comportement diélectrique du k 3 po 4 ·3h ...

12
33 Comportement diélectrique du K 3 PO 4 ·3H 2 O lors de sa déshydratation André-Marie Bottreau, Gilbert Vicq, Jose María Forniés- Marquina et Juan Pablo Martínez Jiménez Résumé : Les auteurs présentent l’étude de la déshydratation du phosphate K 3 PO 4 ·3H 2 O, par sa réponse thermique et par son comportement électromagnétique dans le domaine des micro- ondes à 3,26; 9,45 et 15,05 GHz. Ils mettent en évidence une corrélation entre les paramètres thermodynamiques et ceux obtenus par caractérisation diélectrique. PACS no. : 77.22, 82.80Ch Abstract: We describe the dehydration study of the K 3 PO 4 ·3H 2 O phosphate by thermal analysis and microwave dipolar spectroscopy at the frequencies of 3.26, 9.45, and 15.05 GHz. There are correlations between the thermodynamic parameters and their obtained results by electromagnetic characterization. 1. Introduction La présence de molécules d’eau dans les cristaux permet d’établir un classement de celles ci suivant différents types à partir de l’étude de son environnement, ce qui induit des propriétés particulières [1–3]. D’autre part, l’étude de l’absorption dipolaire Debye (ADD) [4], permet d’aborder l’analyse des processus de déshydratation sous l’effet de la température à partir des variations des deux termes de la permittivité complexe ε * (T ) = ε 0 (T ) - 00 (T ) établies dans le domaine des micro-ondes [5] à des fréquences permettant de mettre en évidence les relaxations propes à l’eau fortement liée (eau de structure), liée, et libre (ou quasi libre). Dans ce but, nous avons utilisé les fréquences de 3,26; 9,45 et 15,05 GHz, pour effectuer nos mesures par spectroscopie fréquentielle, et bien que l’absorption diélectrique propre aux différents types d’eau puisse se superposer à d’autres phénomènes tels que les pertes par conductivité ou encore à une relaxation complémentaire Maxwell–Wagner–Sillars [6], les variations de la permittivité en fonction de la température restent représentatives du comportement du matériau. Il est alors intéressant de comparer le comportement diélectrique avec les paramètres thermodynamiques obtenus par d’autres techniques comme l’analyse thermodifférentielle (ATD) et l’analyse thermogravimétrique (ATG), comme l’ont fait les auteurs dans un précédent article [7] pour étudier le comportement du phosphate MgHPO 4 ·3H 2 O. L’objectif de ce travail est donc de réaliser l’étude comparative entre les paramètres diélectriques et thermodynamiques qui interviennent dans le processus de déshydratation du phosphate trihydraté K 3 PO 4 ·3H 2 O afin de mieux appréhender les Reçu le 11 août 1999. Accepté le 14 janvier 2000. A.-M. Bottreau et G. Vicq. Physique des Interactions Ondes–Matière, UMR 5501, ENSCPB, Université de Bordeaux I,Avenue Pey Berland, B.P. 108, 33402 Talence Cédex, France. J.M. Forniés-Marquina 1 et J.P. Martínez Jiménez. Departamento de Física Aplicada, Facultad de Ciencias, Universidad de Zaragoza, 50009 Zaragoza, Spain. 1. Téléphone : 34 976 761250; télécopie : 34 976 761233; courrier électronique : [email protected] Can. J. Phys. 78 : 33–44 (2000) © 2000 CNRC Canada

Upload: juan-pablo

Post on 13-Mar-2017

217 views

Category:

Documents


4 download

TRANSCRIPT

Page 1: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

33

Comportement diélectrique duK3PO4·3H2O lors de sa déshydratation

André-Marie Bottreau, Gilbert Vicq, Jose María Forniés-Marquina et Juan Pablo Martínez Jiménez

Résumé: Les auteurs présentent l’étude de la déshydratation du phosphate K3PO4·3H2O, parsa réponse thermique et par son comportement électromagnétique dans le domaine des micro-ondes à 3,26; 9,45 et 15,05 GHz. Ils mettent en évidence une corrélation entre les paramètresthermodynamiques et ceux obtenus par caractérisation diélectrique.

