communications implantation des termes officiels de l

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Communications Implantation des termes officiels de l'informatique Attestations, francisation, normalisation, assimilation Les quelques éléments qui suivent présentent les grandes lignes de l'étude d'implantation des termes officiels de l'informatique réalisée à la demande de la Délégation générale à la langue française. La brièveté du temps imparti ne permet malheureusement pas d'entrer dans le détail des observations et des résultats. Elle interdit notamment toute considération sur les procédures et l'appareil d'analyse mis en place. Il faut donc espérer que la publication de l'intégralité des études permettra de dépasser les données quelque peu superficielles auxquelles se limite le présent exposé. Point de départ - les attestations our étudier l'implantation des termes officiels (termes officialisés) de l'informatique, nous avons spontanément mis en place des procédures de recherche d'attestations ou cas d'emploi. En l'absence de points de repère, pareille démarche semble en effet on ne peut plus logique. La recherche des attestations s'est organisée en deux temps. Nous avons ainsi conduit une recherche dite aléatoire, puis une recherche systématique. La recherche aléatoire est intervenue, sans que les participants en aient même conscience, comme sous-produit d'activités de terminographie, de rédaction ou de traduction en rapport avec l'informatique - les participants dépouillant un matériau constitué dans le cadre de la réalisation de dictionnaires d'informatique. Elle a porté sur 31 secteurs allant du processeur à l'imprimante en passant par la publication assistée par ordinateur et les bus. Les types de sources exploitées couvrent l'ensemble des possibilités courantes (catalogues, devis, brochures, normes, nomenclatures, cours, articles, notes de service, informateurs, etc.) à l'exception des dictionnaires dont l'utilisation est strictement interdite en situation de constitution d'inventaires. Les relevés sont des relevés bruts de termes, sources et type de contexte. Des cas d'emploi avec le sens proposé par la définition « officielle» ont été notés pour 132 des 136 termes officialisés de l'informatique. Les résultats ont ensuite été analysés par gammes de fréquences et regroupés en cinq classes: fréquence nulle (0 cas d'emploi), fréquence- basse (5 à 15 cas d'emploi), fréquence moyenne (16 à 30 cas d'emploi), fréquence haute (31 à 60 cas d'emploi), fréquence très haute (plus de 61 cas d'emploi). Il y a fréquence nulle lorsqu'aucun cas d'emploi n'a été enregistré (facsim) comme lorsqu'aucun cas d'emploi n'a été enregistré avec le sens de l'arrêté de terminologie de l'informatique (instaurer, survol, tirage). Les fréquences basses correspondent à des situations dans lesquelles les cas d'emploi sont rares dans l'absolu (antémémoire, autonome, d'arrière-plan, bogue, boule de commande, clicher, de secours, en texte intégral, dévideur, grapheur, heuristique, mappe, traitement automatique des données, tutoriel) mais aussi à des situations dans lesquelles les cas d'emploi avec le sens voulu sont rares (courtier, marquage, poignée, producteur, transporteur) et à des situations dans lesquelles les cas d'emploi sont réduits pour cause de concurrence de l'anglais ou d'une forme anglicisée du français: boule de c-ommande ( = joystick) codet (=code element) de secours ( = back up) déboguer ( «debug} décideur (=spooler) en ligne (=on line) invite (=prompt) mémoire morte (=ROM) mémoire vive (=RAM) microprogramme ( = firmware) 141

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Communications

Implantation des termes officiels de l'informatiqueAttestations, francisation, normalisation, assimilation

Les quelques éléments qui suiventprésentent les grandes lignes de

l'étude d'implantation des termesofficiels de l'informatique réalisée à la

demande de la Délégation générale àla langue française. La brièveté du

temps imparti ne permetmalheureusement pas d'entrer dans le

détail des observations et desrésultats. Elle interdit notamment

toute considération sur les procédureset l'appareil d'analyse mis en place. Il

faut donc espérer que la publicationde l'intégralité des études permettrade dépasser les données quelque peusuperficielles auxquelles se limite le

présent exposé.

