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revue toxibase n° 11 - septembre 2003 1

Les conduites à risque : du dangerà la loi, des gènes aux pairs...Que nous apprend l’épidémiologie des influences familiales et sociales ?

Jean Pascal Assailly*

Deux dimensions essentielles sont àprendre en compte : - chaque année, telle 2002,on observe unsur risque des jeunes : ils représentent13% de la population, 26% des tués, 30%des blessés graves et 31% des blesséslégers ;- en revanche, si l'on suit l'évolution his-torique depuis 50 ans, il n'y a pas de pro-blèmes-jeunes, ceux-ci ne présentent pasun obstacle particulier pour la préventionou la répression, la même mesure a aumoins autant d'effet sur les jeunes que surles adultes (par exemple, en 2002, annéehistorique de baisse de l'insécurité routière,

Introduction :le risque et ses concepts

LES CONDUITES A RISQUE désignentun répertoire de comportementstrès différents les uns des autres,

ayant comme traits communs la mise endanger plus ou moins volontaire de soi etun développement à l'adolescence ; on lesregroupera schématiquement dans quelquesgrands sous-ensembles de ce répertoire :

l'usage de substances psycho-actives,licites ou illicites ; (cf. tableaux ci-aprèsqui montrent l'augmentation contempo-raine de cet usage) ;

les comportements dangereux sur laroute (vitesse, alcoolémies illégales, nonport de la ceinture ou du casque, non respectdu code, etc.) ; les dernières données dispo-nibles sur l'insécurité routière révèlent lesconséquences de ces comportements.

L’approche globale de santé publiqueà partir du concept de conduitesà risque des jeunes est désormaispartagée par la plupart des profes-sionnels de la prévention et des soins.

Elle a pourtant tendance à s’élargirsans cesse à de nouveaux comporte-ments (recherche de sensations,sports extrêmes) qui posent la ques-tion de la limite de cette approche.C’est pourquoi il est indispensable des’interroger sur les facteurs en jeudans le contrôle du risque.

J. P. Assailly, auteur de nombreusesrecherches sur les risques des adoles-cents, nous propose une analysequi permet de mieux comprendreles déterminants génétiques et pré-nataux, les influences du processusd’attachement et des modèles fami-liaux sur ces conduites.

Sur un tel sujet il serait ... risquéde conclure !

C’est pourquoi P. Dessez apporteun regard sur la nécessité, mais aussisur la difficuté d’intégrer le conceptde risque(s) dans une démarchede prévention concrète. C’est à direde repérer les souffrances et les diffi-cultés, de transmettre une culturecommune sur des thématiques diver-ses (alcool, drogues, conduite auto-mobile, violence,...) et enfin de tenircompte de la diversité des contextessocio-culturels et des trajectoiresindividuelles des jeunes.

* Docteur en psychologieChargé de recherches

à l’INRETS

Tués Blessés Blessésgraves légers

15-24 ans 1 855 7 268 34 706Tous âges 7 242 24 091 113 748

Source : ONISR, 2002

Accidents de la route (année 2002)

15-24 ans 604 tous âges 10 268

y compris les séquelles de tentatives de suicide

Source : Cépidc INSERM

Suicides en 1999

le nombre de tués sur la population a dimi-nué de 6% sur la population globale et de11% chez les jeunes…).

les rapports sexuels non protégés ;les fugues ;les conduites ordaliques et suicidaires

(jeu du foulard, roulette russe, runs,paris).

Contrairement à l'accident de la route, lesjeunes ne représentent que 6% des suici-des, donc deux fois moins que leur poidsdémographique. Pour la tranche d’âge 15-24 ans les suicides représentent néanmoins15% (garçons) et 13% (filles) des causesde décès; l'évolution historique du phéno-mène étant pour le moment stagnante,avec d’importantes disparités régionales.

la pratique des sports extrêmes enmontagne ou en mer.

Elles prennent place au sein d'un conti-nuum symbolique de besoins dont lesdeux pôles ont été décrits par RogerCaillois (1958) :- l'Ilinx : la sollicitation au vertige, larecherche du frisson, du spasme, de la sen-sation, que ce soit par l'effet psychotropedes produits (flash, ivresse), le vertigehorizontalde la vitesse, les sensations pro-prioceptives lors des pratiques extrêmes ;- l'Agon : la mise à l'épreuve de soi et larecherche du dépassement des limites (lestours du monde, les trekkings, les raids,les traversées des océans à la rame, etc. etauxquels on pourrait associer les pistes dusamedi soir, l'alcoolisation défonce, le faitd'aller au bout de la nuit, au bout de soi ).

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traits de personnalité et la fréquence decomportements dangereux sur la route oul'implication dans les accidents (Sobel,1976), mais de nombreuses discordancesentre les résultats existent encore.

La mise en cause de ces associations per-sonnalité-accidents a conduit à abandon-ner ce champ en le considérant commeune impasse à partir des années 80.

Une autre approche, plus globalisante,s'est construite autour de la théorie descomportements-problèmes de Jessor(1998) qui ré-introduit l'accident et l'in-fraction au sein d'un syndrome plus géné-ral de comportement-problèmes (usage desubstances psycho-actives, petite délin-quance, absentéisme scolaire, sexualitéprécoce, alimentation, etc). En effet, etc'est là l'hypothèse fondamentale deJessor, le risque accidentel n'est qu'unaspect d'un syndrome général de compor-tements de santé à risque.

Une étude française récente (Facy, 2003)sur l'usage de psychotropes chez les jeu-nes adultes et le risque routier a produit uncertain nombre de résultats allant dans lesens de la théorie de Jessor : ce travail aété mené dans le cadre de la médecinepréventive, à savoir les consultations pro-posées dans les centres d'examens desanté de la CNAF à un échantillon nationalde 8617 jeunes, âgés de 18 à 35 ans, entreavril et novembre 2001.

Le taux de réponse est satisfaisant. Uneproportion importante de cette populationvit dans des conditions de précarité (envi-ron 35%). L'auteur observe un lien entrele poly-usage alcool-drogues illicites et lesinfractions et les accidents déclarés ; unlien entre précarité, usage de cannabis etinfractions déclarées.

Toutefois, cette vision globalisante ren-contre depuis quelque temps sa contesta-tion : les comportements dangereux nesont pas toujours inter-corrélés, et certainsindividus prennent beaucoup de risquesdans un domaine (santé, sécurité, délin-quance) mais peu dans d'autres domaines(cf. Assailly, 2001). Ainsi, les rechercheslongitudinales néo-zélandaises, qui avaientcependant été initiées pour vérifier lemodèle de Jessor, aboutissent à desconclusions plutôt mitigées sur l'inter-cor-rélation et sur la valeur prédictive descomportements dangereux (Begg et al., àparaître).

Nous avons suggéré qu'on pourrait, à tra-vers l'existence d'un individu, tracer satrajectoire du risque : selon les statuts etles rôles qu'il tient dans différents univers(le travail, la route, la sexualité, le débatpublic), le même sujet pourrait adopterdes positions très différentes : prudence,évitement phobique du risque, immunisa-tion illusoire, etc.

Ainsi, on peut être désorienté et fatalistepar rapport à sa sexualité la nuit… et fer-vent militant écologique par rapport à lapollution le jour… C'est toute la différen-ce entre les sociétés primitives où votrepôle culturel reste le même tout au longde la vie, et les sociétés modernes où nouschangeons souvent de pôle…

Nous avons consacré deux ouvrages(Assailly, 1997 ; 2001) aux causespsychologiques et sociales des comporte-ments dangereux, notamment sur la route.Notre travail aboutissait à l'analyse de troisgrandes dimensions que nous illustreronspar l'exemple de l'usage du tabac :

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Ces conduites prennent place égalementau sein d'un continuum temporel quant àla fréquence de leur manifestation : lamajorité des adolescents en restera austade de l'expérimentation, une minorités'engagera dans des répétitions de l'usageou des pratiques qui les conduiront versl'excès, la dépendance pour les produits oul'addiction au risque (Michel et al., 2003)pour les pratiques. L'objet de ce dossierthématique est de mieux comprendre lesinfluences familiales et sociales qui vontorienter le devenir d'une conduite à risque.

Le sur-risque des jeunes usagers de laroute est dorénavant un phénomène bienétabli (Assailly, 2001) ; les facteurs derisque associés à leurs accidents mortelssont désormais bien balisés : vitesseexcessive ; alcoolisation excessive etpoly-usage alcool-cannabis (ces deux der-niers facteurs établissant un pont entreusage de substances psycho-actives etinsécurité routière) ; fatigue ; pression dugroupe des pairs ; non attachement dansles véhicules ou non port du casque.

Ceci étant dit, et heureusement tous lesjeunes ne se tuent pas sur la route…Certains présentent un risque d'accidentplus important que d'autres (Ferguson etal., 1996) :

les 18-19 ans comparativement aux20-24 ans ;

les jeunes hommes comparativementaux jeunes femmes (8 tués sur la routesur dix sont de sexe masculin, et encore,parmi les deux jeunes femmes, une esttuée comme passagère d'un conducteurmasculin... L'analyse des différencesliées au sexe est donc fondamentale car lesexe est le facteur de variation le plusimportant de la mortalité routière, loindevant le milieu social ou le type de véhi-cule possédé) ;

les jeunes conduisant sous des législa-tions plus laxistes que d'autres, etc.

Par ailleurs, certains travaux ont mis enévidence des associations entre certains

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Évolution 2000-2002 du niveau d’usage régulier (1)de tabac, d’alcool, de médicaments psychotropeset de cannabis par sexe, à 17 ans (% en ligne)

filles filles garçons garçons total total2000 2002 2000 2002 2000 2002

tabac 40,2 39,0 41,9 40,0 41,1 39,5* alcool 5,5 6,1 16,0 18,8*** 10,9 12,6*** médicaments 2,6 3,2 1,0 1,0 1,8 2,1 cannabis 5,2 6,8** 14,6 17,7*** 10,0 12,3***

Lecture : *, **, *** : évolution 2000/2002 significative au seuil 0,05 ; 0,01 ; 0,001 ;les pourcentages sans astérisque décrivent des évolutions non significatives auseuil 0,05. (1) usage quotidien pour le tabac

Source : ESCAPAD 2002, OFDT

Évolution 2000-2002 du niveau d’expérimentation d’autres substances psychoactives illicites par sexe, à 17 ans (% en ligne)

filles 2000 filles 2002 garçons 2000 garçons 2002 total 2000 total 2002

produits à inhaler 3,3 % 4,3 %* 4,9 % 6,1 %* 4,1 % 5,2 %*** champignons hallucinogènes 1,6 % 2,6 %** 4,5 % 5,7 %** 3,1 % 4,2 %*** poppers 1,3 % 2,6 %*** 3,4 % 5,4 %*** 2,4 % 4,0 %*** ecstasy 1,4 % 2,9 %*** 2,8 % 5,0 %*** 2,9 % 3,9 %*** amphétamines 0,6 % 1,3 %** 1,4 % 2,6 %*** 1,0 % 2,0 %*** cocaïne 0,6 % 0,9 % 1,3 % 2,2 %*** 1,0 % 1,6 %*** LSD 0,8 % 0,9 % 1,6 % 1,7 % 1,2 % 1,3 % héroïne 0,4 % 0,6 % 0,9 % 1,4 %** 0,7 % 1,0 %* crack 0,2 % 0,4 % 0,9 % 1,0 % 0,6 % 0,7 %

Lecture : *, **, *** : évolution 2000-2002 significative au seuil 0,05 ; 0,01 ; 0,001 ; les pourcentages sans astérisque décri-vent des évolutions non significatives au seuil 0,05.

