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LA LOI ELECTORALE TUNISIENNE DE 2014 COMMENTAIRE DE LA LOI ORGANIQUE N° 2014-16 DU 26 MAI 2014 RELATIVE AUX ELECTIONS ET AU REFERENDUM ET DE DIFFERENTS TEXTES D’APPLICATION RAPPORT

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LA LOI ELECTORALE TUNISIENNE DE 2014

COMMENTAIRE DE LA LOI ORGANIQUE N° 2014-16 DU

26 MAI 2014 RELATIVE AUX ELECTIONS ET AU

REFERENDUM ET DE DIFFERENTS TEXTES

D’APPLICATION

RAPPORT

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Cette analyse a été rédigée par Mehdi Foudhaili, Denis Petit et Geoffrey Weichselbaum. Elle a bénéficié des commentaires de Michael Meyer-Resende et de Henrik Ahrens. L’édition a été assurée par Thibault Delamare, Dalia Barsoum et Katharina Jautz. agshenhdhdjjdjjjdhhuuuiujju

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LA LOI ELECTORALE TUNISIENNE DE 2014

COMMENTAIRE DE LA LOI ORGANIQUE N° 2014-16

DU 26 MAI 2014 RELATIVE AUX ELECTIONS ET AU

REFERENDUM ET DE DIFFERENTS TEXTES

D’APPLICATION

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TABLE DES MATIERES

I. RESUME .............................................................................. 5

LISTE DES RECOMMANDATIONS ................................... 6

II. LE CONTEXTE POLITIQUE ........................................... 11

III. REMARQUES LIMINAIRES A L’ANALYSE DE LA LOI ELECTORALE .................................................................................. 15

IV. LA REFORME ELECTORALE ........................................ 17

V. DROITS DE SUFFRAGE ................................................. 19

VI. LE REGISTRE DES ELECTEURS ET LES LISTES DES ELECTEURS ............................................................................ 26

VII. LA PRESENTATION DES CANDIDATURES AUX ELECTIONS LEGISLATIVES ET PRESIDENTIELLES .............. 28

VIII. LA CAMPAGNE ELECTORALE ..................................... 32

IX. LE FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE .................................................................................. 36

X. LES OPERATIONS DE VOTE ........................................ 37

XI. LES INFRACTIONS ELECTORALES ............................ 38

XII. LES OBSERVATEURS .................................................... 39

XIII. LE CONTENTIEUX ELECTORAL .................................. 40

5

I. RESUME

La Loi organique n°2014-16 du 26 mai 2014 relative aux

élections et au référendum (ci-après « Loi électorale ») marque

une étape décisive dans la consolidation du droit électoral

tunisien au regard des normes et standards internationaux

pertinents. La loi abroge les mesures d’exception de 2011 qui

restreignaient de manière excessive tant le droit de vote que le

droit de se porter candidat. Elle renforce les pouvoirs de l’ISIE,

amorce un processus devant mener à terme à la mise en place

d’un registre électoral, renforce et rationalise le dispositif de

contrôle du financement des dépenses électorales, simplifie les

procédures contentieuses et, de manière générale, accroit la

transparence du processus électoral. Ceci dit, sur certains

aspects, la loi reste en deçà des exigences des normes et

standards internationaux. En ce qui concerne le droit de se

porter candidat, la Constitution imposait aux législateurs la

confirmation dans la loi d’exclusions non conformes à ces

normes et standards : l’exclusion, aux élections législatives, des

électeurs ayant acquis la nationalité tunisienne depuis moins de

10 ans ; l’exclusion, aux élections présidentielles, des électeurs

binationaux (sauf à renoncer à leur autre nationalité), des

électeurs qui ne sont pas citoyens de naissance et des électeurs

qui ne sont pas de confession musulmane. Par ailleurs, la loi

reste transitoire en ce qu’elle n’est pas complète, l’ISIE ayant été

amenée à combler certaines lacunes ou omissions au travers de

nombreux textes d’application. Il est essentiel que ces textes

soient refondus en un ensemble cohérent qui renforce

notamment les dispositions relatives à la campagne électorale

dans un sens plus favorable à la libre communication des idées

et programmes électoraux et complète le cadre juridique

nécessaire à la mise en place d’un registre électoral permanent.

La Loi électorale a été une des lois clés de la transition politique

tunisienne, passée quelques semaines après l’adoption de la

nouvelle Constitution du 26 janvier 2014. La Loi électorale est

destinée à s’appliquer à tous les scrutins à venir, élections

présidentielles et législatives comme référendums. Néanmoins,

les premières élections présidentielle et législatives devant se

tenir, en vertu de dispositions transitoires de la nouvelle

Constitution, avant la fin de l’année 2014, la priorité fut de

formuler un cadre général, laissant à l’Instance supérieure

indépendante pour les élections (ci-après « ISIE ») une grande

marge de manœuvre, quitte à ce que le législateur intervienne

par la suite pour consolider les textes.

Ceci étant, la Loi électorale marque une avancée significative

sur la voie de la consolidation du droit électoral tunisien. Elle

apporte des améliorations notables (voir Chapitre III, page 24) à

la législation antérieure, y compris le décret-loi n°2011-35 et les

textes afférents qu’elle refond en un ensemble cohérent, enrichi

de dispositions nouvelles qui précisent certains aspects et

notamment renforcent les pouvoirs de contrôle et d’exécution de

l’ISIE, et ce, conformément au droit international.

La Loi électorale renforce les droits fondamentaux des citoyens.

Elle abroge des dispositions qui furent controversées en 2011, à

savoir la privation du droit de vote pour les personnes dont les

biens avaient été confisqués après le 14 janvier 2011 (Ben Ali

ainsi que certains membres de sa famille et de son entourage) et

les clauses d’inéligibilité frappant les personnes en raison de

leur passé politique. Elle innove par rapport à 2011 sur les

questions de financement de la campagne électorale, dont les

dispositions atteignent un niveau d’élaboration qu’elles n’avaient

pas alors. Elle adopte le principe d’un registre électoral

permanent et confirme l’engagement constitutionnel en faveur

de l’égalité entre hommes et femmes à travers la composition

paritaire et alternée des listes candidates. Elle favorise les

candidatures des jeunes. Elle consolide le système d’aide

publique au financement de la campagne électorale, renforce la

transparence du processus électoral et de l'administration

électorale et rationalise la nomenclature des infractions

électorales. Elle élargit le droit d’agir en matière de contentieux

des candidatures et prévoit des procédures simplifiées dans les

différents contentieux qui se succèdent tout au long du

processus électoral. De manière générale, elle tend à plus de

LA LOI ELECTORALE TUNISIENNE DE 2014

COMMENTAIRE DE LA LOI ORGANIQUE N° 2014-16 DU 26 MAI

2014 RELATIVE AUX ELECTIONS ET AU REFERENDUM ET DE

DIFFERENTS TEXTES D’APPLICATION

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transparence, à différents niveaux, y compris en ce qui concerne

la publication et la proclamation des résultats électoraux.

Cependant, elle n’accomplit qu’une partie du chemin et reste,

dans une certaine mesure, un texte de transition1. Des aspects

fondamentaux du processus électoral ne sont pas traités dans la

loi et de nombreux textes d’application, laissés à la discrétion de

l’ISIE, ont été nécessaires pour combler les lacunes du cadre

légal ou prendre les mesures exigées de jure ou de facto par

celui-ci. Il est recommandé que le plus tôt possible soient

entreprises la consolidation et l’harmonisation du droit électoral

tunisien sur la base des enseignements tirés des élections

législatives et présidentielle de 2014. C’est une question de

sécurité juridique, de stabilité, de transparence et d’accessibilité.

A cet égard, la consolidation du droit électoral tunisien passe par

une réflexion sur une meilleure répartition entre domaine

réglementaire et domaine législatif. Elle devrait conduire à la

refonte en un ensemble cohérent de la loi et de ses textes

d’application.

Sur le fond, comme les textes antérieurs et ce malgré la levée

des interdictions évoquées ci-dessus, la Loi électorale reste

marquée par une approche restrictive sur la question du droit de

vote et d’éligibilité. Comme en 2011, elle prive du droit de vote

les militaires et agents de sécurité, sans justification autre

qu’une position de principe fondée sur des risques

hypothétiques. Elle refuse aux électeurs ayant acquis la

nationalité depuis moins de 10 ans le droit de se porter candidat

aux élections législatives. Elle ne permet pas aux électeurs qui

ne sont pas des tunisiens de naissance ou qui ne sont pas de

confession musulmane de se présenter aux élections

présidentielles. Elle contraint les électeurs binationaux se

présentant à l’élection présidentielle à renoncer à leur autre

nationalité en cas d’élection. Ces exclusions trouvent leur origine

dans la Constitution. Elles ne peuvent donc être abrogées sans

une réforme préalable de la Constitution, ce qui n’est pas

envisageable à court terme. Il conviendrait cependant d’engager

une réflexion sur ces différentes exclusions afin d’ouvrir la voie à

leur suppression à terme.

Les dispositions relatives à la campagne électorale manquent de

clarté et de cohérence. Leur approche est restrictive. Elles font

prévaloir le souci d’équité entre candidats sur la liberté

d’expression et de communication. Elles le font d’une manière

excessive, restreignant le libre choix des électeurs dans des

proportions déraisonnables, alors même que les nouvelles

dispositions concernant les dépenses électorales et les sources

de financement auraient été à même d’assurer, en amont, des

conditions équitables de concurrence des candidats et de leurs

programmes. En aval, la loi ne prévoit pas de procédures

contentieuses spécifiques pour les infractions aux règles

régissant la campagne électorale. Par ailleurs, elle impose des

conditions déraisonnables aux candidats menant campagne au

travers de médias étrangers, leur faisant notamment obligation

de s’assurer du respect par ces derniers, non soumis au droit

1 Comme en attestent, du reste, des dispositions transitoires du Titre VII qui reconduisent certains aspects ou aménagements propres à l’élection de 2011 (voir notamment les articles 169, 172, 173 et 174).

tunisien, d’un devoir de neutralité. De manière générale, les

dispositions relatives à la campagne électorale auraient besoin

d’être clarifiées et réorganisées.

Par ailleurs, la Loi électorale ne va pas aussi loin que pouvaient

l’y conduire les enseignements tirés des élections de 2011. Par

exemple, elle entérine le principe du registre électoral permanent

mais elle n’en tire pas toutes les conséquences, restant dans le

domaine du provisoire et n’en traitant pas tous les aspects. De

même, elle reconduit le dispositif de la composition paritaire des

listes candidates mais sans apporter les améliorations

susceptibles d’accroître son efficacité, telles que l’imposition de

quotas au niveau des têtes de liste.

Pour autant que l’objectif soit de consolider le droit électoral,

comme évoqué ci-dessus, il est essentiel que toute réforme

électorale soit entreprise suffisamment de temps avant les

prochaines échéances électorales et qu’elle le soit dans des

conditions qui permettent une large consultation de l’ensemble

des acteurs du processus électoral, y compris les organisations

de la société civile.

Ci-dessous sont reprises toutes les recommandations contenues

dans la présente analyse.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Réforme électorale

1. Il est recommandé que, le plus tôt possible, soient

entreprises la consolidation et l’harmonisation du droit

électoral tunisien sur la base des enseignements tirés de

la mise en œuvre des textes législatifs et réglementaires

qui ont régulé les élections législatives et présidentielle

de 2014. Cette réforme devrait permettre de satisfaire

aux exigences de sécurité juridique, de stabilité, de

transparence, de lisibilité et de prévisibilité, de manière à

ce que les aspects fondamentaux du processus électoral

soient traités dans la loi. La consolidation du droit

électoral tunisien devrait inclure une réflexion sur une

meilleure répartition entre matière réglementaire et

matière législative. Elle devrait conduire à la refonte en

un ensemble cohérent de la loi et de ses textes

d’application.

2. Toute réforme du droit électoral tunisien devrait être

entreprise de manière à ce qu’elle puisse s’achever

suffisamment de temps avant les prochaines élections

pour que tous les acteurs de l’élection puissent être

consultés et se familiariser avec le cadre juridique de

l’élection.

Droit de vote

3. L’alinéa 1 de l’article 6 qui prévoit la privation du droit de

vote pour les personnes condamnées à titre de peine

complémentaire (au sens de l’article 5 du Code pénal)

constitue une avancée par rapport à la législation

antérieure en ce qu’il prévoit l’examen par le juge de

toute mesure de privation. Cependant, il est essentiel

que toute interdiction de vote ne puisse être prononcée

que pour des infractions graves, ce que la loi ne précise

pas. Le pouvoir discrétionnaire du juge devrait être

encadré afin de garantir une application uniforme de

7

cette disposition en tenant compte de la gravité de

l’infraction. Il devrait être précisé à l’article 6 que toute

peine complémentaire d’interdiction de vote des

personnes condamnées ne peut être prononcée pour

une durée excédant celle de la peine principale.

4. En outre, des dispositions devraient être prises pour que

des personnes disposant du droit de vote telles que les

détenus n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation

définitive ainsi que les personnes hospitalisées, puissent

effectivement exercer leur droit de vote.

5. Parce qu’elle affecte, de manière générale, automatique

et indiscriminée, une catégorie entière de la population,

l’interdiction de vote pour les militaires et agents des

forces de la sécurité intérieure prévue à l’article 6, alinéa

3 de la Loi électorale, constitue une atteinte substantielle

au principe du suffrage universel tel que défini dans les

textes internationaux et tel qu’il s’apprécie aujourd’hui

dans la pratique des Etats. Il y aurait lieu d’engager une

réflexion devant mener à terme à reconnaître au

personnel des armées le droit de vote, tout en prévoyant

des mesures spécifiques afin de permettre aux militaires

d’exercer ce droit en toute indépendance, sans être

exposés à des violences ou à des menaces de violence,

à la contrainte, à des offres de gratification ou à toute

intervention manipulatrice.

6. Il est recommandé que la Loi électorale soit sans

ambigüité sur le fait que les conscrits disposent du droit

de vote, quitte à prévoir des mesures spécifiques afin de

permettre d’exercer ce droit sans être exposés à des

influences indues, à toute intervention manipulatrice ou à

une coercition de quelque nature que ce soit, qui

pourraient fausser ou entraver la libre expression de leur

volonté.

7. Il est recommandé que la levée de l’interdiction de vote à

l’encontre des agents de la sécurité intérieure fasse

partie de toute réforme à venir du droit électoral. Au

regard d’un droit international, encore incertain sur la

question, mais porté vers un contrôle de plus en plus

strict de toute mesure de privation du droit de vote, y

compris celle concernant les personnes atteintes d’un

handicap mental ou psychosocial, il y aurait lieu de faire

en sorte que la privation du droit de vote pour « démence

continue » (article 6, alinéa 3, de la Loi électorale) fasse

l'objet d'un examen spécifique, sous le contrôle du juge.

Par ailleurs, les décisions judiciaires de mise sous tutelle

devraient spécifier si la mise sous tutelle est prononcée

pour « démence continue » ou « démence intermittente »

de façon à éviter que l’interdiction de vote ne soit de

facto étendue aux personnes souffrant de « démence

intermittente ».

Droit de se porter candidat

8. L’article 19 de la Loi électorale qui prévoit notamment

que seuls les électeurs de nationalité tunisienne depuis

au moins dix ans peuvent se porter candidats aux

élections législatives, devrait être reconsidéré.

L’exclusion des citoyens ayant acquis la nationalité

depuis moins de dix ans n’est pas conforme à l’article 25

du PIDCP qui ne permet pas de distinction « entre les

citoyens de naissance et les citoyens par naturalisation».

Le principe de la libre expression de l’opinion du peuple

veut qu’il appartienne aux seuls électeurs d’accorder ou

non de l’importance à de telles distinctions entre les

candidats qui se présentent à leur suffrage.

A noter cependant que l’article 19 de la Loi électorale ne peut

pas être amendé sans que l’article 53 de la Constitution l’ait été

au préalable.

9. L’article 40 qui prévoit que les électeurs qui ne sont pas

tunisiens de naissance ne peuvent pas se porter

candidats à l’élection présidentielle, devrait être amendé.

Une telle exclusion est contraire à l’article 25 du PIDCP

tel que l’interprète le Comité des droits de l’homme qui

considère que « toute distinction entre les citoyens de

naissance et les citoyens par naturalisation est

incompatible avec l’article 25 ».

A noter cependant que l’article 40 de la Loi électorale ne peut

pas être amendé sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été

au préalable.

10. Il est recommandé que l’interdiction faite, en vertu de

l’article 40 de la Loi électorale, aux électeurs qui ne sont

pas de confession musulmane de se porter candidats à

l’élection présidentielle soit levée. Cette exclusion est

contraire aux articles 18, paragraphe 2, et 25 du PIDCP

tel qu’interprétés par le Comité des droits de l’homme. Le

principe de la libre expression de l’opinion du peuple veut

qu’il appartienne aux seuls électeurs d’accorder ou non

de l’importance à ce fait.

A noter que l’article 40 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été au préalable.

11. Le paragraphe 2 du même article 40 dispose que tout

électeur, titulaire d’une autre nationalité que la nationalité

tunisienne, « doit présenter dans son dossier de

candidature un engagement d’abandon de l’autre

nationalité au moment où il est proclamé Président de la

République ». Il y aurait lieu d’engager une réflexion sur

l’opportunité d’abroger l’obligation pour les électeurs

binationaux de renoncer à leur deuxième nationalité au

cas où ils sont élus à l’élection présidentielle, notamment

en menant une évaluation des effets qu’aurait la

suppression de cette obligation et en s’inspirant des

pratiques observées dans d’autres pays.

A noter que l’article 40 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été au préalable.

L’inscription des électeurs

12. La Loi électorale est extrêmement succincte (articles 7, 8

et 9) sur les questions se rapportant à la tenue et à la

mise à jour du registre électoral. Il est recommandé que

la Loi électorale traite du registre électoral de manière

moins succincte, quitte à ce que certaines modalités

techniques soient arrêtées sous forme réglementaire. En

particulier, dans un régime de mise à jour continue du

registre électoral où l’inscription repose sur une

démarche volontaire, il est recommandé que les textes

précisent les conditions d’accès au registre, la procédure

à suivre pour demander des corrections et traitent

également des questions de confidentialité des données.

13. Il est recommandé que la durée de publication des listes

des électeurs soit précisée dans la Loi électorale et

qu’elle soit d’une durée raisonnable pour que les

intéressés aient suffisamment de temps pour consulter

les listes et y vérifier les données les concernant ou

concernant les autres électeurs de leur circonscription.

8

En tout état de cause, un seul jour d’affichage n’est pas

suffisant.

14. Il est recommandé qu’une réflexion soit engagée dans un

futur proche sur la possibilité d’imposer aux prochaines

élections, notamment les élections locales à venir, une

condition de résidence assortie des moyens de vérifier la

véracité des adresses déclarées.

Dépôt des candidatures

15. Il est recommandé que la Loi électorale précise le délai

dont disposent les listes candidates (élections

législatives) et les candidats (élections présidentielles)

pour faire acte de candidature et qu’y soit également

précisée, dans le cas des élections législatives, la durée

d’affichage des listes candidates qui doit être

suffisamment longue pour permettre aux électeurs et

candidats d’en prendre connaissance et, pour les

derniers, de faire d’éventuelles réclamations.

16. Il est recommandé que la présentation du bulletin n°3 du

casier judiciaire (requise à l’article 9 de la décision de

l’ISIE n°2014-16 du 1er août 2014), comme pièce à

joindre au dossier de candidature, ne soit plus exigée

des candidats aux prochaines élections législatives. Il est

important que les moyens utilisés par l’ISIE pour vérifier

que les candidats remplissent les conditions énoncées à

l’article 19 de la Loi électorale ne se traduisent par des

formalités supplémentaires non prévues par la loi,

placées à la charge des candidats et ainsi constituant

une entrave déraisonnable à l’exercice de leur droit de se

porter candidat. Le bulletin n°3 ne permet pas, de

surcroît, de vérifier de façon fiable l’éventuelle inéligibilité

de candidats. Des dispositions devraient être prises afin

de s’assurer de la collaboration de l’administration qui

centralise les casiers judiciaires (service de l’identité

judiciaire) avec l’ISIE, de manière à permettre à celle-ci

de vérifier l’éventuelle inéligibilité de candidats sans avoir

à exiger qu’ils en apportent la preuve eux-mêmes.

Les «parrainages citoyens» pour les candidatures à

l’élection présidentielle

17. Les procédures et méthodes de vérification des listes de

parrainage (article 41) devraient être renforcées. Des

sanctions dissuasives pour l’utilisation intentionnelle de

données erronées ou falsifiées pourraient être prévues.

18. Il devrait être permis à l’ISIE de ne pas vérifier toutes les

signatures mais seulement autant de signatures que

nécessaire pour atteindre le seuil fixé dans la loi.

19. Le délai d’examen des candidatures fixé à quatre jours

par la Loi électorale (article 45) n’est pas suffisant pour

que l’ISIE procède à toutes les vérifications nécessaires

et, de ce fait, devrait être plus long.

20. La Loi électorale ne devrait pas interdire qu’un électeur

parraine plus d’un candidat dans la mesure où un

parrainage n’est pas un soutien à un candidat mais un

soutien à la possibilité pour celui-ci de se porter candidat,

mais aussi parce qu’un candidat pourrait voir sa

candidature rejetée alors même qu’il a atteint le nombre

requis de signatures au motif que des électeurs ont

parrainé d’autres candidatures que la sienne, ce qu’en

toute bonne foi, il peut ne pas savoir.

21. Vu le nombre élevé de signatures requises, les candidats

devraient bénéficier d’un délai raisonnablement long pour

recueillir les parrainages et ce délai devrait être fixé dans

la loi.

Peut-être serait-il opportun d’engager une réflexion sur

l’opportunité de maintenir une procédure de parrainage-citoyen,

compte tenu des difficultés pratiques que soulève une telle

procédure et sachant que le cumul de cette condition avec le

paiement d’une caution (remboursable seulement si le candidat

a obtenu au moins 3% des suffrages exprimés) peut être

considéré comme excessif au regard de l’objectif de pluralisme

politique et qu’en outre, son caractère dissuasif n’est pas avéré.

A noter cependant que c’est la Constitution qui prévoit le

parrainage par des électeurs inscrits.

La parité entre hommes et femmes

22. Afin d’accroître la représentation des femmes au sein de

l’Assemblée des représentants du peuple et des autres

Conseils élus, il est recommandé de considérer la

possibilité d’imposer à l’avenir un quota au niveau des

têtes de listes partisanes de façon à ce que les femmes

ne soient pas presque systématiquement placées en

seconde position sur les listes, ce qui viderait de son

sens l'obligation d'alterner les candidats en fonction du

sexe.

23. A moyen terme, afin d’atteindre les objectifs énoncés

dans la nouvelle Constitution, il pourrait être envisagé un

ensemble de mesures dépassant le seul cadre de la

législation électorale et qui s’attaque, notamment en

amont, aux causes de la non-représentation ou de la

marginalisation des femmes au sein des instances

dirigeantes des partis politiques.

L’interdiction de la publicité politique durant la « période

électorale »

24. Il est recommandé de clarifier dans la loi les notions de «

publicité politique » et de « propagande électorale »

telles que définies aux articles 3 et 59 de la Loi électorale

respectivement, de manière à éviter toute divergence

d’interprétation dans leur application à tous les échelons

de l’administration électorale. Le souci d’équité ou

d’égalité dans l’accès des candidats aux moyens

d’information de l’électorat ne devrait pas se traduire par

des mesures d’interdiction d’une portée telle qu’elles

privent les candidats de la liberté de faire connaître leurs

idées et leurs programmes et les électeurs de les

connaître. Les articles 3 et 57 de la Loi électorale

devraient être amendés dans cet esprit.

L’interdiction de l’utilisation des médias étrangers dans le

cadre de la campagne électorale pour les élections

législatives

26. Il est recommandé que l’article 66 et les dispositions

réglementaires afférentes (qui interdisent l’utilisation des

médias étrangers sauf pour les listes candidates à

l’étranger et sous certaines conditions) soient amendés

de manière à ce que les listes candidates à l’étranger

puissent faire campagne au travers des médias

étrangers, et ce sans être soumises à des conditions

dont le respect est indépendant de leur volonté. Dès lors

que le vote à l’étranger est permis, rien ne justifie en

principe un régime dérogatoire en matière d’accès aux

médias pour les listes candidates à l’étranger. Toutes les

conditions posées à l’utilisation des médias étrangers

9

devraient ne concerner que ces seules listes et non des

acteurs non soumis au droit tunisien.

L’interdiction de publication de sondages pendant la

campagne électorale

27. Il est recommandé de raccourcir la durée du moratoire

sur la publication des sondages d’opinion et des

commentaires journalistiques afférents, en le recentrant

sur la « période de silence » telle que définie à l’article 3

(24 heures avant et durant le jour du scrutin). Il est

également recommandé que, comme prévu à l’article

172 de la Loi électorale, une loi réglementant les

sondages d’opinions soit adoptée d’ici les prochains

élections et qu’elle permette d’accroître la transparence

dans le mode de production, de diffusion et de

publication des sondages de manière à lever les

inquiétudes ayant conduit, dans le cadre de la campagne

électorale, à l’imposition d’un moratoire d’une durée

particulièrement longue. Enfin, la loi devrait lever toute

ambigüité au sujet du moment auquel prend fin ce

moratoire, notamment dans le cas d’élections

présidentielles.

Le financement de la campagne électorale

28. Il est recommandé de rendre compatibles ou de clarifier

les délais indiqués aux articles 78 et 86 respectivement,

à savoir un délai d’une semaine (article 78) pour apporter

la preuve du dépôt de la comptabilité auprès du Tribunal

des comptes (afin de percevoir la deuxième tranche de

l’indemnité) et un délai de 45 jours, toujours à compter

de la proclamation des résultats définitifs de l’élection,

pour déposer la comptabilité auprès du même Tribunal

des comptes.

29. Du reste, le délai d’une semaine accordé aux candidats

pour apporter la preuve que la première tranche de

l’indemnité a été dépensée au titre de « dépenses

électorales », à défaut de laquelle ils ne peuvent

percevoir la deuxième tranche de l’indemnité, devrait être

allongé car il est peu probable que les candidats aient la

possibilité, dans un laps de temps aussi court, de remplir

cette condition.

30. Il est suggéré de considérer la possibilité d’accroître la

transparence des dons et prêts consentis aux candidats

ou listes candidates, notamment en exigeant de ceux-ci

qu’ils publient, en plus de leurs comptes financiers

(comme exigé à l’article 87), la liste de leurs donateurs.

Le vote des électeurs handicapés

31. L’ISIE devrait préciser à l’avenir le type d’aménagements

susceptibles d’accroître l’accessibilité du bureau de vote,

ce qui doit s’apprécier non seulement au regard du choix

de l’emplacement du bureau de vote et de sa

configuration mais également des « procédures,

équipements et matériels électoraux » utilisés.

32. L’ISIE devrait avoir un rôle à jouer dans le lancement et

la promotion de campagnes d’information et de

sensibilisation destinées à accroître la participation des

personnes handicapées à la vie publique. Elle devrait

prendre des mesures visant à assurer une meilleure

diffusion des informations en amont de l’élection. En ce

sens, le dernier alinéa de l’article 67 qui prévoit la prise

en compte des « nécessités spécifiques » aux candidats

mériterait d’être précisé dans la loi ou par l’ISIE

directement.

Les infractions électorales

33. Il est recommandé de permettre au juge de moduler la

peine encourue par tout candidat à l’élection

présidentielle ayant enfreint les règles d’utilisation de

fonds étrangers en fonction de la gravité des faits

constatés, ce sur la base de l’article 53 du Code pénal ou

de toute autre disposition pertinente. Il pourrait être

envisagé de prévoir, en lieu et place d’une peine

automatique de cinq ans, une fourchette entre une peine

minimale et une peine maximale.

34. Les peines particulièrement sévères énoncées à l’article

163 sont prononcées en cas de violation de règles dont il

apparait que certains aspects (notamment la notion

même de « financement étranger ») ne sont pas précisés

dans la loi. C’est une atteinte au principe de légalité et de

sécurité juridique. Il est recommandé que ce soit la loi et

non des textes d’application, pour l’adoption desquels

aucun calendrier n’est précisé, contienne toutes les

précisions nécessaires de façon à ce que les candidats

puissent conformer, en temps utile, leurs actions aux

exigences de la loi.

Les observateurs

35. Il est recommandé que la Loi électorale précise une

date-limite pour l’examen des demandes d’accréditation

par l’ISIE. Il est important que les organisations qui

souhaitent observer l’ensemble du processus électoral

sachent de quel délai dispose l’ISIE pour traiter leur

demande d’accréditation.

36. Les observateurs devraient voir leurs droits précisés

dans la loi ainsi que les lieux auxquels ils peuvent se

rendre. En particulier, ils devraient se voir reconnaître un

droit d’accès aux centres de collecte.

37. Obligation devrait être faite à l’ISIE, à son Conseil

comme à ses instances régionales, de communiquer

toutes ses décisions en temps utile.

38. Il est recommandé que les textes d’application précisent

la procédure s’appliquant aux retraits d’accréditation en

prévoyant des garanties et des réponses graduées en

fonction de la gravité des faits reprochés.

Le contentieux électoral

L’inscription des électeurs

39. Par souci d’efficacité, il est recommandé de considérer

l’opportunité d’alléger la phase juridictionnelle du

contentieux de l’inscription des électeurs en ne prévoyant

qu’un seul degré de juridiction.

A noter qu’il semblerait que réviser la Loi électorale sur ce point

nécessiterait au préalable, la révision de l’article 108 de la

Constitution tunisienne qui instaure un principe général de

double degré de juridiction.

40. Afin de minimiser les risques de non-respect du principe

du contradictoire dans les procédures contentieuses

relatives à l’inscription des électeurs, il est recommandé

de prévoir des délais de dépôt et d’examen des plaintes

légèrement plus longs.

41. Il est recommandé que le délai d’affichage des listes des

électeurs soit d’une durée suffisante pour permettre aux

10

électeurs de les consulter et d’éventuellement faire des

réclamations.

42. Il est recommandé que ne soit pas exigé des requérants

de notifier le recours aux parties concernées. Il serait

préférable de charger le greffe de la juridiction concernée

de notifier le recours aux parties concernées.

43. En ce qui concerne le contentieux relatif à l’inscription

des électeurs, la Loi électorale devrait définir la

procédure applicable sans renvoyer à des dispositions

dans d’autres lois de manière à ce que le citoyen,

dispensé du ministère d’avocats pour ce type de

contentieux, ne soit pas désorienté.

Les candidatures (élections législatives)

44. Pour ce qui est du contentieux des candidatures aux

élections législatives, l’obligation pour la partie

requérante de notifier sa requête à l’ISIE et aux parties

concernées (article 27) est excessivement formaliste.

Cette notification devrait être à la charge du greffe de la

juridiction concernée et non du requérant.

45. La Loi électorale devrait préciser que tout comme pour

les recours en première instance à l’encontre d’une

candidature à l’élection législative, la partie requérante

est également dispensée du ministère d’avocat devant

les chambres d’appel du Tribunal administratif (article

29).

46. La Loi électorale devrait assouplir la formalité de recours

en appel à l’encontre de candidatures à l’élection

législative, en supprimant l’obligation de notification du

recours par voie d’huissier de justice (article 29). Cette

notification devrait être à la charge du greffe de la

juridiction concernée et non du requérant.

