cours et td chapitre iii spectroscopie rotationnelle
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Université L’arbi Ben M’hidi Oum el baouaghi Le 27 / 02/ 2020
Faculté des sciences Semestre S6
Département SM Filières Chimie fondamentale
Module : Spectroscopie moléculaire
Enseignante responsable : F. ZOUCHOUNE
COURS et TD
CHAPITRE III Spectroscopie Rotationnelle
CHAPITRE VI Spectroscopie Vibrationnelle
CHAPITRE III
ROTATION PURE
Préambule / Objectifs
La molécule diatomique, la plus simple, peut tourner sur elle-même. Comment peut-on
observer ce mouvement moléculaire ? Est-ce que l’application de la mécanique classique
renseigne sur les lois qui gouvernent ce mouvement ? L’introduction de la mécanique
quantique est-elle nécessaire ? Si oui, quelles en sont les conséquences sur l’interprétation des
observations ?
Une molécule est un objet comme un autre. Elle est donc susceptible de tourner sur elle-
même, comme une toupie. Voyons comment le mouvement de rotation s’exprime avec les
molécules les plus simples, soit les molécules diatomiques.
Les molécules possèdent un autre type de mouvement interne : la vibration. Ce mouvement
sera étudié au chapitre 4.
3.1 Résultats expérimentaux
Lorsqu’on fait de l’absorption dans l’infrarouge lointain, au-delà de 30 m, on observe pour
une molécule donnée, une série de raies d’absorption à peu près équidistantes. Des spectres
d’absorption analogues sont également observés dans la région des hyperfréquences
(longueur d’onde dans la région de 0,2 à 2 mm). La position du spectre d’absorption dans
l’échelle des longueurs d’onde dépend de la molécule étudiée. Plus la molécule est lourde,
plus le spectre se trouve dans une région de grande longueur d'onde (Fig. 3.1.).
Figure 3.1. Spectre électromagnétique.
Nous étudierons maintenant la rotation d’une manière quantitative, en prenant comme
exemple la molécule de chlorure d’hydrogène, HCl, isolée comme c’est le cas en phase
gazeuse.
La première colonne du tableau 3.1 présente, à titre d’exemple, les fréquences d’absorption
(mesurées en nombre d’ondes) observées pour la molécule HCl (gazeux). Le spectre de cette
molécule se trouve dans le domaine infrarouge lointain accessible aux spectromètres
infrarouges optiques.
Tableau 3.1. Fréquences d’absorption dans l’infrarouge lointain de HCl gazeux.
(cm1
) expérimental
Nombre entier
(cm1
) calculé
83,03 4 82,72
21,07
104,10 5 103,40
20,20
124,30 6 124,08
20,73
145,03 7 144,76
20,48
165,51 8 165,44
20,35
184,86 9 186,12
20,52
206,38 10 206,80
20,22
226,50 11 227,48
représente la différence des nombres d’ondes de deux raies successives : elle se trouve à être à peu près constante. Nous considérerons les raies équidistantes en première
approximation. Dans ces conditions l'énergie exprimée en nombre d’ondes est assez bien
représentée par la formule :
= a m soit = 20,51 m pour HCl
m est un nombre entier.
La dernière colonne de ce tableau donne les valeurs des fréquences d’absorption calculées à
partir de cette formule pour des valeurs de m comprises entre 4 et 11. On constate que ces
valeurs calculées s’écartent peu (moins de 1 %) des données expérimentales.
Nous montrerons (section 3.5) que ce spectre peut être interprété comme une transformation
de l’énergie électromagnétique absorbée en énergie de rotation. Notons que l’absorption n’est
pas continue ; cela signifie que certains états énergétiques seulement sont possibles dans la
rotation et que la molécule passe brusquement (par quanta) d’un état à l’autre. L’émission
d’énergie par le même processus ne peut s’observer que si un très grand nombre de molécules
émettrices sont présentes. C’est le cas en radio astronomie ou certains corps célestes qui
émettent ce type de rayonnement (détecté par les radio télescopes) à partir des molécules
diatomiques qui y sont présentes, révélant du même coup au moins une partie de leur
composition.
3.2 Modèle mécanique - le rotateur rigide
Examinons un modèle mécanique simple d’une molécule diatomique, soit le rotateur rigide.
Soulignons que toute représentation d’un objet quantique comme une molécule à l’aide de
modèles classiques tels que celui illustré à la figure 3.2, appelle à la prudence. En effet, de
tels modèles fournissent de ces objets une représentation utile (on dirait pédagogique) de leurs
mouvements, mais cette représentation est toujours partielle, voire même inexacte.
Figure 3.2. Modèle mécanique du rotateur rigide.
En mécanique classique, un système isolé, c’est-à-dire non soumis à des forces externes, ne
peut tourner d’un point appelé centre de masse. La position de ce point est telle que la
somme vectorielle des moments (le produit du vecteur position par la masse) de chacune des
composantes du système, par rapport à ce point, est nulle.
Selon ce modèle, chacun des deux atomes de masse m1 et m2 est supposé réduit à un point
matériel, ce qui est sûrement une bonne approximation quand on se souvient que la quasi
totalité de la masse d’un atome est concentrée dans son noyau qui est beaucoup plus petit que
son nuage électronique illustré sur la figure 3.2. On néglige l’effet de la gravité de même que
la masse des électrons. On imagine également que les deux atomes sont liés de façon rigide,
comme par une barre de masse négligeable.
Avec ces hypothèse simplificatrices, la position du centre de masse d’une molécule
diatomique est décrite par l’égalité suivante :
(3.1a) m1 r1 = m2 r2
Dans cette dernière équation, r1 et r2 sont les distances respectives des atomes 1 et 2 au centre
de masse.
Mais on a d'après la figure 3.2 :
r1 = r r2 et r2 = r r1
Ce qui permet de récrire l’expression 3.1a des deux manières suivantes :
m1 r1 = m2 (r r1) et m2 r2 = m1 (r r2)
En réarrangeant ces deux dernières expressions, on obtient :
m1 r1 + m2 r1 = m2 r et m2 r2 + m1 r2 = m1 r
On en tire :
(3.1b)
En vertu de ces hypothèses, le seul moment d’inertie non nul est le moment par rapport à un
axe perpendiculaire, à l’axe internucléaire. La seule rotation que l’on doit considérer est donc
celle qui s’effectue autour de cet axe et le moment d’inertie, I, est donné par la relation
suivante :
I = m1 r12 + m2 r2
2
En substituant dans cette équation les expressions de r1 et de r2 données en 3.1b, on
obtient :
(3.1c)
est appelé la masse réduite de la molécule.
