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Couverture : Coucher de soleil sur un champ, avec vue d'Arles, Van Gogh, Kunstmuseum, Winterthur ZH.

Maquette réalisée p a r Roland Lowinger, d 'après une création de «Ateliers Image In», Paris.

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ARLES ET SES TERROIRS 1820-1910

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M É M O I R E S ET DOCUMENTS DE G É O G R A P H I E

COMITÉ DE LECTURE ET D'ÉDITION

Composition

Président

Paul CLAVAL (Paris IV)

Membres :

Jean CHAUSSADE (Nantes), Nicole COMMERÇON (Lyon), Annick DOUGUEDROIT (Aix-en-Provence), Michel DRAIN (Marseille), Christian GIRAULT (Paris)), René LHENAFF (Chambéry), Alain METTON (Paris XII), Roland POURTIER (Paris I), Denise PUMAIN (Paris XIII)

Conseillers auprès du Comité :

Fernand VERGER (ENS) Gabrielle FERRERI (CNRS)

Secrétaire de rédaction :

Colette FONTANEL (CNRS)

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MÉMOIRES ET DOCUMENTS DE GÉOGRAPHIE

ARLES ET SES TERROIRS 1820-1910

par

P a u l A L L A R D

ÉDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

15, quai Anatole-France - 75700 PARIS 1992

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© Centre National de la Recherche Scientifique, Paris 1992 ISSN 0224-2702 — ISBN 2-222-04681-5

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PRÉFACE

A RLES est une cité singulière. Son riche passé artistique, la vigueur de ses traditions évoquent les villes italiennes de la Renaissance qui furent aussi des Etats et s'en souviennent encore. Comme elles, Arles, .qui est toujours la plus vaste commune de France, possède aussi son «contado », son plat pays qu'elle

a si longtemps dominé et qui lui a servi d'assise territoriale. Il englobe la Camargue, la Crau et le Trébon. Un vrai petit royaume dont la ville a su tirer et sa richesse et sa fierté. Le cas est insolite en France, mais que l'on se tourne vers l'Europe méridionale et l'on reconnaîtra des parentés certaines. A cet égard, Arles est peut-être la plus méditerranéenne des villes françaises et dans le cadre des mondes méditerranéens, la clef de la géographie présente est à chercher dans l'histoire des territoires. C'est le premier mérite de cet ouvrage d'un historien. Il contribue à la connaissance géographique de la ville d'Arles. Ce mérite n'est pas mince. Si Arles est accueillante le sentiment d'identité territoriale y est aussi d'une force peu commune chez ses habitants. La ville ne se livre pas aisément et Arles se mérite plus qu' aucune autre ville. Il faut l'apprendre pour mieux /' appréhender, la comprendre et l'aimer.

L'ouvrage de Paul Allard est une initiation savante menée avec le souci chronologique de l'historien. Mais il ne porte pas sur les longs siècles d'or dont l'histoire arlésienne est cependant si riche. Il porte sur le siècle le plus proche de nous parce qu'un drame si est noué dont découle la compréhension du présent. Au siècle dernier, Arles était encore opulente. Par la voix de Mireille, Mistral en chantait ses bufs gras et ses chevaux sauvages, ses marins, ses pêcheurs et ses moissons si abondantes que les moulins étaient pourvus, d'un coup, de froment pour sept ans! Arles ressemblait beaucoup aux agrovilles de Sicile ou d'Andalousie. Mais voilà, le territoire jusque là si bénéfique devint pour la ville une lourde charge. On en connaît les contraintes physiques grâce aux travaux de Jacques Bethemont ou de Bernard Picon mais ce sont des raisons plus complexes que les difficultés de la mise en valeur qui firent qu'Arles cessa de maîtriser son territoire, des raisons sociales que Paul Allard nous expose avec une extrême minutie. C' est en ville plus qu' en Camargue que la partie s'est jouée et qu'Arles l'a perdue.

Mais s'il s'agit bien d'un échec économique sur la base d'un divorce entre la ville et son territoire, on ne peut dénier pour autant l'éclatante réussite culturelle dont Arles nous donne maints exemples contem- porains. Arles, romaine et camarguaise, est parvenue à promouvoir sa propre image, telle qu'en elle-même, dans une harmonie retrouvée avec son territoire.