Point de départ - lesattestations

our étudierl'implantation destermes officiels(termesofficialisés) del'informatique,

nous avons spontanément mis enplace des procédures de recherched'attestations ou cas d'emploi. Enl'absence de points de repère, pareilledémarche semble en effet on ne peutplus logique. La recherche desattestations s'est organisée en deuxtemps. Nous avons ainsi conduit unerecherche dite aléatoire, puis unerecherche systématique.

La recherche aléatoire estintervenue, sans que les participantsen aient même conscience, commesous-produit d'activités determinographie, de rédaction ou detraduction en rapport avecl'informatique - les participantsdépouillant un matériau constituédans le cadre de la réalisation dedictionnaires d'informatique. Elle aporté sur 31 secteurs allant duprocesseur à l'imprimante en passantpar la publication assistée parordinateur et les bus. Les types desources exploitées couvrentl'ensemble des possibilités courantes(catalogues, devis, brochures, normes,nomenclatures, cours, articles, notesde service, informateurs, etc.) àl'exception des dictionnaires dontl'utilisation est strictement interditeen situation de constitutiond'inventaires. Les relevés sont desrelevés bruts de termes, sources ettype de contexte.

Des cas d'emploi avec le sensproposé par la définition « officielle»ont été notés pour 132 des 136 termesofficialisés de l'informatique.

Les résultats ont ensuite étéanalysés par gammes de fréquences etregroupés en cinq classes: fréquencenulle (0 cas d'emploi), fréquence-basse (5 à 15 cas d'emploi), fréquencemoyenne (16 à 30 cas d'emploi),fréquence haute (31 à 60 casd'emploi), fréquence très haute (plusde 61 cas d'emploi).

Il y a fréquence nullelorsqu'aucun cas d'emploi n'a étéenregistré (facsim) commelorsqu'aucun cas d'emploi n'a étéenregistré avec le sens de l'arrêté determinologie de l'informatique(instaurer, survol, tirage).

Les fréquences bassescorrespondent à des situations danslesquelles les cas d'emploi sont raresdans l'absolu (antémémoire,autonome, d'arrière-plan, bogue, boulede commande, clicher, de secours, entexte intégral, dévideur, grapheur,heuristique, mappe, traitementautomatique des données, tutoriel)mais aussi à des situations danslesquelles les cas d'emploi avec le sensvoulu sont rares (courtier, marquage,poignée, producteur, transporteur) et àdes situations dans lesquelles les casd'emploi sont réduits pour cause deconcurrence de l'anglais ou d'uneforme anglicisée du français: boule dec-ommande ( =joystick)codet (=code element)de secours ( = back up)déboguer ( «debug}décideur (=spooler)en ligne (=on line)invite (=prompt)mémoire morte (=ROM)mémoire vive (=RAM)microprogramme ( =firmware)

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numériser ( = digitaliser )progiciel ( =package)relancer (=«reboot»)spoule (=spool)test de performance ( =benchmark)traitement par lots ( = traitement batch)

Les fréquences moyennesconcernent les termes officielssuivants: accès direct, accès séquentiel,algorithmiquc, eitide, banque dedonnées, base de données, bit,défilement, descripteur, didacticiel,disque magnétique, disque optiquecompact, doc, écran tactile,enregistrement logique, génieinformatique, génie logiciel, implanter,langage formel, listage, ludiciel,mémoire morte, mémoire tampon,mémoire vive, multiprogrammation,multitraitement numérique, ordinateurindividuel, partage de temps, photostyle,processeur vectoriel, requête, résumé,révision, système de gestion de base dedonnées, télétraitement par lots, visu,visuel et, pour l'intelligenceartificielle: appariement de formes,cadre et schéma.

Les fréquences hautes concernentles termes officiels suivants: calculette,éditeur, fusionner, incrément, lister,mémoire de masse, messagerieélectronique, mode dialogué, mot clé,pixel, réseau local, robotique, souris,surbrillance, tableur, tampon,télétraitement, temps réel, version,visualiser et, pour l'intelligenceartificielle, base de connaissances,filtrage et forme.