Les relations 3.1c signifient que du point de vue mécanique, la molécule diatomique peut être
étudiée comme un atome unique de masse tournant autour d’un point situé à la distance fixe
r égale à la distance internucléaire (Fig. 3.3).
Figure 3.3. Équivalent mécanique du rotateur diatomique rigide.
On peut envisager deux cas limites :
1- Les deux atomes ont une masse identique, m1 = m2 (cas des molécules homonucléaires).
Dans ce cas :
µ = m12/ 2 m1 = m1/2,
2- Les deux atomes ont des masses très différentes, m1 << m2 (cas des hydrures métalliques).
Ici la masse réduite tend vers la masse de l’atome le plus léger et :
µ m1 m2 / m2 = m1
On voit donc que dans tous les cas la masse réduite µ est telle que m1/2 < µ <m1, elle est
comprise entre la moitié et la valeur entière de la masse de l’atome le plus léger. On peut
aussi examiner l’influence relative de chacune des deux masses sur la position du centre de
masse.
1- Si la molécule est homonucléaire, m1 = m2 et r1 = r2. La molécule tourne autour
de son centre de symétrie : le centre de masse est situé au milieu de la liaison
moléculaire.
2- Si au contraire l'un des atomes a une masse beaucoup plus petite que l'autre, disons
m1 << m2, alors r1 >> r2 et tout se passe comme si la molécule tournait autour du
centre de l'atome de plus grande masse.
Voyons maintenant comment exprimer mathématiquement la relation entre la vitesse de
rotation, l’énergie et la masse réduite d’un rotateur rigide.
L’énergie du système est essentiellement son énergie cinétique, w étant la vitesse angulaire et
ou la vitesse tangentielle :
Erot = 1/2 m 2
Mais comme m doit être identifié à m, et sachant que , la vitesse angulaire, est égale à /r,
on peut écrire:
Erot = 1/2 r2
2
Erot = 1/2 I 2
ou encore, comme le moment cinétique peut s’écrire :
P = I .
L’énergie finalement s’exprime par :
(3.2)
En théorie classique, l’énergie du système peut prendre une valeur quelconque dépendant du
moment cinétique, c’est-à-dire de la vitesse de rotation
3.3 Traitement quantique du modèle mécanique
Le modèle mécanique classique ne permet pas d’aller plus loin et, en particulier, ne permet
pas de déterminer les états énergétiques possibles.
Pour ce faire, il faut recourir à la méthode quantique, mécanique appliquée au mouvement de
l’électron autour du proton et également applicable au mouvement des noyaux. On peut
déterminer une fonction d’onde solution de l'équation générale de SCHRÖDINGER. Le carré de cette fonction d’onde représentera la probabilité de présence des noyaux en chaque
point de l’espace.
Dans le cas du rotateur rigide symétrique, l’énergie potentielle V = 0 et l’équation d’onde de
SCHRÖDINGER devient :
Dans cette équation est la fonction d'onde, E est l'énergie du rotateur, est la masse réduite et h est la constante de PLANCK.
l’énergie E peut seulement prendre les valeurs suivantes:
(3.3)
J est un nombre quantique de rotation qui peut prendre les valeurs :
J = 0, 1, 2, ...
Figure 3.4. Rotateur rigide à axe fixe.
Ouvrons une parenthèse pour essayer de mieux faire comprendre comment l’équation de
SCHRÖDINGER fournit le résultat.
L’intégration de l’équation est très facile si on l’applique au rotateur rigide à axe fixe (Fig.
3.3). Ce problème pourrait être matérialisé par une molécule astreinte à tourner autour d’un
axe en restant, par exemple, dans le plan xy . Dans ce cas, le Laplacien y se réduit à :
Étant donné la symétrie du problème, il est préférable de le traiter en coordonnées polaires.
Après un changement de coordonnées l’expression précédente s’écrit :
r est l’angle que fait la molécule avec une direction fixe (c’est la seule variable du problème),
r est la distance fixe de la masse à l’axe de rotation. L’équation devient donc :
Cette équation aux dérivées partielles du second ordre à coefficients constants a pour solution
générale:
y = c1 cos J + c2 sin J
(3.4)
Cependant, cette fonction d’onde n’est satisfaisante que si les conditions aux limites sont
satisfaites. En particulier, la fonction doit être continue c’est-à-dire qu’elle doit prendre les
mêmes valeurs pour , + 2 , + 4 , etc. correspondant au même point de l’espace. Cette condition impose que le nombre J soit entier. L’équation 3.4 donne donc la condition
correspondante à satisfaire pour l’énergie. On a donc des valeurs discrètes de l’énergie
données par :
C’est une condition presque analogue que l’on retrouve dans le cas du rotateur rigide
(équation 3.3). Le rotateur à axe fixe peut être considéré comme un modèle approché de notre
molécule.
Cependant, un modèle plus exact, fondé sur la solution complète de l’équation de
SCHRÖDINGER, indique que l’axe de rotation de la molécule n’est pas fixe. La molécule
devrait plutôt être représentée comme tournant autour d’un axe incliné par rapport à l’axe z et
effectuant en présence d'un champ électrique orienté selon l'axe z un mouvement de rotation
plus lent, appelé mouvement de précession, autour de l’axe z. La solution de l’équation
complète conduit à une expression légèrement différente de E dans laquelle le facteur J2 est
remplacée par le produit J (J + 1) (équation 3.3).
Cette propriété se manifeste, entre autres, en présence d'un champ électrique. Si on suppose
ce dernier orienté selon l'axe z, on peut représenter le mouvement de la molécule comme la
combinaison de deux mouvements : (1) la rotation de la molécule autour de son axe; (2) la
rotation, plus lente, de cet axe autour de l'axe z, mouvement appelé précession.
3.4 Les niveaux d’énergie de la molécule en rotation
En comparant l’équation 3.3 et l’équation 3.1c on peut écrire :
I = r2
E = 1/2 I 2 = 1/2 (I )
2 / I = 1/2 P
2 / I
D’où, P2 = 2 E I = 2 (h
2 I /8
2 I) J ( J + 1)
Cela permet d’écrire :
(3.5)
Cette équation montre que le nombre quantique J détermine la grandeur du moment cinétique P. Comme dans le cas d’un électron tournant autour du noyau, c’est le moment cinétique qui
est quantifié, c’est-à-dire ne peut varier que par quanta approximativement égaux à h /2 avec
l’approximation :
De façon rigoureuse, ce qui est quantifié, et varie par quanta, ce n’est pas le moment
cinétique, mais plutôt ses composantes individuelles et le carré de son module. Puisque
l’énergie se manifeste sous forme électromagnétique, caractérisons-la par sa fréquence ou
par son nombre d’ondes .
