courrieriint1011
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1/643:HIKNLI=XUXZUV:?b@a@l@l@a;M 03183 - 1011 - F: 3,50 E
LAMRIQUE ULTRAEnqute sur ces milices
qui hassent Obama
IQUE CFA : 2 600 FCFA - ALGRIE : 450 DA - ALLEMAGNE : 4,00 RICHE : 4,00 - CANADA : 5,95 $CAN - DOM : 4,20 - ESPAGNE : 4,00 5,95 $US - G-B : 3,50 - GRCE : 4,00 - IRLANDE : 4,00 IE : 4,00 - JAPON : 700 - MAROC : 30 DH - NORVGE : 50 NOKTUGAL CONT. : 4,00 - SUISSE : 6,40 CHF - TOM : 700 CFP
LITTRATURE Laffaire Kapuscinski
Vu dEurope Le choc des rgionales
IRAN Des sanctions, pour quoi faire
CLIMAT Ce quil reste prouver
www.courrierinternational.com N 1011 du 18 au 24 mars 2010 - 3,50
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sommaire
En couverture : Jason Pray, soldat engag dans la 10e division de montagne et membre des Oath Keepers. (photo Lucian Read)
6 parmi les sources cette semaine
8 ditorial par Philippe Thureau-Dangin
8 linvit Bradley Burston, HaAretz, Tel-Aviv
dun cont inent l autre
10 dossier iran Des sanctions inutiles Un rgime irrationnel obsd par sa scurit
Rien narrte les hommes daaires
14 franceRGIONALES Coup de roid sur Sarkoland
GAUCHE Martine Aubry laise sur la vague rose
16 europeITALIE Cacher ou punir, le Vatican a choisi
ALLEMAGNE La rorme de lEglise catholique est invitable
COSSE La fn des seigneurs de la terre
UE Vingt-sept pays gaux et solidaires, mon il !
SLOVAQUIE Le trs malsain retour du patriotisme
BELGIQUE Bienvenue en rpublique sovitique de Flandre !
ESPAGNE Tourisme glac Lloret de Mar
RUSSIE Laaire Ioukos devant la Cour de Strasbourg
RUSSIE Internet, larrire-cour dmocratique de la socit
24 amriquesCUBA Premier bilan des distributions de terres
HATI Le pays se vide de ses cerveaux
BRSIL A Rio, la paix sociale passe par le tlphrique
COLOMBIE Un Congrs trs droite
26 asieAFGHANISTAN Lespionnage version business
INDONSIE Le rseau terroriste en pleine mutation
INDE Des quotas illusoires pour les emmes
MYANMAR Petits arrangements avec la loi
30 moyen-orientISRAL Lheure de vrit pour Ntanyahou
IRAK Les Kurdes ont la pluie et le beau temps
YMEN Jours tranquilles Sanaa
32 afriqueAF RIQUE DU SUDLe retour la tradition na pas que du bon
SNGAL Un eldorado pour les jeunes Hatiens ?
BOTSWANA Le bon lve de lArique pourrait mieux aire
enqutes et reportages
34 en couverture LAmrique ultra
42 portrait Han Han
44 enqute Les gamins de Sodome et Gomorrhe
46 portfolio LAustralie de Graham Miller
intel l igences50 dossier Dveloppement durableClimat : ce que dit la science Ces blogueurs qui
ont trembler les chercheurs Quatre bmols la
thorie du rchauement Tout lavenir de la Terre
dans un logiciel Les crationnistes entrent dans la
danse A-t-on atteint le seuil critique ?
58 conomieMONOPOLE Comment les OGM ont monter les prix
MUTATION Quand kibboutz rime avec capitalisme
rubr iques
60 le livre Ryszard Kapuscinski dcouvert
62 insolites Core du Sud : pitons, droite toute !!!
XLe regard des journalistesde Courrier international
BLOGS
;Le 7e art vu dailleursCINMA
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 5 DU 18 AU 24 MARS 2010
34En couvertureLAmrique
ultra
28IndeDes quotasillusoirespour les
emmes
50DossierClimat : ce quedit la science
58Economie
Commentles OGM
ont monterles prix
10DossierIran : des sanctionsinutiles
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les sources
PARMI LES SOURCES CETTE SEMAINEABC 258 000 ex.,Espagne, quotidien.Journal monarchisteet conservateur depuissa cration en 1903,ABCa un aspectun peu dsuet uniqueen son genre : une centainede pages agraes, avecune grande photo la une.
ALTERNET ,Etats-Unis. Cr en 1998par Don Hazen, ancienrdacteur deMother Jones,ce magazine en lignealternati, qui compte1,5 million de visiteurspar mois, ore des articlesde qualit et reproduit loccasion les textesdautres publicationsde gauche.
HAARETZ 80 000 ex., Isral,quotidien. Premier journalpubli en hbreusous le mandat britannique,en 1919, Le Paysest le journal de rrencechez les politiqueset les intellectuels israliens.
ASHARQ AL-AWSAT 200 000 ex.,Arabie Saoudite, quotidien.Le Moyen-Orientse prsente commele quotidien international
des Arabes. Edit par SaudiResearch and Marketing prsid par un rredu roi , il se veut modret combat le radicalismearabe, mme si plusieursde ses journalistes afchentune sensibilit islamiste.
CORRIERE DELLA SERA 715 000 ex.,Italie, quotidien.Fond en 1876, srieuxet sobre, le journal a sutraverser les vicissitudespolitiques en gardantson indpendance,mais sans se dmarquerdune ligne quelque peuprogouvernementale.Le premier quotidien italienmentionne toujoursdella sera(du soir)dans son titre,alors quil sort le matindepuis plus dun sicle.
DONGFANG ZAOBAO 400 000 ex.,Chine, quotidien. Dius Shanghai et dans le deltadu Yangts, le Journal dumatin de Shanghaisadresse la classemoyenne en expansion. Sapolitique ditorialedynamique, centre sur lessujets conomiques, estservie par un marchpublicitaire orissant.
O ESTADO DE SO PAULO 350 000 ex.,Brsil, quotidien. Fonden 1891, le plustraditionnel des quatregrands quotidiens brsiliensappartient O Estado,lun des plus importantsgroupes de presse du pays.Plutt conservateuret austre, il publiedepuis 1997 une slectionhebdomadaire darticlesdu Wall Street Journal.
FINANCIAL TIMES 448 000 ex.,Royaume-Uni, quotidien.Le journal de rrence,couleur saumon,de la City et du restedu monde. Une couvertureexhaustive de la politiqueinternationale,de lconomieet du management.
GAZETA WYBORCZA 396 000 ex.,Pologne, quotidien.La Gazette lectorale,onde par Adam Michniken mai 1989, est devenueun grand titremalgr ses aibles moyens.Son ambition est dorirun journal inormatiet lac. Son supplmentdu lundi, DF-Duzy Format,cultive la traditiondu reportage littraire la polonaise.
THE GLOBE AND MAIL 321 000 ex.,Canada, quotidien.Fond en 1844,lu dun ocan lautre,srieux et non engag,le titre de Torontoest le quotidiende rrence au Canadaet exerce une orteinuence auprsdes milieux politiques
draux.THE GUARDIAN 364 600 ex.,Royaume-Uni,quotidien. Depuis 1821,lindpendance,la qualit et lengagement gauche caractrisentce titre qui abrite certainsdes chroniqueursles plus respects du pays.
INFORMATION 41 600 ex.,Danemark, quotidien.Fond en 1943, le journaltait, pendant lOccupation,la source dinormationclandestine des groupesde rsistance. Aujourdhui,il se vante dtre le seulquotidien sopposerau gouvernementet dtre indpendantde tout intrt politique.
INTELLIGENCE REPORT Etats-Unis,trimestriel. Il sagitdu magazine du Southern
Poverty Law Center,une organisation ondeen 1971 Montgomery(Alabama) pour dendreen justice les militantsdes droits civiqueset qui sest spcialise dansla surveillance des groupesextrmistes aux Etats-Unis.
THE IRISH TIMES 119 000 ex.,Irlande, quotidien.Les prix remportspar les journalistesde lIrish Times confrmentrgulirement son statutde quotidien de rrence.Et tout en gardantune grande sobrit,il jouit dun large lectorat,notamment pourson dition du samedi.
THE IRRAWADDY1 500 ex.,Myanmar, mensuel.
Ce journal doppositiondmocratique la junteau pouvoir a t cren 1993. Sa rdaction,base Chiangmai,en Thalande, est composedanciens tudiantsayant ui la rpressiondu rgime.
AL-ITTIHAD Emirats arabes unis,quotidien. Cr en 1969,cest lun des plus vieuxmdias des Emiratsarabes unis.Sous lautorit du ministrede lInormationet de la Culture, LUnionpublie des articles de ondrdigs par des intellectuelssouvent critiques.
LOS ANGELES TIMES 657 000 ex.,Etats-Unis, quotidien.
Le gant de la cte ouest.Cr en 1881,cest le plus gauchedes quotidiens ort tiragedu pays et le grandspcialiste des sujetsde socit et de lindustriedu divertissement.
MAIL & GUARDIAN 41 000 ex.,Arique du Sud,hebdomadaire. Fonden 1985, sous le nomde Weekly Mail, le titre a tremis ot dans les annes1990 par le Guardiande Londres et appartientdepuis 2002 au patron depresse zimbabwen TrevorNcube. Rsolument gauche, leMail & Guardianmilite pour une Ariquedu Sud plus tolrante.
MOTHER JONES 180 000 ex.,Etats-Unis, bimestriel.Lanc en 1976par quelques passionns dejournalisme dinvestigation,Mother Jones revendiqueortement son identitprogressisteet contestataire.Ce magazine de gauche,
denvergure nationale, traitede lactualit ainsi quedes grands enjeux de notretemps : environnement,justice sociale, etc.
NATURE 50 000 ex.,Royaume-Uni,hebdomadaire.Depuis 1869, cette revuescientifque au prestige
mrit accueille aprs plusieurs mois
de vrifcations les comptes rendusdes innovations majeures.Son ge ne lempche pasde rester dun tonnantdynamisme.
NEWS YEMEN
,Ymen. Edit par le YemenMedia Group et dirigpar lanalyste politiqueNabil Al-Souf,le site a t cr en 2004.A la suite dun actede piratage qui a dtruitune grande partiede ses bases de donnes,il a t interrompufn 2009, le tempsde runir les moyensfnanciers pour sonredmarrage.
THE NEW YORK TIMES 1 160 000 ex.(1 700 000 le dimanche),Etats-Unis, quotidien.Avec 1 000 journalistes,29 bureaux ltrangeret plus de 80 prix Pulitzer,cest de loin le premierquotidien du pays,dans lequel on peut lireall the news thats ft to
print(toute linormationdigne dtre publie).
LE NOUVELLISTE Hati, quotidien.Fond en 1898,cest le plus ancienjournal rancophonedes Amriques. De tendancecentre droit, il sattache
cultiver un amour proond
pour Hati et na jamais
donn son appui aucun
parti politique, prcise sondirecteur, Frantz Duval.
OUTLOOK 250 000 ex., Inde,hebdomadaire. Cren octobre 1995, le titreest trs vite devenu lundes hebdos de langueanglaise les plus lus en Inde.Sa diusion suit de prscelle dIndia Today,lautre grand hebdo indien,dont il se dmarquepar ses positionsnettement plus critiques.