Michel DRAIN

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INTRODUCTION

A RLES a reçu en héritage de son histoire un immense et singulier t e r r i to i re (carte p. 25) qui comprend 4 terroirs distincts : la plus grande partie de la Camargue, sur la rive droite du Rhône, le Plan-du-Bourg, le long de la rive gauche du Rhône, le Trébon entre Arles et Tarascon et l'essentiel de la Crau. Chacun

de ces terroirs constitue une entité géographique originale et complexe du point de vue de la géologie, du potentiel agricole, du peuplement, de l'occupation des sols et des cultures.

Ce vaste territoire, de plus de 100 000 hectares au XIX siècle, est tout à la fois, une richesse et un fardeau. Richesse grâce au potentiel agricole de terres alluvionnaires très fertiles dont la Camargue est le symbole, grâce aussi à la présence d'un fleuve redoutable mais plein de promesses, richesse également grâce à la situation de rupture de charge entre la navigation côtière et fluviale et au passage de la voie terrestre qui relie les pays méditerranéens. Tout cela, depuis des siècles, fait rêver les habitants et contribue à l'existence d'un véritable mythe, celui d'une richesse inexploitée, d'un potentiel gâché. Lieux d'une histoire physiquement présente dans le décor urbain et sur tout le territoire, la cité et sa campagne sont indissociables et donnent un très fort sentiment d'appartenance collective à un espace bien délimité et à une tradition qui sont l'essence même de la communauté arlésienne. Ville tournée vers son passé Arles n'en reste pas moins fidèle à l'espérance d'un riche avenir. Mais ce mythe de la terre promise qui fait partie de l'histoire et de la tradition n'a rien de moderne. Car la ville doit aussi supporter comme un fardeau ce territoire, très inhospitalier, vide d'hommes, où le climat est rude et imprévisible comme sur tout le pourtour méditerranéen, où les sols sont exposés au sel, à la submersion, à l'érosion; le potentiel agricole est réel mais nécessite un «aménagement de romain» - l'époque romaine représentait le mythe de l'âge d'or de la Camargue - considérable. Ce territoire, dont l'immensité est un apparent gage de richesse, est également un no man's land qui isole le noyau urbain arlésien des villes et villages alentour. Le pouvoir d'attraction de la ville s'épuise au travers de terres presque vides d'hommes. Depuis longtemps Arles laisse à d'autres cités les fonctions commerciales et son rôle de sous-préfecture ne suffit pas à attirer les habitants du nord du département vers elle. L'attribution de la sous- préfecture du troisième arrondissement des Bouches-du-Rhône à Arles allait d'ailleurs si peu de soi que Tarascon l'a longtemps contestée, finissant par garder le tribunal correctionnel.

L'histoire d'Arles est donc en grande partie celle d'une longue lutte contre un territoire immense qui en fait un cas hautement singulier parmi les communes françaises. En général, en effet, les rapports ville- campagne opposent des milieux urbains à des territoires agricoles qu'ils ne gèrent pas directement. Le cas d'Arles s'apparente plus aux formes de vie urbaine et rurale particulières que sont les agrovilles et que l'on rencontre dans certains pays méditerranéens comme l'Italie du Sud. Mais Arles et son territoire sont en France, dans un contexte tout à fait différent. La ville est soumise au centralisme propre à la France du XIX siècle.

(1) Le terme de «territoire» qui est employé ici désigne l'ensemble des terres qui dépendent de la commune, il correspond à une terminologie actuelle. Mais dans les documents de l'époque le terme de «terroir» désigne la plupart du temps non une unité naturelle considérée sous l'angle des ses aptitudes agricoles, mais tout simplement le territoire communal. Nous l'emploierons quelquefois dans ce sens tout au long du travail.

