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L’essentiel de l’information scientifique et médicale www.jle.com Montrouge, le 05/10/2010 S. Madelrieux Vous trouverez ci-après le tiré à part de votre article en format électronique (pdf) : Liens entre salariat et activité agricole: itinéraires professionnels de salariés d’élevage paru dans Agriculture, 2010, Volume 19, Numéro 5 John Libbey Eurotext Ce tiré à part numérique vous est délivré pour votre propre usage et ne peut être transmis à des tiers qu’à des fins de recherches personnelles ou scientifiques. En aucun cas, il ne doit faire l’objet d’une distribution ou d’une utilisation promotionnelle, commerciale ou publicitaire. Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction et de diffusion réservés pour tous pays. ���������� �� ��http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/ revues/agro_biotech/agr/sommaire.md?ty pe=text.html Le sommaire de ce numéro © John Libbey Eurotext, 2010

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  • L’essentiel de l’informationscientifique et médicale

    www.jle.com

    Montrouge, le 05/10/2010

    S. Madelrieux

    Vous trouverez ci-après le tiré à part de votre article en format électronique (pdf) :Liens entre salariat et activité agricole: itinéraires professionnels de salariés d’élevage

    paru dansAgriculture, 2010, Volume 19, Numéro 5

    John Libbey Eurotext

    Ce tiré à part numérique vous est délivré pour votre propre usage et ne peut être transmis à des tiers qu’à des fins de recherches personnelles ou scientifiques. En aucun cas, il ne doit faire l’objet d’une distribution ou d’une utilisation promotionnelle, commerciale ou publicitaire.

    Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction et de diffusion réservés pour tous pays.

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    Le sommaire de ce numéro

    © John Libbey Eurotext, 2010

    http://www.jle.comhttp://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/agro_biotech/agr/sommaire.md?type=text.htmlhttp://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/agro_biotech/agr/sommaire.md?type=text.htmlhttp://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/agro_biotech/agr/sommaire.md?type=text.htmlhttp://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/institutionnel/credits.mhtml

  • Liens entre salariat et activité agricole :itinéraires professionnels de salariés d’élevage*

    RésuméLe salariat agricole se développe et les exploitations agricoles y ont de plus en plusrecours, notamment dans des systèmes d’élevage herbivore traditionnellement fami-liaux. En élevage herbivore, peu de travaux s’y sont intéressés alors qu’il permet derepenser le fonctionnement des exploitations et d’assurer dans certains cas leur repro-duction. Nous proposons ici de nous intéresser au salariat, du point de vue des salariés,et de caractériser une diversité d’itinéraires individuels menant au salariat agricole. Nosrésultats permettent de révéler une diversité d’enchaı̂nements de statuts professionnelsdans l’exercice de l’élevage, qui peut conduire de salarié agricole à chef d’exploitation.Et par là même se dessinent des formes de liens entre activité agricole et salariat autresque l’emploi ou les fonctions affectées aux salariés dans les exploitations.

    Mots clés : changement structurel ; ferme d’élevage ; main-d’œuvre ; mobilité de lamain-d’œuvre.

    Thèmes : économie et développement rural ; productions animales.

    AbstractRelationship between wage labour and agricultural activity:Occupational paths of salaried employees in livestock farming

    Wage labour in farming is increasing and herbivorous livestock farming systems thatwere hitherto family-based are increasingly resorting to it. Few studies have been car-ried out on wage labour in this type of systems. Yet it impacts both the operation andreproduction of livestock farms. The issue we address here is that of wage labour fromthe salaried employee’s point of view. We propose to characterize a diversity of indivi-dual paths that have led to wage labour. This study reveals a diversity of occupationalstatus sequences, which can lead from a status of salaried employee to that of farmer. Itthus reveals forms of relationships between wage labour and agricultural activity otherthan employment or the functions of a salaried employee on farms.

    Key words: labour mobility; livestock farms; manpower; structural change.

    Subjects: animal productions; economy and rural development.