PROFIL 110 000 ex., Russie,hebdomadaire. Fonden 1996, le titre traitede lactualit politiqueet conomique destinationdun public de dcideurset dhommes daaires.
RESPEKT25 000 ex.,Rpublique tchque,hebdomadaire.Fond en 1990 parles journalistes regroupsautour de la Charte 77,le titre est considrcomme le meilleur,si ce nest lunique,hebdomadaire indpendantdu pays. Consacr lanalyse politique,conomique et sociale, il sedistingue par la qualit dunjournalisme dinvestigation.
ROOZ,Iran. Cr en 2005,
Le Jour est le premierquotidien iranien publiuniquement en ligne.Sa rdaction est constituede journalistes exilsen Europe et quicollaboraient aux quotidiensprorormateurs Thran, ermspar les conservateursentre 1997 et 2001.
LE SOIR 125 000 ex.,Belgique, quotidien.Lanc en 1887, le titresadresse lensembledes rancophonesde Belgique. Richeen supplments et pionniersur le web, le premierjournal de Bruxelleset de la Wallonie voitnanmoins ses ventessroder danne en anne.
LA STAMPA 400 000 ex., Italie,quotidien. Le titre est la ois le principal journalde Turin et le principalquotidien du groupe Fiat,qui contrle 100 %du capital travers sa flialeItaliana Edizioni Spa.Depuis quelque temps,La Stampa ait place
une grande photo la une, ce qui lui a valuplusieurs prixde la meilleure une.
DE STANDAARD 95 000 ex.,Belgique, quotidien.Lanc en 1918,le journal de rrencede lestablishment amanda pris ses distances,ces dernires annes, avecle monde catholique touten conservant sa oi dans lecombat linguistique. Grce la qualit de ses analyseset de ses supplments,le quotidien afcheson ambition : devenirun journal de qualitde niveau europen.
SDDEUTSCHE ZEITUNG 430 000 ex.,Allemagne, quotidien.N Munich, en 1945,le journal intellectueldu libralisme de gaucheallemand est lautre grandquotidien de rrencedu pays, avec laFAZ.
TEMPO 160 000 ex., Indonsie,hebdomadaire. Le titreut publi pour la premireois en avril 1971par P.T. Graftti Pers,dans lintention dorirau public indonsiende nouvelles aons de lirelinormation : une libertdanalyse et le respectdes divergences dopinion.
TEXAS MONTHLY 300 000 ex.,Etats-Unis, mensuel.Fond en 1973, le titrecouvre lactualit du Texasavec la convictionque cet Etat resteun endroit distinct au seinde la dration amricaine.Il jouit dune rputationde srieux et pratiqueun journalisme de qualit.
LA VANGUARDIA200 000 ex.,Espagne, quotidien.
LAvant-Garde a tonde en 1881 Barcelonepar la amille God, quien est toujours propritaire.Ce quotidien de hautetenue est le quatrime dupays en termes de diusion,mais il est numro unen Catalogne, juste devantEl Peridico de Catalunya.
THE WALL STREET JOURNAL EUROPE224 000 ex. Belgique,quotidien. Cre en 1976,remanie en avril 2002,la version europenne de labible des milieux daairespropose commentaireset analyses permettantde dcoder lconomieeuropenne et mondiale,les marchs fnancierset les nouvelles technologies.
Edit parCourrier international SA, socit anonyme avec directoireet conseil de surveillance au capital de 106 400
Actionnaire : Le Monde Publications internationales SA.Directoire : Philippe Thureau-Dangin, prsident et directeur de la publication
Rgis ConavreuxConseil de surveillance : David Guiraud, prsident ; Eric Fottorino, vice-prside
Dpt lgal : mars 2010 - Commission parit aire n 0712C82101ISSN n 1 154-516 X Imprim en France / Printed in France
RDACTION
6-8, rue Jean-Antoine-de-Ba, 75212 Paris Cedex 13Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax gnral 33 (0)1 46 46 16 01Fax rdaction 33 (0)1 46 46 16 02Site web www.courrierinternational.comCourriel [email protected]
Directeur de la rdaction Philippe Thureau-DanginAssistante Dalila Bounekta (16 16)Directeur adjoint Bernard Kapp (16 98)Rdacteur en cheClaude Leblanc (16 43)Rdacteurs en che adjoints Odile Conseil (16 27), Isabelle Lauze (16 54Raymond Clarinard (16 77)Ches des inormations Catherine Andr (16 78), Anthony Bellanger (16 59)
Rdactrice en chetechnique Nathalie Pingaud (16 25)Directrice artistique Sophie-Anne Delhomme, Marie Varon (16 67)
Europe Odile Conseil (coordination gnrale, 16 27), Danile Renon (che de serviadjoint Europe, Allemagne, Autriche, Suisse almanique, 16 22), Emilie Kin(Royaume- Uni, 19 75), Gerry Feehily (Irlande, 19 70), Anthony Bellanger (France, 159), Marie Blil (France, 17 32), Lucie Geroy (Italie, 16 86), Daniel Matia(Portugal, 16 34), Adrien Chauvin (Espagne 16 57), Iwona Ostapkowicz (Pologn16 74), Iulia Badea-Gurite (Roumanie, Moldavie, 19 76), Wineke de Bo(Pays-Bas), La de Chalvron (Finlande), Solveig Gram Jensen (Danemark), AlexKealas (Grce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rnnqvist (SudeLaurent Sierro (Suisse), Alexandre Lvy (Bulgarie, coordination Balkans), Agns Jara(Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie, Kosovo), Miro Miceski (Macdoine), GabrieKukurugyova (Rp. tchque, Slovaquie), Kika Curovic (Serbie, Montngro, CroatBosnie-Herzgovine), Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie) RussEst de lEurope Laurence Habay (che de service 16 36), Alda Engoian (CaucasAsie centrale), Philippe Randrianarimanana (Russie, 16 68), Lar issa Koteleve(Ukraine),AmriquesJacques Froment (che de service, Amrique du Nord, 16 32Brangre Cagnat (che de rubrique, Etats-Unis, 16 14), Marc-Olivier Bhere
(Canada, Etats-Unis, 16 95), Christine Lvque (che de rubrique, Amrique latin16 76), Anne Proenza (Amrique latine, 16 76), Paul Jurgens (Brsil) Asie HidenobSuzuki (che de service, Japon, 16 38), Agns Gaudu (che de rubrique, ChinSingapour, Tawan, 16 39), Nak Desquesnes (Asie du Sud, 16 51), Franois Gerl(Asie du Sud-Est, 16 24), Marion Girault-Rime (Australie, Pacifque), Elisabeth Inandiak (Indonsie), Jeong Eun-jin (Cores), Kazuhiko Yatabe (Japon) Moyen-OrieMarc Saghi (che de service, 16 69), Hamdam Mostaavi (Iran, 17 33), HoSaliby (Egypte, 16 35), Pascal Fenaux (Isral), Philippe Mischkowsky (pays du GolePierre Vanrie (Turquie)Afrique Pierre Lepidi (16 29), Anne Collet (Mali, Nige16 58), Philippe Randrianarimanana (Madagascar, 16 68), Hoda Saliby (MaroSoudan, 16 35), Chawki Amari (Algrie), Sophie Bouillon (Arique du Sud) Dbalivre Isabelle Lauze (16 54), Roman Schmidt Economie Pascale Boyen (che dservice, 16 47) Multimdia Claude Leblanc (16 43) Sciences Anh Ho Truong (140) Insolites Claire Maupas (che de rubrique, 16 60) Epices & saveurs, Ils elles ont dit Iwona Ostapkowicz (che de rubrique, 16 74)
Site Internet Olivier Bras (diteur dlgu, 16 15), Marie Blil (rdactric17 32), Anne Collet (documentaliste, 16 58), Mouna El-Mokhtari (webmest17 36), Pierrick Van-Th (webmestre, 16 82), Jean-Christophe Pascal (webmest(16 61) Mathilde Melot (marketing, 16 87), Jalil Hajjaj
Agence CourrierSabine Grandadam (che de service, 16 97), Caroline MarcelEmmanuelle Morau (16 62)
Traduction Nathalie Amargier (russe), Catherine Baron (anglais, espagnol), IsabelBoudon (anglais, allemand), Genevive Deschamps (anglais, espagnol), FranoisEscande-Boggino (japonais, anglais), Caroline Lee (anglais, allemand, coreFranoise Lemoine-Minaudier (chinois), Julie Marcot (anglais, espagnoMarie-Franoise Monthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais), Ngoc-DunPhan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais, espagnol), Danile Reno(allemand), Mlanie Sinou (anglais, espagnol)
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Photographies, illustrations Pascal Philippe (che de service, 16 41), Anne Doubl(16 83), Lidwine Kervella (16 10)
Maquette Marie Varon (che de service, 16 67), Catherine Doutey, NathalLe Drau, Gilles de Obaldia, Josiane Ptricca, Denis Scudeller, JonnathaRenaud-Badet, Alexandre Errichiello Cartographie Thierry Gauth (16 Inographie Catherine Doutey (16 66), Emmanuelle Anquetil (colorisatioCalligraphie Hlne Ho (Chine), Abdollah Kiaie (Inde), Kyoko Mori (JapoInormatique Denis Scudeller (16 84)
Fabrication Patrice Rochas (directeur) et Nathalie Communeau (directricadjointe, 01 48 88 65 35). Impression, brochage : Maury, 45191 MalesherbeRoutage : France-Routage, 77183 Croissy-Beaubourg
Ont particip ce numroTorunn Amiel, Edwige Benoit, Gilles Berton, MariannBonneau, Jean-Baptiste Bor, Valria Dias de Abreu, Marion Gronier, Claire JalabeVirginie Lepetit, Franoise Liran, Valentine Morizot, Marina Niggli, StphanSaindon, Ysana Takino, Isabelle Taudire, Emmanuel Tronquart, Mal VandergooteJanine de Waard, Zhang Zhulin
ADMINISTRATION - COMMERCIALDirecteur dlgu Rgis Conavreux (17 46). Assistantes : Sophie Daniel (16 5Sophie Jan (16 99), Natacha Scheubel. Responsable contrle de gestionStphanie Davoust (16 05),Julie Delpech de Frayssinet (16 13)Responsable des droits : Dalila Bounekta (16 16). Comptabilit : 01 48 88 45 0Relations extrieures Victor Dekyvre (16 44) Partenariats Sophie Jan (16 9
Ventes au numroDirecteur commercial : Patrick de Baecque. Responsabpublications : Brigitte Billiard. Direction des ventes au numro : Herv Bonnaud. Chde produit : Jrme Pons (0 805 05 01 47, ax : 01 57 28 21 40). Diusiinternationale : Franck-Olivier Torro (01 57 28 32 22). Promotion : Christiane MontilleMarketing, abonnement Pascale Latour (directrice, 16 90), Sophie Gerbaud (16 18Vronique Lallemand (16 91), Sweeta Subbamah (16 89), Sophie Rousseaux (17 3Publicit Publicat, 7, rue Watt, 75013 Paris, tl. : 01 40 39 13 13. Directrignrale : Brune Le Gall. Directeur de la publicit : Alexandre Scher (13 97). Directrices de clientle : Karine Lyautey (14 07), Claire Schm(13 47), Kenza Merzoug (13 46). Rgions : Eric Langevin (14 09). Culture : LudovFrmond (13 53). Littrature : Batrice Truskolaski (13 80). Annonces classes : CyGardre (13 03). Excution : Graldine Doyotte (01 41 34 83 97) Publicit siInternet i-Rgie, 16-18, quai de Loire, 75019 Paris, tl. : 01 53 38 46 63. Directeude la publicit : Arthur Millet, Modifcations de services venteau numro, rassorts Paris 0 805 05 01 47, province, banlieue 0 805 05 014
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COURRIER INTERNATIONAL N 1011 6 DU 18 AU 24 MARS 2010
DIE TAGESZEITUNG 60 000 ex., Allemagne,quotidien. Ce titre alternatif, n en 1979 Berlin-Ouest, simpose comme le journal degauche des fministes, des cologistes etdes pacifistes srieux.