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La ville ne dispose pas d 'une autonomie communale, voire régionale, suffisante pour décider seule de son aménagement. Malgré son territoire vaste comme plusieurs communes, elle est un nain administratif et financier qui dépend de l 'extérieur pour son développement. Paris, par l ' intermédiaire du préfet et du sous-préfet, des ingénieurs des Ponts et Chaussées, contrôle tout. Les subventions sont le signe tangible du soutien parisien à tel ou tel projet. Localement, l 'emplacement de la ville joue un rôle tel, qu' i l est l 'enjeu des politiques rivales de villes comme Lyon ou Marseille qui, tour à tour, au gré de leurs intérêts, soutiennent ou défont les projets arlésiens et, la plupart du temps, imposent les leurs. Dans ces conditions le développement d'Arles ne peut être ramené simplement à un niveau purement local. Toutefois notre étude n 'a pas pour ambition de se situer au niveau des politiques nationales ou des stratégies économiques des puissances régionales. Notre enquête se situe volontairement à un niveau local, nécessaire à une étude qui a pour finalité de mieux compren- dre le fonctionnement de la complexe société arlésienne mi-urbaine, mi-rurale.

Il est possible de distinguer diverses étapes dans l 'essai de conquête du territoire par la ville. Le plus grand effort, sans conteste, paraît-être celui que les habitants et les nombreux propriétaires extérieurs ont entrepris au XIX siècle pour essayer de domestiquer cet environnement hostile. La redistribution de la propriété en de nouvelles mains à la suite de la Révolution, ainsi que les espoirs placés dans les nouvelles techniques, ont fait du terroir arlésien et de la Camargue en particulier, la terre de toutes les expériences. Le résultat de cette lutte a conditionné toute la vie économique arlésienne au XIX siècle, de la réussite ou de l 'échec de ces entreprises dépendait en effet tout l'avenir. Dans le nord du département, le succès des cultures maraîchères et fruitières de la deuxième moitié du siècle ont entraîné un enrichissement durable, dont les effets se font

encore sentir aujourd'hui, il paraît difficile de dire qu'Arles a connu un succès analogue. Ainsi la sous-pré - fecture d 'un arrondissement agricole prospère s'est-elle trouvée excentrée par rapport aux zones de production. La prééminence administrative ne correspond pas à une domination économique, le grand marché se trouve dans le Vaucluse autour d'Avignon ou de Cavaillon. Plus que les Alpilles, qui ne constituent pas un véritable obstacle naturel, la distance et, surtout, le relatif échec de l 'agriculture arlésienne ont constitué des barrières insurmontables.

Le faible rayonnement d'Arles comme sous-préfecture est la conséquence de son incapacité à dominer son territoire. Cela se retrouve dans la volonté d'émancipation de diverses parties de celui-ci. Il y a certai- nement peu d'équivalent en France d 'une commune qui en quelques dizaines d 'années ait donné son indé- pendance à des fractions aussi importantes de son territoire. Port-Saint-Louis du Rhône en 1904 s'est tout d 'abord détaché d'Arles après lui avoir succédé comme port, puis Saint-Martin-de-Crau prit à son tour son indépendance en 1925, cette fois-ci en tant que centre agricole. De nos jours Salin de Giraud a des velléités d' indépendance, avec comme prétexte le fait que la vie municipale locale a son centre de décision Arles situé à 40 km. Mais cette fois-ci ce serait une partie de la Camargue qui quitterait la communauté arlésienne et les résistances sont fortes. Ce lent grignotage est le signe tangible de cette incapacité arlésienne à s 'imposer sur son territoire et à en être l 'élément moteur.

A cet échec on peut essayer de trouver quelques raisons historiques en étudiant les relations d'Arles et de son territoire depuis sa constitution en commune, au temps de la Révolution. En particulier il paraît indispensable de connaître l 'évolution de la répartition de la propriété foncière depuis cette époque. Les pro- priétaires, en effet, ont joué un grand rôle dans la transformation des pratiques agricoles et dans l 'élaboration des projets d'aménagement. Mais tous les propriétaires n'étaient pas arlésiens, la propriété foraine a toujours été considérable, Ce qui, au départ, n 'était pas forcément un élément défavorable; les domaines de la Beauce appartiennent pour l 'essentiel à des investisseurs urbains et cette structure de la propriété n 'a pas empêché la mise en place d 'une agriculture beauceronne productive et rentable, au contraire. Cela aurait pu très bien marcher à Arles, l 'appel à des capitaux extérieurs aurait pu être plus bénéfique pour son agriculture. L'étude des grands projets d 'aménagement qui ont fleuri au XIX siècle est donc tout aussi nécessaire, ainsi d'ailleurs que la description de ce qui, en définitive, a été réalisé.

