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CONTEXTUALISATION de l'exposition de GUILLAUME ABDI du 21 Mai 2010 au 20 Juin 2010 Exposition suite à sa Résidence au Collège « Les Allobroges »- La Roche sur Foron I. Repères historiques: grandes lignes/ évolution histoire de l'art. Avant le 15ème siècle: on représente le divin. thèmes principalement religieux en peinture, les personnages sont disproportionnés par rapport à leur environnement. La sculpture est principalement destinée à la religion, aux croyances, et à la représentation des Saints ou des puissants à l'apogée de leur gloire (portraits équestres) puis dans leur dernière demeure (tombeaux). Sculpture Cathédrale de Chartres XVII° Siècle Bourgogne - dernier quart du XVe siècle Tombeau de Philippe Pot (1428 - 1493), grand sénéchal de Bourgogne Entre 1477 et 1483 Au 15ème Siècle: invention de la perspective invention de la peinture à l'huile la sculpture s'affranchit peu à peu du religieux pour représenter des scènes de deuil. Exemple: Tombeau de Philippe Pot ( 1428- 1493), grand sénéchal de Bourgogne (cf Louvres) La réalisation en pierre comme le marbre, montre une volonté d'exprimer l'éternité de ce qui est représenté. En Italie, les sculpteurs comme DONATELLO, MICHEL-ANGE, représentent dans leur sculpture que l'on voit, on n'est plus dans une représentation raidie par les croyances. jusqu'au XIX°, on représente ce que l'on voit. 1

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CONTEXTUALISATION de l'exposition de GUILLAUME ABDIdu 21 Mai 2010 au 20 Juin 2010

Exposition suite à sa Résidence au Collège « Les Allobroges »- La Roche sur Foron

I. Repères historiques: grandes lignes/ évolution histoire de l'art.

Avant le 15ème siècle:

on représente le divin.• thèmes principalement religieux• en peinture, les personnages sont

disproportionnés par rapport à leur environnement.

• La sculpture est principalement destinée à la religion, aux croyances, et à la représentation des Saints ou des puissants à l'apogée de leur gloire (portraits équestres) puis dans leur dernière demeure (tombeaux).

Sculpture Cathédrale de Chartres XVII° Siècle

Bourgogne - dernier quart du XVe siècleTombeau de Philippe Pot (1428 - 1493), grand sénéchal de Bourgogne

Entre 1477 et 1483

Au 15ème Siècle:• invention de la perspective• invention de la peinture à l'huile• la sculpture s'affranchit peu à peu du

religieux pour représenter des scènes de deuil.

• Exemple:• Tombeau de Philippe Pot ( 1428-

1493), grand sénéchal de Bourgogne (cf Louvres)

La réalisation en pierre comme le marbre, montre une volonté d'exprimer l'éternité de ce qui est représenté.En Italie, les sculpteurs comme DONATELLO, MICHEL-ANGE, représentent dans leur sculpture que l'on voit, on n'est plus dans une représentation raidie par les croyances.jusqu'au XIX°,

• on représente ce que l'on voit.

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A l'annonce du XIX° Siècle, on va retrouver le baroque, puis le rococo, emprunts de plus en plus de maniérisme. Aux thèmes religieux s'ajoutent les thèmes mythologiques inspirateurs du classicisme (qui se situe à la même période).

Au 19ème siècle:• invention de la photographie

On représente ce que l'on ressentOn trouve dans cette période:

• le romantisme• l'impressionnisme

La fontaine de Bartholdi, sur la place des Terreaux, à Lyon en France (1892)

Artiste : Pablo Ruiz Blasco y Picasso (Picasso)Date : 1912

Dimensions : 18 cm x 33 cm x 10 cm

Matériaux : Carton, Papier, Ficelle, Crayon

Au 20ème siècle:

• intégration des objets réels dans l'art

les artistes expriment leurs idées, ce qu'ils pensent.La sculpture ce n'est plus retirer de la matière, mais c'est ajouter, assembler. Premiers assemblages:

• PICASSO• SURREALISTES

Le statut de l'objet dans l'art.Marcel DUCHAMPLe Ready made (voir crs 6°)

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Roue de bicyclette, 1913/1964L'original, perdu, a été réalisé à Paris en 1913. La réplique réalisée en 1964 sous la direction de Marcel Duchamp par la Galerie Schwarz, Milan, constitue la 6e version de ce Ready-made.

Assemblage d'une roue de bicyclette sur un tabouret

Métal, bois peint

126,5 x 31,5 x 63,5 cm

Exemplaire : Rrose

Signé sous le siège du tabouret : Marcel Duchamp

Au milieu du XX° siècle, les artistes s'impliquent et s'inspirent de plus en plus du fait politique et du fait social.Parmi ces artistes, on peut citer Joseph BEUYS, qui fait de son art un acte politique et social fort, jusqu'à supprimer la frontière entre sa pratique artistique et son engagement politique.

AU 21ème Siècle:A la fin du XX° et au début du XXI° siècle, dans l'art contemporain, on peut ressentir de plus en plus dans le domaine des arts plastiques, une tendance de plus en plus axée sur le fait économique et politique.

II. La question de l'art.

A. Art et artisanat

Jusqu'au XV° Siècle, l'art et l'artisanat ne se distinguent pas.

L'artiste est un artisan qui travaille et modèle la matière, que ce soit le peintre ou le sculpteur. Il répond à une commande et devient maître en son art lorsqu'il démontre une virtuosité supérieure.

Léonard de Vinci va être le premier à poser les fondements de l'art et établir la distinction entre art et artisanat.Il est formé auprès de Verrochio à Florence où il est apprenti en orfèvrerie. Il arrive vers l'âge de 14

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ans, après avoir appris à lire compter, écrire auprès du curé de la paroisse de son village natal, Vinci. Dans cette ville de Florence, où l'art foisonne, où les artistes et les rencontres sont nombreux, Léonard va peu à peu s'instruire et puiser de façon extraordinaire tant dans la nature qui l'entoure que dans les personnes et l'air du temps les fondements de ce que nous appelons aujourd'hui l'ART.