47. Dans le contentieux des candidatures à l’élection

législative, le silence de la loi sur la question de la

recevabilité des recours pour vice de forme ne devrait

pas être interprété par les juridictions de première

instance comme les contraignant à rejeter

systématiquement les recours qui ne respecteraient pas

les formalités procédurales énoncées dans la loi. En ce

qui concerne la procédure d'appel, la disposition relative

à l’irrecevabilité du recours pour cause du non-respect

des formalités (article 29) devrait être supprimée de la

Loi électorale et remplacée par une disposition assurant

plus de flexibilité afin de laisser une marge d’appréciation

aux juges en la matière.

48. La Loi électorale devrait prévoir des délais de jugement

en première instance et en appel plus longs de manière

à garantir le principe du contradictoire et notamment afin

de permettre aux juges de statuer dans de meilleures

conditions et dans le respect des garanties attachées à

la tenue d’un procès équitable.

Les candidatures (élections présidentielles)

49. Pour ce qui est du contentieux des candidatures à

l’élection présidentielle, par respect du droit au

contradictoire, il est recommandé d’allonger le délai de

recours qui, en l’état - et compte tenu également de

l’obligation de notification par voie d’huissier de justice

pendant le même délai de 48 heures -, constitue un

obstacle à la formulation d’une requête argumentée. Il

est également recommandé de prévoir des formalités de

recours moins contraignantes. Devrait notamment être

supprimée l’obligation de notifier le recours par voie

d’huissier de justice. Il serait préférable de charger le

greffe de la juridiction concernée de notifier le recours

aux parties concernées.

50. Il est recommandé que la Loi électorale fixe un délai de

jugement plus long devant les chambres d’appel et

l’Assemblée plénière juridictionnelle du Tribunal

administratif, notamment afin de permettre de procéder

aux vérifications nécessaires comme celles requises en

matière de parrainages citoyens.

La campagne électorale

51. Il est recommandé que les articles 71 à 74 de la Loi

électorale soient complétés afin de prévoir une

procédure de recours ouverte aux listes candidates,

candidats et électeurs, et leur permettant de porter

devant l’ISIE tout litige relatif à l’allégation d’infractions

aux règles et procédures régissant la campagne

électorale. Cette procédure pourrait cependant être

assortie d’un mécanisme de vérification ou de filtrage

des recours frivoles ou manifestement infondés afin

d’éviter l’engorgement de l’ISIE et des tribunaux. Les

délais de recours, d’appel et de jugement devraient être

précisés dans la loi. La procédure devrait être dénuée de

tout formalisme excessif.

Les résultats de l’élection

52. Il est recommandé que la Loi électorale précise le rôle

des instances régionales dans le contentieux des

résultats, notamment en leur octroyant un pouvoir

d’enquête et de rectification. Il y aurait lieu de prévoir la

possibilité d’effectuer les corrections qui s’imposent au

niveau des instances régionales dont les décisions

pourraient faire l’objet d’un recours devant le Conseil de

l’ISIE, procédure au terme de laquelle celui-ci, ayant

examiné tous les litiges en suspens, proclamerait les

résultats provisoires.

53. A terme, il pourrait être envisagé d’élargir le droit d’agir,

en matière de contentieux des résultats, à tous les

électeurs, quel que soit le type de scrutin (élections

législatives et présidentielles, référendum), considérant

que dans ce type de contentieux, le droit de contester le

résultat du scrutin est la traduction directe du droit

fondamental des citoyens à des élections transparentes

et honnêtes reflétant leur choix. Cette réflexion pourrait

également porter sur les mécanismes qui pourraient être

mis en place pour éviter l’engorgement du Tribunal

administratif.

54. Aussi bien pour les élections législatives et

présidentielles que pour les référendums, il est

recommandé d’allonger la durée des délais de recours.

L’Assemblée plénière juridictionnelle devrait, pour sa

part, disposer d’un délai plus long pour rendre sa

décision.

55. Il est recommandé que la Loi électorale contienne une

disposition précisant la publication par l’ISIE des

résultats détaillés, ce par quoi devrait être entendue la

publication des résultats, bureau de vote par bureau de

vote.

11

II. LE CONTEXTE POLITIQUE

La Loi organique n°2014-16 du 26 mai 2014 a été une des lois

clé de la transition politique tunisienne passée quelques

semaines après l’adoption de la nouvelle Constitution du 26

janvier 2014. Les premières élections démocratiques d’octobre

2011 avaient abouti à l’élection d’une Assemblée nationale

constituante (ANC) qui, tout au long de 2012 et 2013, a rédigé la

seconde Constitution de la République tunisienne.

Après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, les partis

politiques se sont attelés à la rédaction et l’adoption de la

nouvelle loi électorale pour les élections législatives,

présidentielles et les référendums. Le projet de loi initial a été

enregistré le 13 décembre 2013 au bureau de l’ANC. Il a été

débattu en séance de commission de la législation générale et

revu par d’autres commissions parlementaires2 du 13 février au

18 mars pour être adopté, après quelques semaines de débats

en séance plénière, le 1er mai 2014.

Des recours en inconstitutionnalité de certaines dispositions de

la Loi électorale ont retardé sa promulgation jusqu’au 26 mai.

Les partis politiques ont encore tardé à parvenir à un accord sur

le calendrier des élections. La décision de tenir des élections

législatives avant les présidentielles est intervenue fin juin3,

laissant quelques mois pour l’organisation de trois scrutins: un

scrutin législatif et deux tours pour l’élection présidentielle.

L’adoption d’un cadre juridique pour les élections seulement six

mois avant la tenue des élections aurait pu s’avérer

problématique. Certes, la Loi électorale et le décret-loi de mai

2011 présentent de nombreuses similarités tant pour ce qui est

de leur contenu que de leur organisation interne. Mais même en

l’absence de toute volonté de manipulation manifeste de la Loi

électorale en faveur des partis de la coalition au pouvoir, il est

important d’en éviter ne serait-ce que l’apparence. La pratique

qu’encouragent différentes organisations internationales,

notamment la Commission de Venise du Conseil de l’Europe et

l’Union européenne4, est que les éléments fondamentaux du

droit électoral ne puissent être modifiés moins d’un an avant une

élection, sauf à l’être au niveau constitutionnel ou à un niveau

supérieur à celui d’une loi ordinaire, ce qui fut le cas en Tunisie

puisque la loi adoptée était une loi organique. Cela dit, il est

recommandé qu’à l’avenir, toute réforme bénéficie de délais plus

2 Commission des droits et libertés et des affaires extérieures, commission des finances, de la planification et développement ainsi que la commission pour les réformes administratives et la lutte contre la corruption. 3 La loi fixant les dates des élections législatives et de l’élection présidentielle (loi n°2014-36) n’a été promulguée que le 8 juillet 2014. 4 «Les éléments fondamentaux du droit électoral, et en particulier le système électoral proprement dit, la composition des commissions électorales et le découpage des circonscriptions ne devraient pas pouvoir être modifiés moins d’un an avant une élection, ou devraient être traités au niveau constitutionnel ou à un niveau supérieur à celui de la loi ordinaire. » (Commission de Venise, Code de bonne conduite en matière électorales, Lignes directrices, 2.b; rapport explicatif, paragraphes 63 à 67). Voir également le Manuel d’observation électorale de l’UE, Commission européenne, seconde édition 2008, page 47 : « La sécurité et la transparence du processus électoral sont renforcées quand le cadre juridique est élaboré bien avant l’annonce de la date de l’élection. Des changements tardifs dans une législation ou des retards dans l’adoption de la réglementation relative à des questions clés peuvent affaiblir un processus électoral ».

longs afin de laisser plus de temps aux acteurs politiques et aux

électeurs pour se familiariser avec les dispositions de la loi5.

Bien que le délai d’adoption de la loi ait été relativement court,

un certain degré de consultation avec des organisations

nationales et internationales engagées dans la réforme

électorale a eu lieu. Certaines recommandations émanant

d’organisations tunisiennes actives dans le plaidoyer électoral

ont été intégrées. Celle concernant par exemple le rôle des

organisations de la société civile dans l’observation électorale a

été intégrée dans la dernière mouture de la loi6. De plus, la base

de discussion sur laquelle la proposition de Loi électorale s’est

faite émanait de deux organisations de la société civile7 qui

l’avaient elles-mêmes écrite en collaboration avec d’autres

membres de la société civile et des milieux universitaires. Cette

collaboration est une des spécificités du modèle de réforme

légale postrévolutionnaire en Tunisie où le législateur fait

souvent preuve d’ouverture à l’égard des propositions de la

société civile.

La Loi électorale, supposée être permanente et donc valable

pour les futurs scrutins, semble avoir été élaborée en ayant à

l'esprit les premières élections législatives et présidentielle.

Comme mentionné ci-dessus, ces premières échéances

électorales étant prévues dans la nouvelle Constitution elle-

même, par voie d’une disposition transitoire, au plus tard à la fin

de l'année 2014, il est apparu prioritaire pour les membres de

l'ANC de se concentrer sur ce qu’ils percevaient comme

l’essentiel, et dès lors d’éviter de prolonger les débats et

d’hypothéquer ainsi la tenue d’élections en 2014. Par ailleurs, le

législateur a voulu laisser le maximum de flexibilité à l'ISIE afin

qu'elle ne soit pas bloquée dans son action par des lacunes

législatives qui auraient nécessité une révision de la Loi

électorale. Ces contraintes ont pu justifier certains choix dans la

Loi électorale, mais le futur législateur devra la réviser et

notamment la compléter afin de renforcer la sécurité juridique.

Les pouvoirs du Président de la République et de

l’Assemblée des représentants du peuple; le référendum.

Pouvoirs du Président de la République

Les pouvoirs du Président de la République depuis 2014

s’inscrivent dans le cadre d’un régime politique de type semi-

présidentiel8. Il est directement élu au suffrage universel et

partage le pouvoir exécutif avec le Chef du Gouvernement.

Le Président de la République tunisienne veille au respect de la

Constitution, il garantit la continuité de l’Etat, son indépendance.

Il possède les pouvoirs régaliens de déterminer les politiques

5 A noter que le législateur a été sensible à cet argument, comme en atteste par exemple l’article 106 relatif au découpage électoral qui mentionne que le prochain découpage devra se faire au moins un an avant les prochaines élections législatives. 6 Article 4 de la Loi électorale: « Les observateurs se chargent de suivre le processus électoral et sa transparence. L'Instance détermine les conditions et les procédures de leur accréditation ». 7 Jeunesse Sans Frontières avec le Centre de la citoyenneté. 8 Le semi-présidentialisme est un système politique mixte entre les systèmes présidentiel et parlementaire. Ce système connaît de nombreuses variantes à travers le monde. Pour plus de détails, consulter la note d’information n° 27 de DRI : Les systèmes de gouvernement : Les modèles semi-présidentiels (http://democracy-reporting.org/publications/country-reports/tunisia/briefing-paper-27-june-2012.html).

12

générales de la défense, des affaires étrangères et d’assurer la

sécurité nationale contre les menaces intérieures et extérieures

en concertation avec le Chef du Gouvernement. Il ratifie les

traités internationaux. Il nomme et accrédite les ambassadeurs.

Il dispose du pouvoir de grâce.

Il est chef des forces armées et préside le Conseil de Sécurité

Nationale. Il prend les mesures nécessaires dans les cas de

circonstances exceptionnelles. Il nomme aux hautes fonctions

militaires, après consultation du Chef du Gouvernement. Le

président tunisien nomme également certains hauts

fonctionnaires comme le Mufti de la République, le Gouverneur

de la Banque Centrale sur proposition du Chef du

Gouvernement et avec l’approbation de la majorité absolue des

députés.

L’article 80 de la Constitution détermine les pouvoirs liés à des

situations d’urgence justifiées par des circonstances

exceptionnelles. Le Président de la République prend les

mesures nécessaires en cas de circonstances exceptionnelles

après consultation du Chef du Gouvernement et du Président de

l’Assemblée des représentants du peuple. Il en informe le

Président de la Cour constitutionnelle et adresse un message au

peuple. Durant cette période, il ne peut dissoudre l’Assemblée

des représentants du peuple et aucune motion de censure ne

peut être présentée à l’encontre du gouvernement.

Le Président de la République tunisienne peut, dans des

circonstances très encadrées, dissoudre le Parlement, si ce

dernier n’a pas renouvelé sa confiance au gouvernement et

qu’un gouvernement alternatif ne peut pas être formé. Ce

pouvoir de dissolution était une prérogative réclamée, jusqu’à

l’adoption de la Constitution, par la majorité des partis

représentés à l’Assemblée nationale constituante, à l’exception

du parti Ennahdha qui estimait que ce pouvoir était

disproportionné et qu’il constituait une épée de Damoclès du

pouvoir exécutif au-dessus du pouvoir législatif.

Conformément à la nouvelle Constitution, le Président de la

République, s’il l’estime nécessaire, peut renvoyer des projets

de lois adoptés par le Parlement pour une deuxième

délibération. En cas de renvoi, s’agissant d’un projet de loi

organique, une majorité spéciale des 3/5 des membres du

Parlement est nécessaire pour l’adopter en seconde lecture, au

lieu de la majorité absolue des membres du Parlement en

première lecture. S’agissant d’un projet de loi ordinaire, une

majorité absolue des membres du Parlement est nécessaire

pour l’adopter en seconde lecture, au lieu de la majorité des

membres présents lors de l’adoption en première lecture.

De plus, comme mentionné ci dessous, le Président peut

également, exceptionnellement, soumettre au référendum

populaire les projets de lois sensibles dans le contexte tunisien:

celles liées aux droits et libertés, au statut personnel ou projet de

révision de la Constitution.

L’article 87 le protège dans l’exercice de son mandat par le biais

d’une immunité. Il n’est pas responsable des actes accomplis

dans l’exercice de ses fonctions.

Le constituant tunisien a conçu une architecture institutionnelle

garantissant certes l’équilibre des pouvoirs entre les pouvoirs

législatif, exécutif et juridictionnel mais également au sein même

du pouvoir exécutif. En considération de la force politique et

électorale supposée du parti islamiste Ennahdha, il a conféré au

Président de la République un rôle de contre-pouvoir, ceci dans

l’hypothèse d’une cohabitation où Ennahdha serait le premier

parti représenté au Parlement. Dans ce scénario, la coalition

gouvernementale et sa majorité au Parlement seraient contre

balancées par un Président de la République émanant d’une

formation politique différente de celle de la majorité

parlementaire et du gouvernement.

Les résultats des élections législatives et présidentielles de 2014

ont prouvé que les spéculations quant à des configurations

politiques en situation de transition politique étaient

hasardeuses. A défaut de cohabitation, et dans l’hypothèse

d’une majorité parlementaire dont le parti principal est aligné

politiquement sur le président tunisien, ce dernier a un pouvoir

considérable. En effet, il bénéficie des pouvoirs propres au

Président de la République et a une influence prépondérante sur

la politique du gouvernement en tant que chef de file d’une

formation politique centrale dans la coalition au pouvoir.

Dans un pays comme la Tunisie, dont l’histoire politique depuis

l’indépendance à été dominée par deux présidents qui ont

instauré un régime autoritaire, le nouveau président sous la

nouvelle Constitution tunisienne aura des pouvoirs importants. Il

appartiendra à l’opposition parlementaire et extra parlementaire

ainsi qu’au pouvoir juridictionnel et aux autres contre-pouvoirs

de veiller à ce que ces pouvoirs soient exercés dans le respect

des principes démocratiques.

Pouvoirs de l’Assemblée des représentants du peuple

La Constitution de 2014 établit un Parlement monocaméral:

seule une chambre subsiste appelée l’Assemblée des

représentants du peuple. Son indépendance est entre autres

garantie par une autonomie administrative et financière. Elle fixe

son règlement intérieur qui est adopté à la majorité absolue de

ses membres. « L’Etat met à la disposition de l’Assemblée des

représentants du peuple les ressources humaines et matérielles

nécessaires aux députés pour la bonne exécution de ses

fonctions » (article 52 de la Constitution).

L’Assemblée exerce son pouvoir législatif par le biais d’initiatives

législatives, c’est-à-dire soit des propositions de lois présentées

par au minimum dix députés, soit des projets de lois émanant de

l’exécutif (du Président de la République ou du Chef du

Gouvernement).

Une distinction est faite entre deux types de lois (article 64 de

Constitution):

les lois ordinaires, adoptées à la majorité des membres

présents de l’Assemblée (cette majorité ne peut être

inférieure au tiers des membres de l’Assemblée);

les lois organiques, adoptées à la majorité absolue des

membres de l’Assemblée, c’est à dire à un minimum de

109 membres sur 217 dans l’actuelle Assemblée.

L’article 65 de la Constitution énumère les domaines qui

nécessitent l’adoption soit de lois ordinaires soit de lois

organiques. Toutes les matières qui ne relèvent pas du domaine

de la loi relèvent du pouvoir réglementaire général exercé par le

pouvoir exécutif.

13

En cas de dissolution de l’Assemblée, le Président de la

République, en accord avec le Chef du Gouvernement, peut

prendre des décrets-lois. Ils seront néanmoins soumis à

l’approbation de l’Assemblée lors de la session ordinaire

suivante (article 70). L’Assemblée peut également déléguer au

Chef du Gouvernement « par une loi, pour une période limitée

ne dépassant pas deux mois et pour un objet déterminé, le

pouvoir de promulguer des décrets-lois intervenant dans le

domaine de la loi » (article 70 de la Constitution). Comme dans

le cas de la dissolution, ces décrets-lois doivent être soumis à

l’approbation de l’Assemblée. Est exclu du domaine du décret-loi

le « régime électoral » (article 70).

En guise de protection contre les abus potentiels de l’exécutif,

l’article 68 prévoit qu’« aucune poursuite judiciaire civile ou

pénale ne peut être engagée contre un membre de l’Assemble

des représentants du peuple, celui-ci ne peut être arrêté ou jugé,

en raison d’opinions ou de propositions formulées ou d’actes

effectués dans l’exercice de ses fonctions ».

Le référendum

La nouvelle Constitution tunisienne prévoit le référendum

populaire dans deux situations précises: la première dans le cas

où le Président de la République soumet un projet de loi (article

82) ou, dans le deuxième cas, si celui-ci décide de soumettre

une proposition de révision de la Constitution (articles 143 et

144).

Le premier cas de recours au référendum est lorsque le

Président de la République décide de soumettre à un

référendum un projet de loi adopté par le Parlement. Cette

prérogative reconnue au Président de la République doit être

exercée de façon exceptionnelle et ne peut concerner que des

projets de lois portant sur les thèmes suivants:

l'approbation des traités internationaux,

les droits de l’Homme et les libertés,

le statut personnel.

Le deuxième cas de recours au référendum se rapporte à la

révision de la Constitution. Toute initiative de révision de la

Constitution est adoptée à la majorité des 2/3 des membres de

l'Assemblée des représentants du peuple (article 144 de la

Constitution)9. S’il l’estime nécessaire, le Président de la

République peut ensuite la soumettre au référendum populaire.

Loi électorale: le mode de scrutin

Selon l’article 5 de la Loi électorale, ont le droit de voter « toute

tunisienne ou tout tunisien, inscrit(e) au registre électoral, âgé(e)

de 18 ans révolus le jour précédant le scrutin, jouissant de ses

droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité

prévus par la loi ».

9 Une initiative de révision de la Constitution peut émaner soit du Président de la République soit d’un tiers des membres de l’Assemblée (article 143). Le Président de l’Assemblée est tenu de soumettre pour avis à la Cour Constitutionnelle toute initiative de révision. Celle-ci vérifie que la révision ne porte pas sur des matières que la Constitution ne permet pas de réviser. L’Assemblée ensuite approuve le principe de la révision à la majorité absolue. La révision proprement dite est adoptée à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée.

Elections législatives

Pour les élections législatives, comme prévu déjà par le décret

loi n°35 de l'année 2011, l’électeur est amené à voter pour une

liste électorale dans une des 33 circonscriptions électorales10.

Vu l’urgence d’organiser les élections avant la fin 2014, le

législateur a intégré parmi les dispositions transitoires de la Loi

électorale le principe selon lequel « le découpage électoral et le

nombre de sièges ayant été retenus pour l’élection à

l’Assemblée nationale constituante sont maintenus » (article

173). Il appartiendra au législateur de déterminer par une loi si

les circonscriptions doivent être conservées telles quelles,

réaménagées ou changées. Le bulletin électoral reprend les

listes inscrites dans la circonscription concernée. Les listes sont

fermées, l’électeur ne peut choisir les candidats de la liste ou

changer leur classement. Les listes doivent comprendre autant

de candidat(e)s que de sièges en jeu dans la circonscription.

La parité hommes-femmes pour les listes est maintenue par

rapport au décret-loi n°2011-35. Les candidats des deux sexes

sur les listes doivent être classés de manière alternée. Bien que

soutenue par une large partie de la société civile et des

membres de l’ANC, la disposition imposant aux partis de

nommer des femmes à la tête de la moitié de leurs listes

candidates, aussi appelée «parité horizontale» n’a pas été

retenue lors de l’adoption de la loi. L’absence de cette

disposition a d’ailleurs fait l’objet d’un recours en

inconstitutionnalité11 devant l’Instance provisoire de contrôle de

constitutionnalité. Ce recours a été rejeté par l’Instance.

Sauf dans le cas d’un nombre impair de sièges dans une

circonscription, la liste qui ne respecte pas le principe de la

parité lors de l’enregistrement est rejetée (article 24).

En guise de nouveauté par rapport au décret-loi 35, la Loi

électorale établit que dans les circonscriptions où le nombre de

sièges est égal ou supérieur à 4, chaque liste doit inclure parmi

les 4 premiers candidats « un candidat ou une candidate âgé(e)

de trente-cinq ans au plus » (article 25). En cas de non-respect

de cette disposition, la liste est privée de la moitié de l’indemnité

de financement public. En 2011, la disposition favorisant les

candidats moins âgés était moins contraignante car elle imposait

qu’au moins un candidat de chaque liste soit âgé de moins de 30

ans.

Les questions relatives à l’exclusion automatique du droit de

candidature des personnes associées à l’ancien régime, telle

que prévue par le décret-loi 35, ont fortement polarisé les débats

au sein de l’ANC. Finalement les amendements présentés

durant le débat en assemblée plénière lors de l’adoption de la

10 27 circonscriptions sur le territoire de la Tunisie et 6 circonscriptions couvrant le reste du monde pour les Tunisiens résidant à étranger (Décret-loi numéro 2011-1088 du 3 août 2011). 18 sièges sont répartis sur les 6 circonscriptions comme suit: France «1» – 5 sièges; France «2» – 5 sièges; Italie - 3 sièges; Allemagne - 1 siège; Amériques et reste de l’Europe - 2 sièges; Pays arabes et autres – 2 sièges. 11 Basé sur les articles 34 (« … L’Etat veille a garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues») et 46 («… L’Etat œuvre a réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues») de la Constitution de 2014.

14

Loi électorale et visant à reconduire ces exclusions n’ont pas

récolté la majorité.

L’attribution des sièges se fait au niveau des circonscriptions sur

la base de la représentation proportionnelle au plus fort reste

(article 107). Le calcul se fait comme suit:

un quotient électoral (Article 110) est déterminé en

divisant le nombre de suffrages exprimés par le nombre

de sièges de la circonscription (un bulletin blanc n’est

pas comptabilisé en tant que suffrage exprimé);

lors de cette première étape, chaque liste obtient autant

de sièges que de multiples du quotient électoral;

les sièges non alloués sur la base du quotient électoral

sont attribués dans une seconde phase sur la base du

plus fort reste, c’est-à-dire que la/les liste(s) ayant obtenu

le plus grand nombre de suffrages en deçà du quotient

électoral se voi(en)t attribuer un/des siège(s);

en cas d’égalité des restes de deux/plusieurs listes, le

candidat le moins âgé gagne le siège.

Schéma à titre d’exemple:

Noms des

listes

électorales

‘A’ ‘B’ ‘C’ ‘D’ ‘E’ ‘F’ Total

Nombre de

suffrages

obtenus par

liste

électorale

39,000 19,000 18,500 10,500 8,000 5,000 100,000

Nombre de

sièges à

pouvoir

10

Quotient

électoral 10,000

Suffrages

exprimés /

Quotient

électoral

3,9 1,9 1,85 1,05 0,8 0,5

Sièges

alloués sur

base du

quotient

(chaque

liste obtient

autant de

sièges que

de multiples

du quotient

électoral)

3 1 1 1 0 0 6

Suffrages

restant,

aussi

appelés les

«restes»

9,000 9,000 8,500 500 8,000 5,000

Sièges

alloués sur

base du

1 1 1 0 1 0 4

plus fort

reste

Résultats

totaux par

liste

électorale

4 2 2 1 1 0 10

Elections présidentielles

Les deux articles 111 et 112 de la Loi électorale reprennent les

dispositions de la Constitution relatives au mode d’élection du

Président de la République. Ils disposent que ce dernier «est élu

à la majorité absolue des suffrages exprimés» (article 111). Si

un candidat n’atteint pas la majorité absolue au premier tour,

«un second tour est organisé dans les deux semaines suivant la

proclamation des résultats définitifs du premier tour». Les deux

candidats arrivés en tête au premier tour se présentent au

second tour.

Le candidat ayant obtenu la majorité des voix au second tour est

déclaré vainqueur. En cas d’égalité entre ces derniers au

premier tour, le candidat le plus âgé passe au second tour. En

cas d’égalité au second tour, le candidat le plus âgé est

proclamé vainqueur. En cas de décès d’un candidat au premier

ou au second tour de l’élection présidentielle, il est procédé à la

réouverture des candidatures et une nouvelle élection est

organisée dans les 45 jours (article 75 de la Constitution).

Référendum

«La convocation des électeurs au référendum se fait par décret

présidentiel auquel est annexé le projet du texte qui sera soumis

au référendum. Ledit décret et son annexe sont publiés au

Journal officiel de la République tunisienne» (article 113).

La Loi électorale détermine la formulation de la question

présentée aux électeurs, tant dans le cas d’un référendum relatif

à une réforme constitutionnelle que dans le cas de l’adoption

d’un texte de loi. L’article 115 précise que « la question soumise

au référendum est formulée comme suit: « acceptez-vous la

proposition de révision constitutionnelle ou le projet de loi qui

vous est soumis ? ». La réponse ne peut être que « oui » ou «

non ».

L’article 115 prévoit « l’utilisation égale des moyens de

propagande par les partis parlementaires participant au

référendum ». La loi électorale reste donc silencieuse sur les

garanties de faire campagne pour les autres acteurs tels que les

partis politiques non représentés au sein de l’Assemblée ou des

groupes d’intérêts, y compris les membres de la société civile.

La loi devrait dans l’avenir clarifier ce point.

La loi n’établit pas de taux de participation minimum pour que la

question soumise au référendum puisse être acceptée. Elle

établit que seule la majorité des suffrages exprimés compte pour

déterminer la motion gagnante (article 117 : « les résultats du

référendum sont proclamés sur la base de la règle de la majorité

des suffrages exprimés »). La question de l’établissement d’un

taux de participation minimum mérite d’être discutée dans le

futur, surtout concernant des réformes constitutionnelles

importantes qui pourraient dès lors être théoriquement

approuvées par une faible majorité des électeurs inscrits.

15

III. REMARQUES LIMINAIRES A L’ANALYSE DE LA LOI ELECTORALE

OBJET, PORTEE ET LIMITES DU PRESENT AVIS

Les commentaires et recommandations contenus dans ce

rapport se fondent sur une analyse de la conformité de la Loi

électorale avec les standards internationaux12 pertinents.

Certains commentaires et recommandations sont motivés par

des considérations pratiques se rapportant notamment à la

cohérence interne du texte et à la formulation de certaines

dispositions. Ils prennent en considération les textes

d’application pris par l’ISIE.

Le présent avis se limite à analyser la Loi électorale en tenant

compte du nouveau cadre constitutionnel dans lequel ce texte

doit être interprété et appliqué, d’autant que certaines de ses

dispositions en sont la réplique ou la résultante directe. Il tient

également compte des textes qui ont constitué le cadre juridique

des élections de l’ANC en 2011.

Le présent avis ne saurait cependant être exhaustif sans une

analyse détaillée des textes juridiques portant notamment sur les

partis politiques, la liberté d’expression, la liberté des médias et

la liberté de réunion, textes qui sous-tendent et complètent la

législation électorale.

Seule la version arabe de la Loi électorale fait foi13 et seuls les

textes dont les traductions sont reproduites dans le Journal

Officiel de la République Tunisienne (JORT) sont des

traductions officielles14. Les commentaires et recommandations

contenus dans cet avis se basent sur la traduction française du

texte établie en mai 2014 par les soins de l’équipe d’assistance

électorale de l’Union européenne15, traduction qui n’est donc pas

officielle.

12 Le terme générique « standards internationaux » se réfère aux obligations internationales de la Tunisie et aux différents textes qui en précisent le contenu et la portée, et dont l’autorité est aujourd’hui largement reconnue au sein de la communauté internationale. Sont également pris en considération des documents qui reflètent les évolutions les plus récentes de la pratique des Etats et des organisations internationales dans les matières couvertes par cet avis. Il est également fait référence à la jurisprudence de juridictions internationales dans la mesure où celle-ci permet d’éclairer le sens et la portée des obligations internationales incombant aux Etats. La formulation des commentaires et recommandations contenus dans le présent avis tient compte de ces distinctions. Voir également ci-dessous la section «obligations internationales de la Tunisie en matière d’élections libres et démocratiques». 13 Conformément à l’article premier de la loi n° 93-64 du 5 juillet 1993, relative à la publication des textes au Journal Officiel de la République Tunisienne et à leur exécution, «les lois, les décrets-lois, les décrets et les arrêtés sont publiés au Journal Officiel de la République Tunisienne en langue arabe. Ils sont publiés également dans une autre langue et ce uniquement à titre d’information. […]». 14 En cas de contradiction entre la version arabe du texte et la traduction publiée dans le JORT, c’est la version arabe qui fait foi. 15 Certaines vérifications et rectifications de celle-ci à la lumière de la version arabe du texte se sont avérées nécessaires sur certains points, notamment sur les questions liées à la privation du droit de vote pour «démence continue».

OBLIGATIONS INTERNATIONALES DE LA TUNISIE EN

MATIERE D’ELECTIONS LIBRES ET DEMOCRATIQUES

Les obligations internationales de la Tunisie en matière

d’élections libres et démocratiques découlent essentiellement de

la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (notamment

son article 2116), du Pacte International relatif aux Droits Civils et

Politiques17 (notamment son article 2518 tel que précisé par

l’Observation générale n°25 et la jurisprudence y relative du

Comité des droits de l’homme des Nations-Unies) et de la

Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples19

(notamment son article 1320).

La Tunisie a également ratifié la Convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des

femmes (CEDEF)21 et la Convention relative aux droits des

personnes handicapées (CIDPH)22. De par son appartenance à

la Commission de la Démocratie par le Droit («Commission de

Venise») du Conseil de l’Europe depuis 2010, la Tunisie est

également en mesure de s’inspirer de textes tels que le Code de

bonne conduite en matière électorale23 qui constitue un texte de

référence, non juridiquement contraignant, mais faisant autorité

sur ces questions.