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DITORIAL l invi t
Bradley Burston HaAretz, Tel-Aviv
E
n ce moment, jenvie les gens qui, ltranger,
mprisent Isral avec passion, ranchement
et de tout leur cur. Il suft en eet de har
Isral pour que les erreurs et les bvues de
lEtat jui, son aveuglement autosatisait et sa
politique autodestructrice ne causent plus dedouleur, mais procurent plutt du plaisir. Il
suft de har Isral pour spargner toute vel-
lit de tenter de rparer ce qui ny tourne pas rond. Il
suft de har Isral pour en arriver croire que non seu-
lement ce pays mrite dtre puni au point dtre rem-
plac par un autre Etat, mais quIsral peut trs bien aire
a tout seul. Il ut un temps o Isral seorait dtre
un membre en rgle de la
communaut des nations. Il
ut un temps o lun de ses
objectis les plus sincres
tait de mettre fn son sta-
tut de nation mise en qua-
rantaine, boycotte, non
reconnue et non dsire.
Mais ce nest plus le cas.
Sans demander son avis
sa population, sans y r-
chir deux ois, Isral a pris,
au plus haut niveau, une
dcision cruciale. Incapable
de venir bout des orces
qui veulent voir en Isral
lun des pires Etats parias
de la plante, lEtat jui sest
rsolu les rejoindre. Bien dcid prendre son destin
en main, Isral a dcid, au plus haut niveau, que le tra-
vail de dlgitimation de lEtat jui ne devait plus tre
laiss des trangers ou des amateurs. Dsespr dtre
considr comme un Etat paria, Isral a dcid de le
devenir.
Jen suis arriv envier ceux qui hassent Isral, car
ils ont toutes les raisons de sourire. Ce que lextrmegauche, de la Grande-Bretagne Berkeley, a t incapable
de russir (inculquer aux allis dIsral la conviction
quIsral est un Etat voyou, sans cur et moralement
digne de sanctions), lextrme droite qui sige dans le
gouvernement isralien et, en particulier, son ministre
des Aaires trangres semble bien dcide y parvenir.
Nous aurions d savoir que quelque chose comme
le fasco de lassassinat de Duba [dun cadre du Hamas
par le Mossad], attribu par le monde entier Isral,
allait arriver un jour ou lautre. Fuir Richard Goldstone
et snober la Turquie nempchait pas le processus d
dlgitimation dIsral de lintrieur daller trop lente
ment. Cela ne sufsait apparemment pas de mettre en
pril nos relations avec le Royaume-Uni, lIrlande, l
France, lAutriche, les Emirats et maintenant lAustralie en alsifant des passeports trangers de aon rendr
Isral indigne de leur confance. Non, une suite rapid
simposait : mettre les Etats-Unis dans lembarras.
Dans une dmarche poustouante dorgueil, digno
rance et dirrespect envers les Etats-Unis et la commu
naut juive amricaine, le ministre des Aaires tran
gres (er de lance de la campagne isralienne contr
le boycott) vient lui-mm
de boycotter une runion
avec cinq congressistes am
ricains. Pourquoi ? Parc
que les lus amricains visi
taient le pays sous les aus
pices de J Street [un
groupe de pression pro
isralien acquis la fn d
loccupation et la coexis
tence entre Isral et la Pales
tine]. Aux yeux du minis
tre, J Street est coupabl
dun crime terrible : se df
nir comme pro-isralien san
pour autant adhrer de tou
cur tout ce que dit ou
ait Isral. Ce que mauron
appris ce gouvernement et ceux qui lont port au pou
voir, cest que les gens intelligents le sont souvent trop
pour voir par eux-mmes quils sont en train de deveni
de vritables imbciles. Mme avec les meilleures raison
du monde, les pays qui ne sont plus capables de regar
der autour deux deviennent de vritables dangers,
commencer pour eux-mmes.
Jen suis arriv envier tous ces gens qui hassenIsral, parce quils ne ressentiront jamais lampleur d
la tragdie de ce champ des possibles et de cette huma
nit proonde qui sont en train de se perdre ici. Ces gen
ne ressentiront jamais ni la trahison ni mme un soup
on de perte, mais seulement une joie maligne.
Un jour, qui sait, le vent commencera tourner. Je
le crois et je nai pas dautre choix que de le croire. Mon
pre na pas ui jadis lUnion sovitique pour voir son
fls fnir dans un endroit comme celui-ci.
Cette semaine sera peut-tre his-torique. Peut-tre, aut-il bien pr-ciser. De quoi sagit-il ? Toujoursde la rorme du systme de santamricain. Aprs plus dun an de
guerre de tranches, le gouverne-ment de Barack Obama est prs
du but. Peut-tre. Et les mouvements de droite, lesTea Party et autres milices patriotes, dont nousmontrons limportance croissante (voir notre dos-sier p. 34), vont subir un revers. Peut-tre.Pourquoi serait-ce historique ? Parce que, traverscette rorme, et la couverture maladie presqueuniverselle quelle propose, lAmrique se rappro-cherait de lEurope et surtout de lEtat-providencede type europen. Et 30 millions dAmricainspauvres, dans ce pays si riche, auraient enfn accs une assurance et des soins corrects.Il aut encore mettre des bmols, car les rpubli-cains des deux chambres sont bien dcids jeterleurs orces dans la bataille. Mais, dans lautre campaussi, on se bat mieux quen 2009 : Obama a com-pris que se jouait l sa prsidence (et son ventuellerlection en 2012), et il sillonne le pays en pr-chant. Les lus dmocrates qui doivent se repr-senter en novembre ont compris que reculer aujour-dhui serait pire quadopter cette rorme qui aitpourtant peur une partie des classes moyennes.Et Nancy Pelosi, la talentueuse prsidente de laChambre des reprsentants, sait dsormais que sonavenir politique se joue l.Bre, vous avez une loi de quelque 2 000 pages djvote par les snateurs (et pas question de leurdemander de voter un autre texte, car les rpu-blicains auraient dsormais les moyens de tout blo-quer). Cette loi va sans doute tre adopte parles reprsentants ds le 18 mars, en mme tempsque le processus dit de rconciliation entre les deux
chambres, deux votes qui supposent darriver aunombre magique de 216 dputs (et donc de mar-chander dur avec les dmocrates conservateurs lesplus rcalcitrants). Obama pourrait alors signer laloi ds ce week-end. La Chambre des reprsentantsvoterait ensuite la loi de rconciliation, qui prvoitdes conomies budgtaires. Puis le Snat, sansdoute entre le 21 et le 26 mars. Enfn, peut-tre !
Philippe Thureau-Dangin
La semaine la pluslongue Washington
Ben
jam
inKanare
k
Jenvie ceux quihassent Isral
Dorigine amricaine (il est n en 1952 Los Angeles) et citoyen isralien depuis1976, Bradley Burston est depuis lan 2000lun des principaux ditorialistes du quoti-dien HaAretz, o il publie le blog A SpecialPlace in Hell, aprs avoir t correspondantduJerusalem Postdans la bande de Gazalors de la premire Intiada (1987-1992).DR
R E C T I F I C A T I F S
MauritaniensSur le dessin de Glez qui illustrait larticle
Faire plaisir Paris, cela peut coter cher(CI n 1009, p. 28), il allait lire Mauritaniens
la place de Mauritiens.
Justice espagnoleDans larticle Jugeons plutt ceux qui veulent
juger Garzn ! (CI n 1009, p. 13), nous avons
prcis par erreur que le Tribunal suprme
espagnol tait peu prs lquivalent
du Conseil national de la magistrature.
Le Tribunal suprme est la plus haute
juridiction de lordre judiciaire espagnol
et il est comptent dans tous les domaines
sau en matire de garanties constitutionnelles.
Le Conseil gnral du pouvoir judiciaire, organe
de gouvernement des juges et magistrats
espagnols, lui, quivaut bien au Conseil
national de la magistrature.
L E D E S S I N D E L A S E M A I N E
Sur www.courrierinternational.com,retrouvez chaque jour
un nouveau dessin dactualit, et prs de 4 500 dessins en consultation libre
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 8 DU 18 AU 24 MARS 2010
Sept personnes,
souponnes de
tentative dassassinat
contre le dessinateursudois Lars Vilks,
ont t arrtes
le 9 mars par la police
irlandaise. M. Vilks
vit sous protection
policire depuis 2007,
la suite de la
publication dun dessin
fgurant Mahomet avec
un corps de chien dans
un journal local, ce qui
avait dclench de trs
vives protestations.
Dessin de Mayk,
Sude.
Retrouvez la chronique internationale
dAnthony Bellangerdu lundi au vendredi 22 h 45 sur i>TL
dansLe point sur linfoprsent par Thierry Dugeon
et aussi sur
courrierinternational.com
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crises conomiques engendres par cette lubiedu nuclaire, il serait plus logique dy mettre fn.
Mais la seule logique qui prvaut chez la plu-part des dirigeants iraniens, et notamment chezle guide suprme, est celle de la scurit. Endautres termes, la Rpublique islamique consi-dre la possession darmes nuclaires, ou dumoins le savoir-aire technique et industriel nces-saire pour en produire, comme une garantie poursa scurit contre dventuelles menaces tran-gres. Ces dernires annes, le rgime iraniena montr quil savait tirer son pingle du jeu surla scne internationale.
THRAN TESTE LA DTERMINATIONDES AMRICAINS ET DE LEURS ALLIS
En aisant lacquisition darmes nuclaires, Th-ran seorce de se protger contre toute agres-sion trangre et en mme temps en profte pourtendre son inuence dans la rgion. Le rgimeseorce galement de limiter toute interrenceoccidentale dans ses aaires intrieures enbrandissant la menace du nuclaire. Tout portegalement croire que, pour une petite mino-rit dIraniens, le nuclaire aurait une motiva-tion idologique. Cest le mme groupe quiappelle la destruction dIsral, pour crer lesconditions de lapparition de limam cach.Pour ceux qui vivent en dehors de cette logiquedu Mahdi et de lislam, ces arguments sont di-fciles comprendre, voire inconcevables. Maisnoublions pas que les partisans de lapoca-lypse nont que aire du pragmatisme.