    Contrairement à ce que pourraientlaisser penser ces termes, agriculturefamiliale et salariat agricole ne

    sont pas deux réalités disjointes (Cournutet al., 2010 ; Dupré, 2010). Le développe-ment du salariat agricole dans les agricul-tures familiales dans différentes régionsdu monde est patent d’après les statisti-

    ques de l’International Labour Organiza-tion (ILO, 2008), et il est un révélateur desmutations de l’agriculture – et plus parti-culièrement dans ce texte – de l’élevagefamilial. Le développement du salariat sejustifie en France par l’accroissement desdimensions des exploitations et la dimi-nution de la main-d’œuvre familiale :

    doi:10.1684/agr.2010.0426

    Étude originale

    *Pour citer cet article : Madelrieux S, Dupré L, Hostiou N, Barbosa T, Burlamaqui Bendahan A,Tourrand JF. Liens entre salariat et activité agricole : itinéraires professionnels de salariésd’élevage. Cah Agric 2010 ; 19 : 354-8. doi : 10.1684/agr.2010.0426.

    Sophie Madelrieux1

    Lucie Dupré2

    Nathalie Hostiou3

    Tienne Barbosa4

    Amaury Burlamaqui Bendahan5

    Jean-François Tourrand6

    1 CemagrefUR DTMDomaine universitaire2, rue de la PapeterieBP 7638 402 St Martin d’HèresFrance

    2 InraMona/SAE265, avenue de Brandebourg94250 Ivry-sur-SeineFrance

    3 InraUnité mixte de recherche Métafort63122 Saint GenèsChampanelleFrance

    4 Embrapa Amazonia OrientalTrav. Dr. Enéas PinheiroCEP 66095-100 Caixa Postal48 BelémBrésil

    5 Embrapa RoraimaRodovia BR-174Km 8 Distrito industrial69301-970 Boa VistaBrésil

    6 CiradDirection de la recherche et de la stratégieMontpellierF-34398 France

    Tirés à part : S.Madelrieux

    Cah Agric, vol. 19 • N° 5 • septembre-octobre 2010354 ����������������������������

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  • embaucher un salarié seul, en groupe-ment d’employeurs ou dans le cadre decoopératives d’utilisation du matérielagricole (CUMA) (Harff et Lamarche,1998) est désormais une option d’organi-sation du travail reconnue d’avenir. Dansun contexte très différent, au Sénégal, ledéveloppement récent du salariat spécia-lisé dans le gardiennage et la transhu-mance du bétail dans les campementspeuls traduit une évolution du systèmed’activités des familles rurales et le moin-dre intérêt des cadets qui, par leur rangfamilial, étaient destinés traditionnelle-ment à cette fonction (Wane et al.,2010). Dans d’autres pays, en Amériquedu Sud ou au Vietnam, les journaliers oules tâcherons affectés à l’entretien desclôtures ou des surfaces fourragères(Hostiou et Dedieu, 2009), mais aussi lesvachers permanents font partie du pay-sage de l’emploi agricole et rural.Ils contribuent au travail dans différentstypes d’exploitations, dont les exploita-tions familiales (Neiman, 2001 ; Hostiouet al., 2010).Les interactions entre agriculture familialeet salariat sont souvent abordées du pointde vue de l’exploitation agricole et del’employeur (fonctions du salarié etrelations à l’employeur) ou par rapport àl’activité agricole en général (l’emploi),mais sont rarement considérées du pointde vue du salarié lui-même. En effet, dansla littérature, ces liens sont caractériséspar les tâches réalisées par les salariésselon leur rythme de présence (Chabanetet al., 2000) ou par leur fonction dansl’exploitation : salarié « associé », secondd’exploitation, technicien spécialisé,commis, manœuvre (Cedag, 2001).D’autres abordent ces liens par rapport àl’emploi agricole et la mobilité des salariés(Findeis et al., 2002). Mais qui sont lessalariés agricoles, d’où viennent-ils, quelfutur envisagent-ils ? À partir d’un ensem-ble de situations contrastées, nous nousproposons d’explorer la diversité desitinéraires professionnels des salariésd’élevage. On retient la définitiond’Allaire (1991) pour qui un itinéraireprofessionnel agricole est « un itinéraired’activités qui débouche sur un emploiagricole ». Cette exploration s’appuie surdes entretiens réalisés auprès de salariésd’élevage de différentes régions dumonde. Il ne s’agit pas de produireune connaissance ayant une validitéstatistique – l’échantillon ne le permetpas – mais de préciser les traits communsdans la diversité de ces itinéraires, ens’appuyant sur la confrontation de

