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1 CONTES DU BENIN Ouvrage collectif d'enseignants franco-béninois Editeur : Solidarité Laïque Seine Maritime

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CONTES DU BENIN

Ouvrage collectif d'enseignants franco-béninois

Editeur : Solidarité Laïque Seine Maritime

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Mon conte roule, roule, roule et tombe sur une mère qui a eu troisenfants.

Cette femme s’était mariée à un homme et ils avaient fondé unménage qui n’avait pas de grands moyens. Durant leur vie conjugale,ils ont eu successivement trois enfants : l’aîné avait pour nom OGANqui signifiait le fer, le cadet s’appelait ODJE qui signifiait la perle et lebenjamin se nommait AKOUE qui signifiait l’argent.

Ils vivaient modestement mais heureux jusqu’à la mort du pèreaprès une courte maladie. C’est alors que la misère s’installa dans cefoyer paisible.

Les enfants grandissaient ...Manger était le problème de chaque jour. Le plus souvent, ils

n’avaient, pour tout repas, que les amandes extraites des noix de palmeque la maman allait glaner dans les champs. Les jours heureux, elleparvenait à ajouter du gari qu’elle obtenait en vendant des amandes.

Un jour, l’aîné, ayant beaucoup réfléchi, décida de partir à l’aven-ture. Et il le fit... Ce fut une bonne idée puisqu’il fit fortune et devintroi.

Le cadet qui suivit l’exemple de son frère s’enrichit à son tour etdevint roi dans un autre pays...

Le benjamin, après maintes hésitations, quitta sa mère et partit luiaussi.

La mère se retrouva donc seule et dans la misère.Quelques années plus tard, elle apprit par des marchands

ambulants que OGAN, l’aîné de ses fils, était devenu roi dans unecontrée lointaine. Elle décida d’aller le voir.

Elle arriva sur les lieux au milieu de la nuit et dormit à la belleétoile. Le lendemain, son fils qui sortait de son palais accompagné deson escorte royale la rencontra et la reconnut comme sa mère. Mais il

LE FER, LA PERLE ET L’ARGENT

Notes

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n’en fit rien voir car, elle était si crottée, qu’il en fut indigné et la fitchasser. Elle retourna alors dans son village, très malheureuse.

A quelques temps de là, un autre marchand lui apprit que ODJE,son fils cadet, lui aussi, était devenu roi d’un domaine très éloigné. Elletenta de rencontrer ce fils. Comme OGAN, il la chassa. Profondémentattristée, elle ne sut que regagner son village où elle continua de vivremisérablement.

Plus tard, un troisième marchand lui raconta que son benjamin,AKOUE, était également roi. Mais craignant d’être traitée de la mêmemanière que précédemment, elle préféra rester au village.

Enfin, devant l’insistance du marchand et du chef de village, elleconsentit à reprendre la route pour aller voir AKOUE. C’est encore aumilieu de la nuit qu’elle atteignit le pays.

Le lendemain était un jour où le roi devait sortir pour ses affaires.De loin, il reconnut tout de suite sa mère malgré son état misérable.

Contrairement à ce qu’avaient fait ses frères et, à la surprisegénérale de ses sujets, il descendit promptement de son cheval pourl’accueillir à bras ouverts, très heureux de l’avoir retrouvée.

Alors, il désigna quelques uns de ses sujets et leur ordonna, ainsiqu’à l’une des reines, de l’accompagner au palais et de l’entourer detous les soins.

Le roi reprit le chemin de sa tournée. Ses ordres furent exécutéset, quand il revint, il trouva sa mère toute rayonnante.

Cette réception inattendue fit renaître la joie dans le coeur de lamère et de son fils. Ce fut le grand moment des retrouvailles et la nuitfut trop courte pour qu’ils se racontent tout ce qu’ils avaient vécudepuis leur séparation. Néanmoins, elle prit le temps de porter unjugement sur chacun de ses enfants :

« OGAN m’a vue toute crottée devant son palais et il m’a chassée.Qu’il soit, pour toujours, chauffé à blanc et martelé à grands coups !...

Sans le moindre ménagement, ODJE me rejeta lui aussi. Qu’il soitenfilé pour toujours et perde ainsi toute liberté jusqu’à la fin de sesjours!...

Mais toi, AKOUE, tu m’as accueillie et honorée. Reçois mabénédiction : tu seras recherché par tous jusqu’à la fin des temps!...»

Et il en fut ainsi...

Notes

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Il était une fois un caméléon et un lièvre.

Le caméléon avait un grand champ de mil. Le plus beau detout le village !.. Au cours d’une promenade, le lièvre découvritle champ et décida de jouer un mauvais tour au propriétaire.Alors, il traça un chemin conduisant de sa maison à ce champ.

Des jours passèrent sans qu’il vît la moindre personne danscet endroit.

Mais enfin, il découvrit un jour que c’était le caméléon quile travaillait et qu’il n’avait aucun chemin pour s’y rendre, si bienqu’il passait toujours inaperçu.

Quand vint le moment de la récolte, les deux animaux serencontrèrent, pour la première fois, dans le champ. Alors lelièvre s’empressa de demander au caméléon l’objet de sa visitedans le champ d’autrui.

Le caméléon, tout étonné, risposta vivement en répondantqu’il en était le véritable propriétaire.

Une vive dispute s’engagea entre eux sans qu’ils puissenttrouver un accord, bien entendu. C’était ce que le lièvre pré-voyait. Ils se rendirent donc chez le chef du village pour deman-der justice.

Le chef les pria de s’expliquer chacun à son tour.

LE PAGNE DE MOUCHES

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TABLE DES MATIÈRES

LE FER, LA PERLE ET L’ARGENT .................................................................. 2

LE PAGNE DE MOUCHES................................................................................ 4

LE PRINCE ET L’AMOUR DE SIKA .................................................................. 7

LA PUISSANCE D'UN SOBRIQUET ............................................................... 10

L’HUILE ROUGE, L’IGNAME ET LA PANTHERE............................................ 13

L’ARAIGNEE, LE MOUTON ET LE BOUC ...................................................... 15

UNE PROMESSE TROP BIEN TENUE .......................................................... 19

GBETO VIVI (L’HOMME) ............................................................................... 21

LE VIEILLARD ET LES SEPT LIONS ............................................................. 23

L'IMPATIENCE DU CHASSEUR SOLITAIRE .................................................. 25

LE TROISIEME FOU ....................................................................................... 27

LA PANTHÈRE ET LA RUSE DU CHAT.......................................................... 29

LES DEUX AVEUGLES ................................................................................... 33

PLUS MALIN QUE LE CHEF... ........................................................................ 35

TEL EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE ...................................................... 38

LE DIABLE DUPE ........................................................................................... 41

LES RETROUVAILLES DES DEUX FRERES................................................. 43

LES AVENTURES DE TINYEKPON ................................................................ 45

LE STRATAGEME DE LA TORTUE ................................................................ 47

UN CHASSEUR INGRAT ............................................................................... 48

LE VOLEUR GOURMAND .............................................................................. 50

LA CONVOITISE D’UNE COEPOUSE ............................................................ 52

LA MECHANTE FETICHEUSE ....................................................................... 54

L’ORIGINE DE MAMI WATA ........................................................................... 56

LA COLONNE VERTEBRALE ......................................................................... 57

A CHACUN SELON SON DESTIN .................................................................. 59

LE BOA ET LA TORTUE ................................................................................. 61

LA TEMERITE RECOMPENSEE ................................................................... 64

LE PRIX D’UN ENTETEMENT ........................................................................ 67

LA POULE ET L’EPERVIER ............................................................................ 71

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Prenant le premier la parole, le lièvre somma le caméléonde lui décrire le chemin par lequel il se rendait à son champ pouraller y travailler. Le caméléon expliqua qu’il se faufilait au pluscourt, à travers la brousse, pour ne pas perdre de temps.

Alors, le lièvre, rusé comme toujours, enchaîna : " Comment, dans ces conditions, es-tu arrivé à labourer ton

champ? - Mais, comme chaque année, commença le caméléon. - Impossible!.. coupa le lièvre. Puis il continua: « Quant à

moi, j’ai tracé, depuis ma maison jusqu’au champ, une piste parlaquelle je vais travailler régulièrement avec toute ma famille."

Le chef ayant écouté les deux antagonistes réfléchit unmoment et attribua le champ au lièvre. D’abord abasourdi par ladécision qu’il venait d’entendre, le caméléon resta sans voix et lelièvre en profita pour partir au plus vite. Mais le caméléon décidabientôt de se venger de la malhonnêteté du lièvre...

Pour ce faire, il confectionna un joli pagne de mouchesvivantes, très couteux et très séduisant car il connaissait bien,maintenant, le caractère du lièvre.

Dès que le lièvre vit le pagne, il décida de l’acheter à n’im-porte quel prix, tant il le trouvait magnifique. Le caméléon avaitvu juste et répliqua aussitôt qu’il ne le céderait qu’en échange d’un canari de mil. Le lièvre ricana, sûr qu’il était de l’obtenir.

Pour mener à bien sa vengeance, le caméléon fit creuser ungrand trou au-dessus duquel il posa son canari dont le fond étaitpercé.

Au moment convenu, le lièvre se mit à l’oeuvre pour rem-plir le canari. Tout seul d’abord, puis avec toute sa famille. Il étaitsi absorbé par sa tâche qu’il ne voyait pas sa récolte diminuer,diminuer. Elle fut bientôt épuisée mais... le canari n’était toujourspas plein.

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ne la reverrait pas avant trois semaines. Elle s’installa alors surson nid et se mit à couver.

Lorque l’épervier s’inquiéta du silence de la poule, il revintvers sa maison et demanda à ses voisins où elle était. Ils luirépondirent qu’elle était partie pour au moins trois semaines.

Bien qu’un peu surpris par le départ imprévu de son amie,l’épervier repartit chez lui sans attendre plus longtemps. Quandil revint trois semaines plus tard, les voisins de la poule lui direntqu’elle n’était toujours pas revenue.

Il commençait à s’impatienter mais il ne pouvait se rendreseul chez le féticheur car c’était la poule qui avait tout ce qu’ildevait donner pour obtenir la tisane et c’était elle qui connaissaitbien le chemin pour s’y rendre. Il continua donc à l’attendre...

Cependant une aussi longue absence commençait à lui pa-raître bizarre et il décida de rester près de la case de la poule.Il se percha donc sur un arbre et guetta son retour...

Il n’était pas là depuis très longtemps lorsqu’il fut bien étonnéde voir la poule sortir tranquillement de sa maison suivie debeaux poussins bien dodus et il comprit qu’il avait été trompé.

Jusqu’à ce moment, il avait cru que la poule était toujoursson amie. Alors il entra dans une colère terrible et, sans réfléchir,il fondit sur elle et sa nichée et tua tous les poussins...

C’est depuis ce jour-là que les éperviers sont devenus lesgrands ennemis des poules et qu’ils mangent leurs poussins...

Conte dit et traduit par les enfants de l’école de Sobè - Ifangni.

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Furieux, il s’endetta pour le remplir...

Enfin, il réussit et reçut donc le pagne comme il était prévu.Il lui fallait maintenant chercher une bonne occasion pour l’ex-hiber. C’est ainsi qu’il alla voir le chef du village et lui proposade programmer une fête des récoltes. Le chef accepta et fitgongoner* pour annoncer l’évènement et la date choisie pour lecélébrer. Le jour de la fête arriva. Le lièvre, vêtu de son magni-fique pagne de mouches vivantes, s’y rendit le dernier pour sefaire remarquer. D’un air hautain, il avançait au son des tam-tamsqui résonnaient.

Certains spectateurs étonnés de voir le lièvre, dans ce cos-tume si original, mieux habillé que le chef du village, se chucho-taient des mots à l’oreille. D’autres l’acclamaient et les joueurs detam-tam le louaient très fort. Transporté de joie par cet accueilextraordinaire, le lièvre dansait, éperdu de bonheur.

Le caméléon, toujours sur sa faim de vengeance, avait prissoin de prendre avec lui une gourde de miel. Quand le lièvre,narquois, s’approcha de lui, il ouvrit sa gourde toute grande.Alors, ce qu’il avait prévu se réalisa: les mouches, attirées parl’odeur du miel, quittèrent le pagne en un instant pour se pré-cipiter vers le miel.

Dépossédé de son vêtement, le pauvre lièvre se retrouvatout nu au milieu de la foule.

Honteux, il détala à toutes jambes vers son domicile suivides rires des spectateurs encore tout ébahis par ce qu’ils venaientde voir...

*gongoner: sonner le gong.

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LA POULE ET L’EPERVIER

Il y a longtemps, très longtemps, la poule et l’épervier étaientdes amis sincères. Si la poule ne trouvait pas l’épervier, elle nemangeait pas. Si l’épervier ne trouvait pas la poule, il ne dormaitpas. Et tout allait bien ainsi...

Un jour, cependant, les deux amis s’aperçurent que les autresoiseaux avaient tous des enfants alors qu’eux-mêmes n’en avaientpas. Ils décidèrent donc de tout faire pour en avoir et se rendirentchez le féticheur.

Celui-ci consulta l’oracle et leur dit ce qu’il fallait acheterpour obtenir satisfaction. Puis il ajouta :

" Lorsque vous aurez tout ce que je vous ai demandé, vousreviendrez et je préparerai la tisane. Vous la boirez et vous aurezbientôt des enfants. "

L’épervier est un oiseau puissant et il peut voler longtemps.Il peut voler jusqu’au Gabon ou même jusqu’en Côte d’Ivoire. Iltrouva donc rapidement tous les produits demandés par le féti-cheur.

Mais la poule vole mal et doit se contenter des vers dansles tas d’ordures. Et lorsque l’épervier revint, elle n’avait pasencore réussi à rassembler tout ce qui était nécessaire. Elle de-manda donc à l’épervier de l’attendre un peu avant de retournerchez le féticheur.

L’épervier accepta et, confiant, il laissa tout ce qu’il avaittrouvé chez la poule et repartit attendre chez lui.

C’est alors que la poule se précipita chez le féticheur avectous les produits et fit faire la tisane pour elle seule. Puis ellerevint chez elle, pondit ses oeufs, annonça à son entourage qu’on

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LE PRINCE ETL’AMOUR DE SIKA

Il était une fois un roi qui n’avait pas d’enfant.Il consultait les vodouns* à tous moments, faisait des sacri-

fices tous les jours et implorait Dieu aussi souvent qu’il lui étaitpossible.

Enfin, Dieu exauça ses prières et sa femme tomba enceinte.Neuf mois plus tard, elle accouchait d’un très beau garçon.

Dans ce royaume, après chaque naissance, il fallait consulterle Fâ* qui déterminait les interdits aux nouveau-nés. D’après lesrévélations du Fâ , il serait interdit au petit prince de rencontrerune femme dès qu’il aurait atteint l’âge de cinq ans et ceci jusqu’àla fin de ses jours.

Aussitôt, le roi fit construire une grande maison entourée dehautes murailles. La place réservée au prince était perdue dansl’immensité de cette propriété et le chemin pour s’y rendreétait très compliqué.

Mais le roi mettait ainsi tout en oeuvre pour respecter lesmessages du Fâ .

Le roi et la reine entouraient leur enfant de toute leur affec-tion et le gardait jalousement car c’était leur unique héritier.

Quand le petit prince eut cinq ans, il fut effectivement isolédans la maison qui lui était destinée. Il vécut désormais seul.Chaque matin, un des sujets du roi lui apportait à manger. Le roiengagea un sculpteur pour lui apprendre à travailler le bois et ledistraire un peu. Il vécut ainsi jusqu’à l’adolescence en s’occupantà fabriquer quelques objets en bois.

Mais dans ce pays, il y avait aussi une très belle jeune filleappelée Sika. « Sika» , dans la langue de ce pays, désignait l’or.