PACS no. : 77.22, 82.80Ch

Abstract: We describe the dehydration study of the K3PO4·3H2O phosphate by thermalanalysis and microwave dipolar spectroscopy at the frequencies of 3.26, 9.45, and 15.05 GHz.There are correlations between the thermodynamic parameters and their obtained results byelectromagnetic characterization.

1. Introduction

La présence de molécules d’eau dans les cristaux permet d’établir un classement de celles ci suivantdifférents types à partir de l’étude de son environnement, ce qui induit des propriétés particulières[1–3]. D’autre part, l’étude de l’absorption dipolaire Debye (ADD) [4], permet d’aborder l’analysedes processus de déshydratation sous l’effet de la température à partir des variations des deux termesde la permittivité complexeε∗(T ) = ε′(T ) − jε′′(T ) établies dans le domaine des micro-ondes [5]à des fréquences permettant de mettre en évidence les relaxations propes à l’eau fortement liée (eaude structure), liée, et libre (ou quasi libre). Dans ce but, nous avons utilisé les fréquences de 3,26;9,45 et 15,05 GHz, pour effectuer nos mesures par spectroscopie fréquentielle, et bien que l’absorptiondiélectrique propre aux différents types d’eau puisse se superposer à d’autres phénomènes tels queles pertes par conductivité ou encore à une relaxation complémentaire Maxwell–Wagner–Sillars [6],les variations de la permittivité en fonction de la température restent représentatives du comportementdu matériau. Il est alors intéressant de comparer le comportement diélectrique avec les paramètresthermodynamiques obtenus par d’autres techniques comme l’analyse thermodifférentielle (ATD) etl’analyse thermogravimétrique (ATG), comme l’ont fait les auteurs dans un précédent article [7] pourétudier le comportement du phosphate MgHPO4·3H2O. L’objectif de ce travail est donc de réaliserl’étude comparative entre les paramètres diélectriques et thermodynamiques qui interviennent dansle processus de déshydratation du phosphate trihydraté K3PO4·3H2O afin de mieux appréhender les

Reçu le 11 août 1999. Accepté le 14 janvier 2000.

A.-M. Bottreau et G. Vicq. Physique des Interactions Ondes–Matière, UMR 5501, ENSCPB, Université deBordeaux I, Avenue Pey Berland, B.P. 108, 33402 Talence Cédex, France.J.M. Forniés-Marquina1 et J.P. Martínez Jiménez.Departamento de Física Aplicada, Facultad de Ciencias,Universidad de Zaragoza, 50009 Zaragoza, Spain.

1. Téléphone :34 976 761250;télécopie :34 976 761233;courrier électronique : [email protected]

Can. J. Phys.78 : 33–44 (2000) © 2000 CNRC Canada

Page 2: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

34 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

Fig. 1. Analyse thermogravimétrique du phosphate K3PO4·3H2O.

Fig. 2. Analyse thermodifférentielle du phosphate K3PO4·3H2O.

Tableau 1. Valeurs des enthalpies (kcal/mol) et types d’eau.

Type H2O Na2HPO4·2H2O CaHPO4·2H2O MgHPO4·3H2O K3PO4·3H2O

D (classe 1) Non données 1H = −7, 08 1H = −7, 80H (classe 2) 1H = −13, 39 1H = −13, 36 1H = −15, 30 1H = −13, 39

1H = −18, 29

©2000 CNRC Canada

Page 3: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

Bottreau et al. 35

problèmes qui se posent au niveau du contrôle et de la gestion industrielle du séchage par micro-ondes deces phosphates en particulier. Le phosphate de potassium étudié dans le cadre de ce travail correspondà une forme trihydratée, mais il peut également se présenter sous d’autres phases solides possédantsept, huit, voir même neuf molécules d’eau. Les références bibliographiques sont peu nombreuses etse limitent aux travaux de Brun [8] qui a montré que le départ de l’eau de structure s’effectuait suivantdeux étapes biens différentiées.