Les très hautes fréquencesconcernent: bureautique, bus,compatibilité, disquette, donnée,données, format, implémenter,infographie, information, informatique(adj.), informatique (n.f), instruction,interactif, interface, logiciel,maintenance, matériel, mémoire,messagerie, microprocesseur, ordinateur,pointeur, portabilité, processeur,répertoire, serveur, S.G.B.D., systèmed'exploitation, terminal, traitement detexte et, pour l'intelligence artificielle,intelligence artificielle, moteurd'inférence, système expert.

Accessoirement, on note que les

cas d'emploi ne font généralementl'objet d'aucune signalisationparticulière et que, par conséquent,l'implantation est acquise ouconfirmée.

Le premier volet de l'étude, ci-dessus, confirme que les termesofficiels de l'informatique sontimplantés, qu'ils sont massivementprésents dans les sources écrites Norales se rapportant à l'informatique,que les implantations parfaitementréussies concernent ceux des termesofficiels que l'on peut assimiler à desconfirmations de désignations déjàimplantées avant même l'incidence dela décision d'aménagement et que lesimplantations imparfaitement réussiesou problématiques concernent lesformes de désignation en concurrenceavec l'anglais. Ce dernier pointconfirme la nécessité d'Une étude desdegrés de francisation. Cependant,avant d'entreprendre une étude plusfouillée de l'implantation, nous avonsvoulu conduire une recherchesystématique de cas d'emploi destermes officiels, tout simplementparce que la recherche systématiquesemble la voie naturelle de l'étuded'attestations.

Nous avons par conséquent lancésoixante-deux étudiant( e)s sur la pistedes termes officiels de l'informatiqueen multipliant les incitations, maiscette recherche systématique a trèsrapidement été interrompue dans lamesure où elle multiplie lesattestations des formes de plus fortefréquence sans apporter de casd'emploi des formes de bassefréquence.

Implantation des termesfrançais et des termesfrançais officiels

La présence systématique determes anglais «concurrents» destermes français officiels suggère uneétude complémentaire portant sur les

degrés d'implantation des termesfrançais de l'informatique et, bienentendu, sur les degrés d'implantationdes termes français officiels. Pourconduire cette étude complémentaire,nous avons construit un corpus endeux étapes.

Un premier corpus a étéconstitué à partir de critères desecteurs d'application, de types dedocuments, de types de publics, dedegrés de formalisme, et de typesd'objets. Les secteurs retenus sont:( 1) la production de matériels etlogiciels, (2) la promotion dematériels et logiciels, (3) la vente dematériels et logiciels, (4) lamaintenance de matériels et logiciels,(5) l'utilisation de matériels etlogiciels, ( 6) la recherche et laprogrammation/ développement, (7)la formation, (8) la presse nonspécialisée, (9) la presse spécialisée,( 10) la radio et la télévision, (11)l'aspect juridique, (12) la grandedistribution et les jeux, et ( 13) latraduction. Les types de documentsretenus sont (1) l'article général, (2)l'article spécialisé, (3) l'article dejournal d'entreprise, (4 ) la note deservice, (5) la publicité grand public,(6) le catalogue, (7) la publicitéadressée à des professionnels, (8) labrochure de présentationd'entreprise, (9) la messagerie, (10) lemanuel, (11) le cours polycopié, (12)le journal de bord, (13) ladocumentation de logiciel, (14) lesnotes générales, (15) le contrat, (16)le contrat de licence, (17) le contratde fourniture, (18) les notesmanuscrites, (19) le cours oral, (20)la discussion ou l'entretien, (21) laprésentation de produits, (22) leprogramme informatique, (23)l'article économique, (24) l'articletechnologique, (25) l'émission et (26 )la traduction.

