comptes rendus - accueil | revue provence historique | revue...

8
COMPTES RENDUS Htstotre de Urtns. - Ntce, Impr. Meyerbeer, I P6o, In-8', 90 p., avec plan hors-texte. Préfacée par dom Marle-Bernard de Terris. abbé de Lérins. cette histoire du célèbre monastère provençal a été réalisée par une équipe d'excellents historiens. Elle résume à l'usage d' un public culUvé les ouvrages et articles consacrés à cette abbaye. A M. Fernand Benoit revenaient tout naturellement. l'étude de l'archipel de Lérins dans l'Antiquité et la description archéologique des bâtiments. Après avoir été un nid de pirates, les Iles, paclfiées ft l'époque romaine, ont servi de relais ct de refuge pour les vaisseaux. ainsi que le prouvent de récentes f Oll illes sous-marines. M. J.-R. Palanque retrace les débuts du monachisme, véritable âge d'or de l'archipel. Saint Honorat. installé en ermite au début du V" siècle, y attire une foule de disciples. Lérins devient alors un centre monastique florissant. véritable pépinière d'évêques; les grands archevêques d'Arles, notamment Hilaire et Césaire, s'y sont formés à la vie religieuse. A partir du VII' siècle, c'est. la décadence, malgré un essai de réforme bénédictine du t. ype Irlandais. M. Cheltnl a été chargé de la période caroltnglcnne, t âche bien ingrate: on cannait très mal l'existence des moines menacés par les invasions sarrasines et Qui ont abandonné l'Ue pendant au moins un slècl • . MM. Aubenas et Htldesheltner se sont partal'étude de l'abbaye du Moyen Age à la Révolution, l'un se consacrant â. la vi e rellgleuse, et l'autre au temporel. Le monastère a constitué au haut Moyen Age un'! puissante seigneurie. Grâce à des donations importantes, Il était le maitre absolu de la régIon côtière autonr de Cannes et son rayonnement stendait sur toute la Provence orientale 11 possédait de nombreux prIeurés. Nous regrettons l'absence d'une carte de cette influence léri- nlenne, Qui aurait montré avec éclat la puissance et la richesse de l'abbaye à cette époque. C'est grâce à ces revenus exceptionnels Que les moines ont pu construire de vastes bâtiments protégés par une forte- resse, encore Imposante aujourd'hui. Les XIV' et xv' siècles sont, comme partout. une période de déca- dence, mais, fait paradoxal, LérIns bénéficie du régime de la commende qui le fait passer depuis 1464 et pendant presque soixante ans, sous la dépendance des Grimaldi, évêques de Grasse. Ces prélats, soucieux de

Upload: others

Post on 08-Feb-2020

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

COMPTES RENDUS

Htstotre de Urtns. - Ntce, Impr. Meyerbeer , IP6o, In-8', 90 p., avec plan hors-texte.

Préfacée par dom Marle-Bernard de Terris. abbé de Lérins. cette histoire du célèbre monastère provençal a été réalisée par une équipe d'excellents historiens. Elle résume à l'usage d'un public culUvé les ouvrages et articles consacrés à cette abbaye.

A M. Fernand Benoit revenaient tout naturellement. l'étude de l'archipel de Lérins dans l'Antiquité et la description archéologique des bâtiments. Après avoir été un nid de pirates, les Iles, paclfiées ft l'époque romaine, ont servi de relais ct de refuge pour les vaisseaux. ainsi que le prouvent de récentes fOllilles sous-marines. M. J.-R. Palanque retrace les débuts du monachisme, véritable âge d'or de l'archipel. Saint Honorat. installé en ermite au début du V" siècle, y attire une foule de disciples. Lérins devient alors un centre monastique florissant. véritable pépinière d'évêques; les grands archevêques d'Arles, notamment Hilaire et Césaire, s'y sont formés à la vie religieuse. A partir du VII' siècle, c'est. la décadence, malgré un essai de réforme bénédictine du t.ype Irlandais.