2. Résultats expérimentaux

Nous présenterons ici, d’abord les résultats des analyses thermiques ATG et ATD; puis ceux relevant dela spectroscopie diélectrique obtenus soit par méthode fréquentielle [9], soit par technique temporelle[10].

2.1. Mesures thermiques

L’évolution de la déshydratation et les mesures d’enthalpie correspondantes ont été effectuées à l’aided’un équipement DSC-Perkin Elmer en atmosphère inerte d’azote avec une vitesse de chauffage de10◦C/min. L’analyse thermogravimétrique indique une perte pondérale d’eau de 19% par rapport aupoids total. Elle s’effectue en deux étapes, correspondante chacune au départ de 1 + 1/2 moléculesd’eau, ainsi que nous pouvons le constater sur la figure 1.

L’étude thermodifférentielle met en évidence, en accord avec l’analyse thermogravimétrique, deuxpics endothermiques (fig. 2). Le premier, s’étendant de 75 à 160◦C est dû au départ de 1 + 1/2 H2O quis’effectue en deux étapes. Il est marqué par deux maximum situés à 122 et 128◦C. Le second obtenu à184◦C doit être attribué à la perte de l’eau restante 1 + 1/2 H2O et est totalement éliminé à 240◦C.

L’enthapie liée à ce départ est de−27,44 kcal/mol, soit−18,29 kcal/mol par molécule d’eau, alorsque lors de la première phase du processus de déshydratation l’enthalpie n’était que de−13,59 kcal/molpar molécule d’eau, ce qui laisse supposer que nous avons une eau de type H (classe 2). Cette hypothèseest fondée par la comparaison de nos résultats avec ceux obtenus sur les phosphates de sodium et calcium[9] et de magnésium [7] pour lesquels nous avions pu proposer une classification des molécules d’eauprésentée dans le tableau 1. L’enthalpie de la dernière molécule d’eau pour le phosphate de potassiumtrihydraté est de−18,29 kcal/mol. Elle ne peut pas être associée à un classement spécifique.

Notons par ailleurs, jusqu’à 75◦C, une perte initiale que nous pensons devoir attribuer à une eauadsorbée ou superficielle due au caractère fortement hygroscopique de ces phosphates, mais qui necontribue pas au phénomène de déshydratation proprement dit.

2.2. Mesures diélectriques en domaine fréquentiel

Les variations de la permittivité complexeε∗ = ε′ − jε′′ en fonction de la température, ont été établiesaux trois fréquences 3,26; 9,45 et 15,05 GHz en utilisant la méthode de la ligne court-circuitée (LCC)que nous avons automatisée afin de suivre l’évolution du coefficient de réflexion. La détermination decelui ci permet d’obtenir la permittivité [11].

Nous trouverons sur les figures 3 et 4 respectivement les variations des termes réelε′(T )et imaginaireε′′(T ) à nos trois fréquences de travail en fonction de la température. Sans nous préoccuper de la valeurrelative des amplitudes fortement tributaire du taux de remplissage des cellules de mesure difficilementmaîtrisable, nous observons à 9,45 GHz un premier pic d’absorption pour 135◦C. Il s’étend de 125 à155◦C et correspond à la fin du premier processus de déshydratation que nous avons mis en évidencepar l’analyse thermogravimétrique, alors que la courbe de dispersion fait apparaître un maximum pour152◦C c’est-à-dire pour la limite haute température de la courbe d’absorption.

Puis en continuant vers les hautes températures, nous trouvons aussi bien pour 3,26 GHz que pour9,45 GHz un nouveau pic d’absorption situé à 166◦C. On peut l’attribuer au départ de l’eau lors dudeuxième stade de déshydratation. La largeur de la bande d’absorption semble néanmoins plus large à

©2000 CNRC Canada

Page 4: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

36 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

Fig. 3. Variation du terme réel de la permittivité en fonction de la température.