Source : ESCAPAD 2002, OFDT

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la prise de risque ; comportementconscient, intentionnel de mise en dangerde soi car les bénéfices perçus du ditcomportement l'emporte sur les coûts : jesuis médecin en 2003 et je fume deuxpaquets par jour…

la non perception du risque ; le dan-ger inhérent à mon comportement n'estpas perçu du fait de divers dysfonction-nements de ma perception : je fume deuxpaquets en 1903 et mon médecin m'en-courage à continuer… car c'est apparem-ment un très bon décontractant sans dan-ger apparent…

l'acceptation du risque : un compor-tement où la mise en danger de soi estplus subie que voulue, car le sujet ne voitpas comment faire autrement que le com-portement dangereux : je suis non fumeuret monte dans la voiture d'un collèguefumeur… qui enfume le véhicule, jen'ose pas lui demander de cesser et sup-porte ce tabagisme passif…

Par ailleurs, la prise de risques ne désignepas nécessairement une déviance ! Si lesconséquences négatives du risque prisconduisent souvent les adultes à assimilerprise de risques et déviances, la principa-le tâche développementale de l'adolescen-ce, dans la perspective de la psychologieeriksonienne notamment, est la résolutionde la crise de l'adolescence et la forma-tion de l'identité personnelle qui suppo-sent des expérimentations, des conduitesd'essais (et d'erreurs...) à propos des stylesde vie ; la transition d'un stade développe-mental à un autre suppose d'abandonnerles équilibres qui fondaient les phases pré-cédentes, d'en construire d'autres qui per-mettront de mieux faire-face aux stress,aux conflits inter-générationnels et auxadaptations nécessaires … on ne fait pasd'omelette sans casser des œufs…

Dans la filiation d'Erikson, Marcia (1980)a ainsi dégagé les différents statuts identi-taires que les adolescents peuvent attein-dre : l'achèvement (de la crise d'identité etdu choix d'une nouvelle identité), le mora-toire (quelques choix ont été faits, maispeu, et dans ce contexte d'anxiété, les aut-res choix étant remis à plus tard…), la for-clusion (aucun choix n'a été fait, l'adoles-cent se contentant d'endosser les rôles queses parents ou ses professeurs voulaientlui voir tenir…), la diffusion (l'adolescentn'a fait ni choix personnels ni adopté ceuxdes parents, ce qui génère un fort senti-ment d'inadaptation). On comprendraaisément, qu'en fonction du statut identi-taire atteint, le rapport au risque et le rap-port à la règle seront différents.Dans ce contexte, le chemin qui est devantnous consiste à comprendre pourquoi cer-

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tains adolescents en resteront à ce stadedes expérimentations avec des véhicules,des produits ou des règles, et pourquoicertains autres vont entrer dans l'addictionau risque, la dépendance ou la délinquance.

Théorie de l’auto-régulationUne autre approche théorique lie condui-tes à risque et construction de l'identité etdépasse une vision uniquement stigmati-sante ou moralisante des dites conduites àrisque : la théorie de l'auto-régulation deCarver et Scheier (1981). Elle a été appli-quée aux fonctions psychologiques de larecherche de sensations (Taylor etHamilton, 1997) et est en cours d'applica-tion sur diverses populations de preneursde risque dans notre pays (Le Scanff,Lafollie, 2003).

Cette théorie pose que la régulation de soirepose sur des processus attentionnels :nous pouvons porter notre attention surautrui, sur le monde extérieur, maislorsque nous la portons sur nous-mêmes,un décalage peut parfois exister entre ceque nous sommes et ce que nous vou-drions être, entre le soi et l'idéal du soi.Dans ce cas, une manière de réduire cettetension, cette dissonance est de dévier l'at-tention du problème en question. Pourcela, l'individu va mettre en œuvre sonsystème d'activités : nous sommes enga-gés quotidiennement dans des activitésdifférentes mais qui poursuivent un objec-tif commun : restaurer l'estime de soi.

Dans la théorie de l'auto-régulation, deuxstratégies s'offrent au sujet pour résoudrece problème :

la fuite de soi : détourner l'attention desoi-même afin de ne plus être confronté àses incapacités ou échecs ;

la compensation de soi ; trouver uneautre source de valorisation de soi afin decompenser ses incapacités ou échecs ;

Cette problématique renvoie aussi à lathéorie de la décision : les comportementsalternatifs ou substitutifs aux addictionssont renforcés positivement ou négative-ment. Ce sont surtout ces renforcementsqui sont importants car dans nos sociétésmodernes car les produits sont très facile-ment disponibles.

Le Scanff (2003) suggère que même sicertaines activités servent clairement unefonction d'évitement (la consommationd'alcool) et d'autres une fonction de com-pensation (l'alpinisme pratiqué par les gui-des de haute montagne), la plupart desconduites à risque peuvent être ambiva-lentes et qu'il faille donc une compréhen-sion clinique des circonstances et desconséquences de l'action.

Recherche de sensationsou résistance aux effetsde la sensation ?Il faut différencier sensation et stimulation(cf. Lafollie, à paraître) : la même stimu-lation ne provoque pas la même sensationchez chacun de nous : certains individussont tout simplement incapables de mon-ter dans un grand huit, d'autres y ressen-tent à peine quelque chose ; un petit verrerend certains d'entre nous complètementexcités ou euphoriques mais certainementpas la majorité d'entre nous, etc.

Ainsi, en matière de prédiction des compor-tements dangereux et d'usage de substancespsycho-actives, deux axes coexistent :

Les travaux sur la recherche de sensa-tions en population générale, jeune ouadulte, ont démontré une relation entre lesscores à l'échelle de Zuckerman (2000) etles comportements dangereux sur la route,en sport, l'usage de substances psycho-actives, les comportements délinquants,les paris, etc..

Les travaux de Schuckit (1998) sur l'in-fluence de la résistance à l'alcool dans lagenèse de la dépendance ; ils ont porté surdes fils d'alcooliques, étudiants âgés de 18à 25 ans qui consommaient de l'alcoolsans en être dépendants. Les effets sub-jectifs de l'alcoolisation étaient mesurés àl'aide d'une échelle évaluant les effetspsychomoteurs, les sentiments d'euphorie,d'intoxication, de somnolence, de flotte-ment et les nausées de l'alcool. Ces filsd'alcooliques ont été suivis pendant plusde dix ans. On a observé une très forte corrélationentre la résistance aux effets de l'alcool,mise en évidence au début de l'étude dixans plus tôt, et le risque de devenir alcoo-lique. Un faible niveau de réponse à l'al-coolisation (résistance aux effets psy-chiques de l'alcool), à l'âge de 20 ans étaitassocié dix ans plus tard, à un risque mul-tiplié par quatre de dépendance. Parmi lesenfants d'alcooliques résistants aux effetspsychiques de l'alcoolisation, 56 % étaientainsi devenus dépendants, contre seule-ment 14 % dans le groupe des sujets ditssensibles aux effets de l'alcool. Cette résis-tance ne s'accompagnait pas d'un risqueaccru d'autres maladies psychiatriques oude dépendance à d'autres substancespsycho-actives. La prédisposition à ladépendance chez les sujets résistants à l'al-cool se comprend aussi par rapport auxfacteurs sociaux. Ceux qui, en société,résistent à, tiennent le mieux l'alcool ontsans doute tendance à boire davantagepour se trouver dans un état d'ébriété etd'euphorie comparable à leurs partenaires

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par l'INSERM, appelée EDEN, débute en2003 ; les sujets seront suivis du 6e moisde la grossesse jusqu'à six ans dans unpremier temps. Elle pourra permettre unepremière évaluation de l'impact des fac-teurs prénataux et postnataux sur la santédu jeune, nous souhaitons y intégrer l'ana-lyse du risque des traumatismes.

Un grand nombre d'études se sont d'oreset déjà greffées sur l'étude longitudinalede Kandel (1998) sur 1160 sujets améri-cains entre 15 et 40 ans. Ce travail a doncabordé les déterminants de l'usage de sub-stances psycho-actives, les influencesfamiliales et sociales, les trajectoires déve-loppementales, et plus récemment lesconséquences des comportements deconsommation des jeunes parents.

Les enfants de ces sujets étant encore jeu-nes, l'analyse a porté sur l'usage du tabacet de l'alcool ; les principales conclusionsde ce travail sont :

sur un échantillon de 201 triades père-mère-enfant, l'usage de tabac par les ado-lescents est plus associé à l'usage de tabacpar leur mère que par leur père, et cet effetest encore plus fort pour les filles ;

l'usage prénatal de tabac par la mère estassocié à l'usage de tabac 13 ans après parses enfants lorsqu'ils deviennent adoles-cents, cette corrélation est significative eton observe une relation dose/effet : la pro-portion de filles fumant à 13 ans est de 4%lorsque la mère avait arrêté de fumer pen-dant la grossesse, de 24% lorsque la mèreavait continué de fumer un demi-paquetpar jour, et 29% lorsqu'elle mère avaitcontinué de fumer un paquet ou plus parjour.

ce qui est remarquable, c'est que ceteffet prénatal est indépendant de laconsommation ultérieure de la mère : lacorrélation tient même lorsque l'on contrô-le la consommation de la mère dans l'annéeprécédant l'enquête ;

cet effet est nettement plus fort chez lesfilles : lorsque la mère avait continué àfumer un paquet ou plus pendant la gros-sesse, les odd ratios pour l'usage du tabacpar le jeune sont de 15.2 pour les filles etde 1.2 pour les garçons ;

l'usage d'alcool par la mère et l'usage detabac pendant la grossesse sont tous deuxassociés à l'usage d'alcool par leurs filles,mais l'effet prénatal est plus fort pour l'usa-ge d'alcool par la mère ; par contre, l'usaged'alcool par la mère n'est pas associé à l'u-sage de tabac de leurs filles.

En conclusion, l'effet prénatal semble plusfort (selon cette étude…) que le tabagismepassif et l'effet de modelage social en ob-servant les comportements de consomma-tion du parent qui suivent la naissance…

4 revue toxibase n° 11 - septembre 2003

Les facteurs génétiques et prénataux

Les facteurs génétiquesL'étude de l'interaction des facteurs géné-tiques et environnementaux dans le déve-loppement de comportements d'usage desubstances psycho-actives tels que l'al-coolisation est devenue récemment unchamp important de la génétique du com-portement.

L'hypothèse d'un facteur génétique pro-vient de multiples observations au sein dela recherche médicale (études de jumeauxdizygotes et monozygotes, études d'adop-tions précoces) et convergeant vers l'idéed'une forte agrégation familiale de l'abusd'alcool. Ainsi, l'alcoolisme apparaît detrois à cinq fois plus fréquent parmi lesparents, la fratrie et la descendance desujets alcooliques que parmi la populationgénérale (Goodwin, 1976 ; Cotton, 1979).

Par ailleurs, le taux de transmission inter-générationnelle varie en fonction du sexede l'enfant, du sexe du parent usager et dutype de consommation du parent (Webster

et al., 1989) : les quantités d'alcool ingéréhabituellement par les parents et par leurdescendance sont inter-corrélées, et cecisurtout chez les filles ; la consommationdu fils est plus semblable à celle de sonpère qu'à celle de sa mère ; la corrélationentre la consommation d'un parent et cellede sa descendance dépend du type deconsommation de l'autre parent.

Ces faits d'observation en eux-mêmes neprouvent cependant pas l'existence d'unfacteur génétique puisque les co-occur-rences familiales pourraient aussi bien êtredues à un facteur environnemental ; il estplus probable que l'alcoolisme ne soit pasun trait mendélien et qu'il résulte d'uneinteraction entre facteurs génétiques etenvironnementaux.

Les facteurs prénatauxParmi les facteurs prénataux, les compor-tements de la mère pendant la grossessefont l'objet d'un nombre croissant de tra-vaux. Ainsi, une étude de cohorte pilotée

de soirées. Les alcoolo-résistants ne sontpas avertis du degré de leur consomma-tion par des signaux comportementauxcomme la somnolence ou l'instabilitémotrice. De même, une revue de question sur lesfils d'alcooliques (Newlin et al., 1990)montre que ceux-ci ont une sensibilitéaccrue aux effets de l'alcool au moment dela montée de l'alcoolémie et une toléranceaccrue au moment de la baisse lorsqu'onles compare à des fils de parents nonalcooliques ; du fait de ces deux phéno-mènes, les sujets ayant une histoire fami-liale d'alcoolisme trouveraient plus de ren-forcements dans l'alcoolisation parce queles effets excitateurs et plaisants desdébuts de l'intoxication seraient accentuéschez ces sujets, et aussi parce que leseffets anxiogènes et dépresseurs de labaisse de l'alcoolémie seraient atténués.

Il reste à savoir si ce facteur étiologiquemis en évidence pour l'alcool existe aussià propos des prises de risque : certainsindividus “risquo-résistants” pourraientêtre obligés de monter sans cesse la barredu risque pour ressentir quelque chose(ceci a été mis en évidence chez des ben-jistes (Michel et al., 1997). Ce phénomè-ne, analogue à celui de la tolérance auxeffets de l'alcool, est à rapprocher duconcept d'anhédonie.

