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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 310 Octobre 2015 – 6 – ISSN 945863 L’agriculture face au défi du réchauffement climatique Porc Fausses solutions et vrais espoirs Dossier

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Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 310 Octobre 2015 – 6 € – ISSN 945863

L’agricultureface au défi duréchauffementclimatique

Porc Fausses solutions et vrais espoirs

Dossier

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2 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceuxde la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable

est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

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Vie syndicale

1 000 vaches Des peines allégées, un combat qui continue

Actualité

Pac Les élevages sur les territoires difficiles ne doivent pas

être sanctionnés !

Pac Une petite ferme mise en péril par la nouvelle Pac

Porc Une crise en continu depuis 20 ans

Lait Un jeune éleveur face à la crise

Crise porcine Fausses solutions et vrais espoirs

Dossier +

La pêche et le changement climatique

Internationales

Portugal « Quelque chose, c’est mieux que rien du tout »

Agriculture paysanne

Haute-Vienne Changer de système d’élevage pour résister

à la crise

Puy-de-Dôme Côte à côte : deux fermes et une boutique

Humeur

Thierry Salomon Con-gestion

Abonnement

Lire, lier, relier : (s’)abonner !

Annonces

Culture

Gérard Le Puill, pape François Le climat, de Marx au Vatican

Paul Masson Chemins et mémoires

Action

Crise de l’élevage Un mois de mobilisations intenses

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SommaireDossierL’agriculture face au défi du réchauffement climatique

La Confédération paysanne de l’Ariège accueillera à Ax-les-Thermes, les 5 et 6 novembre 2015, les journées del’agriculture paysanne de montagne, sous forme d’uncolloque européen (cf. dossier du CS n° 309).Ces journées permettront de créer un espace de ren-contre autour de l’agriculture de montagne afin de rendreles enjeux plus visibles – surtout ceux de l’installation –et de faire émerger des propositions concrètes. Plénières,ateliers, partage d’expériences en présence du grandpublic, visites de fermes, dîner paysan et soirée festiverythmeront l’événement.Renseignements et inscriptions au 05 61 02 14 31ou sur le site : ariege.confederationpaysanne.fr

Ce numéro de Campagnes solidaires estcofinancé par la Direction générale del’Agriculture et du Développement rural dela Commission européenne dans le cadredu programme « La Pac face aux nouveauxdéfis ». Le contenu de ce document est dela seule responsabilité de la Confédéra-tion paysanne et la Commission euro-péenne n’est nullement responsable del’usage qui en sera fait.Pas de bonne bouffe sans paysans !

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Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 3

Laurent Pinatel,paysan dans la Loire,

porte-parole national

NNous sommes donc en crise, mais en crise pourquoi ? Par manque de revenu ? Oui, c’est sûr,

mais ce n’est pas forcément nouveau. En crise de surproduction ? Oui, aussi, et l’un et l’autre

sont liés, mais ce n’est pas non plus un scoop. On a surtout l’impression que dans notre

profession, c’est en permanence la crise : un coup les légumes, un coup les fruits, puis le porc,

la viande bovine, ovine, le lait…

Il faut résoudre ces crises dans l’urgence, pour que leurs victimes soient le moins nombreuses

possible, mais il faut aussi voir au-delà. On pourrait, par exemple, parler de l’accaparement

de l’agriculture par la finance, les semenciers, l’agro-industrie… On pourrait parler d’un métier

qui a perdu son sens, de paysan.ne.s qui ont perdu leurs repères… On pourrait parler

d’une machine qui s’est emballée au point de broyer celles et ceux-là même qui se sont

sacrifié.e.s pour leur passion de l’agriculture, avec les contraintes que ça implique, pour les joies

et les bonheurs aussi d’être simplement paysan.ne.

Nous sommes dans la crise d’un mode de développement, celle d’un système agricole.

La preuve ? Toutes les agricultures ne sont pas en crise. L’agriculture de qualité (bio,

AOP/AOC…), qui n’est pas uniquement « de niche », résiste mieux. C’est un fait indéniable.

Pourtant, pour sauver l’agriculture, on nous propose de financer encore plus d’industrialisation,

plus de dépendance aux firmes, encore moins de liberté pour les paysan.ne.s, moins de plaisir

à bosser, toujours plus d’endettement qui nous ronge, qui nous bouffe au point que certain.ne.s

d’entre nous ne voient plus de solution…

Soyons sérieux ! Des gamins joueraient à ce jeu-là, on en sourirait en se disant qu’ils n’ont pas

encore tout appris du monde qui les entoure. Mais là, ce sont nos gouvernant.e.s, les plus hautes

instances de notre pays et de l’Europe qui continuent de financer une agriculture du passé,

celle qui ne marche pas depuis des décennies, qui brise des vies paysannes, produit des aliments

de qualité de plus en plus faible, risque d’affecter durablement nos sols, notre environnement,

le climat aussi dont il est beaucoup question dans ce numéro…

Nous sommes à un tournant : la face de l’agriculture peut changer. Si pour une fois on irriguait

l’agriculture qui rémunère, qui vit en symbiose avec les paysages, avec les gens aussi, plutôt que

de foncer tête baissée dans cette p*** d’agriculture qui nous bouffe et nous détruit !

Cette crise, vivons la comme une chance, une opportunité pour enfin peser et changer

de direction ! Ensemble, paysan.ne.s piégé.e.s par des politiques publiques folles, citoyen.ne.s

de tous les territoires, pesons de tout notre immense poids pour réorienter les soutiens publics

vers une autre agriculture, qui crée de l’emploi, de la valeur ajoutée, qui respecte

notre environnement, qui redonne vie aux villages et aux campagnes !

On pourrait même l’appeler « agriculture paysanne », cette agriculture-là… C’est joli non,

agriculture paysanne ?

On l’ouvreSoyons sérieux : changeons de direction !

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanneAbonnements : [email protected] de la publication :Laurent PinatelDirecteur de la rédaction :Christian BoisgontierRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction : Benoît DucasseMaquette : Pierre RauzyDessins : SamsonDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinComité de publication :Jo Bourgeais, Michel Curade, VéroniqueDaniel, Temanuata Girard, Florine Hamelin,Sylvain Malgrange, Jean-Claude Moreau,Josie Riffaud, Geneviève Savigny,Véronique LéonImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1116 G 88580N° 310 Octobre 2015Dépôt légal : à parutionBouclage : 29 septembre 2015

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Peines allégées en appel pourles 9 militant.e.s de la Confédérationpaysanne poursuivis pour avoirparticipé à des manifestations contrela ferme-usine des 1 000 vachesà Drucat (Somme), en 2013 et 2014.Mais pendant ce temps-là, mêmedans l’illégalité, l’usine continuede fonctionner.

Le 16 septembre, c’est en pleine crisede l’élevage que la cour d’appeld’Amiens a rendu son jugement suite

au procès, le 17 juin, de neufs militant.e.sde la Confédération paysanne poursuivi.e.spour avoir participé à desactions contre la ferme-usine des 1 000 vaches, àDrucat (Somme).

Nous sommes loin duprocès en première ins-tance du 28 octobre 2014,de son jugement bâclédeux heures après la fin del’audience et de ses lourdessanctions : jusqu’à 5 moisde prison avec sursis pourLaurent Pinatel, le porte-parole du syndicat. Lacour d’appel allège sensi-blement les peines : ellene parle plus de prison etporte les sanctions les plussévères à 5 000 eurosd’amendes avec sursis.

Si elle ne va pas jusqu’àla relaxe demandée par lesavocats de la défense, lacour se montre on ne peutplus explicite dans l’arrêtargumentant son juge-ment : « La cour entendbien, à l’examen des piècescommuniquées, ainsi que destémoignages reçus, que lesprévenus ont collectivementagi comme lanceurs d’alerte en présence d’unphénomène qui ne peut qu’interroger au regardde ses conséquences sur le plan environne-mental, social ou encore sociétal. À défautd’être légitime et indépendamment du préju-dice bien réel subi par les victimes, cette actionrevêt un caractère symbolique à laquelle la jus-tice ne peut répondre que par une peine sym-bolique… »

La portée de ce jugement est donc forte,en faveur des opposant.e.s à la ferme-usine.Reste que le promoteur de celle-ci, MichelRamery, réclame toujours plus de250 000 euros au titre des préjudices qu’ilaurait subi lors de ces deux actions menéessur le site en septembre 2013 (tagage duchantier) et mai 2014 (démontage sym-bolique d’une partie du chantier de la sallede traite). La cour d’appel a nommé unexpert pour une évaluation indépendante.Les prévenus pourront eux aussi désignerun contre-expert. Aujourd’hui, aucun calen-drier de travail n’est défini, aucune dateannoncée pour la tenue du procès au civil.

Pendant ce temps, à la ferme-usine, oncontinue de traire 800 vaches quand bienmême officiellement on a droit à ce jour d’enélever que 500. La préfecture de la Sommea publié le 28 août un arrêté condamnantl’exploitant à 7800 euros d’amende à réglerimmédiatement, augmentée de 780 eurospar jour de retard. Malgré la faiblesse dumontant de l’amende, Michel Ramery a fait

appel auprès du tribunal administratifd’Amiens. Jugeant en référé, celui-ci devraitdans les semaines à venir prendre une déci-sion d’autant plus importante pour l’ave-nir du site que la préfète de la Somme aannoncé le 2 septembre que le dossierdéposé en début d’année par le promoteurdu projet pour faire passer son exploitationlaitière de 500 à 880 vaches sera soumis àenquête publique d’ici la fin d’année. Toutcomme le ministre Stéphane Le Foll, lapréfète s’était pourtant engagée avant l’été,auprès de la Confédération paysanne et del’association locale d’opposant.e.s Novissen,à ce que cette enquête publique ne soit pas

ouverte tant que l’usineconcentrait plus que les500 vaches autoriséesjusque-là.

Les pressions sur lesprincipaux rouages de l’É-tat sont donc fortes, de lapart de Michel Ramery etde ses partenaires, pourfaire aboutir au plus vitela réalisation de la ferme-usine à 1 000 vaches. Leméthaniseur, une des clésde voûte économique dusystème, est en cours deconstruction. Sa puissanceayant été réduite par arrêtépréfectoral de 1,4 à0,6 mégawatt, il ne pourrapas recevoir tous lesdéchets verts prévus audépart en provenance descollectivités territorialeslocales. Mais il pourra bientraiter les déjections de1 000 vaches puisque les3000 hectares nécessairesà l’épandage du digestat(résidu de la méthanisa-tion) sont, selon MichelRamery, bel et bien dis-

ponibles pour cela.Comme le rappelle la Confédération pay-

sanne dans son communiqué du 16 sep-tembre à l’annonce du jugement de la courd’appel : contrairement à ses militant.e.s, « lesfermes-usines sont loin d’être condamnées, alorsqu’elles sont le fer de lance d’une dérive qui aconduit à la crise actuelle de l’élevage ». n

Benoît Ducasse

1 000 vaches Des peines allégées, un combat qui continue

Vie syndicale

4 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Novissen, l’association de défense contre la ferme-usine des 1 000 vaches publie ce mois-ci144 pages de textes, articles, témoignages, illustrations, dessins… Un document incontournablequi retrace l’histoire de la lutte depuis 4 ans et qui ouvre des perspectives pour une transition agri-cole nécessaire ! Pour se le procurer : www.novissen.com/Pages/LivreNovissen.aspx

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FCO : La liberté vaccinale s’imposeSuite à l’annonce début septembre d’un premier foyer de fièvrecatarrhale ovine dans l’Allier, le ministère de l’Agriculture a éta-bli une procédure d’urgence en ciblant la vaccination des animauxdestinés à l’export, ce qui pourrait permettre de conserver unerelative fluidité du marché. La Confédération paysanne sera cepen-dant extrêmement vigilante aux décisions qui seront prises à pluslong terme.Lors de la dernière crise FCO, la réglementation et la vaccinationont causé autant ou plus de dégâts qu’elles n’ont apporté desolutions. L’obligation vaccinale serait donc une fausse piste etles éleveurs et éleveuses sur le terrain ne comprendraient pas quecette stratégie soit adoptée.Il serait vain de mobiliser autant de moyens sur une maladie vec-torielle et non contagieuse, sans conséquences sur la santéhumaine. Cette stratégie est avant tout commerciale, utiliséecomme outil protectionniste. La lutte contre la maladie est dèslors motivée par la recherche à tout prix d’un retour au statut depays indemne. Pour la Confédération paysanne, le déclassementde la maladie et une gestion coordonnée de la politique sanitaires’imposent donc au niveau européen.

(communiqué du 17/9)

Nouveau plan pour l’élevage :trois milliards sans véritablessolutionsDe nouvelles mesures ont été annoncées le 3 septembre parManuel Valls, sur commande de Xavier Beulin, patron de multi-nationale agroalimentaire. Les milliers de paysan.ne.s venus mani-fester à Paris ce jour-là n’ont d’ailleurs pas été dupes de ce tourde passe-passe qui ne sauvera que ce système qui les broie, paseux. Décryptage :• La « modernisation », sorte d’incantation permanente décon-nectée des réalités, représente un tiers de ce plan : investir à toutprix, quels que soient les risques de surendettement et les consé-quences sur l’emploi agricole et agroalimentaire.• On notera que cette partie du plan a été confiée à Pierre Prin-guet, membre du conseil d’administration du groupe Avril (ex-Sofi-protéol), et ancien président du comité Sully (cercle de promo-tion de l’industrie agroalimentaire) dont il a transmis les manettesà Xavier Beulin en janvier.• L’appel à des « prix rémunérateurs » n’est encore qu’une accu-mulation de vœux pieux sans mesure concrète qui permette réel-lement de faire remonter les prix.• Allégements et baisses de charges ne sont que des mesures d’ur-gence dont il faut espérer qu’elles ne remettent pas en cause lesmécanismes essentiels de solidarité sociale.• Les mesures de désendettement sont utiles pour les trésoreriesmais ne résolvent rien tant que le système et les pouvoirs publicsencouragent encore à l’investissement comme c’est le cas ici. Ilne s’agit que de désendetter pour réendetter !• Sans aller jusqu’au moratoire demandé, la simplification desnormes environnementales est tout de même à l’ordre du jour.Même si la réglementation n’est pas toujours bien faite, il ne fau-drait tout de même pas perdre de vue que la nature est le soclede travail des paysan.ne.s et doit être préservée pour les généra-tions à venir !Il n’y a donc rien ici pour redonner un avenir aux paysan.ne.s. (…)

(communiqué du 4/9)

Fêtesen fermes

Septembre 2015 : un mois de fêtes dansla région Centre, dans le cadre dela campagne « Envie de paysans ! »,à l’initiative de la Confédérationpaysanne et des Associationsdépartementales pour le développementde l’emploi agricole et rural (Adear).

Le 12, à Chaveignes (Indre-et-Loire), la fêtebattait son plein sur la ferme d’Adrien et Émi-lie Callu-Sélambin, deux jeunes récemmentinstallés qui ont présenté au public (photo)leur travail vers plus d’autonomie alimen-taire d’un troupeau de 200 brebis sur 30 hec-tares de prairies, et la valorisation de leurproduction par transformation en fromagesvendus en direct. « Par groupe, un large publica pu tout l’après-midi se familiariser avec ceque pourrait devenir l’agriculture de demain,en phase avec les préoccupations environ-nementales, les produits de qualité et la venteen circuits courts », comme le relatait LaNouvelle République dans son édition du13 septembre.Atelier de cuisine, théâtre participatif sur latransmission des fermes aux jeunes pay-sans, café-concert ont rythmé la fête.Le même jour, à Crozon-sur-Vauvre, la fermede Véronique et Guy Pénin accueillait la fêtepaysanne de l’Indre. Le couple élève desvaches limousines et des chevaux. Confé-rence sur les semences paysannes, marché,village associatif et concert ont animé lajournée et la soirée.Une semaine auparavant, c’est la fermed’Anne et François Saillard, à Montoire, quiaccueillait la fête paysanne du Loir-et-Cher.Avec un cheptel de 70 chèvres, les Saillardproduisent du fromage vendu localement, surla ferme, en amaps, épicerie, restauration…Les participants à la fête ont pu visiter aveceux une parcelle en agroforesterie, assister àla traite le soir, faire leur course au marché pay-san, écouter « la Libération contée » par Made-line Fouquet et la compagnie Bodobodo, etbien sûr profiter le soir du repas paysan !

NB : Les fêtes paysannes et autres manifestations passées

et à venir de la campagne Envie de paysans ! sont sur :

www.enviedepaysans.fr

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Le ruraleurVoyages, voyages…L’été fini, nous ne devrions êtrefasciné.e.s que par les corpsencore colorés à point par Phé-bus, insouciant.e.s que nousserions au devenir de ceux quin’en ont pas. Mais desennuyeux viennent troublernotre vision : ils et elles sedéversent sur les plages, cartespostales de notre Belle Bleue,leurs corps affamés de solida-rité.

D’aucun.e exhorte : il faut dres-ser encore et toujours des bar-rières, en Israël, aux États-Unis,au Maroc, en Hongrie, malgrél’enfant mort le visage contrecette terre qui ne voulait pasde lui, bouleversant lesconsciences jusqu’à celle dequelques politiques (mais pasvraiment celles de Valls ou Sar-kozy, pourtant enfants de réfu-giés). Des centaines d’autresenfants ont perdu la vie depuisdes mois dans une baignoirebien trop grande pour eux…

Ils et elles frappent à la portedepuis longtemps, mais cen’était pas la bonne. Regardezces migrants venus en trac-teurs-chars d’assaut sur la capi-tale : pour eux l’accueil futimmédiat ! Le GPS de leursengins les a conduits débutseptembre à l’Élysée et à Mati-gnon d’où ils sont repartis avecdes milliards sous le bras.

De leur côté, les vrai.e.smigrant.e.s, mal informé.e.s, seprécipitent à Calais. Mais lagare de la ville, comme celle deMenton, ne leur est pas acces-sible avec des billets de traind’origine syrienne. Mauvaischoix, mauvais camps. Car sinous ne pouvons pas accueillirtoute la misère du monde, nousacceptons tout le fric de la pla-nète pour acheter nos entre-prises, usines, monuments ouarmes. Ces affairistes ont moinsde grandeur morale quetou.te.s les réfugié.e.s. Le grandchef à la chevelure plate et auxidées volatiles a toutefoisouvert les bras pour accueillir24 000 de ces malheureuseset malheureux… en deux ans.

Faudra-t-il nous décider, lerouge de la honte au front, àfaire disparaître « fraternité »du fronton des emblèmesrépublicains? Mais des citoyenslèvent le doigt pour accueillirchez eux ce malheur envoyage: l’espoir n’est pas mort.

Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 5

Pas de bonne bouffe sans paysans !

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ÉcobrèvesLa FCO repart et s’étendApparue début septembre dansl’Allier, la fièvre catarrhale ovine(FCO) s’est révélée depuis dans lePuy-de-Dôme (5 cas au 21 sep-tembre) et dans la Creuse (un casle 25 septembre). En cette périodede vente des broutards (la mala-die frappe aussi les bovins), lesconséquences économiques sontconsidérables. Autour de chaquefoyer d’infestation, une zone d’in-terdiction de circulation des ani-maux est fixée à 20 km et unezone de protection à 100 km, avecrestriction des mouvements d’ani-maux. Ceux des zones concernéessont en quarantaine : environ30 000 au 24 septembre, selon ledirecteur de la Sepab (Société d’ex-ploitation du parc à bestiaux) quiestime le coût d’un animal en qua-rantaine à 2 à 3 euros par jour. Lavaccination préconisée par leministère de l’Agriculture n’y chan-gera rien puisque le délai d’actiondu vaccin est de 60 jours… Com-ment seront indemnisés les éle-veurs, par qui, à quelles condi-tions ?