ROOZ
Amsterdam
Le nuclaire iranien a engendr une situa-tion de crise qui continue dempoison-ner les relations internationales. Pour cer-tains, le problme du nuclaire iranientait la consquence de la politique agres-sive et unilatrale de George W. Bush,
et larrive la Maison-Blanche de BarackObama devait permettre de rgler le conit parla ngociation. Ce dernier a dailleurs envoy,le 20 mars 2009, un message pour le nouvel aniranien [Norouz] au peuple et aux dirigeantsiraniens afn de montrer que, indpendammentde la situation en Iran, il reconnaissait le rgimede la Rpublique islamique. Les Etats-Unis ontaussi dcid de suspendre les onds allous auxassociations militant en aveur de la dmocra-tie en Iran. En outre, la non-nomination deDennis Ross au poste de conseiller spcial pourlIran a t une autre mesure destine satti-rer les bonnes grces de ce pays. Dautant plusquelle a t suivie par la nomination, ennovembre 2009, de John Limbert, avorable audialogue avec lIran, au poste de secrtaireadjoint pour lIran au Bureau des aaires duProche-Orient du ministre des Aaires tran-gres. Il ne aut pas nous plus oublier le ton plusmesur du vice-prsident amricain Joe Biden lgard de lIran ainsi que les propositions deson pays ormules lors de ngociations inter-nationales. Mais cette main tendue na pas eu
les eets escompts. LIran na pas suspenduson programme nuclaire. Au contraire, le pr-sident Mahmoud Ahmadinejad a annonc dbutvrier 2010 que lIran avait commenc la pro-duction duranium enrichi 20 %.
Que aut-il aire, alors ? Durcir le ton etmenacer de sanctions ? Ces dernires sufront-elles contraindre la Rpublique islamique arrter ses activits nuclaires ? La rponse estnon. Afn de mieux dfnir sous quelles condi-tions Thran pourrait suspendre son programmenuclaire, il aut sinterroger sur ses vritablesobjectis. Aujourdhui, aprs des annes de crise,il est vident que lobjecti des autorits nest pasde ournir le pays en lectricit. Dun point devue conomique, rien ne justife la poursuite duprogramme nuclaire. Aujourdhui, aprs les
Si lon se rre la longue exprience desanctions contre Saddam Hussein et la Cordu Nord, il semble clair que ce genre de mesurene menace pas lexistence des rgimes. A elleseules, les sanctions conomiques ne eront pavaciller la Rpublique islamique. Si la logique dela scurit est au cur du programme nuclairiranien, seule la menace militaire pourra y mettrun terme. Or les dirigeants iraniens sont persuads qu cause de ses dirents engagementen Irak et en Aghanistan, et aussi de la guerrecontre le terrorisme, les Etats-Unis nont pas lemoyens douvrir un autre ront. Quand les Iraniens ont attaqu un navire britannique et prien otage ses marins pendant plusieurs jours [enmars 2007], le rgime testait en ait la dtermination des orces de la coalition [prsentes enIrak depuis 2003]. Paralllement, lIran ournides armes aux hommes qui se battent contre leorces de la coalition en Irak et en AghanistanLa raction occidentale na pour linstant paconvaincu lIran. Si le programme nuclaire iranien doit tre arrt par la menace militaire, leOccidentaux doivent montrer aux dirigeants iraniens quils ont la volont et la capacit de lbrandir. La minorit qui dend le programmnuclaire au nom de croyances idologiques nhsitera pas jouer avec le eu. Ce groupe est minoritaire en Iran, et il est trs aaibli depuis la morde layatollah Khomeyni [en 1989]. Mais les vnements de ces dernires annes, et notammenceux qui ont eu lieu aprs les lections djuin 2009, montrent un durcissement du pouvoir. Ces groupes sont-ils encore minoritaires ousont-ils monts en puissance depuis les derniervnements notamment dans lentourage dlayatollah Khamenei ? La question se pose.
Que peuvent aire les gouvernements occi
dentaux pour sortir de cette impasse et aider lpeuple iranien ? La mesure la plus efcace seraide ournir les inrastructures et le matriel ncessaire la diusion dinormations non censureau peuple iranien. Crer et soutenir fnancirement les rseaux de radio et de tlvision avedes programmes en persan, aider les internauteiraniens contourner la censure sur Internetfnancer des programmes dnonant les violations des droits de lhomme en Iran et orir aupeuple iranien les bases dune ducation ldmocratie et aux droits de lhomme. Voil lmeilleur moyen dacclrer le processus dmocratique en Iran. Lensemble du peuple iranien
en tirera bnfce, mais aussi les gouvernements occidentaux et toute la communaut
internationale. Sad Ghasemzade
dossier
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 10 DU 18 AU 24 MARS 2010
IRAN DES SANCTIONS INUTILES Un an aprs la main tendue de Barack Obama au rgime iranien, les espoirs dun dialogue ont disparuLes Etats-Unis souhaitent renorcer les sanctions contre la Rpublique islamique. Mais ce moyende pression a montr ses limites. Cest pourquoi la Chine ou le Brsil sy opposent.
Pour empcher Thran de poursuivre son programmenuclaire, il ne aut pas hsiter brandir la menace
militaire et soutenir la contestation dans le pays.
Un rgime irrationnel obsd par sa scurit
Dessin
de Pismetrovic
paru dans
la Kleine Zeitung,Graz (Autriche).
A la une
Quand lIran
aura la bombe,
titre le magazine
amricainForeign Aairs
dans son dition
de mars.
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sont actives dans le domaine de la constructionet de la distribution automobiles, li lui aussi auxpasdarans. Sur les 74 entreprises internationalesidentifes par The New York Times comme ai-sant des aaires tant avec le gouvernement am-ricain quavec lIran, 49 continuent davoir uneactivit dans ce dernier pays et nafchent aucuneintention den partir.
En vertu dun embargo institu dans lesannes 1990, le gouvernement peut empcher et, de ait, empche les entreprises amri-caines de commercer avec lIran dans la plupartdes secteurs. Mais les gouvernements amricainssuccessis ont exerc des pressions diplomatiqueset politiques pour aire participer cet embargodes entreprises a priori non concernes aussibien des socits trangres que les fliales tran-gres dentreprises amricaines. Pour inchir lecomportement dentreprises non concernes parlembargo, le gouvernement dispose de lIranSanctions Act de 1996, une loi institue pourpunir les socites trangres qui investiraientplus de 20 millions de dollars [15 millions deu-ros] sur une priode dune anne dans le dve-
loppement des gisements de ptrole et de gaziraniens. Mais, depuis quelle a t adopte, legouvernement ne la jamais applique, en partiepour ne pas roisser les allis des Etats-Unis.
LES ENTREPRISES TRANGRESCONTINUENT INVESTIR EN IRAN
En 2007, le gant sud-coren de lingnierie Dae-lim Industrial a remport un contrat de 700 mil-lions de dollars [500 millions deuros] pourmoderniser une rafnerie iranienne. Selon le ser-vice de recherches du Congrs, laccord semblaitvioler les dispositions de lIran Sanctions Act, desorte que Daelim aurait pu subir une srie demesures de rtorsion, dont linterdiction deconclure des contrats draux avec le gouver-nement amricain. Mais, en 2009, larme
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 11 DU 18 AU 24 MARS 2010
THE NEW YO RK TIMES (extraits)
New York
Une analyse des archives drales, desrapports des entreprises concernes etdautres documents montre que, sur laquestion des relations avec lIran, lesadministrations Bush et Obama ontadress des messages ambigus aux
milieux daaires, puisquelles ont rcompensdes entreprises dont les intrts commerciauxsont en contradiction avec les objectis de scu-rit des Etats-Unis. Au cours des dix derniresannes, le gouvernement dral a vers plus de107 milliards de dollars [77 milliards deuros] des entreprises trangres et des multinatio-nales amricaines oprant en Iran, et ce en dpitdes eorts dploys par Washington pour dcou-
rager les investissements dans ce pays. Ces fnan-cements comprennent prs de 15 milliards dedollars [11 milliards deuros] verss des entre-prises qui sont passes outre aux sanctions am-ricaines en eectuant dimportants investisse-ments dans les secteurs gazier et ptrolier.
Plus des deux tiers de largent gouverne-mental sont alls des entreprises intervenantdans lindustrie nergtique iranienne qui est la ois une norme source de revenus pour legouvernement iranien et les gardiens de la rvo-lution [pasdarans, arme parallle du rgime],dont le pouvoir ne cesse de crotre en Iran. Lesgardiens sont censs tre les premiers viss parles sanctions que propose ladministrationObama, car ils supervisent les programmesnuclaire et balistique iraniens. Dautres socits
VU DE CHINENon audiktat amricain
Mme si la Russie rejoint les Etats-
Unis dans leur volont diniger de
svres sanctions lIran, cela ne
veut pas dire que la Chine doive leur emboter
le pas de peur dtre isole. Les dcisions
chinoises ne se prennent pas et ne doivent
pas se prendre ailleurs qu Pkin ! Ren-
orcer les sanctions iniges lIran et mme
les maintenir leur tat actuel est discutable
dun point de vue moral. Le ronron des centri-
ugeuses en onctionnement Natanz
constitue-t-il un acte de proliration nuclaire
contraire la scurit de la rgion, ou est-il le
symbole du droit au nuclaire pour protger
son indpendance et son autonomie ? Les
positions de Tel-Aviv et de Damas dune part,
de Riyad et de Thran dautre part sont bien
direntes sur ce point, sans parler de celles
de Washington et de Moscou.
Pourquoi la dtention de larme nuclaire par
Isral ( titre non ofciel) et par lInde ( titre
ofciel) nest-elle pas considre comme mau-
vaise, alors que lIran est stigmatis simple-
ment parce quil possde une orce nuclaire
civile (pour linstant du moins, et rien ne prouve
que ce ne sera pas aussi le cas lavenir) ?
En prenant beaucoup de recul, demandons-
nous pourquoi lIran ne pourrait-il pas pos-
sder larme nuclaire ? En dfnitive, est-ce
la monopolisation du nuclaire ou la proli-
ration du nuclaire qui garantit quune guerre
roide restera roide et nvoluera pas vers
un conit nuclaire ? O est la limite entre une
bonne proliration nuclaire et une mau-
vaise proliration ? Larme nuclaire est-elle
plus sympathique lorsquelle est dtenue par
des pays hindouistes et juis que lorsquelle
est entre les mains de pays musulmans ? Di-
fcile dire !
Par-del les considrations thiques aux limites
oues, intressons-nous une autre question
peu dbattue par les Amricains : le renor-
cement des sanctions iniges lIran peut-il
amener Thran renoncer ses projets
nuclaires ? La logique de ond des sanctions
est la suivante : conduire le pays vis aban-
donner la poursuite de certains objectis en
lui imposant une situation qui lui cause davan-
tage de prjudices que les bnfces quil pour-
rait escompter sil atteignait ses objectis.
Quels sont les bnfces escompts dans le
cas du programme nuclaire iranien ? La scu-
rit et la dignit du pays. Alors que les Iraniens
vivent depuis des milliers dannes entours
de orces hostiles, la possession de larme
nuclaire amliorerait de aon notable la scu-
rit du territoire iranien de la Mditerrane
la mer dOman, de la Caspienne la mer
Rouge, et permettrait la religion chiite de
devenir un phare de lislam mondial. Selon
leur tendue, les dispositions prises contre
lIran peuvent simplement avoir pour eet dem-
pcher les Iraniennes dacheter du parum ou
au pays de vendre son ptrole. Or qui aurait
laudace dvoquer un embargo sur les expor-
tations de ptrole iranien ? Les Iraniens atta-
chent de limportance lhonneur de leur
Le gouvernement amricain tente depuis plusieursannes de dissuader les entreprises de aire du commerceavec lIran. Mais la tche savre quasi impossible.