Ces textes définissent des standards minimums essentiellement

sous forme d’obligations de résultat qui peuvent être remplies

par différents moyens laissés, dans une large mesure, à la

discrétion des Etats. Les principes ainsi définis dans les

instruments internationaux (notamment des élections libres,

intègres et transparentes, organisées à intervalles réguliers, au

suffrage universel, par un vote secret ou une procédure

équivalente, dans le respect de la liberté d’expression, du

principe de non-discrimination et de l’égalité de tous devant la

loi) ont été progressivement précisés quant à leur signification,

leur portée et leurs implications. Cela s’est traduit en particulier

par l’élaboration de critères permettant d’apprécier la conformité

16 DUDH, Article 21: «La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote». 17 PIDCP ratifié le 18 mars 1969. 18 PIDCP, Article 25: «Tout citoyen a le droit et la possibilité […]; a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis; b) de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs». 19 Adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, la Charte a été ratifiée par la Tunisie le 16 mars 1983. 20 Article 13: «1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi. 2. Tous les citoyens ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leur pays. 3. Toute personne a le droit d’user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi». 21 La Convention a été ratifiée en juillet 1985 mais cette ratification a été assortie de réserves aux articles 9, 15,16 et 29 de la Convention ainsi que d’une déclaration générale. Ces réserves ont été levées le 17 avril 2014 mais la déclaration maintenue. Le Protocole additionnel, qui permet à des particuliers de déposer plainte devant le Comité chargé de contrôler la mise en œuvre de la Convention, a été ratifié en 2008. 22 La CIDPH ainsi que son Protocole facultatif qui permet au Comité des Droits des Personnes Handicapées de recevoir et d’examiner les communications qui lui sont soumises par des particuliers ou groupes de particuliers, ont été ratifiés par la Tunisie le 2 avril 2008. 23 CDL-AD(2002)23 Rev. – 23 mai 2003.

16

de la pratique des Etats en matière d’élection avec les textes

internationaux juridiquement contraignants.

Ces critères sont eux-mêmes issus de la pratique des Etats,

mais également de la jurisprudence de juridictions

internationales et de l’observation internationale des élections

par différentes organisations internationales. Ils ont parfois

donné lieu à des tentatives de codification ou, du moins, de

systématisation, dans des textes de différente nature tels des

manuels d’observation, des codes de bonnes pratiques, des

lignes directrices, des recommandations, des orientations ou

déclarations de principe24. Ces textes sans lesquels les normes

internationales seraient dépourvues du degré de précision et de

prévisibilité requis pour leur mise en application au niveau

national, sont pris en compte dans le cadre de cette analyse.

LES AVANCEES REALISEES PAR LA LOI ELECTORALE

En 2011, le décret-loi n°2011-35 constituait un texte de

transition, adopté dans l’urgence, suite aux changements

politiques intervenus après le 14 janvier. Il était valable pour la

seule élection de l’Assemblée nationale constituante, élue le 23

octobre 2011.

Le décret-loi n°2011-35 reprenait lui-même un certain nombre de

dispositions de l’ancien Code électoral de 1969, mais en les

modifiant et en les aménageant de manière à créer les

conditions d’un scrutin remplissant les conditions d’une élection

libre et démocratique. Le texte lui-même dut être complété par

différents arrêtés de l’ISIE, notamment en ce qui concerne la

campagne électorale.

La Loi électorale a une toute autre portée puisqu’elle règlemente

les élections législatives et présidentielles sans se limiter aux

deux seules élections de 2014. Elle contient 176 articles, soit

plus de deux fois le nombre de dispositions contenues dans le

décret-loi n°2011-3525. Elle ne s’écarte pas fondamentalement

24 Par exemple, le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise (CDL-AD(2002) 23 Rev.); la Déclaration sur les critères pour les élections libres et régulières (adoptées par le Conseil interparlementaire le 26 mars 1994); les Lignes directrices du BIDDH de l’OSCE pour l’examen du cadre juridique pour les élections (1ère édition en janvier 2001; 2ème édition en 2013); les lignes directrices d’International IDEA pour l’examen du cadre juridique pour les élections (2002); Manuel pour l’observation de l’enregistrement des électeurs (BIDDH, OSCE, 2013); Manuel de l’Union européenne pour l’observation des élections (2ème édition, 2008). Il faut également prendre en compte la jurisprudence internationale, en premier lieu, de par sa richesse sur ces questions, celle de la Cour européenne des droits de l’Homme. A cela s’ajoutent les avis ou commentaires émis par différentes organisations sur les législations nationales qui forment un corpus sur la base duquel des critères de mise en œuvre des normes internationales sont progressivement dégagés. 25 Il faut cependant avoir à l’esprit que le décret-loi n°35 avait dû être complété par décrets (pour plafonner, par le décret n°2011-1087 du 3 août 2011, les dépenses électorales et édicter les modalités de versement de l’aide publique au financement de la campagne électorale; pour préciser, par le décret n°2011-1089 du 3 août 2011, la portée des exclusions édictées à l’article 15 du décret-loi) ainsi que par des arrêtés de l’ISIE (pour fixer, par la décision du 25 juin 2011, les procédures de recours devant l’ISIE contre les décisions des sous-commissions siégeant à l’étranger; pour fixer, par trois décisions du 3 septembre 2011, les règles et procédures de la campagne électorale, les règles spécifiques s’imposant aux médias audiovisuels pendant la campagne électorale ainsi que les conditions de production, de programmation et de diffusion d’émissions radiophoniques et

de la structure de celui-ci mais incorpore les dispositions

contenues dans les décrets et arrêtés de l’ISIE venus le

compléter. Elle les refond dans un ensemble plus cohérent,

enrichi de dispositions nouvelles sur des questions qui n’étaient

que succinctement traitées par le décret-loi, notamment le

financement de la campagne électorale.

La Loi électorale marque dès lors une avancée significative par

rapport aux textes antérieurs, y compris le décret-loi n°2011-35

et les textes le complétant. Elle apporte des améliorations

notables sur des questions qui suscitèrent la controverse en

2011. Tirant les enseignements de l’élection à l’Assemblée

constituante, elle inclut des dispositions plus détaillées et, de

manière générale, marque une étape importante vers la

consolidation du droit électoral tunisien. Parmi les améliorations

et innovations les plus notables, figurent les suivantes:

a. L’abrogation des dispositions privant de droit de vote les

personnes dont les biens ont été confisqués après le 14

janvier 2011.

b. La reprise dans la loi de l’essentiel des sauvegardes

prévues dans l’arrêté de l’ISIE du 4 octobre 2011 en ce

qui concerne le vote assisté des électeurs handicapés.

c. L’abrogation des clauses d’inéligibilité frappant certains

personnes en raison de leur passé politique26.

d. L’adoption du principe d’un registre électoral permanent

mis à jour de manière continue.

e. L’obligation de fixer les circonscriptions électorales et le

nombre de sièges par circonscription par le biais d’une

loi qui doit être publiée au moins un an avant l’échéance

électorale législative27.

f. La confirmation du système de quotas en faveur de la

représentation des femmes à l’Assemblée des

représentants du peuple sous la forme d’une composition

paritaire des listes candidates (pour les élections

législatives).

g. La place réservée aux jeunes par l’obligation faite aux

listes candidates à l’élection législative de présenter,

dans les circonscriptions où le nombre de sièges est égal

ou supérieur à quatre, un candidat de moins de trente-

cinq ans parmi les quatre premiers candidats de la liste28

(avec sanction à la clé en cas de non-respect).

h. La consolidation et les améliorations apportées au

système d’aide publique au financement de la campagne

électorale.

i. L’introduction de dispositions spécifiant les obligations

des candidats en matière de financement des

campagnes électorales et prévoyant un contrôle accru

des dépenses électorales.

j. Les pouvoirs accrus de l’ISIE en matière de contrôle du

respect par les candidats des dispositions électorales,

notamment la campagne électorale et le financement de

celle-ci.

k. Une rationalisation de la nomenclature des infractions

électorales et des sanctions y afférentes ainsi que

télévisées relatives à la campagne électorale). Si l’on additionne aux dispositions du décret-loi n°35 celles figurant dans ces différents textes, le total obtenu excède celui de la Loi électorale. 26 Article 15 du décret-loi n°35. 27 Dans l’attente de cette loi, reste en vigueur le découpage électoral effectué en vue des élections à l’Assemblée nationale constituante (article 173). 28 Article 25 de la Loi électorale.

17

l’introduction d’infractions financières pour violation des

règles relatives au financement de la campagne

électorales.

l. Le plafonnement du nombre d’électeurs par bureau de

vote à 600 électeurs (article 119, paragraphe 1), alors

que le décret-loi n°2011-35 fixait un nombre minimum de

800 électeurs par bureau (pour les communes où le

nombre d’électeurs est supérieur ou égal à 7000)29.

m. La publication sur le site internet de l’ISIE des listes des

membres des personnels des bureaux de vote (article

121, paragraphe 2).

n. Le souci d’une plus grande transparence des opérations

de dépouillement, notamment par la publication

immédiate sur le site internet de l’ISIE des procès-

verbaux des opérations de dépouillement des bureaux

de vote30 (alors qu’en 2011, il n’était question que de la

publication des « résultats détaillés des élections » sans

autre précision).

o. Des dispositions plus détaillées et plus transparentes en

ce qui concerne la procédure de proclamation des

résultats (par exemple, l’introduction de dates-butoirs

pour la proclamation des résultats préliminaires et

définitifs, l’obligation de publication des résultats

préliminaires).

p. L’insertion dans la loi d’un lexique des termes employés

dans le texte de loi (et, par extension, dans les textes

d’application) de manière à contribuer à une application

uniforme des différentes dispositions.

q. L'obligation de l'ISIE de motiver ses décisions de rejet

des candidatures, alors qu'en 2011 l'administration

électorale pouvait rejeter des candidatures de façon

implicite (en s'abstenant de délivrer le récépissé définitif

dans un délai de quatre jours) et donc ne pas motiver

son refus.

r. L'élargissement du droit de recours contre les décisions

relatives aux candidatures aux autres membres des

listes candidates et aux représentants légaux des partis

politiques, alors qu'en 2011, seules les têtes de listes

avaient ce droit.

s. La reconnaissance d'un droit de recours contre les

décisions d'acceptation d'une candidature aux listes

concurrentes, alors qu'en 2011 seules les décisions de

rejet étaient susceptibles de recours par la tête de liste

concernée par le rejet.

t. La reconnaissance explicite du pouvoir de l’ISIE de

rectifier les résultats des bureaux de vote, des bureaux

centralisateurs et des centres de collecte, alors que cela

n’était pas expressément mentionné dans le décret-loi

électoral en 2011.

u. La possibilité pour l’ISIE d’annuler des résultats même

dans des situations où ceux-ci n’auraient pas été affectés

par les fraudes et irrégularités constatées, en se fondant

sur la gravité de celles-ci.

v. L'élargissement du droit de recours contre les résultats

préliminaires des élections législatives aux autres

29 Article 54 du décret-loi n°2011-35, paragraphe 2. 30 Article 140, paragraphe 3 de la Loi électorale; article 67, paragraphe 4 du décret-loi n°2011-35.

membres des listes candidates et aux représentants

légaux des partis politiques, alors qu'en 2011, seules les

têtes de listes candidates étaient autorisées à introduire

les recours.

w. Un délai de recours contre les résultats préliminaires des

élections législatives relativement plus long (trois jours)

que celui prévu contre les résultats des élections à

l'Assemblée nationale constituante (48 heures), ce qui

laisse plus de temps aux requérants afin de mieux

préparer leurs requêtes.

Les commentaires et recommandations ci-dessous (Chapitres IV

et subséquents) se concentrent sur les aspects où des

améliorations seraient encore souhaitables.

IV. LA REFORME ELECTORALE

Pour les raisons rappelées ci-dessus31, le cadre juridique pour

les élections législatives et présidentielles n’a été adopté que six

mois avant la tenue des élections. Il a été adopté sous forme

d’une loi organique qui, pour être votée, doit recueillir la majorité

absolue des membres de l’Assemblée des représentants du

peuple32. Comme en 2011, la loi a été complétée par un certain

nombre de décisions de l’ISIE.

L’article 25 du PIDCP fait obligation aux Etats d’adopter les

mesures d’ordre législatif ou autres qui peuvent être nécessaires

pour que les citoyens aient la possibilité d’exercer leurs droits.

Ceci étant, les textes internationaux ne s’immiscent pas dans la

question de savoir quels aspects du cadre électoral relèvent de

la loi ou de normes infra-législatives.

La question de la répartition des compétences normatives n’est

pas une simple question de technique juridique. C’est avant tout

une question de respect de l’Etat de droit et plus

particulièrement de séparation des pouvoirs. Les règles

qu’édictent les élus siégeant au Parlement tirent directement leur

légitimité démocratique de ce qu’elles le sont par ceux-là même

que le peuple a désignés pour le représenter. En cela, toute

délégation de compétences normatives au profit de l’exécutif ne

peut être qu’une exception à ce principe. Et la loi tirant sa

légitimité de l’élection, tout plaide pour que de telles exceptions

soient strictement délimitées s’agissant des règles s’appliquant

précisément à l’élection. Ces règles se fondent sur la confiance

des électeurs tout autant qu’elles y contribuent et à ce titre, la

réalité importe tout autant que les apparences.

De ce fait, il est essentiel que les dispositions traitant des

aspects fondamentaux du cadre électoral se trouvent dans la

Constitution ou dans la loi. Cela leur assure le degré de

permanence ou, du moins, de stabilité, nécessaire pour garantir

la confiance des électeurs et la sécurité juridique.

Rares cependant sont les institutions internationales qui se sont

risquées à préciser ce qu’il faut entendre par « éléments

31 Cf. Chapitre II. «Le contexte politique». 32 Article 64 de la Constitution. L’article 65 impose le vote d’une loi organique pour les questions se rapportant à la «loi électorale».

18

fondamentaux » du cadre ou système électoral. Le Comité des

droits de l’homme estime que « l'attribution des pouvoirs et les

moyens par lesquels les citoyens exercent les droits protégés

par l'article 25 devraient être déterminés par des lois

constitutionnelles ou autres »33. La Commission de Venise

précise d’une part qu’« à l’exception des règles techniques et de

détail – qui peuvent avoir un caractère réglementaire –, les

règles du droit électoral doivent avoir au moins rang législatif »

et d’autre part que, parmi ces règles, celles se rapportant au

système électoral proprement dit (notamment le système de

transposition des voix en sièges), à la composition des

commissions électorales et au découpage des circonscriptions,

« devraient être traités au niveau constitutionnel ou à un niveau

supérieur à celui de la loi ordinaire » ou ne pas être « modifiés

moins d’un an avant une élection » 34.

Deux aspects sont donc à considérer: d’une part,

l’ordonnancement hiérarchique des règles électorales; d’autre

part, leur stabilisation qui inclut l’idée de l’intangibilité de ces

mêmes règles dans un certain laps de temps avant la prochaine

élection.

Le cadre juridique pour les élections législatives et

présidentielles de 2014 a été adopté sous la forme d’une loi

organique qui, pour être approuvée, doit recueillir le vote de la

majorité absolue des membres de l’Assemblée des

représentants du peuple35. C’est l’assurance que les règles

électorales bénéficieront d’un large consensus, ne serait-ce

qu’au sein de la classe politique, celle qui est représentée à

l’Assemblée des représentants du peuple. A la condition

cependant que ces règles n’éludent pas un certain nombre de

questions, auquel cas la garantie que constitue le vote d’une loi

organique devient illusoire. Si, en effet, pour quelque raison que

ce soit, le législateur renonce à exercer la plénitude de ses

pouvoirs législatifs, deux questions, l’une théorique, l’autre

pratique, se posent:

N’y-a-t-il pas un risque, même hypothétique, d’atteinte au

principe de la séparation des pouvoirs (entre pouvoirs

exécutif et législatif) ?

Comment atteindre l’objectif de stabilisation du cadre

électoral quand une partie non négligeable de l’appareil

normatif n’a pas force de loi et, par conséquent, est

33 «La direction des affaires publiques, mentionnée à l'alinéa a), est une notion vaste qui a trait à l'exercice du pouvoir politique. Elle comprend l'exercice des pouvoirs législatif, exécutif et administratif. Elle couvre tous les aspects de l'administration publique ainsi que la formulation et l'application de mesures de politique générale aux niveaux international, national, régional et local. L'attribution des pouvoirs et les moyens par lesquels les citoyens exercent les droits protégés par l'article 25 devraient être déterminés par des lois constitutionnelles ou autres», Observation générale n°25 (57), U.N. Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994), paragraphe 5. 34 Cf. CDL-AD(2002)23 Rev., Commission de Venise, Code de bonne conduite en matière électorale: a. «A l’exception des règles techniques et de détail – qui peuvent avoir un caractère réglementaire –, les règles du droit électoral doivent avoir au moins rang législatif. b. Les éléments fondamentaux du droit électoral, et en particulier le système électoral proprement dit, la composition des commissions électorales et le découpage des circonscriptions ne devraient pas pouvoir être modifiés moins d’un an avant une élection, ou devraient être traités au niveau constitutionnel ou à un niveau supérieur à celui de la loi ordinaire.» (Lignes directrices, II.2). 35 Article 64 de la Constitution. L’article 65 impose le vote d’une loi organique pour les questions se rapportant à la «loi électorale».

amendable à volonté d’une élection à l’autre (a priori

sans intervention du législateur) ?

Or, force est de constater que la Loi électorale a laissé nombre

de questions irrésolues et confié - implicitement ou explicitement

– à l’ISIE la tâche de les combler. N’est pas en cause la

nécessité de renforcer les pouvoirs de l’ISIE par rapport à ceux,

insuffisants, dont elle disposait en 2011. Le renforcement des

pouvoirs de l’ISIE a, au contraire, constitué une évolution

positive36. Ce qui fait problème, c’est l’importance de son pouvoir

réglementaire tel qu’il résulte notamment du grand nombre de

dispositions de la loi lui déléguant la responsabilité de fixer

règles et procédures, y compris délais et dates limites.

Par exemple, c’est à l’ISIE qu’il appartenait de définir:

les délais dont elle dispose pour arrêter et publier les

listes des électeurs ainsi que la durée de leur affichage

(article 13)37;

qui est habilité à faire des demandes de correction des

listes des électeurs (l’article 14 étant muet sur ce point);

les délais dont disposent les électeurs pour contester les

données incluses sur les listes des électeurs;

les délais pour le dépôt des candidatures ainsi que les

procédures de dépôt, d’acceptation et d’examen de

celles-ci (article 43);

les procédures de parrainage (article 41);

les règles et procédures d’organisation de la campagne

électorale (article 51);

les règles de la campagne électorale relatives aux

médias écrits et électroniques et aux médias

audiovisuels (en concertation avec la Haute autorité

indépendante de la communication audiovisuelle -

HAICA) en Tunisie (article 67) et à l’étranger (article 66);

les règles, procédures et méthodes de financement pour

les listes candidates dans des circonscriptions à

l’étranger (article 80).

Il en résulte que l’ISIE s’est trouvée investie d’un pouvoir de

réglementation tel que la lecture de la seule loi, si l’on laisse de

côté les décisions de l’ISIE, ne permet pas aux différents acteurs

du processus électoral d’anticiper toutes les implications

concrètes de la loi dans des domaines aussi essentiels que

l’inscription des électeurs, le dépôt des candidatures et la

campagne électorale. Le volume des textes réglementaires pris

36 L’ISIE est «chargée de toutes les opérations liées à l’organisation, l'administration et la supervision des élections et référendums conformément à la présente loi et à la législation électorale». C’est l’ISIE qui a la charge d’«arrêter, publier et mettre en exécution le calendrier des élections et des référendums, et ce, en conformité avec les mandats prévus par la constitution et la loi électorale» (article 3.5 de la Loi sur l’ISIE). Le décret-loi n°2011-27 du 18 avril 2011 qui créait l’ISIE en vue des élections à l’Assemblée nationale constituante, n’attribuait à celle-ci que la charge de les préparer (article 4). Toutefois à la différence de 2011 (décret-loi n°2011-27 du 18 avril 2011), les compétences de l’ISIE n’incluent plus la préparation des circonscriptions électorales, ce qui est bienvenu. L’article 106 dispose que les circonscriptions et le nombre de sièges par circonscription sont désormais fixés par une loi qui doit être publiée au moins un an avant la prochaine élection législative. 37 A noter, par ailleurs, que l’article 3.2 de la Loi sur l’ISIE indique que les listes électorales sont arrêtées et publiées dans des délais fixés par la Loi électorale. Or, ces délais ne sont justement pas précisés dans la Loi électorale qui, en ses articles 12 et 13, délègue la responsabilité de les fixer à l’ISIE.

19

par la l’ISIE excède celui de la loi elle-même38. Si une certaine

marge de flexibilité est tout à fait légitime et même

recommandée, elle ne peut être telle que des pans entiers du

système électoral échappent entièrement au domaine de la loi.

Sur un plan pratique, cela rend la loi peu lisible parce

qu’indissociable de dispositions égrenées dans de différents

textes d’application avec les risques d’incohérence que cela

comporte.

Il y a donc lieu d’entreprendre la consolidation et l’harmonisation

du droit électoral tunisien de manière à satisfaire aux exigences

de sécurité juridique, de stabilité, de transparence et de

prévisibilité. Cela passe par une réflexion sur une meilleure

répartition entre matière réglementaire et matière législative. Il

s’agit de trouver un équilibre entre un cadre légal trop rigide ne

permettant pas les ajustements nécessaires et, à l’inverse, une

trop grande flexibilité générant incertitude et instabilité juridique.

Le rôle de l’ISIE, en tant qu’instance chargée de la mise en

application de la loi, devrait être de compléter, clarifier, préciser

celle-ci et non de suppléer aux éventuelles défaillances ou

omissions, volontaires ou non, du législateur. Si des

circonstances politiques ont pu, en raison du calendrier électoral,

justifier l’adoption d’un cadre légal extrêmement souple, il y

aurait lieu aujourd’hui de prendre le temps d’effectuer un travail

de fond à partir aussi bien du texte de la loi que des décisions de

l’ISIE afin de fondre ces textes en un ensemble cohérent et

offrant toutes les garanties de stabilité, de lisibilité, de cohérence

et de sécurité juridique.

Cela implique également la nécessité de disposer de temps ou

de s’en donner en entreprenant une telle réforme largement

avant la prochaine échéance électorale. Parce que toute réforme

demande du temps non seulement pour les travaux et les débats

au sein de l’Assemblée des représentants du peuple mais

également pour mener de larges consultations qui permettent de

bâtir le consensus le plus large possible. Mais également du

temps pour permettre aux acteurs de l’élection - électeurs,

candidats, médias, etc. – de savoir suffisamment de temps à

l’avance et avec la plus grande précision possible quels sont

leurs droits et ce qui sera exigé d’eux pour les exercer et, plus

largement, pour se conformer à la législation.

Même en l’absence de toute volonté de manipulation, même

lorsque la confiance est là, il est important d’éviter ne serait-ce

que l’apparence de manipulations. Il est donc recommandé, qu’à

l’avenir, toute réforme du droit électoral bénéficie de délais plus

longs afin de mener de larges consultations et de laisser le

temps aux acteurs de l’élection de se familiariser avec le cadre

juridique de l’élection et ses implications pratiques.

38 A noter également l’intitulé d’un grand nombre de décisions de l’ISIE - telles que celles se rapportant à l’inscription des électeurs (2014-7), à l’accréditation des journalistes et observateurs (2014-9 et 2014-10) ou à la campagne électorale – qui contient les mots «élections et référendum» ou «électoral et référendaire», sous-entendant que ces décisions auraient vocation à s’appliquer à tous les scrutins à venir.

Recommandations

Il est recommandé que le plus tôt possible soient

entreprises la consolidation et l’harmonisation du droit

électoral tunisien sur base des enseignements tirés de la

mise en œuvre des textes législatifs et réglementaires qui

ont régulé les élections législatives et présidentielle de

2014. Cette réforme devrait permettre de satisfaire aux

exigences de sécurité juridique, de stabilité, de

transparence, de lisibilité et de prévisibilité, de manière à ce

que les aspects fondamentaux du processus électoral

soient traités dans la loi. La consolidation du droit électoral

tunisien devrait inclure une réflexion sur une meilleure

répartition entre matière réglementaire et matière

législative. Elle devrait conduire à la refonte en un

ensemble cohérent de la loi et de ses textes d’application.

Toute réforme du droit électoral tunisien devrait être

entreprise de manière à ce qu’elle puisse s’achever

suffisamment de temps avant les prochaines élections pour

que tous les acteurs de l’élection puissent être consultés et

se familiariser avec le cadre juridique de l’élection.

V. DROITS DE SUFFRAGE

DROITS DE VOTE

Section I: Droit de vote des personnes condamnées

L’article 6, alinéa 1 prévoit que les « personnes condamnées à

une peine complémentaire au sens de l’article 5 du Code pénal»

sont privées du droit de vote. L’article 5 du Code pénal prévoit,

parmi les peines complémentaires, la perte du droit de vote.

Le droit de vote n’est pas un droit absolu dans la mesure même

où le principe du suffrage universel n’est lui-même pas absolu.

Des limitations sont possibles pour autant qu’elles soient

fondées sur des critères objectifs et raisonnables, qu’elles soient

imposées pour des motifs légitimes, prescrits par la loi, et soient

proportionnelles à ces motifs.

Dans le PIDCP, certaines limitations sont considérées comme

inacceptables ou manifestement déraisonnables. D’autres, au

contraire, sont considérées comme a priori raisonnables. Tel est

le cas des limitations reposant sur les critères de citoyenneté,

d’âge ou de résidence. Est, en revanche, inacceptable toute

limitation découlant d’une discrimination fondée sur la race, le

sexe, la couleur, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute

autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la

naissance ou toute autre situation39. Inacceptable veut dire ici

qu’aucune circonstance particulière, aucune spécificité nationale

ne peut justifier une limitation fondée sur de telles

discriminations. Le Comité des droits de l’homme des Nations

Unies a été amené à préciser, dans son Observation générale

n°25, ce qu’il entendait par limitations « manifestement

déraisonnables ». Il a ainsi considéré qu’étaient déraisonnables

et donc incompatibles avec l’article 25 du PIDCP les restrictions

39 Ce sont les termes employés à l’article 2(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

20

du droit de vote sur base d’une invalidité physique, de critères

d’alphabétisation, d’instruction, de fortune ou d’appartenance ou

non-appartenance à un parti politique. Est également

incompatible avec l’article 25 du Pacte toute distinction entre

citoyens de naissance et citoyens par naturalisation.

Le droit de vote est un droit attaché à la personne

indépendamment de considérations de mérite ou de moralité40..

C’est un droit et non un privilège ou une récompense. Cette

conception irrigue aujourd’hui différents textes internationaux et

décisions de justice internationale41. Des limitations sont

possibles, pour autant qu’elles soient prévues par la loi, reposent

sur des critères objectifs et raisonnables, poursuivent un but

légitime et soient proportionnées à ce dernier. Le Comité des

droits de l’homme accepte implicitement qu’une condamnation

pour une infraction puisse être un motif de privation du droit de

vote42 et précise que sa durée doit être «en rapport avec

l’infraction et la sentence»43. Dans la pratique, telle que l’a

recueillie la Commission de Venise, la proportionnalité doit

également s’apprécier au regard de la gravité de l’infraction44 ce

qui implique que toute privation doive « être prononcée par un

tribunal dans une décision spécifique »45. A cet égard, une

interdiction de vote automatique et indifférenciée qui toucherait

un groupe ou une catégorie de personnes n’est pas considérée

raisonnable. Cette position est partagée par le Comité des droits

de l’homme46.

Une peine complémentaire, telle que mentionnée à l’article 6, se

différencie d’une peine accessoire en ce qu’elle doit être

prononcée par le juge et ne s’ajoute pas automatiquement à la

peine principale. L’intervention du juge est une garantie que

40 A cet égard, l’argumentation employée par la Cour Suprême du Canada dans son arrêt Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, [2002] 3 R.C.S. 519, 31 octobre 2002, résume bien cette conception du droit de vote: «Le fait de priver les détenus du droit de vote risque plus de transmettre des messages qui compromettent le respect de la règle de droit et de la démocratie que des messages qui prônent ces valeurs. La légitimité de la loi et l’obligation de la respecter découlent directement du droit de vote de chaque citoyen. Priver les prisonniers du droit de vote équivaut à abandonner un important moyen de leur inculquer des valeurs démocratiques et le sens des responsabilités sociales. La nouvelle théorie politique du gouvernement qui permettrait aux représentants élus de priver du droit de vote une partie de la population n’a pas sa place dans une démocratie fondée sur des principes d’inclusion, d’égalité et de participation du citoyen». 41 Cf. Cour européenne des Droits de l’Homme, Hirst (2) contre Royaume-Uni, jugement du 6 octobre 2005, requête n°74025/01; Frodl contre Autriche, jugement du 8 avril 2010, requête n°20201/04, paragraphe 25; Greens et M. T. contre Royaume-Uni, jugement du 23 novembre 2010, requêtes nos. 60041/08 et 60054/08. Voir aussi Code de Bonne Conduite en matière électorale, Lignes directrices, I 1.1 d (CDL-AD(2002)23 Rev. – 23 mai 2003). 42 CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, Observation générale n°25(57), paragraphe 14. 43 Ibid. 44 CDL-AD(2002)23 Rev., Code de Bonne Conduite en matière électorale, lignes directrices: une exclusion du droit de vote doit être motivée par «(…) des condamnations pénales pour des délits graves». 45 Ibid. rapport explicatif, page 15. 46 Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a eu l’occasion de rappeler que toute privation à caractère général et automatique du droit de vote à l’encontre des personnes condamnées pourrait ne pas être en conformité avec l’article 10, paragraphe 3 du Pacte, lu en conjonction avec l’article 25 du Pacte (CCPR/C/GBR/CO/6, Royaume Uni, (2008), p28). Le Comité cite à l’appui de cette position la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et notamment l’arrêt Hirst c. Royaume Uni (2005). Voir également CCPR/CO/77/LUX, Luxembourg, (2003), page 8 où le Comité exprime sa préoccupation au sujet de la privation systématique du droit de vote à titre de peine accessoire pour un grand nombre d’infractions.

chaque cas particulier fera l’objet d’un examen séparé et qu’il n’y

a donc pas privation indifférenciée du droit de vote pour toutes

les personnes condamnées. Cette disposition est une avancée

notable par rapport à l’article 5 du décret-loi n°2011-35 qui

prévoyait une privation automatique du droit de vote pour toute

personne condamnée « pour crime ou pour délit infamant puni

par une peine d’emprisonnement ferme de plus de six mois » et

n’ayant pas été réhabilitée.

Cependant, l’article 6 de la Loi organique pose une difficulté en

ce que, contrairement à l’article 5 du décret-loi de 2011, il

n’exige pas que la privation du droit de vote ne puisse être

prononcée que pour des infractions graves. Quant à l’article 5 du

Code pénal, il se borne à cataloguer la perte du droit de vote

parmi les peines complémentaires, sans autre précision. En

théorie, cela laisse toute latitude au juge de priver toute

personne condamnée du droit de vote pour des infractions

même mineures. L’obligation faite au juge d’examiner

séparément la question de la privation du droit de vote est une

condition nécessaire mais non suffisante pour écarter le risque

d’une interdiction de vote frappant un nombre important de

personnes, suffisamment important pour qu’il soit légitime de

considérer que le principe du suffrage universel n’est pas

respecté. Ce à quoi s’ajoute le risque d’un manque d’uniformité

dans l’application de cette mesure et donc de discrimination

entre personnes condamnées puisque rien ne permet d’assurer

que les juges n’auront pas des positions divergentes sur la

question de savoir ce qui justifie ou ne justifie pas une

interdiction de vote. Il conviendrait donc que le législateur

encadre le pouvoir discrétionnaire du juge afin de garantir une

application uniforme de cette disposition qui tienne compte de la

gravité de l’infraction.

