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Université Paris 6 – Pierre et Marie Curie Ecole doctorale des sciences de l’environnement d’Ile de France Habilitation à Diriger les Recherches Présentée par Rémy Roca Contributions à l’étude de la physique du climat tropical Soutenue le 25 Mars 2011 Devant le jury composé de : M. Hervé Le Treut, Président du Jury Mme Pascale Delecluse, Rapportrice Mme Pascale Braconnot, Rapportrice M. Frédéric Parol, Rapporteur M. Jean-Pierre Cammas, Examinateur M. Jean-Philippe Lafore, Examinateur Mme Laurence Picon, invitée M. Jean-Philippe Duvel, invité M. Jean-Yves Grandpeix, invité

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Université Paris 6 – Pierre et Marie Curie Ecole doctorale des sciences de l’environnement d’Ile de France

Habilitation à Diriger les Recherches

Présentée par

Rémy Roca

Contributions à l’étude de la physique du climat tropical

Soutenue le 25 Mars 2011

Devant le jury composé de :

M. Hervé Le Treut, Président du Jury

Mme Pascale Delecluse, Rapportrice Mme Pascale Braconnot, Rapportrice M. Frédéric Parol, Rapporteur M. Jean-Pierre Cammas, Examinateur M. Jean-Philippe Lafore, Examinateur Mme Laurence Picon, invitée M. Jean-Philippe Duvel, invité M. Jean-Yves Grandpeix, invité

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« Du point de vue du savoir, on est toujours en état de privation. On essaie de combler ce manque […]. Nous marchons d’aporie en aporie. »

René Thom, Prédire n’est pas expliquer, (1991)

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Remerciements Je tiens à remercier les directeurs successifs de l’IPSL, Jean Jouzel et Hervé Le Treut et les directeurs et directeurs-adjoints successifs du LMD, Robert Sadourny, Claude Basdevant, Michel Desbois, Hervé Le Treut, François Vial, Vincent Cassé et Frédéric Hourdin pour avoir su m’accorder de bonnes conditions de travail dans un environnement de plus en plus hostile. De même, il me semble naturel de remercier Didier Renaut et Pascale Ultré-Guérard du CNES pour leur soutien, dans la durée, important pour la conduite d’un projet spatial d’ampleur. Je remercie encore Michel Desbois pour la confiance qu’il m’a témoignée en me demandant de le relayer à la responsabilité de Megha-Tropiques voilà déjà cinq ans. J’exprime ma profonde gratitude aux membres du Jury et en particulier envers les rapporteurs pour avoir accepté la tâche difficile d’appréhender une décennie de travail d’un chercheur. Mes sincères remerciements à Pascale Delecluse, Pascale Braconnot, et Frédéric Parol d’avoir mis leur expertise au service d’une telle entreprise. Je remercie Hervé Le Treut d’avoir présidé à ces discussions. Je tiens à remercier vivement Jean-Pierre Cammas d’avoir pris le temps de s’intéresser à mon travail et Jean-Philippe Lafore, Jean-Philippe Duvel, Laurence Picon et Jean-Yves Grandpeix qui m’ont appris au cours des 10 dernières années, chacun à leur façon, à m’approprier des questions scientifiques, à mener les investigations, à écrire des articles, à interagir avec les étudiants. Votre présence à cette habilitation m’est très chère. Je suis très heureux de pouvoir ici mentionner l’ensemble des collègues du LMD, de Palaiseau, de l’ENS et de Jussieu pour l’agréable et foisonnant environnement scientifique que chacun contribue à former et dont j’ai pu bénéficier sur chaque site. Je ne peux conclure sans remercier les membres passés et actuels de l’équipe CEET qui ont toujours su nourrir nos échanges de leur génie. J’ajoute sans vergogne à cette liste, les sympathisants de l’équipe, Karim et Sophie de l’IPSL et les collègues du LPAOSF. J’étends sans remord la liste aux collègues de Lille à Toulouse en passant par Guyancourt, impliqués de près ou de loin dans la mission Megha-Tropiques et à mes collègues australiens, allemands, américains, californiens et indiens avec qui j’ai eu plaisir à interagir. J’ai une pensée particulière pour les thésards que j’ai co-encadré : Hélène, Julien, Mohamed, Thomas et Philippe. Votre volonté d’apprendre et de contribuer à la Science a été pour moi une réelle stimulation. Enfin je remercie mes proches sans qui rien de cela n’aurait été possible.

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Résumé

La théorie de l’équilibre radiatif-convectif global nous offre un cadre solide pour comprendre le climat de notre planète et son évolution. L’adéquation de cette théorie à l’étude du climat de la ceinture intertropicale fait débat. On lui préfère, pour cette région, une théorie de l’équilibre radiatif-convectif dynamique qui considère une colonne convective, nuageuse et humide et une colonne subsidente, claire et sèche, représentant au premier ordre, les branches ascendantes et descendantes de la cellule de Hadley. On confrontera alors nos travaux à ces deux cadres théoriques selon trois axes. Le premier concerne la vapeur d’eau dans la haute et moyenne troposphère subtropicale, le deuxième le forçage radiatif des nuages dans la zone de convergence intertropicale océanique et enfin les précipitations tropicales. Nous discuterons alors les limites de ces théories à rendre compte et à expliquer les grandes lignes du cycle de l’eau et de l’énergie dans les tropiques. Nous insisterons sur la nécessité de remettre les processus physiques importants dans leur contexte météorologique pour améliorer notre compréhension du climat tropical et soulignerons le besoin d’avancées théoriques pour contraindre nos estimations de son évolution future. Les perspectives de ce travail seront alors rapidement évoquées avec l’accent sur l’arrivée imminente de nouvelles observations spatiales aptes à nourrir notre démarche scientifique et à faire émerger ces avancées.

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1 Introduction

1 Equilibre énergétique et climat On reprend ci-dessous quelques éléments de base du climat planétaire afin d’introduire les théories du climat tropical. Pour un traitement plus exhaustif mais accessible, on peut consulter avec intérêt les ouvrages suivants : Global Physical Climatology (1993) par D. L. Hartmann ; Principles of Planetary Climates (2010) par R.T. Pierrehumbert et mes cours en ligne sur le sujet. Pour un acompte plus historique, voir J.L. Dufresne (2009). Pour un acompte plus grand public, on pourra se référer à l’ouvrage « Satellites et Changement climatiques » (2007).

1.1 Bilan d’énergie au sommet de l’atmosphère et température de surface

On peut considérer que la Terre est en équilibre thermodynamique avec l’espace environnant avec lequel elle n’échange de l’énergie que sous la forme de rayonnement. Ce faisant, on néglige le travail de la Terre sur l’espace et ainsi on n’exprime rien d’autre que le premier principe de la thermodynamique. On peut considérer que la seule source d’énergie dans l’espace est le Soleil. Par conséquent la Terre, à l’équilibre1, émet autant d’énergie radiative qu’elle en reçoit du Soleil. Cette expression est fondamentale à notre compréhension des climats planétaires. Cette quantité d’énergie est directement reliée à la température de la planète selon la loi de Planck. On appelle température d’émission d’une planète, cette température équivalente du corps noir. Elle ne dépend que de la constante solaire SO et de l’albédo de la planète et pour la Terre est de l’ordre de 255K. Considérons une planète

simplifiée qui se compose d’une surface, d’albédo et d’une atmosphère transparente au rayonnement solaire et qui se comporte comme un corps noir dans l’infrarouge (Figure 1). Le

1 Voir Hansen et al., 2005 pour une discussion sur la notion d’équilibre pendant la phase de transition du climat dans laquelle le réchauffement climatique s’exprime.

Figure 1 Schématisation de l'équilibre radiatif au sommet de l'atmosphère. (a) Atmosphère corps noir. (b) Atmosphère corps gris d'émissivité . Dans les deux cas, la surface est caractérisée par un albédo , une température TS. La température de l’atmosphère est TA. S0 est la constante solaire (1367 Wm-2).

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bilan à la surface nous indique que la température de surface est fonction de l’ensoleillement, de l’albédo et de TA, elle-même égale à la température d’émission de la planète et donc aussi fonction de l’énergie solaire incidente. Toujours avec un albédo de 0.3, on obtient une valeur de 303K pour TS. La différence d’avec la température d’émission (TE=255K) correspond à l’effet de l’atmosphère sur la température de surface, c’est l’effet de serre. Compliquons légèrement ce modèle en autorisant une partie seulement du rayonnement tellurique à être absorbé par l’atmosphère que l’on considère comme un corps gris d’émissivité . La combinaison du bilan d’énergie à la surface et au sommet de l’atmosphère permet de voir la dépendance de la température de la surface à l’ensoleillement ainsi qu’à l’opacité infrarouge de l’atmosphère, la température augmente si l’émissivité croît. Ainsi, le système ne possède pas d’autre degré de liberté que d’augmenter la température de surface en réponse à une augmentation de l’émissivité de l’atmosphère si l’albédo de la planète reste constant. C’est ce qui se passera, à l’équilibre, après que l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère qui perturbe le bilan d’énergie radiative de l’ensemble surface-atmosphère et qui conduit au réchauffement global observé se soit arrêtée et les concentrations de GES stabilisées. Une première difficulté consiste à comprendre le rôle des nuages, de la composition de l’air (molécules et particules) et de la surface dans la redistribution de l’énergie solaire incidente comme illustrée sur la Figure 2, afin de déterminer la fraction qui est en disponible pour le bilan à la surface (51%). De même, il faut être en mesure de qualifier le cheminement de l’énergie radiative émise par la surface de la Terre vers l’Espace, et donc de comprendre l’interaction entre le rayonnement émis par la surface et les nuages, et les composants de l’air. Il est aussi nécessaire pour boucler le bilan d’avoir une connaissance des flux sensible et latent depuis la surface vers l’atmosphère.

La seconde difficulté réside dans l’adéquation entre cette approche radiative et la réalité. Reprenons l’exemple précédent, réaliste de la Terre corps noir, nous trouvions TS=303K or les observations indiquent TS=288K. La différence entre ces deux températures est due à la convection humide ! En effet, la théorie de l’équilibre radiatif pur ne permet pas de rendre compte correctement des échanges énergétiques entre l’atmosphère et la surface et ce malgré les raffinements dont elle a fait l’objet (ajout des nuages, etc…, discrétisation verticale du

Figure 2 Le bilan d'énergie de l'atmosphère et de la surface. Les valeurs sont exprimées en %. 100% = 342 Wm-2. Adaptation d’une source inconnue. Bilan d’après Kiehl and Trenberth, 1997. Valeurs illustratives : le bilan et sa répartition font l’objet d’intenses débats.

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problème). On lui préfère donc depuis la fin des années 60, la théorie de l’équilibre radiatif-convectif global. Avant de la présenter plus détails, il est important de rappeler le lien entre le bilan d’énergie au sommet de l’atmosphère, le bilan de surface et la température de surface. En résumé, à l’équilibre, la planète émet autant d’énergie qu’elle en reçoit. Cet équilibre se réalise au sommet de l’atmosphère. Toute perturbation du bilan d’énergie de l’atmosphère est donc contraint par le haut. La surface suit la réponse atmosphérique et à travers le bilan énergétique de la surface, les flux sensibles, latent et radiatifs s’ajustent afin de maintenir une faible différence entre la température de l’atmosphère en bas et la température de la surface elle-même. Ainsi une augmentation de l’effet de serre se traduit par un réchauffement atmosphérique qui conduit à un réchauffement de la surface, in fine2.

1.2 La théorie de l’équilibre radiatif-convectif global

1.2.1 Fondements, énoncé

La théorie de l’équilibre radiatif-convectif global (ERCG) stipule que la convection atmosphérique contribue à redistribuer l’énergie dans la colonne atmosphérique en complément des échanges radiatifs entre la surface, l’atmosphère et l’espace et que c’est la combinaison de ces deux processus qui permet de relier l’équilibre énergétique au sommet de l’atmosphère à la température de la surface. Dans l’atmosphère, on néglige le troisième mode de transfert thermique qu’est la conduction. La convection implique un déplacement de matière dans le fluide. Comme son nom l’indique, le domaine d’application de cette théorie concerne l’estimation de la température globale de la surface des planètes. La mise en œuvre de cette théorie à l’aide de la modélisation numérique dans sa version la plus simple, nécessite de compliquer un peu les schémas précédents et d’introduire la dimension verticale z pour exprimer le phénomène de convection.

1.2.2 Modélisation 1D « primitive »

L’un des premiers travaux sur la modélisation de l’équilibre radiatif-convectif-global pour la planète Terre est présenté par Manabe and Strickler (1964). Il s’agit de modéliser la structure thermique de l’atmosphère incluant la surface à l’aide d’un modèle 1D. Seule la température est pronostiquée, les autres paramètres sont fixés à des valeurs climatologiques :

Ensoleillement. Un ensoleillement moderne est utilisé pour les simulations du climat présent avec une constante solaire SO d’environ 1367 Wm-2.

Composition chimique de l’atmosphère. Les concentrations des gaz O3, CO2 et de H2O sont fixées. On néglige les autres composés radiativement actifs.

Les nuages. Trois types de nuages sont prescrits, bas, moyens et hauts avec des fractions et des propriétés nuageuses imposées.

Les processus physiques qui sont pris en compte pour le calcul des échanges d’énergie sont :

Le transfert radiatif. Les résultats de la spectroscopie permettent un calcul précis de l’interaction entre le rayonnement solaire indicent, le rayonnement tellurique et la composition chimique de l’atmosphère. Les nuages sont considérés comme des corps noirs à albédo fixe.

2 Pour une discussion éclairante et accessible sur ces questions, voir les post de R.T. Pierrehumbert sur realclimate.org « Plass and the surface budget fallacy », 23 Janvier 2010 et « Busy Week for Water Vapor », 21 Novembre 2005.

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La convection atmosphérique. Seul son effet sur la structure thermique est pris en compte en imposant un «lapse rate» constant sur toute la troposphère (c=6.5 K.km-1). Cela est réalisé à l’aide de la méthode de l’ajustement convectif humide, ancêtre des schémas de convection.

L’approche « time-stepping » bien que coûteuse est utilisée pour l’intégration vers l’équilibre réalisée à partir d’un état froid ou chaud. A chaque pas de temps, on effectue le calcul radiatif qui permet d’estimer les taux de chauffage radiatif. On applique ces taux pour estimer la température à l’étape suivante. Si le résultat induit une couche instable (dT/dz>c) alors, on invoque l’ajustement convectif et on corrige la température afin de conserver la neutralité ; on procède de haut en bas. Ramanathan and Coakley (1978) offre une « review » de qualité qui traite de la modélisation de l’équilibre radiatif convectif global dans les détails et présentent en détails les travaux contemporains de Manabe. Une quarantaine d’année plus tard, il est possible de construire des modèles radiatif-convectif globaux unidimensionnels avec convection, nuages et humidité interactifs et pronostiques (e.g., Held et al., 1993) qui confirme l’intérêt de cette modélisation primitive pour discuter de la théorie de l’ERCG.

1.2.3 Discussion

La valeur prédictive de la théorie est illustrée par la Figure 3 qui nous montre le résultat de l’approche vers un état d’équilibre radiatif convectif pour le climat présent. La structure de l’atmosphère est plus réaliste et corrige les principaux défauts du cas de l’équilibre radiatif pur (tropopause plus chaude, plus haute,…). La température de surface est aussi plus froide que dans le cas de l’équilibre radiatif pur comme attendu (303K contre 323K respectivement). Lorsque l’on ajoute l’effet des nuages, la température de la surface vaut alors 287K en très bon accord avec l’observation.

La valeur interprétative de la théorie est quant à elle illustrée à travers la possibilité qu’offre la modélisation de mener des expériences de sensibilité aux hypothèses sur lesquelles elle repose. La Figure 4 en montre un exemple qui permet d’identifier et confirmer le rôle de l’ozone et du CO2 dans l’équilibre thermique de la stratosphère et le rôle déstabilisateur de la vapeur d’eau dans la troposphère.

Figure 3 Approche vers l’équilibre. A gauche pour un équilibre radiatif pur et à droite pour l’équilibre radiatif-convectif. D’après Manabe and Strickler, 1964. Calculs sans nuages.

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On peut ainsi explorer le rôle des nuages et de leurs propriétés sur le climat etc… En bref, il est possible d’interpréter dans une certaine mesure le fonctionnement du climat dans le cadre de cette théorie de l’ERCG et de sa modélisation numérique. La facilité de mise en œuvre d’un modèle numérique « primitif » confère une certaine vertu interprétative à cette théorie. En résumé, l’intuition géniale de modéliser simplement l’effet de la convection sur la structure verticale thermique par l’intermédiaire d’un simple « lapse rate » critique et d’un ajustement permet de prendre en compte l’effet de la convection sur le transport d’énergie et l’établissement d’un équilibre au sommet de l’atmosphère et par conséquent de déterminer la température de la surface de la Terre en s’appuyant sur la théorie de l’ERCG bien supérieure à la théorie qui prévalait jusqu’alors de l’équilibre radiatif pur. Le traitement de l’humidité reste cependant très simpliste en particulier son découplage de la température et de qui par conséquent limite fortement ses dimensions prédictives et interprétatives.

2 Le changement climatique global

2.1 Doublement du CO2

La prédiction et la compréhension de la sensibilité de la température de la surface de Terre, ou de son climat plus généralement, à l’activité humaine est une question scientifique importante et difficile qui préoccupe les chercheurs depuis un peu plus d’un siècle et les médias depuis quelques années. On peut la reformuler caricaturalement en se questionnant sur comment (et pourquoi) serait le climat à l’état d’équilibre si l’on doublait la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère. On peut s’appuyer sur la théorie de l’ERCG pour amener une réponse et une interprétation comme l’on fait Manabe et Wetherald dans leur article séminal de 1967. Mais avant il faut raffiner l’outil de modélisation et en particulier le traitement de l’humidité.