Un seuil d’accèsaux mesures

Parmi les mesures de soutien àl’élevage en crise figure « l’annéeblanche » (report d’annuité d’unan). À l’évidence, les éleveurs vic-times de la FCO doivent pouvoiry prétendre. Or, indépendammentde l’épidémie, la Fnsea demandeque soit fixé à l’équivalent de10 UGB (unité gros bétail) le seuild’accès à ce dispositif. Et bien sûr,elle ne parle pas de plafond. Unbroutard compte pour 0,4 UGB : ilen faut donc 25 pour atteindre leplancher. Demandera-t-elle lamême règle pour les mesures spé-cifiques qui pourraient être prisespour rétention de broutards (miseen quarantaine) ?

Sénat : appel au respectdu pluralisme

Suite à l’audition le 22 septembrede Xavier Beulin et Thomas Diemer,présidents de la Fnsea et des JA, parla commission économique duSénat, Joël Labbé et Michel LeScouanec, sénateurs du Morbihan,interpellent Jean-Claude Lenoir,président de la commission : « Lavision du monde agricole n’est pasuniforme, la Fnsea bien que majo-ritaire ne peut être considéréecomme détentrice de la parole agri-cole française », écrivent-ils. Ilsdemandent ainsi l’audition dessyndicats minoritaires (CP, CR,Modef) avant le débat en séanceplénière du 6 octobre sur l’avenirde l’agriculture et l’audition de PhilHogan, commissaire européen àl’Agriculture, le 8 octobre. Merci àces ambassadeurs du pluralisme !

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Actualité

PacLes élevages sur les territoires difficilesne doivent pas être sanctionnés !

6 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

À compter de ce mois,les paysan.ne.s –

essentiellement des zones demontagnes – pourraient être

« visité.e.s » par des agent.e.sde l’État chargé.e.s

de contrôler les surfacesdéclarées éligibles aux aides

de la nouvelle Pac. Avecdes risques de sanctions en casd’erreurs dans les déclarations.

Àpartir de cette année, lasurface admissible auxaides de la nouvelle Pac

(2015-2020) pour les prairies etpâturages permanents (incluantles landes, parcours, bois pâtu-rés, alpages, etc.) est calculée selonla méthode dite du prorata. Cetteméthode consiste à estimer la sur-face admissible d’une parcelle endéduisant la part d’éléments nonadmissibles (rocher, végétationnon comestible, etc.).

Les paysan.ne.s doivent estimerelles et eux-mêmes les surfacesainsi éligibles aux aides, à partirde photos aériennes fournies parl’administration.

À compter de ce mois d’octobre,les éleveurs et éleveuses sur dessurfaces « peu productives » serontcontrôlé.e.s par une « visite » del’Agence de services et de paie-ment (ASP), l’établissement publicfrançais payeur de la quasi-tota-lité des aides Pac. Les fermes visi-tées en priorité seront celles pourlesquelles l’administration trouveque les surfaces déclarées éligiblesne correspondent pas aux photosaériennes. Si l’écart de surfaceconstaté lors du contrôle dépasse3 %, une pénalité sera appliquée,jusqu’à un retrait complet desaides Pac.

Les petites fermes seront les pre-mières touchées. Comme si la crisede l’élevage, la sécheresse et lacomplexité des déclarations Pac nesuffisaient pas, des paysan.ne.s debonne foi vont être pénalisé.e.s.

Ces sanctions seraient vécuescomme une double peine après laperte de surface liée à la mise enplace du prorata.

Entre les informations tardives etles règles du jeu changeant sanscesse, la déclaration Pac 2015 a étéparticulièrement complexe pourles paysan.ne.s. Ils et elles ontpassé beaucoup de temps, avecpeu de soutien, à estimer leur pro-rata à l’aide du guide fourni trèstardivement par l’administration.Cette dernière leur a conseillé d’es-timer elles et eux-mêmes leur pro-rata, sans connaître celui qui seraestimé par ses services, leur assu-rant que les surfaces éligibles pour-raient être modifiées par la suite.

Les règles ont finalement changé.Les paysan.ne.s ne pourront pasmodifier leur déclaration sur basede l’estimation de l’administrationet ils et elles se verront « visité.e.s »dès octobre. L’évaluation du pro-rata étant sujette à discussion, unéchange entre déclarant.e et

agent.e.s de l’État pour se mettred’accord sur les surfaces déclaréesaurait été la moindre des choses.Des technicien.ne.s mobilisé.e.spour ces visites auraient pu pas-ser en amont des déclarations pourfournir une aide à la décision. Lespaysan.ne.s le demandaient.

Les territoires discriminés cumu-lent les handicaps : fortes pentes,embroussaillement et conditionsclimatiques difficiles. Cette poli-tique va faire disparaître les der-nier.e.s paysan.ne.s de ces espaceset ainsi créer toujours plus de dis-parités et de déserts ruraux.

La Confédération paysannedénonce cette politique de sanc-tion: « Comme nous l’avons demandéà maintes reprises, le ministre del’Agriculture doit décider que ces visitesrapides ne donneront pas lieu à péna-lités ! Sans prise en compte du désar-roi des éleveurs, des actions syndi-cales sont à prévoir. » n

Source : communiqué de presse

de la Confédération paysanne du 17/9

Depuis cette année, les règles d’admissibilité des surfaces en prairie permanentes s’ap-puient sur une approche par prorata, à partir de la photographie aérienne des par-celles agricoles de l’exploitation. Pour les surfaces pastorales, c’est-à-dire les boispâturés et les surfaces pour lesquelles la ressource fourragère peut provenir d’élémentsligneux (cas notamment des landes et parcours), un référentiel national, s’appuyantégalement sur des photographies représentatives des situations existantes sur le ter-ritoire national, a été élaboré. La démarche ne simplifie pas, il s’en faut, la déclarationpar les paysan.ne.s des surfaces éligibles aux aides.

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ÉcobrèvesLait : l’exemple

en Nouvelle-Zélande ?La « coopérative » laitière néozé-landaise Fonterra, véritable multi-nationale, annonce des bénéficesqui s’envolent: 285 millions d’eurospour l’exercice clos au 1er juillet2015, soit une augmentation de185%! Mais pour atteindre ce score,les 13000 adhérent.e.s ne touchentque 22 centimes par litre de lait, etla coop qui emploie 16000 sala-rié.e.s à travers le monde licencie àtout va : suppression de 525 postesen juillet, de 227 en septembre. Etce ne sont pas les derniers, annoncecrânement le PDG. Sans parler desproducteurs qui vont disparaître.Est-ce la méthode envisagée parBeulin pour « être concurrentiel surle marché international », comme ildit?

Bio : du porcà 3,40 euros le kilo

Alors que les transformateurs ergo-tent sur quelques centimes, refusantd’honorer l’engagement pris cet étépour payer la viande de porc indus-triel à 1,40€ le kilo, Coop de France(si, si) présentait une expérience decontrat fort intéressante au SalonTech et Bio à Bourg-lès-Valence(Drôme, 23 au 24 septembre). Leprix de base est de 3,40 €/kg pourun aliment à 500€ la tonne. Si l’ali-ment varie de 10€, le prix de repriseévolue de 0,03 €/kg. Depuis 2012,il y a un partenariat entre Sys-tème U, Erca Bio et l’association« Les porcs bio de France ». Dansles contrats, les volumes sont ins-crits, mais aussi l’engagement queles producteurs fassent des ani-mations en magasin. En outre, ils etelles gèrent les commandes heb-domadaires. Le prix d’achat vautbien quelques contraintes et, si lescontrats sont respectés à ce niveau,la formule évite les astreintes de lavente directe.

La terre, c’est notresupermarché !

« Je voyais les agriculteurs qui mani-festaient à Bruxelles. Ils manifes-taient contre les supermarchés. Nous,si on veut manifester parce que laforêt et la terre sont détruites, onmanifeste contre qui ? », a interrogéHindou Oumarou Ibrahim, coordi-natrice de l’Association des femmespeules autochtones du Tchad, lorsd’une conférence sur le changementclimatique à Paris, le 8 septembre.« Nous n’allons pas au bureau pouravoir un salaire et n’allons pas ausupermarché pour avoir à manger. Oncultive la terre, c’est notre super-marché et ce qui va nous donner notresalaire. (…) Ce que j’attends de Paris?Un accord équitable et contraignant,pas un accord politique », a-t-ellesoutenu. Un appel poignant contrela déforestation orchestrée par lesmultinationales.

Actualité

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 7

Laetitia Izard est jeune pay-sanne en zone de montagne,dans le nord des Alpes-de-

Haute-Provence. Son mari s’estd’abord installé seul en 2009; ellel’a rejoint deux ans plus tard sur laferme.

« Nous élevons un petit troupeau devaches allaitantes – sept mères et untaureau – et 200 poules pondeuses,pré-cise-t-elle. En complément, nous avonsrécupéré un vieux verger de pommiers;avec ces arbres et les fruitiers de plein-vent poussant dans les pâtures, nousproduisons du jus de fruit.

Notre exploitation couvre une cin-quantaine d’hectares, en locationpour la plus grande partie ;nous ne sommes proprié-taires que de 5 000 m2.

Jusqu’à l’an dernier,avec l’ancienne Pac, jedéclarais 50 hectaresprimables. Nous tou-chions 1 344 euros deprime au maintien dutroupeau de vaches allai-tantes (PMTVA) et13 144 euros d’indemnitécompensatoire de handicapnaturel (ICHN), en complémentde nos DPU (droits à paiementunique), 2682 euros en 2014. »

Avec la mise en œuvre de la nou-velle Pac, les surfaces primablesfondent : « Je me suis bien embêtéeau printemps, à partir de la photosatellite fournie par l’administra-tion, à calculer les surfaces donnantdroits aux aides, en essayant d’en-lever tout ce qui n’était pas admis-sible, notamment ce qui est considérécomme végétation non comestible.Nous avons beaucoup de landes, cou-vertes de genêts et d’autres arbustes,et une parcelle de sous-bois pentueoù nos vaches ne vont plus pâturer :on passe de 50 à une vingtaine d’hec-tares ouvrant droit aux aides Pac. »

Calculées en fonction de ces sur-faces, l’ICHN va donc fortementbaisser, même si la prime de baseaugmente avec la nouvelle Pac :l’exploitation devrait perdre dansles 3 000 euros chaque année.

« Comme nous avons moins de dixvaches, plancher désormais adoptédans la Pac, nous ne recevrons plusde PMTVA, complète Laetitia. On abien réfléchi à passer à dix vaches,mais nous n’avons pas la surface pourcela, et sachant que nous ne sommespas complètement autonomes pour

l’alimentation de nos bêtes – encoremoins en cette année de sécheresse –nous aurions dû augmenter les achatsde foin. C’est impossible au vu de noscharges fixes, dont un loyer de fermageassez élevé (1). »

Quant aux DPU devenus DPB (2),leurs taux unitaires devraient aug-menter. En 2015, la ferme perce-vrait alors à ce niveau environ3 000 euros, 300 euros de plusqu’en 2014. Avec la progression deces aides d’ici 2019, dans le cadredu mécanisme dit de convergencedes aides, la ferme percevrait prèsde 5000 euros en 2019.

Pour Caroline Collin, animatricenationale de la Confédération pay-sanne en charge de la Pac : « Leproblème, c’est que la ferme est petite.Elle est pénalisée par la baisse del’ICHN. Elle n’a pas comme d’autresexploitations de montagne de grandessurfaces de parcours extensifs. Lefait de ne pouvoir déclarer qu’unevingtaine d’hectares éligibles la han-dicape fortement. D’après nos cal-culs, avec la nouvelle Pac, elle devraitperdre tout compris environ4 000 euros d’aides publiques en2015, et même avec le mécanismede convergence, elle perdrait encore

près de 2000 euros en 2019 parrapport à 2014. »

« C’est un mauvais coup,confie Laetitia. Je réfléchisà reprendre un boulot àl’extérieur. Le gaecserait alors dissous, çaréduirait les charges.On réfléchit aussi avecd’autres éleveurs de

volailles bio du coin àfaire ensemble notre ali-

ment fermier(3), afin de dimi-nuer l’achat d’aliment bio,

actuellement très cher. Mais onn’est pas sûr du tout que ça suffise. Çafait deux ans que nous demandons àla banque des avances de trésorerieavant la perception des aides Pac. Onn’a pas beaucoup de remboursementd’emprunt, mais si nos aides baissentcomme ça, on ne passera pas.4000 euros pour une petite ferme, cen’est pas rien. Et pour faire bonnemesure, on va être contrôlés par l’ad-ministration et si je me suis trompéedans ma déclaration, on devra payerune amende… » n

Benoît Ducasse

(1) 3 258 euros par an.(2) Droits de paiement de base.(3) Avec l’aide des vétérinaires du GIE ZoneVerte.

Une petite ferme mise en péril par la nouvelle PacLaetitia Izard est paysanne dans les Alpes-de-Haute-Provence, en Gaec avec son mari. Sa petiteferme de montagne pourrait perdre le quart de ces aides Pac en 2015, avec l’application desnouvelles règles de calcul des surfaces éligibles et le plancher du nombre d’animaux pour la PMTVA.

La ferme de Laetitia Izard et Henry

Gobaille à Clamensane (Alpes-de-Haute-Provence)

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Écobrèves

Le maïs OGM contestéau Mexique

Au Mexique, ce ne sont pas despaysan.ne.s, forcément rétrogrades(!), ou des écolos qui montent aucréneau contre les OGM, mais lescuisiniers… Une centaine a écrit auPrésident de la République pourdénoncer la décision d’un juge d’au-toriser à nouveau la culture de maïstransgénique, interdite depuis deuxans. « La culture de ces produitsporte atteinte à la diversité de nosmaïs natifs et met en danger leurexistence. Ils peuvent (aussi) repré-senter un danger pour la santé »,écrivent ces chefs, réunis dans leCollectif mexicain de cuisine. Lemaïs est essentiel dans l’alimenta-tion mexicaine et la diversité deses plants non-OGM, mais aussisans hybrides, est exceptionnelle.

Monsanto condamnéPaul François, céréalier charentais,était convoqué le 28 mai en appelpar Monsanto qui contestait lejugement en première instance defévrier 2012 le condamnant pourintoxication par inhalation duLasso, un désherbant retiré de lavente en France en 2007 (maisinterdit au Canada depuis 1985).Le 10 septembre, la cour d’appelde Lyon a confirmé le premier juge-ment. La victime devra être « entiè-rement » indemnisée par la firme.Paul François, intoxiqué en 2004,a subi 5 mois d’hospitalisation et9 mois d’absence de l’exploitation.Monsanto a annoncé qu’il va sepourvoir en cassation. Faut direque ce jugement peut faire écolepour les conséquences de l’utili-sation de toute la panoplie de pro-duits de la multinationale…

Le glyphosate sera-t-il interdit ?

L’Organisation mondiale de lasanté (OMS) classe le glyphosate(Roundup) « cancérigène chezl’homme ». Les autorités sanitairesde tous bords réclament son inter-diction. Mais l’Efsa, l’Autorité euro-péenne de sécurité des aliments,tergiverse. Elle prend prétexte denouveaux examens qu’exige l’ana-lyse du rapport de l’OMS, connudepuis mars, pour prolonger de sixmois l’autorisation de mise en mar-ché du glyphosate, normalementéchue le 31 décembre 2015. C’estdonc une saison de gagnée pour lesfabricants, Monsanto and co, quelque soit le verdict final qui ne s’an-nonce guère favorable pour lasanté, compte tenu des doublescasquettes des experts chargés desexamens. Les cancers pourrontcontinuer leurs ravages. Les donspour lutter contre seront toujoursles bienvenus…

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Actualité

8 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Porc Une crise en continu depuis 20 ansJean-Yves Dugué, éleveur porcin en Loire-Atlantique, analyse la phase actuelle d’une crise de filièrequi dure depuis 20 ans.

C’est quoi, cette nouvelle crisedu porc ?

Ce n’est pas une nouvelle crisedu porc, c’est la même crisedepuis 20 ans. Jusqu’au milieudes années quatre-vingt-dix, ona connu les crises cycliques avecun prix en dents de scie. Quandle prix était au plus haut, les grosproducteurs s’en sortaient bien,amassaient un bon matelas finan-cier qu’ils réinvestissaient dansl’immobilier. Quand les prix chu-taient, ou si la crise durait troplongtemps, ils pouvaient tou-jours revendre un appartementou une maison. Cela pouvaitaussi leur servir à racheter l’ou-til de travail de producteurs plusfragiles… Mais aujourd’hui, cen’est plus de même nature : c’estune crise qui dure et tout lemonde est touché.

Ça se traduit comment ?C’est un système en bout de

course. Plus de la moitié des pro-ducteurs de porcs ont plus de50 ans. Il n’y a plus d’installationsauf quelques transmissions ouGAEC familiaux. Un autre indicec’est le vieillissement des bâtiments:en 1990, ils avaient en moyenne 5ou 6 ans d’âge, aujourd’hui onarrive à 18-20 ans ; même les libé-raux bretons ont des difficultés àrenouveler leurs bâtiments.

Bigard et la Cooperl boycottentle marché au cadran. Quellestratégie se cache là dessous ?

C’est une nouvelle restructura-tion des groupements et des ache-teurs. Il y a trop d’abattoirs enBretagne par rapport à ce que l’onproduit. Il y a donc forcément desguerres d’influence ; la Cooperl etBigard n’acceptent pas le prix poli-tique de 1,40 euro. La Cooperl abesoin du marché au cadran carla production de ses éleveurs nelui suffit pas, il lui en manque10 % qu’elle trouve au cadran.Bigard, ce qui l’intéresse c’est leprix le plus bas possible. (…)

Il y a surproduction ?En France, on a toujours produit

des porcs un peu lourds. En marsdernier, les abatteurs et les « repré-sentants de la profession » (1) déci-dent de modifier la grille de pesée-classement, soi-disant pour gagneren compétitivité Pour ne pas êtredéclassés, les porcs devaient fairemoins de 102 kg; maintenant c’estmoins de 105. Résultat : descochons plus lourds et 3 % de pro-duction en plus. Comme en 2014on a perdu des parts de marché àl’export, aujourd’hui les frigos sontpleins partout.

Qu’est-ce qui va se passer ?Deux tendances se dessinent :

des ateliers de taille moyenne acco-lés à des circuits courts valorisantbien la production – c’est le cas dela filière bio qui pour le momentn’est pas affectée par la crise –, etle reste de la production qui vaénormément s’industrialiser.

Le géant américain Smithfield a faitson apparition en Europe. C’est leplus gros transformateur de porcsau monde Il a déjà absorbé plu-sieurs salaisonniers bretons: JustinBridou, Jambon d’Aoste… Lui, ilmaîtrise toute la chaîne, de la pro-duction à la transformation, en sous-payant ceux qui travaillent pour lui.Le prix, ce n’est pas son problème.

Quelles conséquences sur tasituation personnelle ?