M. Cheltnl a été chargé de la période caroltnglcnne, t âche bien ingrate: on cannait très mal l'existence des moines menacés par les invasions sarrasines et Qui ont abandonné l'Ue pendant au moins un slècl • .

MM. Aubenas et Htldesheltner se sont partagé l'étude de l'abbaye du Moyen Age à la Révolution, l'un se consacrant â. la vie rellgleuse, et l'autre au temporel. Le monastère a constitué au haut Moyen Age un'! puissante seigneurie. Grâce à des donations importantes, Il était le maitre absolu de la régIon côtière autonr de Cannes et son rayonnement s'étendait sur toute la Provence orientale où 11 possédait de nombreux prIeurés. Nous regrettons l'absence d'une carte de cette influence léri ­nlenne, Qui aurait montré avec éclat la puissance et la richesse de l'abbaye à cette époque. C'est grâce à ces revenus exceptionnels Que les moines ont pu construire de vastes bâtiments protégés par une forte­resse, encore Imposante aujourd'hui.

Les XIV' et xv' siècles sont, comme partout. une période de déca­dence, mais, fait paradoxal, LérIns bénéficie du régime de la commende qui le fait passer depuis 1464 et pendant presque soixante ans, sous la dépendance des Grimaldi, évêques de Grasse. Ces prélats, soucieux de

Page 2: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

COMPTES RENDUS 99

la régularIté de la vIe monastique dans leur abbaye, la rattachent il la congrégation bénédIctine réformée du Mont-CassIn et, par ailleurs, 115 remettent de l'ordre dans la gestion du temporel, repeuplant notam­ment avec des émIgrés ligures les villages de Valbonne et de VallaurIs. Ce renouveau est éphémère; les rois de France s'opposent à la présence à LérIns d'une congrégation étrangère et finIssent, après bIen des contes­tatIons. par les remplacer par les bénédIctins de Saint-Maur. DésormaIs, l'hIstoIre de LérIns n'est plus qu'une successIon de procès et l'abbaye finIt par être sécularIsée troIs ans avant la Révolution.

M. Gulral et le révérend père abbé de TerrIs exposent ensuIte comment les moines sont revenus à Lérins. Les bâtiments ayant été rachetés par l'évêque de Fréj us, la congrégation cIstercIenne de Sénan­Que S'y Installe en 1869. DepuIs près d'un sIècle et en dépIt des difficultés ces moines ont rendu à l'Ue Saint- Honorat son ancienne vocation de lieu de prIères et de recueillement. La communauté de Lérins s'étaIt réfugIée à Osasco, en PIémont, en raIson des loIs antl-congrégatlonnlstes et les auteurs n 'expliquent pas très claIrement quand Ils en sont

Un plan détaillé de 1'I1e SaInt-Honorat est placé hors texte il la fin du volume; on eQt aImé également y voIr figurer une liste des abbés.

Trop souvent, les monographies historiques de nos monuments sont abandonnées à des auteurs peu qualifiés, et Il convIent de félicIter les promoteurs de cet ouvrage Qui apporte, en quelques pages, au visiteur de Saint-Honorat de Lérins, une Information agréablement présentée et pulsée aux meilleures sources.

E. BARATIER

Louis BAUDOIN. - Histoire Genérale de La Seyne-sur-Mer, avec abrégé des annales de l'ancienne métropole de Six-Fours, des origines au XVlr siècle. - Marseille, Impr. SaInt-VIctor, 1965, In-8', 908 P. + 12 planches.

M. Louis Baudoin a consacré à l'Histoire Generale de La Sellne~sur­Mer~ un très gros volume de 908 pages, bien imprimé, et enrichi de nombreuses photographIes hors-texte. Ce sont en vérIté troIs communes Qui sont à l'honneur, puisqu'il est beaucoup Question aussi de Slx~Fours, dont La Seyne ne fut qu'un hameau, avant son érection en commune en 1657, et de Saint-MandrIer, quI fut admInIstrativement détaché à son tour de la Seyne en 1950.

