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TEXTE INTÉGRAL Classiques & Contemporains LYCÉE Max Rouquette Médée &

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Page 1: Contemporains Classiques - Decitre · leur troupeau, comme nuages par les combes2, leurs troupeaux, semeurs de feu. CHŒUR 1 Ravageurs de moissons, voleurs de fruits, errants qui

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Max RouquetteMédée

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Max RouquetteMédée

Présentation, notes, questions et après-texte établis par

NATHALIE LEBAILLY ET MATTHIEU GAMARD

professeurs de Lettres

Classiques Contemporains&

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PRÉSENTATION

Max Rouquette : Une vie pour l’occitan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Contexte historique et littéraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

MÉDÉE

Texte intégral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Après-texte

POUR COMPRENDRE

Étapes 1 à 8 (questions) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

GROUPEMENT DE TEXTES

Jason et Médée : de l’amour à la haine . . . . . . . . . . . . . . 146

INFORMATION / DOCUMENTATION

Bibliographie, filmographie, Internet, visite . . . . . . . . . . 158

Sommaire

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PERSONNAGES

MÉDÉE.JASON.CRÉON, Roi de Corinthe.CARNAL, un vieillard.SALIMONDE, sa femme.LES DEUX ENFANTS de Médée.LE CHŒUR des Vieilles.Hommes d’armes.

Dans un terrain vague, non loin des remparts de Corinthe.

Médée est créée au Théâtre Nanterre-Amandiers enoctobre 2003 dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli.

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SCÈNE I

Une maison à demi ruinée, sans porte ni fenêtres : on les a voléesou, peut-être, brûlées, pour se chauffer. De l’herbe, de la pierraille.Devant la porte, des balayures. Sur un côté et en oblique, une cordetendue où on a mis à sécher une grande couverture rouge, qui cacheune bonne partie de la scène. Ce fil, avec sa couverture rouge, peutêtre, si l’on veut, tout le décor. De l’autre côté, un tas de cendres,qui fume encore un peu. Tout près, un tambour. C’est la fin del’après-midi. La vieille Salimonde sort de la maison, un seau à lamain, un chiffon mouillé de l’autre. C’est une longue vieille, avecune robe qui lui couvre les pieds, sans couleur, tant elle a servi. Uneécharpe noire couvre ses cheveux blancs qui s’échappent de tous côtéscomme des serpents. Elle va, d’un pas incertain, comme sans savoiroù aller, les yeux grands ouverts, mais qui ne semblent rien voir endehors de ce qu’elle imagine. Elle rumine.

LA VIEILLE : Il est heureux celui qui dort ; et plus encorecelui qui est mort, et mieux encore celui qui ne naquit jamais.

Pourquoi naître ?… Quand chaque jour apporte un malheurnouveau, lorsque demain n’a qu’un visage : celui de la souf-france et du mal. Quand toute vie n’est qu’un monceau de mal-heurs, de douleurs, de crimes. À quoi bon vieillir ? La soifaveugle de la chair, une fois rassasiée, que reste-t-il ? La patienced’endurer, celle de mourir, celle de se dessécher, herbe, planteou arbre, qui a vu ses fruits s’évanouir.

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Un temps. Elle se tourne vers la couverture et à ce qu’on devinederrière.

Elle dort. Puisse le ciel lui garder le long sommeil, le sommeillourd aussi épais que les ténèbres, muet comme une dalle, sansregards et sans oreilles. Pitié pour elle, dieux de là-haut, cachésdans les nuages et muets comme des poissons. Grands poissonsaffamés, glissant dans le vivier1 du ciel. Pitié pour elle. Pitiépour les enfants.

Quel peuple sommes-nous ! Peuple maudit. Il doit être inscritquelque part que nous ne devons jamais nous arrêter. C’est ledestin de ma race. Les chardons secs, roues lancées dans l’espacedu désert, le vent d’hiver les emporte sans pitié, sans relâche, sousla pluie et le gel. Nous ne sommes rien de plus qu’un chardonarraché à sa terre et qui roule à tout vent et se déchire à chaquepierre. Sans repos, nous qui ne saurons jamais où est la dalle oùreposer notre tête à l’heure de fermer les yeux ! (Un temps.)

Elle a vu tourner les constellations lentes de la nuit… sanscraindre en rien le froid mortel qui descend des étoiles, sans lamoindre peur devant les ombres et le bruissement des ténèbres.L’aube l’a clouée dans le sommeil.

Avec ses yeux terribles qui voient à trois lieux au plus pro-fond de la nuit… ses yeux qui cillaient1 pour avoir tant fixé lechemin de la ville. (Un temps.)

