consistoire de paris - ceremonie organisee le lundi 16 … · ceremonie organisee le lundi 16...

6
1 COMMUNAUTE JUIVE D’ANTONY – Allocution d’Edmond NADAM, Président de la Communauté juive d’Antony CEREMONIE ORGANISEE LE DIMANCHE 16 JUILLET 2017 A ANTONY EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT FRANÇAIS ET D’HOMMAGE AUX JUSTES DE FRANCE Monsieur le Sous - Préfet des arrondissements d’Antony et de Boulogne, Monsieur le Président du Conseil Départemental des Hauts de Seine, Madame la Maire adjointe d’Antony, représentant Monsieur le Maire d’Antony, Mesdames et Messieurs les Présidents des Communautés religieuses et des Associations, Mesdames et Messieurs les Elus du Conseil Municipal, Mesdames et Messieurs les Représentants des Services Publics,

Upload: others

Post on 02-Aug-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

1

COMMUNAUTE JUIVE D’ANTONY – Allocution d’Edmond NADAM, Président de la Communauté juive d’Antony

CEREMONIE ORGANISEE LE DIMANCHE 16 JUILLET 2017 A ANTONY EN

HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT FRANÇAIS ET D’HOMMAGE AUX JUSTES DE FRANCE

Monsieur le Sous - Préfet des arrondissements d’Antony et de Boulogne, Monsieur le Président du Conseil Départemental des Hauts de Seine, Madame la Maire adjointe d’Antony, représentant Monsieur le Maire d’Antony, Mesdames et Messieurs les Présidents des Communautés religieuses et des Associations, Mesdames et Messieurs les Elus du Conseil Municipal, Mesdames et Messieurs les Représentants des Services Publics,

Page 2: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

2

Mesdames, Messieurs,

En préparant mon allocution que vous me faites l’honneur de prononcer devant vous, j’ai trouvé une courte lettre, disons plutôt un petit mot manuscrit écrit par Anna Lichter, jeune adolescente juive de 15 ans, à son oncle résidant à Paris dont je vous livre, non sans émotion, la teneur.

« Mon petit tonton chéri, J'ai reçu les deux colis qui m'ont fait un immense plaisir. À tout le monde, on enlève les conserves et les choses avec tickets. Maintenant, tu sais il m'est arrivé un grand malheur : ma petite maman chérie est partie dimanche. Je suis désespérée, je ne fais que pleurer, je ne peux pas m'habituer à l'absence de maman. Maintenant ce qui m'inquiète beaucoup, c'est qu'il y a un départ mercredi et j'ai peur d'en faire partie ; alors là mon malheur sera plus terrible encore si je dois laisser mon petit Doudou chéri. Enfin j'espère qu'il y a encore un bon Dieu et qu'il fera à ce que je reste avec mon petit frère. Si tu ne reçois plus d'autre lettre de moi après celle-ci, je t'en supplie, essaye de faire des démarches pour prendre Doudou à Paris. J'espère que tout de même je resterai avec lui car sinon je suis sûre de tomber malade ; déjà depuis que maman est partie, je ne tiens plus debout... »

Anna est raflée et internée à Drancy, en juillet 1942. Désemparée et désespérée, elle va être déportée vers les camps d ‘extermination de l’Allemagne nazie. Cette situation dramatique ne lui fait pas oublier son petit frère Edouard, âgé de 10 ans, qu’elle appelle affectueusement Doudou. Il subira le même sort que sa grande sœur. Un an plus tard, en 1943, Odette Daltroff-Baticle, témoin de cette tragédie qui frappe brutalement les enfants, écrit « Ils nous montrent ce qu'ils ont de plus précieux : la photo de leur père et de leur maman que celle-ci leur a donnée au moment de la séparation. À la hâte, les mères ont écrit une tendre dédicace. Nous avons toutes les larmes aux yeux ; nous imaginons cet instant tragique, l'immense douleur des mères ». Vous écoutez cette missive, écrite voilà 75 ans, et votre émotion, vos larmes restent intactes.