2.1.1 L’humidité relative constante

L’hypothèse selon laquelle, l’humidité spécifique reste constante alors que la température change n’est pas satisfaisante car elle ne rend pas compte du lien bien connu entre humidité et température. En effet, la loi de Clausius-Clapeyron relit la pression de vapeur saturante es à la température de manière non linéaire par l’intermédiaire de la constante des gaz parfait pour la vapeur d’eau et du coefficient de chaleur latente d’évaporation/sublimation :

2

,ln

TR

L

dT

ed

V

scs (1)

Figure 4 Taux de chauffage radiatif pour différents composés atmosphériques. D’après Manabe and Strickler, 1964. Calculs sans nuages.

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Suivant la définition de l’humidité relative (RH=e/es), on en déduit simplement qu’à RH constant, une augmentation de température induit une augmentation de e donc de la concentration du principal absorbant dans l’infrarouge dans des proportions précisément calculables.

2.1.2 Prédiction : les températures de surface Les résultats de la sensibilité de la température de surface à l’équilibre, calculée pour différents taux de CO2 dans l’atmosphère à l’aide du modèle radiatif-convectif pour les deux

approches pour le traitement de l’humidité, sont résumés dans le tableau ci-dessous. Ces calculs indiquent que plus la concentration de CO2 augmente, plus l’état d’équilibre de la surface est chaud quelque soit le traitement de l’humidité. Ils montrent aussi que l’hypothèse de l’humidité relative constante confère à la vapeur d’eau une sensibilité climatique doublée. Même si les auteurs ne présentent alors aucune interprétation, on peut considérer que c’est aussi la première expression de la rétroaction de la vapeur d’eau. La température augmente, l’humidité relative ne bouge pas, l’humidité spécifique augmente par Clausius-Clapeyron, l’OLR diminue et par conséquent la température augmente. Notons que ces travaux invalident fortement les approches radiative pures et en particulier celles fondées sur le bilan de surface (en opposition au bilan au sommet de l’atmosphère). En complément de l’augmentation de la température de la surface, la théorie prédit donc une augmentation du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère en réponse à l’hypothèse de l’humidité relative constante. On note aussi un soulèvement léger et un refroidissement de la tropopause. Dans ce document, on suivra les directives de Held and Soden (2006) : «We are confident that lower-tropospheric water vapor will increase as the climate warms.» et « we believe that one should have quasily as much confidence in these results as one has in the increase in temperature itself.». L’augmentation de l’humidité spécifique dans les basses couches de l’atmosphère tropicale suivant la loi de Clausius-Clapeyron, à humidité relative

constante indique:

2

,ln

TR

L

dT

ed

V

scs ~ T (2)

Pour le climat terrestre ce facteur d’échelle est d’environ 7%K-1. Dans la suite, on parlera donc de réchauffement climatique de la surface etc… et il sera implicitement considéré que ce réchauffement est accompagné d’une humidification des basses couches de l’atmosphère au taux de 7%K-1.

Tableau 1 Tableau tiré de Manabe and Wetherald, 1967.

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2.1.3 Prédiction : les précipitations Les précipitations globales sont contrôlées par des considérations énergétiques simples à l’échelle de la planète. Dans le cadre d’un équilibre radiatif-convectif global, on peut en effet écrire le bilan énergétique de l’atmosphère très simplement comme

Rnet,atm = S+ Lc,sP (3) Ou Rnet,atm est la perte radiative net de l’atmosphère qui est compensée par les flux sensibles S et latents Lc,sP issus de la surface (en global E~P ; Lc,s est le coefficient de chaleur latente d’évaporation/sublimation) et transportés vers l’atmosphère par la convection. En perturbation, on a donc

Rnet,atm = S+ Lc,sP (4)

Les valeurs positives de Rnet,atm correspondent à une augmentation de l’émission infrarouge de l’atmosphère, soit plus de refroidissement radiatif. Dans le cadre de l’ERCG, une telle augmentation tend à diminuer la différence de température air-mer et par conséquent le flux sensible. Dans la suite, on néglige S, de l’ordre de 10Wm-2 pour un doublement de CO2,

(Stephens and Ellis, 2008). On peut décomposer Rnet,atm en une partie claire et une partie nuageuse (Stephens, 2005)

Rnet,atm = Rnet,clr – Cnet (5)

En notant Rnet,clr comme la contribution ciel clair à cette émission nette et Cnet le chauffage de la colonne (l’opposé d’une perte radiative). Rnet,atm est de l’ordre de 100 Wm-2 et Cnet

d’environ 10 Wm-2. Globalement, il suffit de considérer Rnet,clr pour rendre compte des observations (Stephens and Ellis, 2008). Rnet,clr est une simple fonction puissance (avec un exposant de l’ordre de 0.25) de l’eau précipitable (Raval and Ramanathan, 1989). Même si l’effet des nuages n’est pas totalement négligeable, les simples variations de la vapeur d’eau et leurs effets sur Rnet,clr donnent une vision assez complète du bilan global et on peut la résumer en indiquant que les variations de l’humidité des basses couches permet d’expliquer les variations de précipitation globale avec une efficacité très inférieure à 1, de l’ordre de l’exposant mentionné ci-dessus (Stephens and Ellis, 2008). Dans le cas d’un changement climatique, on s’attend donc à une augmentation des précipitations globales à un taux plus faibles que celui de l’augmentation de la vapeur d’eau décrit par Clausius-Clapeyron (7%K-1), de l’ordre de 3%K-1 ce qui correspond à un ralentissement du cycle de l’eau global.

2.2 En résumé

Dans le cadre du changement climatique global et de l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la théorie de l’ERCG nous permet de prédire le réchauffement attendu de la surface de la Terre. Il est néanmoins nécessaire de compléter la théorie par l’hypothèse de l’humidité relative constante. Pour ce faire, on peut utiliser des outils de modélisation unidimensionnel, comme ceux introduit ici à des fins illustratives et historiques, ou bien des version plus élaborées avec nuages et convection interactifs, couplées avec l’océan pour relier le bilan radiatif du sommet de l’atmosphère, le cycle hydrologique et la température de la surface. En complément d’une augmentation de la température de surface, on attend une humidification, principalement des basses couches, de l’atmosphère et une augmentation des précipitations globales. Les taux d’augmentation de la vapeur d’eau atmosphérique (7%K-1) est plus grand que le taux d’augmentation des pluies (3%K-1).

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Notons que cette théorie est fondée sur des équilibres globaux fondamentaux, traduction du premier principe de la thermodynamique et possède des vertus prédictives fortes pour la structure thermique du climat global présent. Ces résultats sont cohérents entre les différentes modélisations et tous compatibles avec les observations de température du siècle dernier. Par conséquent, les prédictions qui en découlent pour le futur nous semblent intéressantes3. Les principales limites et critiques de cette théorie porte sur :

l’absence de représentation de la dynamique atmosphérique et donc des rétroactions associées. L’absence de dynamique ne permet pas de bien rendre compte de l’interaction entre dynamique et cycle hydrologique (Smagorkinsi 1955; Manabe et al., 1965).

son domaine d’application. En effet, il est difficile (mais pas impossible) de prendre en compte les processus régionaux et les rétroactions attachées, tels que les déserts et les glaces des pôles dans leur contribution au climat global. Mais la théorie globale ne permet pas, par essence, de représenter les variabilités climatiques régionales importantes pour estimer l’impact du changement climatique.

Pour dépasser ces limites, deux approches théoriques se dessinent. La première consiste à formuler une théorie du « Grand Tout » qui consiste à construire un modèle numérique le plus proche de la Nature qui contient tous les processus physiques, chimiques et aérosols, hydrologiques et dynamiques. Cette théorie consiste donc à dire que le climat est un prolongement de la météorologie avec l’accent sur les conditions aux limites (plutôt qu’initiale) et nécessite une prise en compte explicite de nombreux autres domaines scientifiques évoluant du GCM (General Circulation Model) vers l’ESM (Earth System Model). Cette approche a surement des capacités prédictives fortes mais ne possède pas de vertus interprétatives particulièrement remarquables. La seconde concerne l’enrichissement succinct mais efficace des processus à représenter selon un principe de simplicité qui renforce la valeur interprétative de la théorie pour permettre une prédiction et une compréhension accrue. Le passage de l’une à l’autre reste néanmoins une tache ardue (cf. Ghil and Robertson, 2001 ; Held, 2005). Rappelons avant d’aller plus loin, que ces travaux fondateurs sur la modélisation 1D de l’équilibre radiatif-convectif global ont profondément et positivement influencés à la fois notre compréhension des processus à l’œuvre dans le changement climatique global ainsi que notre capacité à prédire l’impact d’un doublement de CO2 sur la température de la surface de la Terre. De même, notre façon d’analyser les résultats de modèles les plus élaborés reste fortement emprunte des méthodes développées et des résultats obtenus à cette époque (forçage et rétroactions).

3 Et dans la ceinture intertropicale ? Au début des années 1990, alors que la communauté climatique commençaient l’enrichissement de ses GCM avec de la chimie atmosphérique et le couplage avec l’océan et s’organisaient (IPCC, 1990), coup sur coup, deux travaux vont mettre le monde du climat en ébullition. Une première étude remet profondément en cause la rétroaction de la vapeur d’eau et suggère quelle soit en fait négative (Lindzen, 1990). La seconde étude entend démontrer que les nuages tropicaux jouent le rôle d’un thermostat qui contraint le système tropical à rester dans une gamme de température donnée pour différents forçages (Ramanathan and 3 Ses prédictions concernant l’évolution de la température globale de la Terre en cas d’augmentation de la concentration en gaz carbonique ne sont toujours pas remises en cause ni invalidées (GIEG, 2007).

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Collins, 1991). Ces deux études ont en commun un processus, la convection profonde humide tropicale et soulignent la difficulté à comprendre son rôle sur son environnement thermodynamique. Elles s’appuient aussi toutes les deux sur une perspective climatique associé à l’équilibre radiatif-convectif, dans les Tropiques.

3.1 L’équilibre radiatif-convectif dans les tropiques

L’adéquation de l’ERC à la seule région tropicale n’est pas directe. En effet cette régionalisation ne permet plus de s’appuyer sur l’équilibre entre les flux solaire incidents au sommet de l’atmosphère avec le rayonnement sortant car la ceinture tropicale est caractérisée par un excès d’énergie importé. Pour clore le bilan, il est nécessaire d’exporter ce trop plein vers les extra-tropiques, et de refroidir ainsi le système (Pierrehumbert, 1995). De nombreux modèles de ce genre ont néanmoins été développé (Sarachik, 1978 ; Takayashi, 2009) avec l’argument de nous éclairer sur le climat tropical et son fonctionnement, avec une perspective tronquée des interactions avec les moyennes latitudes et comme une première étape, plus simple, pour ensuite comprendre le climat global.

Betts and Ridgway (1989) offre ainsi une vision enrichie du climat tropical dans un cadre ERC unidimensionnel où la description de la couche limite atmosphérique est détaillée. Leur modèle est illustré dans la Figure 5 et s’attache à décrire, principalement les régions où la convection profonde n’est pas active. Ce cadre permet de calculer des températures de mer « réalistes » et d’explorer leur sensibilité à une large gamme de processus physiques. Une caractéristique commune à ces modèles consiste en leur traitement de la convection profonde à l’aide de divers schémas convectifs simples (Renno et al., 1994) et souvent déconnecté de la distribution d’humidité de la troposphère ou de la nébulosité (pourtant associée physiquement). Notons que ces derniers points peuvent être dépassés sans modifier radicalement les perspectives initiales (Sun and Lindzen, 1993 ; Held et al, 1993). De manière raccourcie et un peu cavalière, on peut dire que ces modèles de l’ERC tropical ont un biais fort vers la paramétrisation de la convection tropicale utilisée et de ses lacunes ou sensibilité irréaliste (Renno et al., 1994; Sherwood et al., 2010). Malgré ces limites, la démarche de l’ERC appliqué aux tropiques est un cadre de référence pour interpréter les mécanismes en jeu dans le climat tropical comme discuté ci-dessous. Notons que certaines réflexions récentes soutiennent une forte valeur à l’application de l’ERC à l’échelle régionale (Hartmann and Larsons, 2002).

Figure 5 Représentation schématique d'un modèle ERC tropical. D'après Betts and Ridgway 1989.

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3.2 La rétroaction de la vapeur d’eau et les thermostats dans les Tropiques

3.2.1 Formulation approfondie de la rétroaction de la vapeur d’eau

Une première tentative d’interprétation de ce que recouvre l’hypothèse de l’humidité relative constante nous est offerte par V. Ramanathan en 1981. Avec un double objectif, de renforcer la dimension interprétative de l’ERCG et de démonter la vacuité du couplage océan-atmosphère asynchrone en vogue à cette époque, ce travail propose aussi de réconcilier la perspective du bilan de surface avec celle de l’équilibre au sommet de l’atmosphère. Ainsi, l’évaporation intervient comme un élément important de la rétroaction de la vapeur d’eau (voir figure 2 aussi) comme illustré sur la Figure 6.

Figure 6 Illustration schématique de la rétroaction de la vapeur d'eau sur la température de la surface de la Terre. D'après Ramanathan, 1981.

Dans le cas d’un doublement des concentrations en gaz carbonique, la surface et l’atmosphère subissent un réchauffement direct (Processus 1 et 2). En réponse au réchauffement de la surface, il est supposé que l’évaporation augmente, fournissant une source de molécules d’eau pour l’atmosphère (Processus 3) dont une partie va se condenser pour former des pluies et réchauffer encore l’atmosphère par la libération de chaleur latente associée, et l’autre partie contribuera à augmenter le stockage de vapeur dans l’atmosphère (rendu possible par le réchauffement selon la loi de Clausius-Clapeyron) et ainsi contribuer à renforcer l’effet de serre et par conséquent réchauffer la surface etc… Cette rétroaction est positive et va donc amplifier la perturbation initiale du gaz carbonique. Cette boucle permet ainsi de rendre compte de la sensibilité climatique accrue dans les simulations de Manabe à l’hypothèse de l’humidité relative constante. (Notons que cette rétroaction positive est contrecarrée dans le système climatique par d’autres rétroactions, négatives, au premier plan desquelles se trouve la rétroaction de Planck). Cette vision de la rétroaction de la vapeur d’eau est souvent utilisée dans le cadre des recherches sur le « runaway greenhouse effect » et les paléoclimats vénusiens. L’une des conséquences de cette interprétation renforcée de l’ERCG avec humidité relative constante, est qu’en complément d’une augmentation de la vapeur d’eau avec la température, on s’attend à une augmentation de l’évaporation et des précipitations. Ainsi, une valeur interprétative enrichie conduit à renforcer la capacité prédictive de la théorie. De manière plus détaillée, il ressort de ce contexte 3 processus importants pour l’évolution du climat sous l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère :

1. la température de la mer et de l’atmosphère augmente radiativement par effet de serre, a. ce qui augmente l’humidité de l’atmosphère

2. Plus d’humidité dans l’atmosphère ce qui a comme effet: a. Plus d’effet de serre (rétroaction positive sur la TSM) b. Plus de nuages (rétroaction difficile à estimer) c. Plus de précipitation (rétroaction positive sur la température de l’atmosphère)

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Dans ce document on discutera et critiquera tous ces points sauf le point 1a comme mentionné plus tôt. Dans la suite, on parlera donc de réchauffement climatique etc.. et il sera implicitement considéré que ce réchauffement est accompagné d’une humidification des basses couches de l’atmosphère.

3.2.2 Thermostats tropicaux : l’assèchement troposphérique

Lindzen (1990) suggère qu’en réponse à l’augmentation de la TSM, la convection profonde tropicale devient plus profonde et renforce l’assèchement de la troposphère libre par cette dernière (dans les modèle 1D et dans les modèles de climat en général, la convection profonde assèche). Il insiste sur la troposphère libre à laquelle l’effet de serre est particulièrement sensible (voir chapitre 2). Il contredit la boucle 2a, ne dit rien sur la boucle 2b et valide implicitement la boucle 2c. Il conclut que la rétroaction de la vapeur d’eau est fortement surestimée dans les calculs de changement climatique et qu’elle pourrait même être négative et donc servir à stabiliser le climat. Cette étude restreint donc la boucle « classique » 1a+2a au basses couches de l’atmosphère et propose une alternative pour la troposphère haute et moyenne. On retiendra qu’en pointant l’humidité de cette région, Lindzen avait identifié une zone où nos connaissances d’alors étaient très parcellaires et comportaient de fortes lacunes. Bien que contredit rapidement de manière convaincante par Betts (1990), cet article fera et fait parler de lui pendant longtemps.

3.2.3 Thermostats tropicaux : nuages hauts

Ramanathan and Collins (1991) proposent à partir d’observations satellitaires du forçage des nuages dans les tropiques, un élégant mécanisme pour expliquer la quasi invariance des températures de mer tropicales aux échelles climatiques. En réponse à l’augmentation de la température de la mer radiativement par l’ensoleillement des zones claires, la convection se déclenche, produit des nuages hauts dont les propriétés radiatives sont telles que l’effet « parasol » domine sur l’effet de serre et donc tend à refroidir radiativement la surface ombragée, ce qui diminue la convection et la couverture nuageuse associée et par conséquent empêche de réchauffer encore la surface. Leurs calculs suggèrent qu’ainsi les TSM tropicales sont en effet bornées et ne peuvent dépassées 303K. Ils concluent qu’un tel thermostat tropical nuageux s’oppose aux rétroactions climatiques positives (vapeur d’eau, lapse rate). En revanche, notons que R&C ne sont aucunement affirmatif en ce qui concerne les conséquences de leur thermostat sur le changement climatique (Ramanathan and Collins, 1992). Le lecteur motivé lira avec intérêt la synthèse de l’AMS sur le sujet (Waliser, 1996).