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C’est alors que l’ami d’Akouegnon, Gbetognon(2), résolut dese rendre chez le marchand et de délivrer son ami de cette misèremaintenant qu’il savait où le trouver. Il partit au plus vite et seprésenta au marchand en lui disant : " Je veux une tête. " Sansautre précision.

La négociation aboutit à dix sous la tête. Gbetognon payaet réclama sa marchandise. Mais comme la tête désirée n’avaitpas été précisée au départ, c’était la tête du vendeur que Gbetognonexigea. Le marchand réalisant le danger qu’il courait, conduisitson acheteur chez l’autorité locale où, après une longue palabre,il fut décidé que c’était l’acheteur qui avait raison et qui devaitobtenir la tête du marchand.

Ce dernier supplia Gbetognon de lui laisser la vie sauve.Alors le jeune homme lui demanda toute sa fortune pour sauversa tête. Le marchand accepta avec empressement et Gbetognonemmena tout, y compris le cheval et surtout son ami Akouegnon.

Sur le chemin du retour, il chantait joyeusement : "Akouegnon ja ! Gbetognon ja ! " ce qui signifie : " Akouegnonarrive ! Gbetognon arrive ! "

Toute la population accourait pour les saluer. C’était la grandejoie et le riche convint enfin que l’homme était supérieur à l’ar-gent...

1- Akouegnon : ce mot signifie, en langue locale, " l’argent est une bonne chose»ou encore « on a toujours besoin d’argent "

2- Gbetognon , en langue locale, veut dire à peu près " l’homme est bon " ouencore " on a toujours besoin de l’homme "

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Sika repoussait toutes les avances des jeunes gens de la régioncar aucun ne l’intéressait.

Tous les matins, elle allait au marché et passait devant lamaison du prince sans savoir qui l’occupait. Cependant, à chaquepassage, elle entendait des bruits bizarres qui venaient de l’inté-rieur du palais et qui l’intriguaient chaque jour davantage...

Un soir, poussée par la curiosité, la jeune fille décida d’allervoir ce qui se passait dans cette maison en rentrant du marché.

Elle déposa son panier près du portail et entra. Elle se trouvabientôt dans un labyrinthe si compliqué qu’elle ne parvint pas àatteindre le lieu d’où venait le bruit. Elle rebroussa chemin pourne pas se mettre en retard.

Le lendemain, au retour du marché, elle tenta unedeuxième fois d’aller jusqu’à la source du bruit qui suscitait sacuriosité. Mais ce fut encore en vain.

Le troisième jour, elle n’alla même pas au marché. Biendécidée d’atteindre son but ce jour-là, elle déposa son panierd’akassa* au pied du portail et rentra dans le labyrinthe. Ellemarcha, marcha, marcha un long moment sans se décourager.

Tout à coup, elle arriva devant la salle d’où venait cebruit qui aiguisait sa curiosité depuis si longtemps. Sans fairele moindre bruit, elle poussa la porte et... que vit-elle?

Un jeune homme dont la beauté extraordinaire l’immobi-lisa.

Ayant senti une présence non loin de lui, le prince seretourna et fut émerveillé, lui aussi, par la beauté de Sika. Maishélas! il dut lui demander de s’éloigner. Comme elle ne bou-geait pas, il ajouta :

" Le Fa* m’a interdit de voir toute femme depuis que j’aiatteint l’âge de cinq ans". Médusée par le spectacle qu’elleavait sous les yeux, la jeune fille ne bougeait toujours pas. Etsoudain, le beau prince s’effondra inanimé. Sika prit peur etdétala aussi vite qu’elle put.

Le lendemain matin, le valet qui lui apportait à mangerconstata la mort du prince et courut chez le roi annoncer l’af-freuse nouvelle. Le roi informa la reine et tous deux fondirenten larmes.

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Pendant ce temps, son père et sa mère, bouleversés par lalongue absence de leur fils se mirent à le chercher et promirentune forte récompense à toute personne pouvant leur donner desrenseignements sur les chemins qu’il avait pu suivre. Mais lesrecherches furent vaines.

Au marché, Akouegnon continuait de chercher quelque choseà manger mais, sans argent, il ne pouvait rien obtenir. Il s’appro-cha donc d’un marchand d’animaux et, désespéré, il lui demandas’il voulait lui acheter son cheval. Comme la pauvre bête n’avaitplus que la peau sur les os, le marchand lui proposa dix sous.

Sans autre commentaire, Akouegnon accepta dix sous etallait descendre de son cheval pour le remettre, la mort dansl’âme, à son nouveau propriétaire. Mais à ce moment, celui-cireprit la parole pour lui dire :

" Vous étiez sur le cheval quand nous avons convenu duprix à payer. C’étaient donc cavalier et cheval qui, pour moi,valaient les dix sous annoncés ! "

La discussion dura longtemps malgré l’état d’Akouegnon etelle les conduisit chez l’autorité de la localité qui, finalement,donna raison au marchand.

Ainsi, le jeune et le cheval furent menés chez cet homme quiutilisa, à longueur de journées, les forces du garçon comme cellesde son cheval. Et le temps passait...

Enfin, la nouvelle parvint au père d’Akouegnon que son filsvivait dans ce village. Il partit aussitôt et arriva aussi vite qu’ilput chez le marchand qui employait Akouegnon et lui annonçaqu’il venait reprendre son fils. Il alla jusqu’à lui promettre lamoitié de sa fortune mais le marchand refusa toutes ses offres etil dut repartir sans son enfant. D’autres interventions ne modi-fièrent pas davantage la position du marchand.

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Revenu de son émotion première, le roi fit appeler le devin.Informé de la situation, celui-ci annonça que tout espoir n’étaitpeut-être pas perdu. D’abord, il demanda la convocation de l’as-semblée du peuple. Puis il fit creuser une fosse au milieu de laplace publique et la fit remplir de tout ce qu’il fallait pour fairedu feu. Tout cela fut fait promptement.

Comme d’habitude, tout le monde était au rendez-vous.Alors, le devin fit allumer le feu et réclama le corps du princequ’il fit jeter dans les flammes. Puis il invita le couple royal àrejoindre leur fils bienaimé dans le brasier. Le roi et la reinerefusèrent catégoriquement en ajoutant qu’ils préféraient vivrepour faire d’autres enfants.

Alors, à la surprise générale, une jeune fille se détacha dela foule et se dirigea vers la fosse embrasée en chantant. C’étaitSika et son chant disait:

«Honte, honte, honte,C’est une honte !Avez-vous vu ?C’est une honte !

Le père qui a cherché les feuilles la nuit ne s’est pas jeté dansle trou.

La mère qui a préparé la tisane la nuit ne s’est pas jetée dansle trou.

Honte, honte, honte...»

A ce moment, comme elle était arrivée au bord de la fosse, ellese précipita dans le feu. Un silence de mort plana sur toute la foulejusqu’à ce que tout fut consumé. Alors, dans le recueillement géné-ral, le devin s’approcha de la fosse et, d’un geste majestueux, asper-gea les cendres d’un liquide magique.

Et, brusquement, dans un tourbillon extraordinaire, tout lemonde vit apparaître au bord de la fosse Sika et le prince plusrayonnants de beauté que jamais personne n’aurait pu les imaginer...

Les vodouns : les dieux, les fétiches dans la religion animiste du Bénin.Le Fâ : l’oracleL’akassa : La pâte de maïs

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che pouvant être considérée comme avilissante pour lui. Mais,finalement, il se décida à suivre le conseil de ses amis et se renditchez le pauvre. Il lui demanda quel était son secret et lui promitla moitié de sa fortune si sa femme arrivait à concevoir un enfant.

Sagement, le pauvre rejeta cette belle promesse, dit qu’iltenterait le traitement et qu’on verrait bien le résultat. Il préparadonc l’infusion comme la première fois et la servit à la femme duriche. Elle la but et tomba bientôt enceinte. Neuf mois plus tard,c’est aussi à un fils qu’elle donna naissance pour la plus grandejoie de son mari.

Des années passèrent... Et les deux enfants, celui du pauvreet celui du riche, devinrent des amis sincères.

Etant enfant unique et garçon, l’enfant riche avait tout cequ’il désirait : costumes, parures, appartements et surtout uncheval pour ses promenades. Ayant constaté que son ami n’avaitrien de tout cela et qu’il faisait tous ses déplacements, même lesplus longs, à pied, il en fut ému et demanda à son père de bienvouloir lui acheter un cheval à lui aussi.

Malgré de multiples demandes, le père refusait toujours desatisfaire le souhait de son fils. Et un jour celui-ci lui annonça :" Comme tu refuses toujours l’achat du cheval pour mon ami, j’aihonte de vivre dans ta maison et j’ai décicé de partir définitive-ment de chez toi. " Bien qu’il adorât son fils , le riche ne changeapas sa position...

Donc, un matin, le fils du riche qui se nommait Akouegnon(1),sella son cheval et quitta son père pour une destination incon-nue...

Il chemina de longs jours et de longues nuits et fut bientôtassailli par la faim et la fatigue. Comme il arrivait dans un village,il se dirigea vers le marché en pensant qu’il trouverait bien quelquechose à se mettre sous la dent et sous celles de son bon cheval.

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LA PUISSANCE D'UN SOBRIQUET

Il était une fois un jeune pêcheur qui avait deux femmes etqui se nommait : «Meïtchi-Boro "c’est-à-dire : " Si Dieu n’a pasdécidé de ton sort, personne d’autre ne peut t’arracher à la vie ".

De bouche à oreille, ce nom extraordinaire parvint jusqu’auroi qui s’indigna de cette appellation car il pensait qu’elle pourraitnuire à son autorité. Donc, un jour, il fit venir le jeune pêcheurà la cour et lui confia une bague qu’il dit sacrée et objet de lapuissance du royaume en lui demandant de la garder précieuse-ment. Le stratagème du roi jaloux se mettait en place.

Quelques années s’écoulèrent...

Et un jour, le roi invita la seconde épouse de Meïtchi-Boroà venir le voir. Il savait qu’elle était la confidente du pêcheur etlui promit monts et merveilles si elle arrivait à lui rapporter labague. Séduite par les promesses du roi et pour en finir avec lamisère qui l’épuisait, elle se décida finalement à lui rendre ceservice, consciente cependant qu’elle allait livrer son mari audanger.

Et, comme tout le monde pouvait s’y attendre, entre époux,au lit, pas de résistances aux palabres ni aux tentations; même lesplus grands secrets de leur vie pouvaient être dévoilés en cesinstants d’intimité .C’est ce qui arriva à notre jeune pêcheur qui,aveuglé par l’amour éperdu qu’il portait à sa seconde épouse, luiindiqua l’endroit où il cachait la bague que le roi lui avait confiée.

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LE PRIX D’UN ENTETEMENT

Mon conte se porte sur un riche et un pauvre qui habitaientdans la même localité...

Un jour, le pauvre se maria selon les rites du village et selonses possibilités. Peu de temps après, le riche célébra son mariageavec tout le faste que sa position requerrait.

Ils vivaient bien ainsi mais aucune des deux femmes netomba enceinte. Ce qui était très triste dans cette contrée...

Un ami du pauvre, peiné de sa situation , promit de lui faireconnaître une infusion qui devait favoriser la conception. Il repar-tit chez lui et lui communiqua bientôt cette recette tant attenduepar le couple.

Les plantes nécessaires à la fabrication du remède furentvite rassemblées, l’infusion préparée et la femme subit le traite-ment. Peu de temps après, elle fut enceinte et, neuf mois plustard, elle donna naissance à un garçon qui fut la joie et la richessedu couple.

Pendant ce temps, le riche avait mené son épouse chez tousles gynécologues de la région et même d’Europe. Hélas ! sansaucun résultat. C’est à ce moment que ses proches lui conseillè-rent de rencontrer le pauvre pour s’inspirer de son expérience.

D’abord, il fut gêné par cette proposition car un riche nedevait jamais imiter un pauvre. Il hésita longtemps, cette démar-

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La vilaine femme ayant obtenu le renseignement nécessaireprit le bijou et se rendit aussitôt chez le roi pour lui remettre lafameuse bague. Celui-ci la reconnut immédiatement. Il la pritvivement sans même remercier la traîtresse.

Sûr qu’il était maintenant de pouvoir se venger de ce pê-cheur prétentieux, il se rendit au bord de la rivière et, à l’insu detout le monde, jeta la bague dans les flots. Mais, curieusement,cette bague fut aussitôt avalée par un poisson qui la prit pour unede ses proies favorites.

Le stratagème évoluant comme il croyait, le roi convoqua Meïtchi-Boro dès le lendemain et lui réclama sa bague afin de s’en servir "à des fins utiles ", dit-il, " et dans l’intérêt de son peuple ".

Le pêcheur, confiant, revint sereinement à la maison où ilmena des recherches vaines. Il retourna voir le roi qui ne voulutrien entendre de ses explications: " Ou tu me rends la bague outu perds la vie " finit-il par déclarer jouissant de la réussite de sonidée.

Meïtchi-Boro repartit chez lui très soucieux. Néanmoins, dèsqu’il fut rentré, il reprit ses recherches dans tous les coins et lesrecoins de sa maison. Mais, bien sûr, ce fut en vain.

Le jour de la remise de la bague était fixé. Elle devait avoirlieu sur la place publique et en présence de tout le peuple.

Le jeune homme réfléchit des jours durant sans trouver lamoindre réponse à son problème. La veille du jour prévu pourla remise de la bague, il décida d’aller pêcher pour oublier unmoment son malheur. Il eut de la chance et rapporta beaucoupde poissons qu’il vendit, se réservant le plus gros pour lui-même.

Rentré à la maison, il demanda à sa première épouse de luipréparer ce magnifique poisson pour son dernier repas car, n’ayantpas retrouvé la bague, il devait se préparer à mourir.

Pouvez-vous deviner la suite ?...Pendant que la femme vidait le poisson, une bague tomba

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trait le reste de sa bouteille. La reine en fit autant avec la sienne.Puis chacun attaqua le second flacon. Mais, petit à petit, l’alcoolfaisait son effet sur Djehossou qui, bientôt, glissa de son fauteuilet tomba dans un profond sommeil avant d’avoir rien découvertde la supercherie de son épouse.

C’était, bien sûr, ce que la reine avait prévu. Alors sansperdre une minute, elle s’empara du couteau qu’elle avait pré-paré et, à son tour, coupa la tête du roi sanguinaire, cet affreuxmari qu’elle avait dû si longtemps supporter et elle la déposadans un panier.

Ensuite, elle rassembla tout ce qu’elle pouvait porter et partitavec ses enfants vers son village natal. Elle tenait, dans sa maindroite, le panier qui contenait la tête de sa mère assassinée parson cruel mari et, dans sa main gauche, celui qui contenait la têtedu mari qu’elle venait de tuer pour venger cette mère qu’elleregrettait tant de ne pas avoir revue. Et ses enfants portaient lereste...

Ainsi, au pas cadencé et rythmé par une chanson guerrière,tout le groupe se dirigea vers la maison paternelle. La chansondisait :

«Mon mari a coupé la tête de ma mère;Il l’a mise dans un canari, canari ! canari !Moi aussi, j’ai coupé la tête de mon mariQue j’ai mise dans un panier, panier ! panier !Oh, ma mère ! Oh, mon mari !Que je suis malheureuse !...»D’abord surpris par cet étrange cortège, tous les gens regar-

daient silencieusement ce défilé. Puis certains écoutèrent ce quedisait les paroles de la chanson. Comprenant soudain ce qui s’étaitpassé, tout le monde se mit à applaudir cette brave femme quivenait de les délivrer de Djehossou, le roi barbare.

Elle fut portée en triomphe jusqu’au palais de son père oùelle reçut en récompense la moitié des biens de celui-ci. Alors elles’installa avec ses enfants dans son village natal où tous vécurentheureux jusqu’à la fin de leurs jours...