D'une manière plus générale, le cas d 'Arles pose un problème relativement original qui est celui des relations ville-campagne à l ' intérieur d 'une même commune. Habituellement les villes exercent leur attraction

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voire leur domination sur des terroirs agricoles extérieurs au territoire communal. Elles peuvent donc choisir leur stratégie de développement sans tenir compte des intérêts agricoles et en pratiquant un certain égoïsme, laissant le soin aux communes rurales de s 'adapter comme elles le peuvent à une conjoncture agricole difficile,

en particulier dans la deuxième moitié du XIX siècle. Dans le cas d 'Arles il en va différemment, comment concilier les impératifs de développement d 'une ville qui a une vocation portuaire et administrative depuis la conquête romaine et une vocation agricole qui est celle d 'un territoire riche, original, mais vaste et diffi- cilement accessible ?

Les liens qu'Arles entretient avec son espace environnant pose des problèmes familiers aux géographes. Dans le cas d'Arles il y a, nous semble-t-il deux aspects importants : d 'une part l ' interaction entre la ville et l 'espace agricole environnant, avec cette particularité déjà soulignée que cet espace dépend de la commune, d'autre part le manque de rayonnement de la ville d 'Arles qui apparaît clairement dans la difficulté qu'éprouve Arles à jouer un rôle économique et administratif important pour les communes environnantes. Si l 'on s 'en tient au nombre d'habitants, d 'après la théorie de Christaller, pourtant, la ville possède la dimension nécessaire pour exercer cette domination mais le tissu des petites localités proches est en fait trop peu dense et ne suffit pas à créer des flux vers la ville. Dans son ouvrage, «Les villes dans la France moderne (1740-1840)», Bernard L e p e t i t ( apporte quelques éléments explicatifs : la ville d 'Arles n ' a jamais réuni les fonctions né- cessaires a un développement semblable à des villes comme Aix-en-Provence et Nîmes par exemple. Même si sa population est comparable en nombre à celle des villes cités ci-dessus, Arles ne cumule pas autant d'atout qu'elles. En particulier dans le classement que fait Bernard Lepetit de 309 villes françaises sous le premier Empire, la ville d 'Arles se situe dans le groupe VI (sur VII groupes), c 'est-à-dire celui des villes qui ne disposent que d 'une centralité administrative embryonnaire : «Elles doivent leur existence à l ' inachè- vement de la rationalisation de la carte administrative, à la distribution atypique des tribunaux de commerce et à la diffusion élargie des institutions fiscales de second rang. ». Arles dispose seulement d 'un tribunal de commerce et du fisc. La perte du tribunal civil qui est attribué à Tarascon et la suppression de l 'Evêché en 1791, ne contribuent pas à renforcer la position de la ville. Il est à remarquer qu 'une des conséquences de la Révolution est, selon la hiérarchie de Bernard Lepetit, un d é c l a s s e m e n t La présence simultanée d 'une Sénéchaussée, d 'un grenier à sel, d 'un Archevêché faisait qu 'Arles avait certainement un meilleur classement dans la hiérarchie des villes avant la Révolution q u ' a p r è s La situation est contrastée car la ville cumule 5 ou 6 critères négatifs et seulement 3 ou 4 p o s i t i f s Autre évaluation intéressante, toujours d'après les critères adoptés par Bernard Lepetit, il apparaît que la ville est considérée comme p o p u l e u s e : c 'est-à-dire comme ayant une population supérieure à ses fonctions administrat ives et à ses fonctions économiques. B. Lepetit remet en cause le concept des places centrales selon Christaller. Pour Christaller le nombre des villes augmente, d 'un niveau fonctionnel au suivant, sous l 'effet d 'un multiplicateur constant : 3 dans le cas général, 4 ou 7 dans les autres. La France d 'Ancien Régime semble obéir à un modèle urbain comparable. Pour B. Lepetit, cependant, la répartition spatiale fait apparaître des divergences notables. La carte des villes d 'Ancien Régime montre que les villes sont plus nombreuses dans les parties administrées depuis très long- temps par la Monarchie française : B. Lepetit remonte jusqu 'à Philippe Auguste créateur de l 'Etat moderne : «Partout et toujours l 'espace est du temps s o l i d i f i é » Cette lecture comparée de la fonction des villes sous l 'Ancien Régime a le mérite de situer l 'originalité d 'Arles par rapport à d'autres villes de taille similaire qui ont connu des fortunes plus favorables au XIX et au XX siècle. Il est aisé de vérifier qu'effectivement la ville d'Arles manque de rayonnement au delà de ses limites territoriales et qu ' à population égale son influence et son rôle administratif sont très inférieurs à ceux de villes comme Aix ou Avignon.