Notons que l’hypothèse dite FAT (fixed anvil temperature) formulée plus récemment par Hartman and Larsons (2002) et illustrée par la Figure 7 et ses différentes variantes, fortes et

Figure 7 L'hypothèse FAT. Equilibre radiatif convectif tropical ou le chauffage diabatique convectif est équilibré le refroidissement radiatif clair et l'altitude du detrainement de l'atmosphère tropicale. Hartman and Larsons 2002

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faibles, ou reliée à la pression (au lieu de la température) soutiennent une interprétation du climat tropical compatible avec l’équilibre radiatif convectif tropical et ne possède pas d’effet thermostat et montre une sensibilité climatique du même ordre que celle de l’ERCG.

3.2.4 Principales limites communes

Les limites communes au deux thermostats présentés ci-dessus sont d’une part liées à l’absence de rétroaction dynamique dans leur expression alors qu’autant pour la vapeur d’eau (transport par la circulation) que pour les nuages issues de la convection (zone de convergence, gradient de SST), la dynamique de grande échelle domine une large partie de la variance des champs et leurs signatures radiatives. La seconde limite concerne la vision unidimensionnelle des bilans d’énergie qui sont effectués de manière uni-colonne, dans un contexte d’ERC tropical. Cette vision ne permet pas de rendre compte de l’existence, au sein des Tropiques, d’une zone ascendante, convective, peuplée de nuages hauts et humide d’une part et de l’autre d’une région de subsidence, sèche, peuplée de nuages bas composant la circulation tropical de base de Hadley/Walker, aux sensibilités radiatives très différentes. Ni de la co-existence de continents et d’océans. Par conséquent, les non-linéarités des réponses radiatives sont mal appréhendées. Enfin, les deux thermostats reposent sur une représentation de l’interaction convection-environnement et de la sensibilité de la convection à la SST issue des schémas de convection « primitifs » des années 1960. On voit alors facilement que le dépassement de ces théories et leurs confrontations à la réalité passe par deux étapes :

Inclure les rétroactions dynamiques associées aux circulations tropicales Mieux comprendre l’interaction convection-environnement

Une tentative intéressante de compléter cette théorie dans le sens de la première étape (et la partie nuageuse de la seconde) est détaillée ci-dessous. La seconde étape requiert un effort dédié (cf. Chapitre Climat tropical et précipitation).

3.3 L’équilibre radiatif-convectif-dynamique intertropical

En réponse aux limitations de l’ERC appliqué aux Tropiques, et aussi afin d’offrir une alternative au thermostat de Ramanathan and Collins et du rôle de l’évaporation, Ray Pierrehumbert4 a développé une approche alternative aux explications du climat tropical fondé sur une extension de l’équilibre radiatif-convectif vers un équilibre radiatif-convectif-dynamique intertropical (Pierrehumbert, 1995).

3.3.1 Présentation de cette théorie

Une série d’hypothèses simplificatrices est utilisée et argumentée dans la publication de référence:

Équilibre. On considère que le climat et toutes ses composantes sont en équilibres. Ainsi, la théorie vise à représenter le climat tropical en moyenne sur de longues périodes de temps.

Efficacité infinie du transport atmosphérique de chaleur. Cette approximation revient à dire que le transport de chaleur fait ce qu’il faut pour maintenir la température atmosphérique horizontalement uniforme dans tous les tropiques.

4 Notons que j’ai commencé ma thèse en juin 1995. J’ai eu vent de l’article de Ray à la fin 1996 dans le cadre de la review d’un de nos articles (Roca et al., 1997), quelques semaines avant que je ne le rencontre de visu à Palaiseau après un séminaire qu’il y faisait pendant l’une de ses visite sabbatiques au labo...

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Le terme d’échange entre le climat tropical et les régions extratropicales est un paramètre extérieur non résolu. On ne considère que sa partie atmosphérique. Le transport latitudinal de chaleur par l’océan des tropiques vers les extra tropiques est nul.

On peut ainsi formuler la sensibilité climatique selon

exp)( aR

LSR

cR

FT

CCT

IT

(2)

Où TR est une température de référence, le premier terme correspond au taux d’évolution de l’OLR claire au sommet de l’atmosphère à condition que les flux de surface restent en équilibre, le second celui associé au forçage net des nuages au sommet de l’atmosphère ou bien le feedback nuageux et le dernier correspond au transport vers les latitudes extratropicales, qui est paramétré.

3.3.2 Modélisation simplifiée

La Figure 8 schématise les éléments constitutifs d’un modèle à l’ordre zéro de cette théorie. La ceinture intertropicale est séparée en deux colonnes, associées aux branches montantes et descendantes de la circulation de Hadley/Walker. La colonne montante est associée à une température de surface chaude TS1 tandis que la colonne subsidente est associée à une température « froide ». Dans les deux cas, le profil de température (« lapse rate ») est identique. Les colonnes 1 et 2 sont respectivement caractérisées par une émissivité moyenne e1 et e2 et une évaporation moyenne E1 et E2. La colonne 2 est claire et la colonne 1 nuageuse.

Cette dernière correspond à une émission faible de rayonnement vers l’espace (la fournaise) et la seconde à une forte valeur de l’OLR au sommet de l’atmosphère (le radiateur). Les deux colonnes communiquent par l’intermédiaire de l’évaporation E2 qui assure le couplage entre les deux SST. Et avec le reste de la Terre (moyennes latitudes) à travers un échange de 30 Wm-2 correspondant à Faexp. Le climat final est paramétré par le rapport des surfaces respectives des deux zones (A1/A2) ainsi que par l’émissivité e2.

3.3.3 Résultats

Avant de discuter les résultats, notons qu’une longue série d’hypothèses est nécessaire à la simplification de ce modèle, admirablement bien argumenté par Ray dans son article. La plus

Figure 8 Représentation schématique du modèle « furnace-radiator fin ». D'après Pierrehumbert, 1995.

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sensible pour nous consiste à s’appuyer sur le fait que dans « la warm pool », on pourrait faire l’hypothèse que les forçages radiatifs ondes courtes et longues s’annihilent (Kiehl et Ramanathan, 1990). Soit

CS+CL= 0 Wm-2 (3)

Ce qui simplifie le problème et montre que le feedback nuageux, n’intervient pas dans le climat tropical tant que la quasi-annihilation est présente. Dans ce contexte, en fixant un certain nombre de paramètres, le modèle montre les résultats suivants

Avec un rapport de 1.25 pour A2/A1, on rencontre des climats terrestres pour des valeurs de e2 de l’ordre de 0.6 (Figure 9). Dans ce régime, est de l’ordre de 2.5 Wm-2/K , soit 1.6K de réchauffement pour un doublement de CO2 (4 Wm-2) et donc la mise en calcul de la perspective radiative-convective-dynamique conduit à une rétroaction de la vapeur d’eau positive. Notons que l’exercice reste assez académique dans la mesure ou, e2 et le rapport A2 et A1 est constant dans cette exercice de l’esprit.

3.3.4 Principales limites

Les principales limites de cette théorie réside le choix de paramètres fixes que le changement climatique pourrait facilement altérer :

le rapport A1/A2 l’émissivité e2 CS+CL=0

Sans compter les absences criantes telles que les nuages bas subtropicaux et leur effet d’albédo (e.g., Miller, 1997). De même, les aspects continentaux et en particulier le rôle des déserts subtropicaux n’est pas pris en compte ici même si mentionné comme une extension importante à réaliser. Le transport d’humidité par les transitoires de la circulation depuis la « warm pool » vers la « cold pool » sont aussi mentionnés comme une piste à explorer dans le futur.

3.4 En Résumé

Les perspectives théoriques d’étude du climat tropical se sont donc élargies avec la formulation d’un équilibre radiatif-convectif-dynamique tropical qui est illustré dans la Figure 10. Ainsi, on considère dorénavant l’importance de la zone sèche subtropicale dans les échanges énergétiques. Le rôle des nuages hauts tropicaux dans ce contexte est minimisé sous l’hypothèse que le forçage radiatif net est proche de zéro au sommet de l’atmosphère. On

Figure 9 Illustration des résultats du modèle à 2 boites. D'après Pierrehumbert, 1995. Voir texte pour détails.

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retient qu’en précisant le rôle des nuages sur l’équilibre énergétique d’une circulation tropicale, les nuages ont réintégré l’ensemble des autres paramètres constitutifs de la sensibilité climatique. L’émergence de cette théorie souligne l’importance de l’étude du cycle de l’eau et de l’énergie dans la ceinture intertropicale et offre un cadre cohérent à son étude.

Notons que cette théorie ne précise pas le devenir des précipitations tropicales en réponse au changement climatique. Son extrapolation à ce problème la conduit vers une interprétation type ERC tropical pour la région ascendante : i.e., plus de convection, plus de vapeur d’eau dans les basses couches, et plus de précipitation en réponse à l’augmentation de la TSM de cette boite. Dans les deux cas, il est difficile d’exploiter les contraintes énergétiques globales sur le contrôle des taux de pluie lorsque l’on se restreint à la région intertropicale.

4 Une démarche scientifique fondée sur l’observation Philosophiquement5, ma démarche scientifique s’inclut dans la tradition rationaliste et réaliste (e.g. Emile Meyerson) et en opposition au positivisme. Elle est fondée sur une interprétation fréquentiste des statistiques (en opposition au propensionnisme et au subjectivisme) et sur la méthode dialectique. Et bien que polymorphique, elle est principalement inductive et se construit sur une logique de compréhension et d’explication physique, peut être même au détriment d’effort prédictif (Thom, 1991). Plus simplement, ma démarche consiste à caractériser à l’aide d’observations la variabilité du cycle de l’eau et de l’énergie atmosphérique et de les interpréter physiquement afin d’éclairer la théorie de l’équilibre radiatif-convectif-dynamique tropical et par conséquent notre compréhension du système climatique.

4.1 Démarche

Je mène une activité de recherche qui vise à approfondir notre compréhension des mécanismes en jeu dans les tropiques dans le cadre du changement climatique dans le contexte théorique énoncé ci-dessus. J’ai donc cherché à clarifier la théorie de l’équilibre radiatif convectif dynamique tropical en me concentrant sur ses points clef. Je me suis donc concentré sur les liens entre

Climat tropical et humidité de la troposphère libre afin de préciser comment le changement climatique va altérer la concentration en humidité (altération de e2)

Climat tropical et feedback des nuages convectifs afin de préciser comment le changement climatique va altérer la quasi-annihilation tropicale (altération de CS+CL=0))

5 On voit souvent des impétrants à l’HDR verser dans la philosophie de comptoir. Ce paragraphe correspond à mon versement.

Figure 10 Schéma idéalisé du climat tropical et de l’équilibre radiatif-convectif-dynamique tropical. D’après Roca, 2000.

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Climat tropical et précipitation afin de clarifier la réponse hydrologique des tropiques au changement climatique (le processus 2.c)

Pour ce faire, je m’appuie sur des analyses d’observations et de sorties de modèles que je contribue par ailleurs à réaliser moi-même afin de disposer des contraintes observationnelles adaptées aux mécanismes en jeu. Une spécificité de mon travail tient à une utilisation massive des observations satellites depuis les niveaux 0 jusqu’aux produits géophysiques. Les satellites sont en fait très bien adaptés à l’étude du cycle de l’eau et de l’énergie dans les Tropiques.

4.2 Observations satellites

La forte adéquation forte entre les observations satellite et cycle de l’eau et de l’énergie dans les tropiques est discutée en détails dans le document de review (Roca et al., 2010). Elle trouve ses racines dans les premières mesures effectuées depuis l’Espace qui était dédiée au bilan radiatif de la planète et pour laquelle le satellite est parfaitement adapté (Kidder and Vonder Haar, 1995 « Satellite meteorology : an introduction » ; Kandel and Viollier, 2010). Plus près de nous, elle fut l’argument pour faire émerger le programme METEOSAT dans les années 70 en Europe (EUMETSAT, 2001). On peut l’illustrer rapidement à l’aide de la Figure 11 qui montre comment le réseau d’observations conventionnel est inadapté à l’étude du cycle de l’eau tropical (sans parler de l’instrumentation).

Figure 11 Etat des observations reçues à l'ECMWF le 6 Mars 2010 à 00 UTC. Pour les profiles atmosphériques (temp).

Les satellites offrent la fréquence et couverture nécessaire à la description des phénomènes en jeu et la capacité conjointe à effectuer des mesures du bilan radiatif au sommet de l’atmosphère et des composantes humides (nuages, vapeur d’eau, pluie) du cycle de l’eau. Ce sont donc les satellites qui seuls offrent une base observationnelle en phase avec les questions scientifiques liées au cycle de l’eau et de l’énergie dans les tropiques et c’est pour ça que leur utilisation est centrale à mes travaux. Les campagnes ponctuelles nous permettant de préciser le détail des processus en jeu.

4.3 Organisation du manuscrit

Le manuscrit se compose de deux parties. La première concerne mes travaux scientifiques et la seconde la dimension managériale qui permet de réaliser la première. Je décline donc mes travaux en 3 chapitres comme discuté plus haut sur l’humidité, les nuages, et la précipitation. Une conclusion synthétise ce propos et liste les pistes d’amélioration possibles théoriques soulevés par ces travaux. Les perspectives sont rapidement énoncées pour y arriver.

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2 Climat tropical et humidité de la troposphère libre

1 Contexte scientifique Le lien fort entre l’humidité de la troposphère libre et le climat a été souligné par la théorie de l’ERCDT. En particulier, la région subtropicale apparaît comme une clef du bilan d’énergie du climat tropical. Ses régions sont particulièrement sèches comme le montre la climatologie (Figure 12).

On y voit des valeurs d’humidité relative petites de l’ordre de 10-15% en moyenne climatique. L’importance de ces régions pour le bilan radiatif repose sur une forte non linéarité entre le rayonnement sortant et l’humidité relative à 400 hPa dans les environnements secs comme illustré sur la Figure 13. Bien que l’altitude du maximum de sensibilité eut fait débat (Schneider et al., 1999), les calculs les plus récents confirment le rôle central de la troposphère libre subtropicale (Soden and Held, 2000).

On s’intéresse alors en priorité à documenter et comprendre la distribution de l’humidité relative dans les régions subtropicales en moyenne troposphère pour contribuer à mieux comprendre l’altération de e2 (cf. page 19) et le processus 1.a (page 14).

Figure 13 Jacobien de l'OLR à RH (b) pour différents profiles de RH (a). D'après Spencer and Braswell, 1997.

Figure 12 Moyenne zonale de l’humidité relative en DJF. 1980-200. Données issues de ERA-40

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2 Contributions Ces travaux ont été initiés lors de ma thèse sous la direction de Laurence Picon avec qui j’ai continué à travailler sur ce thème au cours des années passées ainsi que dans le cadre d’une collaboration avec Ray Pierrehumbert. Nous avons bénéficié du soutien de deux thésards, Hélène Brogniez et Julien Lemond que nous avons co-encadrés, Laurence et moi. (cf. Partie II, Encadrements pour plus de détails). Notre contribution s’articule autour de deux grandes parties, une première centrée sur l’exploitation des observations des satellites pour caractériser la distribution d’humidité troposphérique et recouvre des travaux d’étalonnage et d’algorithmie. La seconde concerne l’analyse de la variabilité de l’humidité et l’interprétation physique de cette variabilité. Elle repose sur des méthodes d’analyses statistiques et d’un modèle de transport lagrangien encore une fois issues des réflexions de R. Pierrehumbert (1998). Nos efforts visent ainsi à identifier les processus régissant la distribution d’humidité dans ces régions.

2.1 Climatologie satellite de l’humidité de la troposphère libre

L’outil principal de ce travail concerne le canal à 6.3 m à bord des satellites METEOSAT qui permet de décrire le contenu en humidité de la partie supérieure de la troposphère et qui est embarqué depuis le début sur le satellite METEOSAT grâce aux efforts des chercheurs du LMD (Morel et al., 1978). Nos efforts ont porté d’abord sur la préparation de l’archive pour qu’elle soit exploitable à des fins climatiques. On s’est alors intéressé à l’étalonnage du capteur et à son homogénéité dans le temps. Ensuite, afin d’exploiter quantitativement le signal à 6.3 m, nous nous sommes intéressés à l’inversion des températures de brillance en quantité géophysique.

2.1.1 METEOSAT et le canal “vapeur d’eau”: étalonnage

Identifié très tôt par Picon et al., (1995), l’étalonnage opérationnel de ce canal laisse à désirer et en particulier les changements de méthodes pour effectuer la « vicarious calibration » et les changements de satellite au cours du temps empêchent le suivi d’un quelconque signal climatique. Nous avons alors dans le cadre de plusieurs contrats EUMETSAT proposé une technique pour corriger ses problèmes fondées sur des ajustements de RMS entre observations et simulations de transfert radiatif à partir d’analyses atmosphériques (Picon et al., 2003). Les problèmes et leurs solutions sont illustrés dans la Figure 14 au cours de la période 1984-1996. On voit que la méthode de corrections permet de construire une archive homogène pour laquelle la différence avec des simulations de transfert radiatif et des radiosondages évolue très faiblement dans le temps (Brogniez et al., 2006).

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Figure 14 Différence entre les températures de brillance issues des radiosondages avec les observations satellites avant (haut) et après correction (bas). D'après Brogniez et al., 2006.