* le sodabi est un alcool fabriqué par les paysans béninois.

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de ses entrailles. Le pêcheur, assis non loin de là, pensif, fut alertépar le bruit du métal tombant sur le sol dur. Il leva les yeux versson épouse qui lui tendit, étonnée, la bague qu’elle venait deramasser. Quelle ne fut pas la surprise de Meïtchi-Boro, c’était lefameux bijou !...

Le vaillant pêcheur se leva sans laisser paraître sa joie etremercia le seigneur de lui avoir sauver la vie. Le comportementdu mari étonna bien la seconde épouse, auteur de la trahison,mais elle ne sut que penser car elle n’avait rien vu ni rien en-tendu. Hormis cette dernière, toute la maisonnée préparait ledeuil de veuvage et d’orphelinat tel que la coutume le voulait.

Le lendemain matin, très tôt, la place publique était noire demonde. Chacun se demandait ce qui allait se passer si le pêcheurne remettait pas la bague au roi. Les commentaires circulaient àpropos du sobriquet.

Soudain, tous se turent. Un silence de mort s’étendit sur laplace et la voix du roi retentit par celle de son porte-parole.L’angoisse planait. Le bourreau, debout, attendait l’ordre du roi.

Alors le pêcheur se détacha de la foule, avança lentementet fièrement vers le roi, le fixa un instant et lui tendit la bague.Grande fut la surprise de sa majesté et de tout le public.

" Comment a-t-il bien pu retrouver cette bague ? " se de-manda le roi

Dieu et Meïtchi-Boro, seuls, le savaient...

Toute la foule sidérée, trempée de sueur froide, admira lepêcheur pour sa chance et son sang-froid.

Le roi, ahuri, fut bien obligé de le remercier et, en récom-pense, il lui donna la moitié de ses biens, convaincu, depuis cejour, que certains sobriquets révélaient des capacités incontesta-bles...

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Elle ne laissa donc rien paraître de son émotion afin deprendre tout le temps nécessaire pour élaborer son plan de ven-geance.

Un jour que le roi Djehossou était de bonne humeur, la reinejugea le moment favorable à l’exécution de ce plan et elle lui fitla proposition suivante :

" Dada-Segbo, je te vois de joyeuse humeur et j’ai envie dete lancer un défi. "

Surpris, le roi ricana longuement et déclara :" Depuis quand l’eau devient-elle feu ? "Mais sa femme l’interrompit et continua :" Voici ce que je te propose : Essayons de voir qui de nous

deux résistera le mieux à boire deux litres de sodabi * sans êtreivre. "

Djehossou recommença à rire. Il riait aux larmes en disant :" Toi, ma femme, te mesurer à moi ? Et ceci à propos de

sodabi ? Eh bien nous verrons bien ça ! "Le rendez-vous fut pris et ils convinrent qu’ils seraient les

seuls témoins de cette aventure.Au jour dit, la reine avait fait ses provisions : deux bou-

teilles étaient remplies de sodabi mais deux autres bouteilles necontenaient que de l’eau. Cela prêt, il s’agissait pour elle de bienmener la suite des opérations.

Quand le roi arriva, elle s’avança vers lui en disant :" Oh! puissant roi , daignez prendre vos bouteilles et met-

tons-nous à l’épreuve. "La malicieuse femme avait placé les bouteilles de manière

à ce que le roi prit bien celles qui étaient pleines de sodabi.Très sûr de lui, le roi s’empara des flacons qui lui étaient

destinés et commença à boire goulûment. Un quart de la bouteilleavait déjà disparu quand la reine, voyant que son stratagème sedéroulait comme prévu, se mit à boire elle aussi. Mais elle, c’estla moitié de sa première bouteille qu’elle avala d’un trait et sansla moindre difficulté.

Blessé dans son amour propre en constatant que sa femmeavait déjà avalé deux fois plus de liquide que lui, le roi vida d’un

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L’HUILE ROUGE, L’IGNAMEET LA PANTHERE

L’Huile Rouge (1), l’Igname (2) et la Panthère étaient devenues detrès bonnes amies.

Tous les cinq jours, elles allaient ensemble au marché. Sur lechemin, il y avait un gros arbre bien touffu. A chacun de leur voyage,lorsqu’elles arrivaient près de cet arbre, elles enlevaient leurs peauxqu’elles accrochaient aux branches et alors, elles se transformaient enfemmes pour aller vendre leurs produits. Au retour, elles reprenaientleurs peaux et retrouvaient leurs formes initiales. Et cela durait depuisbien longtemps...

Mais un jour, un chasseur nommé Dossou s’était caché dansl’arbre et les surprit dans leur transformation. Il ne se montra pas mais,après leur départ, il sauta à terre, saisit les peaux et les cacha. Puis ilregagna sa cachette en attendant le retour des femmes.

Lorsqu’elles eurent fini leur vente, elles revinrent, comme chaquefois, sous l’arbre et, ce jour-là, elles s’aperçurent que leurs peaux avaientdisparu. Elles cherchèrent, cherchèrent, cherchèrent encore jusqu’à ceque l’homme descendit de l’arbre. Il leur demanda :

-" Qu’est-ce que vous regardez comme ça , sous cet arbre ?" Nouscherchons ce que nous avions accroché ici. " Si je vous le retrouvais,qu’est-ce que vous me promettriez en échange ? " Oh, tout ce que tuvoudras ! répondirent-elles en choeur. " Alors, vous allez devenir mesfemmes ! " Elles acceptèrent mais elles demandèrent à Dossou :

-" As-tu déjà une femme ?" Oui, répondit-il " S’il en est ainsi, tudois t’engager à ne jamais dévoiler notre secret. " Il promit et il lesemmena chez lui où la première femme les accueillit gentiment pensantqu’elles étaient de simples visiteuses. Mais, à sa grande surprise, ellesrestèrent longtemps. Si longtemps qu’elles purent faire, chacune, plu-sieurs enfants.

Avec le temps, la première femme devint jalouse et demanda des

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LA TEMERITE RECOMPENSEE

Mon conte roule, roule et tombe sur un puissant roi dontla méchanceté était telle que tous ses sujets le détestaient. Sonseul nom de Djehossou faisait frémir même les autres rois desalentours. Néanmoins, comme la coutume l’obligeait à épouserune princesse, il réussit à convaincre l’un de ces rois à lui donnersa fille en mariage.

Mais le mariage ne rendit pas Djehossou meilleur et aucunjour ne passait sans que cette princesse, devenue reine, ne soitbattue jusqu’au sang. Personne ne pouvait intervenir en sa fa-veur, pas même son père qui était pourtant roi lui-même. Toutle monde avait si peur de sa cruauté que Djehossou ne recevaitaucune visite.

Cependant, l’amour maternel restant très fort, sa belle-mèredécida un jour de rendre visite à sa fille. Malheureusement celle-ci était absente ce jour-là et elle ne put la rencontrer. Furieux decette visite inopinée, le roi Djehossou se jeta sur sa belle-mère etlui trancha la tête.

Il déposa la tête dans un canari à couvercle qu’il cachasoigneusement dans sa chambre et le reste du corps fut enterréle plus discrètement possible loin de sa maison. Ainsi, Djehossoupensait garder secret ce nouveau méfait. Mais c’était sans comp-ter avec ses propres enfants qui, dissimulés derrière un buisson,avaient suivi toute l’horrible scène.

Dès son retour, la reine fut secrètement informée du sort desa malheureuse mère par ses enfants apeurés. Hélas ! elle nepouvait plus rien faire pour sa pauvre mère. Mais après ce nou-veau crime, elle était fermement décidée à faire chèrement payer,à ce mari cruel, la mort de sa mère bien aimée.

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explications à Dossou car elle en avait assez de ne plus pouvoir cuisinerce qu’elle avait l’habitude de préparer pour les repas avant leur arrivée.Dossou, lassé par ses qestions incessantes, finit par lui dire la vérité :

" La femme qui a le teint clair est l’Huile Rouge. Et c’est à caused’elle qu’on ne mange plus d’huile rouge dans notre maison depuis sonarrivée. La géante, c’est l’Igname. C’est à cause d’elle qu’on ne mangeplus d’igname non plus. La troisième est la Panthère et c’est à caused’elle qu’on ne mange plus de viande depuis qu’elle est là".

Après avoir dévoilé ses secrets, Dossou partit à la chasse commesi rien n’avait changé. Mais dès qu’il eut tourné les talons, la premièrefemme se précipita au marché pour acheter de l’huile rouge, des igna-mes et de la viande comme elle le faisait autrefois, avant l’arrivée deces trois femmes.

Dès son retour, elle mit la viande sur le feu mais la viande ne grillapas. Alors elle se fâcha et la renversa. Puis elle mit l’huile rouge àchauffer mais l’huile ne blanchit pas. Alors elle se fâcha de nouveau etla jeta. Enfin, elle essaya de cuire les ignames mais elle ne réussit pasnon plus. Alors elle se fâcha encore et les jeta aussi. Puis elle commençaà injurier les trois amies. Quand elle fut un peu calmée, elle partit fairesa toilette. A sa sortie, les trois femmes se ruèrent sur elle, la tuèrent,la brûlèrent et la mirent dans une bouteille sur laquelle elles inscrivirentque ces cendres étaient celles de la première femme de Dossou. Puiselles s’emparèrent de leurs peaux dont elles avaient découvert la ca-chette et se sauvèrent.

A son retour de la chasse, Dossou chercha partout et ne retrouvaaucune de ses femmes. Mais, dans la cour, il aperçut bientôt une bou-teille portant une inscription. Il s’approcha et, comme il savait lire, ilcomprit tout de suite ce qui s’était passé. Alors, il se précipita dans larue et appela : " Au secours ! Au secours ! "

Tous les voisins accoururent et le virent tout en larmes mais ilsne purent que constater la situation.

C’est pour éviter de telles déconvenues qu’il faut savoir garderun secret...

1 - l’huile rouge : c’est l’huile de palme non raffinée utilisée pour la cuisine et au coursde certaines cérémonies dans la religion animiste.

2 - l’igname : c’est une plante cultivée dans les régions tropicales pour sestubercules qu’on utilise comme des pommes de terre.

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Après les avoir écoutés attentivement raconter leur histoire,le lièvre s’enquit encore :

" Comment toi, si petite, as-tu pu retirer ce gros boa d’unpiège ? Je n’arrive pas à imaginer comment tu as pu le faire...Pour te croire, il faudrait que je voie comment les faits se sontréellement déroulés depuis le début.

- Alors il faudrait que nous retrouvions le trou et le piège, "reprit la tortue.

Le boa n’osait s’attaquer à sa proie en présence du lièvre caril avait un peu honte de son attitude. Il écoutait le lièvre et latortue.

" Eh bien, retournons au bord de la rivière et remettez-vouschacun dans la position que tu as décrite. " dit le lièvre.

Approuvant la sagesse du lièvre et pressé de se débarrasserde lui, le boa consentit à rebrousser chemin avec la tortue pourmontrer au lièvre ce qui s’était passé. Ils retrouvèrent le piège.Le lièvre l’ouvrit et demanda au boa de se remettre à l’intérieur.Et, lorsque le serpent fut à nouveau bien serré, le lièvre, s’adres-sant à la tortue, dit : " Est-ce bien ainsi que tu as trouvé le boa ?

- Bien sûr que c’est ainsi, lui répondit la tortue.- Et c’est là qu’il t’a promis de ne pas te manger si tu le

délivrais ?- Oui, c’est ce qu’il a dit.- Eh bien, reprit le lièvre, maintenant que le boa a repris sa

place et que tu ne cours plus aucun danger, reprend tranquil-lement ton chemin et laisse-le là où il est. "

Et la tortue suivit le bon conseil du lièvre...

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L’ARAIGNEE, LE MOUTON ET LE BOUC

Mon conte roule, roule, roule et tombe sur l’Araignée, leMouton et le Bouc.

L’Araignée, le Mouton et le Bouc étaient de bons amis. Unjour, l’Araignée voulant rendre visite à sa belle-mère, dans unvillage situé à plusieurs jours de marche de sa maison, demandaau Mouton de l’accompagner. Celui-ci accepta, pensant qu’il entirerait sûrement quelques avantages.

En partant, l’Araignée remit à son compagnon un gros saccontenant des assiettes et des bols et elle prit sa canne en main.Puis elle recommanda au Mouton de déposer un bol ou uneassiette au bord de la route à chaque fois qu’elle pointerait sacanne en terre. Et ils partirent...

L’Araignée marchait et le Mouton la suivait. A chaque coupde canne de l’Araignée, le Mouton déposait au bord de la routesoit un bol soit une assiette comme il avait été convenu. Il exécutasi bien la consigne que toute la collection de bols et d’assiettesfut bientôt épuisée alors que les deux compères étaient encore àune demi-journée de marche du village de la belle-mère.

Quand ils arrivèrent chez elle, on servit à manger.Mais l’Araignée demanda alors au Mouton de lui donner

une assiette pour avoir sa part de nourriture. Le Mouton necomprenait pas bien car toute la vaisselle avait été déposée surle bord du chemin comme l’Araignée avait dit. Celle-ci justifia sademande par le fait que sa belle-mère ne comprendrait comment

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Un peu plus tard, une tortue vint à passer près de l’endroit oùle boa était captif. Dès qu’il la vit, le boa lui demanda son aide :

" Sauve-moi, chère tortue, je t’en supplie. Vois comme je suismalheureux prisonnier de ce piège ! "

Insensible à ses plaintes, la tortue lui répondit : " Tu es undanger pour moi. Si je te sauvais, je suis sûre que tu me man-gerais ! "

Mais le boa trouva les mots qu’il fallait pour rassurer latortue et affirma qu’il ne la mangerait pas si elle le faisait sortirde sa prison. Convaincue par les bonnes paroles du serpent, latortue consentit à ouvrir le piège et le boa se dégagea le plus vitequ’il put.

Bien sûr, dès qu’il fut libre, il oublia ses promesses et dit àla tortue : " Voilà deux mois que je n’ai rien pu avaler. Je suisterriblement affamé et il faut que je te mange !..."

A peine eut-elle entendu ces derniers mots que la tortues’écarta aussi vite qu’elle put en s’écriant : " N’est-ce pas ce quej’avais d’abord prévu ? Vraiment, personne ne peut te faire con-fiance ! Mais je ne me laisserai pas faire, crois-moi ! "

Et elle détala comme on n’avait jamais vu une tortue le faire.Le boa se mit aussitôt à la poursuivre quand ils rencontrèrentl’hyène. Etonnée de cette étrange poursuite, elle demanda ce quileur arrivait.

" J’ai trouvé le boa pris dans un piège depuis deux mois, expli-qua la tortue, je l’ai délivré et maintenant il veut me manger !

- Eh, bien laisse-le faire, dit froidement l’hyène et elle repritson chemin.

Toute éberluée par la réponse de l’hyène, la tortue reprit sacourse car le boa arrivait à toute vitesse. C’est alors que le lièvre,toujours curieux, voulut savoir les raisons de cette course effrénée :

" Où allez-vous ainsi ? Que se passe-t-il ? "

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elle, personnage si important dans le village, pourrait mangerdans le même plat qu’un Mouton.

Sans rien dire, le Mouton retourna chercher la dernièreassiette qu’il avait déposée sur le chemin. Mais bien avant sonretour, le repas était terminé et l’Araignée ordonna à son "ami "d’aller remettre l’assiette à sa place puisqu’il n’y avait plus rienà manger.

Cette scène se répéta plusieurs fois pendant la semaine duséjour si bien que le Mouton, penaud, décida de rentrer chez lui.

Sur le chemin du retour, il trouva, dans un champ, du vinde palme qui, seul, pouvait lui rendre sa bonne humeur. Maisil s’en remplit tant la panse qu’il dut se boucher l’anus avec unefeuille pour pouvoir rentrer.