La longue familiarité de l'auteur avec les archives locales a nourri cet ouvrage d'une énorme Quantité de renseignements, allant de la géologie du sous~sol à la l1ste complète des magistrats municipaux, des vestiges romains et médiévaux à l'urbanisme contemporain, des conflits municipaux du XVII" siècle aux « faits divers , célèbres du XIX- siècle, en passant par les pages attendues sur l'artillerIe de Bonaparte au sIège de Toulon. La vie reUgleuse, la vIe folklorIque. la «vIe quotidienne. ne sont pas plus négUgées que la vie économIque ou que la grande ou petite hIstoire. C'est dire la masse de recherches et de travaux auxquels ce Uvre a donné lieu, et la masse de renseIgnements que le lecteur pourra y trouver.

Page 3: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

100 COMPTes RENDUS

y trouver ... ou y rencontrer : car 51 le lecteur flâneur doit recuelll1r mllle faits intéressants en feu1lletant l'ouvrage, le lecteur plus pressé qui cherche un renseignement risque de le chercher assez longtemps : aucun Index ne viendra à son aide (et le caractère détaillé de la table des mat1ères ne compense pas suffisamment cette lacun~). et, surtout. l'ouvrage déborde de toutes parts le plan QU'U s'cst apparemment tracé.

En gros, le plan est chronologique. Mals st certains fait,s se trouvent dans les cha.pltres de l'HIstoire Générale, d 'aut res ont été refoulés dans une très copieuse c: Annexe 1 . (près de 100 pages) construite rue par rue, selon le modèle des vIeux érudits du XIX' siècle (le Fabre des Rites de Marseille, le Mireur des Rites de Draouignan, etc) . La vie économique est partagée de même entre divers chapitres conç'Js par époques et une c Annexe III >, de plus de 100 pages.

Mals surtout, le récit continu s'échappe souvent en digressions, où les données utiles viennent en Quelque sorte en forme d'à-propos : salt la liste des ma.lres, des origines à nos jours; elle est commodément indi­quée, p. 681, à la fin du récit, et en tête des Annexes. Mals la liste des curés? rien ne permet de l'attendre, ni de l'atteIndre, là où elle se trouve, page 423, où elle est Insérée à propos du rétablissement du culte de l'An XI, Interrompant ainsi le récit de la pérIode napoléonienne. Et ainsi de suite. Il va sans dire qu'un tel procédé de composition engendre aussi plus d'une redite.

Ce n'est malheureusement pas le seul motif de regret qu'InspIre le grand travail de M. Baudoin. Il y a des Inexactitudes Indiscutables :

Joseph II Quallflé d'empereur d 'Autriche (au lieu d'empereur tout court, ou d'Allemagne ) (p. 286 l. La présence de Masséna donnée comme preuve de l1mporl,ance du gouvernement mUItalre de Toulon en lIH3, alors que le maréchal était en demi-disgrâce (p. 445l. Surtout, les « syndIcs des forains 1> , QuJ siégeaient, au consell de la communauté sous l'ancIen régIme, donnés comme « des représentants des collectivItés de commerçants étrangers à La Seyne qui s'y rendaIent pour les foires ou pour d'autres occasions . (p. 239), alors qu'Il s'agissait des représentants des Intérêts des propriétaIres c foraIns .. , c'est· à-dIre domlctltés hors de la commune, - institutIon provençale classIque.

Cette méconnaissance de l'histoire générale n 'Inspire pa. seulement ces écarts épISOdIques, mals aussI, n faut bien le dire. une conception d'ensemble aujourd'hui quelque peu désuète. Il est significatif que l'une des rares références d'histoire générale, à propos de la Révolution Française, soit fatte aux Origines ,de la France contemporaine de TaIne, .". 3H~-3H7).

J'our les historiens d'auJourd 'huI. quel est l'lnt·érêt de l'hIstOire ae La tieyne? Qu·est·ce Que La Seyne? Qu'est-ce qU'on cherche dans son histoire. que l'histoire d'une autre commune n'offrirait pas? Un beau cas de nalSbance et oe croissance urbaines d'abord, une vie de grosse agglO­mération ouvrlere ensuite.