Anhédonie et / ou alexithymie ?L'anhédonie désigne l'incapacité à

éprouver du plaisir avec les activitéshabituelles de l'existence ; l'hypothèse del'anhédonie est donc évoquée à propos del'alcoolo-dépendance en particulier et desprocessus addictifs en général.

L'alexithymie désigne l'incapacité àidentifier et à exprimer ses propres émo-tions (se lire soi-même) : elle est souventévoquée comme facteur de risque de mal-adies psychosomatiques, de stress post-traumatique et d'abus de substancespsychoactives (l'émotion est dans la bou-teille mais je n'arrive pas à l'ouvrir…).

Pour conclure sur le risque et sesconcepts, nous voyons que des processuscommuns sont sous-jacents à des compor-tements en apparence très différents(usage de substances psycho-actives,conduite automobile dangereuse, pratiquede sports extrêmes) et impliquent le rap-port du sujet à la mise en danger de soi ;pour rendre compte de ces correspondan-ces, Michel et al. (op. cit.) ont récemmentproposé le concept d'addiction au risque.Les diverses conduites à risque peuventdonc basculer ou non de l'expérimentationvers la dépendance, la répétition compul-sive du même type d'activités, la trans-gression des règles de sécurité. Reste àanalyser les facteurs en jeu dans cecontrôle du risque.

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Le mécanisme invoqué serait l'impact dela nicotine, passant à travers le placenta,sur le cerveau du fœtus : l'exposition à lanicotine pourrait agir sur le système dopa-minergique qui gère le fonctionnementdes renforcements apportés par les effetsdes substances psycho-actives ; cetteexposition pourrait créer une dépendancelatente à la nicotine, qui serait réactivéelorsque l'adolescent obtient le droit et estconfronté aux opportunités de fumer. Lesystème dopaminergique serait donc impli-qué dans le craving (sentiment impérieuxdu besoin de l'effet d'une substance), l'anhé-donie et la recherche de sensations.

L'exposition prénatale à la nicotine pour-rait donc agir à une période critique de laformation du cerveau en modifiant lesseuils de fonctionnement du systèmedopaminergique. Cette modification desseuils est également au centre d'élabora-tions théoriques de Zuckermann (2000)sur la fonction biologique de la recherchede sensations ou de Cloninger (1981) surles différentes étiologies de l'alcoolo-dépendance.

Par ailleurs, une mère qui continue defumer pendant la grossesse continuant

souvent de fumer après, un effet d'interac-tion peut s'opérer entre l'effet prénatal del'exposition à la nicotine et l'effet post-natal du tabagisme passif.

Donc, les effets des facteurs prénatauxpourraient être de deux types :

des effets immédiats ou à court termesur le développement de l'embryon et del'enfant, comme le syndrome d'alcoolismefœtal ou les toxicomanies aux opiacés ;

des effets à plus long terme, comme laconsommation de tabac pendant la gros-sesse, qui pourraient ne s'exprimer quedix-quinze ans plus tard.

La consommation de tabac par les adoles-centes pourrait donc jouer un rôle importantdans l'étiologie d'autres problèmes : parexemple, du fait des poly-usages très fré-quents tabac-cannabis ou alcool-cannabis,cannabis-opiacés, etc., la transmission inter-générationnelle mère-fille pourrait doncavoir des conséquences sur la précocité desconsommations et sur l'escalade vers dessubstances de plus en plus dangereuses.

Pour conclure, une conséquence peutdevenir une cause…

phone, cadeaux, etc.). Le jeu dialectiqueentre le besoin de sécurité et le besoin destimulation s'exprime du berceau jus-qu'au… cercueil… Seule l'amplitude dumouvement pendulaire varie au cours del'existence, elle semble notamment trèsimportante, sinon maximale, entre 15 et25 ans…

en 1978, Mary Ainsworth traduit lathéorie de Bowlby sur le plan des com-portements et de la psychologie du déve-loppement : son travail avait débuté en1954 en Ouganda où elle avait observédes enfants dans des situations de sépara-tion (travail publié en 1967 dans Infancyin Ouganda). Puis, en 1963, elle suivra 23enfants depuis leur naissance àBaltimore. Elle crée une situation expérimentale, lasituation étrange, constituée d'épisodesde séparations et de retrouvailles avec lamère pour des enfants de un an1, situationdestinée à activer les conduites d'attache-ment de l'enfant.

Elle distingue trois types d'attachements :l'attachement sûr (66% des enfants) :

l'enfant proteste au moment de la sépara-tion, se console rapidement, manifeste sajoie au retour de la mère puis… retourneà ses activités... notamment explorées ;

l'attachement anxieux évitant (22% desenfants) : l'enfant proteste peu au départet réagit peu au retour ; nous verrons plusloin pourquoi ce type d’enfant dont lecomportement pourrait sembler le plusfacile est qualifié d’anxieux.

l'attachement anxieux ambivalent ourésistant (12% des enfants) : l'enfant pro-teste mais ne se console pas, n'est pasapaisé au retour et s'agrippe à la mère touten manifestant des réactions de colère.

L'autre apport de Mary Ainsworth est d'a-voir montré les rapports entre les relationsparent-enfant au cours de la premièreannée de la vie et ces trois types d'attache-ment : ce qui détermine fortement le typed'attachement, c'est la sensibilité desparents aux sollicitations de l'enfant.

en 1985, Mary Main fait passer la théo-rie de l'attachement du comportement à lareprésentation, de l'enfance à l'âge adulte,en créant un outil, le AAI (AdultAttachment Interview), entretien visant àévaluer les relations qu'un sujet adulte aeu avec ses parents et ses réactions auxséparations. Ce n'est donc plus le com-portement qu'on évalue mais le discours

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Les influences du processus d’attachement

dis… est-ce que tu m'aimes ?...

L’attachement et le dangerAvant de présenter les éléments deconnaissance sur les relations entre laprise de risques, la consommation de sub-stances psycho-actives et l'histoire infan-tile du sujet, rappelons brièvement lestrois grandes étapes de la psychologie del'attachement :

en 1969, John Bowlby publie l'attache-ment et la perte : la théorie de l'attache-ment se fonde sur un travail éthologique,l'observation de la similarité des réac-tions des nourrissons macaques rhésus(les expériences de Harlow) et humains àla perte de la mère (séquence de réactionsen trois phases : protestation, désespoir,détachement) et des conséquences à longterme des séparations. L’autre dimensionéthologique sous-tendant la théorie del’attachement est l'observation des com-portements d'attachement (comporte-ments visant à obtenir ou maintenir unecertaine proximité avec l'organismematernel ou son substitut : le cri, le souri-re) et qui ont une fonction de protection ;de ces observations découle la conclusionque l'attachement est un besoin primaire,inné, non étayé sur le nourrissage ou lasexualité comme le pensait Freud.

Ainsi les macaques rhésus de Harlow pré-fèrent le contact d’un tissu doux à la nour-riture... Si l'attachement est inné, le com-portement du parent déterminera le typed'attachement qui se formera, mais nonpas l'existence de l'attachement en soi :tout enfant s'attache, y compris à un parentqui le maltraite ou ne l'aime pas…

Ce comportement d'attachement rentre enconflit avec le comportement d'explora-tion ; il s'opère un mouvement pendulaireentre ces deux pulsions innées : ce n'estque lorsque le besoin d'attachement estsatisfait que le sujet peut explorer lesmondes intérieurs et extérieurs : à l'instardu camp de base qui permet la sécurité desalpinistes, nous pouvons évoquer leconcept de base sûre de Bowlby ou de mèresuffisamment bonne de Winnicott ; l'atta-chement est sûr lorsque nous sommes suf-fisamment rassurés sur la disponibilité denotre figure d'attachement, l'attachementest anxieux lorsque nous ne sommes passuffisamment rassurés à ce sujet…

Ce mouvement pendulaire perdure jusqu'àla fin de l'existence, même si les attache-ments des adultes sont moins dépendantsde la proximité physique avec la figured'attachement et peuvent emprunter desmoyens plus symboliques (lettres, télé-

1 Le type d'attachement mère-enfant se construit eneffet essentiellement à partir du deuxième semestre dela vie ; avant six mois, l’enfant manifeste peu de réac-tions différenciées vis à vis de sa figure d’attachementou d’autres personnes.

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du sujet, ce que Main appelle la “compé-tence narrative”, c'est-à-dire la capacitéd'un sujet à avoir accès à ses émotions etde construire une connaissance, une nar-ration de soi, ce qui renvoie aussi auxmodèles opérants internes de Bowlby :

l'attachement sûr se traduit par un dis-cours sécurisé-autonome : discourslogique, cohérent sur son passé même s'ila été difficile ;

l'attachement anxieux évitant se tra-duit par un discours anxieux détaché :discours peu élaboré, pauvre en affects eten souvenirs quant à leurs parents ;

l'attachement anxieux ambivalent setraduit par un discours anxieux préoccu-pé ; discours confus, affectifs, reprochantvis-à-vis des parents.

L’application de la théoriede l'attachement à la prise derisques et à la consommationde substances psycho-actives :un modèle de psychopathologiedéveloppementaleLes conditions éducatives et notammentles attachements vont structurer les réac-tions de l'enfant à la situation à laquelle ilest confronté. Les relations entre styled'attachement et comportements de jeu,d'exploration ont clairement été mises enévidence.

Ainsi, les enfants à attachement sûr mani-festent plus de goût pour l'exploration et lasocialisation ; les enfants à attachementévitant… éviteront les situations où leurcomportement d'attachement pourrait êtreactivé, les enfants à attachement ambiva-lent auront tendance à devenir dépendants,etc.

Donc, une bonne relation avec la figured'attachement ne va pas favoriser ladépendance par rapport à cette figure maisau contraire l'autonomie du sujet…

D'ores et déjà, cinq facteurs de risque liésà l'attachement peuvent être invoqués àpropos des futures conduites à risque etaddictions du sujet : la carence maternelleprécoce (absence de lien d'attachemententre 6 mois et 3 ans) ; les formes organi-sées et malheureusement chroniques d'at-tachement désorganisé ; les séparationsmajeures avec les figures d'attachement ;l'attachement désorganisé à la suite demaltraitances ; l'attachement insécurisérésultant des effets intergénérationnels(traumatisme infantile du parent).

Toutefois, il ne faut pas déduire de cetteanalyse que tout se passe avant 6, 3 ou…un an ! Lorsque l'on met une évidence unecorrélation entre les relations parents-

enfants à t1 et le devenir d'un enfant à t2,il faudrait aussi prendre en compte lesrelations parents-enfants à t2, ainsi que lesinteractions entre les relations parents-enfants à t1 et les relations parents-enfantsà t2 ! En fait, dans la plupart des cas, unenfant garde les mêmes parents au coursdes années, et malheureusement les pro-blèmes relationnels ne s'arrangent pas…

Donc, ce n'est pas tant l'état initial en soiqui est un facteur de risque, mais le faitqu'il annonce la chronicité d'un état… Sicet état change pour x ou x raisons, il n'y apas automaticité du devenir… De plus, etcomme nous le verrons plus loin à proposdes interactions entre les effets de l'envi-ronnement familial et ceux des pairs, l'en-fant va progressivement établir d'autresliens qui pourront être harmonieux ou aucontraire discordants avec le lien originel…

Attachement et usagede substances psycho-activesDe nombreux travaux ont mis en évidencela relation entre style d'attachement etconsommation de substances psycho-actives.

Brook et al. (1990) ont mené une séried'études montrant la corrélation entreusage de cannabis (que ce soit pour laprécocité de l'initiation ou la fréquencede l'usage) et type d'attachement auxparents ;

Allen et al. (1996) ont effectué un suivilongitudinal sur 11 ans ; l'AAI détachéest associé à l'usage de drogues illicites ;

Rosenstein et al. (1996) ont recueilliles AAI de 60 adolescents hospitalisés enpsychiatrie : 97% avaient un attachementnon sûr : 50% préoccupé, 47% détaché ;les préoccupés ont tendance à développerdes troubles internalisés (par ex., la bou-limie), les détachés des troubles externa-lisés (par ex., la toxicomanie). Ce sontsurtout les détachés qui vont développerdes dépendances aux substances psycho-actives (remplir le vide d'un parent reje-tant ? Désactivation des affects, scotomi-sation de la détresse typiques des toxico-manes ?) mais le lien est encore plus fortentre trouble des conduites et attache-ment détaché.