Arrivé à la maison, ses enfants réclamèrent à manger. Ildécida de leur cueillir des papayes*. Mais pendant qu’il grimpaitau papayer*, un enfant voulut enlever la feuille qui, pensait-il,gênait son père et tout le vin que ce dernier avait bu s’écoula.Alors le Mouton s’évanouit et trépassa...

Une autre fois, ce fut le Bouc que l’Araignée sollicita pourl’accompagner chez sa belle-mère. Mais ce dernier n’était pas bêtecomme le Mouton. Et il le montra...

Au moment de partir, l’Araignée donna au Bouc les mêmesinstructions qu’au Mouton, à savoir : déposer un bol ou uneassiette sur le bord du chemin à chaque endroit où elle pointeraitsa canne.

En cours de route, l’Araignée fit comme elle avait dit maisle Bouc n’exécuta pas la consigne car il soupçonnait quelque ruse.Quand l’autre pointait sa canne quelque part, il remuait le sac,prenait un bol qu’il tapait sur le sol. Puis il le remettait dans lesac. Ainsi il put tout conserver et, dès son arrivée chez la belle-

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LE BOA ET LA TORTUE

Voici mon conte. Qu’il aille et qu’il vienne !...

Il était une fois, au pays des animaux, un boa et une tortuequi vivaient sans ennuis... Mais un jour, la famine s’installa dansce pays et nos deux compères ne trouvèrent rien à manger...

Alors le serpent se rendit au bord de la rivière et se cachadans un trou à l’affût de toute proie. Ainsi, il tua tous les animauxqui passèrent à sa portée et les mangea.

Un chasseur apprit bientôt la conduite du boa et décida dedébarrasser le pays de ce cruel animal.

Quand il eut découvert sa cachette, il plaça un piège justeà l’entrée du trou de telle manière que le boa serait pris dès sapremière sortie. Ce qui arriva presque aussitôt.

Prisonnier de ce piège, le serpent trouvait le temps long caril était à nouveau dans l’impossibllité de se nourrir.

Une petite souris qui passait par là en revenant de sa pro-menade quotidienne découvrit le boa qui la supplia : " Oh , petitesouris ! Je t’en supplie ! Délivre-moi de ce piège affreux ! "

Mais connaissant bien le serpent, la souris répliqua: " Si jete sauvais, tu me mangerais. J’en suis sûre ! " Et elle continua sonchemin.

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mère, il cacha le sac derrière la maison.

Lorsque le moment du repas arriva, l’Araignée envoya leBouc chercher un bol pour recevoir sa part de nourriture. Pres-tement, le Bouc courut derrière la case et revint presqu’aussitôtavec un bol. Surprise et dépitée à la fois, l’Araignée ne put quelui donner ce qui lui revenait.

Trois jours de suite, le Bouc réussit à apporter le bol à tempset l’Araignée, de plus en plus fâchée, était obligée de le laissermanger. Tout de même, le quatrième jour, elle trouva une autreidée : elle envoya le Bouc à la chasse pour le compte de sa belle-mère et profita de son absence pour dire à celle-ci :

" Ne nous servez plus le repas le jour. Attendez la nuit. Jeme coucherai au plus près de la porte et me couvrirai du drapblanc. Vous me porterez vous-même la nourriture à la bouche etquand je dirai " Ton, ton, non ! vous me ferez boire. "

Malheureusement pour l’Araignée, le Bouc s’était cachéderrière la case au lieu d’aller chasser et il avait entendu tout lecomplot. Alors, la nuit venue, il attendit que l’Araignée fut en-dormie pour s’introduire dans la pièce où elle dormait puis il lapoussa tout doucement et prit sa place sous le drap blanc.

Au milieu de la nuit, la belle-mère arriva avec le repas et fitmanger le Bouc en croyant faire manger l’Araignée. Entendant :" Ton, ton, non ! " elle lui donna à boire et repartit.

Le lendemain, après que le Bouc fut envoyé une nouvellefois à la chasse, l’Araignée demanda à sa belle-mère pourquoi ellen’était pas au rendez-vous de la nuit. Bien sûr, elle réponditqu’elle y était. Alors, toutes deux comprirent que le Bouc lesavaient eues.

Mais l’Araignée avait un autre tour dans son sac : elle décidade quitter sa belle-mère avant le retour de son compagnon afin

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Le père était désespéré. Il s’arma d’un coupe-coupe et re-tourna chez la mort bien décidé à se venger de Okou qui ne tenaitpas ses promesses. Face à lui, il leva son coupe-coupe mais son brasresta suspendu et ne put redescendre sur OKOU, qui, surpris, luidemanda : "Que veux-tu faire ?

- Je suis venu pour te tuer parce que deux de mes enfants sontmorts depuis tu m’as fait la promesse qu’aucun ne mourrait plusdésormais ! "

Alors OKOU l’invita à le suivre jusqu’au bord de la rivièreoù il y avait un grand arbre.

Là, il lui demanda de grimper dans l’arbre pour observer cequi allait se passer. Un certain temps s’écoula. Puis notre hommevit arriver un piroguier amenant une jeune fille. Celle-ci se présentaà un secrétaire qui enregistra ses voeux. Elle déclara : " Je veux quema mère meure au moment de ma naissance ! "

Aussitôt après, c’est un jeune homme qui se présenta et quisouhaita vivre immensément riche et heureux. Il désirait, lui, quela mort le surprenne par accident au cours d’un voyage. Puis untroisième demanda que, le jour de son baptème, un incendie dé-truise toutes les richesses de ses parents. Enfin, un quatrièmeformula le voeu que ses parents aient quarante et un enfants avecbeaucoup de richesses et sans maladie ni décès.

Perché sur son arbre, l’homme n’en croyait pas ses oreilles.Il en descendit et rejoignit OKOU qui lui expliqua ce qu’il venaitde voir :

" Les gens que tu as vus sont des candidats à la naissanceet ils ont dit ce qu’ils désiraient vivre !.. Voilà la vérité et rien deplus... "

L’homme était très troublé lorsqu’il retourna dans son village.Mais à son retour, il apprit qu’une maman était morte en accou-chant et que, le jour d’un baptème, un incendie s’était déclaré dansune autre famille et qu’il avait détruit tous les biens de ces gens-là. Les autres prédictions se réalisèrent aussi un peu plus tard.

Il en conclut que la Mort n’avait pas menti et se résigna àaccepter la disparition de ses chers enfants...

*Le goun est une des langues parlées au Bénin

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de garder pour elle seule l’arachide grillée que leur hôtesse devaitleur offrir. C’était, bien sûr, sans compter avec la ruse du Boucqui, encore une fois caché derrière la maison, avait tout entendu.

Bien décidé à se venger d’une amie aussi ingrate, le Boucpartit avant le réveil de l’Araignée et il courut l’attendre sur lechemin du retour. Quand il l’aperçut, il se transforma en un jolifoulard car il était un peu magicien. L’Araignée trouva le foulardà son goût, le ramassa et en couvrit son arachide grillée dans lesac.

Quelques instants plus tard, elle entendit une chanson dontelle chercha en vain la provenance. Elle comprenait :

"Clu, clu, clu, c’est très douxClu, clu, clu, c’est très douxRien de plus doux queCe que la belle-mère a donné. "

Mais sans savoir ce que cela signifiait.Or c’était le Bouc qui chantait en mangeant les arachides

grillées dans le sac. Mais l’Araignée ne s’apercevait de rien.

Arrivée à la maison, elle invita ses enfants à prendre cequ’elle leur avait ramené de son voyage. Ceux qui se présentèrentavec de petits bols furent sévèrement châtiés car ils doutaient dela générosité de leur aïeule et ceux qui avaient apporté des bas-sines furent félicités.

Mais, à l’ouverture du sac, ce furent de grosses abeilles quisortirent du sac et qui tuèrent toute la famille de l’Araignée...

* le papayer est un arbre des régions tropicales dont les fruits s’appellent despapayes et qui ressemblent à des melons.

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A CHACUN SELON SON DESTIN

Mon conte roule, vole, plane et tombe sur la mort...Il y a bien longtemps, un homme habitait dans une maison

isolée. Il s’appelait OKOU, ce qui signifie " la mort " en goun*.Il ne parlait à personne et sa vie paraissait bien mystérieuse auxgens du village...

Un jour, dans un autre village très éloigné, un père qui avaitperdu successivement dix de ses enfants se plaignait amèrement.Voyant son chagrin, ses voisins lui conseillèrent alors d’aller con-sulter OKOU. Il demanda le chemin et partit...

Arrivé chez la Mort, il l’interrogea : " Peux-tu me direpourquoi mes enfants meurent ainsi dans ma maison ! "

OKOU rit longtemps de cette question et demanda à sontour : " Crois-tu vraiment que c’est moi qui suis l’auteur de lamort de tes enfants ?..."

Et il ajouta : " Je te propose de devenir mon ami et je tepromets que désormais aucun de tes enfants ne mourra plus.Combien d’enfants te reste-t-il ?

- Huit, répondit l’homme.- Eh, bien ! plus aucun ne disparaîtra ! "Rassuré, l’homme rentra dans son village. Mais quelques mois

plus tard, un enfant attrapa la fièvre. Le père fut à nouveau pleind’inquiétude et il retourna chez OKOU : " Comment se fait-il quej’ai encore un enfant malade chez moi malgré notre accord ? "

OKOU, la mort, le rassura et confirma que personne nemourrait chez lui. Alors l’homme regagna son logis.

En dépit des promesses de OKOU, l’homme vit mourir sonpetit malade et un autre de ses enfants attrapa la même fièvreet mourut aussi.

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UNE PROMESSETROP BIEN TENUE

Il était une fois un chasseur, un pauvre chasseur qui héritad’une poignée d’or, qu’il enterra sous son lit pour bien la protégercontre les voleurs.

Un jour, alors que le gibier devenait rare dans les environs,il entreprit d’aller chasser dans un lointain pays.

Le matin de son départ, il s’entretenait avec sa femme, sadouce Sèché toute en pleurs :

"Ne pleure pas, Sèché, je reviendrai dans trois mois. Voilànotre fortune enterrée sous le lit. Garde-la bien, c’est tout ce quenous possédons. Et pour t’aider, voici mon Yayangan ! "

Il lui tendit une lourde épée recourbée." Tu en auras sûrement plus besoin que moi. Quiconque

tentera de te surprendre la nuit aura les os brisés par cette armesi tu lui en assènes un coup sur le dos. Et surtout, pas d’hospi-talité ! "

A toutes ces recommandations, Sèché répondit le visagenoyé de larmes : " Oui, mon chéri, je ferai selon ta volonté. Maisj’espère que tu feras aussi selon la mienne, c’est-à-dire que tureviendras vite, n’est-ce pas ? "

Il ne dit rien de plus. Il semblait aussi avoir du chagrin àl’idée de quitter sa femme. Pourtant, il cacha sa souffrance pu-diquement et sauta en selle en essayant de réprimer un sanglot...

Et voilà, il était parti... Sèché regarda un instant sa silhouettes’effacer à l’horizon.

Puis elle revint s’enfermer solitairement dans sa chambreafin de retrouver un peu de calme dans ses soupirs...

Cependant, la nuit suivante, alors qu’elle était encore souf-frante, elle entendit le grincement d’une clé qu’on essayait d’intro-

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Le lion répliqua avec ironie : " Tu es fatiguée ? Alors vrai-ment ça, ça m’est complètement égal... Allez pousse ! Pousseencore ! Tant pis pour toi ! "

Elle se remit donc à le pousser et cela pendant encore unlong moment car elle n’osait pas déplaire à ce gros lion...

Enfin, n’y tenant plus, elle choisit le moment où le lion étaitle plus haut et elle se sauva à toutes jambes. Aussitôt, le liondescendit de la balançoire et courut derrière elle. Il la poursuivitjusqu’au portail de sa maison...

Et là, il lui asséna un grand coup de griffes qui la blessaprofondément dans le dos mais elle réussit tout de même à luiéchapper. Cette blessure lui laissa une cicatrice longue et creusetout le long de son dos.

C’est, dit-on, ce qui devint plus tard, beaucoup plus tard,notre colonne vertébrale.

Texte de BOCO Débora - CM2 réécrit par les stagiaires.

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duire dans la serrure. Elle se leva promptement, attrapa le yatanganqu’elle leva au-dessus de sa tête prête à frapper et cria :

" Qui est là ?- Un blessé quelconque, répondit une voix d’homme à la

porte. Je suis poursuivi. Vous ne m’abriterez pas ?- Pas d’abri possible, mon cher, décampez ! " Et elle n’entendit plus rien d’autre que les pas de l’homme

qui s’éloignait en jurant...

Pourtant, à quelques temps de là, elle entendit de nouveaule bruit d’une clé dans la serrure. Mais cette fois la porte s’ouvrit.Elle se précipita sur le yatangan et le brandit bien haut. Son coeurbondissait dans sa poitrine.

Elle vit alors se dessiner l’ombre d’un homme dans l’entréede sa maison. Il était masqué ce qui accroissait encore la peur deSèché. L’homme s’avançait d’un pas imposant, comme fier de lui-même, et justement, il se dirigeait vers la chambre où se trouvaitl’or.

Sans attendre davantage, Sèché le rejoignit d’un bond et luiassena un coup de yatangan sur le dos, comme elle l’avait promisà son mari. Elle frappa si fort que l’épée atteignit le coeur qu’elletrancha net. L’homme chancela et s’effondra lourdement sur le sol.

Alors, Sèché alluma sa lampe et enleva le masque de l’in-dividu. Quelle ne fut pas sa surprise !... Sèché était médusée parce qu’elle voyait... Elle regarda plus attentivement le visage de cethomme qui gisait là, sous ses yeux...

Eh bien, oui ! Elle ne pouvait plus en douter. Cet hommeétait son mari, son mari qu’elle croyait parti pour un pays lointainet qui était venu se voler lui-même !

Et pourquoi ? Elle ne sut jamais répondre à cette question.

Et pour tout le reste de sa vie, ce logis devint une galère etses deux joues furent deux lits où des fleuves de larmes brûlantescoulaient sans cesse...

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LA COLONNE VERTEBRALE

Une femme vivait seule avec sa fille.

Comme elle voulait aller seule faire ses courses, elle recom-manda à sa fille : " Ne bouge pas de la maison avant que jerevienne. "

La petite promit d’être obéissante. Mais dès que sa mère euttourné le dos, elle commença par s’assurer que sa mère était bienpartie. Puis elle se rendit chez ses amies voisines pour s’amuser.

Toutes trois décidèrent d’aller dans la brousse jouer à labalançoire qui était installée à la grosse branche d’un arbre. Là-bas, en toute liberté, elles s’amusèrent beaucoup presque jusqu’ausoir.

La fillette était si accaparée par le jeu qu’elle ne s’aperçutmême pas que ses amies lui avaient faussé compagnie. Elle sebalançait et elle se balançait encore, sans se lasser et sans s’oc-cuper de ce qui se passait alentour.

Elle continua encore, jusqu’à ce qu’un lion survint. Tentépar ce jeu, il lui demanda de descendre pour le laisser jouer à sontour. Elle descendit donc et le lion prit sa place mais il lui de-manda aussi de le pousser.

Elle le poussa un certain temps mais ce n’était plus du toutamusant et bientôt elle sentit la fatigue l’accaparer. Alors, elle dit :

" Oh ! lion, je suis à bout de souffle !Oh ! lion, je suis à bout de souffle ! "

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GBETO VIVI (L’HOMME)

Edjo, le serpent, et Ekou, la souris, étaient deux amis insépara-bles. Ils vivaient même en bonne intelligence avec les autres bêtes dela forêt.