    données contrastées. Nous discuteronsles résultats de ce travail au regard desliens qu’ils proposent entre activitéagricole et salariat, notamment à traversles circulations d’un statut professionnelà l’autre, c’est-à-dire entre celui de salariéet celui d’exploitant agricole.

    Méthode

    L’étude s’est appuyée sur la mobilisationdes participants du projet ADD TRANS.Des enquêtes ont ainsi été réalisées danscinq terrains (Moc Chau dans les monta-gnes du Nord Vietnam, Bauges dans lesAlpes françaises, Roraima en Amazonieoccidentale brésilienne, Paysandú dansla Pampa uruguayenne, Ferlo dans leSahel sénégalais) sur la base d’unemétho-dologie commune. L’objectif initial étaitde disposer d’au minimum cinq enquêtespar terrain, ce qui n’a pu être atteint auSénégal pour des raisons de disponibilitédes partenaires.Les salariés ont été rencontrés dans lesfermes, connues des réseaux locaux departenariat, dont d’autres éléments ontété analysés par ailleurs dans le projet.Nous avons toutefois été vigilants àrassembler des cas variés du point de vuetant des rythmes de présence (permanent/régulier/saisonnier/occasionnel), que del’âge ou du sexe. Le tableau 1 présente lasituation actuelle des salariés rencontrés,sur la base de ces critères.Pour recueillir les itinéraires des salariés,nous avons utilisé la méthodologie desrécits de vie (Bertaux, 1997). Les entre-tiens ont ensuite été analysés selon unegrille commune en trois parties :1) l’identité et l’itinéraire du salarié : quiest-il et d’où vient-il ?2) la description de son emploi actuel ;3) le futur envisagé.Les itinéraires ont, quant à eux, été cons-truits à partir de la situation initiale dusalarié et de la situation visée, des phasesd’activités dont le salariat d’élevage, et desrelations entre ces différents éléments.L’analyse comparative s’est inscrite dansune approche compréhensive et a visé àidentifier différents « idéaux types »d’itinéraires de salariés, qui permettentde rassembler, du fait de traits communs,différents cas et d’ordonner la diversité(Van Dam, 2005). On obtient une repré-sentation de la réalité, mais qui peut ainsiêtre interrogée.

    Résultats

    Diversité des itinérairesprofessionnels de salariés

    Ces itinéraires se différencient selon : i) lasituation avant la phase de salariat (situa-tion de détresse ; petite exploitation dontles revenus sont insuffisants pour vivre ;combinaison d’activités rurales ; jeuneayant tout juste fini ses études qui veuttravailler dans l’élevage, qu’il soit filsd’exploitant ou non) ; ii) les objectifsvisés : vivre ou non d’une exploitationet, dans le premier cas, pouvoir s’installerou viabiliser l’existant (terres disponibles,apport financier…).