Fonagy et al. (1996) observent plutôtune liaison entre attachement préoccupéet abus de substances ; ils étendent l'in-vestigation aux réponses aux traitementspsychothérapeutiques (les détachésrépondent mieux). Ce travail pourrait setraduire par des implications thérapeu-tiques (ne pas choisir une stratégie théra-peutique uniquement en fonction de lasymptomatologie).

Pierrehumbert et al. (2002) ont compa-ré 114 jeunes de Lausanne, âgés de 15 à25 ans et dépendants aux substancespsycho-actives à 87 sujets témoins sansproblème sur ce point ; les jeunes dépen-dants rapportent quatre fois plus fré-quemment avoir été victime de violencespendant l'enfance que les témoins (30%contre 8%).

Les auteurs ont également posé des ques-tions du type “je ne compte que sur moipour résoudre mes problèmes, je détestele sentiment de dépendre des autres, jen'ai jamais eu de vraie relation avec mesparents” afin de mettre en évidence lemécanisme d'exclusion défensive caracté-ristique des liens détachés. Ce conceptbowlbien d'exclusion défensive qui a étéélaboré à propos du détachement émotion-nel consécutif aux séparations n'est passans rappeler celui de faux self deWinnicott.

Selon ces auteurs, l'expérience précoced'une violence n'est pas directement pré-dictive de la dépendance, mais cetteinfluence est médiée par ce phénomène del'exclusion défensive : c'est seulementlorsque la violence conduit à une indiffé-rence forcée, à un barrage des émotions,qu'elle génère la dépendance. Ceci renvoieau concept d'alexithymie présenté dansl'introduction.

Un concept émerge de cette analyse desrapports entre attachement et usage, celuide dépendance ; les enfants à attache-ments non sécurisés deviennent plusdépendants de la mère ; il nous reste àvérifier que les corrélations exposées plushaut traduisent bien un lien de causalité,une filiation génétique : est-ce que lesenfants plus dépendants de la mèredeviennent des adolescents plus dépen-dants des produits ? La littérature sur lapsychanalyse de l'alcoolisme suggère cetype de filiations : se remplir d'alcool pourlutter contre l'angoisse du vide…

Attachementet prises de risquesAucune étude n'a encore été menée sur cesujet ; les hypothèses que l'on peut poserne sont pas univoques ; si les enfants àattachement sûr sont mieux dans leurpeau, s'ils ont plus tendance explorer l'en-vironnement, cela ne nous dit pas cecireprésente un facteur protecteur : lesenfants les mieux dans leur peau, les plusenclins à explorer, les plus hardis, etc.pourraient aussi être ceux qui ont le plusd'accidents car ils s'exposent le plus…

Réciproquement, le proverbe la peur n'é-vite pas le danger nous rappelle que les

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enfants très inhibés, qui ont peur de tout,peuvent aussi un jour plonger brusque-ment et brutalement dans la prise derisques, pour tenter de vaincre leurs inhi-bitions, et ce faisant, prendre des risquesinconsidérés...

Un domaine proche de la prise de risque,la gestion du stress, a été mis en rapportavec le style d'attachement (Mikulincer etal., 1997) en l'occurrence, la gestion dustress consistait à tenir un serpent dans samain ! Les sujets à attachement sécurisébénéficient plus d'un support social(conversation) pour faire face au stressque les sujets à attachements anxieux. Lessujets à attachement évitant bénéficientplus d'un support cognitif que d'un supportémotionnel, ce qui est logique puisque cessujets tendent à restreindre les interactionsdans ce domaine ; les sujets à attachementambivalent ne peuvent bénéficier d'aucu-ne aide, car les supports cognitifs, de typerésolution de problèmes, les renvoient àune estime de soi insuffisamment bonne.

Donc, le style d'attachement génère uneconfiance de base dans autrui qui pourraitpermettre de mieux faire face aux dangers.En fait, il s'agira sans doute plutôt de l'in-teraction entre l'attachement et le compor-tement des parents, prenons l'exemple decette gestion particulière du stress qu'est laconduite automobile en milieu urbain :pendant 18 ans, l'enfant n'est pas l'usageractif d'un véhicule, mais passager et obs-ervateur attentif dans la voiture de ses

parents… Si le message qui lui est trans-mis est que les autres conducteurs sont desfous, des abrutis et qu'ils ont eu leur per-mis dans une pochette surprise… le degréde confiance qu'il peut avoir envers autruien sera quelque peu atteint…

En tout état de cause, de futures recher-ches sont nécessaires dans ce domaine…

Pour conclure sur l'attachement…et le détachementPour avancer plus avant sur le lien entreles conduites à risque et l'attachement, ilnous reste dorénavant et paradoxalementà travailler sur le phénomène en miroir del'attachement, celui du détachement :comment l'enfant puis l'adolescent vontprogressivement acquérir leur autonomie,se détacher du milieu familial (car un ado-lescent scotché à sa famille n'est pas lemodèle optimal du développement…),passer de la peur de l'étranger à l'explora-tion de l'étranger…

L'influence du détachement n'est qu'enapparence contradictoire avec celle de l'at-tachement, car nous avons toutes les rai-sons de penser que la pathologie du déta-chement du lien est liée à la pathologie dela création du lien…

Ou, pour reprendre cette belle métaphorede L. Malson (1992) : l'enfant, tel le cerf-volant, s'élève d'autant plus haut dansl'espace qu'il est de moins en moins bridépar le fil conducteur…

Structure familiale et usagede substances psycho-activesEn ce qui concerne l'alcool, un résultatsurprenant a récemment été observé dansles enquêtes transversales que MarieChoquet effectue régulièrement pourl'IREB (2003) : les jeunes de parentsdivorcés consomment moins fréquem-ment que les jeunes de parents non divor-cés ; les auteurs proposent l'interprétationsuivante : les enfants de parents divorcésvivent le plus souvent avec leurs mères,qui sont des consommatrices moins habi-tuelles d'alcool que les hommes…

En ce qui concerne les drogues illicites :Wallace et al. (1991) montrent que si lesenfants noirs ou hispaniques vivaientautant avec leurs deux parents que lesenfants blancs, la différence de consom-mation de drogues entre les différentespopulations en seraient très fortementaffectées. De même, Flewelling et al. (1990) mon-trent que la structure familiale prédit laconsommation de drogues et les rapportssexuels précoces, et ceci même lorsquel'on contrôle l'appartenance ethnique,l'âge et le niveau socio-éducatif de lamère.

Les effets de la structure familiale sur l'u-sage de drogues illicites par l'adolescentont été étudiés dans le travail de Johnsonet al. (1996) en analysant des donnéesd'une enquête nationale de 1995. Lesauteurs remarquent que :

les jeunes vivant avec leurs deuxparents biologiques (ou adoptifs) sontsignificativement moins susceptibles d'u-sage de substances psycho-actives et deproblèmes liés à cet usage ; cet effet de lastructure familiale n'est pas diminué lorsquel'on contrôle le genre, l'âge, les revenus duménage et l'appartenance ethnique ;

pour la plupart des substances, lerisque d'usage et de dépendance est leplus élevé dans les familles formées d'unpère et d'une belle-mère, dans lesfamilles où le jeune est marié et vit avecson conjoint. Il est également élevé dansles familles où l'adolescent vit avec lepère seul, et dans les familles où l'adoles-cent vit avec sa mère et quelqu'un n'ap-partenant pas à la famille ;

pour la plupart des substances, lerisque d'usage et de dépendance est plusélevé dans les familles formées d'un pèrebiologique et d'une belle-mère que dansles familles formées d'une mère biolo-gique et d'un beau-père ;

pour la plupart des substances, lerisque d'usage et de dépendance est plus

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Les influences de la structure familiale

Psycho ou socio : manquedu père ou manque de moyens ?L'évolution centrale au niveau de lastructure familiale aujourd'hui est que lamajorité des enfants sont élevés par leursdeux parents, et qu'une forte et croissanteminorité est élevé par un parent seul, dufait de l'augmentation du divorce, ceparent étant généralement la mère.

Les travaux concluent généralement quela santé, la sécurité et le rapport à la loisont plus déficitaires parmi les enfantsélevés par les parents seuls.

Ce type de résultats donne lieu à deuxhypothèses principales :

l'une, psychanalytique et psycho-dynamique, centrée sur la notion decarence d'autorité paternelle, insiste surl'effet négatif de l'absence du père sur la

vie psychique du jeune, sa recherche deslimites et ses besoins de transgression ; l'autre, plus sociologique, centrée sur

les conditions d'existence de la mèreseule, insiste sur l'effet négatif de la pertedu soutien économique, psychologique etsocial provenant du père, de l'impact decette perte sur le stress de la mère et sescapacités de gestion de l'enfant. Le déve-loppement de la mono-parentalité peutdonc avoir des effets sur le capital socialdu jeune : diminution des liens avec l'au-tre parent, travail du parent-éducateur quidiminue le temps passé avec l'enfant, lasurveillance de ce dernier par rapport auxaccidents, etc.

En fait, la mono-parentalité ne serait pasun facteur de risque en soi, mais un mar-queur d'un certain nombre d'adversités.

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élevé dans les familles formées d'un pèrebiologique sans mère que dans les famillesformées d'une mère biologique sans père ;

pour la plupart des substances, leseffets du risque d'usage et de dépendanceassociés aux familles formées d'une mèrebiologique sans père sont plus importantschez les filles que chez les garçons. Parrapport aux adolescentes vivant avec deuxparents biologiques, les adolescentes avecmère seule sont 1.9 fois plus susceptiblesde consommer de l'alcool, 1.8 fois dutabac, 2.5 fois du cannabis et 2 fois d'unedrogue illicite quelconque.

En ce qui concerne l'usage de substancespsycho-actives, et à la différence de ladélinquance, on voit se dessiner plutôt lanotion d'une carence maternelle, ce quirenvoie aux résultats des travaux sur l'atta-chement présentés plus haut.

Les relations entre les effetsde l’attachement et les effetsde la structureIl semble que la structure familiale n'aitqu'un effet indirect sur les prises de

risques, les abus et les transgressions, uneffet médié par l'attachement lorsque lastructure a un effet sur l'attachement qui aun effet sur les prises de risques, les abuset les transgressions (cf. Sokol-Katz et al.,1997).On peut donc imaginer que certainesfamilles mono-parentales ou certainesfamilles recomposées soient moins noci-ves que des familles intactes, en fonctionde leurs caractéristiques d'attachements.De même, le type d'attachement a nettementplus d'effet sur les croyances envers lesrègles que la structure familiale. Le déve-loppement moral est donc plus une questionde relation à autrui que de structure.Les relations entre attachement et délinquan-ce peuvent être mises en évidence pour lesgarçons, mais non pas pour les filles, alorsque la relation entre attachement et abus vautpour les deux.Pour conclure, les implications préventi-ves montrent que dans les famillesn àrisque, il faut surtout travailler à amélio-rer les relations...

- les aveugles scotomisent les risquesencourus par leurs enfants…

Pour conclure sur ce thème, l'évolutionactuelle des conceptions sur la formationinitiale et l'accès à la conduite automobileva dans le sens de fragiliser le permis deconduire, et que tous les droits ne soientpas acquis à vie au bout de seulement 20heures de conduite, mais qu'un continuuméducatif accompagne l'usager de la routetout au long de sa carrière. Au sein de cecontinuum, la période du permis probatoi-re dans les premières années de la condui-te constitue une phase où les parentsdevraient reprendre leurs responsabilitéspour mieux protéger le jeune.

Peu de travaux ont été menés sur les fac-teurs qui bloquent l'action des parentsdans ce domaine (cf. Mc Knight, 1990) ;ils mettent en évidence la perte du senti-ment d'autorité, l'affaiblissement des liens,la difficulté de la communication, lemanque de support social de la part desautres adultes, une attitude ambivalentepar rapport à l'alcool (car eux-mêmesconduisent parfois en infraction !).