2.1.2 METEOSAT et le canal “vapeur d’eau”: FTH

Longtemps associé à la mesure de l’humidité de la haute troposphère d’où la terminologie de UTH pour Upper Tropospheric Humidity, nos analyses de la sensibilité du canal vapeur d’eau ont très rapidement mis en évidence que dans la ceinture intertropicale, le signal recueilli provenait d’une épaisse couche de la troposphère et avons proposé une terminologie plus adéquate avec Free Tropospheric Humidity (FTH) (Roca et al., 2003). Cette idée est illustrée dans la Figure 15 ou l’on constate que quelque soit l’opérateur de sensibilité considéré (Jacobien, Jacobien idéalisé, fonction de poids), l’ensemble de la troposphère contribue et non pas que le haut, même si le maximum de contribution se situe vers 400 hPa. Nous avons ensuite formalisé notre définition de FTH en sélectionnant le Jacobien de la température de brillance à l’humidité relative comme meilleur candidat pour interpréter le signal du capteur et en identifiant que FTH=<RH(z)> ou les crochets correspondent à la moyenne verticale pondérée par le Jacobien de RH (Brogniez et al 2004 ; Roca et al., 2011).

Figure 15 Profile vertical d'humidité relative en % en noir plein. Cas sec. Les courbes en pointillées correspondent aux différents opérateurs de moyenne verticale. Tiré de Roca et al., 2011.

Ainsi on peut formuler le lien entre FTH et la température de brillance de manière simple, en nous reposant sur les travaux initiaux de Soden and Bretherton (1993) sur le transfert radiatif dans la région spectrale de la bande de rotation-vibration de la vapeur d’eau.

MET2 MET3 MET4

MET5

4 3

Homogenized

Original

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bBTapFTH

3.6

0

cosln

Ou est l’angle de vue et p0 un paramètre de normalisation lié à la structure thermique verticale de l’atmosphère (Annexe de Brogniez et al., 2009 ; Roca et al., 2011). La figure 14 illustre la qualité de l’inversion que l’on peut espérer une fois cette définition élaborée (à comparer avec une RMS environ deux fois plus importante pour les autres opérateurs de moyenne verticaux).

Figure 16 Scatter plot montrant la qualité du fit de l'équation pour calculer FTH à partir de la température de brillance. Tiré de Roca et al., 2011

Cet algorithme original a enfin été mis en œuvre systématiquement sur notre archive homogène et nous a ainsi permis de produire une climatologie de la FTH dérivée de METEOSAT. Nous ne mentionnons pas ici les travaux sur l’extraction des scènes de ciel clair qui sont détaillés dans Brogniez et al., (2006) et qui ont nécessité une prise en main des observations ISCCP et une réflexion approfondie sur le rôle des nuages bas sur la radiance METEOSAT WV. La Figure 17 illustre cette climatologie pour l’été et confirme les très faibles humidités des régions subtropicales et le fort contraste avec les régions humides de l’ITCZ. Le coefficient de variation interannuel révèle une très forte variabilité relative de la distribution d’humidité dans la zone sèche méditerranéenne.

Figure 17 Moyenne climatique et coefficient de variation de FTH en été boréale. Adapté de Brogniez et al., 2009

Avant d’aller plus loin dans l’exploration des raisons physiques de cette forte variabilité (discutées dans la prochaine section), il est important de souligner que la distribution de RH à

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500 hPa dans ces zones sèches s’éloignent clairement d’une Gaussienne (c’est aussi le cas de FTH) et ce pour de nombreuses et variées sources de données comme illustré sur la Figure 18.

Afin d’appréhender cette dimension, nous avons introduit en complément des moyennes arithmétiques, une variable fréquentiste, RHp10, définit comme la fréquence d’occurrence de RH inférieur ou égal à 10% et qui nous permet de caractériser précisément et facilement l’occurrence de l’air sec dans une région. On utilisera dans la suite l’un et l’autre pour discuter de la variabilité de l’air sec dans la ceinture intertropicale.

La Figure 19 présente un exemple de climatologie de RHp10 à 500 hPa en hiver et met en évidence les grandes zones sèches de l’hémisphère Sud et de la mer d’Arabie par ordre d’intensité. L’utilisation d’une simple moyenne révèle aussi ces grandes régions mais ne permet pas de les discriminer entre elles.

2.2 Variabilité interannuelle et dynamique de grande échelle

2.2.1 Le paradigme de l’advection-condensation

Le paradigme de l’advection condensation propose une théorie pour expliquer la distribution de l’humidité dans la troposphère que l’on doit encore à Ray Pierrehumbert (1998). Dans cette approche, on considère que la vapeur d’eau n’est fonction que des conditions de dernière saturation des masses d’air et que les autres sources d’humidité (matériel nuageux, diffusion par la couche limite) sont négligeables. Ainsi à l’aide de Clausius Clapeyron, on peut écrire que l’humidité relative d’une masse d’air cible Rtarget est principalement fonction d’un rapport de température

Figure 18 Histogramme de l'humidité relative instantanée à 500 hPa pour la saison JJA sur la période 2003-2007 Région de la méditerranée (15E40E:25N35N). AIRS (noir), ERA-interim (marron), RH reconstruit avec le modèle Lagrangien (vert), NCEP2 (bleu), NCEP (rouge). Tirée de la thèse de Julien Lémond.

Figure 19 Climatologie de RHp10 à 500 hPa pour l'hiver d'après la ré analyse NCEP-1. Titré de la thèse de Julien Lémond.

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Ou q est l’humidité spécifique de la masse d’air, e la pression de vapeur et q* est l’humidité spécifique et e* la pression de vapeur à saturation, simple fonction de T. La Figure 20 illustre cette dépendance dans les cas d’un profile d’un atmosphère tropicale standard. Ainsi une masse d’air qui a opéré sa dernière saturation à une température de 240K et qui arrive dans une région de température de 260K aura une humidité relative entre 15 et 20% etc..

Figure 20 The relative humidity as a function of the temperatures of last saturation and target points. A standard tropical profile is used to perform the computation. Saturation is assumed for ice for temperatures below 0°C and for water otherwise using the Goff-Gratch formula. From Sherwood et al., 2010. Bien que très simple cette théorie a montré sa bonne adéquation à reproduire la vapeur d’eau troposphérique dans les tropiques et permet donc de relier facilement la distribution d’humidité relative d’une région à la dynamique atmosphérique par l’intermédiaire du concept de dernière saturation. L’implémentation du paradigme dans sa version Lagrangienne, reproduit suffisamment proprement ce qu’indique les observations (Pierrehumbert and Roca, 1998 ; Roca et al., 2005) pour que l’on puisse l’utiliser à des fins interprétatives. Plus d’informations sur cette implémentation à l’aide d’un modèle Lagrangien et les hypothèses sous jacentes sont disponibles dans Pierrehumbert, 1998 ; Pierrehumbert and Roca, 1998 ; Roca et al., 2005 ; Brogniez et al., 2009 et Sherwood et al., 2010. On utilisera dans la suite ce paradigme pour interpréter le rôle de la dynamique de grande échelle dans la variabilité de l’air sec. On s’appuiera sur des simulations dite « reverse domain filling » basée sur les vents et la température issus des analyses NCEP principalement, intégrées à 0.5° sur une douzaine de jours en arrière que l’on a calculé sur 30 ans pour toute la période 1978-2007 toutes les 6 heures. On conserve les variables des coordonnées de dernière saturation (température, longitude, latitude et pression).

2.2.2 La variabilité interannuelle de l’air sec : température ou humidité ?

L’humidité relative d’une masse d’air dépend de sa température et de son contenu en humidité. On montre facilement que sur la région de l’Est de la méditerranée (Figure 17), en été, la température à 500 hPa est très stable, aux alentours de 266.5 K et varie très peu d’une année sur l’autre (=1.4K ou n=0.5%). Cela nous permet de considérer que c’est donc les variations d’humidité spécifique qui dominent le signal dans cette région. Afin d’explorer plus avant cette co-variation, nous avons recalculé l’humidité relative, RH’’, à partir des ré-

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analyses NCEP, en gardant la température fixée à sa valeur moyenne climatique. La Figure 21 montre la corrélation au carrée calculée entre l’humidité relative et RH’’.

Cette carte nous indique que, dans la troposphère libre intertropicale, la variabilité interannuelle de l’humidité relative est principalement expliquée par la variation de l’humidité spécifique. C’est aussi vrai lorsque de l’on se concentre sur l’air sec à l’aide de RHp10. Comprendre la variabilité interannuelle de l’humidité relative revient donc à comprendre, à travers le paradigme de l’advection-condensation, les conditions de dernière saturation des masses d’airs à l’échelle interannuelle.

2.2.3 Le rôle de la circulation de grande échelle La région sèche de l’Est de la Méditerranée est le lieu d’un fort échange entre les régions tropicales et extratropicales comme nous l’avons mis en évidence à l’aide des calculs de rétro-trajectoires. La Figure 22 contraste les statistiques de dernières saturation pour deux composites de 3 saisons chacun, correspondant aux 3 saisons d’été les plus sèches (« dry ») et les moins sèches (« moist »). On constate que les masses d’air qui arrivent à 500 hPa, sur cette région proviennent des hautes couches de la troposphère, autour de 250 hPa. Deux noyaux d’origine peuvent être identifiés : une première source tropicale centrée à 15°N les années sèches et légèrement plus

diffus les années humides et une seconde source extratropicale correspondant à des masses d’air originaires du nord de 40°N. En moyenne, la température du noyeau tropical est plus froide que son contre point extratropical ce qui implique que l’air tropical est problablement

Figure 21 Coefficient de détermination (R2) entre RH et RH'' pour l'hiver 1978-2007. Thèse de Julien Lémond 2009

Figure 22 Zonally and temporally integrated distributions (in natural-log scale) of air mass last saturations positions for (a) July-August dry composite and (b) July-August moist composite. Contours are for the mean air temperature from NCEP re-analyses averaged. From Brogniez et al., 2009.

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plus sec que celui d’origine extratropicale. L’analyse de la série longue de la période METEOSAT confirme l’importance de ce mélange latéral (Figure 23).

A l’échelle de la ceinture intertropicale, nous nous sommes intéressés plus en détails au premier mode de variabilité interannuelle, El-Nino et aux variations d’humidité associées. La encore, nous avons validé le paradigme de l’advection-condensation. La Figure 24 montre une carte de composites (Nino-Nina) fabriquée sur plusieurs évènements de la variation de l’occurrence de l’air sec (RHp10) à 500 hPa. Les calculs issus du modèle de rétro trajectoires reproduisent, qualitativement et quantitativement, les résultats issus des ré-analyses, eux –mêmes très robustes au choix de la ré-analyse (ERA40, ERAi, NCEP-1et 2).

Les zones sèches subtropicales du Pacifique sont plus fréquemment très sèches pendant les années El Nino que pendant les années La Nina tandis que la zone équatoriale pacifique est moins fréquemment sèche.

Figure 23 Plot of the normalized anomaly of the fraction of air masses with a tropical last-saturation position (latitude < 25°N) vs. the normalized anomaly of dry air (defined by RH<10%) for the area 25°–35°N, 20°–30°E during each July–August.

Figure 24 Composite pluri-évènements (Nino-Nina) de RHp10 à 500 hPa en hiver. NCEP-1 (en haut) et issu du modèle de rétrotrajectoires (en bas).

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Dans les deux cas, les masses d’air ont eu comme origine les hautes couches de la troposphère (200 hPa) et une double contribution, de la même bande de latitude (10°N-20°N) et d’une source Nord, extratropicale au Nord de 30°N pendant l’hiver. On constate que ces régions d’origine n’évoluent pas entre les années Nino et Nina et que seule la fraction d’air issue de l’Est de la région varie fortement entre ces deux cas limites (33 et 43% pour Nino et Nina, respectivement). Ainsi, les occurrences plus fréquentes d’air sec pendant les phases El Nino correspondent à des masses d’air issues plus fréquemment de l’Ouest de la région, de la même zone de latitude et d’altitude. Ces travaux ont donc permis de valider le paradigme de l’advection condensation sur une large gamme d’échelle spatio-temporelle (cf. aussi Roca et al., 2005). Cette perspective nous a permis de mettre en évidence l’importance de la circulation de grande échelle sur les variations de l’humidité relative troposphérique. Elle nous a aussi révélé l’importance des entrées d’air sec extratropicales pour rendre compte de la variabilité de l’humidité troposphérique dans la ceinture intertropicale.

2.2.4 Et les GCMs ?

Nous avons très tôt utilisé les observations METEOSAT, sous la forme de température de brillance, pour évaluer des modèles afin d’identifier des outils pour l’analyse physique, que ce soit des MGC (Roca et al., 1997) ou des modèles de transport Lagrangian (Pierrehumbert and Roca, 1998). Pour ce faire, nous avons étendu l’approche modèle vers satellite (Morcrette, 1988) au canal vapeur d’eau de METEOSAT. Notons que la remise au goût du jour de cette approche a eu un succès considérable principalement dans la communauté méso-échelle (Chaboureau et al., 2000 ; Diongue et al., 2002) et a nourri des réflexions sur les méthodes de validation des modèles de climat (Roca et al., 2000) qui ont débouché sur des « simulateurs » de nombreuses observations satellite passives puis plus récemment sur les capteurs satellites actifs. Nous avons finalisé cette mise en comparaison modèle-vers-satellite en inversant avec la même technique, à la fois le signal de température de brillance observé et simulé afin de conduire les évaluations dans l’espace géophysique (Soden and Bretherton, 1994; Brogniez et al., 2005). La Figure 26 résume les comparaisons que nous avons effectuées dans le cadre du projet AMIP2 et montre, sur une saison, les distributions observées et synthétisées de FTH.

Figure 25 Densité des position de dernière saturation des masses d'air arrivant dans la région 160E-140W et 10N-20N pendant les évènements El Nino (à gauche) et La Nina (à droite)

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Figure 26 Comparaison de climatologie de FTH entre METEOSAT et 11 modèles de climat participants à l'exercice AMIP2. D'après Brogniez et al., 2004b

Il ressort de ces études que la génération précédente de modèles de climat était dans l’incapacité de représenter cette variabilité, que la génération actuelle semble un peu mieux faire (Thèse de Julien Lémond, 2009 ; Thèse de Mohamed Ly, 2010).

3 Discussion L’importance de l’humidité de la troposphère libre subtropicale pour l’équilibre du climat tropical nous a conduit à nous interroger sur les mécanismes qui gouvernent sa distribution. Le paradigme de l’advection condensation permet de simplifier le problème en négligeant l’effet de la ré-évaporation des particules d’eau et de glace dans le bilan d’eau de la troposphère et a été validé sur une large gamme d’échelle spatio-temporelle. On montre ainsi que la dynamique de grande échelle pilote les variations interannuelles de l’humidité relative de la troposphère libre dans la ceinture intertropicale. Nos travaux soulignent l’importance de la source extra tropicale pour comprendre la distribution d’humidité.

3.1.1 La distribution d’humidité relative de la troposphère libre et son évolution Nos travaux ont montré l’importance de la distribution de l’humidité relative plutôt que de son moment d’ordre 1. En se basant sur le paradigme de l’advection-condensation, on peut écrire que les modifications de RH dans le cadre d’un changement climatique de T

RH(T+T)=(ptarget/plast) (e*last (Tlast + T)/e*target (T + T))

En considérant que T est petit devant Tlast et Ttarget , ce qui est le cas, on peut alors réécrire

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Ce résultat implique que l’humidité relative augmente avec le réchauffement mais que les coefficients sont très faibles pour des valeurs modérées de T. Pour une valeur de Ttarget de 260K et de Tlast de 240K et de T de 1K, cette augmentation pour chaque point est seulement de 1.4%. En conséquence, un réchauffement (ou refroidissement) modéré et uniforme laisse la PDF de RH inchangée. Donc on peut légitimement considérer que dans le cas de l’humidité relative de la troposphère libre, l’hypothèse d’une PDF constante au cours du changement climatique. Par conséquent, la surveillance de la PDF de l’humidité au cours du temps permet de tester facilement cet invariant et d’attribuer les éventuelles variations à un changement de température non uniforme entre les zones cibles et sources ou dans les propriétés dynamiques. Une conséquence directe de cette conclusion concerne les méthodes à mettre en œuvre pour explorer ces tendances et l’utilisation de la simple moyenne apparaît comme peu adaptée au problème. Peu de jeux de données sont à même d’offrir la possibilité de surveiller la PDF sauf peut être l’archive METEOSAT de FTH dont l’extension à la période la plus récente (MSG) est en cours dans le cadre d’une coopération avec le SAF Climat d’EUMETSAT.

3.1.2 Implications pour les théories de l’ERC tropical et de l’ERCDT Les implications de notre travail pour les théories de l’ERC tropical et de l’ERCDT sont doubles. D’une part, la mise en évidence de l’importance du mélange latéral pour la distribution d’humidité nécessite une extension extratropicale du modèle simple. Cette extension ne semble pas si directe que ça à imaginer mais on peut entrevoir des possibilités telles que brièvement discutées au chapitre Discussions page 55. D’autre part, la validation du paradigme de l’advection-condensation que nous avons menés à l’aide des observations satellites nous permet de reconsidérer les boucles 1a et 2a initialement associées à la rétroaction de la vapeur d’eau (cf. Section « Formulation approfondie de la rétroaction de la vapeur d’eau » page 14). En effet, on peut donc montrer (Pierrehumbert et al., 2007) que l’on a pas besoin d’une augmentation de l’évaporation pour humidifier (en terme d’humidité spécifique) les régions sèches de la troposphère (Boucle 1a « evaporation fallacy ») ni de l’effet Clausius-Clapeyron d’augmentation de la capacité de l’air à contenir de l’humidité (Boucle 2a « saturation fallacy »). En revanche, on peut expliquer que l’humidité spécifique des régions sèches va augmenter en réponse au réchauffement global à travers l’augmentation des températures de dernière saturation, sous réserve de conserver une dynamique des trajectoires faiblement altérée. On a donc formulé un effet indirect de la loi Clausius-Clapeyron sur les régions sèches contrôlées par le mélange de grande échelle, ce qui raffine les modèles conceptuels actuels de la rétroaction de la vapeur d’eau.