(Bas.) Il ne reviendra jamais, il ne reviendra jamais ! C’est évi-

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1. Bassin où l’on élève les poissons.2. Battaient des cils.

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dent. Trois fois Créon le fit appeler. Et il y a trois jours qu’il estallé chez Créon. Et il y a trois jours que, sans relâche, dresséecomme un serpent furieux, l’œil de glace, plus vert que le fondde l’eau, elle regarde, de loin, les murs ennemis de la cité. Sansciller, jusqu’à ce que l’aube lui noie les paupières, de brûlureplus que de sommeil.

Ah ! du fond du temps sans bornes, j’entends se lever un ventde malheur ; comme on devine le temps aux élancements, dansles reins, d’une vieille douleur.

La vieille se tait. Battements d’ailes et cris d’oiseaux des vieillesdu chœur qui entrent en scène et vont se placer sur leurs perchoirs– ricanements, rires étouffés – rires de chiens.

PSAUME DES CHEMINS

LA MÈRE

Malédiction sur les chemins, d’oùnous vient tout le mal.

CHŒUR 1Toute nouvelle est mauvaise, toute face inconnue

est celle du mal.

LA MÈRE

Que leur voulaient les dieux pour les engagersur ce chemin ?

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CHŒUR 2Anciens qui dans la terre reposez, vous avez donné

le sang et la lumière de la vie. Mais, était-il nécessaired’ouvrir des routes par les monts ?

CHŒUR 1Ne saviez-vous pas que le mal est partout qui nous

entoure et que tout moyen lui est bonpour nous percer le cœur…

Bel âge d’or où chaque peuple avait son domaine,ignorant des autres

et bien heureux de n’en rien savoir.Où chacun recouvrait son feu avec ses cendres,

sans envie de l’envoyer aux autres.

CHŒUR 2Où les champs de la mer étaient vierges de tout soc,

livrés au soleil seul et à ses prêtres, les goélands.Et où restait aux dieux seuls le pouvoir de connaître

à la fois toutes les nations.

CHŒUR 1Qui est-ce qui ouvrit les chemins ?Qui ouvrit par rochers et fourrés

les premiers sentiers de la montagne ?Des voleurs, des exilés, des chasseurs

sans feu ni lieu, des condamnés, des bannis :

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l’espèce la plus méprisable du monde,la lie1 de la terre,

la honte de la création.

CHŒUR 2Et les fous à qui ne suffisait pas

le bonheur tranquille de leurs villageset à qui demain et ailleurs semblent

toujours un Paradis.Et ceux encore qui poussent devant eux

leur troupeau, comme nuages par les combes2,leurs troupeaux, semeurs de feu.

CHŒUR 1Ravageurs de moissons, voleurs de fruits,

errants qui jamais ne reviennent, et voleurs de filles ;et les pas du troupeau marquent sans trêve

le chemin par roches et bruyères,et les hommes obscurs posent leurs pas

dans le pas des bêtes.

LA MÈRE

Ainsi périt la paix !

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1. Éléments les plus mauvais.2. Petites vallées encaissées.

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CHŒURS ENSEMBLE

Ainsi périt la paix !

Mouvements des faces blanches dont le regard lent balaie tout lethéâtre. La vieille ne semble pas s’en apercevoir, perdue dans unesorte de fascination, celui d’un mal sans visage et sans nom. D’unbras nerveux, Médée soulève la couverture qui la cachait, et en sort,un peu décoiffée, avec une tête d’oiseau de nuit dans le soleil.

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POUR COMPRENDRE

Étape 1 Préparation à la lecture........................................................................ 130Étape 2 L’exposition............................................................................................................ 132Étape 3 Confrontations................................................................................................. 134Étape 4 La chemise fatale........................................................................................... 136Étape 5 Vers l’infanticide .......................................................................................... 138Étape 6 Dénouement........................................................................................................ 140Étape 7 Synthèse ...................................................................................................................... 142Étape 8 Médée, d’Euripide à Rouquette............................................. 144

GROUPEMENT DE TEXTESJason et Médée : de l’amour à la haine ...................................................... 146

INFORMATION/DOCUMENTATIONBibliographie, sites Internet, visiter.................................................................. 158

Après-texte

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POUR

COM

PREN

DRE

Lire1 À quel moment de la pièce la pho-tographie de couverture semble-t-ellecorrespondre ?

2 Qui peuvent être les figures quel’on distingue en arrière-plan sur laphoto de couverture ?

3 Réalisez le tableau de présencescénique des personnages puis com-mentez-le.

4 Établissez la liste des psaumes dela pièce.