Divers facteurs vont affecter la prise deconscience des parents, celle-ci entraînantensuite le déni ou l'implication personnel-le (ce problème me concerne) : la crédibi-lité des sources d'information préventive,le sentiment d'efficacité de soi pour faireface au problème, les évaluations coûts-bénéfices (apport préventif de l'interven-tion parentale dans ce domaine, maiscause possible de conflits…), les évolu-tions des styles de vie qui diminuent lesmoments de communication, etc. Il estdonc fort probable qu'un grand nombre deparents ont besoin d'être aidés dans cedomaine…

L'usage de substancespsycho-actives par les parentset par leurs enfantsL’usage par les parents

L'usage par les parents d'alcool, de tabacou de drogues illicites est associé à uneaugmentation significative du risque d'u-sage par l'adolescent, d'usage précoce etde dépendance (Conger et al., 1996 ;Duncan et al., 1995 ; Andrews, 1994).

L'ignorance ou a fortiori l'encourage-ment de l'usage de substances psycho-actives par le jeune sont associés à uneaugmentation de la fréquence de l'usagepar le jeune (Johnson et al., 1996).

Les parents qui impliquent le jeune dansleur usage ou mésusage des substancespsycho-actives sont associés à une aug-mentation de la fréquence de l'usage

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Les comportements des parents

L'exemple de l'entréedans la post-adolescence :acceptation du risqueou… démission parentale ?Un paradoxe se pose à propos des 15-25ans : c'est à cette période que les jeunessont le plus exposés au risque d'être tuésur la route et… c'est à ce moment qu'ilsreçoivent le moins de support préventif dela part des instances éducatives. Ainsi,paradoxalement, ils bénéficient de nette-ment moins de mesures éducatives aulycée ou dans le supérieur qu'à l'école oucollègue.

De même, les parents acceptent le risqueque leur enfant va courir à partir de l'ado-lescence ; il est en effet frappant de voircomment les parents peuvent être méticu-leux, obsessionnels, craintifs, autoritairesquant au moindre bobo ou à la moindreprise de risques de leur enfant entre 0 et 14ans, puis, quand ce dernier prend son auto-nomie, notamment sur la mobilité duweek-end, comment les parents adoptentrapidement une politique de l'autruche,très démissionnaire (“je préfère ne passavoir ce qu'il fait”, “espérons que l'acci-dent… c'est pour les autres”, “je lui faisconfiance, il sait ce qu'il fait”...).

Ainsi, les enquêtes sur ce thème (ex. :Beck, 1990) montrent par exemple que36% des parents d'adolescents pensentque les enfants de leurs amis conduisentsous l'influence de l'alcool, alors qu'ils nesont que 10% pour penser que leur propreenfant en fait de même ! Bien que 60%des parents disent que leur enfant va à desfêtes où l'alcool est consommé, seulement22% pensent que leur enfant en revient enconduisant sous l'influence de l'alcool !On se rassure comme on peut…

Ainsi, un travail récent (Rapport, 2002) abien montré l'influence des pratiques édu-catives des parents sur le rapport à la règleet la perception du risque par les adoles-cents, notamment sur ce risque majeurpour cette période, les deux-roues motori-sés. Ce travail clinique distingue quatreprofils de parents en fonction de leurs pra-tiques éducatives :- les confiants imposent des limites tout enlaissant l'adolescent vivre des expériences;- les exemplaires proposent un modèle àimiter à leurs adolescents ;- les abandonnistes sont démissionnaireset délèguent leurs responsabilités à l'éco-le ou à la fratrie…

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précoce par le jeune (Hansen et al., 1987 ;Brook et al., 1990 ; Jackson et al., 1997) ;de telles implications vont de donner unepetite gorgée d'alcool à demander aujeune d'aller chercher une bière ou d'allu-mer une cigarette…

Donc, les comportements, les attitudes desparents et la permissivité parentale en cequi concerne l'usage de substancespsycho-actives sont un facteur-clef de l'u-sage par le jeune, au moins autant sinonplus que la pression du groupe des pairs :lorsque les jeunes sont autorisés àconsommer à la maison, ils auront plustendance à consommer à l'extérieur de lamaison avec leurs pairs, et à développerdes problèmes liés à l'usage.Les relations entre les comportementsd'attachement et l'usage de substancespsycho-activesUne bonne relation parent-enfant ne pro-tège pas systématiquement de l'usage desubstances psycho-actives ; les étudesfamiliales sur l'usage aboutissent auxrésultats suivants :

si les parents sont usagers de substan-ces psycho-actives et si un parent, parti-culièrement la mère, a une bonne relationavec l'enfant, ce dernier est plus suscepti-ble de devenir usager ;

les adolescentes sont plus susceptiblesd'imiter le comportement paternel d'usa-ge ou d'abstinence si elles ont une bonnerelation avec le père que si elles ont unemauvaise relation avec ce dernier ;

l'abstinence des parents ne protège passystématiquement de l'usage par le jeune :un jeune avec une mauvaise relation avecun parent abstinent est autant susceptiblede développer l'usage qu'un jeune avecune mauvaise relation avec un parentusager (Andrews, 1994) ;

les usages des filles sont particulière-ment sensibles aux influences maternel-les, notamment les capacités de contrôledu comportement de la fille par la mère(Miller, 1976).

Donc, nous pouvons poser les relationsentre l'attachement et le comportement àpartir de ces quatre facteurs ; reste à déter-miner lequel est le plus à risque.

Plus généralement, ceci renvoie à la ques-tion des rapports entre les caractéristiquesdu milieu familial et les liens : vaut-ilmieux une caractéristique positive et unlien négatif ou une caractéristique négati-ve et un lien positif ?…

Le style éducatif des parentsUn consensus existe dans ce domainepour dire que les deux styles éducatifsextrêmes, l'autoritarisme et le laisser-faire

se traduisent tous deux par des consé-quences négatives pour la socialisation del'enfant et qu'il faille (là encore…) trouverla voie du milieu…

Quelques exemples :l'autoritarisme est lié à l'usage du tabac

par l'adolescent ;

Certes, de nombreux effets d'interactionexistent :

les effets de l'autoritarisme sontmédiés par l'usage de tabac des pairs ;

le style coercitif a plus d'effets néga-tifs sur les enfants euro-américains quesur les enfants noirs-américains.

Divers travaux sont menés sur les influen-ces des pratiques éducatives des parentssur certains aspects du développement dujeune. Une conceptualisation récente(Herman et al., 1997) a mis en relationtrois aspects de l'éducation parentale et sixaspects du devenir de l'adolescent faisantintervenir le rapport au danger et à la loi :

le lien parent-enfant ;le contrôle ou la régulation du compor-

tement du jeune (surveillance de son com-portement et de ses relations, locus de

contrôle2, organisation domestique) ;le support parental au développement

de l'autonomie.

Pour la prédiction de l'usage de substan-ces psycho-actives ou des actes délin-quants, l'aspect le plus prédictif est larégulation ; c'est le contrôle qui fonde lerapport aux produits et à la loi.

Par contre, pour la prédiction des problè-mes de santé (physique ou mentale),l'aspect le plus prédictif est le supportparental au développement de l'autonomie.

Enfin, pour la prédiction de la réussitescolaire, les trois aspects étaient égale-ment prédictifs, la contribution la plusimportante étant celle du lien.

Donc, bien que liées, la construction desattitudes relatives à la santé et la construc-tion des attitudes relatives à la loi peuventêtre sujettes à des influences différentes, ilfaut désagréger le concept de comporte-ment parental.

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L’influence des pairs

2 Ce à quoi nous attribuons la causalité des événe-ments qui nous arrivent.

Comme tu prends des risques…tu seras mon ami…influence ou sélection ?L'influence des pairs sur la prise de risques,l'usage de substances psycho-actives ou latransgression n'est plus à prouver. Pardizaines relève-t-on les études (essentielle-ment américaines) montrant la prédictionde l'usage par l'association et la fréquenta-tion de pairs preneurs de risque ou consom-mateurs (cf. Brook et al., 1990).

Certes, la maxime qui se ressemble s'as-semble nous rappelle que la prise derisques, la transgression ou l'usage pour-raient être les causes et non les conséquen-ces de la sélection des pairs : chacun denous tend à rechercher la compagnie d'au-trui qui lui ressemblent, de miroirs de soimême, ce qu'on peut traduire par le conceptde floconnage.

Nous sommes donc confrontés à deuxgrandes hypothèses :

a) l'influenceLes similarités entre les patterns de compor-tements d'un sujet et ceux de son environne-ment ont souvent été interprétés en termesd'influence sociale de la famille et des amissur un comportement individuel (les théories

de l'apprentissage social de Bandura, lemodelage et le contrôle sociaux) : l'individumodèle son comportement sur celui d'au-trui, surtout les autruis qui vivent à sescôtés, afin d'être en conformité avec lesnormes de groupe.

b) la sélection ou floconnageL'autre hypothèse se fonde sur l'idée queles similarités sont le résultat d'un proces-sus de sélection : l'individu va composerson réseau social avec des individus dontles styles de vie et les comportements res-semblent aux siens.

C'est le principe de proximité : les simila-rités résultent d'une attraction par ceux quivous ressemblent (physiquement, psycho-logiquement), ainsi l'âge, l'origine eth-nique, l'éducation vont influer sur la com-position d'un quartier. Un groupe se formeautour d'un focus ; l'alcool, le cannabis, uneactivité sportive peut être l'un de ces foci :ainsi, un individu qui boit beaucoup choi-sira des amis qui boivent beaucoup ou fré-quentera des lieux où l'on boit beaucoup.Les liens affectifs ainsi créés vont renfor-cer le besoin et la motivation à boire.

Jellinek, dans son modèle étiologique del'alcoolisme, établit d'ailleurs une relation

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avec le modèle de la réduction de la tension :au début du processus de l'alcoolo-dépen-dance, les individus qui utilisent l'alcoolpour réduire des tensions internes vontrechercher les situations sociales où l'al-coolisation prend place. Ensuite, lorsquel'alcool sera devenu le seul focus (la seuletouche du piano de la vie), l'individu rédui-ra son environnement à ceux qui ont lesmêmes préoccupations que lui.

L'hypothèse de la sélection est particuliè-rement forte à l'adolescence (socialisationpar bandes), mais elle existe aussi chez lesadultes (par exemple, l'effet de sélection estfort pour la similarité des époux).

Pour départager les deux effets, l'influenceet la sélection, il faut mener des études lon-gitudinales et non pas seulement transversa-les. L'étude de Kandel (1985) a montré queles deux effets sont d'importances égales.

Plus récemment, d'autres études (Bullers,2001) ont montré que l'effet de sélection sem-ble plus fort, alors qu'on a trop souvent ten-dance encore à concevoir les relations entrele groupe et l'individu, comme une relationlinéaire, à un seul sens (les influenceurs quiinfluencent un influencé…).

Dans une optique préventive, il faut insis-ter sur cet effet de sélection, car on metainsi le doigt sur la responsabilité du sujet,sur le type d'environnement qu'il créeautour de lui.

Généralement, et en particulier chez lesjeunes, les pairs sont considérés comme deplus gros consommateurs de substancespsycho-actives ou de plus grands preneursde risque que soi-même ; c'est d'ailleurspour cela que le sujet dit ressentir une pres-sion. Cette exagération des comportementsdes autres est un moyen de réduire la dis-sonance cognitive : ainsi, la comparaisonavec autrui réduit le décalage entre ce queje suis et ce que je voudrais être, le Moi etl'Idéal du Moi. Cette tendance est plus marquée dans lescommunautés restrictives (ex : scandina-ves) que permissives (ex : française…).Cette tendance est plus forte parmi ceuxqui ont des attitudes négatives vis-à-vis del'alcool que parmi ceux qui ont des attitu-des positives.

La fratrieLes grands frères ou sœurs agissentcomme des modèles de rôle. Cet effet estencore plus fort lorsque le membre de lafratrie est du même sexe que le jeune (dufait de la plus grande proximité et de lasimilitude des affinités et activités), ou sile membre plus âgé de la fratrie est ungarçon (dans ce cas, il a une influence

aussi sur ses petites sœurs).

L'influence de la fratrie peutêtre indirecte (pousser le jeuneà fréquenter le même type depairs) ou directe (intégrer le

10 revue toxibase n° 11 - septembre 2003

Comparaison des effets de l’environnement familialet du groupe des pairs

Parmi les changements qui s'opèrent entrel'enfance et l'adolescence, l'un des moind-res n'est pas l'ouverture du champ social :les adolescents sortent du cocon familialet deviennent plus indépendants desparents et plus sensibles aux actions d'au-tres personnes.