Page 3: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

3

« Jamais je n'oublierai les petits visages des enfants dont j'avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. » écrit Elie Wiesel dans son livre « la nuit »

Dans son livre « l’Imprescriptible » publié en 1986, le philosophe Wladimir Jankélévitch écrit "Nous penserons fortement à l'agonie des déportés sans sépulture et des petits enfants qui ne sont pas revenus. Car cette agonie durera jusqu'à la fin du monde". La cérémonie mémorielle d’aujourd’hui, devant la Mairie d’Antony, nous fait obligation de relater, chaque année, les événements dramatiques de juillet 1942, pour que les jeunes générations apprennent et se souviennent. A l’aube du 16 juillet 1942, par une matinée ensoleillée, débute à Paris la rafle des Juifs qui demeure dans la mémoire collective sous le nom de « Rafle du Vel d’hiv ». Les 889 équipes de policiers français, placides et pointilleux, qui ont préparé la rafle de ces « bannis de la nation », en ce bel été 42, ont respecté scrupuleusement les ordres du directeur de la police municipale de Paris. Pour la première fois, femmes et enfants sont visés par cette rafle. Dès le 10 juillet, une semaine avant la Rafle, au conseil des ministres, présidé par Philippe Pétain, Pierre Laval dira «Dans une intention d'humanité, j'ai obtenu – contrairement aux premières propositions allemandes – que les enfants, y compris ceux de 16 ans, soient autorisés à accompagner leurs parents ». Il a ainsi demandé ce que les Allemands n’avaient pas exigé. Cette demande est acceptée et ainsi les enfants de moins de 16 ans partiront avec les adultes. Le Vel d’hiv va devenir un espace limité et d’extrême désolation pour 13 152 Juifs raflés pour le seul motif d’être juifs. 3 118 hommes, 5 919 femmes et 4 115 enfants. Tous ces hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards sont conduits au Vélodrome d’hiver et ce 16 juillet 1942, ce haut lieu des festivités sportives se transforme en lieu de la HONTE, ce lieu de plaisir se mue en antichambre de la mort. Le Vel d’hiv se referme hermétiquement sur ces innocents surpris et malmenés. Il devient un espace de la lâcheté, une antichambre de l’enfer et le point de départ vers la déportation et la mort qui les attend à Auschwitz. Peu d’entre eux en reviendront. La France a mis en œuvre les objectifs nazis : l’extermination planifiée et systématique des juifs. Cette rafle est aussi d’une cruauté particulière, notamment par le sort que vont connaître les enfants raflés avec leurs parents et déportés sans leurs parents dans des wagons à bestiaux avec pour seul terminus, la chambre à gaz. Cette rafle criminelle organisée par Vichy a un caractère imprescriptible car elle est un crime contre l’Humanité. Ce que nous commémorons chaque 16 juillet, c'est la mémoire d'êtres humains, ce sont nos disparus, leurs arrestations, leurs épreuves, leurs souffrances, leurs tortures et leur extermination dans des conditions qui dépassent l’entendement.

Page 4: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

4

Aujourd’hui, cette commémoration est aussi l’occasion pour la communauté juive nationale de rendre, comme à chaque date anniversaire, un hommage appuyé aux Françaises et Français « Justes des Nations », qui, au péril de leur vie, sauvèrent un juif car suivant l’adage talmudique « celui qui sauve une seule vie, sauve l’Humanité toute entière ». Le Mémorial de Yad Vashem en Israël, depuis 1962, a mis en œuvre une loi votée par le parlement israélien, neuf ans auparavant, créant le titre de "Juste des Nations". Il est du devoir des Juifs, dit cette loi, d'honorer ceux qui les ont aidés. Est déclaré "Juste", toute personne ayant risqué sa vie pour sauver un Juif en Europe occupée.