Mais la souris, comme tous les rats des champs, craignaient lesoiseaux de proie et elle décida un jour de quitter son ami Edjo pouraller chercher asile au village, dans une chaumière de l’homme.

Au renouveau, quand, après une longue saison sèche et le rudeharmattan*, les premières pluies eurent lavé la pioche, Ekou, la souris,retourna dans la forêt voir son ami Edjo devenu solitaire depuis l’exilde sa compagne. Ce fut un évènement et ils fêtèrent leurs retrouvailles.

Comme Ekou racontait sa nouvelle vie, le serpent s’étonna quela souris ait pu s’adapter aussi bien chez l’homme, ce rusé qui fait lachasse aux bêtes :

" Dis-moi, Ekou, vas-tu retourner au village ?- Tu en doutes, Edjo ? Je m’y plais bien et je suis sûre que tu

peux m’y rendre visite sans aucun risque.- Te sens-tu en sécurité ? reprit Edjo, sceptique. Je te comprends

mal, tu as peur de la mort et tu te caches dans le fourreau de l’épée.- Tu exagères, rétorqua la souris, à ma connaissance, il n’y a rien

de plus "doux " que l’homme. Je suis chez lui à l’abri des hiboux etde tous les autres oiseaux de jour et de nuit qui me persécutaient ainsique tous les miens. Je mange gratuitement du fromage, de la mou-tarde. Je grignote des noix à volonté. L’homme est " doux ", " doux", te dis-je. C’est le moins que je puisse dire. Dans sa chaumière, jetrouve à me marier sans peine, je fais des enfants et toute ma progé-niture mange à sa faim. Et ce n’est pas tout : mes frères et toute lagente ailée, les perdrix, les pintades et tous les autres vivent auxdépens de l’homme. Oui vraiment, je te le répète, l’homme est "doux".

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L’ORIGINE DE MAMI WATA

Il y a bien longtemps un homme et une femme vivaient dans unvillage lointain près de la mer. Régulièrement, le mari donnait de l’argentà sa femme pour nourrir la famille et entretenir la maison. Mais commeelle était très gourmande, elle mangeait tout ce qu’elle préparait. C’étaitdevenu une véritable maladie.

Un jour, la femme accoucha de leur premier enfant. Pour la cérémoniecélébrant sa sortie, le mari avait été très généreux pour couvrir les frais du bonrepas qu’il voulait offrir à ses invités. Il avait pu constater que sa femme avaitpréparé beaucoup de mets et il en était très heureux. Hélas ! comme c’étaitdevenu une habitude chez elle, elle ingurgita tout.

La cérémonie se déroula selon le rituel convenu et le moment durepas arriva. Et là, quelle surprise pour le mari ! Il n’y avait rien à manger.Profondément vexé, le mari dut organiser un repas frugal pour sauver lesapparences et cacher le défaut de sa femme qui l’inquiétait de plus en plus.

Dans les jours qui suivirent, il alla trouver un guérisseur pour con-naître le remède capable de guérir sa femme. Il expliqua clairement lamaladie de son épouse et le guérisseur l’écoutait attentivement. Puis ildéclara : " Voici une poudre magique dont vous saupoudrerez la nourriturequ’elle aura préparée. " Le mari confiant prit la précieuse poudre et rentrachez lui. Avant le repas suivant, il suivit scrupuleusement les consignes duguérisseur et retourna à son travail. Dès qu’elle s’est retrouvée seule, lafemme éprouva le besoin de manger comme à son habitude. Joyeuse, ellecommença à chanter en voulant prendre le plat qu’elle désirait manger.Mais à chaque fois qu’elle tendait la main pour le prendre, celui-ci s’éloi-gnait, s’éloignait, s’éloignait et ainsi jusqu’à la mer.

Bientôt le plat disparu dans les flots et la femme le suivit jusqu’àdisparaître elle aussi sans jamais revenir...

Elle est devenue par la suite la sirène que nous appelons Mami Wata !...

D’après MEDENOU Jéronime - CM2.

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Cette apologie intrigua le serpent car tout ce qu’il avait entendu dela souris était contraire à tout ce qu’il savait de l’homme jusqu’alors. Ilaccompagna donc la souris pour en savoir plus long.

Accroché aux branches d’un arbre, le reptile se mit à l’affût et, toutela nuit, il attendit que l’homme passa sur le chemin juste au-dessous delui. Au petit matin, le serpent en vit un qui, se rendant à son labeurquotidien, s’approchait d’un pas alerte.

D’un saut, Edjo se jeta sur lui et lui planta ses crochets dans le grasdu dos pour goûter la douceur de l’homme et vérifier ainsi les dires dela souris. Coup fatal pour l’homme car le venin du serpent était mortelet il s’écroula terrassé.

La nouvelle de la mort du laboureur se répandit comme une traînéede poudre. Parmi les rats et tous les autres parasites de l’homme, ce futla consternation. On s’arrachait les cheveux. Ekou alla se plaindre au Lion,le roi de la forêt, toute en larmes et toute défaite.

Le roi convoqua sa cour, puis toute la population et l’on jugea leserpent.

"Le serpent doit répondre de son forfait ! " s’écria la souris.Les bourreaux étaient déjà prêts à ligoter le coupable quand le sage

Lion ordonna d’écouter d’abord l’accusé." Sire, dit alors le serpent, c’est mon amie la souris qui m’a trompé.

Elle m’avait dit que l’homme était " doux " alors j’ai voulu le goûter.- Doux ?- " Doux ", Sire.Un grand brouhaha parcourut la foule et les jurons fusèrent de tous

les côtés vers Edjo car sa sottise apparaissait aux yeux de tous."C’est idiot, s’écria la souris. Ce n’est pas ce que je voulais dire !-Tais-toi ! gronda le roi des animaux. Le serpent est bien long mais

il a les idées courtes ! "Et il poursuivit :" A partir de ce jour, j’ordonne que tout ce qui respire apprenne

à parler sans équivoque ! Qu’on s’en souvienne !..."

Et l’assemblée se dispersa, chacun retournant à ses occupations.Mais c’est depuis ce jour-là que les serpents mangent les souris...

*L’harmattan : C’est un vent qui souffle pendant la saison sèche en Afrique occidentale

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que le garçon demandait à le voir. Intrigué par les paroles de sesdifférents serviteurs, le roi décida de se rendre auprès de cetenfant.

Conscient de la gravité de sa situation car on ne faisait pasdéplacer un roi sans risque, le garçon se remit à pleurer dès qu’ilaperçut le roi et recommença sa chanson :

" Les messagers du roi, attendez là, j’ai quelque chose à vousdire ; (bis)

J’avais mangé beaucoup d’ablo,Quand je rencontrai Achivi, la féticheuse.Achivi, donne-moi de l’eau !Achivi refusa de me donner de l’eau.Je jetai alors un peu de sable sur son corps .Achivi Ogouton ! Achivi Ogouda !Achivi brisa le canari, Achivi le jeta ! "

Bouleversé par l’état de l’enfant et par l’attitude de laféticheuse, le roi l’emmena au palais et le fit soigner. Quelquesjours après, il était guéri.

Alors, le roi fit appeler la féticheuse et s’écria : " Tu asmenti ! Tu seras punie !.. "

Et la féticheuse fut tuée et son sang fut versé sur le fétiche.C’est depuis ce jour-là qu’on donne du sang au fétiche,

qu’on évite de mentir et qu’on ne refuse jamais de donner del’eau au passant...

Texte de BADJI Eusèbe - CM2 , réécrit par les stagiaires.

1 - les féticheuses sont des femmes qui reçoivent une formation secrète pourcélébrer les fétiches.

2 - les fétiches sont des objets ou des animaux auxquels on attribue despropriétés magiques et qu’on honore au cours de cérémonies rituelles encore très suiviesdans toute l’Afrique de l’Ouest.

3 - le canari est un récipient dans lequel on peut mettre différentes choses :eau, grains farines. Sa taille est variable et il se porte souvent sur la tête.

4 - Chicotter, c’est frapper avec une chicotte qui est une badine cinglante.

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Pour la troisième fois de la saison, les troupeaux de bufflesavaient ravagé les plantations de coton des habitants d’un petitvillage. Ni les prières, ni les sacrifices à Dieu n’avaient pu éloignerce troupeau malfaisant. Alors, le chef du village ordonna à tousde quitter les lieux pour rebâtir leurs maisons dans un endroitmieux protégé.

Chacun s’affaira à préparer ses bagages. On démonta lesmeubles, on roula les carpettes qui faisaient office de lits, onenveloppa la vaisselle, les cruches, les poteries et les bibelots. Onchargea les ânes. On emplit les chariots.

Mais il y avait, dans ce village, un vieil homme seul etperclus de rhumatismes. Ses fils, mariés, étaient partis vivre à laville et n’étaient jamais revenus.

Ce vieillard se trouvait dans l’impossibilité d’emporter sesbagages. Il appela ses voisins pour l’aider. Mais comme ils étaienttous très occupés à préparer les leurs, ils lui répondirent :" Laisse-nous tranquilles ! Tu vois bien que nous n’avons pasterminé nos colis ! "

Quand ils eurent fini de bâter leurs ânes, le vieillard revintpoliment à la charge :

" Ne pouvez-vous pas mettre mes bagages dans un coin devotre chariot ? "

Ils éclatèrent de rire :" As-tu besoin, Grand-Père, d’emporter tout cela ? Il te reste

si peu de temps à vivre ! "Et la caravane démarra...

LE VIEILLARDET LES SEPT LIONS

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LA MECHANTE FETICHEUSE

Il était une fois un roi qui avait des féticheuses (1). Ellesallaient régulièrement chercher de l’eau au marigot pour les fé-tiches (2).

Un jour qu’une féticheuse revenait du marigot, elle rencon-tra un pauvre garçon galeux et malpropre. Voyant le canari (3)d’eau qu’elle portait sur la tête, il lui demanda :

" Donne-moi de l’eau que je me désaltère. J’ai mangé "ablo"et il a mal passé.

- Te donner de l’eau, moi ? A toi, un galeux ? Non, je n’aipas d’eau pour toi. Et d’ailleurs, dans quoi te la servirai-je ? "

Déçu et vexé, le garçon prit une poignée de sable et le luijeta. Outrée par ce geste irrespectueux envers une féticheuse,celle-ci jeta son canari et enleva tout se qu’elle portait : pagne,collier de perles, cauris et se présenta chez le roi à qui elle raconta :" En revenant du marigot, j’ai rencontré un garçon qui m’a de-mandé de l’eau pour se désaltérer. Comme je lui refusais, il m’asérieusement chicottée (4) si bien que j’arrive dans cet état ! "

Or dans le royaume, personne ne doit en aucun cas frapperune féticheuse. Le roi entra dans une grande colère et ordonnaà ses serviteurs de chercher ce garnement et de se débarrasser delui.

Dès qu’il aperçut les serviteurs royaux, le garçon commençaà chanter en disant ce qui s’était passé réellement. Etonnés parle récit du garçon, ils retournèrent au palais, racontèrent au roice qu’ils avaient entendu et ils ajoutèrent qu’on ne pouvait pastuer cet enfant. Un autre groupe fut envoyé près du garçon et ilconfirma les dires des premiers messagers. L’un d’entre eux avaientété si ému par l’état de cet enfant qu’il pleurait en disant au roi

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Le vieil homme, ne voulant pas abandonné ses biens, restaseul sur le seuil de sa demeure, maudissant l’égoïsme de sesvoisins.

De là, il vit bientôt apparaître, au tournant de la piste, unefamille Lion en file indienne qui cherchait aventure. Les bêtesavaient observé, dissimulées dans la verdure, le départ des vil-lageois et espéraient découvrir quelques restes de nourriture pouragrémenter leurs repas habituels.

Ils étaient sept : le Lion, la Lionne et cinq lionceaux. Ilstournaient autour des cases abandonnées et le vieillard fut saiside crainte. Il rentra précipitamment dans sa case. C’est alors qu’ileut une idée qui lui parut bonne.

Sachant que tout ce qu’il possédait comme nourriture nepouvait suffire même au plus jeune de ces animaux, il les appelapour leur compter ses déboires.

Le Lion, roi des animaux, l’écouta de bonne grâce et luiproposa de porter ses bagages pour l’aider à rejoindre le convoi.Ce qui fut dit fut fait.

Lorsqu’ils virent le vieillard suivi des sept lions, les villa-geois n’en crurent pas leurs yeux. Puis, sûrs de ce qu’ils voyaient,ils détalèrent au plus vite abandonnant tous leurs biens.

" Voyez-vous, leur cria le vieillard, les lions ont été moinscruels que vous ! "

Les lions lui léchèrent les mains en guise d’adieu et rejoi-gnirent la forêt.

Alors, les voisins du vieil homme comprirent que c’était làun signe du ciel pour leur montrer leur lâcheté et ils revinrent seprosterner aux pieds du sage et implorer son pardon.

Puis ils le conduisirent avec le plus grand respect dans unde leurs chariot jusqu’au lieu prévu pour la construction dunouveau village où ils lui bâtirent une belle maison.

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Tout le village s’était réuni pour entendre la sentence du roi.Le roi ordonne alors que la foule entonne un chant au rythmeduquel les cailloux devront être lancés. La jeune fille est trèsanxieuse. La foule se met à chanter et observe ce qui se passe.En chantant, la fillette ramasse le premier caillou, vise et atteintle premier poteau sans peine. Elle recommence avec le deuxièmecaillou, elle réussit encore. Puis elle lance le troisième et les troispoteaux sont à terre. L’épreuve est réussie, tout le monde sedétend et les villageois applaudissent la fillette.

Comme il l’avait promis , le roi lui donne la moitié de sesbiens, récompense aussi la mère et elles rentrent chez elles émer-veillées par leur nouvelle situation.

Presque toute la maisonnée est là pour les accueillir et lesféliciter. Mais la coépouse de la mère, les voyant ainsi comblées,devient très jalouse et pense qu’elle doit pouvoir obtenir les mêmesrichesses pour sa propre fille. Peu de temps après, elle organisedonc la même aventure et sa fille part vers la rivière avec unespatule à laver.

Elle exécute du mieux qu’elle peut les consignes de sa mèremais, elle, c’est volontairement qu’elle tue la mouche et elle n’ena pas de chagrin. Alors, elle se met un peu de salive au coin desyeux pour faire croire qu’elle a pleuré et elle rentre chez elle.

La mère qui la guettait en fait autant et elles se rendenttoutes deux chez le roi. Celui-ci la soumet à la même épreuve quesa soeur. Mais elle ne réussit à faire tomber aucun poteau et lasanction tombe.

La pauvre fillette est exécutée comme il avait été décrété etsa mère, toute éplorée, est bien punie de sa convoitise...

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L'IMPATIENCE DU CHASSEUR SOLITAIRE

Il y était une fois un homme qui aimait beaucoup la solitude.Pendant plusieurs années, il vécut seul dans la forêt immenseavec son chien, passant ses longues journées à chasser. Son plaisirétait de rivaliser de ruses avec les animaux sauvages.

Lorsqu’il fut marié, sa femme vint vivre avec lui dans lamodeste cabane qu’il avait bâtie au milieu du bois. Un an passasans histoire...

Au milieu de la deuxième année, sa femme mourut, luilaissant un bébé de quelques mois. Notre homme n’avait doncplus, comme compagnie, que son bébé, sa carabine de chasse etson fameux chien- loup toujours fidèle.

Un jour, comme il en avait pris l’habitude, notre hommecoucha le bébé, le couvrit chaudement, ferma sa porte et partità la recherche de gibier. Le soir venu, il revint chez lui, fatiguémais heureux car la chasse avait été très bonne. En approchantde sa maison, il s’aperçut que la porte était entrebaillée et unegrande inquiétude l’envahit soudain. Comment avait-il pu oublierde fermer cette porte avec précaution ? Il savait pourtant que lesloups affamés étaient audacieux...