J’ai 53 hectares et jusqu’en 2010j’étais naisseur-engraisseur, avec

80 truies et 516 places d’engrais-sement. En 2010, j’arrête l’en-graissement et je commence à tra-vailler avec la perspective devaloriser 20 à 25 porcs par mois.Ça n’a pas bien fonctionné… Enoctobre, j’arrête définitivementl’engraissement. J’ai 60 ans. Pen-dant les deux années qu’il mereste à faire, je vais faire des cul-tures de vente sur les 53 hectares.Je vais arriver à la retraite sanscapital à valoriser, même pas dumatériel car je travaille beaucoupen cuma. Pour que mon systèmefonctionne, il aurait fallu que lescéréales produites pour l’en-graissement des porcs ne subis-sent aucun aléa climatique et queje valorise une partie de ma pro-duction dans un circuit court. Enporcs, il faut un lien au sol trèsperformant pour mieux affronterl’incertitude du marché. EnEurope, devant l’inconscience denos gouvernants qui naviguent àvue en se pliant aux règles dumarché mondial, quelles pers-pectives d’installation en porcs, etplus largement dans les autresproductions animales, face à unbusiness ultralibéral ? n

Propos recueillis

par Marie-Paule Méchineau,

pour Le Paysan Nantais, mensuel

d’informations agricoles

de la Confédération paysanne

de Loire-Atlantique

(1) Le Comité régional porcin et la Fédérationnationale porcine (FNP, section spécialisée dela Fnsea)

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Nallet

(refuse d’être) épinglé

Ancien ministre de l’Agriculture,

puis de la Justice sous François

Mitterrand, Henri Nallet est

aujourd’hui président du Haut

conseil de la coopération agri-

cole. Le 14 juillet 2015, il a été

promu commandeur de la Légion

d’honneur. Cette promotion a

fait bondir la docteure Irène Fra-

chon, à l’origine des révélations

sur le Médiator des laboratoires

Servier, qui aurait provoqué des

centaines de morts et fait l’ob-

jet de 2 700 plaintes actuelle-

ment en procédure. Or Henri Nal-

let a été le « conseiller » de

Servier de 1997 à 2013 (la

dénonciation du Médiator date

de 2010), fonction pour laquelle

il aurait touché plus de 2,7 mil-

lions d’euros… pour l’ouverture

de son carnet d’adresses. Irène

Frachon demande à François Hol-

lande « de ne pas permettre une

telle promotion ». D’où le rétro-

pédalage de la Chancellerie qui

« diffère la réception d’Henri Nal-

let afin que les qualifications du

bénéficiaire soient vérifiées ». Fai-

sant part de son courroux et de

son dédain, Nallet « décline toute

réception à venir au grade qui

m’avait été conféré ». Il ne sera

donc pas épinglé… sauf peut-être

dans le procès sur le Médiator !

Un partenariat

empoisonné

Selon le Canard enchaîné (édi-

tion du 2 septembre), citant le

rapport d’un observatoire des lob-

bies (Corporate Europe Observa-

tory), les entreprises phytophar-

maceutiques disposent d’un

budget de 46 millions d’euros et

de 176 lobbyistes à temps plein

à Bruxelles pour plaider leur cause

dans les couloirs de la Commis-

sion et du Parlement européens.

Parmi les financeurs, Bayer et

Novartis sont aussi producteurs

de pesticides (Monsanto possède

son propre réseau). Ce lobby est

devenu, selon l’observatoire, un

véritable « partenaire » de la

Commission et l’Efsa, l’Autorité

européenne de sécurité des ali-

ments, est clairement sous l’in-

fluence de ce « partenaire ». Ce

qui n’est pas rassurant pour les

paysan.ne.s, ni pour les consom-

mateurs et consommatrices.

Jo Bourgeais

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 9

Actualité

Guillaume, tu as 30 ans, et tu esinstallé depuis 3 ans. Commentas-tu pris la décision dereprendre la ferme familiale?

Mon père arrivait à l’âge de laretraite. Comme mon petit frèrea l’intention de s’installer plustard, j’ai pris la décision de me lan-cer seul, en attendant son arrivée.Du coup, la ferme est quelquepeu surdimensionnée : 70 hec-tares, 50 vaches laitières et50 génisses, 20 hectares decéréales (je suis autonome, sauf entourteau de colza) et un bâtimenten construction, ce qui fait beau-coup pour un seul homme ! Maisje vais patienter. Je suis marié àMarie-Luce, nous avons une petitefille d’un an, et j’espère que je netravaillerai pas toute ma viecomme maintenant ! Pour Marie-Luce, c’est un peu lourd.

À vrai dire, j’ai un parcours unpeu long, qui me permet d’avoirdu recul : j’ai passé 7 ans au syn-dicat de contrôle laitier de l’Ain.Je suis éleveur dans l’âme. Monexpérience m’a permis de déter-miner quel système d’élevage jedevrais choisir. Alors, après avoirbien profité de ma liberté(voyages et expériences), je mesuis lancé.

Quel impact a la crise du laitsur la ferme ?

L’impact économique se chiffreà 20 000 euros de perte nette paran. Si on y ajoute la sécheresse,qui nous a obligés à acheter dufourrage et du maïs, c’esténorme !

On vend à Sodiaal, qui trans-forme en yaourt et lait UHT Can-dia, le circuit traditionnel. La ques-tion de la conversion en bio sepose. Il va falloir observer, se for-mer, prendre du temps. J’avoueque ça me fait un peu peur, sur-tout à cause du travail supplé-mentaire. En attendant, la criseremet en question l’installation demon frère. À 38 centimes du litrede lait, on peut vivre à deux surla ferme, mais avec 20 000 eurospar an de moins, ça coince. Alorspourquoi pas envisager de trans-former ?

Mais comment être encoremotivé quand on bosse 70 à80 heures par semaine et qu’onn’arrive pas à joindre les deuxbouts ? J’ai du mal à me projeter.Beaucoup d’éleveurs vont sedécourager.

C’est pour ça qu’on milite avecla Conf’ contre l’industrialisationde l’agriculture. On risque de cou-

ler pour 4 centimes d’euro enmoins au litre de lait. C’est de lafolie !

À ton installation, as-tu subides conseils ou pressions de lapart de la chambre ou desbanques pour « moderniser »ta ferme et t’endetter ?

Mon expérience m’a servi àsavoir où je voulais aller. Les jeunesqui s’installent en sortant juste del’école, sans un projet bien ficelé,se laissent plus facilement orien-ter : produire plus, investir, créerun atelier supplémentaire, sansen mesurer les conséquences.

Il faudrait rendre obligatoire uneexpérience avant de se lancer.Mais bien sûr, ce n’est pas d’ac-tualité, puisque le but est de fairegrimper les statistiques d’instal-lations alors qu’on manque decandidats au métier ! Et puis, ilfaudrait davantage insister surl’importance de maîtriser lescharges. Là, tout est basé sur ceque ça va rapporter. Les banquess’en tiennent aux préconisationsde la chambre d’agriculture, doncpas de pression particulière. Parcontre elles n’hésitent pas à prê-ter, quitte à charger les jeunes enannuités. Sur la durée, c’est lourd,surtout que d’autres investisse-ments imprévus arrivent, voiredes prêts de trésorerie, et les tauxd’endettement peuvent devenirinsoutenables. Dans le parcoursà l’installation, il n’y a pasd’échange entre les jeunes por-teurs de projets et des paysan.ne.sexpérimenté.e.s. Ce serait unefaçon de mettre les jeunes engarde. Pour ma part, je me suiscoupé des jeunes installés : autourde moi, ils sont tous dans lesconcours de labour ! Dommageque la Conf’ intervienne si peuauprès de ce public et laisse lesJA mener le jeu. Pourtant le vivierdes futur.e.s paysan.ne.s nousattend, avec notre modèle d’agri-culture paysanne. n

Propos recueillis par Véronique Léon,

paysanne en Ardèche

Lait Un jeune éleveur face à la crise Guillaume Padet est éleveur laitier à Civens, dans la Loire

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Si les crises succèdent aux crisespour les éleveurs de porcs, peut-êtreun jour faudra t-il remettre en causeles solutions censées les régler,négociées entre les « représentantsde la profession » et le ministère.

Cet été, les actions spectaculaires deséleveurs de porcs bretons criant leurdétresse ont braqué les projecteurs

sur un secteur d’activité régulièrementremuant. Voyons donc ça de plus près…

Du côté des « représentants profession-nels », une chose est frappante : ce sonttoujours les mêmes. Guillaume Roué, PaulAuffray, Jef Trébaol, Jean Michel Serre, tousissus des rangs de la FNP (section porc spé-cialisée de la Fnsea), sont aux manettesdepuis au moins deux décennies. JacquesLe Maitre, Fortuné Le Calvé, Marcel Cor-man avant eux y sont restés aussi long-temps. Ils ont donc constamment participéaux discussions avec les ministres succes-sifs. Plan de sortie de crise après plan de sor-tie de crise, rien n’y a fait. Curieusement,les éleveurs ne demandent pas le rempla-cement de leurs représentants. Chacun estpourtant en capacité de juger de leur com-pétence au vu des résultats obtenus.

Ce n’est pas faute d’avoir demandé avecconstance déréglementations, allégementsde « charges », aides à l’export (hors UE),restructuration accélérée et autres sub-ventions à la modernisation des bâtimentsd’élevage… Demande auxquelles, avecconstance, tous les ministres de l’Agricul-ture ont répondu, le petit doigt sur la cou-ture du pantalon.

EngorgementLes politiques nationaux ne font pas le prix

du porc au marché au cadran de Plérin. Iln’est un secret pour personne que la Com-mission européenne est très libérale, maisrien ne se décide sans l’accord du conseilde l’Union où les voix de la France et del’Allemagne pèsent lourd. La France y adonc avec les autres accepté de lever tousles outils de régulation des différentes pro-ductions.

Du coup, on se lâche : quelques bassinsde production (Allemagne, Espagne, Dane-mark, Pays-Bas, France) produisent 107 %des besoins internes à l’UE. Ils se font uneguerre acharnée, développant leur pro-duction en espérant asphyxier les autres etprendre ainsi leur place sur les marchésmondiaux, n’hésitant pas à exploiter sans

merci les travailleurs « détachés », venantde pays plus pauvres travailler dans lesporcheries, les abattoirs et les usines detransformation.

Mais quand, pour une raison X ou Y, unmarché export se ferme (la Russie aujour-d’hui), les porcs se retrouvent sur un mar-ché interne plus qu’autosuffisant, engorgeantcelui-ci et entraînant la chute des prix. Tousles producteurs européens se retrouvent ainsipris en otage par des stratégies de « déve-loppement » vers des marchés pourtantreconnus très volatils, où la concurrence auxprix les plus bas est de plus en plus féroce.

Dans un élan des plus contradictoires, lescaciques de la filière en France clamentmaintenant qu’il faut manger français ! Maisimposer la consommation de viande estam-pillée VPF (viande de porc française) nepourra jamais se faire de façon autoritaire.Détruire des camions de viande de porcvenant des pays voisins, réclamer que lesentreprises françaises utilisent exclusive-ment de la viande produite en France etquémander dans le même temps des aidespour exporter n’est audible pour personne.Il faut que la profession arrive à prouverque l’État, les consommateurs, les consom-matrices ou les contribuables ont quelquechose à y gagner. VPF n’est pas un gage dequalité autre que sanitaire, ce qui est déjàbien, mais très insuffisant.

Améliorer la qualité gustative de la viande,les conditions d’élevage et la protection del’environnement, réduire l’impact sur l’effetde serre, sont autant d’objectifs que les « repré-sentants de la profession » présentent tou-

jours comme des boulets, des freins à lacompétitivité. Ils ont raison s’ils veulent êtreprésents sur les marchés mondiaux où seulle prix compte, mais ils ont tort s’ils veulentfaire cesser les crises à répétition (1).

Prendre en compte les objectifs précités,c’est approcher le véritable coût du kilo deviande. Actuellement, une partie du coûtde production est externalisée, en particu-lier celui environnemental payé par lescontribuables(2) ou les consommateurs d’eau.Donner aux client.e.s de véritables raisonsde choisir une viande de porc produite enFrance, et donc imposer par contre coup àl’agroalimentaire et à la restauration col-lective d’en faire autant, en introduisantd’autres critères que le prix immédiat, atoutes les chances d’être plus efficace quedes remèdes coûteux qui ne règlent rien. Ilfaut pour cela un minimum de prise deconscience professionnelle et de volontépolitique. Sans quoi, c’est l’élevage qui enfera les frais. Le peu d’intérêt qu’il susciteauprès des jeunes commence à inquiéter ausein même des organisations économiquesbretonnes, faisant craindre une baisse impor-tante des volumes produits dans un avenirproche. Il y a donc un intérêt et une oppor-tunité à faire bouger les lignes. n

Thierry Thomas, paysan dans les Côtes-d’Armor

(1) À noter l’énormité de la position du président élu parles éleveurs de la coopérative Cooperl qui accuse un prix duporc trop élevé. Un comble pour un représentant d’éle-veurs qui se plaignent justement du contraire ! C’est bien lastratégie d’export hors UE de cette coopérative de poidsqui amène à de telles contradictions.(2) Multiples plans d’aide à la reconquête de la qualité del’eau, contribution de l’élevage au réchauffement climatique.

Crise porcine Fausses solutions et vrais espoirs

Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Guillaume Roué (Inaporc), Paul Auffray (FNP), Daniel Picart (Marché du porc breton) au ministère de l’Agri-culture en août 2015. Leur stratégie productiviste et exportatrice est en échec depuis 30 ans, mais ils sonttoujours là… à la différence de milliers d’éleveurs et d’éleveuses de porcs qui depuis ont mis la clé sur la porte.

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Sommes-nous responsables de notre climat? Jamais nous n’au-rions pensé à nous poser cette question il y a seulement une dizained’années. Pire, puisque la réponse se révèle partiellement affirma-tive, des choses qui nous semblaient immuables ne le sont plus.

Peu de scientifiques mettent en doute le rôle de l’être humain dansle changement climatique. Je ne sais même pas si on trouverait encoredes «climato-sceptiques» dans la catégorie des climatologues recon-nus comme tels. Nous-mêmes pouvons observer que les dates delevée du ban des vendanges sont de plus en plus précoces. Et l’ondispose des actes officiels de ces dates depuis assez de temps pourfaire du réchauffement climatique un fait scientifique. Les teneursen CO2 atmosphériques participent suffisamment de ce réchauf-fement pour que le facteur « humain » soit considéré incontour-nable. Avec des problèmes futurs d’adaptation et de maîtrise de risquesvertigineux! Les scientifiques disposent de modèles concordants pourprédire des fourchettes de réchauffement moyen probablementfiables, avec des conséquences indirectes des plus préoccupantes.Ainsi, des phénomènes comme la réduction exponentielle de la bio-diversité des espèces, la disparition des glaciers et les dérèglementsdes systèmes marins pouvant en découler risquent d’amener notresystème terrestre vers des points de « non-retour » pour l’huma-

nité : la planète pourra se passer de l’humain car elle s’est bien pas-sée des dinosaures.

Qu’avons-nous à y voir, nous, paysan.ne.s? Les gaz à effet deserre? La vache qui rote? Le couvert végétal continu – la « prai-rie », pour les anciens – n’est-il pourtant pas le plus efficace contri-buteur à la fixation de CO2? Eh bien, parlons-en! On pourrait sup-poser que les systèmes agricoles économes et autonomes seraientpréférables, ne serait-ce que par simple bon sens. Et c’est vrai !Déforestation, emploi massif d’engrais azotés et de pesticides,concentration d’animaux et production énorme d’affluents : l’in-dustrialisation de l’agriculture va à contre-courant de l’histoire.Pour le plus vaste réseau paysan mondial auquel adhère la Confé-dération paysanne, « l’agriculture paysanne contribue à réduire l’ef-fet de serre par des pratiques qui permettent de stocker du CO2 et rédui-sent considérablement l’utilisation d’énergie sur les fermes ». Ce quela Via campesina résume par : « Les paysan.ne.s peuvent refroidir laplanète ! » (1)

Jean-Claude Moreau, administrateur FNCivam,

membre du comité de publication de Campagnes solidaires

(1) À réécouter sur France culture : Grande traversée, l’invention du climat (www.francecul-ture.fr/emission-grande-traversee-l-invention-du-climat)

L’agriculture face au défi du réchauffement climatique

Dossier

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / I

Ce dossier a été conçu et réalisé en partenariat avec Transrural Initiatives, revue mensuelle d’information sur le monde rural publiée par l’Adir(Agence de diffusion et d’information rurales), association d’édition de l’Afip, de la FNCivam, du MRJC et de la CNFR. www.transrural-initiatives.org

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L’agriculture occupe plus de la moi-tié de la surface de la Terre et 40 %de ses habitants en vivent. Mais la

21e Conférence des Nations unies sur leclimat (Cop 21) n’en fait pas une priorité,bien que la société civile l’ait demandé.L’objectif de limiter le réchauffement cli-matique à deux degrés, adopté lors duSommet de Cancún en 2010, ne pourrapourtant pas être atteint sans une réformeprofonde du système agroalimentaireindustriel. Ce seuil, au-delà duquel lesconséquences seraient imprévisibles,implique en effet de diviser les émissionsde gaz à effet de serre (GES) par deuxdans les pays en développement, et parquatre dans les pays industrialisés d’ici à2050 et par rapport à 1990.

Reste, pour trouver les bonnes solutions,à établir le bon diagnostic.

Gaz carbonique, méthane et azote

L’impact de l’agriculture sur le climat,complexe à modéliser, est encore au cœurde débats scientifiques et politiques.D’après le Groupe d’experts intergouver-nemental sur l’évolution du climat (Giec),

certaines estimations comportent desmarges d’incertitudes allant jusqu’à 150 %.Pour l’instant, la plupart des rapports etdécisions politiques s’appuient unique-ment sur l’impact de la production agri-cole, qui contribuerait, selon les modèles,à 10 à 15 % (1) des émissions de GES d’ori-gine humaine au niveau mondial. Pourl’Organisation des Nations unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO), cesecteur a dégagé 5,3 milliards de tonneséquivalent CO2 en 2011(2), (+14 % par rap-port à 2001), soit presque autant que lestransports.

Sa contribution est principalement liéeaux rejets de méthane (CH4) issus de ladigestion du bétail et du stockage du fumier,et de protoxyde d’azote (N2O) provenantdes engrais. Des gaz au pouvoir réchauffantrespectivement 25 et 300 fois plus fort quele CO2. 40 % des émissions du secteur sontainsi liées à la fermentation entérique, contre16 % pour le fumier laissé sur les pâtu-rages, 13 % pour les engrais de synthèse(N2O), 10 % pour la riziculture, 7 % pourla gestion du fumier et 5 % pour les brûlis.Mais toutes les productions n’ont pas lemême impact.

Des responsabilitésà différencier

L’élevage, notamment bovin, concentrel’essentiel des rejets de GES, une situationproblématique au regard de l’augmentationprévue de la consommation mondiale deviande (+70 % d’ici 2050, selon la FAO).Toutes les agricultures n’ont pas non plus lesmêmes responsabilités. Les tomates sousserres produites en hiver ont un bilan car-bone 10 à 20 fois plus important que leurscousines cultivées en plein champ. Maisattention aux raccourcis ! « Rapporté au kilo,les produits biologiques n’ont pas globalementun meilleur bilan carbone que ceux en conven-tionnel. Mais ils consomment moins d’engraiset d’autres intrants. Si on prend en compte lesimportations et le fait que la production bio-logique respecte les sols, leur bilan estmeilleur », explique Cyrielle Den Hartigh, duRéseau action climat (Rac). Enfin, le péri-mètre (amont et aval des filières, capacité destockage des sols…) pris en compte est déter-minant. La FAO estime ainsi que l’intensitéd’émission des exploitations bovines est plusmauvaise dans les systèmes où le niveau deproductivité est bas, notamment en Asie, enAfrique ou en Amérique latine, que dans les

II \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Dossier

Le système agroalimentaire industriel dérègle le climat

Notre alimentation contribuerait à près de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, notamment en raisondes procédés industriels, de la déforestation et de l’élevage.

Au Brésil, les forêts pri-maires sont détruitespour cultiver le soja quialimente le bétail et lacanne à sucre pourproduire du bioétha-nol. La déforestationde l’Amazonie brési-lienne a augmenté de29 % entre 2012et 2013, selon une esti-mation officielle baséesur des données satel-litaires. Près de6000 km2 ont ainsi dis-paru cette année-là.

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Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015/III

grandes exploitations européennes ou amé-ricaines. Mais ces conclusions changent si l’onaffecte au bilan des exploitations industriellesles impacts de la déforestation liée à l’ali-mentation du bétail en soja et ceux de lachaîne de transformation et de distribution,et si l’on prend en compte le stockage de CO2

des prairies dans le bilan des exploitationsextensives.