S’agissant de la durée de l’interdiction de vote, il faut relever que

l’alinéa 3 de l’article 6 précise que les personnes privées du droit

de vote pour cause de « démence continue » ne le seront que «

durant toute la durée de l’interdiction ». Cette précision semble

sous-entendre qu’à l’inverse des personnes souffrant de «

démence continue », les personnes condamnées pourraient être

privées du droit de vote pour une période excédant la durée de

la peine. Proportionnalité ne signifie pas que la durée de la peine

et la durée de l’interdiction de vote doivent être identiques. Ceci

dit, rien ne semble pouvoir justifier qu’une peine complémentaire

se prolonge au-delà de la durée de la peine principale.

L’interdiction de vote ne devrait pouvoir être prononcée que pour

une durée n’excédant pas celle de la peine prononcée (tenant

compte d’éventuels aménagements de peine)47. Il conviendrait

de lever cette ambigüité dans le texte de l’article 6, en précisant

que la durée de la peine complémentaire – ici une mesure de

privation du droit de vote – ne peut excéder celle de la peine

principale.

47 Dans son Observation générale n°25, le Comité des droits de l’homme indique que « la période pendant laquelle l’interdiction s’applique devrait être en rapport avec l’infraction et la sentence » (paragraphe 14). Voir également Dissanayake, Mudiyanselage Sumanaweera Banda c. Sri Lanka, Communication No. 1373/2005, p 8.5: la loi électorale du Sri Lanka prévoyait une interdiction de vote et d’éligibilité de toute personne condamnée pour une durée de 7 ans après sa libération. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a considéré que cette disposition constituait une violation de l’article 25 du Pacte.

21

Recommandations

L’alinéa 1 de l’article 6 qui prévoit la privation du droit de

vote pour les personnes condamnées à titre de peine

complémentaire (au sens de l’article 5 du Code pénal)

constitue une avancée par rapport à la législation antérieure

en ce qu’il prévoit l’examen par le juge de toute mesure de

privation. Cependant, il est essentiel que toute interdiction

de vote ne puisse être prononcée que pour des infractions

graves ce que la loi ne précise pas. Le pouvoir

discrétionnaire du juge devrait être encadré afin de garantir

une application uniforme de cette disposition tenant compte

de la gravité de l’infraction.

Il devrait être précisé à l’article 6 que toute peine

complémentaire d’interdiction de vote des personnes

condamnées ne peut être prononcée pour une durée

excédant celle de la peine principale.

En outre, des dispositions devraient être prises pour que

des personnes disposant du droit de vote telles que les

détenus n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation

définitive ainsi que les personnes hospitalisées, puissent

effectivement exercer leur droit de vote.

Section II: Droit de vote des militaires et agents de la

sécurité intérieure

L’article 6, alinéa 2 prévoit que « les militaires, tels que définis

dans la loi portant sur le statut général des militaires, et les

agents des forces de sécurité intérieure » ne peuvent être

inscrits au registre des électeurs et donc exercer le droit de vote.

Le principe du suffrage universel n’est pas absolu mais toute

mesure le restreignant, quand bien même les motifs la justifiant

seraient légitimes, doit répondre à des critères « objectifs et

raisonnables », être prescrite par la loi et ne doit pas être

restrictive dans des proportions telles qu’elle viderait le principe

du droit de vote de toute substance. Toute mesure privant du

droit de vote une catégorie entière de la population doit a priori

être considérée comme excessive au regard de ces critères. A

l’évidence, l’interdiction de vote faite aux militaires et aux agents

de la sécurité intérieure concerne une catégorie non négligeable

de la population.

Toute autre justification, notamment les défis logistiques ou

autres que comporte nécessairement l’exercice du droit de vote

par les militaires, est irrecevable48. Si cette justification était

recevable, cela équivaudrait à conditionner l’exercice d’un droit

aussi fondamental que le droit de vote à des considérations

pratiques, avec tous les abus auxquels cela peut se prêter.

La pratique des Etats montre que les militaires sont privés de

certains droits ou libertés reconnus à tous les citoyens en raison

des nécessités du service et de la discipline nécessaire aux

forces armées. Dans certains pays, la crainte de manipulations

et de coups d’Etat militaires a conduit, par le passé, à imposer

48 Cf. CDL-AD(2002)23 Rev., Commission de Venise du Conseil de l’Europe, Code de bonne conduite en matière électorale, rapport explicatif, page 22.

aux militaires une obligation de neutralité se manifestant, en

premier lieu, par la privation du droit de vote pour le personnel

des armées. Pendant des décennies, du point de vue du droit

international, cette atteinte au principe du suffrage universel a

été tolérée en raison de circonstances exceptionnelles liées au

passé politique de certains pays où les coups d’Etat militaires

constituaient un risque réel et imminent. On considère de nos

jours qu’une telle limitation est excessive en ce qu’elle n’est pas

proportionnée au but poursuivi, que celui-ci soit la préservation

de la discipline, la crainte de manipulations, les nécessités du

service ou l’obligation de neutralité (ou tout cela à la fois)49. Un

risque hypothétique de coup d’état ne peut justifier, au nom de la

protection de la démocratie, de limiter un droit aussi essentiel à

la démocratie que le droit de vote.

L’article 6 alinéa 3 prive du droit de vote une catégorie entière de

la population tunisienne et de ce fait, de par son caractère

général, automatique et indiscriminé, du suffrage universel, une

telle interdiction ne constitue pas une limitation raisonnable.

Seules des circonstances exceptionnelles pourraient la justifier.

Or, si les premières élections démocratiques qu’a connues la

Tunisie en 2011 appelaient des mesures d’exception, peut-on

encore estimer que ces dernières se justifient encore en 2014?

Les difficultés logistiques que pose le vote des militaires sont

évidemment à prendre en considération du fait des risques de

manipulation qui ne sont pas négligeables. Ceci dit, celles-ci

pèsent d’un poids moindre au regard de l’exercice d’un droit

aussi fondamental que le droit de vote. Il y aurait lieu d’engager

une réflexion devant mener à terme à reconnaître au personnel

des armées le droit de vote, tout en prévoyant des mesures

spécifiques afin de leur permettre d’exercer ce droit en toute

indépendance, sans être exposés à des violences ou à des

menaces de violence, à la contrainte, à des offres de

gratification ou à toute intervention manipulatrice50.

S’agissant des agents de la sécurité intérieure, l’article 4 de la loi

n°82-70 du 6 août 1982, portant statut général des Forces de

Sécurité Intérieure, dispose que «les Forces de Sécurité

Intérieure comprennent les agents de la Sûreté Nationale, de la

Police Nationale, de la Garde Nationale, de la Protection Civile

et les agents de prisons et de la rééducation». Il en résulte que

l’interdiction de vote concerne ici un nombre conséquent

d’électeurs potentiels ce qui le rend encore plus difficilement

49 En ce sens, on peut relever deux arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’Homme (affaires Adefdromic c. France et Matelly c. France du 2 octobre 2014) qui, admettant une nécessaire restriction des droits des militaires, a pourtant rejeté à l’unanimité l'interdiction qui leur était faite de se syndiquer. De manière générale, ces arrêts reflètent une réticence de plus en plus grande en Europe à accepter que la préservation de l’ordre et de la discipline nécessaire aux forces armées puissent justifier que les militaires n’exercent pas les libertés accordées à tous les autres citoyens. 50 A noter les recommandations sur ce point que contient le rapport explicatif du Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise (CDL AD(2002)23 Rev.): «Lorsqu’ils n’ont pas la possibilité de rentrer à leur domicile le jour du vote, il est souhaitable que les militaires soient inscrits dans les bureaux de vote proches de leur caserne. Le commandement local communique l’identité des militaires présents aux autorités municipales, qui procèdent à leur inscription sur les listes électorales. Il peut être fait exception à cette règle lorsque la caserne est trop éloignée du bureau de vote le plus proche. Des commissions spéciales devraient être constituées au sein des unités militaires pour superviser la période pré-électorale, afin d’éviter que les supérieurs imposent ou ordonnent des choix politiques» (paragraphe 41).

22

justifiable. Il est recommandé que la levée de l’interdiction de

vote à l’encontre des agents de la sécurité intérieure fasse partie

de toute réforme à venir du droit électoral.

Le décret-loi n°2011-35 étendait explicitement cette interdiction

aux conscrits. Il n’est pas clair si la Loi électorale a ou non

maintenu cette interdiction de manière implicite ou si, dans les

faits, elle a continué à être appliquée. Il est difficilement

justifiable que des électeurs potentiels puissent être privés de

leur droit de vote par le seul fait de la conscription. Leur

enrôlement sous les drapeaux ne procède pas d’une démarche

volontaire, de sorte que la privation du droit de vote dont il est

assorti ne s’apparente pas à un choix fait en connaissance de

cause, comme cela est le cas pour les militaires de carrière. Il

est recommandé que la Loi électorale soit sans ambigüité sur le

fait que les conscrits disposent du droit de vote, quitte à prévoir

des mesures spécifiques afin de leur permettre d’exercer ce droit

sans être exposés à des influences indues, à toute intervention

manipulatrice ou à une coercition de quelque nature que ce soit,

qui pourraient fausser ou entraver la libre expression de leur

volonté.

Recommandations

Parce qu’elle affecte, de manière générale, automatique et

indiscriminée, une catégorie entière de la population,

l’interdiction de vote pour les militaires et agents des forces

de la sécurité intérieure prévue à l’article 6, alinéa 3 de la

Loi électorale, constitue une atteinte substantielle au

principe du suffrage universel tel que défini dans les textes

internationaux et tel qu’il s’apprécie aujourd’hui dans la

pratique des Etats. Il y aurait lieu d’engager une réflexion

devant mener à terme à reconnaître au personnel des

armées le droit de vote, tout en prévoyant des mesures

spécifiques afin de permettre aux militaires d’exercer ce

droit en toute indépendance, sans être exposés à des

violences ou à des menaces de violence, à la contrainte, à

des offres de gratification ou à toute intervention

manipulatrice.

Il est recommandé que la Loi électorale soit sans ambigüité

sur le fait que les conscrits disposent du droit de vote, quitte

à prévoir des mesures spécifiques afin de leur permettre

d’exercer ce droit sans être exposés à des influences

indues, à toute intervention manipulatrice ou à une

coercition de quelque nature que ce soit, qui pourraient

fausser ou entraver la libre expression de leur volonté.

Il est recommandé que la levée de l’interdiction de vote à

l’encontre des agents de la sécurité intérieure fasse partie

de toute réforme à venir du droit électoral.

Section III: Droit de vote des personnes atteintes de

«démence continue»

L’article 6, alinéa 3 prive du droit de vote les «personnes faisant

l'objet d'un jugement d'interdiction pour démence continue et ce

durant toute la période de l'interdiction»51. L’article 5 du décret-

loi n°2011-35 en faisait de même mais pour toutes les

51 Voir également article 3 de la décision de l’ISIE n°2014-7 du 3 juin 2014 relative aux règles et procédures d’inscription des électeurs pour les élections et le référendum, telle que modifiée par la décision n°2014-11 du 16 juillet 2014.

personnes frappées d’interdiction ce qui était d’une portée plus

large puisque englobant non seulement les personnes atteintes

de démence (continue ou intermittente) mais également les

«faibles d’esprit» et les « prodigues »52.

La Tunisie a ratifié sans réserve la Convention relative aux droits

des personnes handicapées en 2008, année également de son

entrée en vigueur. Cette convention prévoit en son article 29 que

«les États Parties garantissent aux personnes handicapées la

jouissance des droits politiques et la possibilité de les exercer

sur la base de l’égalité avec les autres». Dans ses observations

finales sur le rapport initial de la Tunisie53, le Comité des droits

des personnes handicapées recommande «l’adoption d’urgence

de mesures législatives visant à garantir que les personnes

handicapées, y compris les personnes faisant actuellement

l’objet d’une tutelle ou d’une curatelle, puissent exercer leur droit

de voter et de participer à la vie publique, sur la base de l’égalité

avec les autres».

Ceci dit, sur cette question, l’état du droit international n’est pas

encore stabilisé. En 1996, dans son Observation générale n°25,

le Comité des droits de l’homme des Nations Unies considérait

raisonnable de refuser le droit de vote (et d’éligibilité) «à une

personne dont l’incapacité mentale est établie». Sa position a

par la suite évolué puisqu’il considère désormais qu’un handicap

psychosocial ou intellectuel peut justifier la privation du droit de

vote pour autant que cette privation se base sur des critères

objectifs et raisonnables et soit proportionnelle au handicap

constaté. Ce qui implique un examen spécifique non seulement

de la nature et du degré du handicap mental mais également un

examen séparé de la question de savoir si ce handicap justifie la

privation du droit de vote54. Cette position diffère de celle du

Comité des droits des personnes handicapées qui n’accepte

aucune justification à la limitation du droit de vote des personnes

souffrant d’un handicap mental55 et donc aucune limitation à ce

droit.

En l’état actuel du droit, et compte tenu des contradictions

susmentionnées, les éléments suivants sont à prendre en

considération. En premier lieu, l’exercice du droit de vote est une

composante de la capacité juridique qui ne peut connaître de

restriction que dans les conditions et selon les modalités

prévues à l’article 12 de la Convention relative aux droits des

personnes handicapées. Deuxièmement, toute mesure de

restriction, à caractère général, automatique et indifférencié, est

52 L’article 160 du Code du statut personnel (CSP) définit la démence comme suit : «Le dément est celui qui a perdu la raison, sa démence peut être continue ou coupée d’intervalles lucides» (d’où la distinction entre démence continue et démence intermittente). Par ailleurs, le même article définit «le faible d’esprit» comme celui qui ne jouit pas de la plénitude de sa conscience, qui conduit mal ses affaires, ne connaît pas les transactions courantes et est lésé dans ses actes d’achat et de vente. L’article 161 du CSP dispose que l’interdiction est prononcée par un juge sur avis des experts en la matière. 53 CRPD/C/TUN/CO/1, 13 mai 2011. 54 Cf. UN doc CCPR/C/BLZ/CO/1 (2013), para. 24. 55 Voir par exemple les observations du Comité sur le rapport soumis par l’Espagne (23 septembre 2011). Une divergence de vues peut aussi être constatée au niveau européen où la Cour européenne des droits de l’Homme (Alajos Kiss c. Hongrie, 20 mai 2010) a considéré qu’une privation indiscriminée du droit de vote, sans évaluation judiciaire spécifique (au cas par cas) ne constituait pas un but légitime pour restreindre le droit de vote.

23

inacceptable au regard de la Convention. La privation du droit de

vote doit être examinée séparément et ne doit pas découler

automatiquement d’une mise sous tutelle ou de toute autre

mesure limitant la capacité juridique d’une personne. Enfin, il est

essentiel que toute restriction au droit de vote soit proportionnée

et adaptée à la situation de la personne concernée, s’applique

pendant la période la plus brève possible et soit soumise à un

contrôle périodique effectué par un organe compétent,

indépendant et impartial ou une instance judiciaire.

A la lumière de ces éléments non encore consolidés du droit

international, l’article 6 de la Loi électorale constitue une

avancée par rapport au décret-loi n°2011-35 en ce qu’il restreint

le champ d’application de l’interdiction aux seuls cas de

«démence continue» alors qu’en 2011, d’autres personnes

étaient concernées par l’interdiction.

Pour ce qui est de l’examen séparé ou spécifique de la privation

du droit de vote, il faut noter que d’après les informations

fournies au Comité des droits des personnes handicapées par la

délégation tunisienne lors des discussions de suivi du rapport

présenté par la Tunisie56, «avant que le tuteur d’une personne

atteinte d’un handicap mental soit désigné, un juge ordonne une

évaluation spécialisée des facultés mentales de cette personne

et se prononce ensuite sur la question de la tutelle. Toutes les

initiatives prises par le tuteur sont supervisées par le magistrat».

Par ailleurs, l’article 161 du Code du statut personnel dispose

que la perte de la capacité juridique (ou interdiction) est

prononcée par un juge sur avis des experts en la matière. Il n’y a

donc pas d’examen séparé de la privation du droit de vote.

Celle-ci découle automatiquement de la perte de la capacité

juridique.

Une autre question se pose. Celle de la distinction entre «

démence continue » et « démence intermittente ». Il semble que

la plupart des décisions judiciaires de mise sous tutelle pour

démence ne spécifient pas si la décision est prise pour «

démence continue » ou pour « démence intermittente ». Dès

lors, il y a de fortes chances que la privation du droit de vote

puisse être prononcée dans les deux cas ce qui va à l’encontre

de l’article 6 de la Loi électorale, disposition qui pourrait de ce

fait rester lettre morte à moins qu’à l’avenir, les juges des tutelles

demandent aux experts mandatés de préciser de quelle

démence il s’agit.

Il serait donc opportun de prévoir, dans les textes comme dans

la pratique, un examen spécifique, au cas par cas, de la capacité

de toute personne frappée d'une interdiction pour « démence

continue » d’exercer son droit de vote. La mise sous tutelle,

même pour « démence continue » ne devrait pas

automatiquement entrainer la privation du droit de vote. La

question du droit de vote nécessite un examen spécifique sous

le contrôle du juge. Cet examen devrait avoir lieu

périodiquement, toujours sous le contrôle du juge.

56 CRPD/C/5/SR.5, 6 juin 2012.

Recommandations

Au regard d’un droit international, encore incertain sur la

question, mais porté vers un contrôle de plus en plus strict

de toute mesure de privation du droit de vote, y compris

celle concernant les personnes atteintes d’un handicap

mental ou psychosocial, il y aurait lieu de faire en sorte que

l’article 6, alinéa 3, de la Loi électorale, qui prive du droit de

vote les personnes frappées d’une interdiction pour «

démence continue », soit appliqué dans le respect des

principes suivants:

la mise sous tutelle, même pour « démence continue » ne

devrait pas automatiquement entrainer la privation du droit

de vote, celle-ci devant faire l’objet d’un examen

spécifique, sous le contrôle du juge, renouvelé

périodiquement, toujours sous le contrôle du juge;

les décisions judiciaires de mise sous tutelle devraient

spécifier si la mise sous tutelle est prononcée pour «

démence continue » ou « démence intermittente » de façon

à éviter que l’interdiction de vote ne soit de facto étendue

aux personnes souffrant de « démence intermittente ».

Pour ce faire, les juges des tutelles devraient demander

systématiquement aux experts mandatés de préciser de

quelle démence il s’agit, ceci ne préjugeant pas cependant

d’un examen séparé de la question du droit de vote.

DROIT DE SE PORTER CANDIDAT

L’article 19 (élections législatives) et l’article 40 (élections

présidentielles) de la Loi électorale contiennent des dispositions

qui posent des conditions pour l’exercice du droit de se porter

candidat. L’article 19 prévoit notamment que seuls les électeurs

de nationalité tunisienne depuis au moins dix ans peuvent se

porter candidats aux élections législatives. L’article 40 dispose

que seuls les électeurs de nationalité tunisienne par la

naissance et de confession musulmane peuvent se porter

candidats à l’élection présidentielle. Les électeurs binationaux

peuvent se porter candidats à l’élection présidentielle mais

doivent s’engager, au moment de faire acte de candidature, à

renoncer à leur autre nationalité s’ils sont élus.

Tout comme le droit de vote, le droit de se porter candidat n’est

pas absolu et peut faire l’objet de limitations. Si la marge

d'appréciation des Etats est large, elle n'est pas illimitée, et des

limitations ne doivent pas réduire le droit au point de l'atteindre

dans sa substance même et de le priver de son effectivité. Toute

limitation doit reposer sur des critères objectifs et raisonnables,

être expressément prévue par la loi et poursuivre un but

légitime. Les moyens employés à cette fin ne doivent pas être

disproportionnés. En particulier, toute limitation ne doit pas avoir

pour effet d’empêcher ou d’entraver la libre expression de

l'opinion de l’électorat. Dans la pratique cependant, il est

généralement admis que des limitations plus sévères que celles

portant sur le droit de vote peuvent lui être imposées57.

57 Observation générale n°25, Comité des droits de l’homme : «Ainsi, il peut être raisonnable d’exiger un âge minimum plus élevé pour être éligible […] que pour exercer le droit de vote.» Dans son Code de bonne conduite en matière électorale (CDL-AD (2002) 23 Rev.., 23 mai 2003), la Commission de Venise précise que «l’exclusion de l’éligibilité peut être

24

Section I: L’exclusion des électeurs ayant acquis la

nationalité depuis moins de dix ans (élections législatives)

L’article 19 prévoit notamment que seuls les électeurs de

nationalité tunisienne depuis au moins dix ans peuvent se porter

candidats aux élections législatives. Cette disposition ne fait que

reprendre l’article 53 de la Constitution de 201458.

Un nombre conséquent de pays ont eu recours ou ont toujours

recours à ce type d’exclusion59. Comme le rappelle le Comité

des droits de l’homme dans son Observation générale n°25, les

droits protégés par l’article 25 du PIDCP sont ceux de « tout

citoyen », et « toute distinction entre les citoyens de naissance

et les citoyens par naturalisation est incompatible avec l’article

25 ». Cette incompatibilité se fonde sur le caractère inacceptable

de toute distinction reposant sur le mode d’acquisition de la

nationalité. Une distinction fondée non seulement sur le mode

d’acquisition mais également sur le temps écoulé depuis la date

d’obtention de la citoyenneté n’est qu’une variante d’une même

pratique discriminatoire et reste donc incompatible avec l’article

25. Il n’y a là qu’une différence de degré et non de nature.

Pareille distinction accrédite l’idée d’une citoyenneté à deux

vitesses avec une citoyenneté de plein exercice pour une

catégorie de citoyens et une citoyenneté « au rabais » pour les

autres. La défiance qu’exprime ce type de discrimination à

l’égard des citoyens naturalisés, le soupçon qu’elle entretient sur

leur « loyauté » (et la nécessité donc de la tester dans le temps)

la rendent pour le moins problématique bien qu’encore répandue

dans un certain nombre de pays. A noter toutefois que depuis

1996, année d’adoption de l’Observation générale n°25, ce

nombre n’a cessé de décroître.

Il serait concevable de vouloir s’assurer d’un certain degré de

familiarisation du citoyen naturalisé avec les problèmes du pays,

auquel cas le critère d’exclusion devrait être non la durée

écoulée depuis l’obtention de la citoyenneté mais la seule durée

de résidence. Cependant, cela concernerait non seulement les

citoyens récemment naturalisés mais également les citoyens

non résidents, y compris ceux, parmi eux, qui sont nés en

Tunisie. Vu le nombre important de citoyens résidant à l’étranger

et certains, pour des périodes longues, une exclusion fondée sur

le critère de la durée de résidence aurait un impact bien

supérieur. On voit bien que là n’était pas l’objectif du législateur

ce qui tend à prouver a contrario que la vraie justification était

négative (la crainte d’un manque de loyauté) plutôt que positive

(la volonté de s’assurer d’un choix fait en connaissance de

cause).

soumise à des conditions moins sévères que celle du droit de vote». Voir également, à titre indicatif, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme: Ždanoka, § 115; Ādamsons, § 111; Tănase, § 156. 58 A noter que l'article 26 du Code tunisien de la nationalité interdit aux naturalisés «d'être investis de fonctions ou de mandats électifs pour l'exercice desquels la qualité de tunisien est nécessaire» pendant 5 ans à partir du décret de naturalisation. Cet article n’est pas en conformité ni avec la Constitution tunisienne (article 53) ni avec la Loi électorale. 59 En France jusqu’en 1973 (interdiction pour les naturalisés d'être électeur pendant les cinq ans qui suivent leur naturalisation); en Belgique jusqu’en 1991; toujours en vigueur aux Etats Unis (aussi bien pour la Présidence où il faut être citoyen de naissance qu’à la Chambre des Représentants où il faut avoir été naturalisé depuis au moins 7 ans) ainsi qu’au Cameroun, en Algérie, au Maroc, en Guinée, au Niger, pour n’en citer que quelques uns.

Recommandation

L’exclusion des citoyens ayant acquis la nationalité depuis

moins de dix ans n’est pas conforme à l’article 25 du PIDCP

qui ne permet pas de distinction « entre les citoyens de

naissance et les citoyens par naturalisation ». Il faudrait

réexaminer à l’avenir le bien-fondé de cette mesure. Le

principe de la libre expression de l’opinion du peuple veut

qu’il appartienne aux seuls électeurs d’accorder ou non de

l’importance à de telles distinctions entre les candidats qui

se présentent à leur suffrage.

A noter que l’article 19 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 53 de la Constitution l’ait été au préalable.

Section II: L’exclusion des électeurs qui ne sont pas

tunisiens de naissance (élections présidentielles)

En vertu de l’article 40, les électeurs qui ne sont pas tunisiens de

naissance ne peuvent pas se porter candidats à l’élection

présidentielle. Cette disposition ne fait que reprendre les termes

et conditions énoncés à l’article 74 de la Constitution.

Comme le rappelle le Comité des droits de l’homme dans son

Observation générale n°25, « toute distinction entre les citoyens

de naissance et les citoyens par naturalisation est incompatible

avec l’article 25 ». Une telle exclusion traduit une défiance

envers les électeurs naturalisés que rien a priori ne justifie. Elle

s’applique de manière automatique et indifférenciée, privant

toute une catégorie de la population d’un droit qui se trouve au

fondement de la démocratie comme du sentiment

d’appartenance nationale. Priver des citoyens d’un attribut

essentiel de la citoyenneté équivaut à vider de leur substance

les droits consacrés par l’article 25 du PIDCP et à violer le

principe de non-discrimination énoncé à l’article 2.1 du PIDCP.

Quand bien même serait-il possible de démontrer qu’une telle

exclusion poursuit un but légitime, elle ne pourrait être

considérée comme proportionnelle à ce but hypothétique en

raison de l’absence de limitation dans le temps qui la

caractérise.

Recommandation

L’exclusion de l’élection présidentielle des candidats

naturalisés est contraire à l’article 25 du PIDCP tel que

l’interprète le Comité des droits de l’homme qui considère

que « toute distinction entre les citoyens de naissance et les

citoyens par naturalisation est incompatible avec l’article 25

». Il faudrait réexaminer à l’avenir le bien-fondé de cette

mesure d’exclusion. La loi n’a pas vocation à se substituer,

par les critères d’exclusion qu’elle édicte, fondés sur

l’appréciation, toujours difficile, d’une loyauté envers la

Nation, aux critères qui présideront au choix des électeurs

parmi les candidats qui se présentent à leurs suffrages. Le

principe de la libre expression de l’opinion du peuple veut

qu’il appartienne aux seuls électeurs d’accorder ou non de

l’importance au fait qu’un candidat ne soit pas citoyen de

naissance.

A noter que l’article 40 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été au préalable.

25

Section III: L’exclusion des électeurs qui ne sont pas de

confession musulmane (élections présidentielles)

L’article 40 dispose que seuls les électeurs de confession

musulmane peuvent se porter candidats à l’élection

présidentielle. Cette exclusion, tout comme l’exclusion des

électeurs naturalisés, découle directement du même article 74

de la Constitution.

L’exclusion des citoyens non musulmans revient à subordonner

l’exercice d’un des droits garantis par l’article 25 du PIDCP au

fait pour le citoyen d’être d’une religion particulière, en

l’occurrence la religion musulmane. Comme l’indique le Comité

des droits de l’homme dans son Observation générale n°2260,

« les politiques ou les pratiques ayant le même but ou le même

effet (la contrainte pouvant porter atteinte au droit d’avoir ou

d’adopter une religion ou une conviction), telles que, par

exemple, celles restreignant […] les droits garantis par l’article

25 et par d’autres dispositions du Pacte, sont également

incompatibles avec le paragraphe 2 de l’article 18 ». Cela

signifie que toute mesure restreignant le droit d’éligibilité aux

seuls électeurs d’une confession donnée vaut contrainte à

l’égard de tous les électeurs d’une autre confession. Ces

derniers ne sont certes pas forcés de changer de religion mais le

seul constat que l’exercice de leur droit d’éligibilité est

subordonné au fait d’être d’une religion autre que la leur suffit à

caractériser l’existence d’une contrainte et donc l’incompatibilité

de cette mesure d’exclusion avec l’article 18.2 du PIDCP et par

delà avec l’article 25 de ce même texte61. On peut, du reste,

émettre des doutes sur l’applicabilité d’une telle exclusion.

Recommandation

Il est recommandé que l’interdiction faite, en vertu de

l’article 40 de la Loi électorale, aux électeurs qui ne sont

pas de confession musulmane de se porter candidats à

l’élection présidentielle soit levée. Cette exclusion est

contraire aux articles 18, paragraphe 2, et 25 du PIDCP tel

qu’interprétés par le Comité des droits de l’homme. Le

principe de la libre expression de l’opinion du peuple veut

qu’il appartienne aux seuls électeurs d’accorder ou non de

l’importance à ce fait.

A noter que l’article 40 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été au préalable.

Section IV: L’obligation pour les électeurs binationaux de

renoncer à leur autre nationalité en cas d’élection (élections

présidentielles)

L’article 40, paragraphe 2, dispose que tout électeur, titulaire

d’une autre nationalité que la nationalité tunisienne, « doit

présenter dans son dossier de candidature un engagement

d’abandon de l’autre nationalité au moment où il est proclamé

60 CCPR/C/21/Rev.1/Add.4, 27 septembre 1993. 61 Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a confirmé cette position dans ses observations sur différents rapports périodiques soumis par les Etats parties au Pacte. Voir notamment les Observations finales sur le rapport soumis par le Liban (CCPR/C/79/Add.78 (1997) & 23).

Président de la République ». Cette exclusion est formulée dans

les mêmes termes à l’article 74, paragraphe 2, de la

Constitution.

Le droit de se porter candidat n’est pas un droit absolu. Sous

certaines conditions, des limitations sont possibles qui peuvent

aller plus loin que celles portant sur le droit de vote62. Les

conditions auxquelles est subordonné le droit de se porter

candidat doivent poursuivre un but légitime et les moyens

employés ne doivent pas être disproportionnés. Elles ne doivent

pas réduire le droit en question au point de l’atteindre dans sa

substance même et de le priver de son effectivité. Un droit, pour

être effectif, ne peut se réduire à une prétention. Il doit pouvoir

être exercé dans la plénitude de ses effets.

Effectivité

L’article 40, paragraphe 2 n’interdit pas à l’électeur binational de

se présenter à l’élection présidentielle. Il le lui permet pour

autant qu’il s’engage à renoncer à son autre nationalité dans le

cas où il serait élu. Ainsi, en cas d’échec électoral, il peut garder

son autre nationalité. Le droit de se porter candidat est ainsi

dissocié du droit d’être investi de son mandat électif. Or, le

principe d’effectivité des droits exige qu’aucune différence ne

soit faite entre les conditions qui déterminent l’éligibilité et celles

qui régissent l’entrée en fonction63. Ce sont deux facettes (se

porter candidat, être investi dans son mandat électif) d’un même

droit qui ne peuvent être dissociées sous peine de vider de toute

substance ce même droit.