Les 14 types de publics sont: nondéfini, sociétés de service, grandpublic, enseignants, programmeurs,professionnels techniciens, personnelsd'entreprises, employés sanscompétence informatique, utilisateurs

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avertis, public initié, étudiants,demandeurs de formations,informaticiens débutants, amateurs dejeux vidéo, et informaticiens au senslarge. Les degrés de formalismecorrespondent, pour l'écrit, à ( 1)débridé/ familier, (2)

{naturel/convivial, (3) neutre, (4 )contrôlé, (5) formel et, pour l'oral, à( 1) à bâtons rompus, (2)naturel! convivial, (3) contrôlé, ( 4 )formel. Les objets sont dits( 1)archiconn u, (2) très répandu/bienconnu, (3) connu et (4) confidentiel.Le corpus couvrant l'ensemble de cescritères compte 502 documents écritsou sonores à partir desquels a étéconstitué le corpus efficace.

Le corpus efficace correspond àl'échantillon représentatif des énoncésse rapportant àl' informatique,auxquels est soumis l'individu«moyen» informatique. Il contientIl% d'énoncés de production etpromotion, 5% d'énoncés de vente etmaintenance, 16% d'énoncés serapportant à l'utilisation ou audéveloppement de l'informatique,10% d'énoncés se rapportant à laformation, 30% d'éléments de pressenon spécialisée, 16% d'éléments depresse spécialisée, 2% d'éléments deprogrammes de radio/télévision, 2%de textes juridiques, 2% detraductions officielles, 6% d'énoncésliés à la grande consommation et auxjeux. L'échantillon se wmpose doncde Il textes publicitaires oupromotionnels, 1 catalogue, 8entretiens ou discussions, 13 notes deservices et homologues, 1émission deradio, 14 présentations de produits oudocumentations de matériels etlogiciels, 3 contrats, 3 traductions, 1extrait de messagerie professionnelleinformatique, 1 extrait de journal debord d'informaticien, 3documentations de logiciels (pourcours), 14 cours ou notes de cours oupolycopiés de cours ou manuels, 4textes pour programmation de jeux,45 articles, soit 122 documents écritsou sonores représentés par unéchantillon homogène de 500 mots.

Pour chaque élément du corpusfinal, il a été procédé aux décomptessuivants: (1) nombre total de motsorthographiques, (2) nombre total determes d'informatique, (3) nombretotal d'occurrences de termesd'informatique, (4) nombre total determes d'informatique anglais, (5)nombre total d'occurrences de termesd'informatique anglais, ( 6) nombretotal de termes d'informatiqueofficiels, (7) nombre totald'occurrences de termesd'informatique officiels. Ensuite,toujours pour chaque élément ducorpus, nous avons calculé (a) lepourcentage d'occurrences de termesd'informatique par rapport au totalde mots [fournissant un indice brutde pertinence de l'énoncé à l'étude J,(b) le taux de récurrence des termesd'informatique [fournissant un indicecorrigé de pertinence], (c) lepourcentage de termes/occurrencesde termes d'informatique anglais parrapport au total determes/occurrence de termesd'informatique [fournissant un indicedu degré de non-francisation], (d) lepourcentage de termes/occurrencesde termes d'informatique officiels parrapport au total destermes/ occurrences de termesd'informatique [fournissant un indicedu degré d'implantation des termesofficiels] et, enfin, (e) le pourcentagedes occurrences de termesd'informatique non officiels là où lestermes officiels existent [fournissantun indice du degré de normalisationterminologique des énoncés].

L'analyse des résultats faitapparaître à la fois un très fort tauxde non-francisation (rémanence del'anglais) et un très fort tauxd'implantation des termes officiels.

La non-francisation s'exprimepar la rémanence simple de l'anglais,(i) dans les noms de produits etmarques (Notebook), (ii) lorsque lesmentions physiques restent en anglaissur les appareils et dans lesprogrammes (seroU), (iii) dans les casd'abréviations vides (Cpu), (iv) dans

des locutions (traiter en bateh, booterdirect, faire une install, avoir un job enattente), (v) dans les éléments deprogrammes (Newline), (vi) dans levocabulaire promotionnel (shareware)mais aussi par écrasement des termesofficiels par l'anglais comme dans lesdyades ci-après (bug/bogue,direetory/ répertoire, hard/matériel,PC/ordinateur personnel,prompt/invite, RAM/mémoire vive,ROM/mémoire morte, soft/logiciel,streamer/dévideur, upgrade/révision).