    Les situations de départ identifiées ren-voient à plusieurs cas de figure. On trouvetout d’abord des situations de détresse,liée à une main-d’œuvre rurale démunie,car souvent sans terre, vendant sa force detravail pour gagner un peu d’argent.D’autres ont soit une petite exploitationqui ne suffit pas pour vivre ou différentesactivités non agricoles qu’ils cherchent àcompléter pour raisons financières ou pargoût pour l’élevage. Pour les fils d’exploi-tants, il arrive qu’ils se salarient un temps,faute de pouvoir ou vouloir s’installer toutde suite sur l’exploitation familiale. Enfin,certains viennent à l’élevage par passionen se salariant pour se lancer dans cetteactivité. Le salariat apparaı̂t alors commeune étape transitoire du fait de l’impossi-bilité de s’installer comme agriculteur,dans sa région d’origine ou dans uneautre, par manque de terres, de ressour-ces financières ou par suite d’un conflitde générations entre père et fils pour lagestion de la propriété familiale. Certainssalariés deviendront exploitants sur leurpropre exploitation qu’ils auront achetéeou sur l’exploitation familiale. D’autrescompléteront leur revenu d’exploitantpar un travail salarié occasionnel hors deleur ferme. D’autres encore ne devien-dront jamais exploitants indépendantscar ils ne parviendront pas à réunir lesconditions pour s’installer, ou finalementse satisferont du salariat. Une dernièrecatégorie de salariés, dont l’objectif estsimplement de vendre leur force detravail pour survivre, ou pour compléterune combinaison d’activités rurales, peutarrêter dès que de meilleures opportuni-tés se présentent ou que le projet familialévolue, comme migrer en ville.

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  • Cinq types d’itinérairesprofessionnels de salariés

    La confrontation des cas de l’ensembledes régions nous a conduits à distinguercinq types d’itinéraires professionnels de

    salarié. D’une part, ces itinéraires sontqualifiés dans leur rapport au statut dechef d’exploitation (nous employonsalors le terme « exploitant ») dans laquellele salariat apparaı̂t soit comme une situa-tion transitoire vers le métier d’exploitant

    à temps plein et sur sa propre exploita-tion, soit en substitution au statutd’exploitant. D’autre part, ils sont reliés àl’emploi hors agriculture.Pour les « devenir-exploitants », le salariatagricole est un tremplin pour s’installer

    Tableau 1. Présentation de la situation actuelle des salariés rencontrés dans les différentes régions d’étude.

    Table 1. Presentation of the current situation of the surveyed salaried employees in the different areas.

    Vietnam France Brésil Uruguay Sénégal

    23 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    23 ans, homme, salariéde GE à plein-temps et travailsur l’EA familiale

    60 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    29 ans, homme,salarié permanentà temps plein,petite EA à lui

    19 ans, homme,salarié saisonnier

    28 ans, homme, salariépermanent à temps plein

    46 ans, homme, salariéde SR à temps plein

    29 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    56 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    30 ans, homme,salarié saisonnier

    29 ans, femme,salariée permanenteà temps plein

    39 ans, homme, salariéd’élevage pour 1/3 temps,travail dans une coopérativepour 2/3 temps, et travaildans l’auberge familiale

    52 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    30 ans, homme,journalier

    43 ans, homme,salarié saisonnier,petite EA à lui,et intermédiairedans les marchésde bétail

    40 ans, femme,salariée permanenteà temps plein

    22 ans, homme, salariésaisonnier en élevageet en station de ski

    27 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    40 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    29 ans, homme,salarié permanentà temps pleinet une petite EA à lui

    25 ans, homme,salarié à temps plein

    41 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    35 ans, femme,salariée d’élevageà temps partielet cuisinière

    51 ans, femme,salariée permanenteà temps plein

    24 ans, femme,salariée à temps plein

    55 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    49 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    25 ans, homme,salarié à temps plein

    26 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    45 ans, femme,salariée permanenteà temps plein

    21 ans, homme,salarié de GEà temps plein

    26 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    47 ans, femme,salariée permanenteà temps plein

    21 ans, homme, salariéde SR à temps plein

    55 ans, homme,salarié à temps plein

    32 ans, homme,salarié permanentà temps plein

    35 ans, femme,salariée permanenteà temps partielsur l’EA et ménagèresur le ranch

    35 ans, homme,salarié permanentà temps partiel,petite EA à lui

    GE : groupement d’employeurs ; SR : service de remplacement ; EA : exploitation agricole.