Il se précipita vers sa cabane en pensant à son enfant quiétait peut-être sans vie. Couché près de la porte, les yeux mi-clos,le chien semblait calme et content. Mais, dans le lit, plus d’enfant.Il interrogea le chien du regard et aperçut des traces de sang surles babines de l’animal. Il crut comprendre...

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LA CONVOITISE D’UNE COEPOUSE

Dans une contrée très lointaine, un roi avait décrétéqu’aucune mouche ne devait être tuée dans son royaume... souspeine de mort.

Un jour, après avoir préparé la pâte, une maman demandeà sa fille d’aller laver la spatule à la rivière. La fillette le fait etpar imprudence, elle écrase une mouche.

Consciente des conséquences de son acte, elle pleure tout lelong du chemin qui la ramène à la maison. Elle informe sa mèrequi se met à pleurer elle aussi. Elles décident d’aller avertir le roide cet acte malencontreux pensant qu’il était préférable que cesoient elles qui le mettent au courant plutôt qu’il l’apprenne parun étranger à l’affaire. Et les voilà parties ...

Le roi les accueille, les écoute attentivement, réfléchit et leurdemande de revenir dans trois jours pour connaître sa sentence.Confiantes en la clémence du roi, elles rentrent chez elles.

Au jour fixé, elles retournent chez le roi qui a décidé desoumettre la fillette à une épreuve : elle doit faire tomber troispoteaux en lançant, sur chacun d’eux, un gros caillou. Si elleréussit, elle sera grâciée et recevra la moitié des biens royaux encadeaux. Si elle échoue, elle sera châtiée comme il avait été dé-crété.

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Alors le chasseur entra dans une grande colère, prit sa ca-rabine et la pointant vers la tête du chien lui cria : «Maudit chien,tu es donc redevenu loup, comme tes frères. Tu as dévoré monenfant qui était ma seule raison de vivre. Tu ne lui survivra pluslongtemps. « Et il tira deux fois sur la bête qui mourut sans lâcherune seule plainte.

Le chasseur, accablé, pleurait, pleurait sur son triste sort :le même jour, il croyait avoir perdu tout ce qu’il avait de pluscher, son enfant et son chien. Assis près du feu qu’il venait derallumer, il essayait d’imaginer dans quelles douleurs atroces sonenfant avait péri. La nuit était tombée, les loups rôdaient alen-tours et hurlaient. C’est à ce moment qu’il entendit un faiblegémissement derrière lui. Le bruit venait de sous le lit. Il s’accrou-pit pour mieux voir et aperçut alors son petit enfant, bien cachéet qui venait de se réveiller pour réclamer à boire et à manger.

Dans la joie d’avoir retrouvé son enfant, le chasseur ne seposa plus de question. Mais, un peu plus tard, quand il sortitpour aller enterrer son chien, il découvrit, derrière la maison, lecadavre d’un loup dont la gorge était déchirée à plusieurs en-droits. Il comprit alors tout ce qui s’était passé : son chien étaitbien l’ami fidèle qu’il pensait. A l’arrivée du loup, il avait poussél’enfant sous le lit et l’avait défendu avec courage contre le loupcruel.

Le chasseur avait compris mais il était trop tard pour rendrela vie à celui qui l’avait si bien servi.

Désormais, le grand regret de sa vie sera toujours de ne pasavoir pris le temps d “essayer de comprendre ce qu'avait bien pufaire son chien pour avoir ces traces de sang sur le museau.

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Pendant ce temps, les deux jumeaux font appel à tout levillage pour les aider à découvrir le chat et chacun fouille tousles recoins qui peuvent abriter un animal de cette taille.

Lorsque le lièvre s’approche du puits, il entend un chantextraordinaire qui l’effraie et il détale au plus vite. C’est alors quele lion s’approche lui aussi du puits pour savoir ce qui a fait sipeur au lièvre.

Du fond du puits, le chat, sentant l’odeur du lion, reprendson chant. Et le lion est effrayé à son tour. Personne désormaisne veut plus s’approcher du puits...

Mais les jumeaux veulent à tout prix retrouver le chat. Alorsils décident de lui tendre un piège à un endroit où ils sont sûrsqu’il passera et dans lequel ils sont sûrs qu’il tombera.

Pour cela, ils fabriquent une statue collante qui a la formed’un homme et la placent à l’endroit prévu sur le chemin que doitprendre le chat. Puis ils se cachent et attendent...

Le silence étant revenu, le chat sort du puits et, très vite,aperçoit la statue. Croyant que c’est une personne, il reprend sonchant pour l’effrayer mais la statue ne semble pas s’émouvoir lemoins du monde.

Le chat s’approche et lui dit : "Qui es-tu toi qui n’es paseffrayé par mon chant ? " Comme l’autre ne bouge pas, il lafrappe de la main et comme les jumeaux l’avaient prévu, sa mainreste collée sur la statue.

Dépité, il la gifle avec l’autre main qui reste collée elle aussi.De plus en plus irrité, il frappe de la tête, des pieds, du ventretant et si bien qu’il se voit entièrement collé à la statue, incapablede bouger.

C’est ainsi que fut pris notre voleur gourmand...

D’après SOUDE Nina - CE2

* l'akassa : c'est la pâte de maïs

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LE TROISIEME FOU

Il était une fois un roi qui fit venir l’un de ses sujets et luidemanda de lui amener trois fous. Puis il ajouta : " Si tu netrouves pas ces trois fous, tu seras décapité. "

Après avoir beaucoup cherché, mais en vain, notre hommerencontra des gens qui lui conseillèrent d’aller chez Dame Samiacar elle s’occupait, disaient-ils, de surveiller les fous. Il demandaalors à deux amis de l’aider dans sa recherche et ils se rendirentà l’endroit indiqué.

Ils rencontrèrent Dame Samia." Le Roi m’envoie chercher trois fous et, si je ne les trouve

pas, je serai décapité, lui dit l’homme. Voulez-vous m’aider ? "- Vous cherchez des fous ? Eh bien, je vais vous indiquer

un endroit où vous serez sûrs d’en trouver. "Elle le fit et elle ajouta : " Quand vous les aurez trouvés, je

vous donne rendez-vous à Avessan et nous irons ensemble chezle Roi. "

Les trois amis se mirent d’accord et chacun partit de soncôté à la recherche d’un fou.

Le premier s’arrêta sous un gros arbre et vit une vieillefemme qui chargeait des fagots de bois sur son plateau et dontla conduite l’intriguait. Au moment de le charger sur sa tête, elles’exclamait : " Que c’est lourd ! " et elle le reposait par terre maisalors, au grand étonnement de l’homme qui l’observait, elle lechargeait davantage.

L’homme en conclut qu’elle devait être folle et il l’attrapapour la conduire au lieu de rendez-vous.

Pendant ce temps, le deuxième s'intéressait à un homme quisemblait vouloir cueillir une orange. Celui-ci faisait un noeud

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LE VOLEUR GOURMAND

Mon conte roule, roule et tombe sur deux jumeaux, Zinsouet Sagbo, et leur chat.

Zinsou et Sagbo ont acheté de la viande au marché quandils s’aperçoivent qu’il leur manque l’akassa* pour l’accompagner.

" Qui va surveiller la viande pendant que deux d’entre nousiront acheter l’akassa ? dit Zinsou.

- C’est moi qui resterai " , répond SagboMais Zinsou et le chat désirent aussi rester à garder le mor-

ceau de viande. Ils se mettent enfin d’accord et c’est le chat quiest désigné pour rester. Confiants, les deux jumeaux s’en vonttranquillement...

Le chat s’assure alors qu’il est bien seul. Il regarde à droite,il regarde à gauche, devant, derrière et comme il ne voit per-sonne, il commence par soulever le couvercle et sent la bonneodeur de cette belle viande. Il en goûte un petit peu, puis encoreun peu , puis finalement, comme il trouve que les jumeaux sontbien longs à revenir, il décide de tout manger. Quand il ne resteplus rien dans la jatte, le chat s’enfuit dans la brousse.

Peu de temps après, les jumeaux reviennent en pensant aubon repas qu’ils vont faire. Mais, revenus dans la case, ils com-mencent par découvrir que le chat n’est plus là. Ils se précipitentalors vers la jatte dans laquelle ils avaient mis la viande et, biensûr, ils la trouvent parfaitement nettoyée. Ils se précipitent doncà la recherche du chat...

Ils cherchent, ils cherchent, ils passent même très près dupuits. Mais dès que le chat les entend s’approcher un peu tropprès de sa cachette, il en sort discrètement pour se précipiter dansle puits.

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coulant avec une corde, grimpait à l'arbre, accrochait la corde àl'orange, commençait à tirer et la corde quittait l'orange. Il répétatrois fois la même opération sans le moindre succès.

Le guetteur se dit alors : " S'il ne prend pas l'orange avecsa main lorsqu'il est dans l'arbre, cet homme est sûrement fou !" Il le prit par la main et lui dit : " Le Roi a dit de t'amener jusqu'àlui." Flatté, le "fou" se laissa faire et notre homme le mena au lieude rendez-vous.

Le troisième, consterné, rejoignit les autres sans avoir trouvéquiconque à ramener. Samia ne s'étonna pas et leur dit : " Allonschez le Roi et nous y trouverons le troisième fou."

Rassurés, ils se dirigèrent vers le palais en chantant, à lademande de Samia. Bien entendu, leur chant attira la foule quiles suivit pour voir ce qui allait se passer.

Arrivés devant le palais, ils crièrent pour appeler le Roiselon les conseils de Samia. Les reines accoururent aussitôt, éton-nées d'entendre ces cris. Les trois hommes répétèrent leur de-mande. Les femmes répondirent que le Roi prenait sa douchemais, intriguées par cette foule qui se massait devant le palais,elles se précipitèrent pour informer le Roi que les fous étaientarrivés.

Sur le champ, le Roi apparut. Mais au grand étonnement detous il était entièrement NU, sans slip et tout couvert de savon.Alors Samia prit la parole et dit en montrant le Roi : " Voilà letroisième fou ! ".

Un brouhaha parcourut la foule et le premier hommes'adressa à la foule en disant :" Le Roi m'avait dit qu'il me cou-perait la tête si je ne lui ramenais pas trois fous, les voilà !..."

Des rires fusèrent mais l'homme continua : " Comme c'estlui le troisième fou, on ne peut pas garder un fou comme Roi. Qu'allons-nous faire ?"

Tout le monde répondit d'une seule voix : " C'est à lui qu'onva couper la tête !.. "

Ainsi fut fait et l'on chercha un nouveau Roi plus raisonna-ble...

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Le soir de la quatrième lune, ils atteignirent enfin le villageoù la famille s’inquiétait de la longue absence du chasseur.

Dans la joie des retrouvailles, personne ne s’occupa de l’étran-ger qui dut seul décharger le colis de viande boucanée qu’il avaitsur le dos. Et quand ce fut le moment de prendre congé, lechasseur le laissa partir sans le moindre remerciement.

Alors, juste au moment de le quitter, l’étranger, sans rienmontrer de ce qu’il pensait mais en ponctuant bien ses paroles,dit au chasseur : « TU TE SOUVIENDRAS DE MOI !... » Et ildisparut.

Dès cet instant, la phrase de l’étranger accapara l’esprit duchasseur. Elle devint même une véritable obsession. Il était seulà l’entendre mais le phénomène s’amplifiait de jour en jour. Bien-tôt, ce fut l’étranger lui-même qui apparut au chasseur et ne luilaissa plus de repos.

Il alla donc consulter le Fâ *et le devin lut l’oracle :

" Tu es toi-même la cause de ton malheur. Le Fâ t’a vu simalheureux dans la brousse qu’il t’a envoyé une aide et, pour leremercier, tu t’es conduit comme un ingrat !... Pour apaiser le Fâ,tu dois acheter une hachette neuve, un couteau neuf et immolerdeux taureaux qu’il te faudra boucaner et transporter jusqu’aupied de la termitière près de laquelle tu avais rencontré l’étranger. "

Le chasseur fit tout ce que le Fâ avait exigé et lorsqu’il arrivaprès de la termitière, le jeune homme était là et il l’aida à déchar-ger son fardeau.

La leçon avait été dure , mais le chasseur était enfin rassé-réné...

*Boucaner : autrefois il fallait boucaner la viande pour qu’elle se garde malgréla grande chaleur.

*Le Fâ : c’est l’oracle

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LA PANTHÈREET LA RUSE DU CHAT

Voici mon conte; qu’il aille et qu’il vienne...C’était jadis, à l’époque où les animaux vivaient tous en

bonne harmonie. Le Chat et la Panthère étaient donc de très bonsamis. Ils avaient chacun huit enfants qu’ils nourrissaient sans tropde peine

Mais un jour, une grande sécheresse provoqua la faminedans toutes les familles. Nos amis n’échappèrent pas à cette tristesituation et le jour arriva où, ayant glané tout ce qui restait dansleur champ, il ne leur resta vraiment plus rien à manger.

Une nuit où les deux familles avaient dormi le ventre vide,la Panthère avait remué toutes ses méninges pour chercher unesolution à cette terrible famine dont personne ne voyait la fin.

Le lendemain matin, elle se réveilla presque joyeuse car ellepensait avoir une bonne idée et elle alla voir le Chat.". Mon cherami, lui dit-elle, la situation est grave. Nous n’arrivons plus ànourrir nos enfants et nous allons tous mourir de faim. Pour nepas en arriver là, j’ai eu, cette nuit, une terrible idée mais elle nouspermettra, si tu es d’accord, de ne pas tous disparaître. Alors voilàje propose, qu’à tour de rôle, nous égorgions l’un de nos enfantspour nous le partager et le manger, en espérant que la prochainearrivée de la pluie en épargnera le plus grand nombre. "

D’abord effrayé par cette horrible idée de la Panthère, leChat réfléchit beaucoup à tous les aspects de leur situation et,finalement, accepta la proposition de son amie, la Panthère.

Il posa tout de même une condition : la Panthère devaitcommencer la première. Cette dernière, pour montrer sa bonnefoi, décida de commencer le jour même. En secret, car elle avait

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UN CHASSEUR INGRAT

Un chasseur était dans la brousse depuis près de trois luneset il n’avait encore rien tué. Aucun gibier n’était en vue. Sesprovisions étaient épuisées et son village était si loin qu’il nepouvait l’atteindre sans risquer de mourir de faim.

Assis sur une termitière, il réfléchissait désespérément quandun inconnu vint à passer. C’était un jeune homme qui semblaitse trouver là par hasard. Le chasseur lui conta son infortune etl’étranger lui dit :

" A quelques pas de là, dans une clairière, près de l’abreu-voir, tu trouveras un groupe de biches qui résoudra ton pro-blème. "

Le chasseur se dirigea, accompagné du jeune homme, versl’endroit indiqué et aperçut bientôt les biches. Il visa, tira et enabattit une.

C’est alors qu’il constata qu’il n’avait rien pour la dépecer.Comprenant sa déconvenue, le jeune ouvrit son sac et sortit uncouteau et une hachette. Puis il dépeça lui-même la bête, mettantde côté la tête, les pattes et la queue qui constituaient le trophéeque le chasseur se devait de rapporter au village.

Il prépara aussi le foyer et découpa la viande pour la faireboucaner*.

Cette besogne n’était pas terminée que le chasseur tira ànouveau et abattit un antilope. L’étranger se remit à la tâche...

La viande étant boucanée, il fallait maintenant la transpor-ter jusqu’au village. Mais la charge était trop lourde pour seule-ment deux personnes. Ils allèrent donc en vendre une partie dansles villages alentour et quand il ne resta plus que deux colis, lejeune homme proposa au chasseur de l’aider à porter sa viandejusque chez lui...

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honte, elle tua donc l’un de ses enfants et en fit envoyer la moitiéchez le Chat.