Plus de 70 %de la déforestation liéeà l’agriculture

Pour aller plus loin, il faudrait donc pou-voir s’appuyer sur une analyse de l’ensembledu cycle de vie des aliments. L’ONG Grains’y est essayée. Au total, le système agro-industriel mondial représenterait entre 44et 57 % des émissions de GES (3). Ce calculprend en compte, en plus de la production,l’amont, notamment le changement d’af-fectation des terres et la déforestation cau-sée par l’agriculture pour plus de 70 %, lestransports, la transformation et l’embal-lage, la congélation, la vente au détail, la ges-tion des déchets…

Même constat au niveau de la France. Laproduction agricole représente 21 % de sonbilan d’émissions de GES mais, en rajoutantles émissions indirectes (transformation,transport, distribution, déchets…), la part dusystème alimentaire monte à 36 %, soit171 millions de tonnes de CO2

(4). Un chiffre

qui ne prend pas en compte les émissionsréalisées à l’étranger ; comptabiliser les émis-sions dues à l’importation des tourteaux desoja provenant essentiellement du Brésilajouterait plus de 7,7 millions de tonnes deCO2 au bilan de l’agriculture française (5), etcelles liées aux engrais et produits azotésprès de 11 millions (6). D’autres études, par-tant de la consommation et non de la pro-duction, arrivent à des résultats similaires.« Si on reste sur les chiffres d’émissions dela production agricole seule, on ne proposeque des solutions pour l’amélioration despratiques, qui ne suffiront pas, alors que sil’on prend en compte l’ensemble du sys-tème alimentaire, on voit qu’il faut un véri-table changement de modèle », note CyrielleDen Hartigh.

Changer de modèleAvec cette vue d’ensemble, les responsa-

bilités – et les solutions – apparaissent plusclairement. Comme l’explique Ulrike Eberle (7),le système alimentaire n’est pas durable etc’est à cause, entre autres, « de l’industria-lisation et la mondialisation de l’agriculture »,« de la transformation des aliments » et des« changements des habitudes alimentaires etdes modes de vie ». L’industrialisation del’agriculture, née avec la machine à vapeur,a connu une accélération rapide au XXe siècle,notamment à la suite du plan Marshall enEurope et sous la pression de l’industrie chi-

mique en recherche de nouveaux débouchés.Le secteur, traditionnellement régi par l’offre,s’est tourné vers la demande avec le déve-loppement des transports, entraînant unecourse effrénée à l’augmentation de la pro-duction et de la productivité.

« Les procédés agricoles industriels entraî-nent la génération de gaz à effet de serre àplusieurs niveaux: construction des machinesoutils, fabrication des engrais et pesticides(une tonne d’engrais azoté nécessite environdeux tonnes de pétrole), acheminement jus-qu’au champ, labours profonds, épandage desengrais et pesticides… », explique Emma-nuel Lierdeman, ingénieur agronome(8).

« L’intensification et les monocultures ontérodé la quasi-totalité de l’humus accumulépar des siècles d’agriculture paysanne. Laproduction industrielle concentre les terresagricoles et favorise la déforestation de nom-breuses zones de la planète, détruisant ainsid’importantes réserves de carbone », ajoutela Confédération paysanne (9). Pour HenkHobbelink, agronome et coordinateur deGrain, les émissions des petits paysans« contribuent à peine aux émissions glo-bales de l’agriculture car ils utilisent très peude fertilisants chimiques, une des sourcesprincipales d’émissions, et qu’ils produisentdavantage pour les marchés locaux ».

Pour autant, focaliser le débat – et le com-bat – entre l’agriculture paysanne et indus-trielle sur la question des émissions de gazà effet de serre serait réducteur. D’abord carles incertitudes sur certaines données,comme le phénomène complexe du chan-gement d’affectation des terres, sont tropélevées. Ensuite, car cela évacuerait lesautres impacts environnementaux et lesquestions sociales. Or, sous couvert deréductions des émissions de GES, les droitscoutumiers de certains paysans sont déjàremis en cause au profit de la sauvegardedes forêts ou du développement d’agro-carburants. n

Fabrice Bugnot, Transrural

(1) FAO, Giec, World Resources Institute…(2) L’équivalent CO2 permet d’agréger tous les GES en pre-nant en compte leurs différents potentiels de réchauffe-ment global.(3) www.grain.org/fr/article/entries/4363-alimentation-et-changement-climatique-le-lien-oublie(4) Institut français de l’environnement, Ifen, Les ménagesacteurs des émissions de gaz à effet de serre.(5) Chiffres calculés par le Rac d’après les données Diaterreet Inra.(6) Institut français de l’environnement (Ifen).(7) Chercheuse à l’institut Corsus, spécialisée sur les ques-tions d’alimentation durable : www.corsus.de(8) Le Courrier : www.lecourrier.ch/132092/climat_chan-ger_notre_agriculture(9) Climat : l’agriculture paysanne pour refroidir la planète.4 Pages Confédération paysanne.

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / III

Dossier

Infographie parue dans Libération 20/ 02/ 2015

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En 1978, après deux années de démar-rage en apiculture, ma compagneNicole partait travailler à l’Inra de

Rennes pour renflouer les comptes mis àmal par une année 1977 catastrophique.Je restais en Ariège pour m’occuper desruches.

C’est en feuilletant le courrier de cetteépoque que nous a une nouvelle fois sautéaux yeux l’évidence d’un impact du réchauf-fement climatique sur la végétation, et doncsur les miellées. En 1978, nous notions ledébut de la floraison des acacias début juin.Ces dernières années, ils commencent àfleurir fin avril, début mai. On peut donc direqu’en 25-30 ans, la floraison de l’acacia aavancé d’un mois.

L’autre phénomène que nous consta-tons ces dernières années, c’est l’excès.Plus de saisons réellement marquées, maisplutôt une suite d’« événements » plusou moins importants, pluvieux, chauds,froids, secs… La végétation suit commeelle peut, s’adapte avec des cycles de flo-raison parfois plus courts. Les miellées

suivent ces cycles : elles peuvent êtrenulles quand la floraison est trop courteou le temps trop sec ou trop froid, commeelles peuvent être généreuses quand il y

a conjonction de chaleur, humidité etforce des colonies.

La question se pose bel et bien quant aurapport avec le réchauffement climatique.n

Paysanne dans les Andes, au Pérou,America Castillo Cunyas est inquiète.Dans son village de la province de

Huancayo, plus d’un tiers de la populationdépend de l’agriculture. America, qui cultivepommes de terre et quinoa et élève cochonsd’inde et vaches, doit déjà s’adapter auchangement climatique. Pics de chaleurs,vagues de froids et manque d’eau l’obligent

à changer le calendrier de sescultures : « À présent noussommes forcés de décaler nosrécoltes pendant la saison despluies et elles baissent en qua-lité et rendement », expliquela paysanne. Pour faire face àces bouleversements, cescommunautés doivent diver-sifier leurs revenus, notam-ment en envoyant temporai-rement travailler les hommesen ville. Mais le futur s’an-nonce bien plus sombre : « Le

village est très menacé par la sécheresse caril dépend du glacier Huayatapallana pourson approvisionnement en eau. Or, il fond deplus en plus vite et il y a moins de neige pourl’alimenter », constate America. Selon cer-taines études scientifiques, l’étendue gelée,qui fournit 40 % des réserves d’eau du sous-bassin de Rio Shullcas, pourrait disparaîtred’ici 2030.

À 50 ans, Be Mangaoka est paysan et pêcheurtout au Nord de Madagascar : « En 1999et 2000, il y a eu une grande sécheresse dansnotre village et nous avons eu du mal à culti-ver du riz (base de la nourriture locale, NDLR).Malheureusement, ce phénomène s’est répétédepuis ; les saisons ont vraiment beaucoupchangé. Depuis 20 ans, il y a de moins en moinsde pluie. Normalement, la saison des pluiess’étend du mois de novembre au mois de mai,mais de nos jours, elle ne dure que de janvierà mars. La plantation du riz se trouve particu-lièrement affectée. Nous avons besoin de trou-ver d’autres alternatives. Avec ça, certains denos puits sont taris. En plus, le Varatraza – leprincipal vent qui souffle dans le Nord deMadagascar – soufflait auparavant de juilletà août. À présent, il souffle à partir d’avril jus-qu’en novembre. Et lorsque qu’il souffle, nousne pouvons pas aller pêcher ! Nos revenus necessent de diminuer. »n

Sources : WWF/Norad, 2010 et Reporterre

www.reporterre.net

IV \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Dossier

TémoignagesDes constats qui posent questionBertrand Théry est apiculteur retraité en Ariège.

Les paysan.ne.s du Sud en première ligneSur tous les continents, les paysannes et les paysans subissent les conséquences du dérèglement climatique.

Rucher en Ariège : la végétationsuit comme elle peut pour s’adap-ter à des événements climatiquesplus marqués et fréquents.

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America Castillo Cunyas chez elle, au Pérou

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« En trois ans, nous avons subi deuxà trois inondations chaque année.Jusqu’en 2008, c’était l’inverse,

avec plusieurs années de sécheresse. Pourdonner une idée, avant 2008, il pleuvait400 litres par an et par mètre carré au lieude 800 en moyenne, alors que mainte-nant on peut avoir 150 mm en une seulejournée ! Ça ressemble à ce que l’on appelledes épisodes cévenols dans le Gard ou lesud de l’Ardèche, mais décalés mainte-nant plus à l’Est.

Pour autant, difficile d’en tirer des conclu-sions sur le rapport au réchauffement cli-

matique. Il y a toujours eu ici des cycles depériodes sèches et de périodes pluvieuses,grosso modo tous les sept ans. Mais onremarque quand même que les événementsdits exceptionnels sont de plus en plus fré-quents et violents, de plus en plus« extrêmes ».

Il faut aussi signaler l’impact de l’artifi-cialisation des terres, avec des aménage-ments lourds, parkings, routes et autres, quirendent plus compliqué l’écoulement deseaux. Dans la vallée de l’Argens, dans l’Estdu Var, là où les phénomènes sont toujoursplus marqués, on a parfois des inondations

sur 2 ou 3 mètres de haut, et ces infrac-structures n’y sont pas pour rien…

Après, pour les maraîchers, tout dépendde la durée de l’inondation. Si ça s’écoulevite, on peut sauver une bonne partie desrécoltes, en fonction des légumes. Et commeles inondations ne sont généralement pasl’été, la saison du pic de production, ça peutne pas avoir trop de conséquences drama-tiques. Notons aussi que le désherbage chi-mique est un facteur aggravant : sur les par-celles concernées, la terre est davantageemportée… » n

Propos recueillis par BD

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / V

Dossier

La Confédération paysanne vientde publier une plaquette (1) sur l’impact

du changement climatique pourles paysannes et paysans de la mer

(conchyliculture, pêche à piedsprofessionnelle, production de sel

ou d’algues) (2).

Plusieurs constats sont déjà établis.L’élévation du niveau de la mer,d’abord : il n’est pas question sous

nos climats de tsunamis dévastateurs, maisplutôt d’une inexorable pression de l’océansur les côtes les plus fragiles (érosion, sub-mersion). L’élévation aussi de la tempéra-ture des mers près des côtes françaises : de0,4 °C dans les 300 premiers mètres del’Atlantique Nord au cours des deux der-nières décennies, elle peut être plus fortedans les zones moins profondes (1,5 °C en30 ans à Marennes-Oléron, par exemple).Le rythme des tempêtes « hors normes »s’accélère, tempêtes de plus en plus intenses.En 2014, 35 bulletins météo spéciaux ontété émis en deux mois sur la côte Atlantique,quand un hiver « classique » n’en compteque quatre ou cinq.

Mais tout n’est pas aussi visible et immé-diatement spectaculaire. Un quart des émis-sions de dioxyde de carbone (CO2) sontabsorbées par les mers où elles se trans-forment en acide carbonique. Conséquence :une chute de 30 % du pH depuis la révo-lution industrielle, soit une augmentationsensible de l’acidité.

Cette évolution ponctuée d’événementsmajeurs a des conséquences directes sur lespaysan.ne.s de la mer : dégradation de maté-riels et pertes de récoltes (tempête, éro-sion), nouvelle distribution de certainesespèces de poissons et/ou apparition denouvelles espèces invasives (élévation de latempérature)… Les premiers animaux marinsconcernés par l’acidification des océans sontles coquillages à travers leur difficulté crois-sante à fixer le carbone nécessaire à la fabri-cation de leur coquille. Une perte importantede la biodiversité marine est redoutée. Souscertaines latitudes, l’acidification des eauxprovoque l’érosion des massifs coralliens,mettant en péril tout l’écosystème marin.

Quant aux mortalités massives constatéessur les huîtres et moules françaises cestoutes dernières années, elles semblent plusimputables aux pollutions et à leurs consé-quences pathogènes. Pour autant, lesdéfenses immunitaires pourraient être affec-tées par les évolutions du milieu liées auréchauffement climatique. n

(1) Téléchargeable sur : www.confederationpaysanne.fr(2) En France, on dénombre 4 200 conchyliculteurs ouentreprises de conchyliculture (huîtres, moules et autrescoquillages), 1 300 pêcheurs à pieds professionnels, unmillier d’emplois équivalent temps plein de producteurs desel (sauniers ou paludiers), 300 producteurs d’algues(goémoniers, essentiellement en Bretagne).

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / V

Les paysan.ne.s de la mer face au réchauffement climatique

De plus en plus fréquents et violentsBruno Cayron est depuis onze ans maraîcher à Tourves, dans le Var. Sur son exploitation de 5 hectares, il travaille avec sa femmeet une salariée et a mis à disposition une partie de ses terres comme « espace test » pour un couple en projet d’installation.

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« Il n’y a pas un paysan aujourd’huiqui n’observe pas de modificationsde son travail et ne pense pas au

changement climatique. » Rémi Gorge,éleveur caprin à Montfroc, dans le Sud dela Drôme, en est certain. Originaire deCorbeil-Essonnes en région parisienne,Rémi, 54 ans, a suivi en 1980 ses parentsqui effectuaient « un retour à la terre »,dans le canton de Séderon. « J’ai tenupendant sept ans un commerce de négocede céréales qui m’a permis de rencontrerbeaucoup de paysans de la région, près dela retraite et dans l’agriculture depuis desgénérations, raconte-t-il. Ils m’ont beau-coup appris sur la façon de travailler danscet endroit, sous ce climat méditerranéen,et je crois qu’ils m’ont donné le virus… »Retourné sur la ferme familiale en 1988,Rémi se forme en travaillant et s’installesur sa propre ferme en 1998. Avec le laitde la quarantaine de chèvres qu’il élèveaujourd’hui avec sa femme sur 65 hectares,en bio, il fabrique une centaine de fromagespar jour, commercialisés sur un marchéhebdomadaire à Aix-en-Provence. « Je mepréoccupe de la qualité de ce que je vendsà mes clients, de la santé de mes chèvreset de la qualité de ce que je leur donne àmanger, je fais mes fourrages », expliquecelui qui observe des évolutions à diffé-rents niveaux. « Ici, on constate un phé-nomène d’effondrement des coloniesd’abeilles alors qu’il y a assez peu de cul-tures et qu’on peut difficilement incrimi-ner les pesticides… » Il y a aussi ses col-lègues cueilleurs de plantes dont les

rendements en huiles essentielles ont étédivisés par deux ces dernières années. Cechangement dans la composition desplantes elles-mêmes, il ne peut s’empê-cher de le lier aux événements climatiquesextrêmes de plus en plus réguliers et à l’ali-mentation de ses chèvres qui pâturent lamajeure partie de l’année : « Elles sontplus sensibles qu’avant au parasitisme,remarque-t-il. Je n’ai jamais eu de pro-blème par le passé, je me dis qu’elles ne doi-vent plus manger la même chose ou ne plustrouver les plantes qui leur permettaient dese défendre, ou plus en quantité suffi-sante. » Outre le parasitisme, la qualité

des fourrages n’est plus la même et seschevrettes lui semblent aussi plus fragiles.Elles grandissent moins vite, raison pourlaquelle il attend désormais 18 mois avantleur première prise (1), contre 9 par le passé.« Tout ce que je dis, ce sont des sentimentsnourris d’échanges avec des collègues, pré-cise Rémi. Mais, il y a des tendances lourdeset inquiétantes. On peut réfléchir à plu-sieurs, avec des vétérinaires, trouver dessolutions pour le parasitisme et l’alimen-tation… S’adapter c’est sympa, mais ça nesuffira pas. » n

Recueillis par Transrural Initiatives

(1) premières saillies

Un bétail plus sensible au parasitismeRémi Gorge est éleveur caprin dans la Drôme.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

« Je suis agriculteur depuis 45 ans,fils et petit-fils de paysan. Je mesuis installé à 21 ans sur cette

ferme que mon père avait achetée ; aujour-d’hui, je suis à la veille de la céder. Le pro-chain devra rester en bio, c’est une desconditions. J’emploie un salarié à tempsplein, plus un trois quart-temps et unefemme de ménage pour le gîte. Sur l’ex-ploitation, je produis du blé, de l’orge, dela luzerne, du colza, du lin et des pommes…C’est très diversifié.

Pour parler du climat, je me souviens dela première fois où j’ai remarqué que leschoses changeaient. C’était en 1998, le20 octobre : je partais labourer pour faire unsemis de blé avec le soleil, mais un petit nuageest arrivé et il y a eu 10 mm d’eau en 10minutes. Pendant un mois, je n’ai pas pureprendre le sol pour faire le semis. Depuis,on observe de plus en plus de changements.Avant, je pouvais me guider grâce au baro-mètre et aux changements de lune, mais çane veut plus dire grand-chose. Les pressions

atmosphériques se déplacent moins vite.On a des nuages qui viennent d’on ne saitoù. Avant, on avait un climat océanique avecdes pluies venant du Nord-Ouest. Aujour-d’hui les vents viennent du Sud-Ouest, etmême du Sud très souvent.

Il y a aussi une augmentation des tempé-ratures. J’ai trente hectares de terres avecdes silex noirs (chailles), sur lesquelles j’étaispassé en culture simplifiée, sans labour. Maisavec des fortes chaleurs (30 degrés enmai/juin) et les silex qui chauffent, en deux

Le baromètre ne suffit plusHenri Doublier, céréalier et arboriculteur sur une exploitation de 130 hectares à Vaux-Sur-Lunain, en Seine-et-Marne, fait ausside l’accueil à la ferme.

…/…

Troupeau de chèvres dans le Sud de la Drôme : avec les changements climatiques, Rémi Gorge constatesur son élevage l’évolution des plantes dans les pâtures, une plus grande sensibilité des animaux auparasitisme, des retards de croissance…

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Ingénieure agronome de formation,Claire Laval exploite depuis 1983un domaine viticole de 8 hectaressur le plateau de Pomerol, en Gironde.

« Le changement climatique, pourmoi, c’est une évidence. C’est LE pro-blème du XXIe siècle. Quand j’ai

commencé, on vendangeait fin septembre,autour du 25. Cette année, on commencele 7. En trente ans, on a gagné deux à troissemaines. C’est énorme. Il y a aussi uneaugmentation du taux de sucre, qui parfois

devient trop élevé. J’ai l’impression qu’onassiste à une sorte de chaos climatique etil est de plus en plus difficile de produire.Depuis 2005, il n’y a pas eu une année tran-quille, sauf celle en cours. En 2008, parexemple, le plateau sur lequel on se trouveest presque devenu une île. On a fait unedemi-récolte.

Mais le manque d’eau est aussi de plus enplus fréquent. J’ai déjà commencé à m’adap-ter. On a changé les cépages et on a fait desimplantations plus profondes. De ce fait, lavigne réagit mieux aux contraintes comme

le manque d’eau ; et ne se fait pas empor-ter à la première grosse pluie. On garde leplus possible des sols couverts. On a aussiplanté des haies. La verticalité renforce lemaintien des terres, l’absorption de l’eau…En bio, il est plus facile de s’adapter auchangement climatique. On n’a pasd’énormes surfaces, on connaît mieux sessols, on les respecte et ils ont gardé unemeilleure biodiversité. Mais ce n’est que ledébut et il va falloir s’adapter de plus en plus.