La distinction première qu'établira Léonard de Vinci entre l'art et l'artisanat, sera le fait que l'art est lié à l'idée, à la pensée, et est l'expression de cette pensée, alors que l'artisan est dans le faire et le savoir-faire.

B. La hiérarchie des arts:

Dans le « Traité de la peinture », il établit une hiérarchie des arts: relation art-science:« si tu me dis que les sciences non mécaniques sont mentales, je répondrai que la peinture est mentale, et que, comme la musique et la géométrie traitent des rapports entre quantités continues, et l'arithmétique entre quantités discontinues, la peinture traite de toutes les quantités continues, des qualités des rapport s d'ombre et de lumière, et, avec la perspective, de la distance. » p.87 MCM16

C'est également àcette même époque que l'on voit l'émergence de l'ut pittura poesis, c'est à dire le lien fort et fondamental de la Renaissance entre l'art et la poésie, lien que les Impressionnistes et l'art du XX° remettront en cause, suite au texte de Lessing en 1766, et qui est encore au jour d'aujourd'hui dans les fondamentaux de l'éducation artistique.

Comparaison entre peinture et poésie. « l'imagination ne voit pas aussi parfaitement que l'oeil(...) Nous dirons donc avec raison que, dans le domaine des fictions, il y a entre peinture et poésie la même différence qu'entre un corps et et l'ombre dérivée ».p.92 MCM23Il déclare également la musique comme soeur cadette de la peinture, car elle est soumise à l'ouïe, sens inférieur, selon Léonard à la vue.Enfin, dans sa comparaison entre les arts, il déclare de la sculpture: « je ne trouve entre peinture et sculpture d'autre différence que celle-ci: le sculpteur fait ses oeuvres avec plus d'effort physique que le peintre; et le peintre les siennes avec plus d'effort intellectuel. »p.98 MCM51« le peintre doit tenir compte de dix considération pour conduire son oeuvre à bonne fin, à savoir: lumière, ténèbres, couleur, forme, volume, figure, emplacement, distance, proximité, mouvement et repos. Le sculpteur ne doit considérer que volume, figure, emplacement, mouvement, repos. » p.103 MCM51

En 1766, dans « le Laocoon », Lessing démontrera que la peinture est fondamentalement différente de la poésie en ceci que la peinture (et par extension l'image) ne fige qu'un instant, alors que la poésie se déroule dans le temps. L'espace d'expression de la peinture est un espace paradigmatique, alors que l'espace de la musique est un espace syntagmatique. L'image fige le temps, la poésie le déroule.

Hegel (1770-1831), définit l'art de la façon suivante: « L’universalité du besoin d’art ne tient pas à autre chose qu’au fait que l’homme est un être pensant et doué de conscience…. L’œuvre d’art est un moyen à l’aide duquel l’homme extériorise ce qu’il est. » l'esthétique – Livre IL'art est apparence sensible, il est la manifestation sensible de l'idée.Il conditionne sa hiérarchie des arts de l'idée au sensible:

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• la philosophie• la poésie• la peinture• la sculpture• l'architecture

C. Les bouleversements du XX° Siècle

Au début du XX° Siècle, ces idées vont se trouver à nouveau bouleversées.

Lorsque, en 1913, Marcel DUCHAMP fait exploser les frontières entre l'art et le monde économique, il remet en question la division et la hiérarchie établie entre des catégories bien distinctes. Le XX° Siècle sera le siècle de la remise en cause de cet ordonnancement du monde, de ces frontières.

En 1919 en Allemagne, à Weimar, Walter Gropius fonde le BAUHAUS (De l'allemand Bau, bâtiment, construction et Haus, maison; Bauhaus : maison du bâtir, maison de la construction), Institut des arts et métiers né de la réunion de l'école des arts décoratifs et des Beaux-Arts de Weimar. Walter Gropius publie alors le manifeste et le programme du Bauhaus. Dans le manifeste du Bauhaus, il annonce la vocation de l'école en ces termes : « Le but final de toute activité plastique est la construction ! […] Architectes, sculpteurs, peintres ; nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n'y a pas d'art professionnel. Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan. […] Voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme : architecture, art plastique et peinture [...] »

A l'image de l'émergence de l'informatique et de la pensée informatique au XX° Siècle, la production artistique va se discrétiser, c'est à dire s'affranchir de tous liens et de toute appartenance relative à un domaine d'expression, mais en même temps s'épanouir en réseaux à travers des liens que les artistes vont tisser entre eux, liens formels, esthétiques, idéologiques, affectifs.

III. La sculpture et sa pratique.

A. Définition étymologique du mot sculpture:

Le terme de « sculpture » vient étymologiquement du latin « sculpere » qui signifie « tailler » ou « enlever des morceaux à une pierre ». Cette définition qui distingue entre « sculpture » et « modelage », illustre l'importance donnée à la taille de la pierre dans la civilisation romaine.

Histoire du mot SCULPTURE:

Il apparaît au XIV° Siècle dans l'usage de la langue pour désigner l'ensemble des ornements qui décorent une partie d'un navire. Au moyen âge, on ne parle pas de sculpture, mais de statue ou d'image. A la Renaissance, le terme de sculpture désigne uniquement la taille de pierre et est un travail d'artisan à objectif religieux ou décoratif.

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La notion de sculpture, aux temps modernes, dépend des techniques: de la taille, on est passé au modelage, à la fonte, au moulage, procédés techniques anciens mais qui ne relevaient pas encore de la désignation par le mot SCULPTURE.« on distingue encore le « sculpteur » qui taille de la pierre, du bois ou de l'ivoire (matériaux solides) pour créer une forme unique originale et le « statuaire » qui réalise des modèles en terre (argile), en plâtre ou en cire destinés à être reproduits (technique indirecte de la « taille avec mise aux points ») ou moulés (technique de la « fonte à cire perdue » pour couler le bronze).