Caractère dominant duvocabulaire de l'informatique, larémanence de l'anglais est liée à ladiffusion (implantation) des produitsanglo-saxons et de leursdénominations, à la présence del'anglais sur l' outil lui-même, àl'implantation instantanée de l'anglais(souvent par volonté des utilisateursde souscrire à la «supériorité» del'anglais), à la confusion fréquenteentre anglais et « langagesinformatiques», et à la facilitéd'assimilation de dénominations(sigles et autres) dont l'origine n'estplus perceptible ou traçable. Elle seconfirme dès l'instant où latraduction tarde, parce que latraduction n'intervient pas, ou parceque la traduction ne touche pas le«coeur» du vocabulaire del'informatique. Elle se nourritégalement d'effets d'appartenance àdes confréries, de mode, et devalorisation de l'anglo-saxon. Elleprésente des taux différents selon lessecteurs considérés: elle est maximaledans le secteur des jeux vidéo et de lagrande consommation, trèsimportante dans les secteurs detraduction et de vente/maintenance,moyenne dans les secteurs de laformation, de la presse nonspécialisée, du juridique et de lapromotion/production de matérielset logiciels, faible dans le secteur de lapresse spécialisée. Elle présenteégalement des taux différents selon lestypes de documents concernés. Elleest maximale dans les documents de

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programmation, élevée dans lestraductions, les carnets de notes, lescarnets de messages, et les entretiensoraux, moyenne dans les notes deservice, les publicités grand public, lesarticles spécialisés et les articlesgénéraux, basse dans les cours, lesarticles économiques, et lesprésentations de produits. Elleprésente enfin des taux différentsselon les types de publics concernés.Elle est élevée lorsque le documents'adresse à un public d'utilisateurschevronnés, moyenne lorsque ledocument s'adresse à desprofessionnels mais aussi lorsque ledocument s'adresse au grand public,très faible lorsque le documents'adresse à un public d'étudiants.

La francisation et, a fortiori, lanormalisation du vocabulaire del'informatique sont difficiles, voireimpossibles, lorsque l'on serapproche du «coeur» del' informatique [recherche etprogrammation], lorsque l'anglais estla condition même dufonctionnement des matériels etlogiciels [programmes, éléments nonfrancisables], lorsque le documentconcerné est un document oral, etlorsque l'objet du discours estspécialisé.

Si l'implantation des termesofficiels est effective et généralisée,elle n'en présente pas moins desvariations significatives etconvergentes par secteurs, par typesde documents, et par types depublics. Elle est très forte dans lessecteurs de la presse non spécialisée etdu droit, élevée dans les secteurs de laproduction/promotion, de lavente/ maintenance, et de la pressespécialisée, relativement faible dansles secteurs de la formation, et de lagrande consommation et des jeux,faible dans le secteur de l'utilisationou du développement de produits etdans celui de la traduction. Elle esttrès forte dans les présentations deproduits, les articles généraux, et lestextes de programmation de jeuxvidéo, moyenne dans les articles, les

cours, les entretiens, et les textes depublicités, faible dans les notes deservice, carnets de notes et messages,et traductions. Elle est faible dans lesdocuments destinés à des publics detechniciens, de professionnels, etd'initiés.

A titre d'exemple, le tableauci-dessous donne les indicesd'implantation des termes officielspar type de document, calculés ennombre de termes (total de termesofficiels/total de termesd'informatique) :

Potentiel d'implantation

Pour affiner notre connaissancedes facteurs exerçant une influencesur l'implantation terminologique,nous avons voulu connaître ce quenous appelons le « potentield'implantation» des dits termes, c'est-à-dire, le degré de connaissance queleurs potentiels en avaient. Il s'agit,pour l'essentiel, de savoir si cestermes et leurs significations sont«connus».