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  • comme agriculteurs sur leur propreexploitation, et être intégrés dans unecommunauté professionnelle d’exploi-tants. Il est nettement appréhendécomme une étape dans un projet profes-sionnel visant l’installation. Ces salariéssont soit des fils d’exploitants qui sesalarient un temps, soit des travailleursqui ont choisi ce métier par passionpour commencer leur carrière dansl’élevage. Petit à petit, certains peuventcommencer à constituer leur proprecheptel et à travailler sur leur exploitationou aider sur l’exploitation qu’ils comptentreprendre, tout en restant salariés.Les « compléments-exploitants » concer-nent des petits éleveurs dont l’exploita-tion ne suffit pas à couvrir leurs besoinsde revenu. Ils se salarient donc selon unrythme saisonnier, ou toute l’année(temps plein ou partiel) pour compléterce revenu jusqu’au jour où leur exploita-tion leur permettra de subvenir complète-ment à leurs besoins.Les « substituts-exploitants » concernentceux qui veulent travailler dans l’élevagemais sans vouloir/pouvoir assumer lesresponsabilités d’une exploitation indé-pendante. Certains trouvent dans lesalariat permanent une forme de stabilitépermettant l’éducation des enfants etn’ont plus envie de franchir le pas pourêtre exploitants indépendants ou alorsseulement après la retraite. Ils se satisfontde leur statut de non-propriétaires et desavantages que leur procure leur situation(salaire mensuel fixe, congés, droits à laretraite en France ou au Brésil et à lasanté). Dans d’autres cas, le salariat agri-cole est un moyen pour vivre pleinementleur attachement au métier d’éleveur sanssubir les responsabilités associées austatut de chef d’exploitation.Pour les « compléments-ruraux », le salariatagricole est uniquement une des activitésagricoles et non agricoles (restauration,travail en station touristique, coopéra-tive…) possibles leur permettant de seprocurer un revenu et d’assurer ainsi leurintégration sociale, sans avoir le projet dedevenir exploitants indépendants.« Les fautes de mieux » correspondent auxsalariés qui souvent n’ont ni formation, niterres. Il leur est difficile de trouver unautre emploi permettant d’assurer leursurvie économique et celle de leur famille.

    Liens aux contextesterritoriaux

    Cette étude exploratoire ne permet pas demesurer la fréquence de chaque itinéraire

    dans les différentes régions d’étude, nid’évaluer les facteurs explicatifs d’ordreterritorial. Toutefois, nous pouvons signa-ler : i) qu’il n’y a pas de type de salariatspécifique d’une région particulière ;ii) que des formes de liens entre lestypes d’itinéraires et les contextes territo-riaux semblent se dégager.En effet, dans tous les cas rencontrés enAmazonie et au Sénégal, le projet initialdes salariés était de devenir exploitantsindépendants, d’acquérir leur propriétéou de reprendre l’élevage familial.Certains projets mettent parfois dutemps à aboutir et le salarié passe alorspar des phases de « devenir-exploitant »,« complément-exploitant » ou « substitut-exploitant ». Par exemple, il peut s’agirde familles ayant de jeunes enfants etarrivant en Amazonie sans capital pour,à terme, acheter un lot de terres déjà valo-risées (cultures et pâturages implantés).On retrouve également cette configura-tion quand un ranch embauche les famil-les de petites exploitations voisines pourles travaux saisonniers. Le salarié réalisantque ce statut est plutôt appréciable, finitparfois par abandonner le projet d’exploi-ter à son compte, et reste employé jusqu’àla fin de sa carrière, vivant ainsi sonattachement à l’élevage. D’autres neparviendront pas à rassembler les moyenspour devenir exploitants indépendants.Les perspectives d’avenir des salariés endehors de l’élevage et même de l’agri-culture se retrouvent chez des salariésd’élevage vietnamiens qui font cela« faute de mieux » et s’en iront à lapremière occasion (mais qui n’est nifréquente, ni facile). Elles se retrouventégalement chez des salariés français, pas-sionnés d’élevage qui font cela un tempsmais envisagent d’arrêter cette activitépour mener pleinement leurs autresactivités rurales (question de tempset/ou de revenu). Ces différents itinérai-res professionnels interrogent l’histoirede l’élevage de chacune des régions etl’attachement des populations aux activi-tés d’élevage et au territoire.