Légitimité et proportionnalité

Dans les pays qui n’autorisent pas les électeurs binationaux à se

porter candidat, la justification la plus communément invoquée

est l’atteinte - qui serait implicite dans la possession de plus

d’une nationalité- au principe constitutionnel d’indépendance du

mandat de député, de souveraineté de l’Etat, de sécurité

nationale et du principe de non-divulgation d’informations

confidentielles. Ce qui est invoqué, c’est le risque de conflit

d’intérêt, un citoyen d’une autre nationalité ayant des obligations

politiques et juridiques envers un autre Etat.

Ce dont il est question en dernière analyse, c’est de loyauté,

notion ambigüe, difficile à définir, mais qui a la vie dure dans un

certain nombre de pays. Elle s’apparente à une forme de

suspicion automatique à l’égard de tout citoyen autre que le

citoyen de naissance. Elle banalise des arguments que seules

62 Cf. CDL-AD(2002)23 Rev., Code de bonne conduite en matière électorale : « L’exclusion de l’éligibilité peut être soumise à des conditions moins sévères que celle du droit de vote. » 63 Dans l’affaire Tanase c. Moldavie (7/08, 27 avril 2010), la Cour européenne des droits de l’Homme était confrontée, dans le cas d’élections législatives, à une situation similaire (électeurs binationaux devant s’engager à renoncer à leur autre citoyenneté en cas de succès électoral) et a, là aussi, estimé qu’il n’y avait pas de différence entre pareil cas de figure et celui où le citoyen aurait été contraint de renoncer à son autre citoyenneté dès le stade du dépôt de candidature. Elle a considéré qu’«une restriction de ce type limite les droits garantis par l’article 3 du Protocole n°1 au point de porter atteinte à leur substance même et de les priver de toute effectivité». A noter également que la Commission de Venise a considéré, toujours dans le cas de la Moldavie, que «la nationalité multiple ne devrait pas figurer parmi les restrictions au droit de se présenter aux élections» (rapport sur les modifications apportées au code électoral de la Moldavie en avril 2008 adopté les 17-18 octobre 2008 - Avis n°484/2008).

26

des circonstances historiques particulières pourraient justifier

(une menace imminente de l’intégrité du territoire national ou de

l’indépendance nationale). Pour ces raisons, de plus en plus

nombreux sont les pays à ne plus restreindre l’éligibilité des

citoyens binationaux, même dans le cas d’élections

présidentielles, alors même que la figure de chef de l’Etat rend

les questions de conflits d’intérêt et de loyauté envers l’Etat

encore plus sensibles64. La Cour européenne des droits de

l’Homme65, en cela inspirée en partie par les prises de position

de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, a exprimé

ses doutes quant à la teneur d’une telle notion et à la

proportionnalité d’une restriction générale frappant les droits

électoraux, estimant qu’il existe d’autres moyens de protéger les

lois, les institutions et la sécurité nationale d’un pays. Elle a

notamment jugé que dans les pays où de multiples nationalités

sont permises, la possession de plus d’une nationalité ne saurait

être un motif pour priver un candidat de siéger au Parlement66.

Le raisonnement de la Cour et des pays ne restreignant pas les

droits électoraux des binationaux se fondent sur le principe de la

libre expression du choix des électeurs. Il devrait appartenir à

ceux-ci et à eux seuls, au moment de faire leur choix, d’accorder

ou non de l’importance à la bi- ou multi-nationalité du candidat.

Des principes juridiques contraignants n’ont pas lieu de se

substituer à ce libre choix ou de le limiter davantage que ne le

font déjà les exclusions fondées sur des motifs légitimes (âge,

résidence, incompatibilités liées à l’exercice de certaines

fonctions, etc.).

Ceci étant, il faut bien relever une certaine marge de tolérance

pour ce type de restriction quand elle est appliquée aux seules

élections présidentielles. Dans ce cas particulier, rien, en droit

international, ne permet de disqualifier d’emblée ce type

d’exclusion et de conclure à son incompatibilité de principe avec

l’article 25 du PIDCP. Il n’en demeure pas moins que dans la

pratique d’un grand nombre de pays, notamment européens, la

tendance est à la défiance accrue envers toute notion de loyauté

à l’appui de ce type d’exclusion. Ces pays sont enclins à

employer d’autres critères, en premier lieu la durée de résidence

qui, parce qu’elle permet de mesurer le degré de familiarisation

de l’électeur avec la société dans laquelle il vit, parait un critère

de limitation plus légitime.

Recommandation

Il y aurait lieu d’engager une réflexion sur l’opportunité

d’abroger l’obligation pour les électeurs binationaux de

renoncer à leur deuxième nationalité en cas d’élection,

notamment en menant une évaluation des effets qu’aurait la

suppression de cette obligation et en s’inspirant des

pratiques observées dans d’autres pays.

64 En Europe, rares sont les Etats qui interdisent la députation aux binationaux. Un tour d’horizon de la pratique des Etats membres du Conseil de l’Europe révèle un consensus sur le fait que lorsque la pluri-nationalité est autorisée, la possession de plus d’une nationalité ne doit pas être un motif d’inéligibilité à la charge de député, même si la population présente une certaine diversité ethnique et que le nombre de députés plurinationaux risque d’être élevé. Seules des considérations historiques ou politiques particulières peuvent justifier une pratique plus restrictive. 65 Cf. Tanase c. Moldavie, 7/08, 27 avril 2010. 66 Id.

A noter que l’article 40 de la Loi électorale ne peut être amendé

sans que l’article 74 de la Constitution l’ait été au préalable.

VI. LE REGISTRE DES ELECTEURS ET LES LISTES DES ELECTEURS

Section I: Le caractère incomplet des dispositions relatives

à l’enregistrement des électeurs

L’article 25 du PIDCP fait obligation aux Etats d’adopter les

mesures d’ordre législatif ou autres qui peuvent être nécessaires

pour que les citoyens aient la possibilité effective d’exercer leurs

droits. Pour des raisons de sécurité juridique et par souci

d’assurer la confiance de l’électorat, il est essentiel que les

dispositions traitant des aspects fondamentaux du cadre

électoral, notamment celles se rapportant à l’exercice des droits

de vote et d’éligibilité (qui sont directement protégés par la

Constitution), se trouvent dans la loi. Cela leur assure le degré

de permanence ou, du moins, de stabilité que seule la loi et la

Constitution peuvent leur conférer67. Ce qui n’exclut pas que les

modalités d’exercice de ces droits puissent faire l’objet de

mesures spécifiques prises sous forme réglementaire dans le

cadre général de la loi.

Les chapitres 2 et 3 de la Loi électorale qui portent sur le registre

des électeurs et les listes des électeurs apparaissent

extrêmement succincts alors même qu’ils traitent de questions

essentielles à l’exercice de droits constitutionnellement protégés

qui ne peuvent être laissées, dans des proportions aussi larges,

à l’entière discrétion de l’ISIE68. De fait, l’ISIE a adopté en juin

2014 la décision n°2014-7 (amendée en juillet) qui arrête les

règles et procédures d’inscription des électeurs.

Au registre électoral, la Loi électorale ne consacre que trois

articles (le chapitre II du Titre III, soit les articles 7, 8 et 9). Le

passage d’un système de listes périodiques à un registre

permanent mis à jour continûment, déjà acté par la Loi sur l’ISIE

(article 3.1), aurait mérité de plus amples développements.

Quoique son intitulé même (« relative aux règles et procédures

d’inscription des électeurs pour les élections et le référendum »)

suggère que la décision n°2014-7 de l’ISIE doive être entendue

comme s’appliquant aussi bien aux élections de 2014 qu’à tous

les scrutins à venir, elle est, de fait, consacrée essentiellement à

la procédure d’inscription des électeurs en vue des élections de

2014, n’ajoutant rien à la Loi en ce qui concerne le registre

électoral proprement dit.

Or, dans un régime de mise à jour continue, et non seulement à

chaque scrutin, du registre électoral où l’inscription repose sur

une démarche volontaire, il est important qu’existe une base

légale pour les demandes de correction émanant directement

des citoyens. Les électeurs devraient avoir accès non seulement

aux listes des électeurs dans la période précédant l’élection

67 Voir également à ce sujet le chapitre II du présent rapport. 68 Ces chapitres se contentent d’énoncer des principes de base sans entrer dans le détail de la réglementation qu’ils laissent le soin - implicitement ou explicitement - aux textes d’application de définir. C’est ce que du reste laisse également entendre l’article 3 de la Loi sur l’ISIE qui confie à l’Instance la charge «de toutes les opérations liées à l’organisation, l'administration et la supervision des élections et référendums».

27

mais également au registre des électeurs à tout moment, selon

des modalités à préciser. Il est essentiel que soit la loi soit les

textes d’application précisent les conditions d’accès au registre

et la procédure à suivre pour demander des corrections, sachant

qu’en appoint aux ententes de partage de données entre entités

administratives (qui permettent de fluidifier les échanges de

données par des accords préalables), cela permet d’éviter les

pointes d’activité à l’approche d’un scrutin. Les textes devraient

également traiter des questions de confidentialité des données.

La Loi électorale ne précise pas la durée de publication des

listes des électeurs. Elle délègue la responsabilité de le faire à

l’ISIE (article 13). Or, reprenant mot pour mot les termes de

l’article 13, l’article 37 de la décision n°2014-7 de l’ISIE ne

précise toujours pas cette durée. Tout aussi curieusement,

l’article 3.2 de la Loi sur l’ISIE indique que les listes électorales

sont arrêtées et publiées dans des délais fixés par la Loi

électorale; or la Loi ne fixe pas ces délais et pas davantage la

décision de l’ISIE. La décision n°2014-14 de l’ISIE du 18 juin

2014 relative au calendrier des élections législatives et

présidentielles pour l’année 201469 indique la date à laquelle les

listes des électeurs sont mises à disposition du public70. La

durée de publication des listes n’est pas précisée, mais en

revanche sont fixées les dates-limite de dépôt des oppositions71

de sorte qu’on peut en déduire que la durée de publication des

listes n’est que d’un seul jour. Une durée aussi brève est

manifestement insuffisante pour que les intéressés aient le

temps de consulter les listes des électeurs et de vérifier les

données y figurant. Il résulte des différentes dispositions

évoquées ci-dessus que la durée de publication des listes des

électeurs est en définitive une décision prise par l’ISIE au cas

par cas, en fonction de paramètres qui ne sont précisés nulle

part, cette durée pouvant donc varier d’une élection à l’autre. Il

est recommandé que la durée de publication des listes des

électeurs soit précisée dans la Loi électorale et qu’elle soit d’une

durée raisonnable pour que les intéressés aient suffisamment de

temps pour consulter les listes et y vérifier les données les

concernant ou concernant les autres électeurs de leur

circonscription.

Section II: Condition de résidence

Une condition de résidence peut être imposée pour l’exercice du

droit de vote. Elle figure parmi les limitations au droit de vote

considérées par le Comité des droits de l’homme des Nations

Unies comme a priori raisonnables. Le lieu de résidence de

l'électeur est important pour déterminer non seulement le bureau

de vote auquel il doit se rendre pour voter, mais également pour

assigner chaque vote à la circonscription appropriée. Dans le

cas d’élections locales mais également d’élections législatives

où les sièges sont attribués par circonscriptions électorales et où

le nombre de sièges par circonscription est fixé sur base du

nombre de résidents dans cette dernière, c’est une nécessité.

69 Telle que modifiée et complétée par la décision n°2014-17 du 1er août 2014. 70 A savoir le 6 août 2014 pour la première période d'inscription (article 4) et le 1er septembre 2014 pour la deuxième période d'inscription (article 4 ter). 71 A savoir, le 7, 8 et 9 août en ce qui concerne la première période d'inscription et le 2, 3 et 4 septembre en ce qui concerne la deuxième période d'inscription.

Le décret-loi n°2011-35 prévoyait, en son article 6, une

répartition des électeurs sur les listes électorales basée sur

l’adresse de résidence déclarée au moment de leur inscription.

La Loi électorale est muette sur ce point. L’article 3 de la Loi

relative à l’ISIE charge celle-ci d’établir, le cas échéant, une

condition de résidence mais la décision n°2014-7 de l’ISIE se

limite à prévoir l’insertion de l’adresse de résidence au moment

de l’inscription, sans exiger de preuve de résidence et l’électeur

restant libre de choisir le centre de vote qui lui convient,

indépendamment de son lieu de résidence (article 25.5 et

25.6)72.

La priorité était de permettre l’enregistrement du plus grand

nombre d’électeurs. Or la vérification de la résidence implique la

présentation de documents justificatifs (contrat de location, titre

de propriété, facture d'électricité au nom de l'électeur indiquant

l'adresse, etc.), ce qui risquait de dissuader un nombre important

d'électeurs de faire la démarche de s'inscrire.

Ceci dit, il est recommandé qu’une réflexion soit engagée dans

un futur proche sur la possibilité d’imposer aux prochaines

élections, notamment les élections locales à venir, une condition

de résidence assortie des moyens de vérifier la véracité des

adresses déclarées.

Recommandations

La Loi électorale est extrêmement succincte (articles 7, 8 et

9) sur les questions se rapportant à la tenue et à la mise à

jour du registre électoral. Il est recommandé que la Loi

électorale traite du registre électoral de manière moins

succincte, quitte à ce que certaines modalités techniques

soient arrêtées sous forme réglementaire. En particulier,

dans un régime de mise à jour continue du registre électoral

où l’inscription repose sur une démarche volontaire, il est

recommandé que les textes précisent les conditions d’accès

au registre, la procédure à suivre pour demander des

corrections et traitent également des questions de

confidentialité des données.

Il est recommandé que la durée de publication des listes

des électeurs soit précisée dans la Loi électorale et qu’elle

soit d’une durée raisonnable pour que les intéressés aient

suffisamment de temps pour consulter les listes et y vérifier

les données les concernant ou concernant les autres

électeurs de leur circonscription. En tout état de cause, un

seul jour d’affichage n’est pas suffisant.

Il est recommandé qu’une réflexion soit engagée dans un

futur proche sur la possibilité d’imposer aux prochaines

élections, notamment les élections locales à venir, une

condition de résidence assortie des moyens de vérifier la

véracité des adresses déclarées.

72 Pour les électeurs s’inscrivant sur les listes des électeurs à l’étranger, il n’est pas nécessaire de remplir la rubrique «adresse déclarée» et l’électeur peut toujours décider de voter sur le territoire national sur présentation de sa carte d’identité ou de son passeport lors de l'inscription (article 27).

28

VII. LA PRESENTATION DES CANDIDATURES AUX ELECTIONS LEGISLATIVES ET PRESIDENTIELLES

Section I: La procédure de dépôt, d’examen et

d’approbation des candidatures aux élections législatives et

à l’élection présidentielle

La Loi électorale fixe la procédure d’examen des listes

candidates aux élections législatives, précisant les délais pour

statuer sur les actes de candidature (7 jours à compter de la

date d’expiration du délai de dépôt des candidatures), les délais

de notification des décisions de l’ISIE (48 heures à compter de

l’adoption de sa décision) et le délai d’affichage des listes (24

heures à compter de la date de notification). Cependant, elle ne

précise pas le délai dont disposent les têtes de liste candidates

pour déposer les candidatures ni la durée de l’affichage des

listes. Elle attribue la responsabilité de fixer ces délais à l’ISIE

(article 21). Or la décision n° 2014-16 de l’ISIE du 1er août 2014,

qui détaille les modalités de mise en œuvre des dispositions de

la Loi électorale, n’apporte pas de précision sur ces deux points.

Cela implique que la durée de dépôt des candidatures est fixée

au cas par cas, pour chaque scrutin, ce qui constitue une

atteinte substantielle au principe de sécurité juridique dont

doivent bénéficier les candidats. Il est recommandé que la Loi

électorale elle-même précise le délai dont disposent les listes

candidates pour faire acte de candidature et qu’y soit également

précisée la durée d’affichage des listes candidates qui doit être

suffisamment longue pour permettre aux électeurs et candidats

d’en prendre connaissance et, pour ces derniers, de faire

d’éventuelles réclamations.

S’agissant de l’élection présidentielle, l’article 43 de la Loi

électorale renvoie à l’ISIE pour prendre les décisions concernant

le calendrier et les procédures de dépôt, d’acceptation et

d’examen des candidatures. Une fois les décisions de l'ISIE

rendues, la liste des candidats acceptés doit être affichée au

siège central de l’instance et publiée sur le site internet de

l’ISIE73. Les procédures et délais de recours contre les décisions

de l'ISIE et les délais de jugement (ainsi que de notification des

jugements) sont spécifiés dans la Loi74. N’est précisé ni dans la

loi ni dans la décision de l’ISIE le délai dont disposent les

candidats pour faire acte de candidature ainsi que la durée

d’affichage des listes de candidats. Comme indiqué ci-dessus en

ce qui concerne les élections législatives, constitue une atteinte

substantielle au principe de sécurité juridique dont doivent

bénéficier les candidats le fait que le délai dont ils disposent

pour déposer leurs candidatures ne soit fixé ni dans la loi ni dans

les textes d’application de sorte que ce délai peut de facto varier

73 L’article 45 de la Loi électorale fixe le délai de statuer sur les demandes de candidature à quatre jours à compter de la clôture des candidatures ainsi que le délai de notification à 24 heures à compter de la date d’adoption de la décision de l’ISIE. 74 L’article 46 de la Loi prévoit un délai de 48 heures à compter de la date d’affichage des listes ou de la notification pour déposer un recours devant le Tribunal administratif contre une décision de l’ISIE. Une audience de plaidoirie doit avoir lieu dans les trois jours suivant la date d’enregistrement de la requête. Le jugement est prononcé dans un délai de trois jours suivant l’audience de plaidoirie, le Tribunal administratif ayant ensuite 48 heures pour notifier son jugement aux parties concernées.

d’une élection à une autre. Il est recommandé que la Loi

électorale elle-même précise ce délai, tenant compte du temps

nécessaire pour réunir les parrainages des citoyens.

Section II: Les pièces à inclure dans les dossiers de

candidature aux élections législatives

L'article 21 de la Loi électorale dispose que « la candidature aux

élections législatives est déposée auprès de l’Instance [ISIE] par

la tête de liste candidate ou par un de ses membres,

conformément au calendrier et procédures fixés par l’Instance ».

Le même article énumère les documents qui doivent être joints à

la demande de candidature.

En application dudit article 21, l'ISIE a pris la décision n°2014-16

du 1er août 2014 fixant les règles et les procédures de

candidature aux élections législatives. L’article 9 de la décision

n°16 dispose que toute demande de candidature doit être «

obligatoirement accompagnée des pièces suivantes:[…] un

extrait du casier judiciaire (Bulletin n°3) de chaque candidat

[…] ». Cette pièce ne figure pas parmi les pièces à joindre

obligatoirement au dossier de candidature, telles qu’énumérées

à l’article 21 de la Loi électorale. Suite, semble-t-il, à des

protestations des partis politiques quant à l’exigence de

présenter un Bulletin n°3 du casier judiciaire à cause des délais

d’obtention d’un tel document (au moins 15 jours) et du risque

donc que certaines listes n’arrivent pas à déposer leurs

candidatures à temps, l’ISIE a modifié ledit article 9 (par décision

n°22 du 13 août 2014) en y ajoutant un troisième paragraphe

disposant que « les listes candidates aux premières élections

législatives suivant l’adoption de la Constitution sont dispensées

de la présentation de l’extrait du casier judiciaire ». L’obligation

de présenter un extrait du casier judiciaire – Bulletin n°3 – est

cependant maintenue pour les prochaines élections législatives.

L’ISIE a l’obligation de vérifier que les candidats remplissent

toutes les conditions légales requises pour se porter candidat

aux élections législatives, mentionnées à l’article 19 de la Loi

électorale qui dispose notamment que les candidats ne doivent

être « dans aucun des cas d’interdiction légale ». L’ISIE a donc

l’obligation de vérifier par exemple que le candidat n’a pas été

condamné à une peine d’inéligibilité75. Il semble que la

présentation du bulletin n°3 du casier judiciaire ait été exigée en

vue de vérifier que les candidats ne font pas l’objet d’une

condamnation d’inéligibilité. Toutefois, selon l’article 365 du

Code de procédure pénale, le bulletin n°3 du casier judiciaire ne

constate que les condamnations à une peine d’emprisonnement

dépassant six mois ou à une peine d'amende excédant mille

dinars, prononcées pour crimes ou délits, par toute juridiction.

Il apparaît donc que le bulletin n°3 n’est pas exhaustif et qu’une

personne peut faire l’objet d’une condamnation d’inéligibilité

sans que cela soit inscrit dans ledit bulletin. En conséquence,

exiger des candidats la présentation d’un bulletin n°3 ne permet

75 L’article 78 du décret-loi n°2011-35 disposait que la personne qui a commis des infractions électorales peut être en plus «privée d’exercer ses droits politiques durant cinq ans à compter du prononcé d’un jugement définitif à son encontre». Par ailleurs, selon l’article 456 du Code de commerce, le failli non réhabilité «n’est plus électeur ni éligible aux assemblées politiques […]».

29

pas de vérifier s’ils ne sont pas inéligibles. Il est donc

recommandé que la présentation du bulletin n°3 du casier

judiciaire, comme pièce à joindre au dossier de candidature, ne

soit plus exigée des candidats aux prochaines élections. Il est

important que les moyens utilisés par l’ISIE pour vérifier que les

candidats remplissent les conditions énoncées à l’article 19 de la

Loi électorale, ne se traduisent pas par des formalités

supplémentaires à la charge des candidats, non prévues par la

loi et constituant une entrave déraisonnable à l’exercice de leur

droit de se porter candidat.

En revanche, des dispositions devraient être prises afin de

s’assurer de la collaboration de l’administration qui centralise les

casiers judiciaires (service de l’identité judiciaire) avec l’ISIE de

manière à permettre à celle-ci de vérifier l’éventuelle inéligibilité

de candidats sans avoir à exiger qu’ils en apportent la preuve

eux-mêmes.

Recommandations

Il est recommandé que la Loi électorale précise le délai dont

disposent les listes candidates (élections législatives) et des

candidats (élections présidentielles) pour faire acte de

candidature et qu’y soit précisée, dans le cas des élections

législatives, la durée d’affichage des listes candidates qui

doit être suffisamment longue pour permettre aux électeurs

et candidats d’en prendre connaissance et, pour ces

derniers, de faire d’éventuelles réclamations.

Il est recommandé que la présentation du bulletin n°3 du

casier judiciaire (requise à l’article 9 de la décision de l’ISIE

n°2014-16 du 1er août 2014), comme pièce à joindre au

dossier de candidature, ne soit plus exigée des candidats

aux prochaines élections législatives étant donné qu’il ne

permet pas de vérifier l’éventuelle inéligibilité de candidats.

Il est important que les moyens utilisés par l’ISIE pour

vérifier que les candidats remplissent les conditions

énoncées à l’article 19 de la Loi électorale, ne se traduisent

par des formalités supplémentaires non prévues par la loi,

placées à la charge des candidats et constituant une

entrave déraisonnable à l’exercice de leur droit de se porter

candidat. Des dispositions devraient être prises afin de

s’assurer de la collaboration de l’administration qui

centralise les casiers judiciaires (service de l’identité

judiciaire) avec l’ISIE de manière à permettre à celle-ci de

vérifier l’éventuelle inéligibilité de candidats sans avoir à

exiger qu’ils en apportent la preuve eux-mêmes.

Section III: Le parrainage par des citoyens des candidats à

l’élection présidentielle

La Loi électorale ne contient de dispositions destinées à

s’assurer d’un degré minimal de représentativité des candidats

qu’en ce qui concerne l’élection présidentielle où les conditions

énoncées à l’article 41 s’inspirent, à quelques nuances près, de

celles figurant dans l’ancien Code électoral de 1969. La

procédure de parrainage des candidats à l’élection

présidentielle, y compris le parrainage par des citoyens inscrits

sur les listes des électeurs, est imposée par la Constitution

(article 74).

Tout candidat à l’élection présidentielle doit être parrainé par au

moins 10 élus de l’Assemblée des représentants du peuple ou

40 Présidents des Conseils des collectivités locales ou par

10,000 électeurs inscrits et répartis sur au moins 10

circonscriptions, pour autant que leur nombre ne soit pas

inférieur à 500 électeurs par circonscription76. En outre, l’article

40 prévoit le versement par chaque candidat d’une caution d’un

montant de 10,000 dinars qui ne lui sera restituée que s’il obtient

3% au moins des suffrages exprimés.

La nouveauté est l’option offerte à tout candidat de valider sa

candidature en recueillant 10,000 signatures d’électeurs77. Cette

procédure est délicate à mettre en application notamment en

raison des risques de fraudes qu’elle comporte et de la difficulté

à procéder aux vérifications nécessaires78. Cela dit, un aspect

positif de la Loi électorale est la possibilité offerte aux candidats

d’apporter des correctifs à la liste de leurs parrainages de

manière à ne pas les pénaliser pour les erreurs mineures qui

pourraient l’entacher et qu’une date-butoir ne leur permettrait

pas de corriger79.

La décision de l’ISIE n°2014-18 fixe les procédures de

parrainage et de vérification des listes de parrainage mais,

comme indiqué ci-dessus80, elle ne précise pas le délai dont

disposent les candidats pour déposer leurs candidatures. Il est

clair que ce délai doit être fixé en tenant compte du temps

nécessaire pour les candidats au recueil des signatures. L’article

9 de ladite décision dispose que la demande de candidature doit

être accompagnée, entre autres, d’une copie papier et d’une

copie électronique de la liste des « parrains » comportant

obligatoirement « le nom complet du parrain, sa qualité, sa

circonscription électorale, le numéro de sa carte d’identité

nationale et sa signature ». Le texte précise que « la copie

électronique doit être conforme aux spécifications techniques

fixées par l’Instance ».

Lors de l'élection présidentielle de 2014, 70 candidats ont

déposé leur candidature auprès de l’ISIE. Une majorité de

candidats ont eu recours aux parrainages de citoyens. Au total,

plus de 800,000 parrainages de citoyens ont été présentés par

les candidats. La Loi électorale exige un nombre minimum de

signatures (10,000) mais ne plafonne pas leur nombre. Certains

candidats ont déposé des dizaines de milliers, voire une

centaine de milliers de signatures. Selon l’article 45 de la Loi

électorale, l’ISIE doit statuer sur les demandes de candidature

au plus tard quatre jours après la clôture du délai de dépôt des

candidatures. Un nombre aussi élevé de signatures à vérifier en

quatre jours représentait un défi logistique considérable pour les

76 Pour la première élection présidentielle après l’adoption de la nouvelle Constitution, les candidats n’avaient le choix qu’entre la première et la troisième option (était exclu le parrainage par les Présidents des Conseils des collectivités locales). 77 En effet, le Code électoral de 1969, abrogé par la Loi électorale, disposait en son article 66 qu’« aucune demande de candidature ne peut être retenue si elle n’est présentée, à titre individuel ou collectif, par au moins trente citoyens parmi les membres de la chambre des députés ou les présidents des conseils municipaux ». 78 CDL-AD(2002)23 Rev., Commission de Venise du Conseil de l’Europe, Code de bonne conduite en matière électorale, Lignes directrices, 1.3 (page 6). 79 Comme l’a souvent rappelé la Commission de Venise, « il est beaucoup plus grave, du point de vue de la démocratie, d'empêcher quelqu'un de présenter sa candidature que de permettre à quelqu'un qui a enfreint quelques dispositions techniques de la loi de se porter candidat. », CDL-INF(2002)17, 15 novembre 2002, commentaires sur la Loi relative aux élections législatives de l’Azerbaijan. 80 Cf. Chapitre III, Section I.

30

équipes de l’ISIE81. Les vérificateurs de l’ISIE auraient remarqué

que des électeurs avaient parrainé plus d’un candidat – ce

qu’interdit l’article 41 de la Loi électorale – et avec des

signatures différentes. Il semble également que des bases de

données personnelles aient été utilisées et auraient permis à

des candidats de se prévaloir en un laps de temps très court

d’un grand nombre de parrainages. Ces informations ont été

relayées par les médias tunisiens. Des listes de noms

d’électeurs auraient été présentées dans le même ordre par

différents candidats82. La seule façon pour l’ISIE d’éviter la

fraude aurait été d’exiger une authentification des signatures83

ce qui aurait considérablement compliqué la tâche des

candidats. En effet, faire authentifier 10,000 signatures, surtout

en période estivale, aurait été très difficile, sachant que des

électeurs peuvent se désister en raison de la perte de temps

occasionnée par une telle procédure (files d’attente devant les

bureaux municipaux).

Au vu de l'expérience de la première élection présidentielle

tenue en 2014, il est possible de tirer les enseignements

suivants:

1. Les procédures et méthodes de vérification des listes de

parrainage devraient être renforcées. Des sanctions

dissuasives pour utilisation intentionnelle de données

erronées ou falsifiées pourraient être prévues.

2. Il devrait être permis à l’ISIE de ne pas vérifier toutes les

signatures mais seulement autant de signatures que

nécessaire pour atteindre le seuil fixé dans la loi84.

3. Le délai d’examen des candidatures fixé à quatre jours

par la Loi électorale (article 45) n’est pas suffisant pour

que l’ISIE procède à toutes les vérifications nécessaires

et, de ce fait, devrait être plus long.

4. La Loi électorale ne devrait pas interdire qu’un électeur

parraine plus d’un candidat dans la mesure où un

parrainage n’est pas un soutien à un candidat mais un

soutien à la possibilité pour celui-ci de se porter candidat

mais aussi parce qu’un candidat pourrait voir sa

candidature rejetée alors même qu’il a atteint le nombre

requis de signatures au motif que des électeurs ont

parrainé d’autres candidatures que la sienne ce qu’en

toute bonne foi, il peut ne pas savoir.

81 Cette question est devenue capitale, surtout que des rumeurs circulaient alléguant que des ventes illicites de données personnelles auraient été commises au profit de certains candidats. 82 Ces informations ont été relayées par les médias tunisiens. L’ISIE n’a pas confirmé officiellement ces informations, mais a confirmé l’existence de soupçons de fraude et a déclaré avoir transféré certains cas au ministère public. 83 L'article premier de la loi n°94-103 du 1er août 1994, portant organisation de la légalisation de signature et de la certification de conformité des copies à l’original dispose que « les autorités suivantes sont compétentes pour légaliser la signature des particuliers: - les gouverneurs, - les présidents des municipalités, les vice-présidents des municipalités et les adjoints aux présidents des municipalités chefs d'arrondissements dans les zones communales, - les délégués, en dehors des zones communales, - le conservateur de la propriété foncière, dans la limite de ses attributions (...) ». Par ailleurs, les notaires, étant des officiers publics, peuvent recueillir des parrainages et attester leur authenticité. 84 Dans son Code de bonne conduite en matière électorale (CDL-AD(2002)23 Rev.), la Commission de Venise précise que la vérification doit en principe porter sur l’ensemble des signatures, toutefois, lorsqu’il est certain qu’un nombre suffisant de signatures a été atteint, il peut être renoncé à la vérification des signatures restantes.

5. Vu le nombre élevé de signatures requises, les candidats

devraient bénéficier d’un délai raisonnablement long pour

recueillir les parrainages et ce délai devrait être fixé dans

la loi.

Peut-être serait-il opportun d’engager une réflexion sur

l’opportunité de maintenir une procédure de parrainage-citoyen,

compte tenu des difficultés pratiques que soulève une telle

procédure et sachant que le cumul de cette condition avec le

paiement d’une caution (remboursable seulement si le candidat

a obtenu au moins 3% des suffrages exprimés) peut être

considéré excessif au regard de l’objectif de pluralisme

politique85 et qu’en outre, son caractère dissuasif n’est pas

avéré. Il faut cependant relever que c’est la Constitution qui

prévoit le parrainage par des citoyens inscrits.