Rang Indice Type de document

1 43,69 présentation de produit2 36,42 article général3 35,25 programmation de jeux4 30,33 article économique5 29,33 article technologique6 22,88 cours7 22,78 entretien8 22,75 publicité grand public9 21,17 article spécialisé

10 12,68 note de service11 11,6 carnet de notes et messages12 10 traduction

Au niveau des grandesorientations, il faut constater quel'implantation des termes français (engénéral) et celle des termes officiels( en particulier) subissent les effetsnégatifs du statut de languesecondaire (subalterne) del'informatique dévolu au français. Cestatut subalterne dit que le françaisvient après l'anglais, sauf décisiondélibérée (traduction) dans les limitesde l'indéracinabilité du code, et ced'autant plus que les publics seréduisent (initiation et confréries) etque la technicité augmente, tant en cequi concerne les secteurs que les typesde documents ou les types de publics.Seule, au sens large, l'intentiondidactique contribue à réduire la partde l'anglais et à augmentercorrélativement la part des termesofficiels.

L'analyse s'est effectuée par voied'enquête auprès d'informateurstravaillant dans le domaine del'informatique, utilisantabondamment des outilsinformatiques ou suivant uneformation dans ce même domaine.

Un premier questionnaire visaità déterminer si les personnesconcernées sont en mesure de définirles termes officiels constituantl'échantillon retenu et un secondquestionnaire visait à déterminer sices mêmes personnes sont capables dedésigner les notions décrites par lesdéfinitions officielles constituant unsecond échantillon sélectif.

Pour ce qui est de définir lestermes officiels, sur un total de 1 029références, les personnes interrogéesproposent des définitions acceptablesdes termes officiels dans 23% des cas

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seulement, les réponses étant erronéesdans 14% des cas et absentes dans63% des cas. Pour ce qui est,inversement, de désigner les notionsdéfinies, sur un total de 1093références, on note 18% de situationsdans lesquelles aucune désignationn'est proposée, 12% de cas danslesquels la désignation proposée est ladésignation officielle, 33% de cas danslesquels la désignation proposée estune désignation française nonofficielle, 29% de cas dans lesquels ladésignation proposée est unedésignation anglaise et 6% de cas danslesquels la désignation proposée estune désignation tronquée.

Globalement, les termes officielsconstituant l'échantillon faisantl'objet de l'étude par questionnairesont très mal connus. L'anglaisapparaît, une fois encore, solidementimplanté face au français et lesdéfinitions des termes officielsn'évoquent que rarement les termescibles. En même temps, l'analysedétaillée des réponses fait apparaîtreque les facteurs favorisant la bonneperception et la bonne diffusion destermes officiels sont la transparence(exemple ludiciel), le parallélisme desformes ou leur décomposition, etl'effet de publicité (exemple mémoirecache). Au contraire, la francisation etla normalisation terminologiques sontfreinées par la basse fréquenced'utilisation des concepts (exemple decodet), la concurrence généralisée del'anglais, et le caractère « exotique»des désignations (exemple boule decommande).

Un second élément caractérisantle potentiel d'implantation estl'inscription des termes officiels dansles dictionnaires du domaine. Nousavons par conséquent conduit uneétude de douze dictionnaires del'informatique. Le constat est que lesdictionnaires ne pratiquent nullementune politique d'inscriptionsystématique des termes officiels etque, plus encore, lorsque ces dernierssont présents, il sont accompagnés

d'une forme concurrente nonofficielle.

Facteurs favorisantset freins

Pour mieux comprendre lesmécanismes de la francisation et de lanormalisation terminologiques, nousavons effectué une enquêtecomplémentaire auprès desinformateurs. Cette enquête portaitsur divers aspects des comportementslinguistiques et des éventuels systèmesde valeurs des uns et des autres. Ellefait ressortir plusieurs pointsfondamentaux qui viennentgénéralement confirmer les donnéesdégagées au titre des phasesprécédentes. Tout d'abord, elleconfirme que les professionnels del'informatique ont une conscienceaiguë de l'existence de problèmeslinguistiques au sens large etterminologiques au sens strict et quedeux camps s'opposent avec, d'uncôté, les tenants d'un laisser-fairelinguistique qui fait la part belle àl'anglais et, de l'autre, les tenantsd'une attitude militante deprotection, développement, etharmonisation des usagesterminologiques et des désignations.