Page 4: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

COMPTES RENDUS 101

Sur le premier point, qui ont été, dans leur masse, les habitant. de La Seyne? Combien, sur le nombre, de c: bourgeois , et ae c mar­chands », de « ménagers » et de c trava1lleurs " d'artisans et de pêcheurs? et comment ont varié leur proportion, tant réciproques que rapportées au nombre total? '.

Sur le second point, de quand datent les premiers mouvements ouvriers dans les chantiers navals? de Quand les premiers votes répu­blicains, puis socialistes? (ne parlons pas du communisme, puisque l'auteur ne veut pas dépasser 1900 à 1914). Une seule grève est citée: celle de 1872, littéralement comme un tait divers, entre un Incendie de torêt et un accident de machine sur un navire en rade (p. 595).

Une esquisse d'histoire du mouvement ouvrier seynols avait pourtant été honnêtement retracée par M. Pierre Camlnade, Il y a quelque dix ans, dans un journal toulonnais. Croirait-on encore que ce serait commettre l'histoire avec (: la polit1que,) que de raconter ces choses­là, alors que l'histoire du syndicalisme et la géographie électorale sont de nos jours des spécialités parfaitement académiques et que cultivent c sans complexe " comme on dit aujourd'hui, des érudits de toute opi­nlon? M. Baudoin n 'a d'ailleurs aucun préjugé d'ordre politique puisqu'il a obtenu pour son livre une tort aimable prétace du maire de la Seyne, M. Merle, militant communiste fort connu.

En vérité, et en dépit, répétons-le, du grand respect qu'Inspire ce travail, et de l'utilité que comporte cet amas, même Irrégulier, de connaissances, on est déçu. Déçu comme on pourrait l'être d'ailleurs par telle autre monographie où tel historien à la page aurait donné une sociologie historique parfaitement au point, mals Où manqueraient les rues et les monuments, les canons et les farandoles, les grands hommes et les « petits faits vrais >, tout ce Qui tait le concret de l'histoire, et que M. Baudoin connalt si bien.

Qu'eot-ce à dire sinon que, même dans le domaine « limité > de l'histoire locale, le travail solide ne pourra plus être qu'un travail d'équipe? La monographie locale complète va de la compétence du préhistorien à celle du contemporain, de celle du géologue à celle de l'économiste, elle accumule tous les problèmes, et c'est l'espace, ici, qui ne fait rien à l'affaire. Ce microcosme est aussi macrocosme. Nous nous plaignons du livre de M. Baudoin, mals nous n'aurions pas le courage d'entamer semblable entreprise.

M. AGULHON

(1) L'annexe sur la construction navale elle-même, qui aurait pu être une contribution scientifique utile sur un centre d'intérêt majeur, n'est qu'un échantillonnage peu sûr, sans références, mais grevé de nombreuses erreurs

~~j{~~o~. ~~;:' J;'o~5â ~~'àch~:r~.ill6a~~o~iv~aJ::g~~~. ~~,:itM~~leo~a SfR,r: équivalait à 400 g environ au lieu de 500 à Paris ?), etc.

Page 5: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

102 COMPTES RENDUS

Jean CHELINI. - Cadarache, fief de l 'atome, s.l.n.d. (Paris, 1965),72 pages avec de nombreuses mustratlons.