E = h = hc = hc F (J) car = / c
D’après l’équation 3.3 nous trouvons :
(3.6)
La constante B est appelée constante de rotation de la molécule; F(J) est le terme spectral ;
c’est la position du niveau d’énergie exprimée en nombre d’onde.
Figure 3.5. Position des niveaux d’énergie de rotation.
Le diagramme de niveaux d’énergie de la molécule en rotation apparaît comme une série de
lignes horizontales représentant les niveaux possibles (Fig. 3.5). Ces niveaux d’énergie
possibles correspondent aux valeurs J = 0, 1, 2, ... Ils s’écartent de plus en plus les uns des
autres puisque l’énergie varie suivant une loi quadratique.
Par ailleurs, la séparation de deux niveaux consécutifs est (voir la section 3.6 Spectre de
rotation) :
(3.7) F(J + 1) F ( J ) = 2 B ( J + 1 )
Cette différence croît avec J. Lorsque J croît, le moment cinétique croît et la molécule tourne
de plus en plus vite.
3.5 Transitions possibles d’un niveau d’énergie à l’autre
L’émission et l’absorption d’énergie électromagnétique ne peut se faire que si elle est
accompagnée d’une variation de moment dipolaire électrique à l’intérieur du système
émetteur. Une variation de moment dipolaire électrique c’est, pour parler plus simplement, un
déplacement du centre de masse des charges; rappelons que si la distance du centre de masse
des charges positives, +q, au centre de masse des charges négatives, -q, est d, le moment
dipolaire électrique est défini par le produit qd.
Il découle immédiatement de ces remarques que les molécules diatomiques homonucléaires
ne possèdent pas de spectre de rotation par suite de l’absence de moment dipolaire.
En ce qui concerne les molécules hétéronucléaires, une transition ne sera possible entre deux
niveaux d’énergie que si le moment dipolaire varie. On démontre que cette condition impose à
J de varier de ±1. On aboutit donc à une règle de sélection pour les transitions de rotation :
(3.8) J = ±1
Dans le cas de l’absorption, un quantum d’énergie porte la molécule à un niveau plus élevé,
donc les seules transitions possibles sont :
J = Jfinal Jinitial = +1
Ce serait J = 1 dans le cas de l’émission.
Sur le diagramme de niveaux d’énergie (Fig. 3.6) on a représenté les transitions possibles par
des flèches, chacune d’elles donnant lieu à la présence d'une raie dans le spectre d’absorption.
Figure 3.6. Transitions possibles entre les niveaux d’énergie de rotation.
3.6 Spectre de rotation et calcul des constantes moléculaires
Calculons l’énergie d’une raie quelconque. Cette raie correspond à une transition entre deux
niveaux J et J + 1.
D’après l’équation 3.6, la différence d’énergie entre deux niveaux successifs est :
(3.9) = B (J + 1) (J + 2) B J (J + 1)
= 2 B (J + 1)
Cette formule est la démonstration théorique de la formule empirique :
= a m
La raie suivante correspond à la transition (J + 1) (J + 2). Sa fréquence est :
= 2 B (J + 2)
L’intervalle des fréquences entre deux raies consécutives est constant :
(3.10) J+1 J = 2 B
On observe ainsi un spectre que l’on peut schématiser comme cela est fait dans la figure 3.7.
Il faut noter que l’on a en aucun moment discuté des intensités des raies d’absorption (de la
hauteur des pics).
Figure 3.7. Figure schématique du spectre de rotation.
De la valeur expérimentale de cette différence on peut tirer la valeur de B. Par exemple, dans
le cas de HCl, on trouve :
B = 20,51/2 = 10,25 cm1
À partir de la valeur de B on peut déduire la valeur du moment d’inertie de la molécule, par
la relation 3.6 :
3.7 Signification physique des nombres J et B
J détermine la valeur du moment cinétique. La molécule tourne comme une toupie autour de
l’axe. Les valeurs croissantes de J correspondent à des valeurs croissantes de la fréquence de
rotation, donc de la vitesse angulaire de rotation.
La grandeur B est liée directement au moment d’inertie de la molécule. Voici quelques ordres
de grandeur pour des molécules diatomiques communément rencontrées.
Tableau 3.2. Quelques caractéristiques physiques de molécules diatomiques
Molécule B (cm1
) Distance internucléaire
re (nm)
HCl 10,5934 0,127 455
DCl 5,4488 0,127 458
HBr 8,465 0,141 443
DBr 4,2456 1,4145
·OH 18,911 0,096 97
·NO 1,671 95 0,115 08
CO 1,931 28 0,112 832
CS 0,820 0,153 494
HI 6,426 0,160 92
3.8 Correction pour la force centrifuge
On conçoit aisément, puisque la liaison entre les atomes n’est pas réellement rigide, que la
force centrifuge imposée aux atomes est susceptible d’augmenter la longueur de cette liaison.
En effet, si J croît, la molécule tourne de plus en plus vite, donc la force centrifuge augmente,
ce qui fait augmenter la longueur de la liaison, r, et par conséquent la valeur du moment
d’inertie, car I = r2. Puisque (équation 3.6) :
B = h/8 2 c I
cette augmentation de I entraîne la décroissance de B. En conséquence, les niveaux d’énergie
de rotation seront un petit peu plus rapprochés (Fig. 3.8) que les niveaux prévus par la
formule :
F(J) = B J (J + 1)
Celle-ci peut être corrigée pour tenir compte de la force centrifuge de la façon suivante :
(3.11) F(J) = B J (J+1) D J 2 (J+1)
2
D est la constante de distorsion centrifuge dont la valeur numérique est approximativement
ou au plus égal à 104
B.
La valeur relative de la correction, pour une valeur de J donnée, est donc égale à :
F(J) / F(J) = (D / B) J (J + 1)
En supposant que D = 0,5 104
B, cas de HCl, pour une valeur de J = 20, la correction est de 4 %. Cette correction atteint 9 % pour J = 30. Il faut donc observer des niveaux de
rotation relativement élevés ou encore utiliser des appareils de mesure doués de très haute
résolution pour apprécier la différence. Les exemples rapportés dans le tableau 3.3 montrent
la pertinence de cette remarque.
Figure 3.8. Transitions en rotation : la correction pour la force centrifuge apparaît sur les
lignes horizontales (en tirets).