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3 Climat tropical et nuages convectifs

1 Contexte scientifique Le forçage radiatif net des nuages hauts est proche de zéro dans certaines région tropicale de convection profonde (Kielh and Ramanathan, 1990) ce qui a permis de faire l’hypothèse CS+CL= 0 dans le modèle de l’ERCD tropical (cf. page 18). La Figure 27 illustre le résultat d’un élégant modèle conceptuel de cette quasi-annihilation proposé par J.T. Kielh et qui suggère que les nuages hauts qui atteignent la tropopause sont responsables de cette annulation.

Cependant J. Srinivasan du CAOS souligne que la Baie du Bengale exhibe un forçage net très négatif (Rajeevan and Srinivasan, 2000) bien que peuplée de systèmes convectifs très développés verticalement (Roca and Ramanathan, 2000). La Figure 28 illustre cet écart à l’annulation (~-80 Wm-2) à l’aide des observations CERES.

Figure 28 Forçage radiatif des nuages. Produits CERES SRBAVG Edition 2. JJAS 2000-2005. Ondes courtes (haut). Ondes longues (milieu). Net (bas). From Roca et al., 2011.

Figure 27 Ratio du forçage radiatif des nuages LW et SW en fonction l'altitude d'un nuage convectif. D'après Kielh, 1994.

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Je me suis donc attaché à explorer la question des propriétés radiatives des nuages convectifs tropicaux et de leur bilan de rayonnement au sommet de l’atmosphère dans cette région et ce contexte, à la fois en été mais aussi en hiver après avoir fait un détour par l’analyse de la campagne INDOEX 1999.

2 Contributions

2.1 Systèmes convectifs et forçage radiatif LW

2.1.1 Aspects méthodologiques On définit le forçage radiatif des nuages comme la différence entre l’ensemble des mesures et les mesures, filtrées, concernant les scènes de ciel clair uniquement:

CS=SWcielclair-SWtotal CL=LWcielclair -LWtotal

ou LW et SW correspondent respectivement au flux ondes longues et courtes au sommet de l’atmosphère. Estimer le forçage des nuages nécessite donc de définir une région et une période de référence sur laquelle on estime le flux clair. Dans les régions très nuageuses, comme les zones tropicales, cette étape est une gageure avec des instruments de bilan radiatif aux pixels de l’ordre de 50km pour lesquels le ciel clair n’existe que très rarement. Malgré les avancées de la mission CERES (pixel d’environ 10km), la meilleure façon de procéder

consiste à utiliser les observations des géostationnaires pour cette estimation. Suivant une approche développée au LMD dans les années 1990 (Chéruy et al., 1991), nous avons utilisé les deux canaux de METEOSAT à 10 et 6.3 m et les observations de ScaRaB-2 pour réaliser une conversion bandes étroites vers bandes larges et ainsi estimer le flux LW. La Figure 29 montre les résultats obtenus pendant la campagne INDOEX. La RMS obtenue pour l’estimation des flux ondes longues instantanées est de l’ordre de 10 Wm-2. Grâce à ses estimations nous avons pu isoler de petites régions pour nos études et avons travaillé à l’échelle de 10 jours pour établir le fond ciel clair de nos calculs de forçage (Roca et al., 2002). Notons la mise en œuvre d’une telle technique reste difficile pour le spectre ondes courtes. Bien que la conversion spectrale soit tout à fait possible (Duvel et al., 2000), la qualité de la navigation des observations géostationnaires, rend cette tache encore bien incertaine (Viollier et al., 2003). On se concentre alors sur le forçage ondes longues.

Figure 29 Scatter diagramme des résultats d'une régression multi-linéaire depuis les mesures de METEOSAT vers les observations de ScaRaB-2. Tiré de Roca et al., 2002.

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2.1.2 Variabilité météorologique La Figure 30 nous montre l’évolution de la couverture nuageuse haute et du forçage radiatif ondes longues pendant la campagne INDOEX au dessus d’une région de l’océan Indien. La

corrélation est élevée et significative et confirme l’importance de la couverture des nuages hauts pour ce terme du bilan radiatif. On constate aussi une variabilité intra saisonnière marquée de CL avec des variations de l’ordre de 20 Wm-2 entre les phases actives et les phases de pause de la perturbation intra saisonnière. La question est de savoir si la seule variation de la couverture nuageuse explique ces anomalies de rayonnement ou si les propriétés des systèmes convectifs évoluent de concert.

2.1.3 A l’échelle des systèmes convectifs La couverture nuageuse tropicale résulte d’un ensemble de systèmes nuageux discrets et nous avons mis en œuvre une technique de traitement d’images, « Detect and Spread », couplée ici à une classification nuageuse bi spectrale afin d’analyser la distribution de ses systèmes nuageux pendant la campagne INDOEX. La Figure 31 souligne que le forçage radiatif onde longue montre une importante dépendance d’échelle et que les systèmes de la classe Ia, supérieur en taille, à 105km2 expliquent une très large fraction du forçage.

Le fort lien entre la variabilité météorologique et les propriétés morphologiques des systèmes convectifs est illustré dans la Figure 32 qui montre sur la même région de l’Océan Indien un approfondissement moyen d’environ 5K pour le sommet des systèmes convectifs entre les

Figure 30 Série temporelle en haut des nuages hauts (trait sombre) et de l'humidité de la haute troposphère (trait clair) et en bas du forçage des nuages (trait sombre) et de l'effet de serre clair (trait clair) pour une région de l'océan Indien pendant la campagne INDOEX.

Figure 31 CDF de CL en fonction de la taille des clusters convectifs pour plusieurs classes de systèmes convectifs. Tiré de Roca et al., 2002.

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phases actives et inactives de la perturbation intrasaisonnière en lien avec une augmentation concomittente de l’occurrence de ses systèmes qui explique les variations de CL précédemment mis en évidence.

Cette étude nous a donc permis de rappeler que la partie ondes longues de la rétroaction des nuages hauts tropicaux était fortement influencée par les propriétés intrinsèques des systèmes convectifs de méso-échelle, elles-mêmes très liées à la météorologie à l’échelle intrasaisonnière. Nous reviendrons sur cet aspect dans la Partie « Climat tropical et précipitation ». Nous avons aussi souligné la difficulté d’appréhender la partie ondes courtes du problème avec l’approche choisie ici. Ces considérations nous ont amenés à creuser la question des propriétés radiatives des systèmes convectifs en lien avec le forçage net des nuages dans l’Océan Indien.

2.2 Forçage radiatif net dans l’Océan Indien On s’intéresse donc maintenant au forçage net des nuages que l’on définit simplement comme :

NETCRF= CL+CS

Et que l’on calcule dans la suite en prenant comme référence claire des régions de 2.5° sur une période de plusieurs mois à l’aide des mesures de la mission Earth Radiation Budget Experiment. Les nuages seront caractérisés à l’aide des observations géostationnaires du satellite indien INSAT.

2.2.1 Le large de l’Indonésie en hiver et la baie du Bengale en été Les distributions des nuages hauts et du forçage des nuages dans l’Océan Indien au cours du cycle saisonnier (Figure 33) sont caractérisées par l’existence de deux régions similaires en terme de nébulosité et très différentes en terme de forçage radiatif : le large de l’Indonésie en Hiver et la baie du Bengale en été.

Figure 32 Série temporelle lissée de la température minimum (trait sombre) et du nombre de systèmes convectifs pendant la campagne INDOEX (trait tireté). Tiré de Roca et al., 2002

Figure 33 Carte de la nébulosité haute en % (en haut) et du forçage net au sommet de l'atmosphère en Wm-2 (en bas) pour l'hiver (à gauche) et l'été (à droite). Tiré de Roca et al., 2005.

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La région indonésienne correspond à une zone de quasi-annihilation avec un forçage net faible (de l’ordre de quelques Wm-2 pour les années individuelles et un peu plus en moyenne pluriannuelle) tandis que la baie du Bengale est marquée par un forçage net très négatif (voir aussi Figure 28). En contrastant les propriétés des systèmes convectifs et de leur environnement entre ces deux régions nous allons préciser les conditions qui conduisent à la quasi-annihilation.

2.2.2 Propriétés des systèmes convectifs de méso-échelle Les propriétés morphologiques des systèmes convectifs sont extraites de l’imagerie infrarouge à l’aide d’une version modifiée de la technique « Detect and Spread » appliquée aux observations de INSAT-1B. La méthodologie repose sur l’utilisation d’un modèle conceptuel simplifié de cluster convectif, composé d’un noyau convectif et d’une enclume stratiforme (Figure 34) qu’il est possible, à l’aide de technique de traitement d’images itérative de délimiter depuis l’image satellite. Les propriétés radiatives des systèmes convectifs sont construites pour l’onde longue à l’aide du concept d’émissivité effective définie à l’échelle du système comme :

eff=Tmin4/Tmean

4

Où Tmin correspond à la température physique d’émission du système convectif, identifié depuis le noyau convectif « noir » et Tmean correspond à la température brillance moyenne du système convectif, principalement l’enclume « grise ». Ces concepts sont présentés plus en détails dans Roca et al., (2005). Trois classes de systèmes convectifs sont formées en fonction de leur profondeur, ou de leur température minimum atteinte. Les résultats sont résumés dans le Tableau 2 pour nos deux régions d’intérêts. Malgré quelques différences de profondeur et de température moyenne, ce calcul révèle une insensibilité régionale des propriétés radiatives ondes longues des systèmes convectifs qui sont identiques et ne dépendent que de la classe des systèmes et pas de leur localisation.

Figure 34 Illustration du modèle conceptuel du MCS utilisé ici. (a) Perspective satellite image IR, (b) X-cross section, et (c) structure X–Z associée du système convectif de méso-échelle.

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On peut donc considérer que les différences inter régionales du forçage radiatif ondes longues des nuages ne sont pas expliquées par les propriétés des systèmes convectifs qui les peuplent. Les analyses complémentaires soulignent enfin que la fraction relative des trois classes de MCS sur la nébulosité haute n’est pas importante pour expliquer les différences inter régionales et que seule la nébulosité haute est supérieure dans la baie du Bengale à la région indonésienne ce qui est en apparente contradiction avec les distributions similaires de CL dans les deux régions. En effet c’est dans la partie « claire » du forçage que les différences inter régionales s’expriment le plus.

2.2.3 Environnement Pour mieux comprendre comment les deux régions exhibent des distributions similaires de CL malgré les différences de nébulosité haute, nous nous sommes attachés à regarder le flux ciel clair ondes longues qui intervient dans la définition du forçage des nuages, en fonction des différents régimes de nébulosité comme illustré dans la Figure 35. On constate que dans les régimes à nébulosité élevée, CL dans la Baie du Bengale en été reste proche de sa valeur pour le régime précédent (40%<ULC<50%) tandis qu’il est plus fort dans la région indonésienne. En parallèle à ce comportement asymptotique de CL avec la nébulosité haute, on observe une forte décroissance du flux clair avec la nébulosité (Figure 35b) plus marquée en Baie du Bengale qu’en Indonésie et qui ne peut être expliquée par les variations marginales de SST et de profils de température entre les deux régions. C’est en effet la variation régionale de la vapeur d’eau (l’eau précipitable) qui explique ces différences (Figure 35c). Les ordres de grandeur des variations montrées ici sont en bon accord avec des calculs simplifiés de transfert radiatif (cf. Roca et al., 2005). En résumé, les anomalies régionales du forçage radiatif net des nuages sont dues à une différence de CS et une similitude de CL entre les régions. La différence en ondes courtes est clairement liée à une couverture de nuages hauts plus importantes dans la Baie du Bengale qu’au large de l’Indonésie. La similitude du forçage ondes longues à nébulosité plus élevée, ne dépend pas des propriétés radiatives des systèmes individuels qui sont identiques d’une région à l’autre, ni de la répartition des systèmes convectifs dans les deux régions. C’est les flux ciel clair qui diffèrent le plus, compensent les différences de nébulosité et rendent compte des observations. Ces flux ciel clair sont largement influencés par le contenu en humidité de l’atmosphère, particulièrement important au dessus de la Baie du Bengale.

Tableau 2 Propriétés radiatives des systèmes convectifs. Tiré de Roca et al., 2005.

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3 Discussion Dans les régions intertropicales de convection profonde, on rencontre différents régimes du forçage net au sommet de l’atmosphère tels que la quasi-annihilation (Kielh and Ramanathan, 1990) et des régimes de forçage net très négatif comme la baie du Bengale en été (Rajeevan and Srinivasan, 2000). Le forçage radiatif des nuages est un paramètre très intégré de l’état de l’atmosphère. Il est influencé par les caractéristiques microphysiques des nuages (épaisseur optique, contenu en glace/eau) et macro physiques (nébulosité, distribution verticale) et par l’environnement thermodynamique « ciel clair » des nuages et les conditions de surface. Sa dépendance à la température de la surface nous donne le terme de la rétroaction radiative des nuages hauts. Tant les caractéristiques microphysiques que macro physiques des nuages convectifs sont affectées par la température de surface. Cette rétroaction reste donc un paramètre très délicat à estimer. Nous avons contribué à éclairer le problème à l’échelle du système convectif dans l’onde longue, et se concentrant sur la Baie du Bengale à mettre en évidence l’importance de l’humidité dans l’environnement de la convection profonde. Nous discutons ces résultats ci-dessous et nous évoquons leurs implications pour les théories de l’ERC et de l’ERCD tropical.

3.1.1 Systèmes convectifs et forçage ondes courtes Bien que pour les ondes longues nous ayons pu la quantifier précisément, la dépendance d’échelle du forçage radiatif ondes courtes est difficile à appréhender techniquement. Des études utilisant CERES à bord de TRMM suggèrent un rôle significatif des orages de taille petite et moyenne comme par exemple illustré sur la Figure 36. Les systèmes au rayon équivalent inférieur à 25km semblent en effet représenter entre 25 et 35% du rayonnement solaire réfléchit. Tandis que d’autres analyses suggèrent, en accord avec nos calculs pour l’onde longue, une domination du bilan ondes courtes par les plus gros systèmes (Wilcox and

Figure 35 CL (haut) Rayonnement ciel clair (milieu) et Eau précipitable (bas) en fonction de la nébulosité haute pour les deux régions/saisons. Tiré de Roca et al., 2005.

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Ramanathan, 2001). Cependant, on note une faible dépendance de l’albédo des systèmes convectifs à la SST et aux propriétés morphologiques des systèmes (Del Genio et al., 2005), même si l’intensité convective serait reliée aux propriétés radiatives des clusters (Del Genio and Kolvari, 2002). Notre étude confirme la relation entre le forçage ondes courtes des nuages

et la couverture de nuages hauts mais ne met en évidence aucune spécificité régionale liée aux propriétés des systèmes convectifs, en accord avec Kiehl (1994). Il semble ainsi encore trop tôt pour conclure sur une dépendance d’échelle précise du bilan radiatif ondes courtes des systèmes convectifs. De même, il convient de souligner que l’estimation du forçage radiatif des nuages dans les régions très nuageuses posent des difficultés techniques importantes et entache les calculs d’une incertitude difficile à estimer.

3.1.2 Le forçage radiatif des nuages convectifs En se concentrant sur la région de la Warm Pool pendant le mois d’Avril 1985, Kiehl (1994) suggère que le principal déterminant de la quasi-annihilation du forçage net des nuages est l’altitude d’un nuage convectif « noir ». Il s’appuie pour cela sur des observations ERBE, des calculs de transfert radiatif « clair » et sur un modèle idéalisé du forçage des nuages très réussi (cf Figure 27). La théorie qu’il formule donne un poids important au forçage ondes longues et à la macro physique du nuage convectif. Les aspects microphysiques et ondes courtes sont simplifiés à l’aide de plusieurs arguments fondés principalement sur des observations des nuages par ISCCP et du rayonnement par ERBE. Après quelques manipulations, il exprime le rapport R=-CL/CS de la façon suivante

Où TS est la température de surface, le lapse rate, zc l’altitude du nuage, Ga l’effet de serre « ciel clair » et Q l’insolation. Notons que la nébulosité n’intervient plus dans ce rapport. Ga est ici calculé avec un profile thermodynamique standard tropical, une bonne fois pour toute, et sa dépendance en zc est paramétrée avec une régression quadratique. Avec des valeurs typiques de TS, Q, ce modèle conduit à la Figure 27 qui montre que la quasi-annihilation est atteinte pour un nuage convectif qui atteint le sommet de la troposphère vers 16 km environ et fournit donc une explication intéressante de ce phénomène. Toutefois, Cess et al. (2001) et Hartman et al. (2001) soulignent que la quasi-annihilation de la Warm Pool serait due à l’effet moyen de différents types de nuages plutôt qu’aux propriétés radiatives d’un seul type de nuage. Rajeevan and Srinivasan (2000) quant à eux, mettent en

Figure 36 Distribution cumulée du pourcentage de contribution à la réflexion ondes courtes en fonction de la taille du système. D’après Del Genio and Kovari 2002.