Autour de magnifiques photographies de paysages, d'édifices et de documents, un jeune et br1llant universitaire présente une histoire com­plète de Cadarache, du paléolithique à nos Jours. Utilisant les foumes récentes de MM. Cotte, Chaix, Gentilhomme et Pouyé, Jean Chellnl évoque Ici les restes de la Préhistoire, la villa gallo-romaine, les cImetières anciens qui se sont succédé sur cet emplacement. Puis c'est la seigneurie médiévale, fondée au XI~ siècle sous le nom de cataracta (chute d'eau) et la communauté villageoise organisée autour du château. Le domaine passe de main en main au cours des siècles Jusqu'aux Valbelle, qui en deviennent propriétaires au début du XVlr slécle et aux Castellane qui en héritent en 1785. Grâce aux documents d'archives procurés par M. Baratier, l'auteur Indique ces divers transferts de propriété et ceux du xrx' slécle qui ont abouti à la succession au profit de la vme d'Embrun (1905) et au rachat par l'Etat (1919). Celui-ci y Installe, on le salt, un parc des Eaux et Forêts et une école de garde-chasse, plus récemment le Centre d'Etudes nucléaires. L'administration de l'Energie atomique, qui a ainsi transformé ce domaine en y installant des laboratoires et atel1ers ultra-modernes, 'a eu l'heureuse initiative de cette publ1catlon, qui fait revivre opportunément l'histoire de ce coin de Provence.

J .-R. PALANQUE.

Yves BURNAND. - Aux origines de la classe équestre en Gaule Narbon­naise .' les Domttlt aixois, un vol. de 273 pages ronéotypées, 1965.

Yves Burnand s'est fait connaltre déjà par une douzaine d'articles dont la plupart concernent Lyon et Vienne à l'époque romaine. Avec sa thèse de doctorat de 3' cycle, récemment soutenue en Sorbonne, II aborde l'histoire de la Provence romaine et 11 nous apporte beaucoup de nouveau en ce domaine. Il s'agit d'une monographie consacrée à trots inscriptions et Quelques restes de sculptures, trouvées en 1961 sur le territoire de la commune de Rognes, dans le domaine de Barbebelle appartenant à M. Pons (cf. F. Benoit, dans Gallia. XVIII, 1960, p. 302) ; mals sur ce petit matériel documentaire. Y. Burnand a construit un travail considérable (un assez gros volume, avec des centaines de notes et une bibliographie de 202 numéros, complété par un fascicule de 35 cartes et plans et un autre de 91 photographies> : cela peut, au premier abord, paraltre excessif. d'autant qu'une thèse complémentaIre a le droit d'être de dimensions modestes. Mals à la lecture, on est frappé par la qualité de l'érudition , qui ne laisse rien dans l'ombre, et par l'Ingéniosité du savant, qUI aborde à fond tous les aspects des problèmes considérés. Après un chapitre épigraphique, Il en consacre deux à l'archéologie funéraire et à l'archéologie agraire, avant de terminer sur « les enseignements de la prosopographie» : toutes les sciences auxi­liaires de l 'histoire sont donc utU1sées et concourent à des conclusions - conj ecturales sans doute, comme toujours pour l'Antiquité -, mals Infiniment séduisantes et plausibles. Pour les résumer en Quelques mots, nous aurions affaire Ici à un mausolée, sépulture familiale des DomltU, propriétaires d'un important domaine dans la Trévaresse. Ce domaine,

Page 6: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

COMPTES RENDUS 103

l'auteur le reconstitue sur le terrain, autour du lieu dit le Grand-salnt­paul, où se serait trouvée la villa de ces riches seigneurs (la collection d'Aubergue au Musée Granet d'Aix en a conservé un grand nombre d'objets, sans parler d'une série de monnaies, malheureusement dispa­rues), Il reconstitue également les origines de la famille Domltla : des chefs Indigènes qui auraient reçu la qualité de citoyens romains par la faveur de Domitius Ahenobarbus, l'adversaire de César, et même ensuite le rang envié de chevaliers. Sa démonstration, fondée sur une connais­sance approfondie de la contrée et des Institutions romaines, est pleinement convaincante. Au passage, 11 rectltle bien des erreurs commu­nément admises : par exemple, sur la frontière entre les cités d'Arles et d'Aix (contre M. Clerc et C. Ju1l1an, 11 opte pour l'intuition de L. A. Constans, qui fait colnclder à peu près cette limite avec celle des diocèses au Moyen Age, selon une ligne Mallemort-Aurons­Péllssanne) ; et sur l'étymologie du nom de Rognes (qui viendrait, non d'un hypothétique Runlus, mals des «ruines. de l'oppidum ce!to-ligure du Foussa, abandonné à l'époque romaine jusqu'à la réoccupation médié­vale du bourg actuel), Il faut lire également les pages sur la structure agraire de la contrée et les chemins anciens. Nul doute qu'en apportant le même soIn et la même science dans la. prospection des sites ancienne­ment occupés de la région (et si l'on bénétlcle d'une attention aussi compréhensive que celle des propriétaires de Barbebelle) , on ne pUisse enrichir notre connaissance de la Provence romaine. Le beau travail d'Y. Burnand peut fournIr un excellent modèle aux chercheurs de demain.