Tableau 3.3. Quelques constantes de distorsion centrifuge de molécules diatomiques
Molécule D (cm1
) D / B
HCl 5,319 104
0,502 104
DCl 3,457 104
0,4082 104
·OH 19,38 104
1,025 104
·NO 0,54 106
3,23 107
HI 2,069 104
0,322 104
CO 6,1215 106
3,170 106
En fait, la théorie montre que la formule 3.11 est plutôt un développement en série de la forme
:
F(J) = B J (J + 1) D J 2 (J + 1)
2 + H J
3 (J + 1)
3 + . . .
La correction introduite est parfois nécessaire pour rendre compte des valeurs observées.
Évidemment, les coefficients des termes supérieurs sont de plus en plus petits. Par exemple,
pour l’oxyde de carbone,
H(=0) = 5,74 1012
cm1
.
3.9 La relation entre la vitesse de rotation et la fréquence de la transition
La question que l’on peut se poser est celle relative à la relation qui existe entre la vitesse de
la rotation, la vitesse angulaire et la fréquence de la transition de rotation. Rappelons que la
vitesse angulaire s’exprime en nombre de tours effectués par unité de temps (en radians par
seconde en SI). Dans le système international d’unités, cette vitesse angulaire s’exprime en
s1
, donc avec la même unité qu’une fréquence d’absorption. La formule 3.2 relie l’énergie d’un niveau de rotation et le moment cinétique P. Cette dernière valeur est reliée à celle de la
vitesse angulaire, , de telle sorte que:
E = P2 / 2 I et P = I
En se rappelant que E = h , on obtient :
E / h = P2 / 2 I h = I
2
2 / 2 I h =
ou encore :
2 = 2 h / I.
Il n’existe donc pas de relation simple entre la vitesse angulaire de la rotation et la fréquence
de raies d'absorption de rotation si ce n’est à travers une formule faisant intervenir le moment
d’inertie de la molécule. On présente dans un autre chapitre consacré à la vibration, une
situation quelque peu différente.
CONCLUSIONS
L’application de la mécanique classique est insuffisante pour l’interprétation des observations
spectroscopiques du mouvement de rotation des molécules diatomiques. Par contre, elle
permet de mieux comprendre l’application de la mécanique quantique.
Les molécules diatomiques ne peuvent tourner qu’avec des niveaux d’énergie quantifiés qui
se traduisent par l’introduction d’un nombre quantique de rotation ainsi que par l’intervention
de règles de sélection qui précisent les transitions acceptables entre ces niveaux. Par ailleurs,
l’interprétation du spectre observé dans l’infrarouge très lointain permet de calculer avec une
très grande précision la longueur de la liaison de la molécule.
Spectrométrie de rotation : exercices
Exercice 1 - Calculer la masse réduite des molécules diatomiques suivantes : 1H
19F,
1H
127I,
133Cs
19F,
133Cs
127I
Exercice 2 - Calculer les valeurs d'énergie, exprimées en Joule, correspondant aux niveaux
J=0, 1, 2, 3, 4 &5 de la molécule 1H
19F, la distance inter-atomique étant de 0,0917nm.
Exercice 3 - Même question qu'en 2- pour la molécule 133
Cs127
I, la distance inter-atomique
étant de 0,3315nm
Exercice 4 - Calculer le nombre d'ondes en cm-1
des 5 premières raies du spectre de rotation
de la molécule 1H
19F
Exercice 5 - Calculer le rapport des populations nJ/n0 pour J allant de 0 à 5, pour la molécule 1H
19F à 25°C.
Exercice 6 - Calculer la valeur de J correspondant au maximum de nJ/n0 à 25°C pour la
molécule 1H
127I, la distance inter-atomique est de 0,1609 nm. Quelle est alors la valeur du
rapport nJ/n0 et le nombre d'ondes de la raie correspondante.
Exercice 7 - Le spectre de micro-ondes de la molécule 133
Cs19
F présente une série de raies
équidistantes de 0,368 cm-1
. Quelle est la distance inter-atomique ?
Exercice 8 - Le chlore est composé de deux isotopes : 35 et 37 dans les proportions de 3/4 et
1/4. On considère que les longueurs de liaison ne subissent pas d'effet isotopique, on prendra
donc la même valeur pour les deux molécules : 0,1275nm. Un appareil ne permettant pas de
différencier deux raies distantes de moins de 0,1cm-1
peut-il distinguer la première raie du
spectre de 1H
35Cl de celle de
1H
37Cl ?
CHAPITRE IV
VIBRATION
Préambule / Objectifs
La molécule biatomique, la plus simple, vibre le long de sa liaison inter atomique. Comment
peut-on observer ce mouvement moléculaire ? Est-ce que l’application de la mécanique
classique renseigne sur les lois qui gouvernent ce mouvement ? L’introduction de la
mécanique quantique est-elle nécessaire ? Si oui, quelles en sont les conséquences sur
l’interprétation des observations ?
4.1 Faits expérimentaux
On observe que les molécules biatomiques absorbent les radiations électromagnétiques dans
la région de l’infrarouge, soit dans le domaine de longueurs d’onde comprises entre 2 et 100
m (Fig. 4.1), donc dans les régions du proche infrarouge 0,8 à 5 µm, du moyen infrarouge (5
à 20 µm) et dans l’infrarouge lointain. Cette absorption est reliée à la vibration des
molécules.
Figure 4.1. Spectre électromagnétique et domaine d’observation de la vibration.
Si l’appareillage utilisé pour la spectroscopie a une faible résolution, comme ceux qu’on
utilise en analyse instrumentale et si la couche de molécules est mince, le spectre d’absorption
prend la forme d’une large bande appelée bande fondamentale (Fig. 4.2).
Figure 4.2. Spectre d’absorption d’une molécule diatomique sous basse résolution montrant
la bande fondamentale.
Par contre, si la dispersion instrumentale est suffisante, cette bande est résolue en raies. Dans
ce chapitre, on considérera pour le moment que le maximum d’absorption correspond à une
fréquence unique caractéristique.
Le tableau 4.1 présente la position de la bande fondamentale pour quelques molécules
diatomiques courantes.
Tableau 4.1. Bandes fondamentales de quelques molécules diatomiques
Molécule Bande fondamentale
(mm)
HCl 3,46
HF 2,52
HI 4,33
CO 4,66
On observe d’autres bandes plus faibles, appelées harmoniques, à des fréquences doubles,
triples, etc. quand on fait des observations avec des couches plus épaisses. Ces observations
exigent des épaisseurs de plusieurs mètres à pression atmosphérique ou encore des cellules à
miroirs parallèles qui augmentent la longueur du trajet optique.