Au XX° Siècle, s'ajoutent toutes les formes de « création esthétique dans l'espace » incluant les assemblages d'éléments, la soudage, la compression, les structures mobiles, etc... (extrait du dictionnaire historique de la langue française, Alain REY).

B. Petite histoire de la sculpture:

Jusqu'au XIX° Siècle, la sculpture se développe dans trois directions principales: une direction religieuse, une orientation décorative, et une direction expressive empreinte de maniérisme. Au coeur de ces sculptures, on retrouve la représentation du corps.

Au XIX° Siècle, au Salon de 1847, la sculpture « femme piquée par un serpent » de Clesinger fit scandale. Cette sculpture est issue d'un moulage in vivo d'une femme.

Auguste Clésinger (1814-1883), « Femme piquée par un serpent »,1847

Statue en marbre, H. 56,5 ; L. 180 ; P. 70 cm

Théophile Gautier résume cette fascination: « Clésinger a résolu ce problème, de faire de la beauté sans mignardise, sans affectation, sans maniérisme, avec une tête et un corps de notre temps, où chacun peut reconnaître sa maîtresse si elle est belle ». Alors qu'elle est décriée par Rodin, qui voit dans cette sculpture une intrusion de la mécanique de reproduction semblable à l'apparition de la photographie qui remet en cause la peinture. « C'est la photographie qui ment, car dans la réalité le temps de n'arrête pas », dit Rodin.

Le modelé du corps doit être le fruit de ma main du sculpteur, en référence à Pygmalion et au mythe du sculpteur qui à l'égal de Dieu créa le corps de la femme.

Edgar DEGAS, en 1881montre, à l'exposition de l'impressionnisme, une sculpture singulière, « petite danseuse de 14 ans », réalisée entre 1865 et 1881.

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Edgar Degas (1834-1917)Petite danseuse de 14 ans

entre 1921 et 1931,

modèle entre 1865 et 1881

Statue en bronze avec patine aux diverses colorations, tutu en tulle, ruban de satin rose dans les cheveux, socle en bois

H. 98 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm Paris, musée d'Orsay

« Colorée au naturel, coiffée de vrais cheveux, vêtue d'un tutu et de véritables chaussons, elle témoigne d'un hyperréalisme, d'un vérisme poussés à l'extrême. Présentée dans une vitrine à la manière d'un spécimen de museum, elle révèle un Degas presque anthropologue ou naturaliste. Les critiques ne s'y trompèrent pas : l'oeuvre fut violemment accusée de représenter la fillette de manière bestiale ; on la compara à un singe ou un aztèque ; on lui trouva un visage "où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux".

Degas poussait ainsi à bout la logique du réalisme, si en vogue par ailleurs, en dépeignant sans fard ni hypocrisie, de manière quasi scientifique, la société de son temps. L'édition en bronze qui fut faite après sa mort, dont la statuette du musée d'Orsay est un exemplaire, tenta de préserver au mieux les caractéristiques de la cire. La cage de verre est le seul élément voulu par Degas lui-même, affirmant le statut d'oeuvre d'art de la Danseuse. » extrait du site du Musée d'Orsay http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=851&L=0&tx_commentaire_pi1[showUid]=171&no_cache=1

Il s'agit, dans l'art occidental, de l'une des premières oeuvres mêlant à la fois la technique du modelage et celle de l'assemblage. Pour Edgar DEGAS, la sculpture n'est qu'un moyen de progresser dans la peinture: « pour arriver à une exactitude si parfaite qu'elle donne la sensation de la vie, il faut recourir aux trois dimensions (…) parce que l'à peu près n'y est pas de mise. » déclare-t-il à Thiébaut Sisson.

La volonté d'Edgar DEGAS de disposer cette sculpture sous une vitrine fait de la scénographie et de la mise en espace de l'objet l'un des éléments constituants de la sculpture. Il pose la question de l'espace et de la mise en espace. De la relation spatiale à l'oeuvre. Mais également de la relation que le spectateur a avec l'oeuvre, une relation faite autour de codes et de conventions. La statue, placée sous verre, devient alors objet de collection, et il réduit la frontière entre l'objet anthropologique

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exposé sous vitrine et l'objet artistique.

En 1914, suite à ses recherches sur le Cubisme, avec Georges BRAQUE, Pablo PICASSO réalise les premiers assemblages de la sculpture, reprenant à son compte la démarche mise en oeuvre par DEGAS: recourir aux trois dimensions pour arriver à une exactitude.

Le principe fondamental du Cubisme est de remettre en cause la perspective, et de centrer la représentation sur la restitution de la combinaison des impressions sensorielles et intellectuelles. En effet, le sens de la vue ne restitue pas la connaissance d'un objet à travers un point de vue unique et ponctuel, tel que le défini la perspective, mais par la combinaison de points de vue multiples qui donnent à la fois le relief et la connaissance réelle de l'objet. C'est dans la recherche de la combinaison de ces points de vue multiples, que le travail de Georges BRAQUE et PICASSO s'est engagé, allant jusqu'à l'élaboration d'un système de représentation affranchi de son inventeur comme le fut la perspective.

Dans cette recherche de décomposition de l'objet pour le recomposer tel que l'esprit le reçoit et le conçoit. En 1912, il réalise des guitares à l'aide de cartons assemblés et scotchés entre eux, « guitare ». Le premier collage, avec des matériaux hétéroclites, « Nature morte à la Chaise cannée » de 1912 se déploiera dans l'espace en 1914, avec un assemblage « mandoline et clarinette » issu de divers bois combinés entre eux. C'est alors un relief peint.

Artiste : Pablo Picasso

Mandoline et Clarinette

Date : 1914

Dimensions : 58 x 36 x 23 cm

Matériaux :pin peint et crayon

Il développera tout au long de son oeuvre cette technique de l'assemblage, reprise rapidement par d'autres artistes.

L'objet, et le statut de l'objet dans l'art est lui remis en question par Marcel DUCHAMP.