Le problème, c’est qu’il faudrait une véri-table réflexion. L’agroécologie qu’on nousvend, de la technologie qui remplace l’ob-servation paysanne, c’est n’importe quoi :planter des arbres sans biodiversité ou desprojets de maraîchage avec des centainesd’hectares de serres, sous prétexte qu’ellesseront chauffées avec je ne sais quel résidu.Ce qu’il faut, c’est des vrais paysans. Pro-duire les bonnes choses au bon endroit enfonction du climat et du sol. On veutrésoudre les problèmes avec la technologie,comme des modifications génétiques ou desgrandes retenues d’eau. Mais ces retenues,par exemple, impactent le régime de l’eaudont dépendent de nombreux écosystèmes,donc la biodiversité, et finalement cela nousfragilise. À chaque fois, ce genre de solutioncrée des problèmes plus graves et qu’on nesait pas résoudre. C’est une course en avantsans fin. Il faut que l’agriculture redonne leurpleine place aux paysans. » n

Recueillis par Transrural Initiatives

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / VII

Dossier

ou trois jours, plus de la moitié de la récoltea été déshydratée. En deux ans, j’ai dû repas-ser au labour pour mélanger les cailloux quiétaient remontés trop en surface. Cela mequestionne sur les techniques agronomiquesà employer à l’avenir, car nous consommonstrop de fuel. En grande culture bio, le chan-gement climatique est plus problématiqueencore qu’en conventionnel. Je pense quel’agroforesterie est une bonne solution d’ave-nir, le non-labour, des variétés bien adaptéesà l’agroécologie et à chaque terroir. Êtrepaysan, c’est être à l’écoute de son envi-ronnement global et s’adapter. Je pensequ’aller vers plus d’industrialisation, c’est leplus mauvais choix que l’on puisse faire ànotre époque. Il faut arrêter de poser des rus-tines sur un système d’agriculture intensifqui crée trop de nuisances à la terre, à l’ali-mentation et à l’Homme. » n

« J’ai déjà commencé à m’adapter »

…/…

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La France a choisi des sponsorstrès controversés pour la Cop 21.En parallèle, elle mise sur « l’agricultureclimato-intelligente » pour faire faceaux défis climatiques. Une stratégiegouvernementale dans laquelleles firmes surfent sur le changementclimatique sans changer de système.

En mai 2015, le ministre des Affairesétrangères Laurent Fabius rend publicla liste des sponsors de la Cop 21.

Y figurent des firmes fortement investiesdans le charbon, comme EDF et Engie (exGDF Suez), ainsi qu’une banque championneeuropéenne du financement des énergiesfossiles (BNP Paribas) (1). En soutenant l’im-plication des grandes entreprises dans laconférence climat, le gouvernement enté-rine l’idée que l’action ne doit pas remettreen cause l’ordre économique établi. Ce quilaisse présager des mesures prises ou annon-cées en décembre 2015 bien en deçà de cequi serait nécessaire pour prévenir les effetsles plus dramatiques du dérèglement cli-matique.

L’offensive des multinationales n’épargnepas le secteur agricole. Plusieurs grandesentreprises ont ainsi rejoint l’Alliance mon-diale pour l’agriculture climato-intelligente(GACSA). Initiative prise lors du sommetpour le climat organisé par Ban Ki-moon enseptembre 2014, cette alliance prévoit dedévelopper un modèle qui permettraitd’« accroître les rendements », de « favo-riser la résilience des systèmes agricoles »et de « réduire les émissions de gaz à effetde serre » (GES). Derrière ces grandes lignesplutôt consensuelles et vertueuses, les pro-moteurs de l’agriculture climato-intelli-gente soutiennent des propositions en totaleopposition avec l’agro-écologie paysanne.

Le « guide de référence » de la FAO surles dix réussites de l’agriculture climato-intelligente témoigne de la part belleaccordée aux lobbies techno-industriels (2).L’usage d’intrants chimiques (engrais, pes-ticides, herbicides…) et d’OGM n’est pasexclu, pas plus que la production d’agro-carburants industriels. La mise au point de

variétés « biotechs » à hauts rendementsest au contraire présentée comme posi-tive pour la sécurité alimentaire et l’adap-tation aux dérèglements climatiques. Uneimportance considérable est donnée à despratiques supposées favoriser la séques-tration du carbone. Quant à l’ensemble desprojets cités, ils sont menés uniquementdans des pays du Sud (3) et des régions fai-blement intensives, alors même que lessystèmes agricoles les plus climaticides setrouvent au Nord et dans les régions lesplus intensives.

Yara International, leader international desengrais de synthèse (4), s’est déjà appropriéle concept et a même sponsorisé un forumsur la climate smart agriculture lors du foruméconomique mondial de Davos en jan-

vier 2015. L’objectif affiché sur son site estexplicite (5) : accentuer le recours aux engraischimiques est une des solutions incon-tournables pour avoir des rendements plusélevés tout en utilisant moins de terresagricoles et d’eau, et éviter ainsi les rejetsde GES liés à l’expansion des cultures surles forêts et les tourbières. L’enjeu centrald’une transformation profonde des modèlesde production et de consommation n’est,de fait, jamais abordé par Yara qui entérinela continuité du modèle productiviste. Onest bien loin des pratiques paysannes quiassurent le maintien de la fertilité du sol etde sa capacité à stocker du carbone sur lelong terme, tout en concourant à la sou-veraineté alimentaire. En dépit de ces limites,la France a officiellement rejoint le GACSA.

ÉcoblanchimentDes (fausses) solutions au servicedes multinationales

L’initiative 4 pour 1 000 : haro sur la compensation !Promue par le ministre français de l’Agriculture Stéphane Le Foll, l’initiative 4 pour 1 000 estun programme de recherche international. En améliorant de 0,4 % par an la capacité de stoc-kage en carbone des sols à travers la mise en œuvre de certaines pratiques agricoles (nondéfinies pour l’instant), le projet 4 pour 1 000 ambitionne « d’absorber et de stocker l’équi-valent des émissions anthropiques annuelles de CO2 soit 75 % des émissions de gaz à effetde serre (GES) » (1) et de restaurer les terres dégradées, notamment en zone aride et semi-aride du continent africain.De nombreuses questions restent sans réponse. Certes, Stéphane Le Foll cite l’agroécologiecomme « modèle » de référence. Encore faut-il s’accorder sur ce terme. L’agro-écologie pay-sanne fait appel aux savoir-faire paysans, celle du ministère n’exclut pas les OGM, ni les bio-technologies. Ainsi, elle ne propose qu’un corpus de pratiques techniques, souvent discu-tables alors que l’agro-écologie paysanne « est avant tout un corpus de pratiques vivanteset de mouvements sociaux avec un objectif politique commun : une agriculture sociale etécologique ancrée dans les territoires. Elle s’inclut dans un mouvement de transformationsociétale » (2).Une fois les terres identifiées, comptabilisées, nivelées selon leur taux de matières organiques,le risque est bel et bien réel que l’initiative 4 pour 1 000 devienne un outil de compensationdes émissions de GES pour les entreprises privées. La référence dans une note ministérielle àla nécessité de définir de nouveaux mécanismes institutionnels et financiers fait redouterl’insertion d’un mécanisme de marché carbone. Le souhait clairement exprimé de voir desentreprises privées prendre part à la dynamique, en leur offrant notamment la possibilité des’engager sur des projets de réhabilitation des sols, accentue fortement cette crainte.La possibilité d’insertion des terres agricoles (land use) dans les mécanismes de marché car-bone et de compensation laisse entrevoir la possibilité que les pratiques cadrées par cetteinitiative deviennent soit un objet de contractualisation entre populations paysannes etentreprises ou États qui souhaitent abaisser leurs émissions nettes de GES, soit un argumentd’accaparement de terre sous prétexte de lutte contre le changement climatique.

SG

(1) Source : note du ministère de l’Agriculture, 03/07/2015 (http://agriculture.gouv.fr/4-pour-1000-et-si-la-solu-tion-climat-passait-par-les-sols)(2) Source : Communiqué de presse, 18/09/2014, collectif pour une agroécologie paysanne (http://www.confedera-tionpaysanne.fr/actu.php?id=2908)

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Dans le cadre des négociations en courspour la Cop 21, l’agriculture est directe-ment concernée par les discussions surl’usage des terres. Le Protocole de Kyoto,principal instrument de la communautéinternationale visant à stopper le réchauf-fement climatique, suggère que l’absorp-tion du dioxyde de carbone (CO2) par lesarbres et le sol constitue un moyen d’at-

teindre les objectifs de réduction des émis-sions tout aussi valable que de diminuerles émissions de CO2 émanant des com-bustibles fossiles. Les sols agricoles pour-raient ainsi entrer dans des mécanismes demarché carbone et de compensation,comme cela est déjà le cas pour les terresforestières (6). Une fois les terres identi-fiées, comptabilisées et nivelées selon leur

taux de matière organique, différents typesde contractualisation pourraient se déve-lopper entre les populations paysannes,les entreprises désireuses de se racheter unebonne image environnementale, et éven-tuellement les États comme intermédiaires.Les multinationales pourraient bien trou-ver à la Cop 21 de quoi satisfaire encoreleur appétit sans limite de profits. n

Suzie Guichard,

avec Sophie Chapelle

(1) Ces multinationales apporteront soit des financements,soit des prestations en nature qui seront défiscalisées àhauteur de 60 % en tant que mécénat.(2) Climate Smart Agriculture Success Stories :www.fao.org/3/a-i3817e.pdf(3) Chine, Tanzanie, Andes, Malawi, Vietnam, Zambie, Inde,Nigéria, Nicaragua, etc.(4) Cette multinationale norvégienne a réalisé en 2014 unchiffre d’affaires de 11,1 milliards d’euros et a vendu plusde 26 millions de tonnes d’engrais, dans plus de 150 paysnotamment en Afrique.(5) http://yara.com/sustainability/climate_smart_agricul-ture(6) Via le mécanisme REDD + (mécanisme de réduction desémissions liées à la déforestation et à la dégradation desforêts dans les pays en développement) proposé en 2005,des États et/ou entreprises génèrent des crédits carbone ensanctuarisant des espaces de forêts, souvent au mépris desdroits des populations locales.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / IX

Quelle place de l’agriculture dans la Cop 21 ?Lors de la Cop 21, le texte négocié portera sur le cadre juridique pour la mise en œuvre desengagements volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre des États à par-tir de 2020. Pour l’instant, l’agriculture reste assez marginale dans les négociations. Cepen-dant, cette marginalité apparente ne signifie pas que les négociateurs n’ambitionnent pas dediscuter de l’agriculture. Ainsi, bien que quasi absente sémantiquement du texte de négo-ciation, la question relative à l’« usage de terres » (land use) devrait faire l’objet de négo-ciations dans différents groupes de travail. Il est question d’insérer les sols agricoles dans lesecteur des terres, qui ne contenait jusqu’à présent que les forêts (lire l’article ci contre).Par ailleurs, un « agenda des solutions » (aussi appelé « Plan d’action Lima-Paris », PALP)figure aux côtés du texte de négociations. Il contient l’ensemble des initiatives complémen-taires au texte. L’agenda précise des actions et solutions pour atteindre les objectifs de réduc-tion des émissions de gaz à effet de serre. Les propositions peuvent être d’ordre institution-nel, financier, politique, technologique… et s’inscrire dans le cadre de partenariats multi-acteurs.L’alliance mondiale pour l’agriculture climato-intelligente ainsi que le programme 4 pour 1000(voir l’encadré) ont d’ores et déjà été intégrés à l’agenda des solutions de la Cop 21 par legouvernement français.

SG

Montpellier, 18 mars 2015 : 3e conférence scientifique mondiale sur l’agriculture climato-intel-ligente, avec la participation de Stéphane Le Foll, ministre français de l’Agriculture. Les firmesagro-industrielles sont à la manœuvre. Certaines, telles que Monsanto, Walmart et McDonalds,ont lancé leurs propres programmes « d’agriculture intelligente face au climat ».

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Sur le Massif central, 2 500 paysansorganisés en réseau expérimententet mettent en œuvre des pratiquesfavorisant des systèmes de productionplus économes et autonomes.

Depuis 2009, des paysans installésen moyenne montagne et des struc-tures des réseaux Civam et Adear

travaillent conjointement au sein du réseauAgriculture durable de moyenne montagne(ADMM). Son objectif ? « Favoriser le déve-loppement de systèmes de production pluséconomes et plus autonomes sur le MassifCentral. » (1) L’accompagnement des pay-sans passe essentiellement par le collectif(journées d’échanges,formations…) et s’inté-resse à une approcheglobale de l’exploita-tion. Gestion de l’herbe,réduction d’intrants,pratiques vétérinairesalternatives, diversifi-cation alimentaire ounon alimentaire desfermes… les théma-tiques travaillées dansles différents groupessont nombreuses.« Cela fait plusieursannées que le thème duchangement climatiqueest abordé dans les tra-vaux du groupe »,estime Maxime Vial,animateur à l’Associa-tion pour la promotionde l’agriculture biolo-gique en Aveyron(Apaba), qui parmi sesadhérents compte denombreux éleveurs.

« Sur notre territoire, on est très sensible à lasécheresse et l’autonomie fourragère est aucentre des préoccupations, poursuit-il. Noustravaillons avec l’Inra à Toulouse sur l’adap-tation des systèmes fourragers par la conduited’expérimentations dans des parcelles, d’es-sais de diversification des semences fourra-gères. Nous avons aussi des journées où l’onréfléchit collectivement à des adaptationspossibles, à partir de diagnostics sur les fermeset de données climatiques.» Un peu plus aunord, dans le Cantal, même son de cloche àla Cant’Adear également partenaire duréseau ADMM: « Le changement climatiqueest une question qui anime l’association depuissa création en 2007, explique Antoine Teur-

nier, animateur. Nous avons lancé un travailsur l’adaptation des systèmes d’élevage àdes sécheresses qui risquent d’être de plusen plus importantes, par l’arrêt du maïs et lepassage à l’herbe notamment. »

Approche globaleUne partie du travail d’ADMM réside aussi

dans le recueil de données concernant lespratiques dans les fermes. Il s’effectue grâceà la réalisation de différents diagnostics(consommations énergétiques directes etindirectes, émissions de gaz à effet de serre– GES –, bilan azote, estimation du carbonestocké par les haies et les sols de l’exploi-tation…) destinés à établir un état des lieuxà un instant t, dans l’idée d’identifier despistes d’amélioration. Les indicateurs ren-seignés par les diagnostics sont d’ordretechnique, économique, social et environ-nemental. Et sur ce dernier point, les résul-tats présentés le 20 janvier dernier par Nico-las Métayer de l’association Solagro,partenaire du projet, sont sans appel : lesfermes du réseau ADMM inscrites dans lesdémarches de diagnostic – majoritairementen bovin lait, bovin viande et caprin avectransformation fromagère – présentent unemoyenne d’émissions de GES faible(1,9 tonne équivalent CO2 par hectare desurface agricole utile, contre 4,7 teqCO2

par hectares de SAU d’émission moyennecalculée sur 3500 fermes françaises) et unefaible intensité énergétique (énergieconsommée par hectare) (2). « Si toute notredémarche n’est pas orientée par la réductiondes émissions de GES, nous constatons queles pratiques mises en place dans nombrede fermes du réseau sont intéressantes sur cepoint, résume Denis Alamome, animateurà la FRCivam Limousin, partie prenante duréseau. Le travail sur la valorisation des milieuxsemi-naturels (prairies humides, landes…)a de multiples intérêts, notamment en termesde protection des ressources naturelles, dedynamique territoriale… La diminution del’impact des fermes et la résistance aux aléasclimatiques ne sont qu’un aspect. » Et pasdes moindres. n

Hélène Bustos, Transrural

(1) Plus d’info sur le réseau, ses partenaires, les axes de tra-vail et les productions documentaires : www.agriculture-moyenne-montagne.org.(2) Compte rendu détaillé de cette journée d’échange dis-ponible sur le site : www.agriculture-moyenne-montagne.org.

Cultiver l’autonomie pour lutter contrele changement climatique

X \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Dossier

Pho

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DR

« Si toute notre démarche n’est pas orientée par la réduction des émissions deGES, nous constatons que les pratiques mises en place dans nombre de fermesdu réseau sont intéressantes sur ce point. »

La revue des territoires rurauxTransrural initiatives est une revue associative d’informationqui se propose de défendre et de promouvoir des espaces ruraux

aux multiples usages, où il est possible d’habiter, de se déplacer, de s’instruire, de se cultiver,de produire, de se distraire… en tissant des liens avec une grande diversité de territoires. Lamise en valeur d’initiatives, en phase avec l’actualité et avec les enjeux du moment, marquel’identité de la revue. Ces expériences locales doivent illustrer concrètement des alternativesau modèle de développement économique dominant, marqué par la mise en concurrencegénéralisée, la disparition des solidarités et l’exploitation aveugle des ressources naturelles.Transrural entend sortir de la morosité ambiante et invite à l’action.www.transrural-initiatives.org

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Lutter vraiment contre le changementclimatique, c’est nécessairement

travailler à une désindustrialisationgénérale de la production agricole, une

déconcentration et une relocalisationmassive de la production là ou elle est

consommée. Mais comment procéder ?

L’extraction et l’utilisation de gigan-tesques quantités d’hydrocarburespour produire et transporter les mar-

chandises industrielles et agricoles comp-tent pour une part essentielle dans le chan-gement climatique. Or, en décembreprochain à Paris, la plupart des représentantsdes États à la Cop 21 s’emploieront à nou-veau, vraisemblablement, à détourner lesyeux de ce fait indéniable. Comprendre lalogique de cette attitude irresponsable, c’estcommencer à agir ensemble pour dépasserles initiatives individuelles et reprendre leterrain politique abandonné aux intérêtsprivés et à leurs relais, de la fiscalité agri-cole aux accords de libre-échange, en pas-sant par les traités européens.

Au début du siècle passé, la production agri-cole s’est engagée sur le chemin pris par laproduction manufacturière une cinquan-taine d’années auparavant. La logique àl’œuvre n’a pas changé depuis lors. C’estd’abord une logique capitaliste : réduire lapart du travail humain dans le processus deproduction et concentrer dans les mainsd’un nombre restreint la richesse créée.C’est ce qu’expriment les incessantes com-plaintes de la Fnsea sur le « coût du tra-vail » et ses appels à « modernisation ».

C’est ensuite une logique industrielle qui,à la diversité des savoir-faire, aux singula-rités culturelles, pédoclimatiques et biodi-verses, substitue des procédures mécaniséeset des standards voués à l’universalité. La« convergence réglementaire » entre l’UEet les États-Unis dans le cadre du Tafta, pro-jet de grand accord commercial transat-lantique, participe de ce mouvement, dansle but affiché de s’imposer à l’ensemble dela production mondiale.

Enfin, cette logique est libérale : elle tendà abattre tout ce qui entrave son propredéploiement en étendant le principe demarché à tous les biens et constructions col-lectives. Cette « liberté », c’est celle deSofiprotéol-Avril à prospérer dans 22 paysou du groupe Bolloré à étendre ses champsde palmiers à huile en Afrique ou au Cam-bodge, au détriment des populations concer-nées et de leur souveraineté alimentaire.

Dans ce vaste mouvement d’industrialisa-tion et de libéralisation des échanges agri-coles, la production est affranchie de labase sociale qui en était le socle depuis desmillénaires.

Si l’agriculture paysanne résiste, sa capa-cité à subvertir les tendances dominantesreste contenue par l’attractivité des prixartificiellement bas de l’agriculture indus-trielle. Celle-ci, globalement ruineuse, socia-lise une part croissante de ses coûts (santépublique, dépollution, chômage, aides Pac,soutiens publics divers liés à l’état perma-nent de « crise », etc.). « Fournir une ali-mentation accessible à tous les revenus »devient un argument clé pour des promo-teurs de l’industrialisation dont le cynismeest sans limite.