Recommandations

Les procédures et méthodes de vérification des listes de

parrainage devraient être renforcées. Des sanctions

dissuasives pour utilisation intentionnelle de données

erronées ou falsifiées pourraient être prévues.

Il devrait être permis à l’ISIE de ne pas vérifier toutes les

signatures mais seulement autant de signatures que

nécessaire pour atteindre le seuil fixé dans la loi.

Le délai d’examen des candidatures fixé à quatre jours par

la Loi électorale (article 45) n’est pas suffisant pour que

l’ISIE procède à toutes les vérifications nécessaires et, de

ce fait, devrait être plus long.

La Loi électorale ne devrait pas interdire qu’un électeur

parraine plus d’un candidat dans la mesure où un

parrainage n’est pas un soutien à un candidat mais un

soutien à la possibilité pour celui-ci de se porter candidat

mais aussi parce qu’un candidat pourrait voir sa

candidature rejetée alors même qu’il a atteint le nombre

requis de signatures au motif que des électeurs ont parrainé

d’autres candidatures que la sienne ce qu’en toute bonne

foi, il peut ne pas savoir.

Vu le nombre élevé de signatures requises, les candidats

devraient bénéficier d’un délai raisonnablement long pour

recueillir les parrainages et ce délai devrait être fixé dans la

loi.

Peut-être serait-il opportun d’engager une réflexion sur

l’opportunité de maintenir une procédure de parrainage-

citoyen, compte tenu des difficultés pratiques que soulève

une telle procédure et sachant que le cumul de cette

condition avec le paiement d’une caution (remboursable

seulement si le candidat a obtenu au moins 3% des

suffrages exprimés) peut être considéré comme excessif au

regard de l’objectif de pluralisme politique et qu’en outre,

son caractère dissuasif n’est pas avéré.

A noter cependant que c’est la Constitution qui prévoit le

parrainage par des citoyens et que par conséquent, l’abandon

du parrainage-citoyen n’est guère possible sans une

modification préalable de la Constitution.

85 OSCE ODIHR Lignes directrices pour l’analyse du cadre juridique des élections, Seconde édition 2013, Chapitre 9, page 38 « the simultaneous imposition of more than one of these requirements for ballot access should be considered as restrictive to political pluralism » (disponible en Anglais uniquement).

31

Section IV: La parité entre femmes et hommes (élections

législatives)

En 2011, l’ANC comptait parmi ses 217 membres 49 femmes,

soit 24% du total. A l’issue des élections d’octobre dernier,

l’Assemblée des représentants du peuple compte aujourd’hui 68

femmes sur 217 élus, soit 31,34% de la législature. L’Union

interparlementaire classe la Tunisie au 30ème rang sur les 190

pays répertoriés dans son classement86. La représentation des

femmes au sein de la législature s’est donc accrue entre 2011 et

2014.

En matière d’égalité entre hommes et femmes, la nouvelle

Constitution va plus loin que les textes antérieurs, affirmant

solennellement l’engagement de l’Etat à garantir « l’égalité des

chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes

responsabilités et dans tous les domaines », à œuvrer pour «

réaliser la parité entre la femme et l'homme dans les conseils

élus » (article 46) et à veiller « à garantir la représentativité des

femmes dans les assemblées élues » (article 34) 87. L’alinéa 3

de l’article 46 qui fixe l’objectif de parité au sein des conseils

élus est particulièrement novateur et exigeant.

Dans la Loi électorale, cet engagement s’est traduit par la

reprise du dispositif appliqué lors des élections de l’ANC sur

base de l’article 16 du décret-loi n°2011-35. L’article 24 de la Loi

électorale de 2014 a imposé une composition paritaire des listes

candidates. Les listes de candidatures déposées aux élections

législatives devaient comporter autant de femmes que

d’hommes, classés de façon alternée sur les listes en question.

Les listes ne respectant pas cette règle devaient être rejetées

(sauf dans le cas de circonscriptions comptant un nombre impair

de sièges).

L’engagement fort que contient la nouvelle Constitution aurait pu

conduire, sur base des enseignements de l’élection de l’ANC, à

renforcer ce dispositif88: sur 217 sièges, 49 femmes avaient alors

été élues (soit 24% des sièges de l'ANC) alors que plus de

86 http://www.ipu.org/wmn-f/classif.htm 87 A noter pour rappel que la Tunisie a ratifié en juillet 1985 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’a fait aucune réserve à l’article 7 qui garantit aux femmes le droit de voter, d’occuper des emplois publics et d’exercer des fonctions publiques et à l’article 4 selon lequel l’adoption de « mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas à considérer comme un acte de discrimination ». La Tunisie a signé le 30 janvier 2015 le Protocole pour la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (« Protocole de Maputo »), adopté en juillet 2003 et signé par 36 des 54 Etats membres de l’Union Africaine. Ce Protocole prévoit l’engagement des Etats à entreprendre « des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures de nature à garantir que: a) les femmes participent à toutes les élections sans aucune discrimination; b) les femmes soient représentées en parité avec les hommes et à tous les niveaux, dans les processus électoraux » (article 9). Toutefois, conformément à l'article 67 de la Constitution, le protocole ne sera ratifié par le Président de la République qu'après approbation de l'Assemblée des représentants du peuple (voir: http://www.tap.info.tn/fr/index.php/politique/41420-adhesion-de-la-tunisie-au-protocole-a-la-charte-africaine-relatif-aux-droits-des-femmes). 88 A noter toutefois, en ce sens, l’avancée que constitue par rapport au décret-loi n°35, l’obligation faite aux candidats, aux termes de l’article 21 de la Loi électorale, de présenter une liste complémentaire à laquelle s’applique également la règle d’alternance prévue à l’article 24 s’applique également.

4,000 femmes étaient candidates (soit près de 50% des

candidats) ; les femmes n’avaient pas été placées en têtes de

liste sur plus de 7% des listes89. Il y avait donc une marge de

progression pour se rapprocher de l’objectif de parité fixé par la

nouvelle Constitution.

La mesure la plus évidente afin d’accroître la représentation des

femmes au sein de l’Assemblée des représentants du peuple

aurait été d’instaurer un quota au niveau des têtes de liste

(« parité horizontale ») de façon à ce que les femmes ne soient

pas systématiquement placées en seconde position sur les

listes90. Au cours des débats qui ont précédé l’adoption de la Loi

électorale, des propositions ont été faites en vue d’imposer un

quota de 50% ou d’un tiers de femmes en têtes de liste mais ces

propositions n’ont pas été retenues. Il serait opportun de rouvrir

le débat sur cette question, sachant que ce type de mesure est

susceptible d’avoir un impact conséquent au regard de

l’engagement constitutionnel pris de « réaliser la parité entre la

femme et l'homme dans les conseils élus »91.

Cependant, cette seule mesure n’est peut-être pas suffisante.

En premier lieu, la question de la parité s’appréhende dans le

contexte plus large du système électoral en place et notamment

des mécanismes prévus par la loi pour minimiser le risque d’une

trop forte dispersion des voix, sachant qu’un système électoral

« ouvert » (ne restreignant pas ou peu le dépôt de candidatures)

est préjudiciable à la représentation des femmes (notamment en

l’absence de quotas). Or, la Loi électorale ne prévoit pas,

comme cela existe ailleurs, de dispositif permettant d’écarter les

candidatures frivoles ou peu représentatives. Toutefois, le

système d’aide publique au financement de la campagne

électorale qui, en 2011, avait été jugé excessivement libéral, est

désormais assorti de conditions de nature à décourager de telles

candidatures. Il y aurait lieu d’examiner l’impact combiné de

toutes ces mesures sur le nombre de listes candidates et, au-

delà, sur la représentation des femmes, de manière à déterminer

dans quelle mesure il pourrait être nécessaire d’aller au-delà du

dispositif actuel pour atteindre l’objectif de parité entre hommes

et femmes.

En tout état de cause, la poursuite des objectifs énoncés dans la

Constitution requiert un ensemble de mesures qui dépasse le

seul cadre de la législation électorale et qui notamment

s’attaque, en amont, aux causes de la non-représentation ou de

la marginalisation des femmes au sein des instances dirigeantes

des partis politiques.

89 Il est à signaler qu’avec le même dispositif légal, le pourcentage de femmes placées en têtes de listes est monté à 12% lors du dépôt des candidatures aux élections législatives de 2014. 90 L’absence de cette disposition a fait l’objet d’un recours en inconstitutionnalité devant l’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de lois. Ce recours, rejeté par l’Instance, est fondé sur les articles 34 (« … L’Etat veille à garantir la représentativité des femmes dans les assemblées élues ») et 46 («… L’Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les assemblée élues ») de la Constitution de 2014. 91 A noter cependant que la Constitution met à charge de l’Etat une obligation de moyen et non de résultat, comme l’a rappelé l’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de lois qui, saisie d’un recours pour inconstitutionnalité contre la Loi électorale sur ce point, a estimé, dans sa décision n°02/2014 rendue le 19 mai 2014, que l’article 24 de la Loi électorale est conforme à la loi fondamentale.

32

Recommandations

Afin d’accroître la représentation des femmes au sein de

l’Assemblée des représentants du peuple et des autres

Conseils élus, il est recommandé de considérer la

possibilité d’imposer à l’avenir un quota au niveau des têtes

de listes de façon à ce que les femmes ne soient pas

presque systématiquement placées en seconde position sur

les listes.

A moyen terme, il pourrait être envisagé un ensemble de

mesures dépassant le seul cadre de la législation électorale

et qui notamment s’attaque, en amont, aux causes de la

non-représentation ou de la marginalisation des femmes au

sein des instances dirigeantes des partis politiques.

VIII. LA CAMPAGNE ELECTORALE

Section I: L’interdiction de la « publicité politique » durant la

période électorale

La Loi électorale introduit la notion de « période électorale »

définie à l’article 3 de la Loi électorale comme la période

englobant la phase de précampagne électorale (ou pré-

référendum), la campagne électorale elle-même et la période de

silence (le jour de silence et le jour du scrutin). La phase de

précampagne s’étend sur une période de 3 mois expirant au

premier jour de la campagne électorale proprement dite, soit 22

jours avant la date du scrutin (article 50). La campagne

électorale s’achève 24 heures avant le jour du scrutin.

Aux termes de l’article 57 de la Loi électorale, la « publicité

politique », notion définie à l’article 3, est interdite durant toute la

période électorale qui couvre la phase de précampagne, la

campagne elle-même et les deux jours de silence électoral92.

Seule est permise, durant la campagne électorale, la

propagande des partis au travers des journaux partisans « sous

forme d’annonces publicitaires, uniquement au profit du parti

dont ils sont porte-paroles et des candidats ou des listes

candidates au nom du parti » (article 57). Est permise également

l’utilisation par les candidats à l’élection présidentielle de

« supports publicitaires » sans autre précision, la définition des

conditions d’utilisation de ces derniers incombant à l’Instance.

L’une des caractéristiques essentielles de tout système électoral

est de « garantir effectivement la liberté d’expression du choix

des électeurs »93. Celle-ci serait illusoire si elle n’incluait, comme

précisé au paragraphe 2 de l’article 19 du PIDCP, la liberté « de

rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des

idées de tout espèce, sans considération de frontières, sous une

forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre

moyen de son choix ».

92 L’article 69 qui interdit toute propagande électorale durant la période de silence électoral semble redondant puisque cela est déjà implicite dans l’article 57, sauf à considérer que les termes « propagande électorale » et « publicité politique » n’ont pas le même contenu. 93 CCPR/C/21/Rev. 1/Add.7, Comité des droits de l’homme, Observation générale n°25, paragraphe 21.

Dans le contexte particulier d’une campagne électorale, libre

choix des électeurs, liberté d’expression et libre accès à

l’information forment un tout indissociable. Comme le souligne le

Comité des droits de l’homme, « la communication libre des

informations et des idées concernant des questions publiques et

politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants

élus est essentielle au plein exercice des droits garantis à

l’article 25 »94 du PIDCP. Cela exige « une presse et d’autres

organes d’information libres, […] sans censures ni restriction, et

capable d’informer l’opinion publique »95. Les droits garantis aux

articles 19, 21 et 22 du PIDCP doivent être pleinement

respectés.

Pour créer les conditions d’un libre choix des électeurs, l’accès

libre à l’information ne suffit pas. La liberté des électeurs est

illusoire sans un accès équitable ou égal des candidats aux

moyens d’information de l’électorat. Il est essentiel que les

candidats bénéficient de conditions équitables d’accès à ces

moyens d’information et notamment aux médias. Au législateur

donc et aux instances en charge de l’application des textes

incombe la recherche d’un équilibre entre liberté (d’expression,

d’accès à l’information, d’association, de réunion, de

mouvement) et équité ou égalité (dans l’accès à l’information,

l’accès aux médias et l’exercice des libertés d’expression,

d’association, de réunion et de mouvement).

Dans ce cadre, l’interdiction de « toute publicité politique »

pendant toute la durée de la période électorale édictée à l’article

57 pose problème tant sur son principe que pour ce qui est de

son champ d’application. La définition de «publicité politique» à

l’article 3 parait suffisamment large pour englober toute forme de

propagande électorale. Or, l’article 57 interdit toute « publicité

politique » non seulement pendant la campagne électorale mais

également pendant toute la période électorale (qui inclut, outre

la campagne électorale, la phase de précampagne et la période

de silence). L’article 59, pour sa part, ne parle pas de « publicité

politique » mais de « propagande électorale » - termes non

définis à l’article 3 (qui contient les définitions des principaux

termes utilisés dans la loi). La propagande électorale est, elle,

autorisée durant la campagne électorale, ce qui laisse supposer

que les activités relevant de la propagande électorale

recouvreraient des activités différentes ne tombant pas sous le

coup de l’interdiction de toute « publicité politique » édictée à

l’article 57. Pendant la campagne électorale, seraient donc

autorisées les annonces, les réunions publiques, les défilés, les

cortèges, les rassemblements et toutes les activités publicitaires

dans les différents médias audiovisuels, écrits et électroniques.

Cependant, la lecture combinée des articles 3 (où sont définis

les termes « publicité politique »96) et 59 ne permet de saisir en

quoi les activités dont il est question sous ces deux qualifications

se distinguent. La définition de « publicité politique » évoque

l’emploi des méthodes et techniques du marketing commercial

94 Id. paragraphe 25. 95 Id. 96 A noter que la définition de l’article 3 des termes « publicité politique » semble reprise de celle figurant à l’article 2 du Décret-loi n°2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de communication audiovisuelle et portant création d’une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle - HAICA - (mais celle-ci n’évoque que la publicité politique dans les médias audiovisuels).

33

mais sans clarifier s’il s’agit là d’un critère permettant, à lui seul,

de différencier ce qui relèverait du « marketing électoral », pour

ainsi dire, de ce qui relèverait de la propagande électorale.

La pratique a confirmé cette difficulté. Dans sa décision n°2014-

28 du 15 septembre 2014, l’ISIE s’est contentée de reproduire la

définition de la publicité politique telle que formulée à l’article 3

de la Loi électorale, sans en préciser les contours et les limites97.

Pour autant, il semble que le Conseil de l’ISIE a adopté une

position officieuse souple en la matière, se limitant à interdire la

publicité au sens strict ou premier (essentiellement l’achat

d’espace publicitaire dans les journaux ou en vue de campagnes

d’affichage). Certaines instances régionales de l’ISIE ont

cependant interprété différemment la notion de publicité

politique, allant jusqu’à interdire à des candidats aux élections

législatives de distribuer des tracts en faisant du porte-à-porte,

considérant le procédé comme relevant du marketing

commercial.

Une interdiction large de toute forme de « publicité politique »

entendue de manière extensive parait excessive en ce que

l’égalité des chances entre candidats ne doit pas conduire à

vider le principe de liberté de toute substance. Les Etats ont

certes un large pouvoir d’appréciation en la matière. Il peut

notamment être argué que cette mesure se justifie par des

considérations d’ordre public ou bien en vue d’assurer le respect

des droits d’autrui. En cela, elle n’est pas contraire à l’article 19

du PIDCP. Cependant, s’agissant de déterminer si une mesure

aussi restrictive est nécessaire pour atteindre ce but,

l’interdiction de toute « publicité politique » entendue de manière

trop extensive durant toute la « période électorale » est

disproportionnée. Il y a, en effet, disproportion entre le but

poursuivi et les moyens employés.

Il y aurait lieu de reconsidérer l’opportunité de recourir à la

distinction entre « propagande électorale » et « publicité

politique » qui est nécessairement ténue ou du moins ambigüe

avec les risques de divergence d’interprétations et d’abus que

cela comporte pour ce qui est de leur mise en œuvre par

l’administration électorale. Le souci d’équité entre candidats ne

doit pas conduire à priver les candidats de la liberté de faire

connaître leurs idées et leurs programmes et à celles des

électeurs d’y avoir accès.

Si ces deux termes devaient être conservées, il est essentiel

qu’ils soient définis de manière claire de façon à ce que les deux

notions ne se recoupent pas et qu’il n’y ait pas de difficulté, à

tous les échelons de l’administration électorale, pour les

interpréter et les appliquer correctement et de manière uniforme.

D’autres mesures permettent d’atteindre l’objectif d’équité sans

pour autant limiter la liberté d’expression et de communication

97 Décision n°2014-28 du 15 septembre 2014, fixant les règles relatives à l’organisation et aux procédures de la campagne électorale et de la campagne référendaire, article 7: « La publicité politique est interdite durant la campagne, à l’exception des annonces publicitaires dans les journaux partisans et de l’usage des supports publicitaires par les candidats à l’élection présidentielle. Cette interdiction s’applique en période de précampagne et en période de silence. »

de manière aussi disproportionnée98, par exemple, en plafonnant

les dépenses électorales. L’article 81 prévoit, du reste, un tel

plafonnement et l’article 3 définit le terme « dépense électorale »

comme englobant toutes les dépenses engagées pendant la

période électorale, celle-ci incluant la période de précampagne.

Ce type de mesures a l’avantage de contribuer à ce que la

compétition électorale se fasse dans les conditions les plus

équitables possibles tout en permettant aux candidats de faire

campagne, c'est-à-dire de se faire connaître et de faire connaître

leurs programmes.

Recommandation

Il est recommandé de clarifier dans la loi les notions de

« publicité politique » et de « propagande électorale » telles

que définies aux articles 3 et 59 de la Loi électorale

respectivement, de manière à éviter toute divergence

d’interprétation dans leur application à tous les échelons de

l’administration électorale. Le souci d’équité ou d’égalité

dans l’accès des candidats aux moyens d’information de

l’électorat ne devrait pas se traduire par des mesures

d’interdiction d’une portée telle qu’elles privent les candidats

de la liberté de faire connaître leurs idées et leurs

programmes et les électeurs de les connaître. Les articles 3

et 57 de la Loi électorale devraient être amendés dans cet

esprit.

Section II: L’interdiction de l’utilisation des médias

étrangers dans le cadre de la campagne électorale

L’article 66 de la Loi électorale énonce une interdiction de

principe de l’utilisation des médias étrangers dans le cadre de la

campagne électorale. Dans le cas d’élections législatives, le

même article l’autorise de manière exceptionnelle pour les listes

de candidats à l’étranger. Pour ces listes, les règles d’utilisation

des médias audiovisuels étrangers sont fixées par l’ISIE en

concertation avec la HAICA et par la seule ISIE s’agissant de la

presse écrite et des médias électroniques.

Cette approche restrictive, déjà en vigueur dans la législation

antérieure, est motivée par la crainte que des candidats (sur des

listes en Tunisie) contournent les règles applicables aux médias

nationaux en faisant campagne à partir de médias étrangers,

sachant notamment que de nombreux tunisiens regardent

régulièrement des chaînes étrangères, arabophones ou

francophones.

En 200899, le Comité des droits de l’homme avait exprimé sa

préoccupation au sujet d’une interdiction d’utilisation des médias

98 Dans son Observation générale n°34 sur l’article 19 du Pacte (CCPR/C/GC/34 - 12 septembre 2011), le Comité des droits de l’homme rappelle qu’il y a lieu d’être particulièrement vigilant sur ce point et notamment qu’aussi légitimes les buts poursuivis, ils ne peuvent justifier de restreindre la possibilité pour les candidats de faire campagne dans des proportions excessives. Ainsi a-t-il considéré comme préoccupantes un certain nombre de restrictions au débat politique telles que l’interdiction de faire du démarchage électoral porte-à-porte ou les restrictions portant sur le nombre et le type d’imprimés qui peuvent être distribués pendant une campagne électorale (paragraphe 37). 99 Cf. Observations finales sur le cinquième rapport périodique de la Tunisie (CCPR/C/TUN/CO/5 – 23 avril 2008), paragraphe 19: « Le Comité est préoccupé du fait qu’en période électorale, le Code électoral (art. 62-III) interdit à toute personne l’utilisation d’une radio ou chaîne de télévision privées ou étrangères ou émettant de l’étranger dans le but

34

étrangers dans le cadre de la campagne électorale, considérant

une telle interdiction énoncée à l’article 62-III du Code électoral

tunisien comme incompatible avec les articles 19 et 25 du

PIDCP. Le Comité appelait à la levée de cette interdiction.

Parce qu’elle autorise exceptionnellement l’utilisation des

médias étrangers pour les listes candidates à l’étranger, la Loi

électorale va dans le sens préconisé par le Comité des droits de

l’homme. Cependant, l’utilisation des médias étrangers ne peut

se faire que sous certaines conditions que la loi ne précise pas,

laissant le soin à l’ISIE, en concertation avec la HAICA, de les

définir.

Le 8 septembre 2014, l’ISIE a adopté la décision n°2014-27 qui

fixe les règles relatives à l’utilisation des médias étrangers par

les listes candidates dans les circonscriptions électorales à

l’étranger. Ce texte définit les médias étrangers comme tout

média audiovisuel, écrit ou électronique, non soumis au droit

tunisien (article2). Son article 2bis dispose que « seules les

listes candidates des circonscriptions à l’étranger sont

autorisées, durant la campagne, à utiliser les médias étrangers,

à condition qu’ils: - soient totalement ou partiellement destinés à

la circonscription électorale dans laquelle la liste est candidate à

l’étranger; - respectent le principe de neutralité dans leur

couverture relative à la campagne; - s’engagent à respecter

l’intégrité physique, l’honneur et la dignité des candidats et des

électeurs, à ne pas porter atteinte à la vie privée des candidats

et à leurs données personnelles, et à ne pas appeler à la haine,

à la violence, au fanatisme et à la discrimination; - respectent le

droit à y accéder durant la campagne sur la base de l’équité

entre toutes les listes candidates dans la circonscription

électorale. »

La question que pose cet article est celle de savoir comment les

listes candidates à l’étranger peuvent s’assurer que des médias

non soumis au droit tunisien remplissent des conditions établies

en droit tunisien. Comment les listes candidates à l’étranger

pourraient-elles obtenir la garantie ou s’assurer à l’avance que

les médias au travers desquels elles s’apprêtent à faire

campagne respecteront des conditions que rien ne les oblige à

respecter ? De fait, ces listes pourraient se trouver sanctionnées

pour des violations dont elles ne peuvent en aucune manière

être tenues responsables et qu’elles n’ont aucun moyen

d’empêcher100. A cela s’ajoute que certaines des conditions

définies par l’ISIE sont formulées en des termes généraux qui ne

permettent pas aux médias concernés de savoir à l’avance

comment s’y conformer. Seule éventuellement une

connaissance approfondie de la jurisprudence des tribunaux

tunisiens permettraient de savoir ce qu’il faut entendre par les

notions employées à l’article susmentionné telles que celles

d’« honneur » et de « dignité ». Or, il va de soi qu’il est

inconcevable d’exiger de médias étrangers non soumis au droit

tunisien de connaître non seulement la loi tunisienne mais la

jurisprudence de ses tribunaux.

d’inciter à voter ou de s’abstenir de voter pour un candidat ou une liste de candidats (art. 19 et 25 du Pacte). L’État partie devrait abolir ces restrictions pour rendre pleinement compatibles les dispositions du Code électoral avec les articles 19 et 25 du Pacte. » 100 Symptomatique de la difficulté que posent ces dispositions est la terminologie employée à l’article 3 de la décision de l’ISIE: les listes candidates « doivent éviter de traiter » avec les médias qui ne respecteraient les conditions édictées à l’article 2bis.

Il est essentiel, du reste, que les notions d’« honneur » et de

« dignité » ne puissent pas être interprétées et appliquées dans

un sens restrictif et inhibant l’expression de critiques, aussi vives

soient-elles101.

Dans ces conditions, l’autorisation donnée aux listes candidates

de faire campagne au travers des médias étrangers revient à le

leur interdire ou, du moins, à les exposer à l’incertitude et à

l’arbitraire de l’interprétation qui serait faite de ces conditions par

l’ISIE avec les conséquences négatives que cela pourrait

entraîner pour les listes candidates alors même que rien ne

pourrait leur être reproché. Si la défiance du législateur tunisien

peut s’expliquer au vu du contexte tunisien et des abus

constatés durant les dernières campagnes électorales, rien ne

peut justifier que soient imposées aux candidats des contraintes

incompatibles avec un régime de liberté de communication des

idées et des informations102. En particulier, il ne peut être fait

exception au principe de « la communication libre des

informations et des idées concernant des questions publiques et

politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants

élus »103, essentielle au plein exercice des droits garantis à

l'article 25 du Pacte, que « de manière spécifique et

individualisée », « en particulier en établissant un lien direct et

immédiat entre l’expression et la menace »104. Dès lors qu’un

choix a été fait, celui de permettre aux ressortissants tunisiens

résidant à l’étranger de voter105 ce qui présuppose une

campagne électorale respectant les principes rappelés ci-

101 Observation générale n°34, Comité des droits de l’homme, CCPR/C/GC/34, 12 septembre 2011, paragraphe 38: « Pour ce qui est de la teneur du discours politique, le Comité a relevé que dans le cadre du débat public concernant des personnalités publiques du domaine politique et des institutions publiques, le Pacte accorde une importance particulière à l’expression sans entraves. Par conséquent, le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale, même si les personnalités publiques peuvent également bénéficier des dispositions du Pacte. De plus, toutes les personnalités publiques, y compris celles qui exercent des fonctions au plus haut niveau du pouvoir politique, comme les chefs d’État ou de gouvernement, sont légitimement exposées à la critique et à l’opposition politique. Par conséquent, le Comité s’inquiète de lois régissant des questions telles que le crime de lèse-majesté, le desacato (outrage à une personne investie d’une autorité), l’outrage à l’autorité publique, l’offense au drapeau et aux symboles, la diffamation du chef de l’État, et la protection de l’honneur des fonctionnaires et personnalités publiques, et la loi ne doit pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée. Les États parties ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions telles que l’armée ou l’administration.» A noter également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui souligne que «les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard du gouvernement que d'un simple particulier, ou même d'un homme politique» et pour ce qui est de la diffamation, la réaction des autorités se doit d’être «adéquate et non excessive» et exclusivement face «à des imputations diffamatoires dénuées de fondement ou formulées de mauvaise foi » (affaire Castells c. Espagne, 23 avril 1992). 102 Comme indiqué au paragraphe 2 de l’article 19 du PIDCP, la liberté d’expression inclut la liberté « de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de tout espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». 103 Observation générale n°25(57), Comité des droits de l’homme, U.N. Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994), paragraphe 26. 104 Observation générale n°34, Comité des droits de l’Homme, CCPR/C/GC/34, 12 septembre 2011, paragraphe 35. 105 A noter qu’il ne ressort pas du droit international ni de la pratique d’un grand nombre de pays en la matière, une obligation ou un consensus tendant à faire peser sur les Etats l’obligation de rendre possible l’exercice du droit de vote par les citoyens résidant à l’étranger (voir par exemple à ce sujet l’affaire Sitaropoulos et Giakoumopoulos c. Grèce, Cour européenne des droits de l’homme, 15 mars 2012).

35

dessus, les conséquences de ce choix doivent être assumées.

Si des conditions doivent être posées, elles ne doivent l’être qu’à

l’égard des listes candidates et non des médias étrangers. De ce

fait, il est recommandé que la loi soit amendée de façon à ce

que tout ce qui est exigé des listes candidates ne le soient qu’en

rapport à ce qui dépend d’elles exclusivement et non d’acteurs

non soumis au droit tunisien.

Recommandation

Il est recommandé que l’article 66 et les dispositions

réglementaires afférentes soient amendées de manière à

ce que les listes candidates à l’étranger puissent faire

campagne au travers des médias étrangers sans être

soumises à des conditions dont le respect est indépendant

de leur volonté. Dès lors que le vote à étranger est permis,

rien ne justifie en principe un régime dérogatoire en matière

d’accès aux médias pour les listes candidates à l’étranger.

Toutes les conditions posées à l’utilisation des médias

étrangers devraient ne concerner que ces seules listes et

non des acteurs non soumis au droit tunisien.

Section III: L’interdiction de publication de sondages

pendant la campagne électorale

L’article 70 interdit la publication de tout sondage ainsi que les

analyses et commentaires journalistiques s’y rapportant pendant

la campagne électorale (élections législatives et présidentielles,

référendums) et le jour de silence, soit pendant une durée de 22

jours. Dans l’attente de la promulgation d’une loi relative aux

sondages d’opinion, l’article 172 étend la durée de cette

interdiction à toute la période électorale106.

Toute restriction à la liberté d’expression doit être prescrite par la

loi, poursuivre un but légitime et doit être nécessaire pour

atteindre ce but. L’interdiction de publication de sondages durant

une période donnée précédant le jour de scrutin peut avoir

différentes justifications dont la légitimité n’est guère

contestable. Certains Etats invoquent le maintien de l’ordre

public ou le respect des droits d’autrui, tout deux inclus parmi les

buts légitimes à toute restriction énumérés au paragraphe 3 de

l’article 19. Leur préoccupation est de permettre à l’électorat

d’exprimer son choix, libre de toute influence extérieure, tout

sondage étant susceptible par la question posée, le moment

choisi, l’échantillonnage opéré et le traitement des résultats, de

le manipuler. Généralement, ce moratoire sur les sondages

intervient peu de temps avant le scrutin, la raison en étant que le

risque de manipulation est plus grand à l’approche du jour de

scrutin. Le Comité des droits de l’homme a considéré qu’il peut

être « légitime d’imposer des limites aux sondages politiques

juste avant un scrutin afin de garantir la régularité du processus

électoral » sans préciser cependant ce qu’il entendait ici par

« limites »107.

Reste la question de déterminer si la mesure prise est

proportionnelle à l’objectif poursuivi. Dans une affaire tranchée

par le Comité des droits de l’homme en 2005, celui-ci notait

106 Voir également les décisions de l’ISIE n°2014-25 et 2014-26 du 8 septembre 2014, articles 7 et 8 respectivement. 107 Observation générale n°34 sur l’article 19 du Pacte (CCPR/C/GC/34 - 12 Septembre 2011), paragraphe 37.

qu’un moratoire sur la publication des sondages d’une durée de

23 jours est inhabituellement long mais refusait cependant de se

prononcer sur l’incompatibilité de principe d’un moratoire de

cette durée avec l’article 19 du PIDCP108.