J.-R. PALANQUE

Pierre MELET. - Antonaves, mille ans d'hIstoire, Antonaves, Les Amis du Village, 1965, In-8', 156 p. Préface de Jean Giono.

BIen que dauphinois, le v1llage d'Antonaves n'est cependant pas étranger à l'histoire provençale. Cette terre a été donnée en 965 par le roi Conrad le pacifique à l'abbaye de Montmajour, qui l'a possédée jusqu'à la Révolution, mals, en fait, sous l'Ancien Régime, le prieur, seigneur d'Antonaves, n'avait plus de llens étroits avec le monastère arlésien.

L'histoire d'Antonaves, antérieure à 1789, est traitée sommairement: rien sur la période avant 960, quelques notes sur l'époque médiévale. Un acte de collation du prieuré en 1322 est particulièrement mis en valeur (photographie de l'original, transcription et traduction). Une utmsatlon plus approfondie du fonds du prieuré d'Antonaves conservé aux Archives des Bouches-du-Rhône (série 2H, abbaye de Montmajour) permettrait une mellleure connaissance de cette période. Pour l'Ancien Régime, les notations sont déj à plus précises, notamment sur la produc­tion agricole d'après les cadastres et les redevances dues au prieur et aussi sur les patronymes des anciennes famtlles.

L'essentiel de l'ouvrage concerne Antonaves au XIX· siècle : lente dégradation démographique et économique qui se poursuit en s'accen­tuant durant la première moitié du siècle. Cependant, depuis 1959, le vlllaie se reprend à vivre grâce aux e!forts de quelques habitants

Page 7: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

104 COMPTES RENDUS

courageux et au service civil volontaire international. Les ruines sont déblayées et des constructions neuves ou remises en état sont réal1sées pour des estivants.

L'histoire de cette résurrection d'un 'vUlage moribond est un espoir pour d'autres localités des Alpes du Sud. L'ouvrage, agréablement présenté et bien Illustré, montre que l'équipe courageuse qui a redonné vie à ce village n'a pas négligé les traditions locales et, pour construire, l'avenir, s'est appuyée sur le passé.

E. BARATIER

Pierre-andré SIGALAS. - La vie à Grasse en 1650. Grasse, Arts et Lettres, 1964, In-S", 157 page •.

Présenter une société urbaine à l'état statique est toujours une tâche dllflclie, car l'histoire est surtout l'étude d'une évolution; bien des problèmes ne se posent et ne reçoivent de solutions satisfaisantes que par des comparaisons s'étendant sur des dizaines d'années. L'ouvrage de M. Sigalas sur Grasse est essentiellement fondé sur le dépouillement d'une vingtaine de minutes notariales s'étendant de 1649 à 1852. L'auteur a consulté également quelques registres paroissiaux. diverses liasses des fonds ecclésiastiques des archives des Alpes-Maritimes et deux livres de raison. Il n'a consulté les archives régionales et natio­nales que par l'Intermédiaire des ouvrages Imprimés et les archives municipales elles-mêmes n'ont pu être utilisées à fond, car elles sont entassées dans une cave : nous constatons là, une fois de plus. l'état misérable .. dans lequel sont abandonnés, dans de nombreuses commu­nes, les témoins du passé.

Le plan de l'ouvrage est divisé en trois parties: population, travail, et production et richesses. Il semble qu'une Introduction plus détaillée sur le terroir grassois et l'influence de la ville sur les campagnes et les localités environnantes aurait pu aider le lecteur étranger.