En première approximation, on peut représenter les fréquences caractéristiques de ces bandes
par une formule du type:
(4.1) = b k, k = nombre entier
En réalité les intervalles entre les bandes successives ne sont pas égaux mais décroissent
lentement, de sorte que la formule expérimentale correcte est :
(4.2) = b k c k2
Pour HCl par exemple on mesure: b = 2 937,30 cm1
et c = 51,60 cm1
Le tableau 4.2 présente les fréquences caractéristiques des bandes observées pour HCl avec
les différences de premier et de second ordre ainsi que les valeurs calculées avec l’équation
4.2.
Tableau 4.2. Bandes d’absorption de HCl
k Énergie observée
(cm1
) (cm
1) () (cm
1)
Énergie calculée
(cm1
)
0 (0)
2 885,9
1 2 885,9 103,7 2 885,70
2 782,1
2 5 668,9 103,2 5 668,20
2 678,9
3 8 346,9 102,8 8 347,50
2576,1
4 10 923,1 102,6 10 923,60
2 473,4
5 13 396,5 13 396,50
Par ailleurs l’intensité de l’absorption de chacune des bandes diminue avec la fréquence,
comme le montre la figure 4.3.
Figure 4.3. Répartition schématique des intensités des bandes de vibration.
4.2 Modèle mécanique de l’oscillateur harmonique
Le modèle le plus simple pouvant représenter la vibration d’une molécule est l’oscillateur
harmonique. Un tel oscillateur est défini comme un point de masse m, rappelé vers une
position d’équilibre par une force, appelée force de rappel, proportionnelle à la distance du
point à sa position d’équilibre (loi de HOOKE). Plus précisément, si k est la constante de
proportionnalité, appelée constante de rappel, la loi fondamentale de la mécanique
(deuxième loi de NEWTON) permet d’écrire :
(4.3)
La solution de l’équation différentielle du mouvement est bien connue :
x = x0 sin(2 n t + )
n est la fréquence d’oscillation donnée par
(4.4)
Un système moléculaire diatomique peut se ramener à ce schéma mécanique. Nous supposons
que les deux atomes ne sont plus liés de façon rigide, mais peuvent osciller autour de leur
position d’équilibre le long de l’axe inter nucléaire. Nous supposons également que la force
de rappel est proportionnelle à l’élongation ce qui n’est, nous le verrons par la suite, qu’une
première approximation.
Si re est la distance inter nucléaire à l’équilibre (de vibration) et r la distance réelle des deux
atomes au temps t on a, en appliquant la loi fondamentale de la mécanique à chacun des
atomes :
(4.5a)
Dans ces relations r1 et r2 sont les positions, au même temps t, des atomes 1 et 2 par rapport
au centre de masse G de la molécule. Or, d’après la définition du centre de masse, on peut
écrire (voir Chapitre 3.2, équation 3.1b) :
4.5b
Les équations 4.5a et 4.5b peuvent être combinées pour former une seule équation :
Cette équation peut également s’écrire :
(4.6)
Cette équation a une forme analogue à l’équation 4.3. On peut donc considérer la molécule
comme un oscillateur harmonique (c’est-à-dire un point matériel oscillant sous l’effet dune
force de rappel proportionnelle à l’élongation) dont la masse est la masse réduite de la
molécule.
Si l’on compare les équations 4.3 et 4.6, on voit que la fréquence angulaire d’oscillation
(exprimé en rad/s ou s1
) et la fréquence (en Hz ou s1
) sont données par :
(4.7)
Les constantes de force sont très variables d’une molécule à l’autre, comme le montre le
tableau 4.3. Ce tableau donne les valeurs (en N/m) de ces constantes pour quelques
molécules diatomiques.
Tableau 4.3. Vibration moléculaire et constante de force
Molécule Bande d’absorption
(en cm1
)
Constante de force
(N/m) Remarque
CO 2 143 1840 Liaisons multiples
fortes N=O 1 876 1530
H-F 2 905 970 Décroissance de la
force de la liaison
avec la diminution
de
l’électronégativité
H-Cl 2 886 480
H-Br 2 559 410
H-I 2 230 320
Dans un tel mouvement, il y a continuellement transformation de l’énergie potentielle en
énergie cinétique. On peut donc caractériser l’énergie du système par son énergie potentielle
V. Celle-ci est liée à la force F par la relation :
L’expression de l’énergie potentielle est obtenue par l’intégration de cette relation, ce qui
donne si l’on suppose que V = 0, quand r = re :
C’est l’équation d’une parabole avec un minimum nul pour r = re. L’énergie totale est égale à
l’énergie potentielle pour une vitesse nulle, c’est-à-dire lorsque la masse atteint les positions
d’élongation minimum ou maximum.
Figure 4.4. Transformation entre énergie potentielle et énergie cinétique. La distance à
l’équilibre correspond au minimum de la courbe parabolique
En théorie classique, toutes les élongations sont possibles ainsi que toutes les valeurs de
l’énergie. L’absorption ou l’émission de l’énergie par une molécule en vibration devrait être
un phénomène continu. Nous allons voir comment la mécanique quantique a permis de
modifier cette conception. Voyons maintenant comment la mécanique quantique a permis de
modifier cette conception.
4.3 Traitement quantique du modèle mécanique
Selon la mécanique quantique, le mouvement de la molécule est décrit par l’équation de
SCHRÖDINGER qui dans ce cas s’écrit
E est l’énergie totale de la molécule et (r) est la fonction d’onde, dont le carré du module
donne la donne la distribution de probabilité de la distance internucléaire r. La solution de
cette équation fournit les valeurs possible de l’énergie totale :
(4.8) E = h ( + 1/2)
est la fréquence de vibration et est un nombre quantique de vibration pouvant prendre les
valeurs :
= 0, 1, 2 . . .
L’énergie de la molécule ne peut posséder que certaines valeurs bien définies; on parle alors
de valeurs discrètes. Sur le diagramme représentant l’énergie potentielle (Fig. 4.5), les
niveaux d’énergie totale possibles sont représentés par des lignes horizontales équidistantes.
L’intersection de ces lignes horizontales avec la parabole représente les élongations
minimales et maximales de la liaison où l'énergie potentielle est égale à l’énergie totale.
Figure 4.5. Courbe de potentiel de l’oscillateur harmonique montrant les niveaux d’énergie
prévue par la mécanique quantique.
Mentionnons également que la description quantique du mouvement de l’oscillateur
harmonique remet en question non seulement le caractère continu des valeurs d’énergie, mais
aussi la nature même de ce mouvement.