5 Réalisez l’arbre généalogique de Ja-son et de Médée.

130 PRÉPARATION À LA LECTURE

HISTOIRES DE LANGUES

L’histoire des langues, leur évolution et leur statut sont intimement liéesà des questions historiques et politiques.Lorsqu’un peuple en soumet un autre, l’intègre dans un royaume ou un

empire, ce sont également des langues qui rentrent en concurrence. Tantôtc’est la langue du conquérant qui est adoptée par le dominé : c’est ainsi quebien des peuples colonisés par les romains adoptèrent le latin et que naqui-rent les langues romanes (le français, l’espagnol, le portugais, le roumain ouencore… l’occitan). Tantôt c’est le contraire, et les vainqueurs abandonnentleur propre idiome (les Francs en Gaule, les Normands en Angleterre).On nomme différemment une langue selon le statut du groupe qui l’utilise. Unpatois est un parler local employé par une population peu nombreuse et dontla culture est jugée de façon plutôt négative. Par exemple, le cauchois est unpatois haut normand. Un dialecte est la forme régionale d’une langue. Parexemple, le wallon est un dialecte français utilisé en belgique. Le pidgin estune langue composée de l’anglais et de langues d’Extrême-Orient. Un créoleest composé à partir du français, de l’espagnol, du portugais, de l’anglais, dunéerlandais et des langues indigènes. Ces définitions ne sont pas complète-ment fermées et certaines se rejoignent. Une langue régionale est une langueà part entière avec une culture écrite mais qui n’est utilisée que dans une par-tie d’un état : en France, le basque, le breton, l’alsacien ou l’occitan en sontdes exemples.

À SA

VOIR

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POUR

COM

PREN

DRE

Préface

6 Quel lieu de représentation Rou-quette imagine-t-il ?

7 Relevez les éléments qui montrentl’attachement de Rouquette à la culture et la géographie occitanes.

8 Comment le chœur est-il composé ?À quoi est-i l souvent comparé ?Quelles sont les indications de miseen scène qui concernent le chœur ?

9 Commentez l’emploi du terme« psaume » pour qualifier certainesparties du chœur.

Écrire10 Rédigez une synthèse sur lemythe de Médée après avoir consultédifférentes sources (voir bibliogra-phie p. 158).

Chercher11 Combien Rouquette a-t-il écrit depièces de théâtre ? Quels genres depièces a-t-il écrits ?

12 En quelle année sa Médée a-t-elleété écrite, publiée et représentée ?

13 Cherchez des comptes rendus despremières représentations en 2003au Théâtre des Amandiers (Nanterre).

14 Quels étaient la composition, laplace et le rôle du chœur dans lethéâtre grec antique ? Comparez avecce qu’en dit Rouquette (voir « Pré-face »).

15 Cherchez l’étymologie des motssuivants : hypocrite, drame, tragédie,théâtre.

Oral16 Après avoir traité la question 10,présentez à la classe le personnagede Médée.

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L’HYBRIS

L’hybris (ou hubris) désigne la « démesure » dont le héros ou l’héroïnefait preuve, notamment dans son rapport avec les dieux. Dans les tragé-dies, cet orgueil, toujours sévèrement puni, est la cause des nombreuses

souffrances que le personnage doit endurer. Le personnage de Médée est par-ticulièrement marqué par cette hybris, ou démesure tragique, que ses parolesà la scène II trahissent : « Nous sommes de la race du soleil : nous savons leregarder en face. Il n’est ni roi ni dieu pour nous faire agenouiller. Rien ! Tuentends ?… Rien ! Rien ! Rien. »

À SA

VOIR

PAGES 15 À 127

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ISBN 978-2-210-75522-2

-:HSMCLA=\ZZWWW:Pour télécharger gratuitement le Livret du professeur de Médée de Max Rouquette,tapez www.classiquesetcontemporains.com(NUMEN obligatoire).

L Y C É E

Classiques & Contemporains& ���

Max Rouquette Médée

Cette pièce contemporaine remet en scène la sorcière vindicativede la mythologie, cette Médée à l’orgueil démesuré dont la paroleest « comme les chevaux de la mer : rien qui puisse la retenir ».Sensuelle, implacable, hantée par le passé, elle entend punirl’infidèle Jason de la façon la plus terrible qui soit.

La Médée de Rouquette alterne les psaumes au lyrisme ardentet les dialogues affûtés comme des rasoirs, dans une languetoujours poétique. Cette œuvre contemporaine, qui paraît pourla première fois en édition scolaire, est accompagnée d’unriche appareil pédagogique qui aborde notamment la repré-sentation théâtrale du monstre, le tragique, la tragédie et laréécriture du mythe antique.

NIVEAU 4 : recommandé pour les classes de seconde (enseignement général), de première (toutes séries) et de terminale littéraire.

Deux Médéeune classique, une contemporaine

à étudier en parallèle