaire à des millions d’œuvres !

Le participant - Même au Louvre ?

Jean-Louis Boutaine - Au Louvre comme dans les grands musées, il y a des

catalogues raisonnés, collection par collection. Je pense que certains musées

français ont quelque chose d’exhaustif. Peut être que Toulouse-Lautrec est dans ce

cas. C’est possible quand on réaménage de fond en combles un musée comme dans

le cas de Toulouse-Lautrec à Albi ou des Arts et Métiers à Paris. Aux Arts et

Métiers, tout a été numérisé – vous me direz qu’aux Arts et Métiers il y a des

scientifiques !- Un protocole a été établi, que d’autres musées essaient de suivre :

photos numériques, mires de couleur, tout est documenté, depuis les œuvres

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exceptionnelles comme la machine à calculer de Pascal ou le fardier de Cugnot,

jusqu'à la première règle à calcul fabriquée en France ou le premier microscope

Nachet. Je crois que le texte du Conseil d’État dit que tous les dix ans les détenteurs

des collections publiques françaises doivent effectuer un récolement

Des sociétés privées, majoritairement britanniques, essaient de vendre des

systèmes de bases de données avec parfois quelques gadgets numériques associés.

Je pense que des propriétaires privés ou des musées associatifs français se sont

laissés séduire – en particulier pour des problèmes d’assurance – par des vendeurs

de services ou de matériels de ce type.

Le participant - Google en fait-il partie ?

Jean-Louis Boutaine - Google a conclu un accord avec un certain nombre de

musées dans le monde. En cas d’accord, il met tout en ligne pour une visite

virtuelle sur le web. Mais en France, cela n’a pas eu beaucoup d’écho.

Un participant - A vous entendre, restaurer les œuvres ne pose pas de

problèmes. Peut-être n’est-ce pas si facile ? Entre la rigueur scientifique et le flou

artistique, il doit y avoir un certain nombre de bagarres. Comment ça se passe, tout

le monde est-il d’accord pour faire ceci ou cela ? Il doit bien y avoir des

discussions, des désaccords et des engueulades, non ?

Jean-Louis Boutaine - Bien sûr, il y a parfois des désaccords… Je ne vais parler

que de ce que j’ai vu fonctionner. Je n’ai jamais participé à une commission de

restauration, mais voici ce que je crois comprendre du fonctionnement du système

depuis environ 25/30 ans.

Pour un certain nombre d’œuvres majeures, à un moment donné, il y a une

demande de restauration. Le conservateur qui gère telle collection, ou des historiens

d’art qui travaillent sur une école, un auteur, une période ou une aire culturelle,

s’intéressent de près à une œuvre et disent : « il faudrait peut être faire quelque

chose parce qu’il y a des craquelures sinistres dans la toile du Véronèse RF 4075 ».

Si après une visite et un premier examen du régisseur, du conservateur ou d’un

restaurateur mandaté, on pense que l’état de cette toile est effectivement critique, on

peut demander au C2RMF une étude de l’œuvre et un dossier sur son état

d’altération avant de prendre la décision de restaurer ou de ne pas restaurer. C’était

une partie significative, environ 30 à 40%, de notre travail.

S’il s’agit d’une œuvre majeure, on nomme une commission de restauration à

laquelle participent des personnes considérées comme experts, tant de l’intérieur

des Musées de France que de l’extérieur.

Si c’est une œuvre très célèbre comme Sainte Anne de Léonard de Vinci, on

consulte des sommités de musées étrangers (Vatican, National Gallery de Londres,

Art Institute of Chicago, Ermitage de Saint-Pétersbourg, Offices de Florence,

Rijksmuseum d’Amsterdam…)

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Donc, se met en place une commission de restauration composée en général de

conservateurs, d’historiens d’art et, parfois, d’un technicien. Cela peut être long, et

la discussion est quelque fois conflictuelle. J’ai entendu des critiques très dures sur

certaines décisions de restaurer ou de ne pas restaurer. Une fois que la décision de

restaurer est prise par le conservateur en charge de la collection – car c’est lui qui

décide in fine – s’il s’agit d’un chantier de restauration important, on se heurte aux

réglementations européennes. Donc, marché public européen, rédaction d’un cahier

des charges et appel d’offres. Mais, dans le domaine de l’art, c’est pour le moins

« délicat », parce que quantifier ce qui relève de l’art est pratiquement impossible.