Fig. 4. Variation du terme imaginaire de la permittivité en fonction de la température.

Fig. 5. Variation des deux termes de la permittivité à 15,05 GHz en fonction de la température.

©2000 CNRC Canada

Page 5: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

Bottreau et al. 37

Fig. 6. Variation de la tangente de perte en fonction de la température.

3,26 GHz, mais ceci peut être dû à l’amplitude du pic d’absorption trois fois plus grande en bande Squ’en bande X, moins sensible à l’eau liée.

Les courbes de dispersion présentent elles aussi des maximums décalés par rapport au pic d’absorptioncomme nous l’avons déjà observé pour le premier stade de la déshydratation, ils sont situés à 178◦Cpour 3,26 GHz et à 189◦C pour 9,45 GHz, par conséquent seule une analyse spectrale effectuée à destempératures différentes nous permettra d’appréhender ce problème.

Pour 15,05 GHz, plus sensible à l’eau libre, nous avons été amenés à dilater les échelles afin demettre en évidence les variations de la permittivité, on trouvera les résultats sur la figure 5.

Ils montrent un « doublé », présentant tant pourε′ que pourε′′ des maximums pour 155 et 160◦Cc’est-à-dire au début du second processus de déshydratation comme si les (1+1/2) dernières moléculesd’eau étaient libérées, en deux étapes équivalentes (3/4 H2O, si ont se réfère aux amplitudes) légèrementdécalées en température. À cette fréquence les variations deε′ et ε′′ présentent un bon accord avecl’évolution des thermogrammes et avec les résultats obtenus pour 3,26 GHz.

Afin de nous affranchir du coefficient de remplissage des cellules de mesures, nous avons tracé lesvariations de la tangente de l’angle de perte définie par : tgδ = ε′′/ε′ en fonction de la température.Elles permettent de constater des différences pour nos trois fréquences de travail. Nous trouverons lesrésultats obtenus sur la figure 6.

Elles confirment les observations précédentes puisque pour 166◦C, nous trouvons un maximum deforte amplitude à 3,26 GHz, donc attribuable à une eau liée alors que pour 135◦C, seules les variationsà 9,45 GHz présentent un maximum par conséquent dû à une eau peu liée ou quasi libre, qui pourraitprogressivement devenir libre, puisqu’à cette température commence une augmentation des variationsde tgδ à la fréquence de 15,05 GHz qui passent par un maximum pour 155◦C.

2.3. Mesures en domaine temporelLa détermination des valeurs statiques de la constante diélectriqueεs et de la conductivitéσs a étéréalisée en utilisant des techniques de réflectométrie en domaine temporel (RDT) [12]. Pour déterminerla conductivité, nous avons utilisé la méthode de la ligne ouverte [13], en utilisant la valeur asymptotiquedu signal temporel aux temps longs. En effet, l’admittance idéale vue par le système est

Y (ω) = 1 − R(ω)

1 + R(ω)(1)

©2000 CNRC Canada

Page 6: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

38 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

Fig. 7. Variation de la conductivité statique en fonction de la température.

oùR est définie en domaine fréquentiel par :

R(ω) = ρ + e−2γ e

1 + ρe−2γ e(2)

e est l’épaisseur de l’échantillon avec

ρ = 1 − √ε∗

1 + √ε∗ (3)

et

γ = jω

ce√

ε∗ (4)

qui conduit à l’admittance :

Y (ω) = √ε∗th(γ e) (5)

En faisant un développement limité pourω → 0, c’est-à-dire pour des tempst → ∞, il devient :

Yω→∞ = jω

ceε∗ (6)

qui en présence de conductivité

ε∗(ω) = ε′ − j

(ε′′ + σs

εoω

)(7)

conduit à

Yω→∞ = Yt→∞ = eσs

εoc(8)

on peut donc obtenir la conductivité statiqueσs connaissant l’épaisseur de l’échantillon et la valeurasymtotique du signal temporel en utilisant la relation

σs = εoc

e

1 − Rt→∞1 + Rt→∞

(9)

©2000 CNRC Canada

Page 7: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

Bottreau et al. 39

Fig. 8. Variation de la permittivité statique (réelle et apparente) en fonction de la température.(Courbe (a) : sans correction; courbe (b) : en avec correction).