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IV. Question du statut de l'objet dans la sculpture:De l'objet utilitaire à l'objet artistique.

On voit ainsi apparaître presque simultanément des réflexions de fond sur le design, sur la représentation et la fonction de l’objet dans des mouvements aussi différents que les peintres cubistes en France qui proposent un « nouvel alphabet » du réel, les constructivistes russes qui forment des artistes-constructeurs pour l’industrie, le mouvement dada qui crée de l’anti-art ou les plasticiens du groupe hollandais De Stijl d’où la chaise rouge et bleue de Gerrit Rietveld émergea.

A. L'objet non artistique dans l'art: objet manufacturé.

Marcel DUCHAMP, « Fontaine. »1917 / 1964

« Que Mr MUTT ait fabriqué la fontaine de ses propres mains, ou non, est sans importance. Il l'a choisie. Il a pris un élément ordinaire de l'existence et l'a disposé de telle sorte que la signification utilitaire disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue – il a créé une pensée nouvelle pour cet objet ». Marcel DUCHAMP

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Histoire de l'oeuvre:Duchamp achète un urinoir pour proposer au comité de sélection d'une exposition dont les organisateurs s'engagent à exposer n'importe quelle oeuvre dès lors que son auteur participe aux frais. Faisant partie de ce comité d'organisation, il veut éprouver la sincérité de ce principe.

Sous un faux nom, R. MUTT, nom qui parodie le nom d'un propriétaire d'une grande fabrique d'équipements, il envoie l'objet avec le titre poétique de « fontaine ». Avec un TITRE et un AUTEUR, l'objet possède toutes les qualités extérieures d'une oeuvre d'art.

Au VERNISSAGE de l'exposition, il demande à l'un de ses amis, collectionneur, de réclamer l'oeuvre « Fontaine », car on ne la voit pas. En fait, l'oeuvre a été reléguée dans un coin, camouflée derrière une cloison pendant la durée de l'exposition.

Ce que Marcel DUCHAMP veut montrer, c'est que dans l'art, l'idée est plus importante que la création. Il rejoint en cela les grands artistes de la Renaissance, qui étaient à l'époque considérés comme des artisans, et que Léonard de Vinci a élevé au rang des ARTS, en définissant l'art comme « causa mentale ».

La différence avec Léonard de VINCI, c'est que Marcel DUCHAMP propose un objet qui n'a pas les qualités d'harmonie et d'élégance. Ce n'est que l'enveloppe de l'oeuvre (titre et auteur) qui fait l'oeuvre d'art.

Marcel DUCHAMP a inventé les READY MADE (« already made »: déjà fait) c'est à dire qu'il s'agit d'objets tout fait qu'il choisit parce qu'ils n'ont rien de particulier. Il applique à ces objets un titre, un auteur, et ce titre et cet auteur vont permettre à l'imagination de créer une autre histoire autour de cet objet. Et c'est cette capacité de l'artiste a transformer l'objet en autre chose, que Marcel DUCHAMP met en lumière en 1914.

Citer en 1915, Pelle à neige achetée à New-York, « En prévision du bras cassé ».« Cette phrase, au lieu de décrire l'objet comme l'aurait fait un titre, était destiné à emporter l'esprit du spectateur vers d'autres régions plus verbales ». Quelques fois j'ajoutais un détail graphique de présentation: j'appelais cela pour satisfaire mon penchant pour les allitérations ».

L'objet et son environnement:

Après Marcel DUCHAMP, l'objet réel envahit l'art. Qu'il soit présenté tel quel, comme dans le ready made, ou qu'il soit utilisé comme on utilise la couleur qui sort d'un tube de peinture.

« Comme les tubes de peinture utilisés par l'artiste sont des produits manufacturés et tout faits, nous devons conclure que toutes les toiles du monde sont des ready-made aidés et des travaux d'assemblage ».

L'objet devient donc oeuvre d'art à partir du moment où il perd sa fonction.

B. L'objet artistique comme objet utilitaire.

LE BAUHAUS

Le BAUHAUS, est une école qui tente de rétablir l'harmonie entre les différentes activités de l'art,

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supprimer le clivage art-artisanat.

Fermée en 1933 avec l'arrivée du pouvoir nazi, cette école va contribuer à un changement radical de notre environnement quotidien et influencer de façon remarquable l'esthétique industrielle.

La formation des élèves est très particulière:Pendant 6 mois puis un an en 1923, les élèves suivent des cours préliminaires sur l'art, dispensés au début par Johannes ITTEN, auteur de la « Théorie sur la couleur », ouvrage fondamental dans l'histoire de la peinture.Puis, ils vont passer dans différents modules d'étude:

• étude d'outils et de matériaux,• étude de la nature;• étude de texture,• étude de structure et de présentation• étude de l'espace,de la couleur et de la

composition,avant de se rendre dans des ateliers où l'enseignement est dispensé par des maîtres artisans, ateliers de terre glaise, pierre, bois, métal, tissu, couleur, verre.Enfin, la finalité des étude étant le BAU, c'est à dire la construction, ils vont en ARCHITECTURE, chantier expérimental, projet science de la construction et connaissance des techniques.

Du BAUHAUS vont ressortir des objets-oeuvres qui marquent encore aujourd'hui notre environnement visuel.

MARCEL BREUER Fauteuil Wassily

Descriptif

Crée pour l'appartement de Kandinsky au Bauhaus de Dessau, le n°B3 modifia profondément la conception du siège moderne. Il était particulièrement révolutionnaire par son utilisation du tube d'acier et son processus de fabrication ; ce fauteuil représente la première utilisation acier à ameublement domestique. Il est également le reflet de l'idéal économique et esthétique du Bauhaus, à savoir, la production mécanique.La principale innovation de la création de Breuer consistait en la réduction des formes de base d'un lourd fauteuil rembourré à une ossature légère en tubes d'acier soudés. Le fauteuil fut commercialisé par différentes entreprises, dont l'entreprise italienne Gavina qui réédita le siège, à partir de 1962. Se référant au maître du Bauhaus, Wassily Kandinsky, qui souligna très tôt l'esthétique révolutionnaire du fauteuil, Gavina lui conféra son appellation actuelle : le fauteuil «Wassily»

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Structure : Châssis en tube d'acier cintré et chromé Coussin : Siege et dossier en cuir tendu;

A la même époque, aux Pays-Bas, Pietr Mondrian et Théo VAN DOESBURG, créent une revue DE STIJL, influencée par le Bauhaus.