Au début de cette période, les parents rap-portent souvent que leur influence dimi-nue et que leur enfant devient influencépar ses amis. Les grands frères ou sœursacquièrent également une importancegrandissante, du fait qu'ils viennent devivre les expériences qui attendent lejeune… Donc, un grand frère ou sœurs'engageant dans des prises de risques oudes abus de substances psycho-activespeut constituer un modèle pour le jeune etl'inciter à sélectionner des pairs qui pré-sentent les mêmes caractéristiques que legrand frère ou sœur.

Toutefois, bien que diminuant, l'influencedes parents est loin de disparaître à l'ado-lescence, par les modèles d'imitation oud'identification qu'ils procurent et le sup-port socio-émotionnel qu'ils offrent.

La difficulté est donc de comprendre etd'analyser les effets complémentaires etsimultanés de ces différents acteurs.

Une distinction communément émise estque les pairs ont plus d'influences sur lesstyles de vie, et les parents sur les valeurset les objectifs existentiels.

Plusieurs études ont comparé les effets del'environnement familial et du groupe despairs sur l'usage de substances psycho-actives (Kafka et al., 1991). Certains tra-vaux montrent que les influences familia-les sont plus importantes que despressions explicites du groupe des pairs.

alcool drogue tabac

.29Usage Relation rejetante(ou histoire ou incohérented'usage ) à t2par la mère

à t1 .15 .05

.20 .23 .43

Usage Usage par les Usagepar la fratrie amis à t3 du jeune

à t1 à t4.25

.21 .17.26

Usagedu jeune

à t1 (Source : in Conger et al., 1996)

Consommation du sujet à t0 Consommation du sujet à t1influence

sélection

Consommation de Consommation del'environnement à t0 l'environnement à t1

jeune frère ou sœur dans son groupe d'a-mis et l'aider à se soustraire à la sur-veillance parentale…).

Un effet pervers pourrait être que les parentstransfèrent la responsabilité de la surveillan-ce parentale aux grands frères ou sœurs, pen-sant que ces derniers vont protéger le jeunedes prises de risques ou des transgressions,alors qu'en fait ils propulsent leur petit frèreou sœur dans ces dangers…

Ainsi, divers travaux ont montré l'influen-ce des grands frères ou sœurs sur l'usagede drogues licites (tabac) ou illicites(Brook et al., 1990).

Les interactions des influences familiales et sociales

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Ceci a particulièrement bien été mis enévidence dans le travail de Coombs et al.(1990) sur des jeunes usagers et des jeu-nes abstinents, hispaniques et anglo-saxons, âgés de 9 à 17 ans.

Les influences sociales des parents et despairs n'agissent pas au même moment :ainsi, Kandel et al. (1987) ont montré queles parents sont particulièrement plusimportants pendant la phase d'initiation, etles pairs deviennent plus importants unefois que le comportement est installé.

Pour conclure sur les interactions et l'éva-luation des influences interpersonnelleschez les adolescents, on voit se profiler lanécessité de la création d'un outil communpour mesurer l'influence des parents etcelle des pairs.

Si l'on intègre la fratrie et les pairs danscette analyse des rapports entre attache-ments et comportements, nous obtenonsdivers modèles d'influence ; nous présen-tons à titre d'exemple celui de Conger etal., (1996) (figures ci-dessous).

Que conclure des corrélationsobtenues par Conger ?La stabilité du comportementLa consommation du jeune à t1 est asso-ciée à la consommation du jeune à t4, cequi confirme le facteur de risque desconsommations précoces.

Elles ont aussi un effet indirect, via lecomportement parental qui devient plusdur (du fait de la difficulté à faire face àcette consommation précoce).

L'effet de la consommation précoce dujeune sur la sélection des pairs (le flocon-nage) est mis en évidence par la corréla-tion positive entre consommation du jeune

à t1 et les consommations de ses pairs à t3.Les jeunes sont donc à la fois les victimeset les acteurs de ces influences sociales.

L'influence des parentsLà également, l'influence des parents estdouble : directe et à court terme, indirecteet à long terme.

l'influence directe, à court termeUne histoire d'usage par la mère est asso-ciée positivement à l'usage par la fratrie età celui du jeune au cours de la mêmepériode, pour le père la corrélation ne tientqu'avec la fratrie.

l'influence indirecte, à long termeUne histoire d'usage pour la mère commepour le père est associée à un comporte-ment parental plus déficient, et ce com-portement parental plus déficient est asso-cié à une sélection des pairs usagers.

On voit que les corrélations sont plus for-tes avec la mère qu'avec le père. Lesinfluences maternelles semblent donc plusfortes que les influences paternelles, tantsur le court que sur le long terme.

Ces différences tiennent-elles au fait quel'usage de substances psycho-actives estun phénomène plus rare chez les mèresque chez les pères ? Donc, les mères quiconsomment des produits sont plusdéviantes au sens statistique du terme3, etcette déviance de la mère légitimera plusle comportement d'usage par l'adolescent.

Une autre hypothèse est que la mère pas-sant plus de temps avec l'enfant et étantplus importante dans son éducation pen-dant l'enfance, les déviances de la mèreferont plus de dégâts que les déviances dupère…

Une autre hypothèse, plus biologisanteporte enfin sur les effets délétères de

l'alcoolisme ou de la toxicomanie fœtaux sila mère avait continué de boire pendant lagrossesse, en rendant son enfant dépendant.

L'influence de la fratriel'influence directe, à court terme

On voit bien comment l'usage d'alcool parla fratrie est associé positivement à l'usagepar le jeune au cours de la même période(t1) ; cet effet est observé aussi bien pourdes frères ou sœurs plus âgés que le jeuneque pour des frères ou sœurs plus jeunes.

l'influence indirecte, à long termeL'usage d'alcool par la fratrie est aussi asso-cié indirectement à la future consommationdu jeune, cet effet étant médié par la sélec-tion des pairs : des frères ou sœurs usagersvont favoriser la sélection d'amis usagersqui eux mêmes auront une influence sur lecomportement du jeune.

L'influence des pairsOn voit comment les corrélations les plusfortes sont obtenues à propos de l'usage parles pairs. Donc, l'effet à long terme estessentiellement fonction de la capacité oul'incapacité des parents et de la famille àinfluer sur l'environnement social de l'ado-lescent, à renforcer ou réduire le rôle despairs.

C'est cet environnement social qui va exer-cer l'influence la plus importante pour lejeune.

revue toxibase n° 11 - septembre 2003 11

alcool drogue tabac

.35Usage Relation rejetante(ou histoire ou incohérented'usage ) à t2par le père

à t1 .19 .05

.13 .23 .41

Usage Usage par les Usagepar la fratrie amis à t3 du jeune

à t1 à t4.24

.19 .23.03

Usagedu jeune

à t1 (Source : in Conger et al., 1996)

3 Nous retrouvons là un phénomène bien connu ensécurité routière à propos de ces normes statistiques :la conduite sous l'influence de l'alcool est un com-portement qui est massivement masculin ; par cont-re, lorsqu'une conductrice est arrêtée pour conduitesous influence, les alcoolémies observées et lesmarqueurs biologiques de la dépendance sont trèsélevées …

Les interactions des influences familiales et sociales

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thema

Le mouvement pendulaireentre les enjeux conflictuelsdes conduites à risqueChaque être humain est sujet à l'influencede deux systèmes à diverses périodes de sonexistence et à propos de divers enjeux, cesenjeux entretenant des filiations entre eux :la suppression d'une situation négative, larecherche d'une situation positive. Leprototype de cette interaction est celui del'attachement, par ce mouvement pendulai-re entre protection et exploration.

Nous synthétisons ci-dessous les princi-paux conflits d'enjeux auxquels l'individuva être progressivement confronté :

En ce qui concerne l'attachement : lasuppression de la détresse, de la peur et del'angoisse causées par la séparation versusla recherche de l'amour et du partage émo-tionnel avec le parent.

Puis, cette interaction s'exprimera dans dif-férents registres de l'existence :

En ce qui concerne l'usage de substan-ces psycho-actives : la suppression dumanque et de ses effets négatifs versus larecherche des effets thymiques positifsdes produits ;

En ce qui concerne la prise de risque :l'évitement des conséquences négatives dela mise en danger de soi versus la recher-che des bénéfices psychologiques de laprise de risques ;

En ce qui concerne les sensations : larecherche de sensations versus la résistan-ce aux effets des sensations ;

En ce qui concerne l'identité : la fuitede soi lorsqu'on ne peut plus faire face àses problèmes versus la compensation desoi lorsqu'on tente de compenser un échecdans un domaine par une réussite dans unautre domaine.

Hypothèse sur le contrôlefamilial précoce du risqueA ce stade provisoire de notre travail, nouspouvons formuler notre hypothèse sur lecontrôle familial précoce du risque, et sur lesrelations entre l'attachement et le risque.

Lorsque l'on se penche sur la mise en dan-ger de soi ou la transgression, deux princi-pales théories sur les influences socialespeuvent être mises en avant :les théories du contrôle social et de laperte du lien socialNous posons l'hypothèse suivante : le rap-port au danger et le rapport à la loi sont

deux processus qui se construisent d'abordet essentiellement à l'intérieur de la famille.

Le contrôle social peut prendre formepar deux principaux mécanismes : lesprocessus d'attachement ; la structurefamiliale (sa composition et ses valeurs).

La famille produit à la fois un contrôlesocial du danger et de la transgression quiva être intériorisée (les normes, représen-tations, valeurs transmises depuis l'enfan-ce sur le risque d'accident, la nécessité derespecter les règles et autrui) et un contrô-le social externe du danger qui est dépen-dant des évolutions de la structure familia-le et qui peut devenir plus ou moinsdéfaillant avec le temps (modifications dela structure familiale, débuts de l'adoles-cence, événements sociaux, etc.).

Contrôles sociaux intériorisés et externesvont aussi être dépendants des liens d'atta-chement : les liens contribuent à l'intériori-sation des normes. L'attachement influen-ce les positions fondamentales de l'individupar rapport au danger, mais permet aussid'intérioriser la signification personnelle dela loi : le jeune va respecter la loi, intério-riser la norme et prendre moins de risques,dompter le dangercar ne pas respecter larègle ou prendre trop de risques compro-mettrait la stabilité du lien.

Dans ce cadre, l'engagement dans une prisede risques excessive ou une violation de laloi provient du fait que le jeune n'a rien àperdre, d'un dysfonctionnement du lienparent-enfant.

Pour conclure, sur les théories du contrôle,on voit qu'à l'instar des théories de NorbertElias ou de René Girard sur la violence,elles ont plutôt une vision pessimiste de lanature humaine : chacun de nous est plutôtnaturellement enclin à être dans la toute-puissance, à consommer des produits s'ilssont disponibles, à repousser les limites denos prises de risque, à violer les règles quinous gênent.

Donc, la question fondamentale n'est paspourquoi nous faisons tout cela… maispourquoi nous ne le faisons pas ! et c'estle contrôle produit par les liens qui vacréer la conformité, la modération et lapacification…les théories de l'apprentissage (ou dumodelage) socialCes théories mettent plus l'accent sur lespairs car elles conçoivent l'étiologie de lamise en danger de soi, de l'usage de pro-

duits ou de la délinquance, à partir desmodèles de l'apprentissage.

L'apprentissage social peut prendreforme par deux principaux mécanismes :l'imitation et le renforcement.

Dans le cas de l'imitation, l'individu modè-le son comportement sur celui d'un autruisignificatif, par la simple exposition à lamanifestation d'une conduite à risques ;dans le cas du renforcement, en fonction deses relations, on apprend à se mettre endanger, à consommer des produits ou àcommettre des actes délinquants, car cescomportements vont être plus ou moinsrenforcés positivement ou négativement.C'est la balance entre, par exemple, les ren-forcements négatifs des parents et les ren-forcements positifs des pairs qui va fairebasculer le comportement : aux associa-tions que le sujet construit avec certainespersonnes vont correspondre l'anticipationde renforcements positifs ou négatifs de sesprises de risques ou de ses déviances.