Les résultats ainsi obtenus sont portés sur la figure 7 en fonction de la température. Ils montrent unpremier pic de faible amplitude à 85◦C que l’on doit assigner au départ de l’eau superficielle (adsorbée)puis une forte conductivité apparaît dans l’intervalle 156–159◦C. Elle doit être attribuée, à la lumièredes résultats précédents, au départ de l’eau lors du premier stade de la déshydratation.

Le dernier maximum situé à 178◦C correspond, si l’on se réfère à l’analyse thermique, à la pertedes 1+1/2 dernières molécules d’eau.

La détermination de la constante diélectrique statiqueεs , a également été effectuée par techniquetemporelle en utilisant la méthode de la première réflexion et en corrigeant les valeurs obtenues enprenant en compte la conductivité statique. En effet si pour un diélectrique non conducteur, la permittivitéstatique est directement obtenue à partir de la valeur asymptotique du signal temporel aux temps longs, enprésence de conductivité ce signal tend vers zéro. Il est donc nécessaire d’en tenir compte pour effectuerune correction, liée à la largeur de la fenêtre temporelle, et par conséquent à l’épaisseur électrique del’échantillon. Nous avons donc été amenés à effectuer une correction en prenant systématiquement unelargeur de fenêtre égale à 0,267 ns correspondant à une longueur électrique de 8 cm. Un calcul intégralsimple montre qu’en présence de conductivité, l’admittance de la charge peut s’exprimer par

Y = √εs + σs

εoc(10)

où εs est la permittivité statique qui conduit à une permittivité apparente(εs)a définie par

√(εs)a = √

εs + eσs

εoc(11)

ConnaissantRt→∞ , nous pouvons accéder à√

(εs)a

R(t) = ρ(t) = 1 − √(εs)a

1 + √(εs)a

(12)

Les variations de(εs)a et deεs obtenues après correction sont portées sur la figure 8. Cette corrections’avère en effet indispensable, puisqu’elle conduit à une valeur apparente de la constante diélectrique√

(εs)a ∼= 83 qui est incompatible à cette température avec celle de l’eau, et montre ici clairement

©2000 CNRC Canada

Page 8: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

40 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

Fig. 9. Variation de la dispersion normaliséeε′n en fonction de la température.

Fig. 10. Variation de l’absortion normaliséeε′′n en fonction de la température.

l’influence de la conductivité. Les variations corrigéesεs représentées sur la figure 8 par la courbe (b)traduisent exclusivement le processus diélectrique. Elles conduisent à des valeurs beaucoup plus com-patibles avec celles de l’eau. Par ailleurs les courbes de la permittivité et celles de la conductivité statiquesont parfaitement corrélées et nous paraissent bien représentatives du phénomène de déshydratation.

Les courbes représentées sur les figures 5, 7 et 8 sembleraient indiquer que les paramètres statiques(εs et σs) traduisent d’une manière plus sensible la deuxième étape de la déshydratation, ainsi quel’attestent les thermogrammes représentés dans les figures 1 et 2, alors que la première étape passeraitdu moins à ce niveau inaperçu.

3. Interprétation et discussion

Afin de nous affranchir du coefficient de foisonnement lié au taux de remplissage qui ne peut être iden-tique pour les différentes cellules de mesure utilisées, nous avons normalisé les valeurs des permittivitésobtenues en fonction de la température par rapport à celles déterminées à 25◦C, ce qui conduit à définir

©2000 CNRC Canada

Page 9: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

Bottreau et al. 41

Fig. 11. Variation deε′′n en fonction de la fréquence à température constante.

une permittivité normaliséeε∗n = ε′

n − jε′′n par la relation

ε∗n(T ) = ε∗(T )

ε∗T =25◦C

= ε′(T ) − jε′′(T )

ε′T =25◦C

, ε′′T =25◦C

∼= 0 (13)

Les résultats obtenus sont portés sur les figures 9 et 10 respectivement pour les termes réel et imaginairede la permittivité normalisée.