Les inventaires après décès, les contrats de dot et les testaments permettent de restituer assez exactement le mode de vie des fammes grassolses. Dans le chapitre sur la vie reUgleuse, le personnage d'Antoine Godeau, évêque de Grasse, est bien campé et U y a de bonnes Informa­tions sur les Chapelles, les hôpitaux et les contré ries, rien par contre sur les chanoines et la cathédrale.

La vie communale est assez rapidement étudiée; les l1bertés communales étaient alors plus effectives Qu'aujourd'hui, mais tl semble tout de même exagéré de parler d'un « haut niveau démocratique:. de l'ensemble de la vie municipale. Une étude sociale des prinCipaux membres des consetls ordinaires montrerait sans doute la malnmise sur l'administration municipale d'une oligarchie - Grasse ne devait pas différer en cela des autres communautés urbaines de l'anc1enne Provence.

La période choisie n'est guère favorable à une étude démographique précise. Pas de registres de décès conservés avant 1660 et le chiffre de la population ne peut être qu'approximatif. Même en faisant porter sur dix ans les dépouUlements des mariages et baptêmes, on ne peut qu'avancer des hypothèses sérieuses, li est vrai, et noter la proportion anormalement élevée des naissances par rapport aux marlaies.

Page 8: COMPTES RENDUS - Accueil | Revue Provence historique | Revue …provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1966-16-063... · 2016-12-01 · COMPTES RENDUS 101 Sur le premier point,

COMPTES RENDUS 105

A propos du travail et de la production, M. le juge Sigalas passe en revue les principales branches d'activités des Grassols : ofllces et profes­sions l1bérales. industrie, commerce et agriculture. Il cite des noms, mals donne peu de renseignements numériques même approximatifs, qui auraient permis de connaltre la répartition de la population entre les diverses catégories ; à défaut de l'étude d'un cadastre inexistant ou Inconsultable, des proportions d'après les professions relevées dans les registres notariés auraient déjà pu donner d'utiles Indications. S'étonnant du déclin économique de Grasse dans la 1" moitié du XVlr siècle, l'auteur l'attribue essentiellement à l'épidémie de peste de 1580 à 1588. Cette raison est-elle suttlsante? Les ravages causés par la peste n'ont pas été lImités à Grasse; d'autres vllles se sont relevées de la peste, les morts étant compensés par des émigrants. L'explIcation n'est­elle pas davantage dans un isolement de Grasse de plus en plus accentué? Reliée seulement par un sentier muletier avec Fréjus, communiquant peu avec le comté de Nice, la ville ne Joue plus Qu'un rOle de capitale régionale d'un arrière-pays montagneux.

La troisième parUe de l'ouvrage, centrée sur les richesses, est probablement la plus intéressante. Les mesures sont décrites avec précision. L'Importance du crédit est bien observée, les prix ne présentent pas de variations saisonnières importantes ; M. Slgalas a dressé un tableau comparatif et très suggestif du pouvoir d'achat de la monnaie de 1650 à 1965. Enfin, Il a consacré quelques pages excellentes à l'échelle des fortunes et montré qu'à tous les échelons, les Grassols thésauri­saient. Signalons tout particulièrement l'étude de la fortune et des af/alres de Charles de Lombard, conseiller au Parlement d'AIx et posses­seur de pluSieurs seigneuries voisines de Grasse. Exemple bien choisi et très slgnltlcatlf d'un notable qui a réussi son ascension sociale et défend ses Intérêts avec âpreté. La plupart des hobereaux grassols au contraire empruntent plus qu'Ils ne prêtent.

Le tableau de la vie à Grasse en 1650 présenté par M. le Juge Sigalas apporte une utile contribution à la connaissance des sociétés urbaines en Provence au XVII' siècle. Il convient de fél1clter l'auteur de ses recher­ches et de son travaU et aussi l'association Arts et Lettres de Grasse. quI a assumé les frais de la publication de cet ouvrage.

E. BARATIER