Il y a ensuite publication au Journal Officiel de la Commission Européenne. Des

restaurateurs ou des ateliers de restauration soumissionnent pour prendre en charge

l’ensemble de la restauration ou tel volet de la restauration. Dans certains grands

chantiers de Versailles ou du Louvre, participaient un atelier de restauration

spécialisé dans les supports (bois et toiles), un autre pour les couches picturales et

parfois, quand toute une salle devait être restaurée, des spécialistes du stuc, des

moulures... Pour des restaurations comme celles de meubles de la reine Marie

Antoinette, ce sont des associations de doreurs, de ferronniers, d’ébénistes et de

marqueteurs qui ont obtenu le marché.

Le participant - Donc, le conservateur prend la décision sur avis de la

commission mais il n’y a pas de règle publique, une espèce de doctrine publique

qui dirait quel type de restauration doit être pratiqué. On peut comprendre qu’il soit

nécessaire de faire un minimum de choses pour maintenir une œuvre, au moins en

l’état, lorsqu’elle est en péril ou dans un certain état de décrépitude. Mais il

semblerait que parfois on aille plus loin. Existe-t-il, par pays, des règles précises

disant jusqu’où on peut restaurer ? Il y a eu un grand débat, à Toulouse, quand

Notre Dame de Grâce a été restaurée. Je ne sais pas sur quels critères les décideurs

avaient tranché. J’ai bien compris que c’était le rôle du conservateur mais cela

m’étonne qu’il n’existe pas de règles particulières.

Jean-Louis Boutaine – Dans ce cas, parce que cette œuvre était considérée

comme une œuvre majeure, il y a bien eu une commission. Je ne sais pas si le

rapport a été tout à fait consensuel ou un peu conflictuel, mais la décision a été

prise au vu de ce rapport. Il est clair que 95% des conservateurs des collections

publiques françaises sortent de la même école. Donc, de fait, il y a une doctrine.

Le participant - Mais elle n’est pas légale ?

Jean-Louis Boutaine – On peut l’exprimer de cette façon. Mais, c’est la doctrine

de la culture française, de l’Europe occidentale, de l’Institut National du Patrimoine

et des quatre ou cinq écoles qui la suivent. Ce qui n’empêche pas que, de temps en

temps, il y a des polémiques et parfois des résultats discutables.

Je vais prendre un exemple qui ne nous concerne pas directement, celui de la

basilique Saint Pierre de Rome. Un atelier de restauration s’est associé avec une

entreprise productrice de dérivés de la chimie du silicone Ils ont obtenu de la Cité

du Vatican un marché relatif à l’imprégnation de certaines pierres de la façade de la

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basilique pour éviter leur altération par la pollution urbaine, les gaz d’échappement,

les composés azotés ou sulfurés, la pluie… Après quelques dizaines de mois,

certains fragments de pierres sont tombés telles des dalles d’ardoise. Parce que, du

fait de ce traitement imperméabilisant, les phases de gel/dégel ont eu des

conséquences catastrophiques. Un professeur de chimie bien connu de l’Université

La Sapienza de Rome avec qui on se promenait dans la Cité Vaticane nous a dit :

« Heureusement que ce n’est pas la tête de Saint Pierre qui est tombée ! ». Il

n’empêche que ce produit était vanté pour ce type de traitement par de grands

pontes de la chimie des silicones en Europe.

Un participant - Le suaire de Turin est-il authentique ou pas ?

Jean-Louis Boutaine - Cette question est un peu provocatrice. Les laboratoires

qui ont pratiqué une datation étaient indépendants, avaient une réputation bien

établie ; on peut imaginer que certains de leurs personnels étaient croyants et

d’autres pas, ils ont donné leur signature… Ce que l’on peut regretter, c’est qu’il

n’y avait pas de laboratoire français parmi les participants. Pour répondre à votre

question, je ferai confiance aux résultats publiés en disant que non, cet objet ne date

pas de la période du Christ.

Un participant - Vous parliez des morceaux de pierres qui se sont détachés des

façades au bout de quelques mois seulement sur la basilique Saint Pierre. Il me

semble que des restaurations de bas-reliefs effectuées avec des produits considérés

comme les meilleurs du monde, il y a bien longtemps, avaient aussi subi des

altérations. Donc, on avait déjà eu ce problème de desquamation et cela aurait du

rester à l’esprit de ceux qui ont décidé ces travaux puisque c’était documenté.

Jean-Louis Boutaine - Oui, mais j’ai dit tout à l’heure que c’était un domaine

économique comme un autre. Les fournisseurs exercent une pression. Si un

ingénieur en chef d’un des grands groupes chimiques mondiaux arrive dans le

bureau d’un responsable et dit : « j’ai un silicone extraordinaire, nous en avons

passé sur la façade des Monts Rushmore et cela fait 18 mois que cela tient, je vous

offre les 10 premiers barils… » Vous vous rendez compte de l’impact de la publicité

possible, s’il arrive à convaincre et si ensuite cela tient ? Ce n’est même pas

chiffrable !