Rien narrte les hommes daffaires
Chine : On
rclame des sanctions ?
Russie : Sans
doute mais
il faudra utiliser
votre tlphone.
All ? Ici lONU
All, all.
Sur la pancarte :
ferme pdagogique.
Sur lenclos :
IRAN-O-RAPTOR
FERMIER.
Dessin de Kal
paru dans
The Economist,
Londres.
W E B +Plus dinfos surcourrierinternational.com
Vu de Moscou :la Russie na plusbesoin de lIran.
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des dispositions avantageuses en vue de nou-veaux investissements. Cette visite provoquala colre des autorits amricaines. Nan-moins, le bureau de Petrobras Thran esttoujours ouvert.
Les socits disposent encore dune bonnemarge de manuvre pour profter de secteursvitaux de lconomie iranienne sans avoir craindre de reprsailles du gouvernement am-ricain, ni risquer de perdre des marchs aveclui. Les entreprises automobiles oprant enIran ont obtenu pour 7,3 milliards de dollars[5,2 milliards deuros] de contrats draux aucours des dix dernires annes. Parmi cesentreprises fgure Mazda, dont les voitures pro-duites en Iran sont assembles par un cer-tain Bahman Group. Daprs des inormationsparues dans la presse iranienne et un rapportrdig en 2009 par le think tank amricainRAND Corporation lintention du ministrede la Dense, 45 % des actions de Bahmansont dtenues par la Sepah Cooperative Foun-dation, un important onds dinvestissementli aux gardiens de la rvolution.
Mme des entreprises dont le sige setrouve aux Etats-Unis, parmi lesquelles cer-tains des plus gros bnfciaires de contratsdraux, peuvent investir en Iran par lentre-mise de fliales trangres gres de aon ind-pendante par des ressortissants non amri-cains. Le abricant davions et dengins spatiauxHoneywell a ainsi obtenu prs de 13 milliardsde dollars [9,4 milliards deuros] de contratsdraux depuis 2005. Cette anne-l, il pro-cda lacquisition dUniversal Oil Products,dont la fliale britannique travaille sur un pro-
jet daccroissement de la production dessence la rafnerie dArak, en Iran. Universal arcemment obtenu une subvention dralede 25 millions de dollars [18 millions deuros]pour la construction dune usine nergtiquenon polluante Hawaii.
Le snateur dmocrate du Dakota duNord Byron L. Dorgan a tent de supprimerla niche que constituent les fliales trangres la suite du toll suscit en 2004 par Halli-burton, lentreprise de lancien vice-prsidentDick Cheney, qui avait utilis lune de sesfliales des les Caman pour vendre lIrandes services lis lexploitation ptrolire. Maisle snateur Dorgan a d reconnatre quilnavait pas pu surmonter lopposition desmilieux daaires. Jo Becker et Ron Nixon
dossier
amricaine a conclu avec cette entreprisesud-corenne un contrat de 111 millions dedollars [80 millions deuros] pour la construc-tion de logements sur une base amricaine enCore du Sud. Or, quelques mois plus tard,Daelim, qui conteste le ait que ses contratsaient viol la lettre de la loi, annonait laconclusion dun nouvel accord de 600 millionsde dollars [435 millions deuros] destin audveloppement du gisement gazier iranien deSouth Pars dans le gole Arabo-Persique.
LE BRSIL ET LIRAN ONT DES PROJETSNERGTIQUES COMMUNS
Rcemment, aprs quune cinquantaine delgislateurs des deux partis se sont plaints auprsident Obama de cette absence dappli-cation de la loi et lui ont communiqu uneliste dentreprises qui semblent la violer, ledpartement dEtat a annonc louverturedune enqute prliminaire. Parmi les soci-ts fgurant sur la liste transmise au dparte-ment dEtat par le Congrs, on trouve leconglomrat nergtique public brsilienPetrobras, qui a reu lanne dernire delEximbank [lExport-Import Bank des Etats-Unis soutient les entreprises exportatricesamricaines] un prt de 2 milliards de dollars[1,4 milliard deuros] afn dexploiter un gise-ment de ptrole au large de Rio de Janeiro. Endpit de demandes amricaines insistantes etrptes, Petrobras avait prcdemment investi100 millions de dollars [72,5 millions deu-ros] pour la recherche dventuels gisementsde ptrole dans le gole Arabo-Persique. Maisle prt de lEximbank destin lexploration
des onds marins brsiliens tait susceptiblede crer des emplois amricains, puisquePetrobras devait utiliser cet argent pour ache-ter des produits et des services des entre-prises amricaines. Il pouvait permettredtablir une source dapprovisionnement enptrole extrieure au Moyen-Orient. Si lad-ministration pensait que le prt allait amenerle Brsil saligner sur ses propres objectis lgard de lIran, elle dut rapidementdchanter. Le 23 novembre, le prsident delIran, Mahmoud Ahmadinejad, eectuaitune visite au Brsil au terme de laquelle lesdeux pays convinrent de mettre en communleur expertise technique dans des projets ner-gtiques. Les autorits iraniennes prcisrentquelles envisageaient de proposer Petrobras
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 12 DU 18 AU 24 MARS 2010
pays, alors que les trangers veulent par-
ler argent avec Thran. Cette aaire nous
montre avec orce que notre comprhension
du problme repose sur des malentendus.
Certes, mme si le renorcement des sanc-
tions est contestable dun point de vue moral
et leur efcacit incertaine, la Chine nagira
pas ncessairement sans concertation avecles autres et ne cherchera pas orcment
se mettre en avant, si elle peut en tirer une
contrepartie sur le plan diplomatique. A pro-
pos de contrepartie, si la Chine acceptait
de renorcer les sanctions iniges lIran,
elle perdrait une source dapprovisionne-
ment en ptrole et serait accuse de cour-
tiser les Etats-Unis par tous les pays anti-
amricains. Quobtiendrait donc la Chine en
dfnitive ? Le titre provisoire denant sage
et responsable, et rien dautre ! Le jeu en
vaut-il la chandelle ?
Ye Hailin*, Dongfang Zaobao (extraits), Shanghai
* Chercheur lInstitut du Pacifque de lAcadmie
des sciences sociales de Chine.
VU DU BRSILLula veutjouer les mdiateurs
L e che de lEtat brsilien a rsist aucharme de Hillary Clinton venue dbutmars pour le convaincre de voter les sanctions
de lONU contre lIran et son programme
nuclaire. Le Brsil, qui occupe un sige non
permanent au Conseil de scurit de lONU,
prne la poursuite des ngociations avec
lIran. Avant sa visite en Isral, le 15 mars,
Lula a afrm dans un entretien accord au
quotidien isralien HaAretzquil allait viter
de faire en Iran ce quon a fait en Irak.
De son ct, la presse brsilienne est divi-
se sur la position adopter ace lIran.
La diplomatie brsilienne rejette le fait que
les Etats-Unis dcident qui doit ou non pos-
sder larme nuclaire. Mais la position du
Brsil est anachronique et donquichottesque.
La communaut internationale doit adopter
une position commune et ferme pour contrer
laudace et le cynisme dont fait preuve le gou-
vernement de Mahmoud Ahmadinejad, peut-
on lire dans un ditorial du journal O Globo.
La visite de Lula Thran en mai devrait
tre loccasion de discuter franchement avec
Ahmadinejad et de lui faire sentir quil tire un
peu trop sur la corde et risque de perdre le
peu dappui international dont il dispose. Ce
sera loccasion pour notre pays de regagner
un peu du prestige que nous avons perdu
force de vouloir soutenir lIran tout prix,
poursuit le quotidien conservateur.
Lhebdomadaire indpendant Carta Capital
souligne que la visite de Hillary Clinton a
t un chec. Ce rle de reprsentant de la
grande puissance qui vient ngocier lall-
geance de ses vassaux en voie de dvelop-
pement est totalement dplac ! Le discours
amricain paternaliste selon lequel lIran est
en train de se jouer du Brsil a t mal reu
par un gouvernement dont la diplomatie a
mri et qui sait parfaitement quels sont ses
objectifs sur le plan international. Le Brsil
veut tre un mdiateur et non pas la caisse
de rsonance des slogans amricains ou isra-
liens ! assure le magazine de So Paulo.
Df
La Turquie ne va
pas tarder tre
conronte un
test de fdlit
lgard de ses
allis occidentaux
propos
des sanctions
contre lIran, note
le quotidien turcMilliyet. En eet,
la position
dAnkara, qui sur
ce dossier sest
rapproch de Pkin,
est de moins en
moins en phase
avec celle que les
Europens essaient
dadopter sur ce
sujet. Ankara peut
bien afrmer son
intention de
privilgier avant
tout le dialogue
au dtriment
des sanctions,
lvolution de lasituation montre
que cette attitude
est de plus en plus
intenable. De plus,
les initiatives
turques ne semblent
avoir aucun eet
sur Thran. Si
la Turquie parvenait
pousser lIran
adopter une
position plus
conciliante dans
les ngociations
sur le nuclaire,
elle verrait certes
son prestige
renorc. Mais
rien ne semble
actuellement
aller dans ce sens,
crit Milliyet.
Dessinde Simanca,
Brsil.
Ca
gleCar
toons
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SDDEUTSCHE ZEITUNG
Munich
A
u lendemain du scrutin, leprsident Nicolas Sarkozyet lUMP ont ait comme
si le dsastre que la or-mation prsidentielle venait de subirne les concernait pas vraiment. Il nesagissait aprs tout que des lectionsrgionales, et la participation tait par-ticulirement aible. Pourquoi le pr-sident devrait-il plus sintresser auscrutin que les citoyens eux-mmes ?Pourquoi la daite retentissante delUMP devrait-elle constituer unWaterloo pour le che de lEtat ? Non,le prsident ne sirrite pas. Il garde saconfance au gouvernement et entendpoursuivre ses rormes, dans un pre-mier temps du moins.
Sarkozy en pre tranquille ? Ceserait nouveau. Mais, dans les aits,ni Sarkozy, ni lUMP, ni la France nepeuvent aire aussi acilement abs-
traction du rsultat. Car les signauxdalarme sont multiples. Rarementla droite parlementaire a t aussiaible. Seul un lecteur sur huit a votpour le parti prsidentiel. Et jamaisla participation na t aussi basse des lections rgionales : les lec-teurs ayant reus de se rendre auxurnes reprsentent la majorit abso-lue, avec un taux de 53,65 %. LaFrance peut dj en tirer trois ensei-gnements : le sarkozysme, ce m-
lange de stratgie, de dynamisme etde culte de la personnalit, sestpuis ; les socialistes orment nou-veau une orce susceptible de ga-gner ; la dmocratie reste la mercidune crise conomique.