Ainsi, la mécanique quantique prévoit, du moins pour de petits nombres quantiques, que les
positions extrêmes sont moins probables que les positions situées près de l’équilibre, alors que
le traitement classique prévoit exactement le contraire.. En effet, selon le modèle classique,
l’oscillateur se déplace plus lentement quand il se trouve loin de la position d’équilibre. Il
passe donc une plus grande partie de son temps dans ces régions. En conséquence, à un
instant quelconque, il y a plus de chances de le trouver loin de sa position d’équilibre que près
de celle-ci.
Toutefois, en dépit de ses limitations, le modèle classique (ou semi-quantique quand on lui
associe la quantification des énergies possibles) demeure utile pour représenter le comprendre
bon nombre des caractéristiques du mouvement des molécules.
4.4 Spectre d’absorption de l’oscillateur harmonique
Les variations d’énergie de la molécule peuvent seulement se produire entre les niveaux
d’énergie totale possibles. La nécessité de variation du moment dipolaire pour qu’il y ait
absorption ou émission de radiation impose des règles de sélection. On peut montrer
théoriquement que les seules transitions permises doivent satisfaire la relation :
= ± 1.
Le signe ± indique que si la molécule peut absorber de la lumière. Le chemin inverse est
aussi possible : on observe le phénomène de l'émission et la règle de sélection devient :
= 1.
L'énergie correspondant au passage de = 1 à = 0 (donc en émission) peut être
facilement calculée. Nous avons :
h est la constante de PLANCK et c la vitesse de la lumière. En absorption, nous
n’envisageons pas les transitions qui ne partent pas du niveau = 0 car à la température ordinaire (à laquelle ont lieu en général les expériences d’absorption) pratiquement toutes les
molécules sont dans l’état = 0.
On représente le plus souvent la quantité /c par e. Ce nombre e a la dimension d’un
nombre d’onde et s’exprime donc en cm1
. Il ne représente pas autre chose que la fréquence
de vibration propre de la molécule exprimée en nombre d’onde. Le modèle harmonique
explique l’existence de la bande fondamentale caractéristique de chaque molécule, mais pas la
présence des autres bandes que nous avons appelées harmoniques.
4.6 Perfectionnement du modèle quantique de l’oscillateur anharmonique
Il est immédiatement évident que l’oscillateur harmonique est un modèle trop simple. Tout
d’abord, toutes les fréquences expérimentales ne sont pas représentées. En effet, comme à la
température ordinaire seul le niveau fondamental est peuplé, (il n’y a pas de molécules dans
les états de vibration correspondant au nombre quantiques > 0), on ne devrait observer qu’une seule bande d’absorption, celle correspondant au passage des molécules de l’état
fondamental, = 0, vers l’état de vibration immédiatement supérieur, = 1 puisqu’en
absorption la règle de sélection se réduit à = +1. On a vu que si la première bande est très
intense, on observe aussi d’autres bandes d’absorption à des fréquences plus élevées. Ensuite,
ce qui est plus grave, la fonction potentielle est certainement fausse.
En outre selon cette fonction, l’énergie potentielle croît indéfiniment à mesure que la distance
inter nucléaire augmente. Si l’énergie potentielle était infinie pour des atomes très éloignés les
uns des autres, on devrait pouvoir récupérer une énergie infinie lorsqu’on les rapproche
jusqu’à la distance internucléaire. Inversement, il faudrait fournir une énergie infinie pour
séparer les deux atomes. Or, on sait que cette dernière énergie est finie. C’est l’énergie de
dissociation de la molécule.
L’énergie potentielle réelle est donc représentée par une courbe qui n’est pas une parabole.
La branche droite doit tendre asymptotiquement vers une valeur finie. La branche gauche suit
à peu près la forme parabolique, quoique croissant plus vite.
En première approximation on a montré théoriquement que l’on pouvait représenter la courbe
par la formule :
(4.9) V = f (r re)2 g (r re)
3
g étant un coefficient beaucoup plus petit que f. Cette nouvelle courbe se superpose au
voisinage du minimum avec la parabole précédente (Fig. 4.6). Ceci explique le succès partiel
du premier modèle. Cette courbe de potentiel est caractéristique d’un oscillateur
anharmonique. Dans un tel oscillateur, la force de rappel n’est plus proportionnelle à la
distance.
Figure 4.6. Courbe de potentiel de l’oscillateur anharmonique.
La nouvelle valeur du potentiel portée dans l’équation de SCHRÖDINGER donne les niveaux
d’énergie. Ces niveaux sont donnés par un développement en série de la forme :
E = h n ( + 1/2) h n xe ( + 1/2) 2 + h n ye ( + 1/2)
3 + . . .
xe est une constante sans dimension beaucoup plus petite que l’unité; les termes suivants, en
puissance croissante de ( + 1/2) et qui font intervenir des constantes analogues ye, ze, . . . de plus en plus petites, deviennent rapidement négligeables. En pratique, les deux premiers
termes suffisent à représenter les résultats expérimentaux avec une précision acceptable.
L’expression qui donne la valeur en cm1
des niveaux d’énergie est appelée terme spectral
noté G() :
(4.10)
Le diagramme de niveaux d’énergie de l’oscillateur anharmonique est donc composé d’une
série de lignes qui ne sont pas tout à fait équidistantes. L’intervalle entre les lignes décroît
progressivement d’une petite quantité chaque fois que l’on passe d’un niveau à un niveau
supérieur.
La quantité exe est appelée constante d’anharmonicité et le terme qui la contient est
nommé correction d’anharmonicité.
Le tableau 4.4 donne des valeurs des constantes de force et d’anharmonicité pour quelques
molécules.
Tableau 4.4. Constantes de vibration pour quelques molécules
Molécules e (cm1
) exe (cm1
) eye (cm1
)
H2 4 401,21 121,34
H-D 3 813,1 91,65
D2 3 115,50 61,82 0,562
H35
Cl 2 990,95 52,82 0,224 37
H81
Br 2 648,97 45,22 0,0029
H127
I 2 309,01 39,64 0,0200
CO 2169,81 13,29
N2 2 358,57 14,324 0,002 26
35Cl2 559,7 2,67 0,0067
127I2 214,5 0,61
4.6 Spectres d’absorption de l’oscillateur anharmonique
Les règles de sélection sont un peu modifiées par rapport au modèle simple précédent. On
trouve que si la transition = ± 1 se produit toujours avec une grande probabilité, les
transitions = ± 2, ± 3 etc. peuvent également se produire, mais avec une probabilité beaucoup plus faible.
Les fréquences des raies correspondant à ces transitions peuvent être facilement trouvées :
1 = G( = 1) G( = 0) = e 2 exe (bande fondamentale)
2 = G( = 2) G( = 0) = 2 e 6 exe (première harmonique)
De façon générale, on a :
(4.11) = G() G( = 0) = (e exe) 2 exe
Si l’on pose b = e exe et c = exe , on peut réécrire l’équation 4.11 de la façon suivante
= b c2
Cette dernière formule est tout à fait identique à la formule empirique 4.2 et de ce fait la
théorie devient plus correcte.