(2) Lepetit B., « Les villes dans la France moderne (1740-1840) », Albin Michel, 1988. (3) Lepetit B., opus cité, p. 217. Cf. également la carte p. 222. (4) Elle appartenait au moins au groupe IV et fort vraisemblablement au groupe III défini par Bernard Lepetit pour classer les

villes selon leurs fonctions (5) Lepetit B., opus cité, p. 159. (6) Lepetit B., opus cité, p. 169. (7) Lepetit B., opus cité, p. 160.

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Arles, qui sous l 'Ancien Régime était une terre adjacente, bénéficiaire notamment d 'une large autonomie en ce qui concerne la levée des impôts, et qui s'enorgueillissait d 'avoir des députés particuliers, mais seulement consultatifs, aux Etats de Provence, paie ainsi au XIX siècle cette originalité qui faisait la fierté de ses habitants mais qui l ' isolait depuis longtemps du reste de la Provence. La ville n'était pas le centre d'une administration qui l 'aurait reliée fortement à un réseau de petites agglomérations. Cette volonté d'indépendance, formulée explicitement par les élites locales, conduisit la ville à revendiquer, lors des élections aux Etats Généraux en 1789, une députation particulière, la ville refusant de mêler ses voix à celles de la Sénéchaussée dont elle était pourtant le s i è g e Cette attitude montre bien qu 'à la fin de l 'Ancien Régime, les élites arlésiennes ne se sentaient pas partie prenante dans l 'administration de la Sénéchaussée. Le monde arlésien était clos sur

lui-même, ce que reflète bien les structures des fortunes en 1820, d'après les registres de mutation par décès : les propriétaires d 'Arles détenaient très peu de biens immobiliers hors de la commune.

Il s 'ensuit que la ville d 'Arles avait une population supérieure à ses fonctions urbaines selon les théories évoquées précédemment. La contradiction est résolue si l 'on tient compte de l ' importance de la population agricole dans la ville qui était beaucoup plus importante que dans les autres villes des environs : Arles res- semblait à une agroville du sud de l 'Europe, ou, pour rester dans le cadre français à de petites villes de province comme Parthenay ou Mende dans lesquelles monde urbain et rural s'interpénétraient. Il ne faut pas négliger cependant la population qui vivait en dehors de l 'agglomération : la taille du terroir les transformait en véritables ruraux car la distance rendait les contacts avec la ville peu fréquents : En réalité la commune d'Arles qui comprenait 21 000 habitants au début du XIX siècle se décomposait en une ville de 15 000 habi- tants auxquels il faut ajouter 6 000 ruraux. Mais l 'agglomération elle-même comportait au début du XIX siècle une moitié d'habitants qui vivaient de l 'agriculture.

L'objet de cet essai est donc d'essayer de mieux comprendre l 'évolution tout au long du XIX siècle des rapports entre une ville qui par ses fonctions, portuaires, administratives, commerçantes subit des trans- formations qui sont celles des agglomérations de sa taille dans le courant du XIX siècle : expansion démo- graphique, agrandissement de l 'espace urbain par la création de nouveaux quartiers, industrialisation, et un territoire communal immense qui, au début siècle, restait largement à conquérir et offrait apparemment la possibilité de devenir la base d'une économie agricole d 'un ensemble communal original.