Nicolas Sarkozy stait prsent llection prsidentielle de 2007 avecla promesse de tout aire mieux que Jacques Chirac, son prdcesseurus. Il promettait la renaissance. Eco-nomie, Etat social, justice, duca-tion Sur tous ces sujets, il entendaitapporter un nouveau soue la France, pour rendre aupays la place qui lui re-vient dans le monde.Dans le mme temps, iljurait dtre un prsidentau-dessus des intriguesdes partis. Il allait re-prsenter les Franais detoutes les couleurs. Sar-kozy a ainsi promis auxgens de droite de soccu-
per de la scurit int-rieure et de lidentit na-tionale, appt ceux degauche avec des postes pres-tigieux, ministre des A-aires trangres compris[octroy au socialiste Ber-nard Kouchner], et conuune taxe cologique pourles partisans des Verts. Leslecteurs ne pouvaient r-sister un tel pot-pourri.
A son crdit, il aut reconnatreque, une ois prsident, Sarkozy a en-trepris de mettre ses promesses en ap-plication. Les rormes se sont suc-cd une telle vitesse que les citoyensen ont perdu le fl. Dautant que, dans
le mme temps, le che de lEtat sor-tait tout le temps de lElyse pourmontrer sa prsence. Sarkozy donnaitlimpression, comme jadis le saintPadre Pio, de jouir du don dubiqui-t, cest--dire dapparatre plu-sieurs endroits au mme moment.
Les Franais contem-plaient Super-Sarkoavec bahissement.Tout aurait pu bien sepasser si la crise cono-mique mondiale ntaitpas passe par l, avec
son cortge de aillites etla monte du chmage.
Mais, aujourdhui, cest unevidence : sur ce plan, le
prsident lui-mme ny peut
rien. Les espoirs de toute-puis-sance quil avait veills et quilavaient port si haut lentranentdsormais vers le bas comme unlest de plomb. Les lections r-gionales montrent que les Fran-
ais sont nombreux se dtour-ner de lui, dus. Sarkozy en estle premier responsable : il apromis des miracles quil nepouvait accomplir. Mais il estaussi victime de la dmo-
crat ie mdiatique moderne, qui rige les personnalits politiques aurang de sauveurs pour les laissetomber tout aussi rapidement, dquaprs le vote surgissent les premierobstacles. Cest le sort de Barac
Obama aux Etats-Unis comme dNicolas Sarkozy en France.
DES CRAINTES POUR LA SURVIEDE LA DMOCRATIE
Les socialistes connaissent actuellement un destin inverse. Lors des lections europennes de juin 2009, lelecteurs leur avaient accord le scordcourageant de 16,48 % des voixMoins dun an plus tard, ils obtiennent presque deux ois plusEnsemble avec les cologistes et lgauche radicale, ils recueillent mmplus de 50 % des voix. Ils pourraiense retrouver, aprs le second tour du21 mars, gouverner toutes les rgions ranaises. Seul point noir cette russite de Martine Aubry, l
nouvelle premire secrtaire du partest trompeuse. Car les socialistecontinuent de tirer leur orce de lantisarkozysme plutt que dun programme convaincant. Et cest troppeu pour parvenir au pouvoir durablement, lexemple de lItalie lmontre bien : tre seulement antiBerlusconi ne mne pas loin. Aubryet les socialistes doivent opposer ausarkozysme leur propre conceptionpour la France. Ils doivent expliquecomment ils comptent vivre avelconomie de march. Cela entranera des pertes lectorales sur leudroite comme sur leur gauche.
Il y a touteois une chose qudevrait maintenant unir socialistes econservateurs : la crainte pour la sur
vie de la dmocratie. On ne peuexpliquer lnorme abstention en scontentant de dclarer que les Franais se soucient peu de leur rgionNombre dlecteurs sont rests cheeux parce quils nattendent aucunaide des politiques en temps de criseDautres ont carrment vot pour lFront national. Ce parti dextrmdroite, dclar mort, se rvle bienvivant. Jean-Marie Le Pen, son chea obtenu plus de 20 % des voix danla rgion Provence-Alpes-CtdAzur. La crise conomique et ldception provoque par les aiseurde miracles dmocratiques la Sarkozy alimentent les extrmes unvolution que doivent redouter touteles dmocraties.
Stefan Ulric
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 14 DU 18 AU 24 MARS 2010
Elections
rgionales.
Dessin de Hachfeld
paru dans NeuesDeutschland,Berlin.
ANALYSE Une incitation relancer le train des rformesSi le chef de lEtat a du les lecteurs,cest pour navoir pas tenu ses promesses
de 2007. Il lui reste deux bonnes annespour corriger le tir.
L Union pour un mouvement populaire(UMP) de Nicolas Sarkozy a essuy unecuisante daite lors du premier tour des
rgionales, ne rassemblant que 26,18 % des
surages contre prs de 48 % pour le Parti
socialiste, Europe cologie et le Front de
gauche. Au vu de ces rsultats, certains
observateurs se sont empresss dannon-
cer que cen tait fni des rormes pour ce
quinquennat. Ce quoi Nicolas Sarkozy a
rpondu en soulignant que ces lections, qui
ntaient aprs tout que locales, nauraient
pas de rpercussion sur son programme.
Permettez-nous ici de nous placer en arbitre :
ces deux visions sont aussi ausses lune
que lautre, pour la simple et bonne raison
quelles inversent causes et consquences.
Si le parti prsidentiel a connu une telle
droute lors de ce scrutin, cest prcismentparce que Nicolas Sarkozy na pas tenu sa
promesse de ne pas tre un dirigeant comme
les autres. Aprs trois dcennies dimmo-
bilisme quasi-ininterrompu, sous les prsi-
dences du socialiste Franois Mitterrand
et du conservateur Jacques Chirac, les
lecteurs ranais avaient port, en 2007,
Nicolas Sarkozy au pouvoir parce quil leur
avait promis de rveiller le pays et le gou-
vernement, de se dresser contre les intrts
cachs qui paralysaient la France depuis trop
longtemps et de remettre le pays au travail.
Au lieu de cela, les Franais ont eu droit
un estival, dans le pur style des tablods,
sur la taille de leur prsident, son mariage
et ses infdlits prsumes, le tout enrob
de timides rormes et dune certaine dose
de paranoa anti-anglo-saxonne.
Ce scnario a comme un air de dj-vu pour
les Franais. Il reprsente exactement ce
avec quoi Sarkozy avait promis de romprependant sa campagne prsidentielle. Ds
lors, comment stonner de la rustration
des lecteurs ? Naturellement, aprs le
vote du 14 mars, les socialistes ne man-
queront pas de dclarer que Sarkozy a
perdu toute lgitimit pour mener ses
rormes. En ralit, rien nest plus aux.
Nicolas Sarkozy a reu un coup de
semonce ; il doit se souvenir pourquoi les
lecteurs ont vot pour lui en 2007. Sil
ait bon usage du temps qui lui reste avant
la prsidentielle de 2012, Sarkozy a encore
les moyens de aire la dirence et de
remettre la France sur le chemin de la crois-
sance. Sinon, il naura plus qu rejoindre
ses camarades rests sur le carreau aprs
ces lections.
The Wall Street Journal Europe, Bruxelles
f rance
A la une
Les lecteurs
donnent un coup
Sarkozy, titre
De Standaard. Le
quotidien amand
rappelle que le Parti
socialiste est
le grand gagnant
du premier tour et
que lUMP aura bien
du mal trouver
un second soue
dici au 21 mars.
RGIONALESCoup de froid sur Sarkoland
Dessin dAres,Cuba.
PS en hausse, FN aux aguets, abstention quiexplose : au premier tour des rgionales, tousles clignotants sont passs au rouge pour leprsident ranais et pour le parti de la majorit.
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Mme si le succs
du Parti socialistedoit tre nuanc,il nen allait pas moins Martine Aubry pourse donner la staturede prsidentiable.
CORRIERE DELLA SERA (extraits)Milan
On gardait de MartineAubry le souvenir duneemme un peu roide, limage de la terre du
Nord o elle vit et travaille, mme sielle peut aire preuve dune ironie mor-dante. Du premier tour des rgionales,le 14 mars, on gardera le souvenir deson sourire, ainsi que celui des minesrenrognes des partisans de lUnionpour un mouvement populaire(UMP), le parti de Nicolas Sarkozy.La vague rose constate est le vritableche-duvre de Martine, en qui pour-tant, il y a quelques mois encore, peude personnes avaient confance au seinde son parti.Elue premire secrtaire du Partisocialiste (PS) en novembre 2008, lorsdun congrs de Reims empoisonnpar des suspicions de raude, emmepolitique aussi peu mdiatique quephotognique, sans cesse compare
lirrductible et sduisante SgolneRoyal, Madame 35 Heures appa-rat de plus en plus comme la damede er de la gauche, proondmentlie au monde syndical et la basepopulaire de llectorat. Elle sestmontre capable de mettre un peudordre et de discipline dans les nom-breux courants du parti, domins pardes personnalits trop ambitieuses. Apresque 60 ans, elle connat uneseconde jeunesse, tout en savourant
le got de la revanche : devant ellesouvrent les portes dune ambitionqui nest plus tenue secrte. La mairede Lille, flle de Jacques Delors, paraten eet la candidate la mieux armepour battre Nicolas Sarkozy en 2012,devant Sgolne, dsormais sur ledclin, et sans doute devant le pr-sident du Fonds montaire interna-tional (FMI), Dominique Strauss-Kahn. A condition que la guerreratricide entre les dirigeants des di-rents courants du PS nore pas,une nouvelle ois, le auteuil de lEly-se la droite.
QUAND LALTERNANCEAU NIVEAU NATIONAL ?
Comme cest en gnral le cas, en
France comme ailleurs, les rsultatsdes lections locales auront des rper-cussions nationales pour ceux qui lesgagnent, tandis quelles resteront unesimple exprience administrative pourceux qui les perdent. Nicolas Sarkozy,sachant bien que les sondages se trom-pent rarement, avait minimis par anti-cipation la porte du vote ; il avaitannonc [dans un entretien auFigaroMagazine, paru le 12 mars] que sonprogramme de rormes connatrait
unepauseet que son gouvernementsintresserait davantage la concer-tation sociale. Le Parti socialiste devramaintenant mettre en valeur sa vic-toire probable en relayant lopinionngative quont les Franais de lac-tion prsidentielle, et en vivant sonsuccs comme un indice de bonnesant, aprs les derniers checs lec-toraux et les conits internes qui ontmin le moral des troupes et branlla crdibilit de la gauche auprs deslecteurs. Car il ne aut pas sattendre des changements de ond la ttedes rgions ranaises. En eet, lessocialistes dirigeaient dj vingt rgionssur vingt-deux, lexception de laCorse et de lAlsace.La vague rose, surprenante si lon
considre la sant du Parti socialisteet ses rsultats catastrophiques auxdernires lections, ne ait que confr-mer la tendance des Franais confer la gauche le pouvoir local (qui attri-bue aux individus les services et lesallocations), tandis quils dlguent ladirection du pays la droite. A moinsque la nouvelle Aubry ne parvienne redonner la France le got delalternance.
Massimo Nava
f rance
Dessin de Burkiparu dans
24 Heures,Lausanne.
GROS PLAN Pourquoi les Franais boudent leurs rgionsLabstention reflte le peu dintrt que cescollectivits suscitent auprs de lopinion.
Une situation loppos de celle qui prvauten Espagne, constate un quotidien catalan.