« L'ambition de De Stijl a été de donner un sens nouveau aux arts en les rapprochant autour du désir de destruction du figuratif, et d'utilisation de couleurs et de formes « pures ». La perfection de la machine, la vie en collectivité et l'anonymat des méthodes de travail à cette époque les ont beaucoup influencé. » Wikipedia

La chaise rouge et bleue de Gerrit RIETVELD

« Les conceptions du Stijl reposent sur des principes d’adjonction et d’opposition de formes fondamentales que sont le carré ou le rectangle. On ne fait que suggérer les limites car les lignes qui délimitent les formes, peuvent continuer au-delà de ce qu’elles contiennent. La tension s’engage dans ce jeu raffiné des surfaces et des lignes.De la forme élémentaire, accessible à tous, on joue sur les premiers plans et les fonds par un jeu de couleurs. Ces couleurs, choisies dans un répertoire peu étendu, permettent de dissimuler ou de faire

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apparaître les formes. Le rapport entre surfaces et couleurs introduit le jeu des contrepoids et de l’équilibre.

Theo Van Doesburg prône ainsi « l’usage exclusif de l’angle droit en position horizontale, verticale et des trois couleurs primaires auxquelles se joignent les non-couleurs : blanc, noir et gris ».

Le mouvement du Stijl revendique ainsi l’élémentarisme, c’est-à-dire l’emploi minimal d’éléments, de formes simples qui permettent de communiquer au monde des vérités universelles. Cette géométrie radicale s’inscrit entre purisme et mysticisme.

Le procédé de fabrication se veut rationnel et simple : des barreaux posés les uns sur les autres ou juxtaposés symétriquement puis fixés par des chevilles de bois. L’assemblage par boulon est destiné aux seules planches du dossier et de l’assise soumises à de fortes charges. Rietveld démontre ainsi que la construction détermine la forme externe, la fonction, autrement dit la technique et l’esthétique sont au même plan.Contrairement à une opinion répandue, cette chaise est un pur produit artisanal et n’a jamais été conçue selon une grille modulaire. Les multiples transformations de Rietveld pendant les sept années qui séparent les premiers essais de la version colorée finale nous montrent que la chaise a davantage existé en tant que concept que d’objet.

Rietveld songeait à une production industrielle de la chaise qui ne vit pas le jour. Elle resta une succession de pièces uniques.

La chaise devenue rouge et bleue se présente alors comme une transposition en trois dimensions de la peinture de Mondrian.

Cela laisse penser que plus qu’un meuble destiné au marché des consommateurs, elle fut un champ exploratoire autour des idées : de confort, du faire soi-même grâce à un montage à priori facile, d’expressions esthétiques à partir de formes élémentaires. La chaise rouge et bleue ne fut-elle pas l’utopie d’une création parfaite et totale. » http://www.meublepeint.com/gerrit-rietveld-chaise-rouge-bleue.htm

C. La sculpture et sa relation à l'espace.

MERZBAU

Alors qu'en 1912, Picasso expérimente l'assemblage, Kurt SCHWITTERS s'intéresse à l'expansion du mouvement Dada, notamment à Berlin. Formé à la peinture et au dessin, il se détourne en 1918 de la peinture traditionnelle et élabore un vocabulaire propre fondé sur l'emploi de déchets et détritus de toutes sortes. Il utilise les procédés du collage et de l'assemblage pour assembler de manière harmonieuse les matériaux.

Refus par le club Dada de Berlin, il crée un mouvement parallèle, qu'il nomme MERZ, reprise ironique de son tableau « Merzbild I » de 1919, dont le mot « Merz » est tiré de la partie centrale du mot « Kommersbank » découpé dans une annonce imprimée.

Le mouvement Merz cherche en effet à s'approprier les rebuts de la société industrielle et urbaine, faisant entrer la réalité quotidienne dans l'art, sans idée de message politique ou d'esthétique d'opposition, mais avec la volonté, à partir de 1920, de fonder un « art total Merz », embrassant l’architecture, le théâtre et la poésie.

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De 1920 à 1923, dans sa maison de Hanovre, Schwitters entreprend de construire une vaste structure faites de volumes blancs en plâtre aux plans imbriqués les uns dans les autres, et traversé par des tiges et des poutrelles de section carrée, la Schwitters-Säule (colonne Schwitters), dans laquelle s'encastrent, dans des cavités, ses œuvres et celles de ses amis. La construction envahit peu à peu toutes les pièces et même tous les étages de la maison et l'artiste lui donne le nom de Merzbau (construction Merz). Détruite lors des bombardements d'Hanovre en 1943, cette œuvre unique a été reconstruite en 1990 au Sprengel Museum d'Hanovre[3] puis, en 1993, dans une version réduite, par Peter Bissegger à la demande de Harald Szeemann à l'occasion de la Biennale de Lyon.

CARL ANDRE

Carl André artiste américain né en 1935 à Quincy dans le massachussets. vit et travaille à New-York.

« Il installe quatre concepts majeurs dans l'ensemble de son œuvre :

• la platitude ; • la sculpture comme lieu ; • la composition modulaire ; • l'emploi de matériaux bruts.

La caractéristique la plus marquante du travail de Carl André est la mise à bas de la caractéristique fondamentale de la sculpture, la verticalité. La sculpture cesse d'être une forme autonome, elle

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concentre et retient l'énergie qui la constitue donc l'espace devient l'élément essentiel. La sculpture devint lieu : lieu en soi et dans le lieu qui la contient.