Pour suivre cette évolution complexe tout au long du siècle nous avons suivi les mutations de l 'économie urbaine et les efforts de mise en valeur du territoire. Les relations particulières qui unissaient la ville et le monde rural ont été observées à partir de la composition des fortunes des Arlésiens en utilisant les registres de mutation par décès. Il s 'agit d 'une source depuis longtemps exploitée par les historiens pour décrire les hiérarchies sociales urbaines et r u r a l e s Elle a permis, dans le cadre de cette étude, de replacer le monde agricole dans la société arlésienne et de mesurer l 'intensité des liens économiques et sociaux entre la ville et son territoire. Grâce au dépouillement de l 'état civil il a été possible également de calculer l 'évolution des taux d'alphabétisation et un indice d'endogamie au mariage ainsi que de suivre sur deux ou trois géné- rations les évolutions socio-professionnelles des cultivateurs. Ces indications complètent celles données par la répartition et la composition des fortunes et permettent de mieux caractériser le milieu agricole, par rapport notamment au milieu urbain. Dans la recherche des liens qui unissaient la ville et son terroir nous avons retenu, parmi plusieurs indicateurs possibles, la composition socio-professionnelle du personnel politique municipal, ce qui a permis de mesurer la présence des cultivateurs et des propriétaires ruraux dans les instances dirigeantes de la commune. D'autres sources, administratives pour la plupart, ont permis de retracer les trans- formations de la production agricole, la mise en valeur du territoire, l 'évolution de la marine arlésienne et l 'industrialisation de la commune.

(8) Allard P., « La Révolution arlésienne », p. 7 à 30 in catalogue de l 'exposit ion sur la Révolution Arlésienne organisée d'octobre 1989 à janvier 1990, salle Van Gogh à Arles.

(9) Labrousse E., «Voies nouvelles vers une histoire de la bourgeoisie occidentale aux XVIII et XIX siècles (1700-1850) », X Congresso Internazionale di Scienze Storiche, Relazioni, vol. IV, Roma, 1955. Depuis Ernest Labrousse qui fut l ' init iateur de ces recherches de très nombreux travaux ont montré la richesse des sources de l 'enregistrement, cf la bibliographie.

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C e t t e d i v e r s i t é d ' a p p r o c h e n o u s a p e r m i s d e m i e u x s a i s i r l e s d i f f i c u l t é s e t l e s c o n t r a d i c t i o n s d u d é v e -

l o p p e m e n t d e l a v i l l e e t d e s o n t e r r o i r e t d e n u a n c e r l ' i m p r e s s i o n d ' é c h e c q u e l e s A r l é s i e n s é p r o u v è r e n t à l a

f i n d u X I X s i è c l e e t a u d é b u t d u s i è c l e s u i v a n t . A u n e é p o q u e q u e l ' h i s t o r i e n a m é r i c a i n E u g e n W e b e r a

c a r a c t é r i s é c o m m e é t a n t c e l l e d e l a « f i n d e s t e r r o i r s » e t d e l a r u p t u r e d e l a s y m b i o s e , f r é q u e n t e e n p r o v i n c e ,

d e l a v i l l e e t d u m o n d e r u r a l , A r l e s p o u v a i t - e l l e m e n e r à b i e n s a v o c a t i o n u r b a i n e e t s a v o c a t i o n r u r a l e ?

(10) Weber E., «La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale 1870-1914 », Paris, Fayard, 1983. 1 édition Stanford University Press, 1976.

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P R E M I È R E PARTIE

UNE VILLE À LA CONQUÊTE DE SON TERROIR (1820-1860)

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Chapitre I

LA VILLE d'ARLES AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE

c

OMME on l'a vu précédemment la commune d'Arles avait, au début du XIX siècle, une population de 21 000 habitants, ce qui la situait au niveau de villes comme Aix ou Avignon qui comptaient entre 23 et 24 000 habitants. L'agglomération regroupait environ 15 000 personnes enserrées entre des rem-

parts qui délimitaient un espace clos de 56 hectares. Elle avait hérité de l'insécurité du Moyen Age son étonnante densité de 4550 maisons et au début du XIX siècle les arènes, construites au sommet de la petite colline calcaire à laquelle s'accroche la ville, étaient encore occupées par des maisons d'habitation. Les rues étaient étroites et ne laissaient passer le soleil qu'à certaines heures de la journée; elles étaient pavées de caladons, galets de Crau, qui les rendaient très bruyantes et fort incommodes. Les façades blanches entretenues par de fréquents badigeonnages de chaux donnaient à la ville un aspect o r i e n t a l Seuls quelques hôtels particuliers au centre de la ville et les nombreux couvents et édifices religieux étaient en pierre apparente, leur construction datait souvent du XVII siècle.