Réorienter radicalement la PacUn projet de refondation de l’agriculture

ne peut ignorer le rôle de l’agriculture indus-trielle dans un ordre social de plus en plusinégalitaire. Il n’y aura pas de bifurcation pos-sible du modèle agricole sans prise encompte de son inscription sociale, sauf àcondamner les « alternatives » à des nichesde marché. On doit alors imaginer uneréorientation radicale de la Pac, qui iraitplus loin que le redéploiement des aidesaccaparées par l’agriculture de compéti-tion vers les agricultures relocalisées et d’in-térêt général. Cette nouvelle Politique agri-cole et alimentaire commune pourraits’inspirer d’initiatives qui se multiplient,notamment dans l’approvisionnement dela restauration collective en produits locaux

provenant de petites fermes en agriculturebiologique et paysanne. Une généralisationde ces démarches, impulsée par l’État, miseen œuvre par les collectivités locales etsoutenue par la Pac est à revendiquer etmettre en œuvre.

Mais comment ignorer que ce type devision contrevient radicalement aux dispo-sitions des traités européens, telle l’inter-diction des « clauses de localité » dans lesappel d’offres publics ? Comment attendred’une Commission européenne dont l’ins-piration libérale tient l’intérêt général pourune illusion collective, qu’elle accepte unetelle contradiction dans son hystérie déré-gulatrice? Qu’attendre du Parlement euro-péen quand celui-ci donne carte blanche àla Commission pour poursuivre la négocia-tion du Tafta? Comment tenir compte dansnos stratégies de la violence avec laquellel’expression démocratique du peuple Greca été bafouée ces derniers mois ?

Pourtant, désespérer n’est pas une option.L’urgence est d’abord d’empêcher l’adop-tion du Tafta : celle-ci entérinerait une pri-vatisation de la gouvernance à une échelletelle, qu’elle serait irréversible dans les délaisimpartis par l’urgence climatique. Et puis,c’est en marchant qu’on construit le che-min : reprendre du pouvoir en remportantce combat, peser à nouveau – enfin ! –contre ce qui nous est présenté commenotre destin par ceux et celles qui y ont inté-rêt, ce serait faire revivre un projet de sociétédémocratique. n

Emmanuel Aze, paysan dans le Lot-et-Garonne,

secrétaire national

Politique agricole Tafta ou climat, il faut choisir !

Dossier

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / XI

Le 10 juin 2015 : manifestation anti-Tafta devantle Parlement européen, à Strasbourg.

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Il ne suffira pas de délocaliser, d’aller pol-luer ailleurs, d’investir dans des espacesvierges sanctuarisés pour absorber les gaz

à effet de serre (GES) produits. C’est pour-tant l’objectif à peine caché des négocia-tions internationales, doublé d’une réflexionpoussée sur les possibilités d’en faire unvéritable business ! Tou.te.s les citoyen.ne.s,dont les paysan.ne.s que nous sommes, doi-vent profiter de la tenue de la conférencesur le climat à Paris, du 29 novembre au11 décembre (Cop 21), pour faire entendreque ça suffit ! Le climat n’est pas une mar-chandise !

Lorsque les chef.e.s d’États du monde seréunissent en conclave – autrement nommé« conférences des parties », ou « Cop » –ils et elles sont désormais tou.te.s d’accordsur la gravité de la situation et nous tirentles larmes avec des discours alarmistes etpathétiques. Pourtant, l’accord qui vise àcontenir le réchauffement en deçà de 2 °Cdoit seulement entrer en vigueur d’ici…2020 ! Heureusement qu’il y a urgence !

La Cop 21 est un jeu de dupes, mené parles règles outrancières du libéralisme. Elleest vouée à l’échec: l’accord international seraélaboré à partir de la somme des déclarationsd’intentions volontaires de chaque État. Au20 juillet, sur les 196 pays membres de l’Onu,seuls 46 avaient déclaré leurs intentions (1).Ce qui représente 58 % des émissions glo-bales (2). Si cette ligne-là est adoptée, entre57 et 59 gigatonnes d’équivalent CO2 serontémis d’ici 2030. Or, pour tenir l’objectif des2 °C – valeur limite avant un réchauffementtotalement catastrophique et extrêmementdangereux – il ne faudrait émettre « que »36 gigatonnes. Ce processus de déclarationvolontaire nous laisse donc plutôt sur la tra-jectoire des + 3 à + 4 °C!

Cette année encore, le modèle agricoleproductiviste, pourtant responsable d’unegrande partie des émissions des GES, nesera pas des discussions à Paris. Au contraire :de fausses solutions risquent d’être avan-cées, telle la cynique « agriculture climato-intelligente », concourant à la course effré-née vers une plus grande industrialisationde nos productions. Fausses solutions pourle climat, mais vraies opportunités pour lesfirmes agroalimentaires.

Certaines associations « amies » (Réseauaction climat, CCFD, Oxfam…) se battentà l’intérieur du cadre des négociations pour

que soit posée la question des modes deproduction de l’alimentation. Il est indis-pensable d’organiser dans le même temps,à l’extérieur de l’enceinte officielle, uneinterpellation citoyenne forte.

La Confédération paysanne a fait le choixde s’allier à un grand nombre d’organisa-tions pour renforcer la dynamique de mobi-lisations. La Coalition climat 21 regroupeainsi plus de 130 organisations de 37 pays,avec pour objectif commun de « contribuerà la création d’un rapport de force favo-rable à une action climatique ambitieuse etjuste, et à la transformation durable de toutesles politiques publiques afférentes ». LaConfédération paysanne porte « l’agricul-ture paysanne » comme vraie solution pourle climat en matière d’agriculture et de

production alimentaire. Plus qu’un projetagricole, l’agriculture paysanne est un pro-jet de société.

Aux côtés des paysan.ne.s de la Via cam-pesina venu.e.s du monde entier pour reven-diquer la souveraineté alimentaire et la jus-tice climatique, nous serons donc mobilisésdu 28 novembre au 12 décembre. Il estimportant d’être nombreux pour montreraux chef.e.s d’États réunis la volonté despeuples, pour proposer ensemble de vraiessolutions pour le climat, alternatives aulibéralisme, et pour s’organiser et continueraprès la Cop 21. Rien ne finit à Paris ! n

Annie Sic, paysanne dans les Alpes-Maritimes,

secrétaire nationale de la Confédération paysanne

(1) dont les 28 pays de l’UE.(2) source : London School of Economics.

Changeons le système, pas le climat !Aujourd’hui, plus de doute : les activités humaines influencent les évolutions du climat ! Un changement profond de systèmeparaît nécessaire, qui prenne en compte l’ensemble des humains et de la planète.

XII \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Dossier

Dates de mobilisation• Marches pour le climat, les 28 et 29 novembre : mobilisons-nous partout dans le mondepour faire entendre la voix des paysans et paysannes !• Village mondial des alternatives, à Montreuil (93), les 5 et 6 décembre : marché paysan, confé-rences, ateliers… La Confédération paysanne et la Via campesina seront présentes !• Journée de l’agriculture paysanne et de la souveraineté alimentaire, le 9 décembre : à la Zoned’action climat au Centquatre, à Paris (XIXe), pour échanger avec les paysans et paysannes deFrance et du monde.• Action de masse, le 12 décembre : toutes et tous à Paris pour avoir le dernier mot ! Nousserons présent.e.s pour renforcer la résistance contre les fausses solutions et défendre la sou-veraineté alimentaire !Plus d’informations : http://coalitionclimat21.org

Comme l’an dernier à Lima (Pérou) pour la Cop 20, une forte délégation de la Via campesina sera présenteet active à Paris lors de la Cop 21.

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Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 11

La pêche et le changement climatiqueDéjà soumise à une industrialisation dégradante, la pêche, dans tous ses aspects, n’échappe pas au changement climatique.La situation est même très critique. Elle oblige à des actions rapides, radicales et déterminées.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la capa-cité limitée des bateaux et des appa-raux de pêche a favorisé une dispo-

nibilité permanente de la ressourcehalieutique répondant aux besoins natu-rels des populations. La machine à vapeurva entraîner l’augmentation de la tailledes bateaux, de leur puissance, de leurcapacité de pêche et l’accroissement deszones de pêche à l’ensemble de la pla-nète, avec la création d’une industrie domi-née par les pays occidentaux. L’évolutionsera accélérée par le développement de laconserverie, des machines à glace, puis dela congélation. À partir de 1960, desaccords vont être mis en place pour unepêche exportatrice entre les états du Nord,Japon, Corée et les états du Sud ayant des

ressources importantes. Ce qui se traduirapar un véritable transfert de la rente aqua-tique : le Sud fortement exportateur nour-rissant la « demande insatiable » desclient.e.s au Nord (plus de 80 % des impor-tations de produits aquatiques). Ce sera,avec les progrès techniques, le début del’épuisement de la ressource par lesbateaux-usines (congélation immédiate),le chalutage intensif, les immenses filets(5 à 6 km), le poisson fourrage (1) trans-formé en farine pour nourrir les élevagesde poissons (2), de crevettes et volailles.

La production halio-aquacole va connaîtreune formidable croissance, de 20 millionsde tonnes au début des années 1950 à

quelque 148 millions en 2010, dont 128pour la consommation humaine, soit18,4 kg/personne (3).

Dans le même temps, le climat se dégrade.L’atmosphère terrestre s’est réchauffée de0,74 °C depuis un siècle, phénomène lié àl’activité humaine. Cela peut semblerminime, mais les conséquences de ce« petit » réchauffement sur les écosystèmessont déjà importantes. Sur le milieu marin,elles se font déjà sentir. L’élévation du niveaude la mer est de 19,5 cm depuis 1870, cequi provoque des bouleversements auniveau de la bande côtière. Les courantsmarins se modifient, les épisodes de ventsforts et de hautes vagues sont en augmen-tation en Atlantique Nord-Est.

Mais, il y a plus grave. Un quart desémissions de CO2 est absorbé par lesocéans et, comme la concentration de cegaz n’a fait qu’augmenter, la quantité absor-bée a augmenté également, entraînantl’acidification de l’eau. Cette acidificationa un effet dévastateur sur la conchylicul-ture, sur les coquillages sauvages, le planc-ton et les récifs coralliens.

Le réchauffement climatique raréfieaussi l’oxygène dissous dans l’eau desocéans, lequel est pour les poissons néces-saire à leur développement. Les conclu-sions d’une étude (4) de l’impact duréchauffement sur plus de 600 espècesde poissons pour la période 2001-2050

montre que dans l’ensemble, le poidsmaximal moyen des poissons pris encompte devrait diminuer de 14 % à 24 %entre 2001 et 2050. C’est l’océan Indienqui serait le plus touché (24 %), suivi del’Atlantique (20 %).

Les masses marines européennes ont déjàgagné 1 °C en 30 ans. En conséquence, onassiste à un changement de la distributiondes aires de répartition des poissons. Au largede la Normandie ou dans le Golfe de Gas-cogne, les pêcheuses et pêcheurs ont déjànoté les changements: présence de nouveauxpoissons (rougets) et raréfaction d’autreshabituels (cabillaud et colin). Les espècesremontent à des latitudes plus élevées, onvoit plus de poissons au Nord et des stocksqui se dégradent au Sud ; mais jusqu’où

vont-ils pouvoir monter? Qu’ensera-t-il pour les zones polaires,celles où le réchauffement serale plus marqué?

Les pays tempérés pourraientvoir dans un premier temps lesrendements des pêcheries aug-menter de 30 à 70 % d’ici à2055, quand celles des pays tro-picaux chuteraient de 40 % (5).Les effets sur l’alimentation despopulations du Sud et en par-ticulier les plus fragiles, pour-raient être catastrophiques etentraîner des crises politiquesmajeures.

Le secteur de la pêche estdonc bel et bien en premièreligne sur le front du réchauf-fement climatique. Les dégâtsimportants déjà constatés et

prévus constituent la meilleure motiva-tion pour s’employer avec déterminationà trouver les bonnes réponses aux enjeux.Il y a – convenons-en – urgence. De plusen plus de pêcheurs, pêcheuses et autrespaysan.ne.s de la mer en sont bienconscient.e.s. n

Georges Baroni,

paysan dans le Var,

commission « Agriculture et climat »

(1) Environ 25 à 30 % de la pêche mondiale.(2) 1 kg de poisson d’élevage nécessite 3 à 7 kg de poissonfourrage.(3) Cela correspond à un CA de 217,5 milliards de dollars(177 M d’euros), source FAO 2010.(4) Nature Climate Change, 2007.(5) Sandrine Vaz, Ifremer et J.-François Soussana, Inra.

Dossier +

Ostréiculteur en Oregon (États-Unis). Depuis 2007, les conséquences de l’acidification de l’océan se font fortement sen-tir sur la côte du Nord-Ouest des États-Unis, provocant des pertes pouvant atteindre 80 % de la production d’huîtres.

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Internationales

12 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Ils travaillent dans les champs, au Suddu Portugal. Ils viennent du Bangladesh,embauchés par une entreprisespécialisée dans la main-d’œuvresaisonnière et migrante. Malgréles niveaux de chômage élevés dansle pays, peu de Portugais acceptentces travaux durs, mal payés et précaires.

Je rencontre Carla lors d’une rencontreen défense des semences libres dansl’Alentejo, au Sud du Portugal. Lorsque

je lui explique ce que je fais dans ce pays,que je cherche à mieux connaître la situa-tion des travailleurs migrants dans l’agri-culture, elle me parle aussitôt de ces tra-vailleurs qui vivent dans des conteneurs aubord de la route, près de chez elle. Ça l’in-trigue, elle voudrait leur parler pour ensavoir plus. Voilà, c’est dit : on se donne ren-dez vous deux jours plus tard pour y allerensemble.

Carla est paysanne à Ferreira do Alentejo,au cœur de la principale région agricole duPortugal, une des premières zones irriguéespar le nouveau barrage d’Alqueva, la plusgrande retenue d’eau artificielle d’Europe.Avec sa production bio et diversifiée (bovins,pois chiches, produits artisanaux à base detomates et huile d’olive), elle fait figure d’ex-ception au milieu d’une région où prédo-mine la monoculture d’olivier intensive et« super-intensive », ce mode qui adapte lestechniques de la viticulture et permet demécaniser totalement la production. Elleaussi embauche des saisonniers étrangers :deux Roumains, installés dans la région

depuis plusieurs années, qui viennent pen-dant la cueillette des olives prêter main-forteaux quatre personnes travaillant sur la ferme(elle, son mari, et deux salariés perma-nents). On se dépêche d’aller là où logentles travailleurs dont elle m’avait parlé. Ilsnous attendent : elle y est passée la veille etils repartent aujourd’hui, après le déjeuner.

Dès notre arrivée, plusieurs hommesviennent à notre rencontre, joviaux,accueillants. On se salue, ils sortent deschaises en plastique qu’ils disposent enrond, nous invitent à nous asseoir. Carlaleur explique qu’elle doit aller à des ren-dez-vous en ville, elle reviendra en fin dematinée. Je reste. C’est surtout Abdul quiprend la parole et traduit parfois ce quedisent les autres : il parle mieux anglais, afait des études, il était ingénieur agronomeau Bangladesh…

Ils sont ici depuis octobre, à travaillerdans les champs d’oliviers : pour la récolte,puis pour installer des nouveaux pieds,dans un grand domaine de 1 800 hectaresappartenant au groupe espagnol Âncora.

80 % de l’huile produite dans l’Alentejo parcette entreprise est exportée, principale-ment vers l’Espagne et l’Italie. Le travail estterminé depuis quelques jours. En cemoment, ils ne sont plus que 22 sur place,presque tous originaires du Bangladesh,mais jusqu’à la semaine dernière ilsétaient 135.

Des conteneurs au milieudes champs

Ceux-là sont les derniers à partir. Ils viventdepuis six mois dans cette étroite bande deterre au milieu des champs, entourée de bar-rières, coincée entre un hangar de stoc-kage et la route, où sont posés une quin-zaine de conteneurs. Quand un camionpasse sur la route, on n’arrive plus à s’en-tendre. « On dort à six dans chaque conte-neur. Maintenant ça va, mais quand il y avaittout le monde c’était pas facile, c’est petit icipour 130 personnes… », dit Abdul.

Ces travailleurs, tous des hommes, sontarrivés en Europe il y a quelques mois ouquelques années. Au Bangladesh, explique

Exploitation de 1 800 hectares d’oliviers du groupe Âncora, au cœur de l’Alentejo. Le modèle intensif, tournévers l’exportation, a besoin d’une importante main-d’œuvre saisonnière, et malgré les niveaux de chômageélevés, peu de Portugais acceptent ces travaux durs, mal payés et précaires.

« L’agriculture, laboratoire d’exploitation des travailleursmigrants saisonniers »C’est le titre d’une brochure de 28 pages, publiée en août, qui dresse le bilan de dix ans detravail dans le cadre du programme « Agriculture paysanne & travailleurs migrants saison-niers » porté par la Confédération paysanne et Échanges et Partenariats. C’est une sommede constats et d’analyses sur le terrain (ici en Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce,Pays-Bas, et Royaume-Uni) d’une Europe qui s’est laissé – docilement ou avidement – entraî-ner dans la tourmente d’une compétition mondiale où, par définition, il y a bien peu de gagnantsmais beaucoup de perdants.La brochure est téléchargeable gratuitement sur :www.confederationpaysanne.fr et : www.agricultures-migrations.org

Portugal« Quelque chose, c’est mieux que rien du tout »

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Ashan qui en est parti il y a deux ans, cen’est pas possible de vivre : « Il y a trop demonde, c’est à peine plus grand que le Portu-gal et on est 160 millions. » Surtout, c’est lemanque d’opportunités et les difficultéséconomiques qui les ont fait partir : le salaireminimum y est d’environ 15 euros parmois, un peu meilleur depuis peu dans lesecteur textile, autour de 50 euros mensuels.Certains évoquent aussi la corruption géné-ralisée, ou encore l’insécurité. Ici, ils sontpayés au salaire minimum, 505 euros parmois, pour des journées de 8 heures, et leursheures supplémentaires, s’il y en a, sontdéclarées et payées. Ce qui est loin d’êtretoujours le cas pour les travailleurs agricolessaisonniers.

C’est mieux qu’au Bangladesh, mais mêmes’ils ne payent pas de loyer, entre la nour-riture, les habits qui s’abîment avec lestravaux agricoles, les communications pourparler à leur famille, à la fin il ne leur restepas grand-chose. Certains, surtout, consa-crent la plus grande partie de leur maigresalaire à rembourser la dette contractéepour le passage en Europe, ce qui peutprendre plusieurs années. Et bien sûr, ilsenvoient dès que possible de l’argent àleurs familles. « Au Portugal tout est bien.Les gens sont tranquilles, on peut avoir despapiers. Le seul problème, c’est l’argent »,résume Abdul.

S’ils sont venus au Portugal plutôt quedans un autre pays de l’Union européenneoù ils auraient pu espérer de meilleurssalaires, c’est avant tout pour obtenir despapiers. Nombreux sont les migrants qui

ont d’abord tenté leur chance en Allemagne,en France ou en Belgique. Mais lassés degalérer, d’être « sans-papier », ils sontensuite venus au Portugal à la recherched’un peu plus de stabilité. En effet, les loissur l’immigration y sont sur certains aspectsmoins restrictives que dans la plupart desautres pays de l’UE. Elles permettent par-ticulièrement la régularisation par le travailpour les immigrés en situation irrégulière :en prouvant une activité professionnellerégulière et continue d’au minimum 6 mois,il est possible d’obtenir une autorisation derésidence. L’agriculture est l’un des sec-teurs où ils peuvent espérer trouver du tra-vail : le modèle intensif qui se développe,tourné vers l’exportation, a besoin d’uneimportante main-d’œuvre saisonnière, etmalgré les niveaux de chômage élevés, peude Portugais acceptent ces travaux durs, malpayés et précaires.