    Discussion

    Diversité des itinérairesprofessionnels suivispar les salariés d’élevage

    Sur l’ensemble des terrains, il ne ressortpas véritablement de salariat agricole de

    métier. Les itinéraires sont constitués denombreuses expériences de salariat soiten élevage dans différentes exploitations,soit plus largement en agriculture (emploien horticulture, arboriculture, maraı̂-chage…), et parfois hors de l’agriculture.Les cinq types d’itinéraires que nousavons distingués se retrouvent en partiedans d’autres travaux (Allaire, 1991),s’intéressant aux itinéraires des travail-leurs de l’agriculture (homme, femme,exploitant, aide familial, salarié). Mais dufait des terrains support de l’étude,d’autres types apparaissent dans notretravail, mettant l’accent sur les activitésnon agricoles, dans le parcours commedans le futur envisagé. Nous avons égale-ment adopté une vision dynamique, nonréduite au bilan de l’itinéraire passé, etprenant en compte le devenir envisagéou en cours de mise en œuvre. La priseen compte des dynamiques professionnel-les permet de qualifier plus finement lessituations de travail, même si le futur envi-sagé n’est pas toujours celui qui se réali-sera. Ainsi, dans notre cas, un individu quin’aurait fait que du salariat n’est pas envi-sagé forcément comme « salarié perma-nent » mais comme « devenir-exploitant »s’il prépare son installation. Cette étudeexploratoire du salariat en élevage offreun premier aperçu de types d’itinérairesde salariés d’élevage, qui reste à confronteret enrichir avec d’autres cas.

    Liens entre activité agricoleet salariat

    Analyser les itinéraires de salariés nous aconduits à envisager les évolutions destatut professionnel au sein du secteuragricole, c’est-à-dire entre salarié etexploitant. De telles formes de mobilitésprofessionnelles en agriculture ont faitl’objet de travaux d’historiens et de démo-graphes (Lasslet et Wall, 1972 ; Farcy,2004 ; Viazzo et al., 2005), qui nousamènent à formuler l’hypothèse selonlaquelle ces dernières sont au cœur de lareproduction des activités agricoles. Noussommes amenés à voir les itinéraires dessalariés non pas comme de simplesparcours de formation, répondant à unbesoin de main-d’œuvre exprimé par lesexploitants, mais comme des parcourspermettant d’assurer la reproductiondu groupe socioprofessionnel (Rémy,1998). Observer un changementd’échelle, de l’individu à l’exploitation,puis au territoire permet d’envisagerdeux fonctions au salariat agricole. La pre-