La pratique des Etats montre cependant qu’un moratoire qui

s’appliquerait à toute la durée de la campagne électorale,

comme le prévoit l’article 70 - et a fortiori quand ce moratoire

s’étend à toute la période électorale (les trois mois qui précèdent

le commencement de la campagne électorale)109 -, est

généralement considéré comme excessivement long d’où une

propension à ne pas y recourir ou seulement pour les tout

derniers jours de campagne électorale. Cette réticence est

renforcée par les risques de contournement du moratoire, celui-

ci ne pouvant s’appliquer aux sondages publiés à l’étranger, de

sorte que plus le moratoire est long, moins il est susceptible de

produire les effets attendus. Dans le cas d’un moratoire qui

s’étend aux commentaires des sondages (comme le précise

l’article 70), le risque est aggravé puisque rien ne pourrait alors

venir contrecarrer ou atténuer l’influence de sondages publiés à

l’étranger ainsi que leurs commentaires sur l’électorat tunisien.

Une solution moins risquée consisterait à combiner un moratoire

resserré sur la période de silence telle que définie à l’article 3

avec un renforcement de la règlementation s’appliquant aux

sondages de manière notamment à accroître la transparence en

ce qui concerne leurs conditions de réalisation, de diffusion et de

publication. Des sondages réalisés dans des conditions de plus

grande transparence atténuent les craintes d’abus ou de

manipulation qui motivent généralement une approche restrictive

(et donc des moratoires plus étendus dans le temps).

La lecture combinée des articles 3, 70 et 172 de la Loi électorale

ne permet pas de déterminer dans tous les cas de figure à quel

moment précisément le moratoire prend fin. L’article 172

impose, à titre transitoire, un moratoire portant sur toute la durée

de la période électorale. Or, l’article 3 fait une distinction entre

élections présidentielles et élections législatives selon que l’on

se réfère à la « période électorale » proprement dite ou à la

« période de silence » spécifiquement. Dans le cas d’élections

législatives, il faut se reporter au même article 3 qui précise que

la période de silence s’achève à la clôture du dernier bureau de

vote. En ce qui concerne les élections présidentielles, le même

article 3 indique que la période électorale s’étend jusqu’à la

proclamation des résultats définitifs du premier tour. Faut-il en

déduire que sitôt l’article 70 entré en vigueur, c’est-à-dire une

fois qu’une loi réglementant les sondages d’opinion aura été

adoptée, il deviendra possible, dans le cas d’élections

présidentielles, de publier des sondages d’opinion entre la

fermeture du dernier bureau de vote et la proclamation des

résultats définitifs? Les décisions de l’ISIE susmentionnées ne

clarifient pas ce point. Il y a là une ambigüité qu’il conviendrait

de lever.

Il serait également important de préciser à l’article 70 ce qui est

entendu par «sondages directement et indirectement liés aux

108 Communication 968/2001, Kim Jong-Cheol c. République de Corée, U.N. Doc. CCPR/C/84/D/968/2001 (2005), paragraphe 8.3. 109 Cf. Articles 3 et 50 de la Loi électorale.

36

élections et référendums» de manière à ce que les instituts de

sondage puissent à l’avance prévoir de quelle manière la loi sera

appliquée et notamment si les sondages sortie des urnes sont

également visés par la loi.

Recommandation

Il est recommandé de raccourcir la durée du moratoire sur

la publication des sondages d’opinion et des commentaires

journalistiques afférents, en le recentrant sur la « période de

silence » telle que définie à l’article 3 (24 heures avant et

durant le jour du scrutin). Il est également recommandé que

comme prévu à l’article 172 de la Loi électorale, une loi

réglementant les sondage d’opinions soit adoptée d’ici les

prochaines élections, et qu’elle permette d’accroître la

transparence dans le mode de production, de diffusion et de

publication des sondages de manière à lever les

inquiétudes ayant conduit, dans le cadre de la campagne

électorale, à l’imposition d’un moratoire d’une durée

particulièrement longue. Enfin, la loi devrait lever toute

ambigüité au sujet du moment auquel prend fin ce

moratoire, notamment dans le cas d’élections

présidentielles.

IX. LE FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE

Section I: Les sources de financement

L’article 75 de la Loi électorale dispose que les candidats (ou

listes de candidats) peuvent financer leur campagne électorale

par des ressources propres («autofinancement»), des dons ou

prêts («financement privé») ou des indemnités perçues au titre

de l’aide publique. L’aide publique permet aux candidats de

recevoir une indemnité d’un montant fixé par décret

gouvernemental110 (après consultation de l’Instance) en fonction

de différents paramètres (la taille de la circonscription, le nombre

d’électeurs dans la circonscription, le niveau de vie, etc.)111. La

moitié du montant de l’indemnité est perçue avant le début de la

campagne électorale. La seconde moitié l’est dans un délai

d’une semaine après l’annonce des résultats définitifs du scrutin

mais à condition que le candidat apporte la preuve qu’il a

dépensé la première tranche au titre de dépenses électorales et

qu’il a déposé sa comptabilité auprès du Tribunal des comptes.

Tout candidat ayant recueilli moins de 3% des votes exprimés à

l’échelle nationale (pour l’élection présidentielle) ou toute liste

ayant obtenu moins de 3% des voix exprimées de la

circonscription électorale et n’ayant pas obtenu de siège à

l’Assemblée, doit restituer l’intégralité du montant de

l’indemnité112.

Il y a une contradiction apparente en termes de délai entre

l’article 78 et l’article 86. Comme indiqué ci-dessus, l’article 78

110 Cf. Décret n°2014-2761 du 1er août 2014 et décret n°2014-3038 du 29 août 2014, fixant le plafond global des dépenses de la campagne électorale et le plafond du financement privé ainsi que le plafond du financement public et ses conditions et procédures, respectivement, pour les élections législatives de l'année 2014 et pour l’élection présidentielle de l’année 2014. 111 Cf. Article 81 de la Loi électorale. 112 Cf. Article 78 de la Loi électorale.

donne aux candidats ou listes un délai d’une semaine après

l’annonce des résultats définitifs pour apporter notamment la

preuve que leur comptabilité a été déposée auprès du Tribunal

des comptes. Or, aux termes de l’article 86, chaque candidat ou

liste a un délai de 45 jours à compter de la proclamation des

résultats définitifs de l’élection pour déposer sa comptabilité

auprès du Tribunal des comptes. A cela s’ajoute le peu de

probabilité que les candidats soient en mesure, dans un délai

d’une semaine seulement, de fournir la preuve qu’ils ont

employé la première tranche de l’indemnité à bon escient.

L’obligation faite aux listes candidates à l’élection législative

d’obtenir au moins 3% des suffrages exprimés de la

circonscription électorale ainsi qu’au moins 1 siège dans

l’Assemblée pour ne pas avoir à restituer l’intégralité de

l’indemnité publique est de nature à dissuader les candidatures

« frivoles » ou non sérieuses.

Recommandations

Il est recommandé de rendre compatibles ou de clarifier les

délais indiqués aux articles 78 et 86 respectivement, à

savoir un délai d’une semaine (article 78) pour apporter la

preuve du dépôt de la comptabilité auprès du Tribunal des

comptes (afin de percevoir la deuxième tranche de

l’indemnité) et un délai de 45 jours, toujours à compter de la

proclamation des résultats définitifs de l’élection, pour

déposer la comptabilité auprès du même Tribunal des

comptes.

Du reste, le délai d’une semaine accordé aux candidats

pour apporter la preuve que la première tranche de

l’indemnité a été dépensée au titre de « dépenses

électorales », à défaut de laquelle ils ne peuvent percevoir

la deuxième tranche de l’indemnité, devrait être allongé car

il est peu probable que les candidats aient la possibilité,

dans un laps de temps aussi court, de remplir cette

condition.

Section II: Les financements privés (dons et prêts)

Parmi les sources de financement de leurs campagnes

électorales dont disposent les candidats figurent les dons ou

prêts (« financement privé ») qui ne peuvent dépasser un

plafond dont le mode de calcul est défini à l’article 77. L’article

87 impose aux candidats ou listes l’obligation de publier leurs

« comptes financiers » dans l’un des quotidiens publiés en

Tunisie et ce, dans un délai de deux mois à compter de la date

de proclamation des résultats définitifs du scrutin.

Cette obligation se limite aux seuls « comptes financiers » mais

n’inclut pas la publication de l’identité des donateurs. Il est

suggéré que les textes prévoient explicitement la publication de

l’identité des donateurs ce qui contribuerait à accroître la

transparence de la campagne et, par delà, la confiance de

l’électorat. Les mesures prises par les Etats, relatives aux dons

aux partis politiques dans le cadre ou non d’une campagne

électorale, devraient contenir des règles spécifiques pour

assurer la transparence des dons et éviter les dons occultes113

113 Il est à noter que l'article 24 du décret-loi n°2011-87 du 24 septembre 2011, portant organisation des partis politiques, impose, entre autres, à ces derniers de tenir « un registre d'aides, dons,

37

mais également pour assurer l’indépendance des partis

politiques114.

Recommandation

Il est suggéré de considérer la possibilité d’accroître la

transparence des dons et prêts consentis aux candidats ou

listes candidates, notamment en exigeant de ceux-ci qu’ils

publient, en plus de leurs comptes financiers (comme exigé

à l’article 87), la liste de leurs donateurs.

X. LES OPERATIONS DE VOTE

LE VOTE DES ELECTEURS HANDICAPES

Durant les travaux préparatoires de la Convention sur les droits

des personnes handicapées des Nations Unies, ratifiée par la

Tunisie en 2008, la question du vote assisté des électeurs

porteurs de handicap a donné lieu à des débats animés compte

tenu des dangers de manipulations que comporte ce type de

procédure. Il n’y a pas de normes internationales sur le sujet

mais du principe du vote secret peut être déduit un certain

nombre de sauvegardes applicables au cas spécifique du vote

assisté des électeurs handicapés115. De plus en plus de pays les

appliquent.

L’article 34 de la Constitution exige de l’Etat qu’il «protège les

personnes handicapées de toute discrimination», tout en

affirmant le droit de tout citoyen handicapé à « bénéficier, selon

la nature de son handicap, de toutes les mesures qui lui

garantissent une pleine intégration dans la société » et

l’obligation de l'Etat à « prendre toutes les mesures nécessaires

à la réalisation de cet objectif ». Dans ce cadre, l’article 132 de

la Loi électorale prévoit qu’un électeur non-voyant ou ayant une

déficience motrice peut se faire assister par un accompagnateur

de son choix qui ne peut être qu’un conjoint, un ascendant ou un

donations et legs en distinguant ceux qui sont en nature de ceux en numéraire et en déterminant leurs valeurs et les noms des personnes qui en sont l’origine. Le parti tient ce registre à son siège central ». 114 Voir sur cette question la recommandation (2003)4 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe « sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales ». A noter que ces règles contiennent un article 3 qui dispose que « les Etats devraient prévoir que les dons aux partis politiques, notamment ceux dépassant un plafond établi, soient rendus publics ».

115 Elles peuvent se résumer de la manière suivante. En premier lieu, tout électeur porteur de handicap doit être libre de choisir la personne qui l’aidera à voter et, en aucun cas, ne doit avoir son choix limité aux seuls membres du personnel du bureau de vote. En principe, la personne choisie par l’électeur ne devrait pas être désignée par un membre du personnel du bureau de vote ou qui que ce soit d’autre que l’électeur lui-même. Si l’électeur handicapé n’a personne présent pour l’assister, il devrait pouvoir choisir à cette fin un membre du personnel du bureau de vote mais la même personne, qu’elle soit ou non membre du personnel du bureau de vote, ne devrait pas être autorisée à assister plus d’un électeur. Des mesures protectrices de l’intégrité du vote de l’électeur porteur de handicap doivent également être mises en place. Il faut notamment exiger de la personne qui assiste qu’elle remplisse tous les critères pour l’exercice du droit de vote prévus par la loi, ou qu’elle soit enregistrée dans le même bureau de vote que l’électeur qu’elle assiste. La personne qui assiste devrait être dans l’obligation de respecter le choix de l’électeur qu’elle assiste ainsi que le caractère secret de son vote. Le non-respect de cette obligation devrait être punissable par la loi.

descendant de l’électeur concerné. L’article 131 de la Loi

électorale et l’article 33 de la décision n°2014-30 du 8 septembre

2014 précisent que pour bénéficier de cette assistance,

l’électeur doit être porteur d’une carte de handicap. Au cas où

l’électeur n’est pas accompagné, le Président du bureau de vote

désigne, à la demande de ce dernier, un électeur présent afin

qu’il l’assiste. Le même électeur ne peut être désigné plus d’une

fois.

Par ailleurs, l’article 131 précise que les bureaux de vote doivent

être aménagés de façon à permettre aux électeurs porteurs de

handicap d’exercer leur droit de vote. Il est essentiel que les

électeurs porteurs de handicap ne soient pas seulement placés

dans des « conditions favorables » pour l’exercice de leur droit

de vote, mais mis en situation de l’exercer « sur la base de

l’égalité avec les autres » électeurs116.

A cet égard, des dispositions complémentaires pourraient être

prises par l’ISIE afin de préciser le type d’aménagements

susceptibles d’améliorer l’accessibilité du bureau de vote ce qui

doit s’apprécier non seulement au regard du choix de

l’emplacement du bureau de vote et de sa configuration mais

également des « procédures, équipements et matériels

électoraux » qui doivent être « appropriés, accessibles et faciles

à comprendre et à utiliser ».

Ces dispositions ne devraient pas se limiter à des mesures

applicables seulement le jour du scrutin. Elles devraient

permettre une meilleure diffusion des informations en amont de

l’élection ainsi que la mise en place de campagnes d’information

et de sensibilisation destinées à accroître la participation des

personnes handicapées à la vie publique. En ce sens, le dernier

alinéa de l’article 67 qui prévoit que « sont prises en

considération les nécessités spécifiques relatives aux candidats

handicapés » mériterait d’être précisé dans la loi ou par l’ISIE

directement.

Recommandations

L’ISIE devrait préciser à l’avenir le type d’aménagements

susceptibles d’accroître l’accessibilité du bureau de vote ce

qui doit s’apprécier non seulement au regard du choix de

l’emplacement du bureau de vote et de sa configuration

mais également des « procédures, équipements et

matériels électoraux » utilisés.

L’ISIE devrait avoir un rôle à jouer dans le lancement et la

promotion de campagnes d’information et de sensibilisation

destinées à accroître la participation des personnes

handicapées à la vie publique. Elles devraient prendre des

mesures visant à assurer une meilleure diffusion des

informations en amont de l’élection. En ce sens, le dernier

alinéa de l’article 67 qui prévoit la prise en compte des «

nécessités spécifiques » aux candidats mériterait d’être

précisé dans la loi ou par l’ISIE directement.

116 Article 9 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Voir aussi les articles 3, 5 et 29.

38

XI. LES INFRACTIONS ELECTORALES

Le décret-loi n°2011-35 ne comportait pas plus de 5 articles

définissant les infractions à la législation électorale ainsi que les

peines encourues. La Loi électorale amplifie et affine ce

dispositif en distinguant deux types d’infractions: les infractions

électorales proprement dites (Titre VI de la loi contenant 19

articles) et les infractions aux règles relatives au financement de

la campagne électorale (Titre IV, Chapitre II sur le financement

de la campagne électorale, section 4).

Sous différents rapports, les nouvelles dispositions constituent

une avancée significative au regard des mêmes dispositions

contenues dans le décret-loi n°2011-35. En particulier, la

nomenclature des peines encourues a été revue dans le sens

d’une plus grande proportionnalité entre type d’infractions et

peines encourues et d’une précision plus grande dans la

définition des infractions. Seules les infractions les plus graves

constituant des atteintes directes à l’intégrité du processus

électoral et ayant ou étant susceptibles d’avoir un impact

substantiel sur celui-ci, sont passibles de peines

d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans

d’emprisonnement en cas de recours à la violence117

. Par

ailleurs, s’agissant de la peine encourue, nombre de dispositions

indiquent une fourchette de peines au lieu de peines fixes,

comme c’était le cas dans le décret-loi n°2011-35. Cela permet

une meilleure modulation de la peine et constitue, à ce titre, une

amélioration. Cependant, certaines dispositions de la Loi

électorale font problème et pourraient être améliorées.

SANCTIONS POUR LA VIOLATION DE L’INTERDICTION DE

FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE PAR DES

FONDS ETRANGERS

Sur la question spécifique du financement de la campagne par

des fonds provenant de l’étranger, l’article 163 de la Loi

électorale prévoit, en plus du versement d’une amende, une

peine d’emprisonnement de 5 ans pour tout candidat à l’élection

présidentielle qui aurait bénéficié de ces fonds. En 2011, dans le

même cas mais s’agissant alors des seuls candidats à l’ANC,

l’article 77 du décret-loi n°2011-35 prévoyait une peine d’un an

d’emprisonnement mais aucune sanction financière. L’article

163, quant à lui, ne prévoit de peines d’emprisonnement que

dans le cas de l’élection présidentielle. Les candidats à l’élection

législative perdent leur mandat mais pour la même infraction, ne

sont passibles, d’aucune peine d’emprisonnement.

La seule sanction du vote - ou disqualification par le vote - n’est

généralement pas considérée comme suffisamment dissuasive

dans les cas de fraude électorale (par opposition aux

irrégularités) ou de pratiques destinées à corrompre le vote ou

les conditions de formation ou d’expression de la volonté des

électeurs. Sur ces questions, la pratique des Etats montre leur

117 Le décret-loi n°2011-35 prévoyait une peine d’emprisonnement de 5 ans pour un plus grand nombre d’infractions dont certaines, a priori, moins graves que celles aujourd’hui passibles d’une même peine d’emprisonnement (Cf. Article 76 du décret-loi, article 162 de la Loi électorale).

attachement à combiner disqualification politique et

disqualification juridique. Dans cet esprit, la sanction financière

peut elle-même s’avérer insuffisamment dissuasive compte tenu

des moyens financiers dont certains candidats pourraient

éventuellement disposer. De ce point de vue, l’inéligibilité, sans

compter le discrédit qui ne manquerait pas de rejaillir sur le

candidat concerné, a un caractère dissuasif indéniable. Au-delà

de ces deux types de sanction, les plus évidentes et

communément admises et appliquées, le doute est permis.

Imposer de lourdes peines de prison, c’est franchir un pas qui,

selon les cas et surtout la gravité des faits reprochés, pourrait

être considéré comme ressortant de la surenchère répressive. A

cet égard, la peine de cinq ans d’emprisonnement prévue dans

le cas de l’élection présidentielle, s’ajoutant à la peine

d'inéligibilité et à la sanction financière (celle-ci pouvant être

modulée entre un montant minimum et un montant maximum en

fonction de la gravité des faits) parait disproportionnée.

On peut se demander ce qui peut justifier que pour les mêmes

faits, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple

ne soient plus passibles d’une peine d’emprisonnement alors

que leurs collègues de l’ANC l’étaient et que pour les candidats

à l’élection présidentielle, cette peine soit portée à cinq ans

d’emprisonnement. Toute chose étant relative, cette sévérité,

justifiée sans doute par le caractère éminent de la fonction

présidentielle et le souci, dans ce cas particulier, de prévoir une

peine exemplaire, est d’autant plus discutable sur le principe

qu’il semble, à la lecture des dispositions de la seule Loi

électorale, que le juge n’a ici aucune marge d’appréciation.

L’article 53 du Code pénal autorise le tribunal, lorsque les

circonstances le justifient, d’atténuer la peine prévue en

l’abaissant au-dessous du minimum légal. Or, si

l’emprisonnement prévu n’est pas supérieur à cinq années, la

peine peut être abaissée à un jour, voire convertie en une

amende (article 53, alinéa 7). L’application de l’article 53 du

Code pénal avait été expressément écartée dans le décret-loi

n°2011-35 (article 78, paragraphe 2), ce qui n’est pas le cas

dans la Loi électorale. A supposer que cela implique que l’article

53 du Code pénal soit applicable, il n’est cependant pas clair

comment cela se ferait dans le cas aussi particulier d’un

candidat à l’élection présidentielle et quelles circonstances

pourraient dans ce cas justifier une atténuation de la peine.

La difficulté que pose cette disposition est accrue si l’on

considère que l’article 80 qui énonce une interdiction de principe

de recourir à des fonds étrangers pour financer la campagne

électorale, renvoie en partie à des textes d’application pour

préciser les modalités et le champ d’application de cette

interdiction. Dans sa décision n°2014-20 du 8 août 2014, fixant

les règles, les procédures et les modalités de financement de la

campagne électorale, l’ISIE définit la notion de « financements

étrangers »118. Il est essentiel que des règles dont la violation est

118 Article 19: « sont considérés financements étrangers, les financements en numéraire, en nature ou en propagande, provenant de : - Gouvernements étrangers, - Personnes morales étrangères, publiques ou privées, quelles que

soient leurs activités et même si elles ont des filiales en Tunisie, - Personnes physiques étrangères, même si elles sont résidentes en

Tunisie ou si elles ont une source de revenu tunisienne au sens de la

39

passible, outre l’inéligibilité, d’une peine « automatique » de cinq

ans d’emprisonnement, soient précisées dans la loi, et non dans

un texte adopté par une entité administrative qui n’est elle-même

pas soumise à un calendrier pour adopter ces règles. A défaut,

l’article 163 pourrait être considéré comme problématique au

regard de l’article 25 du PIDCP tel qu’interprété par le Comité

des droits de l’homme119.

L’article 163 prévoit la possibilité pour tout candidat à l’élection

présidentielle qui aurait bénéficié de fonds étrangers d’être

déclaré inéligible « pour les élections législatives et

présidentielles suivantes », sans qu’il soit clair si l’inéligibilité

s’applique aux seules prochaines élections ou à toutes les

élections suivantes. Ce point devrait être précisé ou clarifié dans

la loi.

En conclusion, il est donc recommandé de permettre au juge de

moduler la peine encourue par tout candidat à l’élection

présidentielle ayant enfreint les règles d’utilisation de fonds

étrangers en fonction de la gravité des faits constatés, ce sur la

base de l’article 53 du Code pénal ou de toute autre disposition

pertinente. Il pourrait être envisagé de prévoir une fourchette

entre une peine minimale et une peine maximale. La notion de

« financement étranger » devrait être définie dans la loi.

Recommandations

Il est recommandé de permettre au juge de moduler la

peine encourue par tout candidat à l’élection présidentielle

ayant enfreint les règles d’utilisation de fonds étrangers en

fonction de la gravité des faits constatés, ce sur la base de

l’article 53 du Code pénal ou de toute autre disposition

pertinente. Il pourrait être envisagé de prévoir, en lieu et

place d’une peine automatique de cinq ans, une fourchette

entre une peine minimale et une peine maximale.

Les peines particulièrement sévères énoncées à l’article

163 sont prononcées en cas de violation de règles dont il

apparait que certains aspects (notamment la notion même

de «financement étranger») ne sont pas précisés dans la

loi. C’est une atteinte au principe de légalité et de sécurité

juridique. Il est recommandé que ce soit la loi et non des

textes d’application pour l’adoption desquels aucun

calendrier n’est précisé contienne toutes les précisions

nécessaires de façon à ce que les candidats puissent

conformer, en temps utile, leurs actions aux exigences de la

loi.

législation fiscale,

- Donations, dons ou subventions considérés comme étant de source étrangère au sens de la législation fiscale et quelle que soit la nationalité du bailleur de fonds,

- Financement par des tunisiens à l’étranger des candidats à l’élection présidentielle, qu’il s’agisse d’autofinancement ou de financement privé.

N’est pas considéré financement étranger, le financement par des tunisiens à l’étranger des listes candidates dans les circonscriptions électorales à l’étranger. » 119 CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, Observation générale n°25, Comité des droits de l’homme: « Les motifs de destitution de personnes élues à une charge officielle devraient être établies dans des lois fondées sur des critères objectifs et raisonnables et prévoyant des procédures équitables. » (Paragraphe 16).

XII. LES OBSERVATEURS

L’observation des élections est essentielle pour permettre de

constater que le processus électoral s’est déroulé dans le

respect du droit interne de l’Etat concerné et des engagements

internationaux de ce dernier en matière électorale. L’article 4 de

la Loi électorale précise que l’ISIE arrête les conditions et

procédures d’accréditation des observateurs chargés de « suivre

le processus électoral »120.

Il est essentiel que ces conditions et procédures soient fixées en

temps utile, soit dès le commencement de la phase de

précampagne électorale étant donné que l’observation, qu’elle

soit nationale ou internationale, ne doit pas être entendue dans

le sens étroit d’une observation limitée au jour du scrutin mais

couvrant l’ensemble du processus électoral121

. L’emploi des

mots «processus électoral» à l’article 4 semble indiquer que

cette dimension est bien prise en compte. Cependant, c’est à

l’article 123 du Chapitre III du Titre V de la Loi électorale qui

porte sur le vote, le dépouillement et la proclamation des

résultats qu’est fait mention de la nécessité pour l’ISIE de fixer

un délai pour le dépôt des demandes d’accréditation (sans

préciser, du reste, le délai dans lequel ces demandes devront

être examinées) ce qui pourrait laisser penser que l’observation

est entendue comme se limitant aux seules opérations de vote.

Néanmoins, les textes d’application de l’ISIE sont dans l’esprit

de l’article 4 de la loi122, prévoyant explicitement la possibilité

pour les observateurs d’observer les opérations d’inscription des

électeurs.

Reste la question de l’accréditation. Dans sa décision n°2014-9

du 9 juin 2014, fixant les conditions et les procédures

d’accréditation des observateurs nationaux et étrangers pour les

élections et le référendum, l’ISIE indique que les demandes

d’accréditation sont acceptées dans les délais fixés par l’ISIE

pour chaque élection ou référendum, à condition que les

demandes soient présentées au moins une semaine avant le

jour du scrutin ou du référendum (article 5). Il semble donc que

le délai d’une semaine avant le jour du scrutin dont il est

question à l’article 5 se réfère à une date-butoir au-delà de

laquelle les demandes d’accréditation ne seront plus

considérées. Mais à défaut de toute précision sur le délai dont

dispose l’ISIE pour traiter les demandes d’accréditation, la

possibilité pour les observateurs d’observer les opérations

d’inscription des électeurs reste suspendue au bon vouloir de

l’ISIE. La loi comme la décision de l’ISIE ne précisent pas ce

point. Cela implique que ce délai, laissé à l’entière appréciation

120 Cf. également article 3.10 de la Loi organique sur L’ISIE. 121 Cf. CDL-AD(2002) 23 Rev. - 23 mai 2003, paragraphes 86 à 91.

122 L’article 7 de la décision n°2014-9 du 9 juin 2014 précise que les observateurs nationaux et étrangers ont le droit de suivre les différentes étapes du processus électoral ou référendaire relatives « à l’inscription sur les listes électorales, aux candidatures, à la période électorale ou référendaire, au scrutin, au dépouillement, à la compilation des résultats, […] ». L’article 21 de la décision n°2014-7 de l’ISIE prévoit des places réservées dans les bureaux d’inscription aux observateurs munis de cartes d’accréditation afin leur permettre de suivre l’opération d’inscription des électeurs.

40

de l’ISIE, peut varier d’une élection à l’autre. Or, pour les

organisations qui souhaitent observer l’ensemble du processus

électoral, il est essentiel de savoir dans quel délai leur demande

sera traitée.

L’article 7 de la décision susmentionnée dispose que les

observateurs nationaux et étrangers ont le droit d’accéder aux

bureaux d’inscription et aux bureaux de vote et de

dépouillement. Ils ont également le droit de suivre les différentes

étapes du processus électoral ou référendaire, y compris la

compilation des résultats, mais il ne leur est pas reconnu, dans

ledit article 7, de manière explicite un droit d’accès aux centres

de collecte des résultats. Ce n’est que par décision de l’ISIE

n°2014-32 du 14 octobre 2014, relative aux règles et procédures

de calcul et de proclamation des résultats, que les observateurs

ont été autorisés à « accéder au bureau centralisateur et aux

centres de collecte » (article 13 de la décision). Il est important

que les droits des observateurs ainsi que les lieux spécifiques

auxquels ils ont accès soient précisés dans la loi. En particulier,

la loi devrait reconnaître un droit d’accès aux centres de collecte.

La Loi électorale et pas davantage les textes d’application ne

reconnaissant aux observateurs le droit d’assister aux réunions

du Conseil de l’Instance et des instances régionales de l’ISIE. La

reconnaissance d’un tel droit n’est pas sans risques et il est

légitime que la sérénité des débats au sein de l’ISIE ne soit pas

altérée par la présence de personnes extérieures, sachant que

cela entretient davantage une illusion de transparence qu’une

authentique transparence. Il est en revanche essentiel que

toutes les décisions prises par l’ISIE soient communiquées en

temps utile. Les observateurs accrédités devraient pouvoir

assister aux audiences des tribunaux en charge du contentieux

électoral.

Enfin, la loi tout comme les textes d’application n’évoquent pas

la question des retraits d’accréditation. Il est recommandé que

les textes d’application précisent la procédure s’appliquant aux

retraits d’accréditation en prévoyant des garanties et des

réponses graduées en fonction de la gravité des faits reprochés.

Recommandations

Il est recommandé que la Loi électorale précise une date-

limite pour l’examen des demandes d’accréditation par

l’ISIE. Il est important que les organisations qui souhaitent

observer l’ensemble du processus électoral sachent de quel

délai dispose l’ISIE pour traiter leur demande

d’accréditation.

Les observateurs devraient voir leurs droits précisés dans la

loi ainsi que les lieux auxquels ils peuvent se rendre. En

particulier, ils devraient se voir reconnaître dans la loi un

droit d’accès aux centres de collecte.

Obligation devrait être faite à l’ISIE, à son Conseil comme à

ses instances régionales, de communiquer toutes ses

décisions en temps utile.

Il est recommandé que les textes d’application précisent la

procédure s’appliquant aux retraits d’accréditation en

prévoyant des garanties et des réponses graduées en

fonction de la gravité des faits reprochés.

XIII. LE CONTENTIEUX ELECTORAL

La reconnaissance des droits électoraux tels qu’énoncés à

l’article 25 du PIDCP serait d’une portée réduite si elle pouvait

être dissociée du droit à un recours effectif dont la finalité est

précisément de garantir le respect de ces mêmes droits. Le droit

à un recours effectif ou utile est un droit fondamental reconnu

comme tel dans de nombreux instruments internationaux123.

Appliqué aux droits électoraux, il peut se définir comme le droit à

ce que ces mêmes droits (droits de suffrage, liberté

d’association, liberté d’expression, liberté des médias, liberté de

réunion, etc.) soient protégés efficacement par la possibilité

ouverte à tous d’obtenir réparation devant les tribunaux ou toute

autre entité de leur éventuelle violation124.

Le contentieux électoral se subdivise en autant de segments que

le processus électoral compte de phases successives, de

l’inscription des électeurs à l’annonce des résultats, en passant

par le dépôt des candidatures, la campagne électorale et les

opérations de vote, de décompte et d’agrégation des voix.