Donc, les théories de l'apprentissage socialposent à l'inverse des théories du contrôleque la conformité est naturelle et qu'il faillese demander pourquoi nous ne respectonspas les règles…les interactions entre le contrôle et l'apprentissageBien que distinctes, les deux théories ci-dessus sont bien évidemment complémen-taires et les phénomènes sont en constanteinteraction : par exemple, le contrôle socialdes parents peut s'exercer indirectement,par exemple, en influençant la sélectiondes pairs par le jeune. Réciproquement,lorsque les relations familiales se dégra-dent, le jeune est plus à risque de se jeterdans les premières relations venues… quine lui seront pas nécessairement béné-fiques… Si le jeune ne fait pas de mauvai-ses rencontres, la dégradation des liensfamiliaux peut ne pas se traduire par desconséquences négatives… sauf si des mem-bres de la famille élargie viennent prendrela place et la fonction des pairs… etc

Pour conclure, nous adopterons une per-spective interactionniste : le contrôle s'opèreprogressivement par un apprentissage…

Une causalité spiraliqueEn matière d'influences familiales et socia-les, la causalité linéaire ne fonctionne pas,c'est plutôt une causalité en spirale ; unecause produit un effet qui devient la causede quelque chose d'autre.

Les effets des facteurs prénataux montrentbien l'aspect spiralique : exposition préna-tale à la nicotine-modification des seuilsdopaminergiques- hyperactivité -dépression-abus de tabac à l'adolescence -évolutionvers le poly-usage-accidents…

12 revue toxibase n° 11 - septembre 2003

Conclusions

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En ce qui concerne les facteurs environne-mentaux, les travaux sur l'attachement neconduisent pas à une conception trop stric-tement déterministe de la causalité : si lesrelations de l'enfant avec ses parents dansles premières années de la vie sont trèsimportantes, elles ne fixent pas le devenir del'individu d'une manière trop figée. Le rap-port au danger, comme tous les autres pro-cessus psychiques, est un phénomène enconstante réorganisation.

De plus, les braises de la résilience, pourreprendre la belle expression de Cyrulnik,peuvent être ranimées par un jeu complexede facteurs de risque et de facteurs protec-teurs : lorsque le sujet a accès aux émotionsproduites par les violences et les séparationsprécoces, lorsqu'il peut produire un discoursnarratif, autobiographique sur ces événe-ments, ceci peut lui permettre de donner unsens à ces séquences d'événements et vamitiger les conséquences défavorables surses prises de risques et ses dépendances.

Ainsi, l'un des principaux sentiers du déve-loppement est celui au long duquel le com-portement d'attachement s'organise, cetteorganisation dépendant dans une grandemesure de la façon dont la figure parentaletraite l'enfant puis l'adolescent. Ces expé-riences vont influencer le développement dela personnalité car, à travers cette relationd'attachement, l'individu va construire unereprésentation du Monde, de ses parentspuis d'autrui et de soi ainsi que des attentessur le comportement d'autrui envers lui.

Dans nos futurs travaux, nous chercheronsà vérifier les schémas de filiation suivants :

Filière paternelle et filièrematernelle de transmissionLes dysfonctionnements de la relationavec le père conduisent plutôt vers latransgression (ce qui renvoie aux théoriessur la carence d'autorité paternelle ou surla forclusion).

Les dysfonctionnements de la relationavec la mère conduisent plutôt vers ladépendance.

L'influence maternelle joue même dès lapériode prénatale en ce qui concerne l'u-sage de substances psycho-actives par lesfilles.

Genre et liensLa prédiction des conséquences des liensest différente en fonction du sexe, et cer-taines différences entre les sexes pour-raient être liées aux différences de devenirentre deux groupes : les garçons insécuri-sés vers l'agression et la transgression dela loi, les filles insécurisées vers lapsychopathologie et la dépendance auxproduits.

L'accident peut être considéré comme unemaladie socio-somatique (cf. Shelly, àparaître) : les garçons extérioriseraient laviolence hors d'eux, dans les rixes, lesactes délinquants, les accidents alors queles filles retourneraient plutôt la violencecontre elles-mêmes, dans la dépendanceaux produits.

Recherche et action, cliniqueet épidémiologie,théorie et pratiqueCe dossier a rendu compte d'un travail decroisement entre psychologie et épidé-miologie : comment interpréter les résul-tats contemporains en épidémiologie desinfluences familiales et sociales, à lalumière des théories psycho-dynamiquessur le risque et la loi ? Réciproquement,qu'est-ce que l'épidémiologie apporte auxthéories psychologiques existantes, per-met-elle de les faire évoluer ?

L'épidémiologie contemporaine desinfluences du milieu familial est encore àun stade… préhistorique… mais promet-teur ! Le travail qui reste à mener dans cedomaine est immense et peut être résuméen trois grandes étapes :

Connaître la diversité des dimensionsdu comportement parental (quels sont lesindicateurs pertinents qui caractérisent unmilieu familial ?) ;

Connaître la diversité des effets de cesdimensions (quelle caractéristique du milieufamilial influe sur quel aspect du dévelop-pement du jeune ?) ;

Connaître la diversité des individusquant à ces effets (les différences interindi-viduelles de vulnérabilité aux effets d'unemême caractéristique du milieu familial).

Reste que le passage du collectif à l'indivi-duel, de l'épidémiologie à la clinique, de larecherche à l'action, de la théorie à la pra-tique, et réciproquement, n'est pas… unchemin bordé de roses ! : est ce qu'un caspermet d'éclairer l'ensemble ? Est-ce quel'épidémiologie peut aider les prises encharge ? Les gens ne sont pas des moyen-nes… Il faudra des méthodes plus fines enépidémiologie pour décrire la diversité :personne ne se ressemble…

Les relations entre les univers de la recher-che et ceux de l'action sont encore large-ment insuffisantes : trop d'actions fondéessur le seul empirisme, trop de recherchesqui ne sont pas utilisées… Espérons que cechamp prometteur de la genèse des condui-tes à risque permettra de dépasser la mor-cellisation et la mutilation des savoirs, duesaux cloisonnements excessifs…

revue toxibase n° 11 - septembre 2003 13

Attachement sécurisé

Compensation de soi

Pairs, fratrie

Prise de risques excessive Prise de risquescontrôlée

Attachement anxieux

Fuite de soi

Pairs, fratrie

(détaché) (préoccupé)

Addictions Prises de risques excessives

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thema

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Bibliographie de l’auteur

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De la prévention des toxicomaniesà la préventiondes conduites à risque

Patrick Dessez*

publique. L'apparition de risques sanitai-res viraux a entraîné la promotion demodes de protection. La prévention parti-cipe à la mise en place de normes, derituels et de manières d'être dont la fonc-tion est d'apprendre aux citoyens à mieuxgérer les risques et à affronter la multipli-cation des peurs sociales qui se fondent surle sentiment d'insécurité, la crainte de latransmission virale ou le délitement du liensocial.

Le principe de prévoyance se fondait surl'organisation de la solidarité collectiveface à des évènementsde vie. L'accroissementdes risques couverts parles assurances, la diver-sification des dispositifsde sécurité et le principede précaution se fon-dent directement sur latentative de maîtriser lesrisques. L'influence de l'épidémiologie surle soin ou de la prévision statistique sur lapolitique témoignent aussi de cet effort dedominer les risques encourus par la socié-té ou les personnes elles-mêmes.

Le risque diminue quand son caractèreinattendu ou irrationnel se transforme enun événement prévu dont on comprend larationalité et dont on explique les causessous forme de facteurs qui contribuent àson avènement. Pour un même phénomè-ne, les facteurs de risque qui sont liés à l'é-vénement par une corrélation statistique,sont de plus en plus diversifiés au fur et àmesure du développement de la recherche.Il y a donc une multitude de causes proba-bles qui concourent à la survenue d'unproblème, à son intensité et à son styled'apparition et de développement.

Cette multiplication des facteurs derisques apparaît surtout quand un problè-me est complexe et relève de plusieursapproches sociologiques, psychologiques

Reste à savoir si les jeunes sont myopesparce qu'ils ne voient pas le dangerou si les observateurs sont presbytesparce qu'ils ne parviennent pasà discerner la rationalité des pratiquesdes adolescents qu'ils scrutent.1

LES PRISES DE RISQUES prennent desformes spécifiques chez les adoles-cents et les jeunes adultes. Elles

interrogent la société qui traite chacun desproblèmes dans une approche spécifique(l'alcool, les substances illicites, le tabac,les accidents de la voie publique etc.) enfonction de l'actualité des drames humains(la violence par exemple) ou la parutiondes rapports scientifiques.

La prévention doit tenir compte de l'inte-raction fréquente entre différentes condui-tes à risque et de la construction historiquede ces comportements pour élaborer desprogrammes fondés sur l'expérience desjeunes, sur leurs trajectoires concrètes etsur leur implication subjective.

Risques et prises de risquesL'exposition malencontreuse au dangerrelevait autrefois de l'imputation d'unefaute ou de la pression du destin divin.L'évolution du rapport des hommes à leurenvironnement a mis la maîtrise desrisques au centre de la gouvernance et dela gestion sociale. Les risques apparais-sent fréquents et les hommes essaient d'enatténuer le caractère imprévisible. Labonne gestion des risques et l'évolution dela prévention répondent à l'angoisse de lasociété d'être détruite ou endommagée pardes catastrophes produites par les techno-logies que les hommes ont eux-mêmeconstruits.

L'industrie nucléaire, la présence d'entre-prises à risque dans le milieu urbain, l'ac-croissement de la couche d'ozone repré-sentent autant de risques contre lesquelsnous tentons de nous prémunir.L'accroissement des flux de circulation etla multiplication des moyens de transportont conduit à renforcer les moyens de pro-tection contre les accidents de la voie

et politiques. Les conduites à risques, lescomportements suicidaires ou les addic-tions sont des exemples de problèmescomplexes. Il est donc essentiel d'établirdes priorités d'action sur un certain nom-bre de facteurs dont on comprend qu'ilssont en interaction mutuelle dans unesituation ou un groupe.

Cette méthodologie statistique de laréduction du risque à ses propres facteursde risque a d'indéniables avantages. Ellepermet à la prévention d'agir sur dessituations de vulnérabilité et de promou-

voir des facteurs protecteursquand ils sont connus.L'intensification récente desmesures de prévention rou-tière, sous ses différentesformes, répressives et éduca-tives, démontre la pertinencedes actions ciblées sur lavitesse et l'alcoolisation.

Elles se doublent d'une offre de dispositifsde sécurité.

Par contre, cette méthodologie induit aussiquelques difficultés liées à la mise en pra-tique préventive des résultats des recher-ches épidémiologiques. Beaucoup d'ou-vrages sur les conduites à risques desjeunes recommandent d'agir davantage surl'interaction des différents facteurs derisques plutôt que sur chacun des facteursde risque. Il s'agit alors d'observer com-ment les personnes ou les groupes sontauteurs de prises de risques multiples etcomment elles se combinent au cours del'histoire de vie de chacun d'entre eux.

Sur ce dernier point, il est nécessaire derecourir à des études sur les fonctions et lesens des conduites à risque dans la socié-té et chez les personnes pour tenter decomprendre la co-influence des différentsfacteurs en jeu dans une situation à risqueet le sens qu'ils prennent chez les sujets.

* PsychologueDirecteur du CNDT

(Centre régional de préventiondes conduites à risques)

9 quai Jean Moulin 69001 LyonTél. 04 72 10 94 30

1 Peretti-Watel, P., La société du risque, Paris,La Découverte, 2001

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Les pratiques préventivesCertaines approches préventives vont agirsur un seul des facteurs de risque ou sur ununique facteur de protection. Ainsi, cer-tains programmes de prévention primairerenforcent les capacités des enfants à ver-baliser leurs émotions. Les conduites àrisques ou les conduites addictives sontsouvent liées à l'alexythimie, c'est à dire àla difficulté de verbaliser ses émotions ouses représentations personnelles.

Des programmes de prévention scolaire sebasent sur une étude des formes d'absen-téisme pour repérer une population àrisque et trouver des moyens de prévenirl'évolution possible vers un accroissementdes conduites à risques et des situationsd'échec et de baisse de l'estime de soi. Cesprogrammes se fondent sur le fait que cer-tains types d'absentéisme scolaire sontsouvent corrélés à l'apparition de condui-tes à risques chez les lycéens.

D'autres programmes privilégient uneapproche plus globale et visent à agir surplusieurs facteurs protecteurs. Par exem-ple, l'exposition Vivre l'adolescence :Ateliers sur les compétences psychoso-ciales renforce des capacités telles que laconfiance en soi et en l'autre, l'expressiondes émotions, la construction de l'estimede soi ou l'affrontement de situations défa-vorables.