Afin de mettre en évidence les différentes relaxations dont les fréquences critiques sont liées audegré de liaison des molécules d’eau, nous avons à partir de ces résultats établi les spectres du termeimaginaire de la permittivité entre 50 et 220◦C par pas de 10◦C. Les variations obtenues sont portées surla figure 11; nous y trouverons en traits pleins les résultats obtenus jusqu’à 140◦C, plage de températurequi correspond à la première phase de la déshydratation et en traits discontinus, les spectres déterminéspour les températures comprises entre 140 et 220◦C où se produit la deuxième étape de la déshydratation.

La position des maximums des variations deε′′ en fonction de la fréquence, correspondants sen-siblement aux fréquences de relaxation, permet d’apprécier le degré de liberté des molécules d’eau.L’analyse de ces courbes montre que déjà à 50◦C apparaît une relaxation dans la bande des 10 GHzcorrespondant à une eau quasi libre que nous pensons devoir attribuer à une eau adsorbée du fait du car-actère fortement hygroscopique de ce phosphate. Au delà de cette température, cette relaxation diminueen amplitude, et la forme des spectres met en évidence une faible relaxation dans la bande des 3 GHzcorrespondant à une eau liée. Cette relaxation disparaît à 130◦C, alors que la relaxation en bande X(10 GHz) passe par un maximun pour diminuer à 140◦C, température limite entre les deux phases dela déshydratation où réapparaît la relaxation en bande S (3 GHz). Au delà, son amplitude augmentejusqu’à 170◦C puis diminue régulièrement jusqu’à 220◦C, alors que la relaxation en bande X disparaît

©2000 CNRC Canada

Page 10: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

42 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

Fig. 12. Représentation 3D des variations deε′′n en fonction de la fréquence et de la température.

Fig. 13. Cartographie deε′′n par lignes de niveau dans le plan [f(GHz),T◦C)].

©2000 CNRC Canada

Page 11: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

Bottreau et al. 43

pour faire place à une relaxation qui serait supérieure à 15 GHz, traduisant la présence d’eau libre.Ces résultats sont en excellent accord avec ceux obtenus par les mesures thermiques (figs. 1 et 2). Ilsmontrent la complémentarité des mesures diélectriques et peuvent se résumer de la manière suivante :dans la première phase de la déshydratation, nous sommes en présence d’une eau liée qui deviendraitquasi libre probablement encore gênée par son environnement, puis lors de la seconde phase cette eauliée passerait à l’état libre. On pourra mieux apprécier la continuité de l’évolution de l’état de l’eau àpartir de la représentation en 3D:ε′′

n = F [f (GHz), T (◦C)] que nous avons donnée sur la figure 12. Celleci nous a conduit à établir une cartographie deε′′

n par lignes de niveau dans le plan [f (GHz),T (◦C)](fig. 13) qui permet de décrire les phénomènes de relaxation en présence.

4. Conclusion

Cette étude, met en évidence l’intérêt que présente une analyse du comportement diélectrique de cetype de matériau aux fréquences micro-ondes. Elle constitue une méthode complémentaire aux mé-thodes thermiques classiques et permet une étude systématique des phénomènes de déshydratation. Lecomportement à fréquence fixe de la dispersionε′(T ) et de l’absorptionε′′(T ) durant le processus dedéshydratation permet, d’une part, de distinguer les différentes étapes et, d’autre part, met en évidencel’existence des états métastables qui ne sont pas détectés par l’analyse thermique.

Les résultats obtenus permettent de conclure que les bandes S (3,26 GHz) et X (9,45 GHz) semblentbiens adaptées pour mettre en évidence le départ de l’eau liée ou quasi libre « modified water » et parconséquent pour traduire d’éventuels réarrangements cristallins dus au départ de l’eau de structure, quel’on peut différentier en bande S. Les bandes X et Ku permettent quand à elles de voir l’évolution del’eau libérée vers l’état libre pour laquelle les variations obtenues à 15,05 GHz sont significatives.