Malgré l'étroitesse de la ville les quartiers d'Arles restaient encore très typés socialement et politique- ment. Arles comportait 5 quartiers hérités du Moyen Age : la Cavalerie au Nord (ancien Bourg Neuf), la Major (ancienne Cité) au centre, la Roquette (Vieux Bourg) au Sud, le Port le long du Rhône, et le Marché Neuf entre Cité et Vieux Bourg. Il convient d'ajouter à cette division le quartier de Trinquetaille situé de l'autre côté du Rhône, en Camargue et relié à la ville par un pont de bateaux..

De vieilles querelles opposaient depuis toujours les quartiers d'Arles. Des expressions locales et des chansons satiriques en ont conservé la trace : les habitants de la ville disaient des habitants de Trinquetaille :

«La farandoulo di Trincataio touti li gens soun de canaio»

vieux refrain d'une chanson satirique sur les manières rustres des paysans de Trinquetaille. Mais le quartier de la Hauture était aussi l'objet de moqueries de la part des autres Arlésiens :

« la farandoulo dis Auturen

touti li gens manjoun de b r e n

Ces différences entre les quartiers étaient restées si vivantes au XIX siècle que les observateurs de l'époque distinguaient encore les différents types de femmes arlésiennes. Sous le Second Empire, Jules Canonge distinguait, dans son ouvrage «Arles en France », les Hauturenques au profil grec des Roquet- tières de type provençal et au nez retroussé. Entre les deux, les Placenques qui vivaient vers le Marché Neuf

(11) Jacquemin L., «Essai de statistique », Arles, 1850, p. 109. (12) Fassin E., « Parémiologie arlésienne », article dans le journal arlésien «Le Forum Républicain» du 21 février 1892. «la

farandole de Trinquetaille, tous les gens sont des canailles », « la farandole de la Hauture, tous les gens mangent des ordures ».

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auraient eu un type mixte, c 'est la partie de la ville qui est au contact de l ' e x t é r i e u r Cette division, liée aux activités économiques, était donc toujours présente au XIX siècle. La double vocation agricole et portuaire de la ville s'inscrivait dans l 'espace urbain.

La moitié de la population agglomérée travaillait dans l 'agriculture, ce qui donnait à la cité enfermée dans ses remparts l 'allure d 'un gros village urbanisé p r o v e n ç a l ou d'une sous-préfecture du Centre de la F r a n c e Les cultivateurs habitaient surtout la périphérie de la ville, le long des remparts et à proximité des portes qui donnaient directement sur la campagne environnante. Ils étaient particulièrement nombreux dans le quartier de la Cavalerie à l 'Est de la ville. Tous les matins des colonnes de cultivateurs, surtout des journaliers, partaient vers Pont-de-Crau et vers les autres parties du territoire travailler la terre des autres ou leurs propres parcelles qui formaient une couronne autour de la ville.

Les Arlésiens qui vivaient du port, capitaines, matelots, portefaix, fustiers, scieurs de long, cordiers etc. habitaient pour la plupart le quartier de la Roquette à l 'Ouest de la ville où ils vivaient repliés sur leur communauté, mais ouverts aux influences de Marseille ou de Lyon. Ils formaient une population turbulente, républicaine et volontiers révolutionnaire. Ils côtoyaient, malgré tout, une partie du monde agricole car la partie Est de la Roquette était occupée par des cultivateurs travaillant en Crau pour la plupart.

Le quartier de la Cité, autour de l 'Hôtel de Ville, l 'Archevêché et Saint-Trophime était occupé par les propriétaires les plus riches et une noblesse assez nombreuse encore au début du XIX siècle. Dans son pro- longement vers l'est, le quartier de la Hauture, près des arènes, comptait également une forte proportion de propriétaires. Cette partie de la ville accueillait la plupart des fonctions administratives et en particulier la mairie et la sous-préfecture. C'était aussi le lieu de rencontre des habitants, dans la mesure où les rares places de la ville s 'y trouvaient et, en particulier, les deux principales : La place Royale devant la mairie du XVIII siècle dominée par Saint-Trophime et surveillée par l 'Homme de Bronze qui surmonte l 'Hôtel de Ville et la place des Hommes sur laquelle, au mois de juin, les propriétaires arlésiens venaient embaucher les équipes de moissonneurs venus de la Drôme où des Hautes vallées des Alpes du Sud.

Les artisans, quant à eux, n 'avaient pas de quartiers attitrés, ils se répartissaient de manière assez régulière dans l 'espace urbain. Beaucoup d'entre eux travaillaient pour les cultivateurs, les charrons, les maréchaux ferrants etc. dans la quartier de la Roquette ils étaient plutôt spécialisés dans les métiers de la fabrication et de l 'entretien des navires.