Carl André affirme qu'il crée en fonction des espaces de présentation. L'œuvre minimaliste de Carl André se manifeste par la grande simplicité dans l'usage qu'il fait des matériaux bruts. Il n'invente pas de technique ni de savoir-faire particulier reléguant le traditionnel à un autrefois de la sculpture. Le gestuel est donc refusé et l'attention du spectateur se fixe sur le matériau lui-même. Ainsi la sculpture se refuse à seulement occuper l'espace : elle s'en saisit.

Son esthétique s'exprime aussi par la matière et tend à rapprocher la fin et les moyens. On n'y trouve aucun romantisme du geste de l'artisan attelé à sa confrontation avec la matière. Ses sculptures ne sont pas le résultat d'un acte sculptural imprimé au matériau afin de l'infléchir, il y a plutôt une façon de révéler la matière à travers les qualités esthétiques qui lui sont propres. Si le matériau est utilisé usiné dans une forme la plus neutre possible c'est parce que l'artiste respecte la notion de masse, de pesanteur, de densité, toutes des caractéristiques que le spectateur doit pouvoir ressentir naturellement devant ses œuvres. Enfin l'espace qui l'accueille est laissé tel quel et détermine bien souvent la réalisation de la sculpture avec laquelle il fusionne pour constituer l'œuvre entière : autrement dit l'espace est une des composantes de l'œuvre. » extrait de wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_André

V. Les références dans l'oeuvre de Guillaume ABDI

A. Art contextuel- contexte de création

Art contextuel : Selon Paul Ardenne, il s’agit pour l'artiste de « placer la réalitéavant le simulacre, et l'ordre des choses avant celui des apparences. Le "contexte",consigne le lexique, désigne « l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'insèreun fait ».

Un art dit "contextuel", à cette aune, opte pour la mise en rapport directe del'œuvre et du réel, sans intermédiaire, l'œuvre s'y configurant en fonction de sonespace d'émergence et des conditions spécifiques le qualifiant ».

A ce propos, il cite Daniel Buren : « je demande que l’on fasse bien attention au contexte. A tous lescontextes. A ce qu’ils permettent, ce qu’ils refusent, ce qu’ils cachent, ce qu’ilsmettent en valeur ». Un art contextuel - Création artistique en milieu urbain, en situation, d'intervention, de participation, Paul Ardenne, coll. Champs Arts – Ed. Flammarion, 2009.

Dans sa première approche, l'oeuvre de Guillaume ABDI est faite de petits riens, de bricolages.

« Les concepts de représentations sociales et d'identités collectives alimentent l'ensemble de mon projet plastique, qui tend à établir – au moyen de la forme, de sa source et de sa destination, des traits d'union entre des univers et des territoires ».

Parmi les ancrages, dont Guillaume ABDI nous a fait part lors de sa résidence, l'un des premiers qui a émergé, est celui de son histoire personnelle. La Résidence au Collège des « Allobroges », est alors devenu de creuset d'une nouvelle mise en opération de son travail.

Il aime à expliquer aux élèves qu'il était (il n'y a pas si longtemps... quoique...) un collégien surtout féru de sport et de skate. Que les arts plastiques étaient loin d'absorber tout son temps, bien au contraire.

Il a poursuivi dans un premier temps des études de sport, puis de sociologie... le petit moment de plaisir, découvert à la fin son adolescence trottait toujours dans sa tête... et il décida à l'âge de 25 ans

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de s'engager dans les arts, Ecole des Beaux-Arts à Sète, puis à Lyon.

Ce parcours est un parcours très riche et intéressant pour nos élèves.

« Guillaume ABDI n'a pas tout de suite été attiré par l'art. C'est grâce au skateboard que il veut devenir artiste. Puis il a été attiré par la sculpture. Il ne sait pas dire ce qui l'a attiré, mais l'important c'est que son travail lui plait.La plupart de ses oeuvres sont de simples idées qu'il fait sans savoir pourquoi. Mais malgré cela il était mauvais en Arts Plastiques. La devise est en quelque sorte: tout le monde est un artiste. (…) Même un élève comme moi peut devenir un artiste. Mais notre vie influence nos oeuvres comme l'écrivain de polars, James ELL ROY qui a choisi ce genre littéraire à cause du meurtre de sa mère.L'environnement de création peut inspirer l'artiste comme l'oeuvre sur le mur qui mélange un message négatif1 avec des couleurs positives car il voulait mettre de la couleur dans l'atelier tout en disant ce qu'il sentait en entrant dans l'atelier prêté par le collège. » ANTON Donovan, 4°6

Lors des rencontres, il va souvent évoquer sa part de collégien qui réside encore en lui.

Il y a cette oeuvre avec le tabouret, que les élèves découvrent à l'entrée de son atelier. Il raconte alors l'histoire du potache qui rêve de mettre des clous sur la chaise du professeur...

Il va également parler du jeu, de ce plaisir qu'il a de jouer avec des pistolets à bille ou des suriken qu'il prend plaisir à planter dans une plaque de polystyrène... il évoque également la blessure que provoquent ces objets... « Je vais peut être faire pleurer le mur de larmes de sang » explique-t-il à l'un des élèves...

Les élèves voyagent de l'image, au geste, à l'acte et à son sens. Le jeu et le jouet sont un langage commun dans lesquels s'épanouit le dialogue.

Le bureau est aussi un objet de l'école sur lequel il va travailler.« En ce moment, il travaille sur une sculpture qui s'appelle « bureau impossible » (je crois).Il l'a baptisée ainsi car le bureau avait un grand trou. Ce trou est le patron du triangle de Penrose.Guillaume ABDI nous a expliqué que dans ses sculptures il retirait la fonction d'usage de l'objet, exemple: le « bureau impossible ». Il a enfoncé des clous dans la chaise, on ne peut alors plus s'asseoir dessus. » PIZZO Fanny, 6°5.