Plus particulièrement, la majoritédes personnes interrogées (42% dansl'absolu et 60% en fréquencecorrigée) voit dans l'anglais une«langue supérieure» del'informatique, en vertu d'une sortede «légitimité par antériorité» et parpénétration liée à celle de ses supports(la langue anglaise « venant avec» lesmatériels et logiciels pour 61% deinterrogés). La supériorité de l'anglaisserait ensuite due au fait que lestermes français correspondant àl'anglais ne sont, par définition, pasprésents pour s'opposer, le caséchéant, à une pénétration et à uneimplantation de l'anglais. Onretrouve donc ici la combinaisond'une pré-implantation de l'anglais

sur le support des outils et d'uneabsence de résistance du françaispuisque ce français « n'existe pas».Les autres réponses reflètent lespréjugés les plus divers et,notamment, le désir de valorisationdes utilisateurs de la langue dite«meilleure », Ce dernier point prendtoute son importance dans un milieuqui se définit comme un milieu dehaute technologie et donc comme unmilieu de forte implantation determes anglais. Au fond, quatr-grands axes se dégagent. Le premierest celui de l'implantation directe del'anglais lorsqu'il se présente sansconcurrent, le second celui des« qualités de communication»attribuées à l'anglais, le troisième,celui de la valorisation des utilisateursde termes anglais, et le quatrième,celui de l'absence de contre-mesures(apparition tardive des concurrentsfrançais). L'anglais apparaît ainsicomme pré-implanté, légitime(puisque plus « efficace») et, en toutétat de cause, non confronté àl'obstacle d'un français concurrent.On constate également que leséventuelles gênes liées à l'utilisationde l'anglais ne concernentaucunement la terminologie.

Ceci étant, les personnesinterrogées expriment un très fortsouhait de francisation du vocabulairede l'informatique. Rejetée a priori parune frange infime de 1 echantillon, lafrancisation est jugée souhaitable,nécessaire, ou indispensable dans tousles autres secteurs et notamment dansceux de la documentation desproduits, des logiciels, del'information et de la promotion-vente. En fin de compte, les réponsesconfirment le caractère indispensablede la francisation là où le modeopératoire domine et son caractèrefacultatif là où « on se débrouille»( maintenance) et là où l'anglais est lamarque de la compétence(recherche). Accessoirement, lecritère de nécessité rejoint celui de ladiffusion: plus la diffusion desproduits est large, plus la nécessité est

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fortement ressentie. En même temps,seule la moitié de la populationconcernée est susceptible de souhaiterune création néologique immédiate etprès de la moitié de l'échantillondéclare avoir déjà subi une gêne ouun préjudice du fait de l'utilisation determes français.

Les facteurs susceptibles defreiner la francisation du vocabulairede l'informatique sont, dans cetordre, la glcbalisation des marchés,l'inertie et l' habitude, le retard dansla création des termes français, laproduction directe de documentationsen anglais, les coûts de la francisation,la supériorité de l'informatique anglo-saxonne ou «de langue anglaise », lesformations à l'anglais, l'inutilité defait de la francisation (puisquel'anglais est langue universelle), laperte d'image liée à l'utilisation dufrançais, la perte de valeurtechnologique ajoutée liée à cettemême utilisation du français, et lesimpossibilités techniques.

Inversement, l'échantillonanalysé estime que la francisationserait favorisée, dans cet ordre, par lacréation de termes français à mesureque des termes anglais arrivent, lerenforcement de la traduction, ledéveloppement de produits et servicesfrançais, l'utilisation de la langue desclients, la définition d'une politiquecommune à tous les fournisseurs,l'exemple donné par les médias, ledésir d'utiliser la langue du paysd'implantation, la recherche del'efficacité en marketing, la définitionde politiques linguistiquesd'entreprises, la création de servicesnationaux de terminologie et denéologie, le désir de franciser l'imagede la société industrielle oucommerciale concernée,l'interventionnisme et le militantismedes ti .ducteurs, la résistance passiveet, très loin derrière, la formation derédacteurs francophones.