Lors de la première phase de la déshydratation, l’eau libérée serait de type H (classe 2) alors quedans la seconde phase l’enthalpie déterminée à partir de l’analyse thermodifférentielle est trop élevéepour que l’on puisse y associer un type d’eau classifiée. Par ailleurs, les spectres deε′, lors de ce secondstade, sembleraient indiquer, compte tenu de la forte valeur de la constante diélectrique normalisée(ε′′)n, la présence d’un autre phénomène qui pourrait être dû à l’existence d’une polarisation de typeMaxwell–Wagner–Sillars qui se manifesterait dans la région des très basses fréquences, prenant encompte l’eau superficielle due au comportement fortement hygroscopique de ce phosphate. Ce problèmepourrait être résolu par spectroscopie temporelle (SDT) mais nécessiterait des temps de calcul tropsimportants et ici injustifiés pour l’objectif que nous nous étions fixé. En effet, une étude par SDTaurait nécessité l’acquisition des signaux temporels pour chaque température puis leur traitement deFourier pour les déconvoluer avant d’effectuer la résolution inverse des équations transcendantes gérantla propagation pour obtenir la permittivité. Nous nous sommes en conséquence limités dans le casprésent à la réflectométrie temporelle (RDT) qui permet de déterminer simplement, ainsi que nousl’avons vu, la constante diélectrique statiqueεs et la conductivitéσs , qui ne peuvent être obtenues parles mesures fréquentielles qui sont des mesures globales, ne permettant pas de faire la distinction entrepertes diélectriques et pertes ohmiques.

Nous pensons que, par cette étude, nous avons atteint l’objectif poursuivi, et qu’elle constituera unebonne base de travail pour aborder le problème de séchage de ce type des systèmes hydratés par utilisationde l’énergie micro-ondes et, en particulier, pour contrôler d’éventuels emballements thermiques liés enparticulier à une augmentation rapide du terme d’absorption à certaines températures.

Bibliographie

1. A.F. Wells. Structural inorganic chemistry. Oxford University Press, Oxford. (1984). pp. 653.2. G. Ferraris et M. Franchini-Angela. Acta Cryst.B28, 3572 (1972).3. G. Chiari et G. Ferraris. Acta Cryst.B38, 2334 (1982).4. R.C. Jain et W.A.G. Voss. IETE Tech. Rev.11, 297 (1994).5. A.N. Papathanassiou et J. Grammatikakis. Phys. Rev. B: Condens. Matter,56, 8590 (1997).

©2000 CNRC Canada

Page 12: Comportement diélectrique du K               3               PO               4               ·3H               2               O lors de sa déshydratation

44 Can. J. Phys. Vol. 78, 2000

6. D.G. Frood et T.J. Gallagher. J. Mol. Liquids,69, 183 (1996).7. A.M. Bottreau, J.M. Forniés-Marquina, A. Boutadon, G. Vicq et J.P. Martínez Jiménez. J. Chim. Phys.94,

635 (1997).8. G. Brun. Rev. Chim. Min.5, 823 (1968).9. A.M. Bottreau, G. Vicq et J.M. Forniés-Marquina. J. Chim. Phys.92, 2012 (1995).

10. G. Vicq, J.M. Forniés-Marquina et N.B. Chan. Bull. Soc. Ch. Fr.11, 1025 (1977).11. J.M. Artacho. Thèse 3emecycle Université de Zaragoza. 1993.12. M. García, J. Letosa, J.M. Artacho et J.M. Forniés-Marquina. IEEE Trans. Magn.33, 1464 (1997).13. A. Boutadon. Thèse de Université de Bordeaux. 1996.14. W.J. Ellison, K. Lamkaouchi et J.M. Moreau. J. Mol. Liquids,68, 171 (1993).

©2000 CNRC Canada