D’autre part, la faible probabilité des transitions = 2, 3 . . . peut être reliée à la décroissance rapide de l’intensité des diverses harmoniques du spectre d’absorption (Fig.
4.3).
Figure 4.7. Courbe anharmonique et transitions en vibration.
(Note : la largeur des flèches traduit grossièrement l'importance quantitative des transitions).
4.7 Relation entre les fréquences de vibration et d’absorption
La question que l’on peut se poser est la suivante : existe-t-il une relation entre la fréquence
de la vibration de la molécule et la fréquence de la bande fondamentale observée dans le
spectre d’absorption? D’une part rappelons que la fréquence de la vibration de la molécule
notée n dans les équations précédentes est la même quel que soit le nombre quantique . Elle
est donnée par la relation 4.7.
D’autre part, la bande fondamentale en absorption est associée à la transition entre les niveaux
= 0 et = 1. Sa fréquence, notée pour l’instant mn est reliée à la différence d’énergie entre ces deux niveaux par la relation :
Etransition = h mn.
D’après la relation 4.8, cette différence d’énergie est donnée par :
Etransition = E = 1 E = 0 = h (3/2) h (1/2) = h
En comparant ces deux relations, on conclut que la fréquence de la bande fondamentale
d’absorption (en fait de toute transition où la variation du nombre quantique de vibration est
d’une unité) est égale, selon un modèle semi-classique, à la fréquence de la vibration de la
molécule.
4.8 Énergie du point zéro
Le niveau énergétique de vibration le plus bas que la molécule put atteindre est celui qui
correspond à = 0. L’énergie correspondante:
(4.12)
n’est pas nulle. Autrement dit, il est impossible que la molécule s’arrête complètement de
vibrer. Même dans l’état énergétique le plus bas, la molécule possédera toujours un peu
d’énergie de vibration. Ce niveau d’énergie minimum est appelé l’énergie du point zéro.
L’énergie de dissociation (ou énergie de liaison) spectroscopique est l’intervalle De compris
entre l’asymptote et le minimum. L’énergie de dissociation chimique est Do, celle mesurée à
l’aide de la thermochimie, intervalle entre l’énergie du point zéro et l’asymptote de
dissociation.
Figure 4.8. Courbe de potentiel de MORSE montrant les énergies de dissociation spectroscopique (De) et chimique (D0).
4.9 Constantes moléculaires déterminées à partir des constantes de vibration
Les constantes théoriques d'harmonicité e et d'anharmonicité exe peuvent être déterminées
expérimentalement en comparant les équations 4.10 et 4.2. La constante e est liée à la fréquence vraie de vibration de la molécule, donc à la constante de force réelle k du
mouvement (équation 4.7). Par contre, la constante exe n’est liée directement à aucune
grandeur fondamentale de la molécule, mais elle est d’extrême importance pour fixer les
positions relatives des niveaux. La connaissance précise de ces positions permet, par
extrapolation, de déterminer l’énergie de dissociation.
Détermination de l’énergie de dissociation: Méthode de BIRGE-SPOONER
Les spectres de vibration du proche infrarouge sont expérimentalement difficiles à observer
pour des nombres quantiques élevés. Aussi, un petit nombre de niveaux (en général 2 ou 3)
peut être déterminé, ce qui est très insuffisant pour obtenir une valeur précise de e et exe. Voici cependant une méthode approximative qui permet de déterminer l’énergie de
dissociation en supposant e et exe déterminés expérimentalement.
Le terme spectral G() représente l’énergie des niveaux mesurée en cm1
. Nous admettrons que les niveaux se rapprochent de plus en plus et que, à la limite la différence entre deux
niveaux tend vers zéro lorsque ceux-ci atteignent la valeur de l’énergie de dissociation De.
Il en résulte qu’à la limite, c’est-à-dire au voisinage de l’énergie de dissociation : G = 0
G = G( + 1) G() = 0
Calculons d’abord, à l’aide de l’équation 4.10 l’expression de G en fonction de :
G( + 1) = e ( + 3/2) exe ( + 3/2)2
G() = e ( + 1/2) + exe ( + 1/2)2
G = e exe (2 + 2) = e 2 exe 2 exe
En admettant que xe << 1, ou que e >> exe, il vient que
G = e 2 exe
et donc G = 0 lorsque = max =
Cette expression pour la valeur maximum de permet de calculer De. En effet, en la
substituant à dans l’équation 4.10, on obtient après quelques manipulations algébriques,
Mais comme exe est négligeable devant e, on peut négliger (exe)2 devant e
2, le dernier
terme exe/4 est donc négligeable devant le rapport e
2/4 exe, de sorte qu’on obtient
l’expression simple suivante, appelée formule de BIRGE-SPOONER :
(4.13)
Exemples :
Tableau 4.5. Autres constantes vibrationnelles
Molécules e (cm1
) exe (cm1
) De (cm1
)**
XeCl* 195,2 0,54 17 640
CsCl 214,17 0,731 15 687
XeF* 308,6 1,52
35Cl2 (B
30
+)* 259,5 5,3 3 176
F2 916,64 11,24 18 688
NBr 691,75 4,72
* : molécules dans un état électronique excité;
**: valeurs calculées avec la formule de Birge-Spooner.
Les valeurs obtenues par la formule de BIRGE-SPOONER sont relativement proches des
valeurs tirées de l’expérimentation. En fait elles sont souvent légèrement supérieures (~ 20
%) aux valeurs expérimentales déterminées, par exemple, en thermochimie. La figure
suivante montre la corrélation qui existe entre les valeurs expérimentales et les valeurs ainsi
calculées. Sur cette figure, la droite pointillée correspond à l’identité entre les valeurs
calculées par la méthode de BIRGE-SPOONER et celles mesurées à l’aide de la
thermochimie. Si le point représentatif de HF se place sur la droite pointillée représentant
l’égalité entre les valeurs calculées et les valeurs mesurées, toutes les autres valeurs calculées
sont en dessous de cette droite pointillée.
Figure 4.9. Comparaison entre les valeurs des énergies de dissociation mesurées et calculées.
Rappelons enfin l’intérêt de la méthode qui indique la valeur du nombre quantique de
vibration au voisinage de l’asymptote (limite de dissociation).