Dans le domaine de lafrancisation, la population consultéeestime que la responsabilité premièreincombe aux entreprises agissant

collectivement, l'intervention despouvoirs publics étant citée en secondlieu, avec un score bien inférieur. Acette responsabilité conjointe ducorps industriel et des pouvoirspublics s'ajoutent les responsabilitésbien moins nettement confirmées degroupes professionnels (traducteurs,rédacteurs, etc.). Dans le domaine dela norrnali atio l le responsabilitéss'organisent selon la même structure,à ceci près que les traducteursreculent alors que les formateurs sontpriés de monter au créneau.

S'il lui arrive de porter desjugements sévères sur certains termesofficiels, notre groupe d'informateursconsidère que les propositions denormalisation sont majoritairementexpressives et justes. Il confirmeégalement qu'un terme initialementmal reçu ou mal perçu peut trouversa place et que l'intervention despouvoirs publics est généralement«souhaitable, mais avec réserves ». Ilsaffirment que l'action des pouvoirspublics ne doit pas être coercitive ourépressive mais qu'elle doit, aucontraire, être incitative et revêtir laforme d'une mise en oeuvre d'unepolitique nationale de francisation del'informatique, de la création d'unréseau national de francisation de laterminologie, de la mise en placed'une banque de données nationaledes termes de l'informatique, d'uneaide à la diffusion des travaux desgroupes de francisation d'entreprises,et de campagnes de sensibilisationdiverses.

A l'évidence, la populationinterrogée ne connaît ni lescommissions de terminologie ni, a

fortiori, les résultats de leurs travaux.Aucune action de francisation n'a étéengagée dans 81% des sociétés ouorganismes auxquels appartiennent lespersonnes interrogées. Lorsqu'il y aeu action de francisation, elle estintervenue par définition et mise enoeuvre d'une politique générale defrancisation (33% des cas réels), parmultiplication et développement destraductions (83% des cas réels), par

formation de rédacteurs spécialisés(50% des cas réels), par sensibilisationdes personnels (50% des cas réels),par création d'un groupe chargé de lafrancisation (20% des cas réels), parmise en place d'une banque de termesd'informatique (20% des cas réels),par création collective de néologismes( 40% des cas réels), et par mesuresfinancières incitatives (9% des casréels ).

Conclusion

Les principes et méthodes del'étude d'implantation que nousavons menée ont évolué à mesure quedes résultats apparaissaient et il seconfirme qu'il reste à établir une ouplusieurs méthodologies de l'étuded'implantation. Ceci étant, il est clairque les termes officiels del'informatique sont effectivementimplantés, sans doute parce quebeaucoup d'entre eux l'étaient déjàavant de recevoir la confirmation del' of.ficialisation. E!l même temps, aumOInS pour ce qUI concernel'informatique, le combat de lafrancisation doit précéder celui de lanormalisation: l'anglais estomniprésent, survalorisé, et d'autantplus conquérant que tardent àapparaître les dénominationsfrançaises. Mais, exception faite deceux qui s'imaginent que quelquesmots d'anglais suffisent à les poser ensuper-spécialistes, la conscience duproblème est vive chez tous lesintéressés. Plus encore, les suggestionsd'interventions abondent et le détailde l'étude permet de définir desorientations stratégiques en ce quiconcerne le moment d'incidence desdécisions de francisation etd'aménagement terminologiquecomme en ce qui concerne lesvecteurs de la francisation et del'aménagement. Un exposé aussisuccinct que celui qui précède ne peuten aucune façon rendre compte de lacomplexité des données et des

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Page 7: Communications Implantation des termes officiels de l

Communications

solutions et on peut seulementespérer qu'une plus large diffusiondes résultats contribue à dissipercertaines illusions, à réduire à néantcertains préjugés, et à lancer un débatsur l'aménagement terminologiqueconsécutif aux décisions normativeset aux recommandations.

Daniel Gouadec,Craie,Université de Rennes 2,France.

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