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évidence que les nuages hauts de la Warm Pool possèdent de fortes épaisseurs optiques et des couvertures modérées, à l’opposé de la région de la Baie du Bengale en été ou règne une importante couverture de nuages hauts et épais, expliquant les observations de forçage net très négatif. Ces résultats suggèrent que les propriétés radiatives ondes courtes des nuages dans cette région jouent un rôle important dans la rétroaction nuageuse (cf. aussi Wu and Kau, 2007). La partie ondes courtes du bilan radiatif est aussi mise en avant pour expliquer les anomalies du forçage net observées en sur le continent en Afrique équatorial (Futyan et al., 2005) en soulignant l’influence des nuages bas entre les nuages convectifs et les variations de l’albédo de surface en ciel clair. D’autres études se concentrent sur le spectre ondes longues et mettent en avant, comme nous, l’importance de l’humidité pour le flux ciel clair (Sohn et al., 2009). Cette variété d’interprétations, plus ou moins convaincantes, montre que les déterminants principaux de la quasi-annihilation restent à être clarifiés. Nos résultats partagent avec la théorie de Kiehl l’idée que le forçage radiatif ondes courtes, bien que complexe à souhait, possède un déterminant principal et que les subtilités de la microphysique nuageuse ne peuvent pas le faire varier beaucoup. Notre analyse (et d’autres telles que Ockert-Bell and Hartmann, 1992) supporte l’idée que c’est la nébulosité haute, qui en priorité, détermine le forçage ondes courtes dans une région et pas les propriétés radiatives ondes courtes des nuages que l’on peut simplifier. Dans le cas de quasi-annihilation, la nébulosité n’intervient pas et l’on considèrera donc des propriétés optiques moyennes pour l’onde courte. Notre approche partage aussi avec la théorie de Kiehl que c’est le forçage ondes longues qui est important pour la quasi-annihilation. Nos résultats supportent l’idée que la microphysique (i.e., l’émissivité) des enclumes n’est pas un déterminant important de la variabilité du bilan radiatif ondes longues et sont compatibles avec la théorie de Kiehl en remplaçant les nuages « noirs » par des nuages « gris ». En revanche, nos observations soulignent que CL est aussi influencé par la co-variation de la macro physique du nuage convectif avec l’eau précipitable de son environnement. Notre étude montre donc que le modèle de Kiehl peut tout à fait rendre compte des observations de la Baie du Bengale sans faire appel à la microphysique et sans compliquer la partie ondes courtes du problème si on lui rajoute un degré de liberté à travers cette dépendance de CL à la vapeur d’eau (d’ailleurs initialement prévue à travers le terme Ga mais pas exploitée). Nous avons ainsi montré, qu’à nuage donné, on passe d’un régime de quasi-annihilation à un forçage net très négatif en augmentant l’humidité dans la colonne atmosphérique.

3.1.3 Implications pour les théories de l’ERCT et l’ERCDT L’une des conséquences des résultats de Kiehl sur la quasi-annihilation concerne sa dépendance à la hauteur de la tropopause tropicale qui forme une hauteur limite supérieure pour les systèmes convectifs et qui a la propriété intéressante de ne pas trop dépendre de la SST. Ainsi, on peut difficilement imaginer un écart important en cas de changement climatique à cette quasi-annihilation sans faire appel à de profonds bouleversements de l’atmosphère (cf. section « Doublement du CO2 » page 9). De plus, cette analyse éloigne les risques de dépendances fortes à la microphysique des nuages qui ruinerait une grande partie des tentative de prédiction climatique. Ce sont ces arguments qui permettent à Pierrehumbert de consolider l’hypothèse CS+CL=0 dans la colonne convective de son modèle. Nos résultats suggèrent eux, que toute choses étant égale par ailleurs, dans une atmosphère plus humide, on a

CS+CL<0

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A humidité relative constante, l’augmentation de la température de l’atmosphère conduit à une humidification (cf. la section « Discussion » du chapitre « Climat tropical et humidité de la troposphère libre » page 30) et par conséquent, on peut spéculer que l’hypothèse de la quasi-annihilation sera caduque. Cela nécessite de modifier le modèle de l’ERCDT et d’y inclure, dans la colonne convective, un nouveau degré de liberté pour permettre au régime « baie du Bengale » de s’exprimer pleinement. Il faut donc paramétrer cet effet et évaluer ses conséquences sur le climat dans le modèle de l’ERCDT. Comme nous l’avons montré, le lien entre la météorologie et les propriétés physiques d’une région est très fondamentale et une telle paramétrisation doit le prendre en compte6. C’est ce que l’on regarde en détails dans le prochain chapitre.

6 Sa plus simple expression consiste à stratifier les résultats en SST et en vitesse verticale mensuelle pour décorréler la réponse dynamique (la météorologie) et des processus à la SST (Del Genio and Kovari, 2002).

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4 Climat tropical et précipitation

1 Contexte scientifique L’évolution des précipitations dans le contexte du changement climatique global fait l’objet d’attentions méritées, bien que relativement récentes7. Des considérations sur le bilan d’énergie global de la terre contraignent fortement les précipitations globales et leur évolution (Stephens and Ellis, 2008). Dans les tropiques, seul l’équilibre radiatif-convectif classique propose une perspective théorique conduisant à l’attente d’une augmentation des pluies avec le CO2 et l’humidité. Le taux d’augmentation des pluies par degré de réchauffement reste malgré tout difficile à évaluer (Wentz, 2007 ; Allan and Soden, 2007). Les tendances sont en effet, nulles, en ce qui concerne la pluie tropicale en moyenne (Gruber and Levizzani, 2008). En revanche plusieurs études ont mis en évidence, qu’à moyenne stable, correspondait une augmentation des évènements, les plus faibles et les plus intenses. La Figure 37 illustre ainsi la tendance récente des pluies fortes à augmenter depuis 25 ans. On glisse donc d’une problématique globale, moyenne, vers un questionnement sur les extrêmes de pluie dans les tropiques. On retrouve comme discuté plus bas la même tendance à s’interroger sur l’évolution des extrêmes en global (Trenberth, 2003)

Figure 37 Tendances linéaires normalisées 1979-2003 des taux de pluies tropicales. GPCP en noir. CMAP en blanc. D'après Lau and Wu, 2006.

Une des principales difficultés consiste à identifier et bien définir ce que peut être un événement intense ou extrêmes (Zipser et al., 2006). De même, le lien entre précipitation intense et météorologie est très important comme le montre la Figure 38 à mettre en regard des Figure 30 et Figure 32. En effet, les maximum de précipitation ont lieu pendant la phase active de la perturbation intrasaisonnière, de manière concomittante à l’augmentation de la nébulosité haute et des systèmes convectifs profonds.

Figure 38 Série temporelle des pluies dans une région de l’océan Indien pendant INDOEX. Une moyenne glissante de 7 jours est appliquée aux données quotidiennes pour lisser la courbe (cf. Figure 30 et Figure 32).

7 On se rappellera en septembre 2001 la sortie enragée de Pierre Morel à la conférence GEWEX au collège de France à Paris fustigeant le rapport IPCC pour ne contenir que 8 pages sur la pluie...

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On regarde donc à la fois les événements convectifs et les précipitations auxquels on se réferrera sous la terminologie floue d’évènements intenses. Je me suis donc atteler à la tache de mieux comprendre l’occurrence des évènements convectifs et précipitants tropicaux, en lien avec la météorologie, tant sur le continent (africain) que sur l’océan (indien), hors cyclones. Pour ces derniers, le lecteur intéressé se reportera sur une synthèse récente (Knutson et al., 2010).

2 Contributions

2.1 Mesure des précipitations par satellite

2.1.1 Validation : méthode et résultats

Avant d’utiliser un outil pour caractériser les événements de pluie, nous nous sommes intéressés à mener dans le cadre de AMMA (Redeslperger et al., 2006) un effort de validation/évaluation afin de d’établir un premier état de l’art sur l’Afrique de l’Ouest. Le travail a été conduit de manière classique en menant des comparaisons avec des observations sol kriggées. L’échelle considérée est le cumul à 10 jours. Un ensemble de 10 produits satellites est analysé. La Figure 39 montre un exemple de résultats de comparaisons (Jobard et al., 2010).

La conclusion de cette étude exhaustive peut se résumer ainsi : La nouvelle génération de produits pluie est en très bon accord avec les réseaux sols, à

10 jours. Les meilleurs produits sont ceux qui mélangent IR, micro-ondes et pluviomètres Les produits RT sont très loin d’avoir des scores comparables aux meilleurs produits.

Figure 39 Cumuls à 10 jours sur la dernière décade d'Aout 2005. D'après Jobard et al., 2010.

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Etant donné la qualité atteinte pour la décade, il est alors possible d’explorer si ces produits sont utiles aussi aux échelles plus courtes, associées à la météorologie. Néanmoins à ces échelles courtes, des problèmes méthodologiques surgissent pour comparer réseau sol et satellite. Nous avons donc développé une nouvelle approche des comparaisons, fondées sur le calcul des erreurs d’estimation des cumuls satellites et le bloc-kriggage des pluviomètres. On s’est enfin attaché à élaborer un benchmark météorologique laissant pour l’instant de coté les échelles hydrologiques (cf. 3.1.3). Un exemple de résultat est montré dans la Figure 40 qui comparent trois produits de références aux observations AMMA sur le site d’Ouémé filtrées dans la bande des ondes d’Est africaines. Ces travaux couvrent aussi le cycle saisonnier, l’intra saisonnier et le cycle diurne en plus des échelles synoptiques. Ils soulignent encore une

fois, que la nouvelle génération d’estimation satellite est pleinement exploitable aux échelles clefs de la météorologie tropicale, lorsque les cumuls sont associés à une barre d’erreur qui les rend utilisables. Ces conclusions nous ont donc amené à développer un nouveau produit combiné infrarouge/micro-onde auquel nous avons adjoint une estimation de l’erreur comme discuter ci-dessous.

2.1.2 Algorithmes et produits Au-delà des travaux de downscaling statistico-physique des précipitations à partir de METEOSAT et de TRMM appliqués à la campagne AMMA (Bergès et al., 2009; Bergès et al., 2010), nous nous sommes impliqués en amont à la construction d’un produit couvrant la ceinture tropicale entière et qui propose des cumuls journaliers à1°/1 jour ainsi qu’une estimation des erreurs associées. Ce travail est mené dans le cadre de la thèse de Philippe Chambon et en collaboration avec Isabelle Jobard. Ces calculs exploitent les observations de l’ensemble des géostationnaires dans l’infrarouge, à pleine résolution spatiale et temporelle ainsi qu’une suite d’inversions de pluies instantanées issus des satellites défilant à imageur micro-ondes (Viltard et al., 2006 ; Viltard et al., 2011). La méthode s’inspire de Kidd et al. 1999 qui a été légèrement modifiée pour prendre en compte le volume important de mesure micro-ondes. Les estimations d’erreurs sont calculées pour chaque région et mise à jour tous les 10 jours (Chambon et al., 2011). Le bilan d’erreur est composé d’un terme prépondérant d’échantillonnage (Roca et al., 2010) et d’une contribution estimée de l’incertitude sur les inversions micro-ondes. Un exemple de résultat est montré dans la Figure 41.

Figure 40 Scatterograms of the 3-5 days filtered daily rainfall (mm/h) of EPSAT estimates (Fig. a),GSMAP estimates (Fig. b) and TMPA estimates (Fig. c) versus the 3-5 days filtered daily rainfall Gauges estimates over the Ouémé site. One-sigma error bars are over plotted. The full line are the regression lines of the regressions taking the error bars into account, and the dashed line are the regression lines without errors.

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Les erreurs varient en fonction de l’intensité du cumul, très forte pour les faibles cumuls et de l’ordre de 20% pour les cumuls supérieurs à 10 mm/jour. Ces travaux sur l’estimation quantitative des produits précipitation par satellite vont nous permettre d’explorer les évènements intenses de précipitation plus avant (cf. « Perspectives »), je me suis néanmoins concentré (chronologiquement bien avant ces études récentes) sur l’interprétation physique de ces évènements intenses dans les tropiques.

2.2 Interprétation physique des évènements convectifs intenses : lien avec la météorologie

2.2.1 Événements convectifs intenses en Afrique de l’Ouest

Au travers de l’étude d’un cas d’une ligne de grain (évènement intense, s’il en est) en Afrique de l’Ouest et de l’analyse de l’été 2006 en détails, je me suis intéressé aux raisons qui conduisent à l’existence de ces systèmes convectifs africains

Un Cas Hapex-Sahel: onde d’est et intrusions sèches Le 21 Aout 1992 a eu lieu au Niger une ligne de grain qui a durée plus de 20h et qui a été décrite dans plusieurs articles liées à la campagne Hapex-Sahel. Le scénario est résumé dans la Figure 42 qui montre comment après l’explosion de quelques cellules convectives en fin de matinée sur l’Aïr, la convection s’organise en ligne de grain et se propage vers le Sud Ouest de la région pour se dissiper dans la fin de nuit vers Niamey.

Figure 41 Accumulation de pluie d'après l'algorithme TAPEER pour le 1/8/2009 (haut). Erreur due à l'échantillonnage (bas). D’après Chambon et al., 2011.

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Cette ligne de grain évolue dans une perturbation dynamique classique de la région, une onde d’est africaine, et l’étude de modélisation montre que le système convectif organisé modifie significativement la circulation de grande échelle en ralentissant l’AEJ et en renforçant le TEJ. En se basant sur des travaux antérieurs, sur l’Océan tropical pendant la campagne TOAG-COARE, nous avons investigué plus en profondeur le rôle de l’humidité de la troposphère libre dans le développement d’un tel évènement. Pour cela, j’ai mobilisé les outils associés à la mise en œuvre du paradigme de l’advection-condensation (cf. paragraphe 2.2.1 page 25) et conduit une étude sur l’environnement troposphérique de la ligne de grains. Après une phase de validation utilisant des radiosondages et qui confirme l’utilité des calculs de rétro trajectoires et d’humidité, le champ d’humidité à 500 hPa est reconstitué et l’origine des masses d’air est précisée (Figure 43).

Ces calculs relèvent que la ligne de grain s’organise dans une troposphère particulièrement sèche à son avant et de plus que cet air très sec est originaire du jet polaire qui en été se situe aux latitudes de la France (Roca et al., 2005). On sait depuis GATE qu’en effet les lignes de grains sont associées à une troposphère moyenne très sèche (et à un fort cisaillement de vent) (Barnes et Sieckman, 1984). L’effet d’une couche d’air sec sur la convection est en effet plutôt complexe. L’air sec peut d’une part inhiber le développement de la convection, soit à

Figure 43 Diagramme de Hovmüller sur le Sahel pendant le cycle de vie de la ligne de grain Hapex. Les isolinges sont issues de METEOSAT et indiquent la position des nuages convectifs. A gauche en couleurs le champ d’humidité relative à 500 hPa est représenté tandis qu’à droite on montre la latitude de dernière saturation des masses d’air. D’après Roca et al., 2005.

Figure 42 Schéma de développement de la ligne de grain du 21 Aout 1992. D'après Diongue et al., 2002.

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travers l’entrainement d’air sec dans la cellule ascendante qui conduit à une diminution de la flottabilité de la masse d’air, soit à travers la création d’une inversion de température, radiativement, à la base de la couche sèche. D’autre part, la zone sèche peut, pour de la convection déjà déclenchée, faciliter l’évaporation dans les descentes précipitantes ce qui tend à renforcer le courant de densité associé et par conséquent la création de nouvelles cellules convectives à l’avant du courant. L’air sec possède donc des propriétés inhibantes ou favorables à la convection selon le phasage du cycle de déclenchement de la convection. Dans le cas de la ligne de grains d’Hapex, c’est la réponse favorable qui se réalise. Notons que cette étude propose un lien original entre la dynamique des moyennes latitudes (ondes de Rossby déferlantes) et les évènements intenses en Afrique de l’Ouest pendant la mousson. Ce résultat souligne la difficulté à évoquer l’occurrence d’un évènement extrême tropical sans considérer son environnement météorologique ici compliqué par l’interaction avec les moyennes latitudes.

AMMA : synoptique et onset

La campagne AMMA a été l’occasion d’explorer plus en avant le lien entre les intrusions d’air sec et la convection de la mousson africaine. Le comportement atypique de la mousson 2006 nous aura permis de clarifier les différents schémas de l’interaction entre la convection et l’air sec extratropical. En effet, on observe très bien cette année là, deux types d’intrusions sèches :

Le premier type d’évènement correspond à des intrusions pan-sahéliennes, de grande échelle. Elles apparaissent la première décade de Juillet, à l’Onset (voir ci-dessous) ; mi-aout et à la fin Septembre. Ces panaches sont composés d’air très sec avec une humidité relative à 500 hPa sous 10% et parfois sous 5% et durent de 3 à 5 jours. Ces structures se propagent de 25°E vers la côte Atlantique. Ces trois évènements sont séparés par environ 40-50 jours et sont associées à la MJO telle que décrite par Janicot et al., (2008). Ces intrusions inhibent la convection profonde.

Le second type d’intrusions est caractérisé par des échelles plus petites et des humidités relatives de 10%. Ces dernières sont restreintes au Sahel et exhibent des échelles de temps synoptiques et ressemblent au cas décrit ci-dessus (Roca et al., 2005).

L’analyse détaillée du contexte synoptique (Deme and Roca, 2008) nous a permis de préciser que les intrusions sèches de la troposphère moyenne s’étendent au Sud de la zone de discontinuité intertropicale et donc sont en mesure de moduler la convection profonde de la mousson et qu’elles existent indépendamment des structures de basse troposphère telle que les ondes d’Est. C’est donc en lien avec la variabilité de la météorologie de la région que le processus d’interaction avec la couche d’air sèche et la convection va s’exprimer, inhibition pour les événements de grande échelle et combinaison des effets pour les modes « Hapex » (Roca et al., 2010). L’analyse approfondie de l’onset de 2006 a permis de souligner le rôle clef de ces intrusions grande échelle dans le déroulement de la mousson africaine (Flaounas et al, 2011a) et de l’importance de la mousson indienne comme source de chaleur et d’émission des ondes de Rossby qui autorisent plus tard les intrusions sèches (Flaounas et al, 2011b). Ces travaux montrent aussi l’intérêt de créer une dynamique scientifique large sur les problèmes de

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météorologie tropicale liant les dynamiciens aux physiciens méso-échelle. Plus localement, à Dakar, on observe aussi très bien cet effet inhibant de l’intrusion d’air sec de grande échelle comme le montre les travaux de thèse de Mohamed Ly. La Figure 44 montre le profil d’humidité relative à Dakar pendant une intrusion identifiée par Deme and Roca (2009) et met en évidence une couche d’air très sec au dessus de 500 hPa à la base de laquelle se développe radiativement une inversion de température qui conduit à l’inhibition de la convection profonde pendant cette période (Roca et al., 2011c). Notons que le modèle LMDz, armé de sa « nouvelle » physique et guidé par les ré-analyses du CEPMMT, et zoomé avec des mailles de l’ordre de 80km, simulation très récente, reproduit correctement ces anomalies du profil d’humidité.