B. Ancrages historiques

L'art en jeu et le jeu dans l'art sont les vecteurs fondamentaux de la transformation de la sculpture au début du XX° Siècle. Il ne faut pas oublier que l'élément principal qui n'a jamais quitté Marcel DUCHAMP est sa partie d'échec interminable qu'il mènera toute sa vie avec son ami artiste photographe MAN RAY.

La relation à l'objet, au mobilier est également un aspect qui s'est fortement développé pendant la Résidence. Les objets de l'école (le bureau, le tabouret, la chaise) ont été un vocabulaire sur lequel nous avons pu voir les oeuvres se révéler. Peu à peu, Guillaume a vu émerger la présence quasi systématique de pieds placés sous ses sculptures. Il parlait de plus en plus de la relation qu'il établit entre son travail et le Bauhaus. Un travail de construction et de réalisation artistique qui ne se génère pas dans l'esprit, mais dans le faire.

Il inverserait en quelque sorte les termes du Bauhaus. L'esthétique industrielle des objets préfabriqués influencerait sa création par l'emploi et la défonctionnalisation de ces objets.

1 Mot écrit: « I'm scared »

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Son matériau est celui de l'industrie et du commerce. Il devient le dépositaire et l'interface entre l'objet de consommation et son utilisation.

« Lorsque des petits objets attirent son attention, il les garde dans son atelier et lorsque il passe devant et des idées lui viennent, il les fait évoluer. Et lorsque une oeuvre lui semble terminée il lui ajoute soit des pieds ou des lumières pour la finir. Ses matériaux sont facilement accessibles à toutes personnes (scotch, carton, bois...) » LARRANT Justine, 4°7.On retrouve dans ce travail des échos avec le mouvement MERZ de Kurt SCHWITTERS, qui «cherche en effet à s'approprier les rebuts de la société industrielle et urbaine, faisant entrer la réalité quotidienne dans l'art, sans idée de message politique ou d'esthétique d'opposition ».

Le lien avec le collège est également très fort, et l'approche des disciplines telles que les mathématiques, l'histoire et la littérature, ont aussi fait partie de l'émergence des oeuvres de l'exposition.

Pour les mathématiques, les élèves se sont interrogés sur le triangle de Penrose, forme mathématique impossible dans l'espace, mais illusion de l'esprit. L'approche des mathématiques s'est opérée à travers l'étude de l'oeuvre d'Albrecht DÜRER, « Mélancholia » 1514, dont les éléments et le discours mathématique sont très présents. Une plongée dans le XVI° Siècle, l'histoire de la perspective et des mathématiques, de la représentation et de ses codes. Alors artiste accompli, DÜRER se rend en Italie en 1494 pour étudier les fondements de la perspective à travers les textes d'Euclide (éléments)et de Vitruve dans son traite De architectura et l'étude travaux d'Alberti qui formalisa la perspective en 1435, suite aux découvertes de Brunelleschi en 1425.

Albrecht DÜRER

« Mélancholia »,

Gravure, 1514

Les élèves ont pu voir que dans cette oeuvre, une forme interpelle depuis longtemps Guillaume ABDI, et dans son travail, il explore cette forme afin de tenter de comprendre l'objet de sa fascination. Il explore le volume, et dans son travail de résidence il explore la forme. Approche contemporaine de la sculpture qui n'est pas sans faire écho aux « sculptures horizontales » de Carl ANDRE.

Enfin, l'un des derniers ancrages de sa résidence fut, par delà le contexte humaine et social, le contexte géographique: les montagnes. Guillaume ABDI nous a expliqué que chez lui, à Montpellier, le paysage est plat, et que ce qui l'a le plus marqué en arrivent ici ce sont les montagnes. Il est alors parti sur la forme du triangle, écho formel des montagnes qui entourent notre vallée, et à placé à divers endroits de son atelier des triangles, assemblé ces triangles.

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« Il nous a expliqué qu'il s'inspirait beaucoup du paysage pour réaliser ses oeuvres: par exemple, il n'avait pas l'habitude des montages il a donc eu l'idée de concevoir une oeuvre uniquement avec des pièces en forme de triangles qu'il assemblera par la suite » GALVAO Flora, 4°7

On retrouve, dans l'esprit de DE STIJL, la recherche de l'élément fondamental présent dans l'espace, la forme géométrique simple.

C. Dynamique contemporaine.

La création de Guillaume ABDI se situe complètement dans une dynamique de création Contemporaine. On peut citer ainsi aux moins trois artistes récemment programmés par la Villa du Parc à Annemasse, et dont les interrogations ne sont pas sans trouver quelques échos avec l'oeuvre de Guillaume.

Michael SAMUELS: mobilier/objet d'art

http://www.ac-grenoble.fr/admin/spip/spip.php?article1584

Artiste anglais contemporain, il propose un travail dont les références sont proches de celles de Guillaume. On peut retenir dans un premier temps un aspect très ludique de son travail, qui consiste à déconstruire un mobilier très marqué dans son époque (les années 50-60 – mobilier en stratifié). Il pose également, par le choix de l'époque choisie de sa matière première, la question de la société de consommation qui émerge dans ces deux décennies. Les objets réalisés à partir des meubles découpés sont théâtralisés à travers une mise en scène par la lumière.

Pierre ARDOUVIN: petites mises en scène du quotidien...

http://www.villaduparc.com/programmation-de-la-villa-du-parc/archives-de-la-villa-du-parc/pierre-ardouvin/archives-pierre-ardouvin-la-fin-du-monde-la-villa-du-parc-centre-art-contemporain.html

A l'origine il tenait des stands dans des foires, il fut également graphiste, avant de devenir artiste. Son oeuvre est également faite d'objets glanés dans les foires, les magasins discount, ou récupérés avant d'être jetés. Il pose la question du Kitsch dans notre société.