Les programmes ciblés sur les adultes oules parents partent du constat que lesconduites à risques sont souvent accom-pagnées ou précédées par un climat fami-lial défavorable et par des difficultés decommunication entre adolescents et adul-tes. Celles-ci entraînent des risques derupture entre adolescents et adultes et aug-mentent les situations de repli social etd'esquive qui isolent l'adolescent et le ren-dent vulnérables à l'influence de groupesoù les conduites à risque sont fréquentes.

L'information sur les contextes d'usagedes substances psychoactives et leursrisques permet d'agir sur la banalisation del'usage des drogues qui est assez fréquen-te dans les groupes d'adolescents et de jeu-nes adultes. Elle est un support à l'échan-ge et à la mise en mots d'expériences quine sont pas souvent discutées entre ado-lescents ou entre adultes et jeunes.

La plupart des actions vont agir sur unensemble d'interactions entre préventiondes vulnérabilités et renforcement des fac-teurs de protection. Les interventions liéesaux points d'accueil et d'écoute jeuness'insèrent dans cette politique globale quine privilégie pas, a priori, tel ou tel facteurde risque mais qui adapte l'action aucontexte local. C'est par un accueil, une

disponibilité, une écoute des conduites àrisque des adolescents que les points écou-te agissent. Ils sont un exemple de pro-grammes qui se basent sur une approched'une population particulièrement exposéeaux prises de risques. Ils ont pour missiond'agir sur un ensemble de situations devulnérabilité et de mieux observer oucomprendre cette situation globale.

Les programmes développés actuellementsont très diversifiés. Les objectifs de pré-vention élaborés par les chefs de projetdépartementaux Drogues et dépendancesou les programmes régionaux de santésont des exemples de programmation pla-nifiée d'un ensemble d'actions qui se prê-tent à des évaluations comparatives pourmieux en comprendre la cohérence

Pourquoi prévenirles conduites à risque ?Les programmes que nous avons initiés auCNDT étaient au départ des programmesde prévention des toxicomanies qui seréféraient au développement des adoles-cents2 . Les objectifs de ces programmesen milieu scolaire ou, par exemple, en pri-son, ont évolué progressivement vers uneapproche globale des conduites à risques.

Les programmes d'intervention scolairesont maintenant basés sur une interroga-tion des élèves sur les prises de risque etla notion de danger. Il s'agit d'échangeravec eux sur leur attitude en suivant lesassociations des groupes sur cette notionde prise de risques. Il est étonnant deconstater que cette évolution a permis d'ê-tre plus attentif aux interrogations liées austress, aux sentiments dépressifs, à lasouffrance psychique mais aussi aux situa-tions de violence et d'irrespect dont peu-vent être auteurs ou victimes certains jeu-nes. Cette orientation permet de replacerl'éventualité de prises de produits dansleur contexte concret et dans la propreexpérience des jeunes. Elle met mieux enévidence les motivations qui peuvent êtreliées aux usages et abus de substancespsychoactives. L'influence que peuventexercer les groupes ou les moments festifssont relatés avec plus de réalité.

Les programmes de prévention enmilieu carcéral sont rapidement devenusdes interventions sur les conduites à risquedans la mesure où les caractéristiquesdominantes de la population carcéralesont composées d'une multitude de prisesde risque, l'abus de produits n'étant qu'uncomportement parmi d'autres risques oumême d'autres problèmes de santé.

Là encore, c'est en replaçant la fonction dela consommation de produit(s) à partir despersonnes elles mêmes et dans les groupes

qu'un dialogue préventif peut s'engager.Les outils de médiation que nous utilisonssont construits pour prendre en comptecette interaction entre différents facteursde risque et placer la consommation deproduits dans une perspective biogra-phique ou groupale. L'échange sur des tra-jectoires qui induisent les abus de produitsest plus facile à réaliser si on s'efforce dereplacer les conduites addictives dans leurcontexte qui est parfois formé d'unaccroissement progressif de conduites àrisque dont le choix dominant apparaîtdéterminé par des déterminations sexuées,sociales, d'influence groupale ou plus per-sonnelles.

Le point écoute reçoit des parents et desadolescents dans le cadre d'entretiensparentaux ou familiaux. La demande, quenous adressent les parents est, dans 80%des situations, liée à l'inquiétude suscitéepar l'usage de cannabis. Il est alors essen-tiel de replacer cet usage dans le contextede l'ensemble des prises de risques desadolescents et des adultes et dans le cadredes relations familiales pour bien com-prendre son sens. Les situations de ruptu-re de communication, les sentimentsdépressifs, la dépréciation de soi, les vio-lences familiales sont des caractéristiquesque nous retrouvons souvent dans cessituations familiales. Certaines d'entreelles, qui étaient présentes avant les abusde cannabis, sont d'ailleurs accrues parcette consommation. La dépréciation desoi, les violences familiales, les difficultésde communication ou les relations para-doxales augmentent notablement lors dela consommation de cannabis.

Le destin des attachements dont parle JeanPascal Assailly dans la première partie decet article thema de la revue Toxibase estmis à mal par le processus de l'adolescencedes enfants et par le travail parfois diffici-le d'obsolescence des parents. Il fautd'ailleurs noter que les formes d'attache-ment sont parfois présentées comme unedonnée permanente acquise au cours de lapetite enfance. L'expérience du travail d'é-coute des adolescents révèle la prédomi-nance subite à l'adolescence d'attachementsambivalents ou anxieux alors que pendantl'enfance, c'était un attachement serein quidominait. Il me semble qu'il faudrait plutôtparler d'un équilibre entre plusieurs typesd'attachement qui peut se transformer aucours de l'évolution des personnes.

Les usages de substances psychoactivess'intègrent dans une prise de risques fré-quente à l'adolescence qui accompagne cemouvement de dégagement de l'influence

2 Bergeret, Jean, Les toxicomanes parmi les autres,Paris, Odile Jacob, 1990

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des relations familiales au profit d'uncontact privilégié avec les pairs et d'unerelation plus directe avec la société. Cesprises de risques se déroulent à travers larecherche de sensations, de la fête, de lamusique, du groupe et d'idéologies bana-lisantes sur le cannabis ou l'ecstasy,. Ellesrépondent à un sentiment d'ennui, demorosité et à une quête d'une vérité queles adolescents et les jeunes adultes trou-vent plus dans les sensations que dans ledomaine symbolique.

Il est sur que cet investissement privilégiéde la sensation, de l'image, de l'écran serencontre plus de nos jours chez les gar-çons que chez les filles. La constructionde soi passe par des moments d'évasion etde relâchement qui se traduisent par desmodifications de l'apparence, du corps etdes sensations. La renaissance ou la méta-morphose, si longue soit-elle aujourd'hui,se traduit par l'édification d'un espace del'entre deux3 hors de la confrontationdirecte aux adultes. L'esquive du dialogue,les situations de retrait deviennent plusfréquentes et freinent probablement lescapacités sociales des adultes pour poserdes limites symboliques et rester euxmêmes des supports d'identification.

Vivre à la limite s'impose dès lors que lasociété ne donne plus à l'individu l'étoffede sens qui mettait entre le monde et luiune distance où il pouvait trouver saplace.4

La prévention universelle5 est une démar-che de promotion de la santé qui doit por-ter sur l'éducation au risque de grandir quiapparaît ici centrale et fondatrice. Cettepromotion de la santé ne doit pas être seu-lement gouvernée par les peurs socialesmais par un soutien et une écoute des ado-lescents et de leurs compétences à prend-re des risques pour grandir et établir deschoix qui leur soient personnels et pourlesquels ils se sentent impliqués.

C'est à cet âge de la construction de la sub-jectivité que le sentiment d'être soi est unenjeu majeur de l'éducation et de la pré-vention. Cette démarche doit concernerl'ensemble des adolescents. Elle doit por-ter sur une éducation au risque, s'accom-pagner d'informations et d'échanges surles lois, coutumes et règlements qui enca-drent les actions collectives et la régula-tion de l'action individuelle. Cette démar-che de promotion de la santé est tropsouvent confondue avec des démarches deprévention gouvernées par la peur socialedes drogues qui visent à prévenir lesconduites à risques plus qu'à promouvoirdes compétences nouvelles chez les ado-lescents pour pouvoir affronter les situa-tions de vie qu'ils expérimentent.

Certains adolescents vont entrer dans unerépétition précoce de conduites à risquesqui s'organisent comme un cumul designes de fragilité narcissique et de défen-ses contre une souffrance innommable.Elle se traduit par des relations paradoxa-les, un repli sur un groupe de pairs etdivers comportements qui révèlent unattachement ambivalent et des troubles del'humeur.

L'agir l'emporte sur la dimension dusens. La mentalisation est mise en échecet la résolution de la tension implique lepassage à l'acte ou les conduites addicti-ves. Les émotions, les souffrances débor-dent les mots.6

La prévention sélective se confronte alorsà un premier problème de repérage et deprise de contact de cette population quipose des actes pour ne pas avoir à mettreen évidence une souffrance qu'elle ne par-vient pas à nommer ou pour ne pas perdresa réputation. La médiation et le repéragene peuvent être réalisés que par des inter-locuteurs quotidiens de ces jeunes (pro-fessionnels, parents.) L'intervention doitcomporter une fonction contenante etstructurante par l'imposition de limites.Elle doit également être accompagnéed'actions, en individuel ou en petit grou-pe, de reconnaissance, d'écoute et de com-préhension de la personne. Plus la person-ne est jeune, plus elle a droit à cettereconnaissance et plus nous espéronsqu'elle pourra témoigner d'une évolutionsi on cherche à prendre en compte sesbesoins d'expression, son désir d'avoir uneplace dans ce monde et son souhait de sedéfinir comme sujet de sa vie. La préven-tion doit alors concevoir des lieux et desséquences d'expression suffisammentstructurés pour pouvoir échanger sur lesconduites à risques, les moyens de régulerl'action individuelle et collective. Ceslieux doivent être capables d'entendre lesagirs, de les nommer et d'opérer une pra-tique de transformation qui facilite l'accèsà un soulagement psychique et social.Selon les sites, il faudra une préventionplus orientée sur la contention (l'obliga-tion de prévention par exemple) ou desmodalités plus axées sur la compréhen-sion et les échanges (points accueil etécoute jeunes par exemple).

Il est souhaitable d'intégrer les préventionsspécifiques (tabac, alcool, drogues illici-tes etc.) dans une culture commune sur lesprises de risque et les conduites à risques.Les intervenants doivent pouvoir, à partirde l'évocation d'un problème précis, liéaux substances, dialoguer avec les adoles-cents sur le contexte de leurs modes devie, leurs troubles, leurs conduites, leurs

difficultés et leurs ressources. La garantiefournie par un cadre suffisamment globald'intervention permet de mieux compren-dre les trajectoires sociales et les histoiresbiographiques des jeunes. Elle protége desdérives d'une spécialisation trop forte quise fourvoie dans un évitement de la rela-tion et des échanges au profit de la tech-nique méthodologique, de l'informationstandardisée et du découpage de la per-sonne en facteurs sans relation à son unité.

Les pratiques de prévention doivent s'ap-puyer sur trois références principalesconstituées de l'observation des prises derisques du public visé, des contextessociaux des pratiques à risques et du sensque prennent ces conduites à risques pourles personnes.7

3 Le Garrec Sophie - Ces ados qui en prennent :Sociologie des consommations toxiques. Toulouse,Presses universitaires du Mirail, 2002.4 Le Breton David - La vie en jeu, pour exister, inL'adolescence à risque, Ed. Autrement, Paris, 2002,P.14-36.5 “Une intervention est dite universelle quand ellevise à influencer favorablement les risques au seind'une communauté entière.” Ladame F., Perret-Capticovic M., Choquet M., Kjellberg G., Bowen P.Conditions et enjeux de la prévention du suicide desjeunes, in Venisse, J. L. et al., Conduites addictives,conduites à risques : Quels liens, quelle prévention ?,Paris, Masson, 2002, P. 155-163.6 Le Breton David - Les conduites à risque des jeu-nes, in Prévenir les addictions, Lyon, CNDT, 2002,35-487 Miachon Catherine, in Prévenir les addictions,Lyon, CNDT, 2002.

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32 revue toxibase n° 11 - septembre 2003

Sélection préparée par Marie-Lise Priouret

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