AMMA : climatologie des systèmes convectifs et précipitation.

A l’échelle interannuelle, il est nécessaire de considérer l’ensemble du spectre des systèmes convectifs pour expliquer les anomalies de précipitation. Aucune classe seule ne permet de rendre compte des précipitations. Cependant la combinaison des classes, telle qu’extraite d’une régression multilinéaire, montre une forte variabilité spatiale, suggérant une variabilité de l’efficacité précipitante des systèmes. L’analyse ne révèle aussi aucune tendance sur les 25 dernières années pour aucune classe de MCS et souligne la difficulté à quantifier la variabilité des évènements convectifs intenses (Fiolleau et al., 2009 ; 2011).

2.2.2 Événements convectifs intenses dans l’Océan Indien

L’analyse de la convection profonde dans l’Océan Indien permet aussi de renforcer cette perspective. Le déroulé d’une oscillation intra saisonnière permet en effet de caractériser l’enchaînement des mécanismes qui conduit à des évènements intenses sur l’Océan. Ainsi la Figure 45 nous indique un comportement similaire dans deux régions de l’océan Indien en hiver en ce qui concerne la séquence d’OLR. En moyenne sur les boites, l’OLR commence à

Figure 44 Profile d'humidité relative à Dakar pendant une intrusion sèche extratropicale en traits pleins et pendant une phase active de la convection en traits pointillés. A gauche le radiosondage et à droite profiles issus d’une simulation guidée-zoomée nouvelle physique de LMDz. Tiré de la thèse de Mohamed Ly, 2010.

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se refroidir, ce qui correspond, dans un premier temps, à une augmentation du nombre de systèmes convectifs à taille constante puis à une diminution du nombre de systèmes mais à une augmentation de leur taille très marquée. La perturbation grande d’échelle interagit avec les systèmes convectifs individuels. Les caractéristiques individuelles de la convection organisée (taille, profondeur, CRF, et probablement les précipitations, etc… telles que décrites dans Roca et al., 2002) sont donc intimement liées à la météorologie. Ainsi les événements convectifs les plus intenses appartiennent à l’enveloppe intra saisonnière. La Figure 45 montre que selon la région, la même anomalie de convection, donc la même perturbation des flux de surface radiatif et le même renforcement des flux latent par les rafales associés aux systèmes se traduit par une réponse en SST très différente : au Nord la température de l’océan n’est presque pas modifiée par la perturbation convective tandis qu’au Sud, la SST se refroidit de 3K. L’importance de l’épaisseur de la couche mélangée souligne bien l’importance du contexte océanographique cette fois pour interpréter les relations entre la SST et la convection à ces échelles (Duvel et al., 2004) On retrouve cette sensibilité météorologique au dessus du continent indien aussi en été, où l’on a observé des propagations vers le Sud, rapides, de MCS au sein d’une perturbation de grande échelle (phase active) de la mousson pendant la migration vers le Nord de l’ITCZ (Rao et al., 2004).

3 Discussion

Les conséquences de ce changement des conditions de surface dans les tropiques sont multiples pour les précipitations. Dans le cadre d’un équilibre radiatif-convectif global, on peut ré-écrire le bilan énergétique de l’atmosphère le plus simplement possible (cf. Section « Prédiction : les précipitations» page 11) en négligeant l’effet des nuages et le flux de chaleur sensible

Rnet,clr = Lc,sP (7) Ou Rnet,clr est la contribution ciel clair à l’augmentation de l’émission infrarouge de l’atmosphère, soit plus de refroidissement radiatif. L’humidification des basses couches concomitante au réchauffement climatique de la surface (cf. Chapitre « Le changement climatique global» page 9) conduit donc à une augmentation des précipitations moyennes à un

Figure 45 Evolution temporelle dans l'océan indien pendant une perturbation intrasaisonnière. Duvel and Roca, 2002.

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taux plus faible. Bien que robuste à l’échelle globale, il est difficile de dire si cela reste vrai à l’échelle de la ceinture intertropicale. Si l’on fait l’hypothèse que c’est le cas, on peut alors s’interroger sur les mécanismes physiques qui permettraient une telle évolution des précipitations tropicales. En notant, M le flux de masse de la branche ascendante de la circulation de Hadley/Walker et q, l’humidité de la couche limite, on peut écrire que les pluies en moyenne sur la cellule atmosphérique sous la forme (Held and Soden, 2006)

P=Mq

Ainsi, de l’augmentation de q au taux de la loi de Clausius-Clapeyron, et de l’augmentation moins rapide de P, il découle que M doit diminuer. On assiste donc à une diminution de l’intensité de la circulation tropicale mesurée par son flux de masse. Ce mécanisme pourrait donc satisfaire les contraintes énergétiques. D’autres réflexions suggèrent un affaiblissement de la circulation tropicale, sans lien direct avec les précipitations, en considérant l’évolution de la stabilité de l’atmosphère tropicale avec la convection profonde. Une convection plus profonde serait due à un soulèvement de la tropopause ce qui implique une atmosphère plus stable et a pour conséquence un ralentissement de la circulation tropicale (Chou and Chen, 2010). Une autre conséquence de l’augmentation de 7%K-1 de la vapeur d’eau des basses couches concerne l’intensification des précipitations et l’intensification des évènements extrêmes. Le principal argument consiste à dire que les évènements extrêmes correspondent à des moments ou la colonne convertie le maximum de son humidité atmosphérique en pluie (Allen and Ingram, 2002). Par conséquent une augmentation de l’eau atmosphérique conduirait à des précipitations plus intenses. On peut faire intervenir la convection profonde pour rendre plus physique cette hypothèse, si l’on considère, de manière simpliste, que les évènements intenses de pluie sont dus à la convergence d’humidité dans l’environnement immédiat des orages, plus d’humidité impliquerait plus de précipitation (Trenberth, 2003). En combinaison avec le ralentissement global du cycle de l’eau, ce genre d’argument, pousse à conclure que dès lors, les évènements précipitants orageux seront moins fréquents et plus intenses. Dans les deux cas, on s’attendrait donc à des évènements intenses plus intenses et de la convection plus profonde.

3.1.1 Evènements intenses dans les tropiques

Comme nous l’avons souligné la mesure des précipitations depuis l’espace, seule source en adéquation avec la problématique qui nous intéresse, est délicate. Ainsi on assiste à des débats très riches sur l’évolution des précipitations tropicales récentes, contradictoires, (Wentz et al., 2007 ; Gu et al., 2007, Stephens et al., 2010) et qui opposent donc différents modèles et théories. La mesure de la pluie est une mesure indirecte et bien que des progrès importants ont été réalisés récemment comme l’on montré nos études, il faut l’exploiter avec précaution et si possible conjointement avec une estimation de l’erreur comme nous le proposons. Les pluies cumulées de mousson en Afrique de l’Ouest sont très sensibles à la période de démarrage de la mousson et on a montré que l’onset d’Afrique de l’Ouest était fortement corrélé avec l’activité de la mousson indienne par les intrusions d’air secs extratropicales. Comprendre l’évolution des pluies moyennes requiert donc une lecture complexe incluant les phénomènes de mousson indienne et ouest africaines et de leurs téléconnections « humides » dont le lien avec le refroidissement radiatif à l’échelle des tropiques ne nous apparaît pas direct.

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De même, nous avons montré que les évènements intenses se réalisent non pas de manière simpliste comme suggéré par Trenberth, mais qu’ils résultent d’un environnement météorologique particulier. Ainsi, il faut considérer le flux de mousson, les ondes d’est, les montagnes et l’air sec de la moyenne troposphère d’origine extratropicale, pour expliquer une ligne de grains typique en Afrique de l’Ouest. Notre analyse des précipitations et des systèmes convectifs en Afrique de l’Ouest sur les 24 dernières années ne permet pas de mettre en avant la moindre tendance significative des évènements intenses dans cette région où le signal interannuel domine la variabilité observée. Sur l’océan Indien, nos études montrent que c’est au sein d’une perturbation intra saisonnière qu’ont lieu les pluies et les évènements convectifs les plus intenses. Rien ne laisse à penser que ces perturbations dynamiques ont évoluées simplement depuis 30 ans et il est encore moins évident d’anticiper leur devenir. Il nous semble donc un peu trop tôt pour conclure à une évolution donnée des précipitations tropicales moyennes et de leurs extrêmes dans le climat récent. On insiste sur la nécessité de travailler dans un contexte météorologique pour bien comprendre la pluie cumulée et les extrêmes ou évènements intenses.

3.1.2 Implications pour la théorie de l’ERCD tropical

Les observations sont encore trop incertaines ou mal utilisées pour vraiment contraindre les différentes théories évoquées. Les simplifications les plus brutales sont érigées en principe physique robuste et des conséquences difficiles à exploiter sur les événements extrêmes sont médiatisées à outrance. On se retrouve aujourd’hui en ce qui concerne les précipitations tropicales comme avec les températures il y a 30 ans aux débuts des années 1990. (cf. section « Et dans la ceinture intertropicale ?» page 5). Il est donc difficile d’identifier des implications claires pour la théorie de l’ERCD tropical. Il apparaît néanmoins qu’il serait intéressant d’exprimer la diminution du flux de masse en réponse à l’augmentation du refroidissement radiatif sur toute la circulation. Cela reviendrait à coupler les précipitations dans la fournaise à l’émission radiative e2 de la colonne fournaise+radiateur. Nos travaux suggèrent aussi un fort couplage entre la colonne convective et les régions extratropicales à travers la dynamique des intrusions sèches et appellent à une prise en compte de cet effet dans l’approche ERCD tropical pour expliquer les précipitations de la fournaise. Pour que cette approche théorique puisse nous renseigner sur les évènements intenses, il est nécessaire de s’assurer que l’on puisse proposer un scaling depuis des paramètres de grande échelle de la théorie vers ces évènements. La forte composante dynamique et météorologique qui leur est associée, comme marteler dans ce chapitre, suggère qu’il faudrait s’intéresser à la dépendance grande échelle des perturbations convectives tropicales.

3.1.3 Implications pour l’hydrologie continentale

Au-delà des aspects théoriques, il est important de se poser la question des implications de l’évolution des pluies tropicales et de ses extrêmes pour l’hydrologie Il est plutôt difficile d’explorer l’impact hydrologique des évènements intenses et leurs évolutions à long terme. Au-delà de la récente remise en cause des paradigmes fondamentaux de l’hydrologie (Milly et al., 2008), le lien entre la pluie des météorologues et la pluie des hydrologues est rendu difficile pour deux raisons. La raison principale réside dans la complexification qu’induit le traitement des surfaces continentales. Les nouvelles non-linéarités amenées par les sols, en terme de réponse des réservoirs et du run-off et l’anthropisation des sols rendent la tache particulièrement plus difficile à ceux qui tentent de relier l’atmosphère à l’hydrologie et aux ressources en eau.

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La seconde raison est illustrée par la Figure 46 qui montre les difficultés conceptuelles à évoquer la pluie selon l’outil principalement utilisé et la définition même de ce que ces instruments mesurent. De même, il apparaît important de souligner l’importance de la météorologie pour le bilan d’eau des surfaces continentales et des échelles synoptiques en particulier (Bielli and Roca, 2009). Gageons qu’un rapprochement continu des deux communautés, autour d’une hydro-météorologie satellitaire tropicale à formuler, pourrait venir à bout d’une partie de ces difficultés.

Figure 46 Diagramme de Hovmüller construit sur une boîte de (18)2 (1.58E 2.48E; 9.08N 10.08N) montrant un amas convectif se propageant vers l’Ouest le 28 juillet 2006. De gauche à droite, le diagramme représente (a) la température de brillance à 10.8 �m de MSG, (b) un sous-produit de EPSAT-SG correspondant à la probabilité de pluie. De (c) à (e), il s’agit de la pluie au sol estimée par EPSAT-SG (Bergès et al., 2009b), GSMAP-MVK (Ushio et al., 2006) à la résolution de 0.1°x 1 heure et TMPA (Huffman et al., 2007) à la résolution de 0.25°x3 heure. Les données sol de validation utilisées sont (f) les pluviographes (Données par courtoisie de M. Gosset du LTHE) et (g) estimation radar à 1.5 km d’altitude (Données par courtoisie de N. Viltard du CETP). Tiré de Roca et al., 2010.

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5 Conclusions et perspectives

1 Résumé Ce travail porte sur l’étude des mécanismes et processus importants pour déterminer le climat tropical. Une théorie du climat tropical, l’équilibre radiatif-convectif-dynamique est confrontée à des séries d’observations, principalement issues de mesures satellite permettant l’identification des aspects robustes de cette théorie vis-à-vis du climat réel. Des efforts méthodologiques ont été réalisés pour exploiter les observations des satellites météorologiques à cette fin, portant à la fois sur l’étalonnage des mesures et sur les développements algorithmiques et l’estimation des erreurs. L’analyse de ces observations a permis une caractérisation précise de la variabilité des éléments du cycle de l’eau et de l’énergie dans la ceinture tropicale. Une interprétation physique et dynamique est ensuite proposée à ces modes de variabilité. L’interprétation s’appuie sur l’utilisation d’outils de modélisation du transport de l’eau et principalement de résultats de modèles de transport lagrangien. Plus précisément, mes travaux nourrissent la théorie considérée le long de trois points décrits ci-dessous.

1.1.1 Relecture de la rétroaction de la vapeur d’eau dans la troposphère libre subtropicale

En résumé, il est montré que le paradigme de l’advection condensation, qui s’exprime par le concept de dernière saturation, rend bien compte des observations d’humidité dans ces régions depuis l’échelle instantanée jusqu’à la variabilité interannuelle. La théorie classique de la rétroaction de la vapeur d’eau ainsi que son homologue tropical semble donc laisser place au paradigme de l’advection-condensation pour la branche « sèche » du climat tropical. Il n’est donc plus nécessaire de faire appel à une augmentation de l’évaporation de surface ni à Clausius-Clapeyron pour l’exprimer. Pour comprendre comment la vapeur d’eau troposphérique subtropicale va évoluer dans le cadre du réchauffement global et par conséquent quel sera son effet sur le bilan radiatif, il faut être en mesure de qualifier comment les statistiques de dernière saturation évolueront dans le futur. En particulier, il nous faudra comprendre le rôle respectif des sources tropicales et extratropicales dans ce contexte et s’appuyer sur cet effet indirect de Clausius-Clapeyron. Gardons à l’esprit néanmoins, que dans la branche « humide » du climat tropical, la dernière saturation ne rend pas compte de la distribution observée (sauf dans les cas ou de l’air sec et subsident est présent). Dans l’environnement immédiat des systèmes convectifs tropicaux, on considère en effet que l’humidité troposphérique serait influencée par l’évaporation des cristaux de glace nuageux en plus du détrainement d’air saturé, qui combinés conduirait à une humidification de la troposphère libre par la convection, en opposition avec l’idée fortement ancrée dans les schémas de convection, que l’on devrait s’attendre à un assèchement. Il en résulte une zone d’incertitude concernant les processus participants au maintien de l’humidité dans l’environnement convectif de la branche humide laissant une incertitude sur l’évolution de l’humidité dans cette dernière région dans le cadre du réchauffement global. En particulier, importante pour le point suivant.

1.1.2 Réaffirmation de l’importance du bilan radiatif des nuages hauts dans l’ITCZ

Du fait de la « quasi-annihilation » au sommet de l’atmosphère, les nuages hauts dans l’ITCZ sont, dans la théorie de Ramanathan and Collins, responsables du thermostat de la TSM tropicale. Dans la théorie de Pierrehumbert en revanche, tant que cette « quasi-annihilation »

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est considérée, les nuages élevés n’influent que peu sur la température de la surface à l’équilibre. Nos travaux sur le bilan radiatif des systèmes nuageux dans l’Océan Indien, en opposition avec d’autres perspectives sur le sujet, suggère que ce ne sont pas les propriétés radiatives intrinsèques des systèmes nuageux qui contrôle la « quasi-annihilation » mais le contenu en vapeur d’eau de la colonne. En particulier, un nuage, dans l’environnement de la Baie du Bengale, un des endroits les plus humides des tropiques, aura un effet radiatif très différent (un forçage net au sommet négatif), que ce même nuage dans l’Océan indien équatorial ou dans le Pacific Est ou l’on rencontre des régions normalement humides. Par conséquent, dans un climat où l’atmosphère est plus chaude, et que l’on se projette dans l’idée que ce réchauffement serait associé à une augmentation du contenu de l’humidité de la colonne atmosphérique, la « quasi-annihilation » ne serait plus maintenue. Dans le cadre de l’approche de Pierrehumbert, on assisterait alors à un renforcement du rôle des nuages hauts dans l’équilibre énergétique d’un climat plus humide (« Bay of Bengal effect ») qui restent à être précisé. Dans le contexte unidimensionnel de l’ERDT, des analyses récentes suggèrent que les nuages hauts jouent un rôle intermédiaire entre la rétroaction négative de R&C et de l’hypothèse FAT (Del Genio et al., 2005).