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  • mière, au niveau des exploitations, est defournir la main-d’œuvre nécessaire pourassurer la production agricole, et par làmême la reproduction des exploitations,tandis que la seconde concerne les sala-riés en leur permettant de constituer oureconstituer une exploitation et en toutcas de s’assurer un revenu et une intégra-tion sociale. Autrement dit, en fonctiondes revenus disponibles et des possibilitésd’installation, le salariat permet, d’un côté,aux jeunes de parfaire leur apprentissageet d’accroı̂tre leurs ressources financièresen attendant de pouvoir ou de vouloirs’installer, et de l’autre, aux exploitantsen place, de faire face aux tâches etd’assurer le maintien de leurs exploita-tions, surtout avec l’agrandissement desstructures de production ou le désengage-ment de la main-d’œuvre familiale.Les facteurs limitant le « devenir » ou « res-ter » exploitant varient selon les terrains.Ainsi, en Amazonie, le salariat apparaı̂tcomme un mode de régulation des crisesfoncières. La nécessité de réduire la pres-sion sur le foncier dans les régions duBrésil déjà largement converties à l’agri-culture, a été une des raisons avancéespar les pouvoirs publics brésiliens pourjustifier la colonisation de l’Amazonie.La politique brésilienne de colonisationet d’intégration nationale a orienté lesflux migratoires vers les fronts pionniersagricoles de l’Ouest et du Nord pour enexploiter les richesses du sol et du sous-sol, selon le leitmotiv : « une terre sanshomme pour des hommes sans terres ».Au début du XXIe siècle, soit trois ou qua-tre décennies après le début de la coloni-sation, on constate que les phénomènesmigratoires se poursuivent au sein de l’es-pace colonisé, toujours en grande partiemotivés par l’accès au foncier agricole.Le salariat, en particulier en élevage,apparaı̂t comme une opportunité pourdes jeunes ne disposant pas, ou d’assez,de terre. Le Borgne-David (1998) y voitune nouvelle stratégie de reproductionfamiliale ne passant plus par la conquêtede terres libres et fertiles mais prenantappui sur le salariat.On retrouve cette situation en France,mais contrairement au Brésil, l’accès aufoncier s’y pense dans un contexte dedéprise agricole et de concentration desexploitations. Le salariat permet d’atten-dre que des terres ou une exploitationse libèrent ou de trouver un exploitantdéjà en place avec qui s’associer (Madel-rieux et al., 2009). Au Sénégal, le salariatpermet de constituer ou reconstituer untroupeau, le facteur limitant étant alors

    l’acquisition et l’entretien du cheptel.Ce détour professionnel par le salariat apermis par exemple, à certaines famillesd’éleveurs de reconstituer tout un trou-peau décimé par les sécheresses, pourensuite vivre uniquement de leur élevage.Au Vietnam, en revanche, du fait sansdoute de la pression sur le foncier encoreplus forte (pour la province de Son La,incluant le district de Moc Chau, la miseen valeur des terres agricoles est passéede 68 800 hectares de terres cultivéesen 1995 à 168 500 hectares en 2007,d’après l’Office général de statistiquesdu Vietnam), le salariat apparaı̂t davan-tage comme une voie pour limiter l’exoderural et maintenir des activités d’élevagedans les campagnes, que comme unvivier de futurs exploitants. Des salariésagricoles restent dans les régions ruralesmême s’ils y sont sous-employés, et leurmobilité reste très liée à l’opportunité demieux gagner leur vie en quittant cemilieu estimé peu attractif.

    Conclusion

    Cette étude exploratoire montre dessalariés d’élevage s’inscrivant dans desitinéraires de « devenir exploitant », de« complément exploitant », de « substitutexploitant », de « complément rural », de« faute de mieux ». L’évolution des statuts,de salarié à exploitant, permet de gérer :i) une main-d’œuvre rurale ; ii) despossibilités territoriales parfois restreintesd’installation en tant qu’exploitant indé-pendant, du fait des difficultés à réunirles ressources nécessaires (foncier, chep-tel, équipements, ressources financières,main-d’œuvre); iii) un besoin de main-d’œuvre dans des exploitations pourassurer durablement leur production.Ces itinéraires peuvent être organisés oufacilités par l’existence de réseaux profes-sionnels, d’interconnaissances, de proxi-mité, ou familiaux. Il reste cependant àpréciser l’importance de chaque typed’itinéraire sur chacun des terrains, et àanalyser ces rapports à la mobilité entenant compte à la fois de l’histoire et dela culture agraire locale mais aussides politiques publiques (sectorielles etterritoriales) des États concernés.■

    Références

    Allaire G. Itinéraires et identités professionnellesdes travailleurs de l’agriculture. Economie etSociologie Rurales 1991 ; 3 : 175-211.

    Bertaux D. Les récits de vie. Perspective ethno-sociologique. Paris : Nathan, 1997.

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