Sil y a une chose dans leurs rapports aveclEspagne que les Franais ne compren-nent pas, cest linsistance que les Espagnols
mettent impliquer leurs communauts auto-
nomes dans certaines runions bilatrales.
La France, qui na jamais vu lintrt de la
chose, est alors oblige de convoquer ses
rgions, lesquelles se retrouvent condamnes
aire de la fguration. Cest dire lasymtrie
qui existe en matire de comptences. Of-
ciellement cres en 1972, les rgions ran-
aises sont presque aussi rcentes que les
communauts autonomes espagnoles. Mais
leur volution a t radicalement dirente.
Ct ranais, le grand saut a t ait en 1982,
avec lapprobation de la loi sur la dcentrali-
sation. La premire et principale consquence
de cette rorme a t llection de conseils
rgionaux au surage universel direct en 1986et le transert du pouvoir excuti du pret au
prsident de la rgion. Mais, vingt-quatre ans
plus tard, hormis quelques rares exceptions
parmi lesquelles Sgolne Royal et Georges
Frche, la majorit des Franais ignorent le
nom du prsident de leur rgion et ses com-
ptences. Ils ne connaissent souvent mme
pas les limites territoriales de celle-ci.
Il est vrai que, pour compter les comptences
des rgions ranaises, les doigts dune seule
main sufsent : la gestion du transport er-
roviaire rgional, la construction et la gestion
des tablissements denseignement secon-
daire mais pas lducation , le cofnance-
ment de la ormation proessionnelle et len-
tretien des parcs naturels rgionaux. A cela
sajoute une vaste panoplie de subventions
dans les domaines de laide sociale, du dve-
loppement de lconomie et de lenvironne-
ment. Leur budget de 27,7 milliards deuros
[pour 2009] reprsente peine 13 % du bud-get des collectivits locales. Bien quelles
soient majoritairement entre les mains des
socialistes depuis les lections de 2004, les
rgions nexercent aucun contre-pouvoir.
Grandes inconnues pour les citoyens ce qui
explique en partie la orte abstention , les
rgions ont t accuses de jeter largent par
les entres en difant des siges pharao-
niques ou en multipliant les dpenses de repr-
sentation et de communication. La rorme de
ladministration lance par Nicolas Sarkozy
sous prtexte de simplifer les choses devrait
entraner un redcoupage de la France : par-
tir de 2014, le conseil rgional et le conseil
gnral seraient usionns au sein dun conseil
territorial. Cette mesure era passer le nombre
dlus rgionaux de 6 000 3 000.Llus Ura, La Vanguardia (extraits), Barcelone
FN Lalli contre-nature du PS
Au second tour des rgionales,la force du FN fera le jeu dessocialistes comme au temps deMitterrand, regrette le quotidienconservateur espagnol.
Q uelque chose ne tourne pasrond dans le modle politiqueranais pour que, trente ans aprs
la tentative de Franois Mitterrand
de nourrir le monstre de lextrme
droite pour aaiblir la droite parle-
mentaire, les eets de cette op-
ration dingnierie politique perdu-
rent avec la mme efcacit. Le
parti de la amille Le Pen a obtenu,
le 14 mars, un rsultat remarquable,
avec 11,74 % des voix. Cela place
le Front national en quatrimeposition, quelques voix seulement
dEurope Ecologie, alli assur du
Parti socialiste. Le scrutin deux
tours a prcisment pour onction
de permettre aux deux orces les
plus rassembleuses de capter les
voix dlecteurs dont le premier
choix na aucune chance de lem-
porter. Cependant, le systme ran-
ais a ceci de particulier quil laisse
concourir des candidats sans pers-
pective de victoire, dormant le
sens de ce deuxime tour. Ainsi,
le parti des Le Pen pre et flle a
obtenu un rsultat spectaculaire aux
deux extrmits gographiques de
lHexagone, dans le Nord-Pas-de-
Calais [18,31 % des voix pour la
liste conduite par Marine Le Pen] eten Provence-Alpes-Cte dAzur
[20,29 % pour la liste de Jean-Marie
Le Pen]. Il est plus que vraisem-
blable quil laissera le Parti socia-
liste remporter la victoire. Et ainsi,
comme Mitterrand lavait souhait
en son temps, lextrme droite ran-
aise donnera une ois encore les
cls du pouvoir aux socialistes.ABC (extraits), Madrid
GAUCHE Martine Aubry laise sur la vague rose
A la une Martine Aubry sort conorte
mais pas triomphante du premier tour
des rgionales, crit le quotidien suisse.
Certes, le PS est en passe de conqurir
lAlsace et la Corse, seules rgions diriges
par la droite, mais il a d aire une croix
sur le Languedoc-Roussillon, acquis au
populiste de gauche Georges Frche.
A la une
Coup dur pour
Sarkozy, titre
La Stampa de Turin.
La dception est
double dans lesrangs du parti
prsidentiel. Dun
ct, lUMP se ait
doubler par le PS,
premire orce
politique du pays.
De lautre, elle voit
le Front national
redresser la tte et
dpasser nouveau
les 10 % de votes.
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 15 DU 18 AU 24 MARS 2010
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ITALIE
Cacher ou punir, le Vatican a choisiConront une vague de scandales sexuels dans lEglise catholique, le pape Benot XVI a du mal ragir.Mais cela ait des dcennies que le Vatican a du mal ragir, et cest bien l le problme.
LA STAMPA (extraits)
Turin
Dans Docteur Jeky l l e t Mister Hyde, Robert LouisStevenson nous invite explorer la double pr-
sence du bien et du mal dans ltrehumain. Les deux orces sarontent ;et si cest le mauvais qui lemporte fna-lement, ce nest pas parce que le bona t vaincu : le duel noppose pas, dunct, la part noble de lhomme et, delautre, sa part abjecte ; il se situe entre
lardeur imptueuse des orces du malet linertie, le manque dambition,lnergie daillante du naturel bien-veillant. Le mal se dveloppe en Jekyllparce que Jekyll est un homme dignemais mdiocre ; parce quil na pas oscombattre le mal, mais la simplementcach (do son nom, Hyde, to hidesignifant cacher en anglais). Il en vade mme pour les crimes de pdophi-lie dont sont accuss de nombreuxhommes dEglise : pendant des dcen-nies, ils ont t tenus cachs au lieudtre combattus.
Si le mal svit en Irlande, enAllemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, cest bien parce que le doublemalin de nombreux prtres tait plusort et plus dynamique que lEglise
tombe dans linertie. Les aits sonttellement graves quaucun commen-taire ne semble la hauteur. Les pa-roles de douleur et de contrition sontlgion. On dplore souvent le mal, maison ne dit rien de ses racines, ni de lamdiocrit qui a permis linamie dese dvelopper et que lon a prrdissimuler au lieu de aire clater lavrit. On promet dorganiser plusieurs
tables rondes en Allemagne : cest unsubteruge, une ruse politique visant transormer aits et crimes en dbatsdides. Ces stratagmes rappent plus encore que les crimes, qui, eux,ne datent pas dhier dans des com-munauts qui cherchent le mal lex-trieur et non lintrieur. Ce quitrouble, dans la raction de nombreuxprlats, cest le ton avec lequel le crimeest mis en cause : un ton alarm, certes,mais nullement boulevers.
Le pre Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Sige, sest empressde citer une enqute du gouvernementautrichien : Dix-sept cas de harclementou de violences imputables des religieux
catholiques ; 510 cas dans dautres milieux
(hors clerg). Ne serait-il pas juste, en pre-
mier lieu pour les victimes, quon soccupeau moins un peu deux ?Cest donc lenombre qui compte, presque plus que
le mal ! Les dbats dides que lonpeut lire dans la presse vaticane et quioccupent les runions au sommet delEglise laissent galement dubitati.Larchevque de Vienne, le cardinalChristoph Schnborn, a voqu laquestion du clibat (avant de se corri-ger : lignominie ne nat pas de l).Peut-tre y aurait-il moins de violencessur les enants si les prtres ntaientpas condamns un dsert sentimen-tal. Mais, voque dans ce contexte, la
question, pourtant trs srieuse, duclibat des prtres a une porte psy-chologisante qui minimise les aits.
Lallusion aux emmes prsen-tes comme la panace la une deLOsservatore Romano [le quotidien duVatican] du 11 mars dernier, dans uncommentaire de Lucetta Scarafa[journaliste et historienne italienne,catholique et ancienne militante mi-
niste] semble encore plus incongrueLheure est venue daccueillir la rvolution minine, dtendre le rle deemmes dans le gouvernement dlEglise. Dans lhistoire de la chrtientles emmes ont tmoign dune trgrande spiritualit. Ce nest touteoini la spiritualit, ni lamour, ni lascsqui intressent la journaliste, mais bienla prtendue capacit des emmes contrler la sexualit et linstinct dlchet des prtres.
Le rcent ouvrage dAlberto Melloni et Giuseppe Ruggieri Il Vangel
basta. Sul disagio e sulla ede nella Chiesaitaliana [Les Evangiles sufsent. Sur lmalaise et la oi dans lEglise italiennemontre que, dans le ond, nous navonbesoin de rien dautre que des Ecritures. Daprs lermite et thologienPaolo Giannoni, de lordre des Camaldules, les Ecritures nignorent pas lgravit du mal et du pch. Bien aucontraire, elles touchent le mal, poumieux le rvler. Les auteurs conseillenla patience du Christ : leort qudemande lacte de daire les nudsla sparation lente, rchie, sans prcipitation, du bon grain et de livraiecomme dans la parabole de MatthieuLEglise raternelle imagine par ungrand nombre de ses rgents est devenue une congrgation exclusive, un
secte erme. Elle est incapable de teni lil en son sein la multitude deHyde, trop habitue quelle est lecacher ; et elle est incapable de sopposer lnergie de ces individus, caelle doute de la capacit de transormation et damlioration de ce aisceau incohrentquest devenu le vieudocteur Jekyll.
Barbara Spinel
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 16 DU 18 AU 24 MARS 2010
europe
VU DALLEMAGNE La rforme de lEglise catholique est invitable
Les rvlations en srie sur les abussexuels commis par des prtres allemandsmettront fin la dernire institution
autoritaire de la sphre civile.
L es rvlations des innombrables victimesdabus sexuels mettent sous pressionla dernire institution strictement autoritaire
de notre socit civile : lEglise catholique.
Son che suprme, lincarnation de la plus
haute autorit intouchable, ait dsormais
lobjet, de la part de la sphre laque, de cri-
tiques quil ne peut plus ignorer. A lpoque
o il tait archevque de Munich, le pape
Benot XVI a en eet autoris un prtre pdo-
phile sinstaller dans son diocse et la
ainsi couvert, mme sil semble pour le
moment que ce ut moins le ruit dune
volont dlibre quun acte de routine.
On ne peut encore valuer les dommages
collatraux que provoquera cette rvlation.