Sur un plan de la ville la spécificité des quartiers apparaît assez clairement. Les rues du centre et de la périphérie de la ville s'entrecroisent et facilitent la circulation intérieure ainsi que l 'accès aux portes prin- cipales qui ouvrent sur la campagne environnante. Cette partie de la ville, qui vit en large symbiose avec le monde agricole, privilégie ses relations avec l'extérieur. La Roquette, au contraire, est formée de rues parallèles qui se dirigent vers le port, lieu de travail de ses habitants. La circulation transversale, à l 'époque, n 'y était assurée que par une seule rue, la rue de la Roquette, qui délimitait le quartier portuaire.

De l 'autre côté du Rhône, Trinquetaille, faubourg d'Arles était une véritable tête de pont en Camargue. Le quartier abritait des marins et surtout de nombreux cultivateurs qui travaillaient les terres proches de la Corrège, quartier nord de la Camargue.

Cet espace urbain arlésien servit de cadre, durant la Révolution, à des affrontements particulièrement violents entre les républicains et les royalistes. Les premiers étaient appelés « monnaidiers » car ils venaient du quartier de la Roquette, ancien quartier de la Monnaie, les seconds étaient surnommés « chiffonistes » car ils s 'étaient réunis dans la maison du chanoine Giffon (qui se prononce de la même manière que chiffon en provençal) située dans le théâtre antique, au pied de la Hauture. Cette division de la ville en deux camps opposés et spatialement bien définis laissa des traces durant tout le XIX siècle. La Roquette, avec ses marins, ses artisans et quelques journaliers agricoles, fut à l 'origine de l 'agitation républicaine tandis que la Hauture,

(13) Canonge J., «Arles en France », Paris, Tardieu, 1861. (14) Agulhon M., « L a vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution », Paris, Clavreuil, 1970. (15) Weber E., opus cité, chapitre XIV, « L a campagne dans la ville ».

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Mémoires et documents de géographie. Nouvelle collection :

Les dimensions du changement urbain, par D. Pumain et Th. Saint-Julien. Croissance urbaine et développement capitaliste : « Le miracle » athénien, par G. Burgel. Espaces vécus et civilisations. Contact Ile-de-France, Basse Normandie, évolution géodynamique, par Yvette Dewolf. Phénomènes karstiques III. Espace utile et transfert de population, par V. Lassailly. Vote et société dans la région nantaise, étude de géographie électorale 1945-1983, par Danielle Rapetti. Cônes rocheux et aplanissements partiels sur roches carbonatées cohérentes, par G. Beaudet. Vitalité de la petite pêche tropicale (Pêcheurs de Saint-Louis du Sénégal), par R. Van Chi Bonnardel. L'espacement des Villes - théorie des lieux centraux et analyse spectrale, par C. Cauvin et H. Reymond. Biogéographie de la montagne marocaine : le Moyen-Atlas central, par Michel Lecompte. Associations d'habitants et urbanisation - l'exemple lyonnais (1880-1983), par T. Joliveau. Les frontières du refus : six séparatismes africains par M. Ch. Aquarone. Des mots et des lieux : la dynamique du discours géographique, par Vincent Berdoulay. Campagnes et villes dans les huertas Valenciennes, par Roland Courtot. Mythes égalitaires et pauvretés, par Raymonde Séchet-Poisson. L'érosion sur les hautes terres du Lingas, par T. Muxart, Cl. Cosandey et A. Billard. L'évolution géomorphologique de l'Europe hercynienne occidentale et centrale, par Cl. Klein. Une coupe géomorphologique des Andes centrales, par G. Beaudet, G. Gabert, H. Philip et P. Usselmann. Histoires de Géographes, par C. Blanc-Pamard. L'Etat et les stratégies du territoire, par H. Théry. Quel avenir pour les réseaux ferrés d'Europe occidentale ?, par Etienne Auphan. Jardins de Capitales, une géographie des parcs et jardins publics de Paris, Londres, Vienne et Berlin,

par Franck Debié. La lettre et l'esprit, géographie scolaire et géographie savante en France (1870-1970), par Isabelle Lefort.

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