1.1.3 Importance du lien entre météorologie et précipitation intense dans les Tropiques

La compréhension d’un phénomène tel qu’une ligne de grains au Sahel ou un gros système convectif de méso-échelle océanique, repose dans les deux cas, sur une compréhension préliminaire de l’environnement thermodynamique et dynamique dans lequel la convection atmosphérique se développe. Nos travaux africains soulignent que les lignes de grains sont associés à une série de facteurs environnementaux (orographie, cisaillement, ondes,…) parmi lesquels la présence d’air sec à mi-troposphère. L’origine extratropicale de cet air sec est révélée ce qui complique encore un peu le portrait de ces événements. Ces interactions tropiques / extra tropiques agissent à l’échelle supra synoptique (10-20 jours) ainsi qu’à l’échelle de la MJO comme l’ont montré nos analyses d’AMMA. A l’échelle météorologique (2-5 jours), on observe aussi de fortes relations retardées entre l’évaporation locale et la précipitation indicatrice de l’importance du contexte météorologique dans la production des pluies continentales. De même sur l’Océan, nos études soulignent que les événements les plus importants de l’ITCZ sont des systèmes convectifs organisés et les plus extrêmes d’entre eux se développent dans les phases actives de la MJO, avec des effets sur les TSM dépendant de l’état de l’océan et ainsi confirmant l’importance de la météorologie et océanographique dans ce contexte océanique. Rappelons enfin que nos études sur l’estimation des pluies montrent que malgré des difficultés aux échelles hydrologiques, la nouvelle génération de produits se comporte très bien aux échelles pertinentes pour la météorologie. La théorie de l’équilibre-radiatif-convectif global prédit sous l’effet d’un réchauffement global, une augmentation des précipitations moyennes qu’il est tentant, de transposer aux régions tropicales. Le taux d’augmentation des pluies est contrôlé par le rayonnement et est plus faible que l’humidification des basses couches, induisant un ralentissement du cycle de l’eau. Une conséquence de l’humidification des basses couches à un taux dicté par la loi de Clausius-Clapeyron concerne les événements les plus intenses. Des arguments simplistes sont mis en avant pour spéculer sur leur raréfaction et leur intensification. Ces arguments s’opposent avec le degré d’élaboration et de raffinement rapportés par les études ci-dessus sur les mécanismes en jeu autour des phénomènes intenses dans les tropiques. Ainsi, les plus gros systèmes nuageux de l’Océan Indien ne peuvent s’exprimer qu’au sein d’une perturbation du type MJO, dont notre compréhension reste imparfaite, en tous cas, l’évolution de ses caractéristiques dans le cadre du changement climatique nous est aujourd’hui difficilement accessible. Dans ce contexte ou les théories classiques semblent mal adaptées à décrire le

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phénomène en question, où l’environnement de la convection joue un rôle très important, il apparaît délicat de faire des projections sur l’avenir des précipitations extrêmes dans les Tropiques. Le lien avec la dynamique est crucial pour réussir cette régionalisation. Une piste consiste à reconsidérer la forte dépendance météorologique des événements extrêmes de pluie dans les tropiques et à explorer préliminairement comment le changement climatique fait évoluer les situations météorologiques tropicales.

2 Discussions

2.1.1 Enrichissement du cadre théorique

Une bonne partie de ces travaux sont synthétisés dans deux reviews publiées récemment. La première adresse à la fois les aspects précipitation et forçage radiatif des nuages convectifs (Roca et al., 2010) et la seconde se concentre sur la convection et la vapeur d’eau dans les tropiques (Sherwood et al., 2010). En particulier, on y fait ressortir une vision enrichie des sources et des processus physiques à l’œuvre dans le contrôle de la distribution d’humidité dans la troposphère libre. L’évolution de ce schéma par rapport à la Figure 10 permet d’entrevoir les progrès de notre compréhension acquis sur les 10 dernières années

De manière générale, mes travaux ont contribué à éclairer les processus en jeu dans cet équilibre radiatif-convectif-dynamique tropical et ont identifiés un certain nombre d’éléments qui nous semblent important à considérer pour compléter la théorie :

1. Un lien avec les régions extratropicales afin d’autoriser l’assèchement par le mélange isentropique de la troposphère libre subtropicale et d’autoriser ces filaments d’air sec à inhiber la convection profonde tropicale.

2. Un couplage entre convection profonde et rayonnement ondes longues à travers l’humidité dans l’environnement immédiat et l’humidité sur toute la circulation pour permettre d’une part l’expression de l’effet baie du Bengale sur le forçage net des nuages hauts tropicaux et d’autre part autoriser le refroidissement radiatif à contrôler la pluie tropicale moyenne.

3. Insérer les éléments clef de la météorologie tropicale pour produire les évènements intenses et faire le lien avec le point 2.

Augmenté de ces processus, l’équilibre radiatif-convectif-dynamique offrirait alors un cadre théorique qui se prêterait, pour l’instant encore, très bien à la poursuite de notre effort de compréhension du rôle respectif de ces éléments du cycle de l’eau et de l’énergie et de leur

Figure 47 Identification des processus physiques en jeu dans le contexte de l'équilibre radiatif convectif dynamique intertropical. D'après Sherwood et al., 2010.

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évolution dans le futur sous l’influence de l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

2.1.2 Une théorie, mais quels modèles ? Pour quels usages ?

Selon que l’on vise une meilleure compréhension de l’évolution des éléments du cycle de l’eau et de l’énergie ou une prédiction climatique quantitative à 20 ans, les modèles numériques à utiliser pour mettre en œuvre cette théorie sont radicalement différents. Il convient donc de s’interroger sur ce que l’on vise en termes de prédictibilité et de compréhension pour sélectionner l’outil de modélisation adapté et la démarche de simulation à suivre. On peut rechercher une prédiction climatique, qui ne peut pour l’instant que s’appuyer sur des modèles couplés océan-atmosphère-chimie-sol hydrostatique (ou Earth System Model) et une méthode d’assimilation associée. Il faut pour bien faire lui adjoindre une méthode de downscaling statistique afin de convertir la réponse « grande échelle » en termes d’évènements extrêmes. On remarquera que, bien qu’assez naturelle pour un météorologue, cette démarche « preditc-and-decide » ne fait pas l’unanimité du tout chez les hydrologues qui nous rappellent que la stationnarité étant morte, ils prônent la recherche d’éléments robustes pour la décision en alternative à la prédiction climatique8. A l’aune de cette approche, notre théorie enrichie identifie quelques points clefs dont la reproduction correcte par ce type d’outils numériques est gage d’une plus grande confiance dans les résultats des simulations. Ainsi, nous possédons une série de questions ou de diagnostiques à soumettre aux modèles. Cette tache est très compliquée pour les régions tropicales et que les insuffisances de ce type de modèles actuels sont nombreuses et laisse planer un doute sur la significativité de leurs résultats à présent. La confrontation des simulations aux observations selon notre grille de lecture permettra d’identifier les zones à améliorer en priorité dans ces outils. On peut aussi rechercher une compréhension plus fine du fonctionnement du climat tropical et de son évolution. Pour cela, on peut s’appuyer sur une hiérarchie de modèles plus ou moins sophistiqués. Simple et élégante, l’approche simplifiée du type modèle à boîtes peut être poursuivie. On pourrait alors facilement y rajouter le point 2 en s’appuyant par exemple sur les récentes investigations sur les relations précipitation-humidité (e.g. Muller et al., 2010). Le lien entre l’humidité troposphérique et le refroidissement radiatif étant aussi facile à implémenter. On peut aussi penser à paramétrer le point 1 en fonction d’une estimation du gradient pôle-équateur directement liée à l’activité barocline des moyennes latitudes et par conséquent aux déferlements des ondes de Rossby dans les jets (Rodwell, 1997) de manière stochastique simple. Enfin, on peut s’intéresser aux évènements intenses à l’aide de paramétrisations ou des théories critiques récemment remise au goût du jour pour la convection dans les tropiques (Neelin et al., 2009). L’approche « boite » reste néanmoins peu adaptée à représenter les interactions convection-humidité-dynamique et surtout le transport méridien d’humidité (O’Gorman and Schneider, 2008). Un modèle dynamique semble plus approprié à traduire à la fois le point 1 et le point 3 de nos résultats. Une approche de type OAGCM simplifié (GCM 2D, « aqua-planète », QTCM) à l’ancienne, pourrait faire l’affaire et permettrait un retour aux sources mêmes de leur apparition : la prévision de l’évolution du cycle hydrologique (Smagorsinksi, 1955). Si l’on résume le point 3 à l’existence d’une perturbation de Madden-Julian comme le minimum requis, et le point 2 comme une représentation élaborée de l’interaction convection-humidité, alors deux voies s’offrent à nous. Améliorer la paramétrisation de la convection profonde pour améliorer l’intrasaisonnier des GCM classiques ou déplacer le problème en explorant l’outil CRM « grand domaine» qui 8 Voir GEWEX Newsletter vol 19, n° 2, «Water in a changing climate », May 2009.

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montre une bien meilleure représentation de la MJO et bénéficie d’un traitement plus riche du point 2. Les deux approches sont identiques du point de vue du point 1. Quelque soit l’option retenue, il est important de faire émerger un (ou plusieurs) outil numérique pour approfondir notre compréhension du rôle des éléments du cycle de l’eau et de l’énergie dans le climat tropical.

3 Perspectives

Mes travaux vont donc concerner deux grands axes dans le futur. Le premier concerne l’étude les processus physiques et dynamiques à l’œuvre dans le climat tropical dans le but de contribuer à formuler le modèle adéquat à la mise en œuvre de la théorie de l’équilibre radiatif-convectif-dynamique. Cet effort repose sur l’exploitation scientifique des mesures de la mission spatiale Megha-Tropiques avec l’accent sur les régions de mousson et s’articule autour de deux thèmes principaux : le cycle de vie des systèmes convectifs et la variabilité intrasaisonnière des éléments du cycle de l’eau dans ses régions. L’autre grand thème concerne l’évolution du climat tropical et repose sur l’étude des séries longues climatiques des éléments du cycle de l’eau et de l’énergie en lien avec le changement climatique global et vise à contraindre plus encore la théorie de l’ERCD tropical en la confrontant au climat récent. Ces deux grands objectifs sont décrits plus précisément ci-dessous.

3.1 La mission spatiale Megha-Tropiques

Megha-Tropiques est un projet de satellite indo français dédié à la mesure de bilan d’eau et d’énergie des systèmes convectifs dans les Tropiques dont le lancement est prévu9 dans l’année qui vient (Desbois et al., 2007 ; Roca et al., 2011). Il s’agit d’une mission en orbite faiblement inclinée sur l’équateur (20°) offrant une haute répétitivité des observations (Figure 48).

A son bord, 3 instruments : un radiomètre imageur micro-onde MADRAS pour l’estimation des pluies, un radiomètre sondeur micro-onde SAPHIR pour la mesure du profil d’humidité et un radiomètre bande large SCARAB pour l’estimation du bilan radiatif. Ces observations sont

9 La date de lancement réelle est difficile à établir.

Figure 48 Orbite de Megha-Tropiques pendant 7 jours. Tiré de Capderou, 2009.

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prévues pour être couplée aux observations des satellites météorologiques géostationnaires et nous renseigné ainsi sur trois grands objectifs scientifiques :

- le bilan d’énergie (rayonnement et latente) de la ceinture intertropicale - le cycle de vie des systèmes convectifs de méso échelle tropicaux - Surveillance, assimilation et prévision des systèmes convectifs et cyclones

Ces larges thèmes de recherche seront explorés d’une part par la communauté française regroupée au sein d’une proposition scientifique coordonnée au LEFE et d’autre part par une importante communauté internationale qui forme la Science Team MT. Plus précisément, à mon échelle (et celle de mon équipe), je souhaite approfondir ces questions selon les axes suivants.

3.1.1 Le cycle de vie des systèmes convectifs de méso-échelle

Le lien entre convection organisée et dynamique atmosphérique et l’environnement thermodynamique de la convection sera analysé afin de guider les développements de la nouvelle génération de paramétrisation de la convection qui inclue des éléments d’organisation de méso-échelle (Mapes and Neale, 2010, Grandpeix et al., 2010) et leur implémentation dans les modèles de circulation générale. Cela repose sur la consolidation d’un modèle conceptuel du cycle de vie des systèmes convectifs (Figure 49) à partir d’observations satellites. Les développements techniques nécessaires à une telle entreprise ont été entrepris dans le cadre de la thèse de Thomas Fiolleau. Un nouvel outil de « tracking » et une méthode de compositage des observations de TMI sur les systèmes ont été développés (Fiolleau et Roca., 2011a ; Fiolleau and Roca, 2011b). La Figure 50 montre un résultat très intégré de ce genre d’approche à travers le calcul fondé sur une méthode spectrale simplifiée de l’évolution au cours du temps du profil vertical de chaleur latente au sein du système.

Figure 49 Schématisation des phases du cycle de vie d'un MCS tropical. Tiré de Houze, 1982.

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3.1.2 Variabilité intra saisonnière de l’eau et du rayonnement dans les moussons

La fabrication de composite comme ceux là à des échelles d’espace et de temps associée aux perturbations météorologiques tropicales (phase active et supprimée des perturbations intra saisonnière) nous permettra de préciser les interactions entre la convection organisée et la dynamique de grande échelle en complément des estimations du bilan d’énergie et d’eau des régions qui seront dérivés de la mission Megha-Tropiques. En particulier, on cherchera à relier les événements intenses (précipitation, rayonnement) au type de systèmes convectifs associés. Ceci afin d’identifier si des caractéristiques morphologiques et internes des MCS sont en lien avec l’intensité des précipitations observées au sein des perturbations convectives intra saisonnières. Un attendu de cette étude est de déterminer si la physique des systèmes convectifs organisés est ainsi nécessaire à la représentation des évènements intenses. Les outils que l’on mettra en œuvre seront les produits issus de la mission Megha-Tropiques de cumul de précipitation 1°/1jour TAPEER, de rayonnement, et les systèmes convectifs issus de l’algorithme TOOCAN. On se concentrera en été sur la région ouest africaine (Figure 51) et la mousson indienne (Figure 52) et en hiver sur l’océan indien ou se déroule des perturbations intra saisonnières bien organisées (Bellenger and Duvel, 2007). La remise en contexte météorologique du cycle de vie des systèmes convectifs permettra de proposer une série de tests pour vérifier que les implémentations en cours de nouvelles paramétrisations de la convection seront efficacement reliées à la dynamique de grande échelle et à l’environnement thermodynamique (SST, humidité).

Figure 50 Profil de Q1-QR pour un composite de MCS océanique au cours du temps. Tiré de Roca et al., 2011d.

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Figure 51 3D schematic view of the WAM. From Lafore et al., 2010. Illustration: François Poulain

Figure 52 Schéma simplifié de la mousson indienne soulignant l'importance de la convection. En opposition à la classique source de chaleur élevée. Tiré de Caine 2010 d'après Boos and Kuang, 2010.

3.2 Tendance climatique récente du cycle de l’eau et de l’énergie tropical

3.2.1 La vapeur d’eau troposphérique subtropicale et le rayonnement

On exploitera les séries longues de notre archive FTH, raffinée d’un bilan d’erreur, afin d’établir l’évolution récente des régions sèches subtropicales. On s’appuiera sur les récents résultats de Rodrigo Guzman en thèse avec Laurence Picon dans l’équipe Cycle de l’Eau et de l’Energie dans les Tropiques (Guzman et al., 2011) pour faire le lien avec le rayonnement ondes longues. On travaillera aussi bien sûr avec les séries longues du bilan radiatif observé par satellite. L’analyse sera complétée par des simulations du modèle de transport ou bien d’une version améliorée (en cours de formulation au LMD par Bernard Legras). L’objectif sera d’explorer plus avant les tendances liées au mélange latéral (le cas échéant) mécanisme pour l’instant mis en évidence pour la variabilité interannuelle.

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3.2.2 La convection tropicale : précipitation et rayonnement

Nous ne serons pas en reste sur la convection tropicale avec l’analyse conjointe des tendances récentes dans les occurrences et propriétés des systèmes convectifs grâce à notre archive (Fiolleau et al., 2011) et les données du produit GPCP sur la période 1983-2007. L’analyse des évènements les plus intenses et de leur évolution dans le temps sera complétée par l’exploitation par l’archive de 10 ans de données TRMM.

4 Remarques finales Le cycle de l’eau et de l’énergie est central à la problématique de la physique du changement climatique à l’échelle globale. Dans les Tropiques, il est nécessaire de prendre en compte la dynamique, i.e., la météorologie, pour compléter l’équilibre radiatif convectif et pour révéler le rôle du cycle de l’eau et de l’énergie et en apprécier l’impact. Au centre de cette logique, siège la convection profonde nuageuse et l’interaction avec son environnement10. Il faut donc faire progresser d’une part notre compréhension et aussi l’intégration dans les modèles de climat (deux choses bien différentes). Les « climate models lag the research11 » et les progrès sont très lents : il aura fallu 40 ans pour que les résultats de la campagne GATE soient formulés en terme de paramétrisations physiques de la convection dans les GCM. De même, les questions formulées initialement dans le cadre de la mission Megha-Tropiques il y a plus de 20 ans sont toujours d’une actualité brûlante et nécessiterons bien une décennie pour être éclairées par la Mission (sans parler du cheminement vers les modèles globaux). On peut s’interroger sur ces échelles de temps dans le monde moderne de la science et de sa gouvernance actuelle ainsi que vis-à-vis de l’immédiateté de la demande sociétale en terme d’évolution du climat global. La communauté scientifique française OA tropicale est riche12. On peut donc raisonnablement formuler l’espoir qu’elle soit à même de relever ces challenges et faire progresser les connaissances et d’accélérer leurs intégrations subséquentes dans des modèles,… à condition d’établir une dynamique scientifique communautaire.

10 On se rappellera l’un des derniers talks de Robert Sadourny en 2001 au cours de la réunion Megha-Tropiques au CNES ou il confessait ne toujours pas comprendre l’interaction convection-dynamique 11 S. Schwarz, ISSI Workshop on The energy flow in the earth atmosphere, Bern, January 2011. 12 Plus de 100 participants à la conférence « Prévisibilité du climat tropical » à Toulouse en Juin 2010.

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