Le chat fut muet sur l’accord qu’il avait passé avec la Pan-thère et il prit soin de ne donner à manger à sa famille que le tiersdu gros gigot de panthère qu’il avait reçu.

Le second jour, c’était au Chat d’envoyer sa part à la Pan-thère. Mais, au lieu de tuer l’un de ses enfants, il envoya l’un destiers restants du gigot de la veille et il alla cacher un enfant dansun arbre.

La Panthère, consciente qu’un chaton n’était pas aussi grosqu’une petite panthère, ne se plaignit pas de la quantité de viandequi lui était envoyée. Pour mieux cacher sa ruse, le Chat avaitcuisiné la viande avec un peu de sel et de piment, ce qui l’avaitrendue plus appétissante pour la Panthère.

Et ce fut ainsi, régulièrement, jusqu’à ce que la Panthère aitfini de tuer tous ses petits. Quant au Chat, il avait caché tous lessiens dans l’arbre. Dans la journée, ils ne mettaient jamais plusle nez dehors et c’était le Chat qui allait glaner quelques grainspour accompagner la viande de panthère.

Heureusement, les pluies commencèrent enfin à tomber. Onpouvait donc retourner aux champs pour travailler la terre etpréparer la récolte suivante. Le Chat ne pouvait travailler seul et,théoriquement, il n’avait plus d’enfants pour l’aider. Il lui fallaittrouver un moyen pour faire descendre ses enfants de leur arbresans éveiller les soupçons de la Panthère.

Il se rendit chez elle et lui dit : " Le temps des semailles estproche et il nous faut labourer la terre. Demain, je ferai venir mesneveux pour m’aider car je me sens très fatigué après ces terriblesépreuves et je ne peux travailler seul. "

Ainsi, le lendemain, le Chat fit descendre cinq de ses petitsqui l’accompagnèrent au champ. La Panthère fut très surprise dela ressemblance entre les enfants du Chat et ses neveux et elleposa de multiples questions auxquelles le Chat répondit sansbégayer.

Cependant la Panthère doutait de la sincérité de son ami et

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LE STRATAGEME DE LA TORTUE

Depuis plusieurs mois, la tortue n’a pas payé la nourriture qu’elle aachetée à crédit chez le porc. Et un jour le porc lui réclame son argent :" J’ai assez attendu maintenant; il faut que tu me payes tes dettes ! - C’estentendu, demain tu peux venir, ce sera prêt, " répond la tortue.

Le lendemain, le porc se rend chez la tortue. Mais dès qu’elle l’aper-çoit, elle recroqueville sa tête, ses membres, sa queue et se cache à l’intérieurde sa carapace. Ainsi, elle ressemble à une pierre. Immédiatement, safemme verse du maïs sur son dos et commence à écraser les grains surla " pierre " comme sur une meule... Quand le porc s’approche et la salue,elle ne répond pas. Le porc, pensant que cette attitude est encore un moyenimaginé par la tortue pour ne pas le payer, se fâche : " Est-ce que tu m’asbien entendu ? " Et en criant ainsi, il attrape la " pierre " de madame Tortueet la jette dans la brousse.

C’était bien ce qui était prévu. Aussitôt elle s’écrie : " Mais qu’est-cequi te prend de crier aussi fort ? Et puis, il y a mon argent dans la pierreque tu as jetée ! Si tu veux que je te paie, il faut que tu ailles récupérer cettepierre ! Alors je te donnerai ce que mon mari te doit. " Crédule, le porcva chercher ses parents pour l’aider car il n’a pas regardé où il lançait cettepierre et la brousse est vaste. Toute la famille se met à fouiller partout,retournant toutes les pierres en lui demandant à chaque fois s’il s’agissaitde celle qu’on cherchait. Bien sûr, on ne la retrouva pas car monsieur Tortueavait vite ressorti toutes membres et était allé se cacher très loin de samaison.

Après un long moment de recherches vaines le porc s’est lassé et ilest bel et bien parti comme l’avait imaginé monsieur Tortue et sa femme...

C’est depuis ce jour-là que les porcs fouillent le sol avec leur groinà la recherche de la pierre introuvable. Et cela dure toute leur vie...

Texte de BADOU Julienne - CE2 - réécrit par les stagiaires.

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elle lui demanda de lui prêter l’un de ses enfants pour l’aiderdans son propre champ, ajoutant qu’en retour elle l’hébergeraitet le nourrirait. Elle pensait ainsi pouvoir continuer son investi-gation après du chaton en dehors de la présence du père. Le Chatse sentit obliger de le lui promettre pour le lendemain matin etil partit.

Rentré à la maison, il tint un conseil de famille car il savaitque le risque serait grand d’être dévoré pour celui de ses enfantsqu’il enverrait chez la Panthère.

" Lequel d’entre vous sera capable de déjouer le plan de laPanthère ?

- Moi ! dit le benjamin des chatons. Je peux braver la Pan-thère mais je ne pourrais pas courir assez longtemps si elle mepoursuivait.

- J’y ai pensé, répondit le Chat. Si c’est toi qui va aider laPanthère, tu suivras bien toutes les directives qu’elle te donnerajusqu’à ce que tu sois dans son champ. Là, il te faudra guetterle meilleur moment pour prendre la fuite et, sur ton chemin,tu trouveras une corde pendant d’un arbre ; dès que tu lepourras, tu la saisiras et nous la tirerons pour te hisser dansl’arbre aussi vite que nous pourrons. Quant à la Panthère, nouslui réservons une surprise désagréable. "

Toute la famille resta un instant silencieuse puis le plandiabolique fut mis en place très soigneusement car le sort de PetitChaton était en jeu...

Le lendemain, ce dernier se rendit chez la Panthère commeil était convenu. Il l’accompagna au champ mais, à aucun mo-ment, il trouva le moyen de s’enfuir.

Le soir, il rentra donc avec la Panthère qui remplit unemarmite d’eau qu’elle mit à chauffer sur le feu. Elle demanda auchaton de surveiller l’eau et de la prévenir lorsqu’elle commen-cerait à bouillir; puis elle rentra dans sa case en se disant qu’aumoment où le chaton entrerait pour lui dire que l’eau bouillait elle

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- Je pensais vous apporter du gibier pour les travailleurs. Jesuis donc parti à la chasse . Quand l’herbe a bougé, j’ai tiré etquand je me suis approché pour ramasser le gibier et j’ai vu unhomme. Malheur à nous, j’ai tué un homme !

- Ne dis pas malheur à nous, mais plutôt, malheur à toi seul,corrigea le beau-père. T’ai-je envoyé à la chasse ? Ne t’ai-je pasconvié aux travaux champêtres de demain ? Et voilà que tu t’envas tuer ton prochain. Sors d’ici ! Va répondre de tes actes ! Sanstoi, mon champ sera labouré ! "

Tinyekpon prit un air très affligé pour sortir de chez sonbeau-père et se rendit chez son Bokonon. Là, il reprit les mêmespropos et le Bokonon lui tint le même langage.

Il ne lui restait qu’à aller voir son ami. Il le trouva dans sonjardin et lui conta la même histoire. Son ami lui demanda : "Quelqu’un t’a-t-il vu ? Est-ce qu’on a pu entendre le coup de fusil ?

- Non, je ne le pense pas. "Alors l’ami lui offrit à boire en disant : " Réconforte-toi pour commencer, et d’ajouter, attends-moi

un instant. "Il revint bientôt avec une houe, un coupe-coupe et une pioche.

Puis il cria à sa femme : " Nous nous rendons dans la broussepour chercher des racines médicinales."

Tous deux se rendirent alors près de l’endroit où le corpsdevait être. L’ami se mit à creuser et Tinyekpon le regardait faire .

" Allons prendre la mesure de ce corps pour adapter le trouà la bonne taille."

Tinyekpon lui montra l’endroit et l’autre s’avança seul. Maissoudain, il s’écria : " Tu t’es trompé ! Ce n’est pas un homme quetu as tué c’est une antilope ! "

Alors Tinyekpon répondit : " En effet, c’est bien une antilopeet tu la mangeras seul avec ta femme et tes invités. "

Et il lui raconta le stratagème qu’il avait imaginé pour ré-soudre le problème des trois invitations simultanées. Puis il con-clut : " C’est dans le malheur qu’on connaît ses vrais amis. "

*Tin yè kpon signifie " Mets-les à l’épreuve" en fon qui est une languenationale parlée dans le Sud du Bénin.

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l’attraperait et le jetterait dans la marmite.«Cela me fera enfin un bon repas après cette dure journée

de travail ! " murmura-t-elle dans ses babines."

Petit Chaton, blotti dans son coin, avait deviné le plan deson hôte. Il lui fallait vite trouver une parade. Il laissa passer unmoment ; puis il jeta l’eau de la marmite et, vite, la remplaçapar de la froide. Aussitôt, il prévint la Panthère que l’eau étaitcomme elle avait dit. Celle-ci le saisit et le jeta précipitammentdans la marmite sans rien vérifier. Dès qu’elle eut tourné le dos,le chaton sauta hors de la marmite et, tout trempé, courut aussivite qu’il put vers sa maison.

La Panthère entendit bien un bruit mais lorsqu’elle réalisace qui se passait, le chaton était loin et il apercevait déjà la cordedont son père lui avait parlé la veille.

Il la saisit bientôt et la Panthère le vit de loin s’élever au boutde la corde jusque dans l’arbre. Lorsqu’elle arriva au pied de cetarbre, la corde pendait à nouveau, elle s’en saisit et se sentitaussitôt tirée vers le haut mais, à mi-hauteur, c’est elle qui reçutl’eau bouillante. Sous la douleur, elle lâcha prise et retomba lour-dement sur le sol.

Alors, prenant ses jambes à son cou, elle se mit à courir sivite que même un éléphant n’aurait pu l’arrêter. Elle s’enfonçaloin dans la brousse et ne revint plus jamais dans les parages.

C’est depuis ce temps-là que la panthère est devenue unanimal sauvage et qu’elle vit loin des villages et des hommes...

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LES AVENTURES DE TINYEKPON

Il était une fois un jeune homme du nom de Tinyekpon * quivivait sans souci dans son village.

Un jour, il reçut une invitation de son ami intime. Celui-cil’informait que les jeunes de son village viendraient l’aider àtravailler son champ dans neuf jours et il ajoutait qu’il seraitheureux de le voir se joindre à eux.

Le lendemain, il eut une invitation semblable de son"Bokonon ", c’est-à-dire son protecteur, qui lui demandait de venir,huit jours plus tard, l’aider à labourer son champ.

Et le surlendemain, c’était de son beau-père qu’il recevait lamême demande à faire les mêmes travaux, sept jours plus tard.

Tinyekpon se mit à réfléchir : " Voilà trois personnes qui mesont chères et qui me fixent une même date pour les aider danstrois champs différents ! Comment faire ? Si je ne vais pas dansle champ de mon ami, il sera vexé. Si je ne vais pas dans celuide mon Bokonon, j’aurai des ennuis.

Et avec mon beau-père, ce sera très grave si je le mécontente. "Tinyekpon était vraiment très embarrassé. Et il continua à

réfléchir... La veille du fameux jour, il eut une bonne idée.Au premier chant du coq, il se leva, prit son fusil et s’en alla

dans la brousse...A l’endroit qu’il jugea favorable, il se mit à l’affût derrière

un buisson et, bientôt, visa et tira.Alors, il courut chez son beau-père et lui dit, d’un air affolé :

«Dah, je viens de commettre un horrible crime. Je suis perdu, jesuis déshonoré.

- Qu’as-tu fait de si mauvais ? questionna le beau-père.

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LES DEUX AVEUGLES

Dans un village, vivaient deux aveugles qui ne s’étaientjamais rencontrés. Ils avaient chacun, pour repas, le fruit de cequ’ils recevaient en aumônes et s’habillaient des vêtements qu’onleur donnait.

Au début tout allait pour le mieux et ils ne se plaignaientpas. Leur unique souci était de ne rien voir.

Un jour, le hasard fit qu’ils vinrent tous deux en mêmetemps sur la place publique. Par les conversations des uns et desautres, chacun comprit qu’il n’était pas seul de son état dans lesparages et sa peine en fut allégée.

Ils se rapprochèrent l’un de l’autre et se lièrent d’amitié. Etla vie à deux commença...

Ils devinrent bientôt des amis inséparables, mendièrent en-semble et avaient moins de peine à vivre. Le temps passait...

Mais, au fil des jours, la générosité des donnateurs tarissaitet leurs moyens de subsistances diminuaient de manière inquié-tante. " Que nous réserve l’avenir ? " se demandaient-ils.

A leur misère, s’ajoutaient les mauvais tours des gamins qui,parfois, leur donnaient des cailloux en guise d’aumônes. Laquestion de leur survie devenait de plus en plus préoccupante,au point qu’ils se demandaient si vivre valait encore la peine.

Ils cherchèrent longtemps une solution mais, n’en trouvantpas, ils décidèrent ensemble de mettre fin à leurs jours en pensantque peut-être la vie dans l’au-delà leur serait plus favorable etqu’ils y retrouveraient tout ce qu’ils avaient perdu sur cette terreinhospitalière.

Cependant, l’idée d’une mort violente leur était insuppor-table. C’est alors que le plus âgé proposa la mort par noyade dans

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Tous les esclaves travaillaient comme il fallait sauf un quiétait sous un arbre. Quand le prince s’approcha de lui, l’hommese mit à chanter quelque chose qui était tout à fait inconnu delui.

Intrigué par l’attitude de l’esclave et les paroles de sa chanson,le prince retourna voir son père et lui expliqua ce qu’il avait vu etentendu.

Le roi fut bouleversé par les paroles que lui rapporta son fils etil décida d’aller lui-même voir cet esclave.

Dès que le roi s’approcha de lui, l’esclave se reprit sa chanson :" O nou sa é; O nou sa ; O nou sa lo o ; O nou sa Midjé yi guélégbé non vi sa ; Midjé yi guélégbé to don sa !Gbè wa gnon nawé bo a do ; Non ho anonwé vi tché sa !Tovi yé sa ; Non vi yé sa !..."Ce qui peut se traduire par : " chose

vendue ; chose vendue ; ah ! chose vendue... On allait au champ. Frèrevendu ! On allait au champ là-bas, vendu !... Comblé de bonheur, tuoses acheter ton frère ? Vendu ! Fils de ton père, Vendu ! Fils de tamère, Vendu !..."

La chanson terminée, l’esclave dit : " Adanzan ! " et le roirépondit : " Djonkè ! " car c’était lui, le frère qui avait été capturé parles guerriers.

Les deux frères s’étaient reconnus. Le roi ramena son frère aupalais et le traita comme il le devait. Le quatrième jour, le roi fitgongoner pour rassembler la population et annoncer la cérémonie dulendemain.

Alors Adanzan présenta son frère au peuple et l’informa qu’ilavait décidé de partager son royaume entre son frère et lui...

Texte de TIVIGNON Zinsou Luc CM2 , réécrit par les stagiaires.

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le marigot du village. Le second approuva et ils fixèrent le jouret le lieu précis de l’évènement.

Le moment venu, plusieurs jours avaient passé et chacun,en son for intérieur, n’était plus décidé à se suicider mais il n’osaitl’avouer à l’autre. Alors, ils se munirent tous deux d’une grossepierre et se rendirent au bord de l’eau sans s’informer mutuel-lement de leur stratagème.

Au moment décisif, le plus jeune dit à son ami :" C’est toi qui a trouvé l’idée de cette mort douce, c’est donc

à toi de te jeter à l’eau le premier. "Le vieux rétorqua que le mieux lui semblait être de se jeter

ensemble dans le marigot. Et c’est ce qui fut décidé. Au signaldu vieux, on entendit le bruit de deux grosses choses tombantdans l’eau comme pouvaient le faire deux corps d’hommes.