Travailler coûte que coûteMais la contrepartie de cette promesse de

régularisation, c’est que les migrants ontbesoin de travailler, coûte que coûte : unseul mois sans travailler, sans cotiser à la sécu-rité sociale, et le décompte des six moisnécessaires à la régularisation repart à zéro.Cela oblige à se plier aux conditions desagences d’intérim, à accepter tout ce qu’ellesproposent. Ces travailleurs sont embauchéspar une entreprise de travail temporaire spé-cialisée dans l’agriculture, et ils parviennentgénéralement à avoir du travail toute l’an-née. Dans les oliviers, c’est très dur, mais c’estlà qu’ils trouvent du travail en hiver.

Cet après-midi, un bus de l’entreprise quiles embauche va passer pour les emmenerdans le sud du pays, à Tavira, pour lacueillette des framboises : « On se déplaceselon les saisons et les contrats que l’entreprisepasse avec des sociétés agricoles. » Ils ne sontpas mécontents de leur situation, ça pour-rait être mieux pour les salaires, beaucoupont déjà pu obtenir une carte de résidencetemporaire : « On a besoin de travailler, mêmesi c’est pas l’idéal. Quelque chose, c’est mieuxque rien du tout. »

Carla revient de ses rendez-vous et sejoint à la discussion, parle un peu de saferme. Les Bangladais essayent aussi desavoir si elle aurait du travail pour eux.Pas pour tous, au mieux une ou deuxpersonnes, et seulement quelques moisplus tard dans l’année. Ils prennent sonnuméro de téléphone avant que nousrepartions.

Les grands groupes agro-industriels par-viennent à obtenir des coûts de productiontrès bas en exploitant les travailleurs, consi-dérés du seul point de vue comptablecomme une variable d’ajustement parmid’autres. C’est pourquoi ils recourent lar-gement à une main-d’œuvre immigrée etprécaire : les inégalités économiques mon-diales et les politiques migratoires poussentces femmes et ces hommes à accepter detravailler malgré des conditions parfois dif-ficiles et une rémunération minime. Obli-gés de s’aligner sur les prix extrêmementbas de l’agro-industrie qui mettent en dan-ger leurs revenus, les petits et moyens pay-sans souffrent aussi indirectement de cette

exploitation.Sur le chemin du retour,

Carla et moi échangeons nosimpressions sur la rencontre,et on discute du travail agri-cole. « On parle d’exploitationdes travailleurs, mais dansl’agriculture il y a beaucoup deboulot, et il faut le faire aumoment où il doit être fait. Onne compte pas nos heures, çademande beaucoup de travailpour en vivre, vu le prix auquelon arrive à vendre nos pro-duits. » n

Clément Fraisse,

Mission « Travailleurs migrants

saisonniers » – Portugal

Volontaire pour

la Confédération paysanne

Programme « Échanges

et Partenariats » – 2015

http://ep.reseau-ipam.org

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 13

Internationales

Dans le sud du Portugal,à Tavira, pour la cueillettedes framboises : « On sedéplace selon les saisons etles contrats que l’entre-prise passe avec des socié-tés agricoles. »

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Frappés comme tant d’autres par la criselaitière de 2009, Véronique et FrédéricKaak ont fait évoluer leur ferme versdavantage d’autonomie. Ils onttémoigné de leur parcours en débutd’année, lors d’une journée d’échangesde l’association Agriculture durablede moyenne montagne (cf. dossier p. X).

Frédéric et Véronique Kaak : « Noussommes éleveurs de bovins lait, sur66 hectares, en Haute-Vienne,

membres de l’Association pour le déve-loppement d’une agriculture plus auto-nome (réseau Civam). En 2009, au momentde la crise du lait, nous nous sommes aper-çus de la fuite en avant dans laquelle nousétions engagés ; nous avions perdu lecontrôle de notre outil de production. Laquestion de tout arrêter s’est posée. Nousnous sommes alors demandés : “Que vou-lons-nous vraiment ?”

Nous avons remis en germe un ancien pro-jet de transformation fromagère, en com-mençant par aller voir ce qui se faisait

ailleurs dans le Massif Central. Ces visitesont entraîné une grosse remise en question;nous avons tout remis à plat. Cela n’a pasété simple, nous avions des marges demanœuvres limitées. En 2010, lorsquenous avons commencé à participer à desréunions et journées d’échange sur l’herbeet le pâturage, c’était un peu bizarre : “Onva nous apprendre à cultiver de l’herbe ?”.Nous nous sommes lancés dans la maxi-misation du pâturage, nous avons lâchénos repères (notamment sur le stock pourpasser l’hiver)… Nous avions de grossescraintes techniques, sur l’aspect “santé ani-male”, mais ça s’est bien passé.

En quatre ans, nous avons opéré unerévolution des petits riens et avons finale-ment divisé par deux la quantité de lait pro-duite et par trois les charges opération-nelles. Les dépenses d’aliments et les fraisvétérinaires ont eux aussi drastiquementdiminué. Le prochain poste à travailler estla consommation de carburant.

Les craintes techniques sont dépassées,nous avons plus de temps libre, un sys-

tème beaucoup plus simple et avec la ges-tion en paddocks nous prenons le tempsde nous balader avec les vaches dans leschamps. Nous nous demandons pour-quoi nous n’avons pas mis en place un telsystème avant ? Nous avons aujourd’huiun salarié à temps plein sur la structure.Nous sommes allés sur un système que l’onne connaissait pas, et avec 45 000 eurosd’annuités par an, nous n’avons pas ledroit à l’erreur. Mais nous avons été accom-pagnés dans la réflexion sur les paddockset le redécoupage des parcelles. L’appui duCivam a été le pilier de nos changements.La réaction des vaches a, elle aussi, été undéclic. »

Véronique Kaak : « J’avais envie de fairedu fromage depuis longtemps. Nous avonsété voir des fermes, des “petits systèmes”qui vivaient bien. Il a fallu le voir pour lecroire ! En 2009, j’ai appris la transforma-tion fromagère au CFPPA d’Aurillac. À cetteépoque, Frédéric voulait tout arrêter, maismoi j’étais boostée, et nous avons pris lerisque de vendre des vaches, d’installer unlaboratoire. La transformation nous a aidésà changer notre lait et à aller vers plus dequalité. Aujourd’hui, nous écoulons toutesnotre production sur un marché (les Kaaktransforment entre 15 et 20 % du lait pro-duit sur leur ferme, cf. encadrés). » n

Merci à la Fédération régionale des Civam

du Limousin et à l’Adear du Cantal pour

l’autorisation de reproduction de cet article paru

dans La lettre des paysans du Cantal, bimestriel

de la Confédération paysanne du Cantal

(n° 158, août-septembre 2015).

Haute-Vienne Changer de système d’élevagepour résister à la crise

Agriculture paysanne

14 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Chronologie1994 : Installation de Frédéric dans un bassin laitier intensif où 4 millions de litres de laitsont produits à l’année par 8 fermes.2003 : Installation de Véronique. Quota laitier de 400 000 litres.2006 : Réalisation de lourds investissements de mise aux normes2009 : Crise du lait. Les Kaak produisent à cette époque 720 000 litres de lait. On leur conseillede produire encore plus de lait pour s’en sortir.2010 : Première participation à une journée sur l’élevage à l’herbe, du réseau Civam.Aujourd’hui : Les Kaak produisent 275 000 litres vendus en laiteries et 50 000 litres trans-formés sur place en fromages vendus en vente directe. Une conversion bio est en cours.

Système en 2008 :• 66 hectares de SAU• 684 000 litres de lait produit• Charges opérationnelles : 155 €/UGB• Achats de 50 000 € de concentrés• Frais vétérinaires : 12 000 €• 2 UTH• Prélèvement privé : 9 000 €Système en 2013 :• 66 hectares de SAU• 275000 litres de lait produit + 35000 litresmini transformés• Charges opérationnelles : 95 €/UGB• Pas d’achats de concentré• Frais vétérinaires : 1 600 €• 3 UTH• Prélèvement privé : 35 000 €

Véronique et Frédéric Kaak témoignent de l’évolution de leur ferme lors de la Journée d’échange sur l’agri-culture économe et autonome en Massif Central, le 20 janvier 2015, à Lempdes (63), organisée par l’asso-ciation Agriculture durable de moyenne montagne (ADMM) - www.agriculture-moyenne-montagne.org

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Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 15

Olivier Laurençon et ses parentsélèvent et engraissent 250 à 300 porcschaque année, dont la grande majoritéest transformée sur place en produits

charcutiers. À la ferme, la boutiqueCôte à Côte vend la production, ainsi

que celle d’un élevage local decharolais.

Installé avec ses parents depuis cinq ans,Olivier Laurençon, par sa jeunesse et sonénergie, a confirmé l’élan déjà initié à l’ex-

ploitation. «Mes parents étaient naisseurs, maisavaient toujours eu environ 10 % de la produc-tion qui était engraissée sur paille et vendue àun boucher. Ils ont misé sur la qualité, et ils onteu raison. Et mon père, ce qu’il voulait, c’estavoir le plaisir de travailler. » Alors que les labelsconcernent des porcs vendus à six mois etdemi, chez les Laurençon, les bêtes menéesà l’abattoir ont huit mois et affichent entre 150et 180 kg. « Nous ne sommes pas du tout surle même créneau. Nous faisons de la qualité,nous adaptons le prix à notre travail, et la bou-tique tourne. » Aujourd’hui, la ferme n’est pastouchée par la crise.

Après son BTS Acse (analyse et conduitede systèmes d’exploitation), Olivier rêvaitde développer la commercialisation : « Jeme suis installé paysan parce que nous élevonsdans de bonnes conditions et que nous assu-rons la commercialisation. Je ne suis pas sûrque je me serais installé s’il y avait juste l’éle-vage. » Dorénavant, à la ferme, 250 à 300porcs sont engraissés chaque année : unecinquantaine est vendue aux bouchers, les250 restants sont vendus sur place.

« Pour transformer et vendre, nous avons crééune SARL (1). » La ferme des Laurençon s’as-socie au Gaec des Badons qui produit ducharolais, viande bovine d’excellente qualité.« L’entité transformation et vente est bien distinctede la ferme. Cela permet de transformer excep-tionnellement pour d’autres. C’est alors une pres-tation de service, et le paysan qui fait transfor-

mer reste propriétaire de ses bêtes. » Pour créerle laboratoire et la boutique, 300000 eurosd’investissement ont été nécessaires.

« Le magasin à la ferme – Côte à côte – n’estpas sur le bord de la route, il faut faire venirles clients, mais lorsqu’ils sont venus une fois,ils reviennent. Sans la qualité, ils ne feraientpas le trajet jusqu’à la ferme. »

Pour satisfaire une demande croissante,Côte a côte propose des colis de bœuf cha-rolais, de porc, mais aussi de la volaille etdes colis de veau de lait sous la mère. « Nousavons lancé une petite production de volailles,et ça prend bien. Pour le veau, c’est bien simple,ou nous trouvons dans une ferme voisine desveaux de qualité, réellement élevés sous lamère, ou nous n’en vendons pas. Et les clientscomprennent très bien. »

Les 70 hectares de céréales cultivées nour-rissent les cochons. « Pour le charolais, c’estpareil, la ferme des Badons travaille sansOGM, avec du local. Deux ou trois fois paran, nous faisons visiter notre ferme aux clients.

C’est important, qu’ils voient les conditionsd’élevage, dans ce qui est bien, comme dansce qui peut les surprendre. Nous sommes clairsavec eux, on s’y tient. »

Aujourd’hui, le projet fait travailler troispersonnes à la ferme, un boucher– « Damien, super qualifié », précise Oli-vier –, et deux autres personnes à mi-temps,« dont mon frère, qui va s’installer pour rem-placer mon père sur la ferme, puisque celui-ci part à la retraite bientôt. On fait tout : pâtés,saucissons, jambons, conserves et plats pré-parés. Les volailles sont abattues à une tren-taine de kilomètres d’ici, et les porcs à Vichy,à peine plus loin, une fois par semaine. »

Pour l’avenir, Olivier rêve « d’un maximumd’autonomie dans la commercialisation » etde continuer son bonhomme de chemin,avec la qualité comme résultat. n

Article de Sonia Reyne,

journaliste au Paysan d’Auvergne

(n° 3002, 4/9/2015)

(1) Société à responsabilité limitée.

Agriculture paysanne

Puy-de-DômeCôte à côte : deux fermes et une boutique

Point de vueFace à la crise du porc, la vente directe ou le passage au bio sont-ils des solutions ?« Quelques éleveurs font de la vente directe mais la généralisation est inenvisageable. (...)Aujourd’hui, avec 70 % de la production dans l’Ouest et vue la consommation en région pari-sienne, la vente directe ne peut pas être un phénomène de masse.À nos yeux, le plus compétitif, c’est l’élevage lié au sol. Dans ce système, un éleveur possèdeune truie pour un hectare de terre. Il produit des céréales pour ses animaux, il est autonomeet le lisier, qui est un déchet à traiter pour les autres éleveurs, devient pour lui un engrais,donc une richesse. Il faut limiter la taille des élevages, et mieux les répartir sur le territoire.Si on avait développé cela, on n’aurait pas les problèmes de qualité de l’eau qu’on a aujour-d’hui. La bonne taille, c’est d’avoir 200 truies par élevage, pour que les gens puissent travaillerà deux ou à trois sur une exploitation, se relayer et prendre un peu de vacances. »

Pierre Brosseau, éleveur de porc en Loire-Atlantique,

responsable de la commission nationale « porc » de la Confédération paysanne

Source : Le Monde, 2 septembre 2015 (extrait)

Une boutique à la fermeLa boutique Côte à Côte se trouve au Masde Davayat, près de Riom et à une ving-taine de kilomètres de Clermont-Ferrand,dans le Puy-de-Dôme (63).Horaires : Vendredi : 9 heures – 12 heures,15 heures – 19 h 30Samedi : 8 heures – 13 [email protected] – www.cote-a-cote.fr

Olivier Laurençon dans sa porcherie. Les porcs sont nourris à 85 % avec des céréales issues de l’exploita-tion : « Nous tenons à ce qu’elles soient exemptes d’OGM et les traitements de nos champs sont réduits austrict nécessaire. Par ailleurs, les compléments incorporés aux rations sont sélectionnés, de qualité supérieureet également sans OGM. Le broyage et le mélange des rations, adaptées à chaque âge, sont réalisés sur l’ex-ploitation. »

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Humeur

Con-gestion

ÀSaint-Quay-Portrieux, dans les Côtes-d’Armor, capitale de la coquille Saint-Jacques, des millions de coquilles

vides sortent chaque année d’une usine dedécorticage. Dix millions d’entre elles sontenvoyées en Chine pour être nettoyées avantde revenir se faire garnir… en Bretagne.Interrogé sur cette curieuse conception del’économie circulaire par le quotidien LeTélégramme de Brest, le vice-président del’usine de décorticage explique doctement :« C’est une question de coût, on ne peut guèrefaire autrement… »

En mer du Nord, les crevettes grises sontcuites à bord des bateaux de pêche puis ven-dues à la criée. Le problème, c’est qu’il fautdécortiquer ces délicats Crangonidaeà la main,nulle machine n’arrivant à réaliser correcte-ment cette manipulation. Elles sont alors trans-portées vers le… Maroc, par camion frigori-fique. Là, elles sont livrées dans de grandesstations de décorticage à des milliers d’ouvrièreséplucheuses. Ensuite, les crevettes baladeusessont renvoyées vers Ostende ou la Hollande.

Les magasins de bricolage français ven-dent du parquet de chêne chinois. Or il y a

assez peu de chênes en Chine ! D’où vientalors ce bois? Très souvent de… France, oùdes entreprises chinoises achètent des grumesenvoyées ensuite en Chine pour y être débi-tées en parquet, rapportées en France afind’être vendus en grandes surfaces.

Tunnel du Mont-Blanc, 24 mars 1999. Unsemi-remorque prend feu à 7 km de l’entréefrançaise du tunnel. L’effroyable incendie dura53 heures, provoquant la mort de 39 per-sonnes. L’enquête a révélé que ce camion étaitchargé de farine et de margarine belge expé-diée en Italie pour y être simplement embal-lée, avant que les paquets de margarine nerepartent pour être vendus en… Belgique.

Des exemples parmi d’autres d’allers-retoursaberrants sur des milliers de kilomètres parcamion ou par conteneur, dont la justifica-tion n’est même pas l’acheminement d’unproduit exotique ou de contre-saison!

Des allers-retours très consommateurs de car-burants (le gazole des camions, le fioul lourddes tankers ou porte-conteneurs), fortementémetteurs de gaz à effet de serre et de polluantshautement toxiques. Des allers-retours renduspossibles par un coût du transport ridicule-

ment bas : envoyer 20 kg par conteneurduHavre à Shanghai ne revient qu’à 1,50euro,moins cher qu’un ticket de métro parisien.

Face à cette effarante circulation des mar-chandises à travers la planète, la baisse du prixpétrole est une mauvaise nouvelle. Elle ne feraque renforcer encore la justification de telstransports pour, nous dit-on, des « impéra-tifs économiques », dévoyant une fois de plusla signification du mot « économie ». À l’ori-gine, le mot grec ancien oikonomía signifie« gestion de la maison ». Or faire voyager surdes milliers de kilomètres des coquilles, descrevettes, du chêne et de la margarine poursimplement les ramener à leur point de départen exploitant des ressources naturelles, l’at-mosphère et des êtres humains ne relève enrien d’une saine «gestion de la maison», maisd’une malsaine congestion de la planète.

« Congestion » que l’on serait très tenté, faceà ces absurdités, d’écrire en deux mots… n

Thierry Salomon, ingénieur énergéticien,

un des promoteurs en France du concept de négaWatt

(article paru dans la Maison écologique n° 82,

www.lamaisonecologique.com et reproduit dans

Campagnes solidaires avec l’assentiment de l’auteur)

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Page 29: CS 310.qxd:CS actu 245 - Confédération Paysanneconfederationpaysanne.fr/sites/1/cs/documents/CS_complets/Camp... · Sylvain Malgrange, Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Geneviève

Le numéro de Campagnes solidaires que vous êtesen train de lire a été diffusé à plus de 10 000destinataires, près du double de la diffusion habituelle.Nous avons bénéficié pour cela d’un financementde la Commission européenne dans le cadrede la campagne Envie de paysans !, dont la troisièmesaison bat son plein actuellement.Si vous êtes abonné.e du mensuel de la Confédérationpaysanne, vous avez l’habitude de nous lire et,nous l’espérons, d’apprécier nos articles, peut-êtremême d’avoir envie d’en proposer un au comitéde publication ([email protected]).Si vous n’êtes pas ou plus abonné.e, nous vousinvitons vivement à le devenir. S’abonner, dans unmonde où les pensées néolibérales et réactionnairesne manquent pas de relais médiatiques, c’est trouverchaque mois d’autres informations, analyses,propositions et initiatives, c’est soutenir un journalportant dans le champ de l’agriculture,de l’alimentation et de la ruralité d’« autres mondespossibles ».Merci pour votre attention, votre soutien…et votre fidélité !