On retrouve chez Guillaume ABDI cette même interrogation sur l'envahissement d'objets désuets à bas coût qui inondent par leur « mauvais goût » et leur altérabilité notre environnement quotidien. Pierre ARDOUVIN tente de redonner du sens à ces objets, dans une fiction à la fois personnelle et collective, dans la seconde vie qu'il donne à ces objets dans ses installations, il en fait les vecteurs d'un rêve.« Ses oeuvres sont différentes et laissent place à notre imagination, il arrive par ses oeuvres à nous faire inventer un monde qui nous sort de la réalité à nous évader à ne plus penser à rien.Je suis contente d'avoir rencontré Guillaume ABDI. » REY MELISSA – 4°4

Le cheap et le Kitsch sont les matériaux récurrents présents dans les démarches de ces deux artistes.« Le détournement et l'appropriation sont autant de caractéristiques de mon iconographie. Tout devient nourriture visuelle si elle est collective. » G. ABDI

Aldo MOZZINI: question de richesse.

http://www.villaduparc.com/actualite-aldo-mozzini-de-la-villa-du-parc-centre-art-contemporain.html

Proche de l'Arte Povera, cet artiste actuellement exposé à la Villa du Parc à Annemasse, réalise des sculptures issues d'un art du bricolage. L'objet est au coeur de son oeuvre. Le cabinet de curiosités,

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les chaussures, les sièges pour nains de jardins, les cabanes à oiseaux, nichoirs impraticables pour oiseaux mirauds... Tous ces objets, par leur construction, leur origine et leur défonctionnalité sont des interrogations sur notre société.

Dans sa collection de chaussures réalisée à partir de matériaux de récupération (différents morceaux de bois, papier, carton, simili cuir, etc...) il présente dans une ambiance zen, des tongs et des mules dont il revendique l'identité bio. Cette ligne de chaussures est revendiquée comme une ligne les plus économiques qui soit, puisque réalisée à partir de matériaux de récupération. Leur allure singulièrement nippone fait écho à l'invasion de productions chinoises, et à leur coût de réalisation souvent dérisoire qui permet l'enrichissement de ceux qui savent mettre en valeur le produit pour s'enrichir. On retrouve la question de la relation entre la richesse et la pauvreté qui est au coeur des déséquilibres de notre monde actuel.

Lorsque Guillaume ABDI fait se rencontrer des plaques de marbre par un scotch à 2 euros trouvé dans une foire-fouille de bricolage, et que cette rencontre improbable du riche et du pauvre crée une véritable émotion chez le spectateur, se pose alors la question de la valeur des choses et du rôle de l'argent dans notre société. La question de la richesse de l'objet est aux coeur de nos interrogations contemporaines.

D. Résonances contemporaines

Dans la création contemporaine on peut remarquer que nombres d'artistes interrogent ce qui pose question dans notre société:

• que ce soit la question des richesses, de leur identification et de leur légitimité, de leur partage;

• que ce soit la question de la place de l'objet, de sa fonction (tant d'objets ceci a-t-il encore du sens?), de sa présence et de son identité (est-ce que la forme et l'origine de cet objets ne sont pas déjà porteur d'une appartenance sociale?)

• que ce soit la question de la persistance: nous sommes dans un monde où le virtuel prend de plus en plus de place, l'image et le discours deviennent éphémères et se dématérialisent, de la même façon, la sculpture devient éphémère, se construit et se déconstruit au fil des expositions et des environnements. La persistance n'est pas dans l'objet sculptural qui impose sa forme, mais dans un objet caméléon et polymorphe qui se fond dans le contexte dans lequel il s'inscrit.

• Que ce soit la question de l'environnement et de la relation qu'entretien l'homme avec l'environnement par une consommation et une production exubérante et exponentielle d'objets qui engorgent la planète;

Mais par dessus toutes les époques, quelles qu'elles soient ce que la sculpture conserve en elle c'est « qu'on est pas obligé de comprendre pour aimer les choses, lui quand il était plus jeune, il écoutait de la musique mais ne comprenait rien des paroles, c'est pareil pour l'art on n'est pas obligé de comprendre pour aimer. » OUDIN Betty, 4°4

« ...Une chose m'a marqué, c'est quand il a dit qu'une oeuvre ne se comprend pas toujours, des fois, il faut laisser parler son imagination ». HUBICHE Raphaël, 4°4

13 mai 2010, BOURGOIN Véronique,

Professeur Agrégé d'Arts PlastiquesDocteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts.

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Table des matières I.Repères historiques: grandes lignes/ évolution histoire de l'art........................................................ 1 II.La question de l'art...........................................................................................................................3

A.Art et artisanat............................................................................................................................. 3 B.La hiérarchie des arts:................................................................................................................. 4 C.Les bouleversements du XX° Siècle........................................................................................... 5

III.La sculpture et sa pratique.............................................................................................................. 5 A.Définition étymologique du mot sculpture:................................................................................ 5 B.Petite histoire de la sculpture:..................................................................................................... 6

IV.Question du statut de l'objet dans la sculpture:...............................................................................9 A.L'objet non artistique dans l'art: objet manufacturé.................................................................... 9

Marcel DUCHAMP, « Fontaine. »1917 / 1964...........................................................................9 B.L'objet artistique comme objet utilitaire................................................................................... 10

LE BAUHAUS......................................................................................................................... 10MARCEL BREUER Fauteuil Wassily...................................................................................... 11Descriptif...................................................................................................................................11La chaise rouge et bleue de Gerrit RIETVELD........................................................................ 12

C.La sculpture et sa relation à l'espace......................................................................................... 13MERZBAU............................................................................................................................... 13CARL ANDRE .........................................................................................................................14

V.Les références dans l'oeuvre de Guillaume ABDI......................................................................... 15 A.Art contextuel- contexte de création......................................................................................... 15 B.Ancrages historiques................................................................................................................. 16 C.Dynamique contemporaine....................................................................................................... 18

Michael SAMUELS: mobilier/objet d'art................................................................................. 18Pierre ARDOUVIN: petites mises en scène du quotidien.........................................................18Aldo MOZZINI: question de richesse...................................................................................... 18

D.Résonances contemporaines..................................................................................................... 19

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