Un participant - Certaines œuvres d’art ne dépendent pas de la tutelle des

conservateurs. Concrètement, qui décide, par exemple, de restaurer la basilique

Saint Sernin dans le sens de Viollet-le-Duc ou à contre-sens de Viollet-le-Duc ?

Jean-Louis Boutaine – La réponse à une telle question est effectivement difficile

à faire. J’ai parlé presque exclusivement des œuvres des musées, parce que c’est

dans ce domaine que j’ai pu observer comment cela fonctionnait. Mais les

bibliothèques, les monuments historiques, les archives et les musées avancent, bon

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an mal an, à peu près en parallèle et dans le même sens. On est quand même dans

une République où il y a des règles, des pratiques établies. Donc, je pense que les

architectes en chef des monuments nationaux ont une déontologie et des pratiques

très proches de celle des conservateurs en chef des musées. Nous avions des

relations très faciles avec nos collègues du LRMH. Ils étaient confrontés à des

problèmes tout à fait semblables aux nôtres et, de temps en temps, on décidait de

travailler ensemble, par exemple, sur le mobilier, les tissus, les peintures murales…

Une participante - Beaucoup d’œuvres d’art appartiennent à des particuliers. Or

ces œuvres ont un intérêt public, elles sont témoin d’une époque. Quand un

particulier veut faire restaurer une de ces œuvres d’une certaine façon, peut-il le

faire de son propre chef ou doit il en référer, se plier à des règles ou suivre les

prescriptions de spécialistes agréés ?

Jean-Louis Boutaine – Dans le cas des monuments, je pense pouvoir dire que, si

vous êtes propriétaire d’un moulin et que ce bâtiment est classé, vous ne pouvez pas

le restaurer sans en référer aux monuments historiques.

La participante - Mais y a-t-il une obligation de restauration?

Jean-Louis Boutaine – Je pense qu’il y a une obligation, liée aux règles de

défiscalisation. Dans le cas des œuvres d’art, si par exemple quelqu’un possède un

Poussin et que ce tableau est répertorié dans la liste des œuvres interdites de sortie

du territoire, je ne vois pas comment l’État pourrait contrôler une éventuelle

obligation de restaurer. Par ailleurs, je vais préciser deux cas de figure concernant

les demandes d’étude arrivant au C2RMF.

Le C2RMF assure en certaines occasions une fonction « régalienne ». Tout

conservateur de collection publique française, petit ou grand musée, souhaitant

acquérir une œuvre en « main privée » peut demander à la faire étudier par le

C2RMF. Dans ce cas, on réalise l’étude pour le compte de l’État. Au vu du rapport,

le conservateur décide que c’est vraisemblablement un « Poussin » et qu’il va la

proposer à l’acquisition pour le musée dont il a la charge et donc demander de

l’argent à l’État, ou à une collectivité territoriale et éventuellement à un mécène.

Une fois la décision d’acquisition prise par la commission ad-hoc des Musées de

France, l’État ou la collectivité territoriale fait une offre et on communique le

rapport, pour information, au possesseur privé pour étayer, le cas échéant, les

réserves qui doivent être faites, par exemple, du fait de son état de conservation.

Par contre, si un propriétaire privé ou un galeriste sollicite le C2RMF en

demandant : « Pouvez vous me dire si ce tableau a vraiment été peint par Poussin et

quel est son état de dégradation ? », il n’obtiendra pas de réponse à sa question. Je

vais essayer de préciser ce point. Un jour, des patrons de grandes entreprises

françaises de la chimie visitent le laboratoire du C2RMF. Certains me disent :

« C’est extraordinaire, vous avez un parc matériel fantastique. On ne savait pas que

nos impôts servaient à cela, mais on est très contents de voir que des types brillants

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utilisent du matériel de ce niveau pour de tels travaux ». Et ils ajoutent : « Combien

facturez-vous vos prestations ? ». Ce à quoi je réponds que, ne faisant pas de

prestation, nous ne facturons pas. Je leur explique que si l’on acceptait de faire une

telle prestation, le coût réel serait de quelques milliers d’euros. Un demandeur serait

face à l’alternative suivante : soit le résultat de l’étude montre que ce n’est

vraisemblablement pas un Poussin (et le coût facturé de l’étude serait du même

ordre ou plus élevé que le prix d’acquisition de l’œuvre), soit le résultat de l’étude

montre que c’est vraisemblablement un Poussin (et le tableau acquiert une valeur

commerciale potentielle sans commune mesure avec le prix d’acquisition de

l’œuvre, du fait de la notoriété du laboratoire). Ce n’est pas à un service de l’État de

jouer ce rôle. Il est là pour travailler sur le patrimoine public, y compris lors

d’acquisitions. Il n’est pas là pour interférer avec le « marché de l’art ». Cette règle

a toujours été appliquée. Mais elle n’est pas écrite.