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TARIFS : Annuel (11 numéros) : 45 €6 numéros : 24 €Soutien, collectivité et étranger: 60 € (ou plus)

Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

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Annonces

18 \ Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015

Emploi - stages - formation

Offres• Loire - L’association SOS Solida-rité Paysans recrute un.e média-teur/trice rural.e pour l’accompa-gnement et suivi des agriculteursen difficultés et de leurs familles enbinôme avec un ou des bénévoles- Bac + 2 mini - Exp. appréciées dansle travail auprès de publics en dif-ficultés - Exp. souhaitées du milieuagricole et rural - Exp. appréciéesen milieu associatif - CDD1/12/2015 au 31/7/2016, avec pos-sible évolution en CDI (se rensei-gner sur son accès à un éventuelemploi aidé) - 21 heures hebdo -1179,91€ mensuel (brut) - Dépla-cements fréquents, permis VL etvéhicule indispensables - Poste baséà Feurs, déplacements sur l’en-semble du département + dépla-cements en région - Poste à pour-voir le 1/12, date limite pour l’envoides candidatures le 15 octobre à :[email protected]• Lot - La Maison des semencespaysannes du Lot recrute un.e ani-mateur/trice technique - Suivi deparcelles de porte-graines, nota-tions agronomiques, animationréseau de paysans et de jardiniers,gérer les stocks de graines de lamaison… - Bases agronomiquessolides - CDD à temps partiel(20 heures/semaine) - Basé à Assier- Permis B - Éligible CAE - Candi-dature par courriel avant le23 octobre (embauche décembre oujanvier) : [email protected]• Toutes régions - Cherche emploiou stage sur une ferme en maraî-chage pour y travailler et complé-ter mes connaissances pour unedurée de 6 à 12 mois - J’ai 25 ans,ai fait 4 ans d’apprentissage dansle maraîchage bio en Allemagne, j’aiaussi travaillé dans les plantesmédicinales pendant 18 mois. J’ai-merais approfondir mes connais-sances si possible aussi dans lescultures de fruits. Je souhaite tra-vailler dans une petite structure,de préférence, qui travaille avecune amap ou fait de la vente directeaux consommateurs - [email protected]• Toutes régions - Berger en été etouvrier d’élevage en hiver, je

recherche un poste en élevage surtoute la France - Je suis polyvalentsur tout type d’élevage, en parti-culier ovins, caprins, bovins, che-vaux - 0612057452• Sud-Est - H 49 a, seul, ch. emploichez un éleveur chevrier de 42-50 a, qui serait seul sur son éle-vage d’Alpines ou de Roves, tra-vaillant dans la tradition et lapassion des sonnailles, plutôt surVar, Bouches-du-Rhône ou Vaucluse- Accepte tout contrat, projet decollaboration souhaité jusqu’à 100chèvres - 06 47 29 35 70 (jusqu’à23 heures)• Toutes régions (montagne) - Ber-gère depuis 25 ans, je rechercheun emploi en brebis ou chèvres,élevage bio, à plein-temps ou mi-temps - Pour l’automne ou l’hiver- Véhicule et chien - 0641346511

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Offre• Rhône - Transmission de notreferme spécialisée en production ettransfo de noisettes - Verger 11 ha,irrigation localisée, réserve colli-néaire - Installations et équipe-ments récolte, séchage, condition-nement et atelier transfo (spécialitésaux noisettes) - Vente en magasinsproducteurs - Idéal couple, statutEarl (parts sociales à acheter) avecbail LT sur 80 % surface + locationbâtiments et étang - Possibilitéextension verger ou productioncompl. sur nouvelles parcelles de1,4 ha. + création 2° étang - Accom-pagnement à la transmission avantdépart en retraite en 2016 - [email protected] -0687815660• Landes - Vente de terres pourporteur(s) de projet(s) en agricul-ture bio - Entre Dax et Mont-de-Marsan, parcelles regroupées - Unlot d’un seul tenant avec terres(6,2 ha) et un enclos bâti à réno-ver (avec maison d’habitation nonhabitée depuis des années etgrange 170 m²), étang à proximité,électricité - 50 ha concernent desparcelles bien regroupées se prê-teraient à de l’élevage à l’herbe [email protected] -09 70 20 31 32 - gbordes. [email protected] -0558987192

• Nièvre (Sud Morvan) - Causeretraite (départ 2016), GFA vendexpl 50 ha - Différentes possibili-tés envisageables : cession de partsou vente bâtiments et/ou prés -Ovins viande, petit atelier vaches lai-tières, transfo, vente directe, poten-tiel bois sur l’exploitation - Pourque ne meure pas un petit lieu devie au milieu de la folie des agran-dissements et dans l’inertie des ins-tances professionnelles depuis2 ans ! - 03 86 30 45 15 (après20 heures)• Finistère (Sud) - Gaec élevagecaprin + transfo cherche repreneurspour 2017 - 2 associés, 80 chèvres,20 ha, vente en place GMS et res-taurants, bâtiment et foncier enfermage - Recherche 2 repreneurs(couple ou tiers) pour transmission« clé en main » avec accompa-gnement en 2016 sous forme stagede parrainage - 02 98 71 28 37 [email protected] -06 85 67 03 77 - [email protected]• Loiret - Ch jeune motivé pourl’élevage (bovin, caprin, ovin) envue association avec maraîcher bio- 06 40 19 03 55 - 0633756333• Tarn - A vendre ferme en ABproche de Castres comprenant unemaison, une grande grange, 12 hade terre, deux serres tunnel, systèmed’irrigation, gros et petits matériels- 230 000 € - 05 63 70 59 48 - [email protected]• Orne - Recherche associé(e) dansle Perche. Jeune installé en EARL enproduction porcine, système nais-seur engraisseur 40 truies etgrandes cultures en AB rechercheun.e associé.e dans le cadre dudépart en retraite de son associé,l’objectif étant de partager le tra-vail sur cette production avec unoutil créé récemment -0761 33 74 74• Charente (limousine) - AV fermeen biodynamie, 32 heures d’un seultenant (28 heures SAU, 4 ha debois) dans un environnement calme- Habitation 200 m², stabulationlibre 600 m², hangar, atelier, labode transfo, boutique, poulailler, ver-ger et maraîchage… CertifiéeAB/prime bio et DPU. Clientèlevente directe - 0545859612• Vienne - Ferme d’une centained’hectares cherche futurs agricul-teurs, candidats à l’installation enAB, sur des productions diversifiées(céréales, élevage ovin, maraîchage,plantes aromatiques) - [email protected]• Vienne - Recherche candidat àl’installation pour remplacementd’associé, atelier porcs plein air enbio - [email protected] 06 81 85 54 94

• Deux-Sèvres - A reprendre : fermed’élevage, race parthenaise.40 vêlages, 88 ha SAU, en paysbocager. Bâtiments, terres et mai-son d’habitation en location. Àreprendre en octobre 2016 [email protected] -0687209806• Charente - Activité maraîchère àreprendre, avec possibilité d’ac-compagnement par l’exploitant lespremières années. Terres et bâti-ments en location : 4 ha équipéesd’un réseau d’irrigation enterré,certifiées AB - [email protected] 0688126614• Charente - A vendre : exploita-tion caprine avec transformation. EnAB depuis 1984, 37 ha de fermage(110 euros/ha de fermage) situésautour des bâtiments -0545857358• Pyrénées-Orientales - Ferme per-macole cherche associés sur l’éle-vage caprin (chèvres, transforma-tion fromagère) - Couple avecenfant cherche à partager l’acti-vité (association) afin de dévelop-per d’autres activités complémen-taires - Ferme collective, alternative,Terre de Liens, Nature et Progrès,permaculture et décroissance -0980406028 (laisser un message)- [email protected] -www.fermedeserrabone.fr• Saône-et-Loire - Ferme à céder -54 ha, en bio d’un seul tenant avechabitation et bâtiment d’exploita-tion - Possibilité de vente ou loca-tion pour le non bâti. Habitation etbâtiment d’exploitation à vendre -Possibilité louer 35 ha supplémen-taires attenants à la ferme - Calme,très beau point de vue, à 15 km dela gare TGV du Creusot -0674514791• Saône-et-Loire - AV petite ferme- Très beau corps de ferme sur 2,8 hade terrain libre, proche du bord deLoire, sur lequel nous cultivions deslégumes à l’ancienne, sans produitschimiques - bâtiments avec unénorme potentiel (accueil, gîte, mai-son…) ; - maison de 140 m² habi-table, 3 ch - idéal pour projet degroupe - Nous aimerions beaucoupque les projets de la ferme et pleind’autres continuent après nous -0385263204 - 0650571798

• Côtes d'Armor - Ferme VL bio,bord de mer, recherche associé pourpartager le métier - 25 vaches lai-tières, sur 45 ha, pour 280000 litresde lait - projet transmission à moyenterme - 0637912478• Lozère - Ch associé pour fermepolyculture-élevage bio, mentionNature et Progrès - Caprin lait avectransf. + petit élevage de porc pleinair - 52 ha en propriété, 1000 md’alt, terrain en majorité plat - Asso-ciation en gaec ou autre - Plusieurspossibilités de diversification (pain,brasserie, apiculture…) - De la placepour loger une autre famille, rela-tivement indépendante • École surla commune, gare à 15 km -0466462235 - [email protected]• Lot - Installé depuis 5 ans en éle-vage caprin laitier AB avec transfofromagère et vente directe, lesenvies de travail en collectif m’em-mènent à chercher des associé.e.s- La ferme, près de Figeac, peutaccueillir un nouvel élevage, desproductions végétales (hors pay-san boulanger, le voisin l’étant déjà)ou autres - 0565340845• Indre-et-Loire - A reprendre éle-vage bovin laitier bio sur 18 ha, localde transfo équipé, circuits de venteefficaces, à 10 minutes d’une agglode 250000 hab - Logement pos-sible à étudier - [email protected]• Gironde - Cherchons repreneuravant départ à la retraite - Exploi-tation viticole AOC Bordeaux, bio(Nature et Progrès) - Vente : négoceet clientèle particulière -0557412309• Ardèche - Cause décès vend fer-mette avec un hectare de terrainattenant dans village de montagneà 1 200 m d’altitude en HauteArdèche. Conviendrait pour élevagehors sol ou petite production, plantesmédicinales… Bâtiment, gros œuvrerefait à neuf suite à incendie. Librede suite. Possibilité terrain supplé-mentaire non attenant -0638134138 - [email protected]• Sud - Nous sommes trois jeunespaysans travaillant actuellement surdes fermes différentes. Spécialisésen production fromagère ovin/caprin,nous souhaitons nous associer pro-chainement. Nous cherchons donc àlouer ou acheter une ferme mini une

dizaine d’hectares ainsi que des bâti-ments (bergerie, grange et fromage-rie) et un espace de vie. - Régions:Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon,Rhône-Alpes, Paca, Auvergne - [email protected] -0626943845 - 0603711412• Charente-Maritime - Porteused’un petit projet paysan, en for-mation aviculture, cherche à louerdes parcelles pour lancer son éle-vage de volailles en bio - sofinet.92100@hotmail. fr• Poitou-Charentes - Cherche par-celles à louer avec achat progressif,pour installation en porcs et volaillesen bio - [email protected]• Poitou-Charentes - Couple enreconversion professionnelle,cherche exploitation à reprendre enpolyculture/élevage, avec stage deparrainage - [email protected]• Seine-et-Marne - Cherche à ache-ter ou louer 3 à 6 ha de vergers depommiers dans le Nord de la Seine-et-Marne - 0146585000• Vaucluse ou départements limi-trophes - Porteur d’un projet d’agri-culture saine et naturelle avec pro-duction de plantes médicinales etmaraîchères, en lien les techniquesde permaculture, agroforesterie,biodynamie, recherche des terres -1 à 4 ha, si plus à voir - avec si pos-sible une activité déjà en place enculture bio - Le projet final sera decommuniquer par l’intermédiairede visite, formation, stage, la miseen place du mode de culture - Marecherche, en location ou associa-tion, ouvert à toutes propositions,sera étudié rapidement -0671626195• Vaucluse - Je recherche de terreà la location ou à la vente, dans lesecteur de Valréas et ses alentours,pour finaliser mon installation -Pour tous renseignement supplé-mentaire, il est possible de mecontacter au 0658628037

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• Orne - AV plateau à chevaux, TBE,tombereau et autre petit matérielpour chevaux - 0623022489• Calvados - Vends ânes normands4 ans, castrés, éduqués prêts pourtravaux maraîchage et attelagetransport - 02 31 61 10 43 -0685724080

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SolidaritéSuite à leur refus de boucler électroniquement leurs animaux et à lasuppression de la totalité des primes PAC 2014 (environ 8 000 euros),Emeline et Valère, paysan.ne.s à Ajoux en Ardèche, se retrouvent dansune situation économique délicate.C’est pourquoi, en accord avec eux, la Confédération paysanne d’Ar-dèche un appel à solidarité financière pour les aider à passer le cap.Si vous souhaitez les aider, merci d’envoyer un chèque à l’ordrede la Confédération Paysanne 07 en notant bien « Solidaritépuçage » au dos du chèque, à l’adresse de la Conf’ : BP129, 07000 Privas - [email protected]

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Gérard le Puill, comme colla-borateur de l’Humanité estspécialiste des questions

agricoles. Son propos aborde leréchauffement climatique et lesnécessités que l’on pourrait en tirer.

Dans sa première partie, l’auteurexplique la dégradation de la pla-nète par « la course au profit ». Il esttoujours bon de rappeler que l’ap-plication systématique des « avan-

tages comparatifs » (spécialiserune production là où son coûtserait le moindre) a obligatoire-ment des effets désastreux enagriculture : dégradation des sols,défrichements sans limites… Lesurbanisations dispendieuses eténergivores, les gestions gas-pilleuses d’eau, les désastres éco-logiques lui paraissent autantde preuves du lien entre « courseau profit » et dégradation de lanature. D’où sa deuxième par-tie : « changer progressive-ment ». Même si la plupart desconstats s’appuient sur desenquêtes auprès d’agriculteurs,on peut parfois douter du bien

fondé de certaines positions, notam-ment lorsqu’il se déclare favorable àune remise en circulation des farinesanimales. Pourquoi les mêmes causes(la course au profit) ne produiraient-elles pas les mêmes effets (la mala-die de la vache folle) ?

« L’écologie peut encore sauverl’économie » (Avant titre : Paris-Cli-mat 2015), Gérard Le Puill – PascalGalodé Éditions 314 pages, 22 euros.

Chemins et mémoires

Certain.e.s pourraient penser quec’est encore une autobiographie,mais il faut reconnaître que dans

l’avalanche de ce type d’ouvrages les expé-riences rapportées sont souvent intéres-santes, voire étonnantes. Surtout lorsquele personnage principal émerge de sacondition modeste pour accéder, grâce àcet ascenseur social si souvent fantasmé,à des responsabilités, sans renier l’his-toire de sa condition. L’auteur est l’illus-tration parfaite de ce parcours. Sonenfance débute près de Saint-Etienne oùla mine et l’industrie imprégnaient lescorps et les consciences. Fragile, il enraged’être « petit ». Il va nous livrer forcedétails sur son environnement, d’abordscolaire et familial et bientôt profes-sionnel, brouillant parfois le fond durécit. De ces joies enfantines jusqu’aupetit séminaire, il va quitter les espaces sombres de son milieuouvrier pour approcher la sélection des « élites ». Pourtant il se dit« mal à l’aise avec cette culture scolaire ». Il va participer au mou-vement des « Cœurs vaillants ». Un prêtre l’invite à « ne pasemprunter les chemins tracés d’avance ». Il prendra celui de la JOCavec ses principes : « voir-juger-agir ». Il prolongera cette démarche

au sein d’un GFO, groupe de formationouvrière. Embauché dans une entreprise de car-tonnage, il va adhérer à la CGT et rencontrerle monde de l’exploitation, avec ses luttes pourdes « objectifs apparemment dérisoires tellesles actions pour le casse-croûte ». Il va « plon-ger longuement » dans l’enfer de la dépression,« ce mal de vivre qu’il faut bien vivre ». Mai 1968va questionner profondément l’auteur qui s’en-thousiasme pour les spectacles de théâtre don-nés par la Comédie de Saint-Etienne dans lesusines. Est-ce grâce à cette morsure qu’il va serapprocher de l’association Peuple et culture etdeviendra formateur d’éducation populaire ?Des Lips jusqu’au Larzac, il va être bousculé aussidans ses pratiques chrétiennes, par les change-ments comportementaux : « accepter la libertétotale de son conjoint est moins simple ». Il décou-vrira d’autres lutteurs de vie, dans un autredomaine, avec l’agriculture paysanne.

Chacun trouvera dans ces pages un morceaude sa propre mémoire et, avec le temps qui file

comme comète, trouver « qu’il fait beau comme jamais ». nMichel Curade, paysan dans l’Aude

« Chemins et mémoires », Paul Masson, 273 pages, Éditions du PetitPavé, 22 euros

Campagnes solidaires • N° 310 Octobre 2015 / 19

Culture

Le climat, de Marx au Vatican

Laudato si’ est le titre de l’encyclique du pape Françoisà propos du changement climatique. On peut la téléchargersur le site du journal La Croix. Le début et la fin y sont deportée d’appartenance à l’Église mais pour le reste, cha-peau François ! Le soutien aux petit.e.s paysan.ne.s (sou-ligné par nous) y est encouragé : bonne lecture à MM. Junc-ker, Hollande, Cameron, à Mmes Merkel, Lagarde et à tantd’autres ! « Les autorités ont le droit et la responsabilité deprendre des mesures de soutien clair et ferme aux petits pro-ducteurs et à la variété de la production. Pour qu’il y ait uneliberté économique dont tous puissent effectivement béné-ficier, il peut parfois être nécessaire de mettre des limitesà ceux qui ont plus de moyens et de pouvoir financier. »(Laudato si’ ,p. 129) n

Jean-Claude Moreau, paysan dans l’Indre

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Parties des Pays de la Loire le 29 aoûtet de Rhône-Alpes le 1er septembre,deux caravanes de la Confédération

paysanne traversent 12 régions pourrejoindre Bruxelles le 7 septembre. À Lyon,la caravane de l’Est débute son périple parl’occupation de la Direction régionale del’agriculture (Draaf) (1). Le lendemain, les

paysan.ne.s confédéré.e.s feront entendreleur message auprès des consommateurs ducentre commercial de Chateaufarine, àBesançon (2). À l’Ouest, la caravane marque

aussi ces étapes de manifestations sousdiverses formes, comme celles à destinationdu grand public via la pose de banderolessur les ponts du périphérique de Nantes (3)

ou des distributions de lait (par exemple àFécamp, le 4 septembre – 4)

À Bruxelles, les caravanes rejoignent despaysan.ne.s venu.e.s de toute l’Europe (6000manifestant.e.s, 1 500 tracteurs) afin deréclamer des mesures de régulation desproductions pour sortir l’élevage européen

de la sévère crise que le lait de vache, lesviandes bovine et porcine traversent depuisle début de l’été. Elles et ils s’adressent auxministres européens de l’Agriculture réunisce jour-là dans les bâtiments de la Com-mission (5).

Quelques jours plus tard, le 14 septembre,la Confédération paysanne est à Vesoul, enHaute-Saône. Là, elle interpelle FrançoisHollande et son gouvernement qui tiennentun comité interministérielsur le thème : « Replacerles campagnes au cœur duprojet pour la France etlutter contre le sentimentd’abandon que peuventressentir les habitants ». Àcette occasion, la Conf’déroule le tapis blanc auPrésident de la Républiqueavec de la poudre de lait,« ce lait en trop qu’il ne sedonne pas les moyens de réguler et qui causela perte des paysans » (6). Une délégation

confédérée est reçue par François Hollande,son Premier Ministre et son ministre del’Agriculture (7). Elle leur renouvelle ses

revendications de régulation des marchéspour une sortie de crise durable.

Le lendemain, c’est à Rennes que ça sepasse. La Conf’ est cette fois aux côtés de laCoordination rurale et de l’Association desproducteurs de lait indépendants (Apli) pourbloquer l’inauguration du Space, le salon del’industrialisation de l’agriculture (8), et récla-

mer à nouveau des mesures d’encadrementde la production laitière européenne.

Pour l’instant, les diri-geant.e.s politiques s’arc-boutent sur leurs dogmeslibéraux de dérégulationdes marchés. La crise del’élevage n’est pas finie.Le combat syndical nonplus. n BD

NB : Laurent Pinatel, porteparole de la Confédération pay-sanne, interpelle le président dela république sur la ruralité, àVesoul le 14 septembre, à voirsur : http://tv.viacampesina.org

Crise de l’élevage Un mois de mobilisations intenses

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