Un silence de mort régna soudain au bord de la rivière....

Chacun des deux aveugles se réjouissant de son stratagème,remonta la pente et reprit le chemin du village en chantonnant.

" Qu’est-ce que j’entends ? marmonna le vieux. N’est-ce pasla voix de mon ami ? " L’autre ricanant lança :

" Sommes-nous déjà dans l’au-delà, puisque nous noussommes retrouvés ? "

Un grand rire éclata des deux côtés du chemin, ils se cher-chèrent des mains et, se retrouvant, s’embrassèrent chaleureuse-ment sans plus de commentaires...

NB : Ce conte est le sujet d’une chanson très populaire au Bénin : " E monnon tin min nou min " ce qui peut se traduire par " Cela ne s’explique pas. "

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LES RETROUVAILLESDES DEUX FRERES

Voici mon conte.

Adanzan et Djonkè étaient deux jeunes frères qui cultivaientla terre avec leur père et leur mère... Un jour, le père mourut ;cinq jours plus tard, ce fut la mère qui disparut. Et les deuxenfants restèrent seuls à travailler.

Un matin, en allant au champ, ils entendirent qu’on parlaitd’une guerre prochaine. Dès le lendemain, elle éclata.

Dans la débandade, Adanzan put s’enfuir mais son jeunefrère fut capturé par l’ennemi.

Adanzan courut longtemps, très longtemps et il arriva enfindans un village paisible où il s’installa. Il obtint la confiance detous les villageois... Et des années plus tard, il devint roi. Il vivaitrichement et s’achetait des esclaves.

Un jour, longtemps après, il s’acheta des esclaves parmilesquels il y avait Djonkè. Mais Adanzan ne le reconnut pas caril avait beaucoup grandi et beaucoup souffert. Et Djonkè ne fitrien pour se faire reconnaître.

A quelques temp de là, Adanzan fit ordonner à ses esclavesd’aller chasser les oiseaux dans son champ de maïs. Djonkè futde ceux-là et ce fut le propre fils du roi qui fut chargé de sur-veiller le travail des esclaves.

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PLUS MALIN QUE LE CHEF...

Il était une fois une contrée du nom de Dondougou dont leroi était très puissant et très jaloux de son pouvoir. Ainsi or-donna-t-il qu’à la naissance de chaque enfant, son nom lui soitcommuniqué afin de bien connaître tous ses sujets.

Un jour, un enfant naquit dans une famille modeste. Lepapa, soucieux de préparer le meilleur avenir à ce petit, allaconsulter le devin pour que celui-ci demande aux ancêtres le nomqui lui conviendrait le mieux.

Le devin annonça que l’enfant se nommerait TCHOBEREBISSA KPEI ce qui veut dire, en langue dendi : "Plus malin quele chef ".

Ayant pris connaissance du nom de son nouveau sujet, leroi s’indigna fort de cette hardiesse. Il ne pouvait supporter queson pouvoir fût mis en cause ; même par le nom d’un nouveau-né. Alors il résolut tout simplement de se débarrasser de ce petitgêneur.

Il réfléchit longtemps pour trouver un bon moyen. Desannées s’écoulèrent...

Puis un jour, il convoqua tous les enfants qui avaient lemême âge que Tchobere Bissa Kpei et leur annonça :

" J’ai décidé d’offrir à chacun de vous une belle vache mais,dans deux ans, vous devrez me rapporter la génisse qu’elle auramis au monde et que vous aurez bien soignée. Attention, celuiqui ne me la ramènera pas sera sévèrement puni. "

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Pour la prochaine récolte, tu n’auras que ce qui aura poussé sousla terre et c’est moi qui prendrai tout ce qu’il y aura dessus. " Etil repartit.

Cette fois le rusé paysan planta des patates...

Quand il s’est agi de récolter, le diable et sa famille coupè-rent toutes les feuilles, les mirent en paquets pour les vendrependant que le paysan arrachait les patates qui avaient poussédans la terre et ils partirent ensemble au marché.

Naturellement , le paysan vendit très facilement toutes sespatates mais le diable ne vendit rien. Et tout le monde éclatait derire quand il proposait ses feuilles...

" Ce paysan est vraiment très rusé " , pensa le diable fou derage de s’être laissé ridiculiser par un vulgaire paysan.

Il poussa un cri horrible et disparut à tout jamais...

texte de ZEGUE Salomé - CM1réécrit par les stagiaires

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Et chacun retourna chez lui avec sa vache mais, en réalité,à Tchobere Bissa Kpei, c’était un taureau qu’il avait offert...

Au bout d’un an , tous les enfants avaient déjà une génisseà rapporter au roi, sauf Tchobere Bissa Kpei qui se rendit compteque l’animal qu’il avait reçu était un mâle et qu’il ne pourraitjamais rapporter au roi la génisse qu’il avait exigée. Il compritalors que le roi cherchait à lui nuire et décida de déjouer lasupercherie.

Une nuit, il se rendit dans la cour du palais, grimpa dans legrand baobab qui abritait les palabres et se mit à couper des bran-ches. Réveillé par le bruit, le roi envoya un garde s’informer surl’origine de ce bruit. Celui-ci ramena bientôt l’enfant devant le roiqui l’interrogea : " Que fais-tu dans cet arbre en pleine nuit ?

- Je cueille les fruits du baobab, Sire. " Le roi l’interrompit pour ajouter :" Comment ? Ai-je bien entendu ? Qu’as-tu donc de si im-

portant à faire pour oser voler les fruits de mon baobab?

Sans s’émouvoir, Tchobere Bissa Kpei répondit :" C’est pour préparer la bouillie nécessaire à mon père qui

vient d’accoucher."- Tu te moques de moi ! Depuis quand les hommes sont-

ils capables d’accoucher ?- Mais, Sire, depuis que tu m’as donné un taureau en exi-

geant que je te rapporte la génisse qui devait en naître. "

Le roi comprit que cet enfant était très malin et il le laissapartir. Néanmoins, il restait décidé à se débarrasser de lui etchercha un autre moyen.

A quelque temps de là, le roi fit creuser un puits très pro-fond qui fut aussitôt recouvert d’une natte. Puis il organisa unefête au cours de laquelle " Plus malin que le chef " serait à l’hon-neur.

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LE DIABLE DUPE

Un jour un cultivateur qui cultivait son champ vit arriver lediable.

" Que fais-tu là ? Lui demanda le diable brusquement- Je prépare la terre pour semer, répondit le paysan.- Ce champ n’est pas à toi. Il est à moi comme tous les

champs. De quel droit le cultives-tu ?- Pardonnez-moi, mais il me faut bien cultiver pour vivre !... "

Bien entendu, le diable avait une idée derrière la tête. Ilreprit :

" Ecoute ! Voici ce que je te propose : je consens à ce quetu cultives ce champ et nous partagerons la récolte. Pour celanous ferons deux tas, l’un avec ce qui poussera sur la terre, l’autreavec ce qui poussera dessous. Comme je suis le diable et que tun’es qu’un paysan, c’est à moi de choisir et je choisis ce quipoussera dans la terre. Toi, tu auras ce qui poussera dessus.»

Ayant dit cela, il disparut sans attendre la réaction du pay-san. Mais cet homme était un malin et il sema du mil...

Le moment de la récolte arriva et le diable vint avec sesdiablotins. Le cultivateur coupa son mil, le fit battre, le vanna etle mit dans des paniers pour aller le vendre au marché. Alors, lesdiables arrachèrent, comme il était convenu, ce qui était dans lesol. Mais quand ils voulurent vendre au marché ce qu’ils venaientde récolter tous les gens se moquèrent d’eux.

Le diable était très en colère de s’être fait berner par lepaysan. Il le fit venir et lui dit :

" Tu t’es moqué de moi cette fois, mais je vais me venger.

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Heureusement, Tchobere Bissa Kpei était bien informé et ilchercha le moyen d’échapper une seconde fois au plan diaboliquedu roi. En grand secret, il fit creuser un trou dans le sol de samaison, puis une galerie qui menait jusqu’au fond du puits quele roi avait fait préparer quelques jours plus tôt.

Le jour de la fête arriva. " Plus malin que le chef " se pré-senta le dernier sur les lieux de la cérémonie. Dès qu’il le vit, leroi l’invita à s’installer sur la natte étendue au-dessus du puits.

Tchobere Bissa Kpei demanda :

" Pourquoi est-ce à moi qu’on fait tant d’honneur ?"

Et, sans attendre la réponse, il voulut s’installer là où le roil’invitait à le faire. Mais, patatras ! la natte s’effondra et il seretrouva au fond du puits qu’il quitta au plus vite en suivant lagalerie pour rejoindre sa maison.

Dès que le jeune garçon eut disparu, le roi fit verser labassine de boisson bouillante qui était toute prête, espérant ainsiéliminer le garçon.Mais au fur et à mesure que le liquide étaitversé dans le puits, Tchobere Bissa Kpei le récupérait dans desjarres au bout de la galerie.

Bien sûr, les invités n’avait rien vu de la scène. Ils purentdonc commencer à festoyer dès que le roi l’autorisa ; ce dernier,lui, se réjouissant de la fin tragique du garçon.

Le lendemain, Tchobere Bissa Kpei invita tout le village àcontinuer la fête chez lui et il distribua la boisson qu’il avaitrécupérée au fond de la galerie.

Quand il apprit cela le roi entra dans une terrible colère.Finalement, confondu par l’esprit malin du jeune garçon, il sedonna la mort. Et Tchobere Bissa Kpei devint roi à sa place surtoute la contrée de Dondougou...

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paraître, car toute femme qui en mangera, sur le champ, deviendra unhomme. "

Dansi n’avait plus aucune raison de se cacher maintenant. Elleretourna donc au palais, toute joyeuse.

Le lendemain, pour manifester sa joie, Dansi chantait en pelantle manioc du prochain repas. Ses chansons parvinrent jusqu’aux oreillesd’Alougba qui accourut bien vite, étonnée qu’elle était en voyant Dansiaussi gaie malgré l’annonce de la cérémonie qui devait la mettre dansle plus grand embarras. " Que fais-tu là ? demanda-t-elle.

- Je pèle du manioc que mon père m’a envoyé, répondit Dansi.En veux-tu ? "

La vieille ne se fit pas prier et accepta le tubercule que Dansi luitendait. Alougba le prépara pour son repas. Mais dès qu’elle eut com-mencé à le manger, elle sentit des démangeaisons dans les partiesintimes de son corps. Elle se gratta, mais à mesure qu’elle se grattait,elle sentait se former, sous sa main, des organes génitaux masculins.Quelques moments plus tard, elle était devenue en tout point semblableà un homme...

Vint le jour des cérémonies. Toutes les reines soigneusementtoilettées, se joignirent à Dansi pour défiler devant le roi.

Dada-Segbo les observait une à une et s’étonna bientôt de ne pasvoir Alougba.

On tendait vers la fin de la cérémonie, quand le roi, impatient,l’envoya chercher. Il fallut fouiller tout le palais avant de trouver Alougba,blottie dans un coin et poussant des gémissements dont elle ne voulaitpas dire la cause.

Lorsqu’elle fut devant le roi, il fallut l’obliger à ouvrir son pagnecomme c’était la coutume. A la vue de son état, le roi entra dans uneterrible colère : " Menteuse, s’écria-t-il. Infâme calomniatrice qui voulaitme faire perdre ma chère Dansi. Tu serviras d’exemple aux autres ! "

Et le roi ordonna qu’on lui trancha la tête et que toutes les reinesmarchent dans son sang pour retourner au palais .

Tel est pris qui croyait prendre...

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TEL EST PRISQUI CROYAIT PRENDRE

Bien longtemps avant la fondation du Danhomè, il existait un roiriche et puissant qui se nommait Dada-Sègbo.

Un jour, comme il revenait de l’une de ses tournées, il passa le longdu marché. Il y remarqua un garçon d’une telle beauté et dont les formesétaient si harmonieuses qu’il le prit pour une fille. Il décida sur le champde la demander en mariage à son père. Celui-ci, de peur de contrarierle roi et imaginant le grand honneur que ce mariage lui amènerait, n’osaavouer la vérité au roi.

Il consentit donc à donner son garçon en mariage à Dada-Segbosous le nom de Dansi mais il ajouta une condition : la nuit de noce neserait consommée qu’un an plus tard et elle vivrait isolée de ses co-épouses. Ce que le roi accepta sans difficulté.

Dès son retour au palais avec sa nouvelle épouse, Dada-Segboordonna à ses sujets d’élever des murs à l’intérieurdesquels Dansi pour-rait se laver à l’abri des regards de ses compagnes qui n’avaient, elles,pour abriter leur bain, que des palissades en feuilles de palmiers.

Au début, tout allait bien. Mais la façon dont Dada-Segbo traitaitDansi et les nombreux cadeaux qu’il lui faisait ne tardèrent pas à déclen-cher la jalousie des autres femmes. Alougba, la première et la plus âgéedes reines à qui toutes les autres devaient obéissance s’en était particu-lièrement irritée.

Un jour, elle décida de chercher à savoir pourquoi Dansi devait selaver à l’abri des regards de ses co-épouses et même du sien, bien qu’ellesoit la «Houénon» c’est-à-dire la première femme du roi. Elle se doutaitde quelque chose...

Alors, dans le plus grand secret, elle fit un trou dans l’un des mursqui entouraient la douche de Dansi. Le moment venu, elle s’assura quepersonne ne pouvait la voir, elle appliqua son oeil au trou et découvritque la nouvelle venue était ...un garçon.

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Aussitôt, Alougba alla chez le roi pour l’informer de sa décou-verte. Mais le roi ne la crut pas. Alors, face à son incrédulité, elle luiproposa : " Ordonne à tes femmes d’aller à la source quérir l’eau pourtes fétiches et tu pourras vérifier toi-même la vérité de mes propos. "

Or, pour cette cérémonie, toutes les reines passaient devant le roiinstallé près de la grande porte du palais. Elles faisaient grande toilettece jour-là , s’enduisant le corps de beurre de karité, se couvrant le couet les bras de poudre et portant, sur leur pagne, leurs plus belles perlesautour des hanches. Arrivées devant le roi et, pour lui seul, chacuned’elles devait ouvrir l’unique pagne qu’elle portait.

A l’annonce de cette cérémonie, Dansi se sentit perdue car le roiallait découvrir son véritable état et elle serait châtiée sévèrement. Celane faisait aucun doute.

Immédiatement, elle résolut de s’enfuir. Mais il lui fallait franchirles quarante portes gardées chacune par un chien. Elle prépara doncquarante boules de pâte de farine de maïs qu’elle mit dans une cale-basse. La nuit venue, elle sortit silencieusement. Chaque fois qu’ellearrivait à une porte, elle donnait une boule au chien pour l’empêcherd’aboyer.

Elle réussit ainsi à sortir du palais et à gagner la brousse sansgrandes difficulés, même si elle avait eu très peur. Elle marcha, marchalongtemps et rencontra l’hyène :

" Hyène, dévore-moi, dit-elle, je suis trop malheureuse ! "Mais l’hyène refusa et continua son chemin. Un peu plus loin, elle

rencontra la panthère : " Panthère, mange-moi, je suis trop malheureuse ! "Elle aussi refusa et, plus loin encore, c’est la Mort qu’elle rencontra : " Emporte-moi, implora-t-elle, je n’ai plus envie de vivre ainsi !- Mais pourquoi te lamenter pareillement, lui répondit la Mort, je

connais la cause de ton chagrin et je peux t’aider car je sais te changeren fille. "

Ayant parlé et sans attendre de réponse, elle trancha net le sexedu garçon et souffla dessus le transformant immédiatement en untubercule de manioc qu’elle remit à Dansi.

Ainsi, sans le moindre mal, Dansi était devenue une femme..." Garde-toi bien de manger ce manioc, ajouta-t-elle avant de dis-