Pour terminer, j’encourage tous ceux qui sont intéressés par ces thématiques à

regarder les quelques sites web mentionnés en annexe, riches, bien faits, parfois

passionnants et pourquoi pas, pour commencer, le site des Musées de Midi-

Pyrénées.

le 7 novembre 2014

Biographie

Jean-Louis Boutaine est ingénieur, diplômé de l’Ecole Centrale des Arts et

Manufactures. Il a travaillé en recherche appliquée au CEA de 1965 à 1996. Ses

domaines de compétence sont les méthodes de contrôle et d’analyse non

destructives mettant en œuvre les rayonnements ionisants. De 1997 à 2002, mis à

disposition du Ministère de la Culture, il a dirigé le Département Recherche du

Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France. Il a participé à

l’animation de plusieurs réseaux et projets de recherche européens dans le domaine

des sciences et techniques appliquées à la conservation du patrimoine culturel. Par

ailleurs, il a été chargé de cours au CNAM, à l’École Centrale, à l’IUT de Caen et à

l’École du Louvre.

Bibliographie de base

[1] E.H. GOMBRICH, Histoire de l’art, Paris, Gallimard (1997)

[2] C. BRANDI, Théorie de la restauration, Paris, Monum Edition du patrimoine (1977)

[3] D. BRADLEY, D. CREAGH, Physical techniques in the study of art, archaeology and

cultural heritage, Amsterdam, Elsevier (2006)

[4] R. van GRIEKEN, K. JANSSENS, Cultural heritage conservation and environment impact

assessment by non-destructive techniques and microanalysis, Londres, Taylor et Francis (2004)

[5] D. BOMFORD, J. KIRBY, A. ROY et al, Art in the Making – 5 volumes thématiques,

National Gallery, Londres (1989 – 2006)

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[6] R.J. GETTENS et al, Artists’ pigments: a handbook of their history and characteristics, 4

vols, National Gallery of Art, Washington DC (1986–2007)

[7] M. REGERT, M.F. GUERRA, I. REICHE, Physico-chimie des matériaux du patrimoine

culturel, Techniques de l’ingénieur, P3780 et P3781 (2006)

[8] D PINNA, M GALEOTTI, R MAZZEO Eds., Scientific examination for the investigation of

paintings. A handbook for conservator-restorers - European Project EU-ARTECH, Florence,

Centro Di della Edifimi (2009)

[9] M. CHAPUIS, Preserving our heritage, improving our environment, Vol. I, 20 years of EU

research into cultural heritage, EUR 22050 EN (2009)

[10] M.CHAPUIS, A. LYDON et A. BRANDT-GRAU, Preserving our heritage, improving our

environment, Vol. II, Cultural heritage research: FP5, FP6 and related projects, EUR 22050 EN

(2009)

Quelques revues dédiées

Culture et Recherche – Revue du Ministère de la Culture :

www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Recherche-Enseignement-

superieur-Technologies/La-recherche/La-revue-Culture-et-Recherche

Techné – Revue du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France :

http://c2rmf.fr/diffuser/publications-et-ressources/techne

Monumental – Revue du Centre des Monuments Nationaux : http://editions.monuments-

nationaux.fr/fr/le-catalogue/bdd/collection/18

Patrimoines – Revue de l’Institut National du Patrimoine : www.inp.fr/Recherche-colloques-et-

editions/Editions/Patrimoines-la-revue-de-l-Inp

Conservation et Restauration des Biens Culturels – Revue de l’ARAAFU (Association des

Restaurateurs d'Art et d'Archéologie de Formation Universitaire) :

http://araafu.free.fr/publications4.htm#CRBC_revue

L’Archéologie industrielle en France – Revue du CILAC (Comité d’information et de liaison

pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel) : www.cilac.com/nos-

publications/notre-revue-archeologie-industrielle-en-france-aif.html

La Lettre de l’OCIM (Office de Coopération et d’Information Muséographiques) :

http://ocim.revues.org

Journal of Cultural Heritage : www.journals.elsevier.com/journal-of-cultural-heritage

Studies in Conservation – Revue de l’International Institute for Conservation of Artistic et

Historic Works :

https://www.iiconservation.org/archive/www.iiconservation.org/publications/sic/sic.html

Restauro – Zeitschrift für Kunst : www.restauro.de

Quelques sites web pour aller plus loin

ICOM-CC (International Council of Museums – Conservation Committee) :

http://www.icom-cc.org

Heilbrunn Timeline of Art History (Metropolitan Museum New York) :

www.metmuseum.org/toah