Les amis de la doctrine et de linstitution
catholiques rappellent juste titre que les
abus touchent toute notre socit, et pas uni-
quement les paroisses et les tablissements
denseignement catholiques. Cependant,lEglise catholique a jusqu prsent syst-
matiquement protg les prtres auteurs de
telles violences. Un enseignant lac coupable
dabus sur ses lves ne peut plus ensei-
gner. En revanche, lEglise catholique sest
toujours arrog le droit de rgler elle-mme
les choses, partant du principe que les
hommes ordonns par elle incarnaient une
autorit suprieure toute critique du monde
lac. Elle est ainsi la dernire institution civile
qui instille ses collaborateurs la certitude
que leurs dcisions prdominent sur les tats
dme et le droit lautodtermination
(sexuelle) de leurs protgs. Une idologie
qui la place enfn ! ouvertement en contra-
diction morale avec la socit allemande. Car
cette idologie est en 2010 aussi peu den-
dable que la communication verticale au
sens : Obis et tais-toi. Seule larme sac-
croche encore cette conception du monde
autoritaire, et son sens du droit soppose par
dfnition celui du droit civil.Ce nest pas un hasard si lEglise catholique
est aujourdhui presse de se rormer. La
socit allemande traite de plus en plus les
enants comme des interlocuteurs part
entire. La devise Ce qui ne te tue pas te
rend plus fort ne prend plus. Voil pourquoi
les classes moyennes entendent prserver
leurs enants de toute brutalit de la part des
enseignants et parler des violences qui ont
t commises.
LEglise catholique doit dsormais aire
admettre ce changement de mentalit ses
reprsentants. Elle enoncera probablement
des portes ouvertes pour nombre dentre
eux, surtout aux niveaux inrieurs de la hi-
rarchie. Le pape Benot XVI, en revanche, ne
montre actuellement aucun signe dvolu-
tion. En 83 ans de vie, ce religieux na que
peu pratiqu le principe de communication.
Il a prr imposer ses convictions par
dcret ; lcoute et la pense dialectique lui
sont trangres. Aujourdhui encore, il se tait.Or ce mutisme tmoigne surtout dune
chose : la tentative de aire du patriarche de
la vieille cole un modle pour le XXIe sicle
a chou. On ne peut plus trouver de mots
appropris pour le dendre.
Seul Michael Haneke, qui a dissqu le ph-
nomne de labus dautorit dans le flm Le
Ruban blanc, a su les trouver. Je suis un ra-
liste, a-t-il conf avec sagesse. Et un ra-
liste ne peut avoir que de bonnes surprises.
La bonne surprise que gnrent ces terribles
histoires de pdagogues imbus de leur pou-
voir est la suivante : dans le cas prsent, lin-
dignation gnrale conduira lEglise catho-
lique allemande devenir plus humaine. Elle
naura dautre choix que de redfnir le sens
de lautorit spirituelle.
Ines Kappert, Die Tageszeitung, Berlin
Dessin
de Pismetrovic
paru dans la KleineZeitung,Autriche.
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8/9/2019 CourrierIint1011
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COSSE
La fin des seigneurs de la terreDepuis 2003, une loi cossaise incite les communauts rurales racheter leurs terres aux grands propritairesprivs. Une dmarche qui revitalise lconomie locale.
THE GUARDIAN
Londres
Aqui appartient la terre ?Cette question a toujours eubeaucoup plus dcho enEcosse que dans le reste du
Royaume-Uni notamment dans lesHighlands et les Hbrides, o les pro-pritaires terriens ont souvent prrles moutons aux tres humains. A lrevictorienne, des gentlemen ortunsachetaient des centaines de milliersdhectares parois des les entires pour en aire des rsidences secon-daires et venir sy installer lt avecune canne pche et un usil [voir len-
cadr ci-contre]. Mais, depuis une ving-taine dannes, les populations localesont pris leur destin en main. Des com-munauts ont commenc racheterleurs terres ces propritaires souventindirents et absents, ayant ainsi leurmot dire sur la croissance et la pros-prit de leur environnement. De plus,depuis 2003, la lgislation cossaise lesy incite, en leur donnant la priorit derachat sur ces terres.
Il y a eu de nombreuses russites.Le dclin qui semblait inexorable surles les dEigg et de Gigha (Hbridesintrieures) sest invers. Depuis queGigha a t rachete son propritaire,en 2002, la population de lle est pas-se de 98 160 habitants, et lcole pri-maire a accueilli 14 enants suppl-
mentaires. En janvier, une cooprativecompose de petits exploitants agri-coles des les de Lewis et de Harris(Hbrides extrieures) a rachet6 500 hectares pour 70 000 livres[77 000 euros]. Le mois dernier, leshabitants de Bute [sur lestuaire de laClyde], une le de prs de 12 000 hec-tares, ont vot le rachat dune parcellede prs de 700 hectares pour 1,4 mil-lion de livres [1,5 million deuros]. Ilsveulent en aire un site dcotourisme.
Le prcdent cr par Bute estintressant. Si sa population peut dci-der par rrendum dacheter un lopinde terre pour doper la croissance locale,
alors pourquoi ne pas en aire autantailleurs en Ecosse ? Bute nest pas unepetite le perdue, bien au contraire. Ellenest qu une heure et demie deGlasgow en train, puis en erry. Sesexploitations laitires, ses villas en bordde mer, ses riteries, ses pubs et seshtels tmoignent de sa position his-torique dans lconomie de la rgion.Ici, pas de propritaires terriens an-
tmes. Au contraire, on a mme repro-ch aux marquis de Bute dtre tropinterventionnistes. Dans les Hbrides,les paysans pauvres subissaient peut-tre la morgue dun propritaire venude Londres. Mais, Bute, les habitantsproftaient des tramways, des plageset des thtres, et gagnaient leur viecomme capitaines de bateau vapeurou tenanciers de pension de amille.
RICHARD ATTENBOROUGH SDUITPAR CETTE TENDUE SAUVAGE
En revanche, le nord de lle a toujourst un endroit plus dsol. Une petitecolonie sy tait installe jusque dansles annes 1860. Mais elle ut aban-donne. Au dbut du sicle, un par-cours de gol neu trous occupait la
langue de terre proche de la cte lesgoleurs aisaient la traverse en bateau.Il ny avait personne en dehors deux.
Le territoire appartenait au rali-sateur Richard Attenborough, sduitpar cette tendue sauvage et dsole.En aot dernier, il a dcid de vendrela totalit des 700 hectares. Quelquuna ait part de cette inormation unautre propritaire de rsidence secon-daire Bute, John McGhee, avocat dela Couronne Londres qui avait assistquelques habitants de lle dans leurcombat contre un projet de ermepiscicole, lanne prcdente. Il sedemanda si les habitants ne pourraientpas devenir acheteurs.
Commencrent alors les dmarchesprvues par la loi sur le rachat des
terres par les populations locales.
Une commission compose dhabi-tants de lle ut mise en place. Leurpremire tche ut de prouver quilsavaient le soutien de la commu-naut : en huit jours, ils rcoltrent1 713 signatures, sur une populationtotale denviron 7 000 habitants.Ensuite, ils ont ond la Bute Com-munity Land Company, qui a oi-ciellement maniest son intrt ainque le gouvernement cossais puisseajourner la vente pendant six mois.Pendant ce laps de temps, il a alluconcevoir une tude de aisabilit duprojet, un business plan et organiserun scrutin. La loi exige que plus dela moiti de llectorat participe au
scrutin et que plus de la moiti desvotants rpondent par lairmative ;2 739 personnes ont vot, soit untaux de participation de 52,5 %, et93 % des votants se sont prononcsavorablement.
Les dtracteurs du projet et onen trouve Bute vous diront que letirage au sort mentionn sur le bulle-tin de vote avec 250 livres la cl taitsans doute pour beaucoup dans ce suc-cs et quen outre ce vote nengageaitgure les responsabilits de chacun.Depuis le dbut, la Bute Community
Land Company avait bien ait savoirque personne sur lle naurait payerquoi que ce soit pour lachat de cetteort ou son entretien. Comme danstous les prcdents rachats, la acturesera paye par divers organismes fnan-cs par les impts et la loterie natio-nale. Les dtracteurs vous diront quilnest pas raisonnable de dpenserlargent public pour un domaine ores-tier priv alors que le gouvernementcossais va devoir se serrer la cein-ture ces cinq prochaines annes.
Peter McDonald, qui prside laBute Community Land Company,plaide en aveur de lcotourisme.Il veut ouvrir la ort au monde. Il
y aura des pistes, des sentiers, quel-ques chalets en bois trs aibleempreinte carbone, peut-tre ungnrateur hydro-lectrique, unsyndicat dinitiative et des emploiscrs dans le secteur du bois et dutourisme. Bute, qui ne sest jamaisremise de la uite annuelle des habi-tants de Glasgow vers le soleil mdi-terranen, a besoin de touristes et,tout aussi important, dune raisondtre. Avec une gestion habile, cerachat pourrait devenir un atoutpour lle. Ian Jack
europe
COURRIER INTERNATIONAL N 1011 17 DU 18 AU 24 MARS 2010
HISTOIRE ClansL appartenance la terre est unsujet trs sensible en Ecosse,qui trouve son origine au XVIIIe sicle
dans un sombre pisode de lHis-
toire appel les Highland Clea-
rances. Aprs la rpression de la
dernire rbellion cossaise par
lAngleterre, en 1746, les habitants
du nord de lEcosse urent expulss
de leurs clans et dplacs de orce
sur la cte pour avoriser llevage
de moutons. Fuyant la pauvret
et la perscution, de nombreux
Ecossais migrrent aux Etats-Unis.
Le systme de clans traditionnel
cda alors la place celui des
grands propritaires terriens.
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8/9/2019 CourrierIint1011
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UNION EUROPENNE
Vingt-sept pays gaux et solidaires, mon il !Anciens membres contre nouveaux, laxistes contre vertueux :la crise de la monnaie unique rvle une nouvelle ligne de aille au sein de lUE.
GAZETA WYBORCZA
Varsovie
Soyons rancs : si la Grce taitun pays dEurope centrale, lacrise grecque naurait jamaiseu lieu. Pour commencer, ni
lAllemagne ni la France nauraientlaiss un pays connu pour ses pitresprestations conomiques, ses mau-vaises habitudes politiques et son donpour maquiller les comptes rejoindrela monnaie unique. Ensuite, si, parhasard ou par ngligence, cette GrcedEurope centrale stait retrouvedans la zone euro, Bruxelles auraitmticuleusement pluch ses fnances.
Mais la Grce nest pas un pays dEu-rope centrale.Imaginez que le Premier ministre
bulgare ou roumain contrle 80 % desmdias nationaux et quil ait lhabi-tude de passer ses vacances en com-pagnie de prostitues. Ou que le Pre-mier ministre hongrois, au mpris detous les conseils de Bruxelles, dclarequil ne glera pas les salaires de laonction publique malgr la gravitde la crise conomique. On a du mal seulement imaginer le toll que celasoulverait. Mais ce qui scandalise Sofa ou Budapest ne suscite quunroncement de sourcils lorsquil sagitde Rome ou de Madrid. Beaucoup,en Europe, dsapprouvent la con-ception de la libert de la presse qua
Silvio Berlusconi, mais les gouverne-ments allemand et ranais prrentgarder le silence. Beaucoup redoutentla politique conomique de lactuelgouvernement espagnol, mais per-sonne nose la critiquer. Bruxelles estcomplice de la tragdie que vit laGrce. On peut comparer son rle celui des commissaires aux comptesdArthur Andersen dans le scandaleEnron, aux Etats-Unis.
peurs et par la colre des opinionspubliques europennes. En fn decompte, cest en Europe du Sud etnon en Europe centrale que se trou-vait la zone de turb