Depuis cette date, le Mémorial de Yad Vashem a décerné à ce jour le titre de « Juste parmi les Nations » à plus de 3 000 Français, professeurs, ouvriers, artisans, retraités, prêtres, aristocrates ou policiers. En agissant ainsi, Yad Vashem s’attache à ce qu’il y a de bon et de sublime en l’homme Ces « Justes des Nations » ont accueilli et sauvé des juifs dans toute la France, à Paris ou à Limoges, dans la Savoie ou en Haute-Loire. La France a rendu un hommage collectif à ces Justes et Yad Vashem et le Mémorial de la Shoah les ont honorés individuellement. Les « Justes des Nations » sont la preuve éternelle qu’il n’y a pas de fatalité. Remercions les participants à cette cérémonie qui, aujourd’hui encore, surmontent la tentation de la lassitude pour redonner chair et vie, l’espace d’un moment, aux milliers d’âmes envolées dans un autre monde - forcément meilleur. Rendons hommage à tous les Présidents de la République, qui depuis Jacques Chirac, ont reconnu le rôle de l’Etat français dans cette ignominie que furent les rafles, dont bien sûr celle du Vel d’Hiv. Ayons une pensée pour les derniers témoins revenus in extremis de cet autre monde, de cet autre temps pour témoigner que cela a bel et bien existé, pour braver les négationnistes qui, par incapacité de penser l’impensable, font le choix puéril et criminel de le nier. Commémorer n’a de sens que si tout est fait pour que le « plus jamais ça » soit une réalité tangible. Commémorer c’est lutter fermement contre les violences antijuives qui encombrent Internet et les agressions du quotidien que rencontrent les Français de confession juive. Commémorer c’est dénoncer et mettre fin au nouvel antisémitisme, l’antisionisme poussé dans sa radicalité – celui qui dépasse la critique du gouvernement israélien et qui veut délégitimer l’existence d’Israël. Commémorer c’est combattre tout ce qui est à la source de cette détestation d’Israël, de cette haine des juifs et en particulier sur toutes ces campagnes de boycott qui veulent faire d'Israël le « Juif des nations ». Avec la complicité inique de l’UNESCO, officine de l’ONU, qui bafoue sa mission première "Construire la paix dans l'esprit des hommes et des femmes" et donc de promouvoir la Paix entre les Nations. Cela s’appelle simplement la « tolérance ZERO".

Page 5: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

5

Cette tolérance zéro doit être aussi appliquée pour protéger tous les Français et les Françaises, tous les résidents étrangers sur notre territoire national, tous les descendants des terribles génocides arméniens, tsiganes, Tutsis du Rwanda, cambodgiens ou sud-soudanais sans oublier les populations chrétiennes d’Orient martyrisées. En un mot protéger toutes les minorités qui refusent de se soumettre au chantage de la compromission. Car enfin, que reste-t-il d'humanité chez un homme dont le but ultime est de massacrer autant d'hommes, de femmes et d'enfants au nom d'une idéologie ? Cette question qui taraude aujourd'hui toutes les démocraties fait bien entendu écho à notre cérémonie ce matin. Je souhaite terminer mon allocution par une phrase d’un grand maître de la pensée juive, Rabbi Nahman de Braslav « si tu crois que l’on peut détruire, crois que l’on peut construire ». Madame Simone Veil, tout récemment disparue, est et sera à jamais un exemple de cette pensée. A l’inverse de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, disparus sans sépulture, et auxquels le mémorial de la déportation des Juifs de France est parvenu à redonner noms et visages, Simone Veil, en tant que survivante des camps nazis, de par sa stature morale exemplaire et son destin politique hors du commun, a réussi non seulement à incarner l’âme collective des victimes de la Shoah mais aussi à leur conférer un surcroît de dignité en sus de leur dignité naturelle et inaliénable que l’entreprise hitlérienne avait tenté vainement de leur confisquer. Elle est passée de l’obscurité à la lumière, de la Nuit au Jour et elle a choisi d’avancer et de bâtir un monde meilleur pour les siens, pour les survivants, pour la France et pour l’Europe. Sa vie de femme, sa carrière politique l’attestent. Les Françaises et les Français ne s’y sont pas trompés en lui manifestant une constante reconnaissance en la plébiscitant « première personnalité de France » pendant de nombreuses années consécutives. Merci Madame, votre œuvre est à jamais impérissable. Construire est le meilleur hommage rendu aux victimes et aux Justes des Nations. Construire est le meilleur message d’espoir pour les générations futures, pour que ces jeunes d’aujourd’hui et de demain n’oublient pas qu’ils incarnent ce que la France a de meilleur et ses véritables valeurs.

Page 6: Consistoire de Paris - CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 … · CEREMONIE ORGANISEE LE LUNDI 16 JUILLET 2007 EN HOMMAGE AUX VICTIMES DES PERSECUTIONS RACISTES ET ANTISEMITES DE L’ETAT

6