4.11 Expression mathématique de la courbe de potentiel complète
Il est de toute première importance de connaître avec exactitude la forme de la courbe de
potentiel. La détermination expérimentale est mal aisée car on ne peut obtenir, en général, que
quelques points de la courbe. Cependant, pour certaines molécules, il a été possible de la
déterminer avec une précision relativement satisfaisante. La distance inter nucléaire re peut
être déterminée à la fois à partir des spectres de rotation pure et à partir de l’analyse aux
rayons X (dans ce dernier cas, il faut tenir compte des interactions moléculaires). Il est
possible d’obtenir De à partir des spectres de vibration pure. Do peut être obtenu par voie
purement chimique (thermochimie). Enfin, on peut obtenir d’autres points car, dans certains
cas, les courbes de potentiel correspondant aux états excités de la molécule coupent la courbe
de l’état fondamental, ce qui donne lieu à des phénomènes observables (voir plus loin).
Plusieurs formules théoriques ont été proposées pour représenter de manière plus adéquate la
courbe de potentiel. La formule à deux termes déjà citée (4.9) n’est pas satisfaisante
lorsqu’on s’écarte trop du minimum. La formule la plus utilisée est la formule de MORSE.
(4.14) V = De [1 e(r
re)]2
avec =
Dans cette égalité,
c est la vitesse de la lumière,
µ est la masse réduite, et
h la constante de PLANCK.
On calcule b à partir des valeurs expérimentales de e et De et on peut ensuite tracer la courbe. On constate que :
pour r V De
pour r re V = 0
pour r 0 V valeur finie.
Ce dernier point est faux puisque le potentiel devrait croître indéfiniment à mesure que les
noyaux se rapprochent. C’est peu important car cette partie de la courbe est de peu d’intérêt; il
est en effet difficile de rapprocher les noyaux au-delà d’une certaine limite. La partie droite de
la courbe par contre mérite d’être bien représentée, ce qui est réalisé par la formule de
MORSE (Fig. 4.10).
Figure 4.10. Courbes de potentiel d’une molécule diatomique.
CONCLUSIONS
L’application de la mécanique classique est insuffisante pour l’interprétation des observations
spectroscopiques du mouvement de vibration des molécules diatomiques. Par contre, elle
permet de mieux comprendre l’application de la mécanique quantique.
D’après la mécanique quantique, les molécules diatomiques ne peuvent vibrer que selon des
niveaux d’énergie quantifiés qui se traduisent par l’introduction d’un nombre quantique de
vibration. De plus des règles de sélection qui précisent les transitions acceptables entre ces
niveaux.
Par ailleurs, l’interprétation du spectre observé dans le proche infrarouge permet d’obtenir la
fréquence de vibration de la molécule, la constante de force de la liaison, de même qu’une très
bonne approximation de l’énergie de rupture de cette liaison ou encore de l’énergie de
dissociation de la molécule.
Fait à noter, même à la température du zéro absolu, la molécule vibre toujours.
Spectrométrie de vibration : exercices
Exercice 1.
Une solution de CO dans le tétrachlorure de carbone montre une bande d’absorption vers 2
140 cm1
.
Calculez la constante de force de la liaison CO, k, en dynes/cm.
Exercice 2.
Les valeurs de e, exe (en cm1
) et de re pour H2, HD et D2 sont les suivantes :
Molécules e (cm1
) exe (cm1
) re (nm)
H2 4 401,21 121,33 0,074
HD 3 813,1 91,65
D2 3 115,5 61,82
• Calculez l’énergie du point zéro pour chaque molécule en SI.
• Calculez l’énergie de dissociation de chaque molécule; commentez.
• Tracez approximativement sur le même diagramme les trois courbes de Morse.
• Placez, en utilisant des couleurs différentes les 4 premiers niveaux de vibration de chaque
molécule.
Exercice 3.
La molécule excitée XeF* (état B 21/2) présente un spectre de vibration tel que :
e = 308,6 cm1
et exe = 1,52 cm1
Calculez l’énergie de dissociation de cette molécule en cm1
, en cal/mol, et J/mol.
Exercice 4.
La bande fondamentale 1 de CO est située à 2143,3 cm1
et la première harmonique 2 1 à
4259,7 cm1
.
• Calculez e et exe, la constante de force de la liaison et le nombre de vibrations par seconde.
• Évaluez l’énergie de dissociation spectroscopique de la molécule et en faire la comparaison
avec la valeur thermodynamique (à rechercher dans la littérature) (réf. ?).
• Quelle est l’énergie du point zéro de la molécule?
• Dans un état électronique de CO, on observe des valeurs e' et exe' égales à 1518,24 et
19,4 cm1
. Calculez l’énergie de dissociation de cet état électronique excité.
• Dessinez sur le même graphe, E = f(rC-O), ce que pourrait être les deux courbes de Morse.
• Si kT est l’énergie disponible par degré de liberté, comparez cette énergie à celle requise
pour exciter la transition fondamentale.
Conclure.
Exercice 5.
Un oxyde diatomique a une bande de vibration égale à 1 876 cm1
et une constante de force
de 1 550 Nm1
.
Identifiez par le calcul la molécule.
Exercice 6.
La molécule DCl présente les caractéristiques de vibration suivantes (exprimées en cm1
) :
e = 2 145,163, e xe = 27,1825 et eye = 0,086 49.
Calculez les énergies en cm1
des 11 premiers niveaux d’énergie de vibration dans
l’hypothèse des modèles harmonique et anharmonique ainsi que dans le cas de la
correction du terme cubique. En déduire l’importance relative de la correction due à
l’anharmonicité par rapport au modèle harmonique ainsi que celle due à l’introduction du
terme cubique par rapport au modèle anharmonique. Concluez.
Exercice 7.
En spectroscopie électronique (voir plus loin), on mesure les constantes B dans divers états du niveau fondamental de la molécule d’oxygène. Calculez, à partir des valeurs apparaissant
dans le tableau suivant, le rayon de la molécule dans chacun des états mentionnés.
B() (cm1
) B() (cm1
)
0 1,437 67 4 1,374 92
1 1,421 83 5 1,359 42
2 1,406 10 6 1,343 96
3 1,390 47 7 1,328 51
Exercice 8.
La littérature donne les valeurs de rupture de certaines liaisons chimiques (tableau suivant).
Comparez ces valeurs à celles que vous pouvez calculez à partir des données numériques qui
apparaissent dans le tableau 4.4.
Liaison
Énergie de
dissociation
(kJ/mol)
Liaison
Énergie de
dissociation
(kJ/mol)
HH 436 II 151
HF* 563 ClCl 218
HCl 432 N=N 946
HI 299 C=O 724
* On donne les valeurs pour la molécule F2 : e = 4138,3 et exe = 89,88 cm1
.