123 L’article 2.3 du PIDCP dispose que les Etats Parties au Pacte s’engagent à: « a) garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles; b) garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’État, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel; c) garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. » Un recours utile (ou effectif) se caractérise essentiellement par quatre critères : C’est un recours accessible pour le justiciable. C’est un recours qui intervient en temps utile. C’est un recours idéalement de nature juridictionnelle. C’est un recours tranché dans le cadre d’un procès équitable. 124 Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies reconnait qu’en ce qui concerne la phase du vote et du dépouillement, les électeurs doivent avoir la « possibilité de recourir à un examen par les tribunaux ou à une autre procédure équivalente ». Dans sa Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières (1994), le Conseil de l’Union interparlementaire considère comme indispensable à la conduite d’élections démocratiques que l'Etat veille « à ce que les violations des droits de l'homme et les contestations relatives au processus électoral soient traitées efficacement et promptement durant la période électorale, par une autorité indépendante et impartiale telle que les tribunaux ou une commission électorale ». A cette déclaration de principe s’ajoutent des éléments centrés sur des droits spécifiques, celui de « tout individu privé du droit de voter ou de s'inscrire en qualité d'électeur » qui doit pouvoir « faire appel d'une telle décision devant une juridiction compétente pour examiner celle-ci et corriger les erreurs promptement et efficacement », celui « à la protection de la loi et à une voie de recours en cas de violation des droits politiques et électoraux » pour tout individu et tout parti politique. La Commission de Venise, dans son Code de Bonne Conduite en matière électorale, est encore plus spécifique en ce qu’elle bascule de l’exigence d’un droit de recours effectif à celle d’un système de recours efficace, lui-même décliné en plusieurs composantes. Ces textes traduisent l’importance accordée par la communauté internationale à des règles communes pour une juste, effective et impartiale résolution des litiges. Premier texte de droit international public à faire directement référence au « contentieux électoral », la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (entrée en vigueur le 15 février 2012) affirme l’engagement des Etats parties à « créer et renforcer les mécanismes nationaux pour régler, dans les meilleurs délais, le contentieux électoral » (article 17(2)).

41

Lors de chacune de ces phases, les droits fondamentaux

reconnus par le PIDCP doivent être protégés contre

d’éventuelles violations. Doivent donc être mis en place des

mécanismes de recours utiles permettant aux citoyens

(électeurs et candidats) de contester les atteintes qui pourraient

être portées à leurs droits fondamentaux.

Section I: Contentieux de l’inscription des électeurs

Accessibilité

La Loi électorale prévoit que le contentieux relatif aux listes des

électeurs se déroule en deux phases: une phase pré-

juridictionnelle suivie d’une phase juridictionnelle avec un double

degré de juridiction pour cette dernière.

Lors de la phase pré-juridictionnelle, le contentieux est traité par

les instances régionales de l’ISIE (article 14)125. L’article 21 de la

loi relative à l’ISIE dispose que cette dernière « peut créer, à

l’occasion des élections ou des référendums, des Instances

régionales chargées de l’aider à accomplir ses missions telles

que définies dans la présente loi ». La loi relative à l’ISIE ne

donne aucune indication quant au nombre d’instances

régionales susceptibles d’être créées par le Conseil de l’ISIE et

à leur répartition géographique. En ce qui concerne les élections

législatives de 2014, l’ISIE a créé une instance régionale dans

chaque circonscription en Tunisie. Dans une telle hypothèse, il y

a une relative proximité pour le requérant afin qu’il puisse

déposer, le cas échéant, une opposition126.

Sur le fond, le contentieux de l'enregistrement des électeurs

n'est pas problématique et il est plus efficace d’en charger

l'administration électorale en premier ressort. Cela dit, il est

essentiel que les instances régionales opèrent de manière

uniforme, soient efficaces (notamment capables de rendre des

décisions motivées en un temps limité), impartiales et perçues

comme telles par les acteurs du processus électoral. Si ce

contentieux n’est techniquement pas problématique pour des

juges, il peut néanmoins l’être pour des non-professionnels

appelés à trancher en un temps extrêmement limité. Par

conséquent, il est essentiel que toutes les précautions soient

prises pour s’assurer du professionnalisme des instances

régionales en matière de contentieux.

En ce qui concerne la phase juridictionnelle, un premier recours

est ouvert devant le tribunal de première instance

territorialement compétent, suite à quoi un appel est possible

devant la cour d’appel territorialement compétente.

Il existe en Tunisie, dans chaque gouvernorat, un Tribunal de

première instance. Toutefois, dans les gouvernorats de Tunis,

Sousse, Sfax et Nabeul (les plus peuplés), il y a deux tribunaux

de première instance par gouvernorat. Chaque gouvernorat

constitue une circonscription électorale à l’exception de Tunis,

125 C'est le guide du contentieux de l’inscription des électeurs publié par l’ISIE qui précise que ce sont les instances régionales de l’ISIE (IRIE) qui statuent sur les oppositions. 126 L’article 15 du Code électoral (abrogé par la Loi électorale) prévoyait un recours devant une commission de révision, qui est envoyé au Président de la Municipalité ou au chef de secteur, ce qui assurait une meilleure proximité, compte tenu de la taille actuelle des circonscriptions qui englobent plusieurs communes et secteurs.

Sfax et Nabeul qui sont divisés chacun en deux circonscriptions

électorales. Les recours devant les tribunaux de première

instance garantissent une relative proximité aux citoyens qui

voudraient recourir devant une juridiction.

Il existe actuellement en Tunisie dix cours d’appel127. Bien que

les dix cours d’appel offrent une accessibilité variable en fonction

des gouvernorats qui relèvent de leur juridiction128, on peut

estimer que la solution retenue par la Loi électorale est

satisfaisante, constituant une avancée par rapport à la situation

antérieure129.

Est en revanche problématique le fait que la durée de

publication des listes des électeurs ne soit que d’un seul jour

(voir Chapitre VI). Une durée aussi brève est manifestement

insuffisante pour que les électeurs aient le temps de consulter

les listes et donc de faire éventuellement des réclamations.

Double degré de juridiction

Au niveau de la phase juridictionnelle, la Loi électorale prévoit un

double degré de juridiction. A priori, cela peut paraître excessif

étant donné la nature du contentieux. Il semble que les membres

de l'ANC qui ont adopté la Loi électorale ont fait ce choix afin de

se conformer à la Constitution tunisienne qui consacre à l'article

108130 le principe du double degré de juridiction.

Du point de vue du droit international, le double degré de

juridiction ne s’impose que dans le cas de condamnation pour

des infractions pénales (article 14, paragraphe 5 du PIDCP).

Dans son Observation générale n°32, le Comité des droits de

l’homme indique que les garanties procédurales énoncées aux

paragraphes 2 à 5 de l’article 14 du PIDCP - mentionnant entre

autres l’obligation de réexamen par une juridiction supérieure -

sont reconnues à toute personne accusée d’une infraction

pénale (paragraphe 3 de l’Observation générale). Le Comité

précise que « le paragraphe 5 de l’article 14 [obligation de

réexamen par une juridiction supérieure] ne s’applique pas aux

procédures portant sur des droits et obligations de caractère civil

ni à aucune autre procédure qui n’est pas un élément du

système d’appel pénal, comme les recours constitutionnels »

(paragraphe 46)131.

Le contentieux de l’inscription des électeurs n’est pas donc

concerné par cette obligation. Toutefois, la généralisation du

double degré de juridiction en matière civile et pénale semble se

confirmer dans de nombreux Etats et il est vrai que rien ne s’y

127 Tunis, Bizerte, Kef, Gafsa, Gabes, Médenine, Sfax, Sousse, Monastir et Nabeul. 128 Par exemple la Cour d’appel du Kef couvre les gouvernorats du Kef, de Jendouba, de Siliana et de Kasserine, ce qui représente une superficie de 21,083 km² soit 13% de la superficie totale de la Tunisie. 129 Il est à noter que le décret-loi n°2011-35 relatif à l’élection à l’Assemblée nationale constituante ne prévoyait qu’un seul degré de juridiction, à savoir devant les tribunaux de première instance. La Loi électorale a ajouté un deuxième degré de juridiction, ce qui donne plus de garanties aux justiciables. 130 Article 108 de la Constitution tunisienne: « Le droit d’ester en justice et le droit de la défense sont garantis. La loi facilite l’accès à la justice et assure l’aide judiciaire aux plus démunis. Elle garantit le droit au double degré de juridiction (…). » 131 CCPR/C/GC/32 du 23 août 2007. Voir également la position du Comité des droits de l’homme telle qu’exprimée dans l’affaire Leonid Sinitsin c. Belarus (Communication No. 1047/2002, U.N. Doc. CCPR/C/88/D/1047/2002 (2006)).

42

oppose en principe. Cela fait partie d’un mouvement d’ensemble

consistant à étendre aux procédures civiles le bénéfice des

garanties attachées au procès pénal. Il y a lieu de se demander

cependant si, dans le cadre du contentieux de l’inscription des

électeurs où les délais d’examen sont particulièrement courts, le

double degré de juridiction ne représente pas une contrainte

excessive.

Recommandation

Par souci d’efficacité, il est recommandé de considérer

l’opportunité d’alléger la phase juridictionnelle du

contentieux de l’inscription des électeurs en ne prévoyant

qu’un seul degré de juridiction.

A noter qu’il semble que réviser la Loi électorale sur ce point

nécessiterait au préalable, la révision de l’article 108 de la

Constitution tunisienne qui instaure un principe général de

double degré de juridiction.

Procédure simplifiée

Une spécificité du contentieux électoral est la double exigence

de promptitude et d’efficacité dans le traitement des

contestations. Promptitude est entendue en référence à

l’ensemble des mesures prises pour permettre le traitement des

contestations en un temps limité, y compris celles visant à

simplifier les procédures de dépôt et d’examen des plaintes132.

La procédure d’opposition pré-juridictionnelle devant l’ISIE est

simplifiée. L’article 14 de la Loi électorale dispose qu’elle devra

être faite par tout moyen « laissant une trace écrite ».

L’opposition doit être déposée, au plus tard, trois jours après la

publication des listes d’électeurs.

Le recours devant le TPI doit être introduit, au plus tard, trois

jours après la date de notification de la décision de l’ISIE. La

requête doit comporter un exposé sommaire des faits, des motifs

et des demandes. Elle est obligatoirement accompagnée d’une

copie de la décision contestée et du justificatif de la notification

du recours à l’ISIE. Bien que la notification du recours ne soit

pas imposée dans une forme particulière, cette formalité est une

contrainte à la charge du requérant qui n’a pas lieu d’être. Il

serait préférable de charger le greffe de la juridiction concernée

de notifier le recours aux parties concernées. Cela nécessite une

organisation administrative optimale au sein des juridictions

concernées mais également entre l’administration électorale et

ces mêmes juridictions, notamment en raison des délais de

procédure très courts.

Par ailleurs, l’article 16 de la Loi électorale dispose que le

ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Le contentieux de

l’enregistrement des électeurs n’est pas en principe un

132 Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières, Conseil Interparlementaire, 26 mars 1994: « Tout individu privé du droit de vote ou de s’inscrire en qualité d’électeur a le droit de faire appel d’une telle décision devant une juridiction compétente pour examiner celle-ci et corriger les erreurs promptement et efficacement » (paragraphe 4). Voir également Commission, Code de bonne conduite en matière électorale, lignes directrices, section 3.3.b: « La procédure doit être dénuée de tout formalisme, en particulier en ce qui concerne la recevabilité des recours. »

contentieux très technique. Il est raisonnable d’estimer que le

ministère d’avocat, qui généralement s’accompagne de charges

supplémentaires pour le justiciable, n’est pas ici indispensable.

Toutefois, cela implique de la souplesse de la part des

juridictions chargées de ce contentieux133. En effet, les tribunaux

doivent tirer les conséquences de la dispense du ministère

d’avocat et ne pas sanctionner les requérants pour le non-

respect des formalités de recours.

Le recours en appel devant les cours d’appel obéit également à

des formalités simplifiées sans obligation de ministère d’avocat

(article 18) et de ce fait, appelle les mêmes commentaires que

pour les recours en première instance.

Délais

Selon l'article 17 de la Loi électorale, le tribunal de première

instance doit statuer sur le recours dans un délai de trois jours à

compter du dépôt du recours. L'article 18 dispose que la cour

d'appel statue dans un délai de trois jours à compter de la date

du dépôt de l'appel. Ces délais de jugement sont très courts. Il

n’existe pas de standards internationaux en la matière.

Différents textes, parmi lesquels la Charte Africaine de la

démocratie, des élections et de la gouvernance qui exige que les

contestations soient traitées « dans les meilleurs délais » (article

17(2)), font valoir l’importance d’un traitement rapide des

contestations. La Commission de Venise, quant à elle, précise

que tant les délais de recours et d’examen des requêtes

devraient se situer dans une fourchette de trois à cinq jours, tout

en rappelant cependant que « la procédure doit avoir un

caractère judiciaire, en ce sens que le droit des requérants au

contradictoire doit être sauvegardé »134. Dans son Observation

n°32, le Comité des droits de l'homme rappelle également que «

le principe de l'égalité entre les parties s'applique aux

procédures civiles également et veut, entre autres, que chaque

partie ait la possibilité de contester tous les arguments et

preuves produits par l'autre partie » (paragraphe 13). Peut être

déduit de ces différents textes qu’importe avant tout de trouver

un équilibre entre, d’une part, le respect des garanties

inhérentes à toute procédure judiciaire et, d’autre part, la

nécessité de rendre justice dans des délais très courts.

Il semble cependant difficile dans des délais aussi courts de

garantir l’effectivité du principe du contradictoire135 et par

conséquent de garantir les conditions d'un procès équitable. Or,

bien qu’il s’agisse d’un contentieux a priori peu complexe, rien

ne permet d’exclure que les juridictions saisies aient besoin de

plus de temps pour statuer sur certains litiges. Imposer aux

juridictions des délais aussi courts pour statuer crée le risque de

la précipitation et du non-respect des garanties attachées à toute

procédure juridictionnelle136, quel que soit son objet.

133 Comme c’est le cas en matière de contentieux prud’homal. 134 Code de bonne conduite en matière électorale, rapport explicatif, paragraphe 100. 135 Chacune des parties doit être mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés. 136 Dans sa recommandation (2004)20 sur le contrôle juridictionnel des actes de l'administration, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a clairement indiqué que des garanties telles que le principe du contradictoire et de l’égalité des armes entre parties à la procédure s’appliquaient également aux procédures de contrôle des actes de l’administration.

43

Par ailleurs, l’article 17 de la Loi électorale dispose que les

tribunaux de première instance appliquent les dispositions 43,

46, 47, 48 (dernier paragraphe), 49 et 50 du Code de procédure

civile et commerciale137. Le renvoi en matière procédurale à des

articles d’une autre loi est problématique, surtout dans un

contentieux ne nécessitant pas le ministère d’un avocat. Un

citoyen aura du mal à se référer à d’autres textes légaux pour

comprendre la procédure qui lui sera appliquée par le tribunal.

Recommandations

Afin de minimiser les risques de non-respect du principe du

contradictoire dans les procédures contentieuses relatives à

l’inscription des électeurs, il est recommandé de prévoir des

délais de dépôt et d’examen des plaintes légèrement plus

longs.

Il est recommandé que le délai d’affichage des listes des

électeurs soit d’une durée suffisante pour permettre aux

électeurs de les consulter et d’éventuellement faire des

réclamations.

Il est recommandé que ne soit pas exigé des requérants de

notifier leur recours aux parties concernées. Il serait

préférable de charger le greffe de la juridiction concernée

de notifier le recours aux parties concernées.

En ce qui concerne le contentieux relatif à l’inscription des

électeurs, la Loi électorale devrait définir la procédure

137 Articles du Code de procédure civile et commerciale applicables au contentieux électoral de l’inscription des électeurs: Article 43: « Le juge cantonal est saisi par requête écrite présentée par le demandeur ou son mandataire au greffe du tribunal cantonal. Cette requête doit indiquer les nom, prénom, profession et domicile du demandeur et ceux du défendeur et, le cas échéant, le numéro et le lieu d'immatriculation au registre de commerce, ainsi que les nom, prénom, profession et domicile de son représentant s'il y a lieu. Si le demandeur ou le défendeur est une personne morale, l'exploit doit contenir mention de ses dénominations, siège social et forme juridique si la personne morale est une société ainsi que le numéro et le lieu d'immatriculation au registre de commerce. La requête doit contenir, en outre, l'objet de la demande et les prétentions du demandeur. Dès sa réception, cette requête doit être inscrite par le greffier sur le registre tenu au greffe à cet effet. Elle est ensuite présentée au juge .» Article 46: «La convocation indique les nom, prénom, profession et domicile du demandeur et du défendeur, l'objet de la demande, la juridiction qui doit statuer, et la date du jour de la comparution. Le talon de cette pièce indique le nom et qualité de la personne chargée de la remise de la convocation à l'intéressé, ainsi que la date de cette remise. Il est revêtu de la signature de la cité, s'il est lettré. Il y est fait mention de son incapacité ou de son refus de signer; il doit également être revêtu de la signature de l'autorité qui en a assuré la remise, il est ensuite annexé aux pièces de la procédure par le greffier. Les dispositions des articles 6, 7, 8, 9 et 10 ci-dessus sont applicables aux convocations devant la justice cantonale, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles qui sont propres à cette juridiction. » Article 47: « Les affaires soumises au juge cantonal sont inscrites, par ordre de réception et de date, sur un registre à ce destiné. Ce registre mentionne les noms des parties, l'objet du litige et la date de la décision, ainsi que son dispositif. » Article 48 (dernier paragraphe): « Toutefois, si l'affaire requiert célérité et s'il est impossible de respecter le délai ci-dessus, la citation peut être donnée d'heure à heure. Mention doit en être faite sur l'avis de comparution. » Article 49: « Les parties comparaissent en personne ou chargent un avocat de les représenter devant le juge cantonal, au jour fixé par la convocation ou convenu entre elles. Si le demandeur ne comparaît pas en personne ou si son avocat ne se présente pas, l'affaire est rayée. Si, bien que touché personnellement, ni le défendeur, ni son avocat ne se présente, il est statué comme s'il était présent. » Article 50: « Les règles de procédures devant les tribunaux de première instance sont applicables aux affaires de la compétence de la justice cantonale dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles qui lui sont propres. »

applicable sans renvoyer à des dispositions dans d’autres

lois de manière à ce que le citoyen, dispensé du ministère

d’avocats pour ce type de contentieux, ne soit pas

désorienté.

Section II: Contentieux des candidatures

Candidature aux élections législatives

En vertu de l'article 26 de la Loi électorale, l'ISIE dispose de sept

jours à compter de l'expiration des délais de dépôt pour statuer

sur les demandes de candidature aux élections législatives. Le

même article précise que l'ISIE doit motiver sa décision de rejet.

Cette dernière précision constitue une avancée par rapport au

décret-loi n°2011-35 qui permettait à l'administration électorale

de rejeter des candidatures de façon implicite (en s'abstenant de

délivrer le récépissé définitif dans un délai de quatre jours) et

donc de ne pas motiver le refus. L'obligation de motivation

permet au requérant de formuler sa requête en exposant des

arguments contestant les motifs du rejet de sa candidature.

Droit d'agir

Selon l'article 27 de la Loi électorale, les décisions de l'ISIE

relatives aux candidatures peuvent être contestées par le

candidat tête de liste, un des candidats membres de la liste, le

représentant légal du parti politique ou les membres des autres

listes candidates dans la même circonscription. En comparaison

avec les élections de 2011, le droit de recours a été élargi. En

effet, selon l'article 29 du décret-loi n°2011-35, seules les têtes

de listes disposaient de ce droit de recours. Par ailleurs, le

décret-loi n°2011-35 ne permettait pas aux autres candidats des

listes concurrentes de contester l'admission d'une liste138.

L’élargissement du droit de recours constitue une amélioration

du cadre juridique. Différents textes internationaux plaident en

faveur d’un tel élargissement, estimant qu’il est légitime que les

candidats concurrents aient le droit de contester l'acceptation

d'une liste dont ils considèrent qu'elle ne remplit pas les

conditions légales139.

La Loi électorale cependant n’élargit pas le droit de recours aux

électeurs. Sur cette question, deux positions s’affrontent: d’un

côté, celle selon laquelle la démocratie étant de l’intérêt de tous,

tout le monde devrait avoir intérêt à agir pour sa protection; de

l’autre, celle, classique, selon laquelle seules les parties qui

peuvent démontrer un lien direct entre la violation et leur

situation peuvent porter réclamation. Les textes internationaux

tendent à préconiser une position intermédiaire. La Commission

de Venise plaide pour une large reconnaissance du droit de tout

électeur de la circonscription à contester une candidature

soumise dans cette même circonscription140, mais d’autres

organisations internationales sont plus mesurées sur la question,

138 En effet, l’article 29 du Décret loi n°2011-35 énonçait que le recours contre une décision de refus de candidature devait être introduit par le biais d'une requête écrite « que la tête de liste ou l'un de ses représentants soumet au greffe du Tribunal de première instance territorialement compétent […] ». 139 Au niveau européen, le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise considère que « la qualité pour recourir doit être reconnue très largement » et en particulier que « le recours doit être ouvert à tout électeur de la circonscription et à tout candidat qui se présente dans celle-ci. » (Paragraphe 99, rapport explicatif). 140 Code de bonne conduite en matière électorale, rapport explicatif, paragraphe 99.

44

laissant une large marge d’appréciation aux Etats141. Un

argument souvent avancé à l’encontre d’une ouverture du droit

d’agir à tout électeur est le risque d’engorgement des tribunaux

qui en découlerait.

Accessibilité

Un premier recours est ouvert devant le tribunal de première

instance territorialement compétent142 et un appel est possible

devant les chambres d'appel du Tribunal administratif (article

29). Les recours devant les tribunaux de première instance

garantissent une relative proximité aux candidats qui voudraient

déposer une contestation devant une juridiction.

Le délai pour interjeter un appel devant les chambres d’appel du

Tribunal administratif143 est de trois jours (article 29). Sachant

que le Tribunal administratif a son siège à Tunis et qu’à la date

de rédaction de la présente analyse, la loi relative à cette

juridiction (loi n°72-40 du 1er juin 1972) ne prévoit pas la création

de chambres d'appel dans les régions 144, on peut considérer

que le délai de recours en appel est particulièrement court,

notamment pour les requérants habitant loin de Tunis.

Délais de jugement

Selon l'article 28 de la Loi électorale, le tribunal de première

instance doit statuer sur le recours dans un délai de trois jours

ouvrables145 à compter du dépôt du recours.

En ce qui concerne l’appel, il est du ressort des chambres

d’appel du Tribunal administratif. Ces dernières doivent fixer une

audience de plaidoirie au plus tard trois jours après la date de

l’enregistrement de l’appel et statuer 48 heures après l’audience

de plaidoirie (article 30)

Comme rappelé plus haut, pour ce type de contentieux, les

textes internationaux appellent à des délais raccourcis par

rapport à ceux applicables aux procédures ordinaires. La

Commission de Venise du Conseil de l’Europe estime que « les

délais de recours et les délais pour prendre une décision sur

141 Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières, Conseil interparlementaire, 1994, paragraphe (6). 142 En ce qui concerne les décisions relatives aux candidatures des listes à l'étranger, c'est le Tribunal de première instance de Tunis 1 qui est compétent (article 27). 143 Le choix de la juridiction administrative en tant qu’instance d’appel montre que le législateur tunisien considère que le contentieux électoral est un contentieux administratif et que l’attribution de certains recours à des tribunaux judiciaires (comme les recours relatifs au contentieux des listes d’électeurs) est justifié par des raisons pratiques, à savoir l’inexistence de chambres administratives de première instance régionales et l’incapacité matérielle du Tribunal administratif de Tunis de traiter tout le contentieux électoral en première instance et en appel. Ceci dit, attribuer tout le contentieux de l’appel en matière de candidatures à une seule juridiction présente l’avantage d’éviter le risque d’interprétations juridictionnelles divergentes. 144 L'article 15 de la loi n°72-40 du 1er juin 1972 relative au Tribunal administratif prévoit uniquement la création de chambres de première instance au niveau des régions. A la date de rédaction de la présente analyse, les chambres de première instance au niveau des régions relevant du Tribunal administratif n’ont pas été créées. 145 Contrairement au recours relatif à l’enregistrement des électeurs, l’article 28 de la Loi électorale précise pour ce type de recours que les trois jours sont ouvrables.

recours doivent être courts [trois à cinq jours en première

instance] »146.

Les délais prévus aux articles 28 et 30 de la Loi électorale (en

première instance et en appel) sont très courts. Il semble difficile

de garantir l’effectivité du principe du contradictoire durant ces

délais. Par ailleurs, de tels délais d’instance et de jugement

excluent de fait la possibilité pour le juge de mener des

investigations. Par conséquent, il y aurait lieu de considérer la

possibilité d’allonger les délais de manière à respecter les

principes du procès équitable. En raison des contraintes du

cycle électoral, les délais d’instance et de jugement ne devraient

cependant pas excéder cinq jours.

Procédure

L’article 27 de la Loi électorale relatif au recours devant les

tribunaux de première instance précise que le ministère d’avocat

n’est pas obligatoire. Au même titre que les dispositions relatives

au contentieux de l’enregistrement des électeurs, cette

disposition favorise l’accès des citoyens à la justice, ce qui est

important pour garantir le droit fondamental de tout citoyen de

participer aux affaires publiques. Les juridictions devront être

moins sévères en ce qui concerne le non-respect des formalités

procédurales mentionnées dans la loi, sachant que cette

dernière ne prévoit pas expressément le rejet pour vice de forme

des recours portés devant le tribunal de première instance, ce

qui laisse au juge une marge d’appréciation en la matière.

Pendant les trois jours dont il dispose, le requérant doit notifier

sa requête et ses moyens de preuve à l’ISIE et aux parties

concernées par le recours (article 27). Comme indiqué

précédemment, cette obligation est excessivement

contraignante. Il conviendrait que cette notification soit à la

charge du greffe de la juridiction concernée et non du requérant.

L’article 28 renvoie aux dispositions du Code de procédure civile

et commerciale. Au même titre que le contentieux de

l’enregistrement des électeurs, ce renvoi complique la tâche du

requérant qui, sans le ministère d’un avocat, devra se

familiariser avec d’autres textes légaux pour comprendre la

procédure applicable.

En ce qui concerne la procédure d’appel, deux remarques

peuvent être faites. La première remarque est relative à la

question du ministère d’avocat qui n’est pas précisée dans la Loi

électorale (article 29). Ce silence de la Loi électorale peut être

problématique, car, en vertu de l’article 59 de la loi n°72-40 du

1er juin 1972 relative au Tribunal administratif « l’appel est

interjeté, […], devant les chambres d’appel du tribunal

administratif au moyen d’une demande déposée au greffe du

tribunal par l’intermédiaire d’un avocat auprès de la cour de

cassation ou d’appel. […] ». Si elles appliquent cette disposition

telle quelle, les chambres d’appel sont en droit de rejeter tous

les recours en appel qui n’ont pas été déposés par un avocat. La

Loi électorale devrait clarifier ce point afin de lever toute

équivoque qui serait source de rejet pour vice de forme. Tout

146 Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise, CDL-AD (2002) 23 Rev., II.3.3. et §95.

45

comme les recours en première instance, les recours en appel

devraient être dispensés du ministère d’avocat.

La deuxième remarque concerne l’obligation de notifier l’appel

par voie d’huissier de justice (article 29), contrairement à la

notification du recours en première instance qui n’est pas

imposée dans une forme spécifique. On constate un formalisme

plus contraignant en appel, dont le non-respect est

expressément sanctionné par l’irrecevabilité du recours (article

29).

L’exigence d’une notification par voie d’huissier semble

excessive. Cette notification devrait être à la charge du greffe de

la juridiction concernée et non du requérant.

Recommandations

Pour ce qui est du contentieux des candidatures aux

élections législatives, l’obligation pour la partie requérante

de notifier sa requête à l’ISIE et aux parties concernées

(article 27) est excessivement formaliste. Cette notification

devrait être à la charge du greffe de la juridiction concernée

et non du requérant.

La Loi électorale devrait préciser que tout comme pour les

recours en première instance à l’encontre d’une candidature

à l’élection législative, la partie requérante est également

dispensée du ministère d’avocat devant les chambres

d’appel du Tribunal administratif (article 29).

La Loi électorale devrait assouplir la formalité de recours en

appel à l’encontre de candidatures à l’élection législative, en

supprimant l’obligation de notification du recours par voie

d’huissier de justice (article 29). Cette notification devrait

être à la charge du greffe de la juridiction concernée et non

du requérant.

Dans le contentieux des candidatures à l’élection législative,

le silence de la loi sur la question de la recevabilité des

recours pour vice de forme ne devrait pas être interprété

par les juridictions de première instance comme les

contraignant à rejeter systématiquement les recours qui ne

respecteraient pas les formalités procédurales énoncées

dans la loi. En ce qui concerne la procédure d'appel, la

disposition relative à l’irrecevabilité du recours pour cause

du non-respect des formalités (article 29) devrait être

supprimée de la Loi électorale et remplacée par une

disposition assurant plus de flexibilité afin de laisser une

marge d’appréciation aux juges en la matière.

La Loi électorale devrait prévoir des délais de jugement en

première instance et en appel plus longs de manière à

garantir le principe du contradictoire et notamment afin de

permettre aux juges de statuer dans de meilleures

conditions et dans le respect des garanties attachées à la

tenue d’un procès équitable.

Candidature aux élections présidentielles

Le contentieux relatif aux candidatures aux élections

présidentielles est de la compétence exclusive du Tribunal

administratif. Les chambres d’appel de ladite juridiction sont

saisies par les candidats. Les décisions des chambres d’appel

sont susceptibles de recours devant l’Assemblée plénière

juridictionnelle du Tribunal administratif147.

Le recours devant les chambres d’appel est dispensé

expressément du ministère d’avocat (article 46). Le délai de

recours devant les chambres d’appel du Tribunal administratif

est de 48 heures à compter de la date de publication des

candidatures ou de la date de notification des décisions de l’ISIE

(article 45).

Le délai de recours est très court et peut constituer un obstacle à

la formulation d’une requête argumentée. La situation est

compliquée par l’obligation de notifier, par voie d’huissier de

justice, à l’ISIE et aux parties concernées par le recours la

requête et les moyens de preuve pendant le même délai de 48

heures.

Il est recommandé de fixer un délai de recours plus long et de

prévoir des formalités de recours moins contraignantes en

matière de contentieux des candidatures aux élections

présidentielles.

Selon l’article 46, le recours est attribué à une chambre d’appel

qui fixe une audience de plaidoirie au plus tard trois jours à

compter de l’enregistrement du recours. La chambre d’appel doit

convoquer les parties au litige à l’audience de plaidoirie. Les

défendeurs doivent notifier leurs conclusions écrites aux parties

et les présenter deux jours avant l’audience de plaidoirie. En

application de ces dispositions, les défendeurs (ISIE et d’autres

candidats éventuellement) ne disposent, au meilleur des cas,

que de deux jours pour préparer leurs répliques écrites, les

notifier à l’autre partie et les déposer au tribunal. Le principe du

contradictoire restera théorique dans ces conditions. Des délais

aussi courts ne peuvent qu’avoir un impact négatif sur la qualité

des délibérations et des jugements. Comme déjà rappelé ci-

dessus, dans son Observation n°32, le Comité des droits de

l’homme estime que « le principe de l'égalité entre les parties

s'applique aux procédures civiles également et veut, entre

autres, que chaque partie ait la possibilité de contester tous les

arguments et preuves produits par l'autre partie » (paragraphe

13)148.Il est recommandé de réviser la Loi électorale afin de

147 Article 20 de la loi n°72-40: « L’assemblée plénière juridictionnelle comprend: - le premier président, - les présidents des chambres de cassation, des chambres consultatives et des chambres d’appel, - un conseiller de chaque chambre de cassation, désigné par le premier président en application de l’article 14 de la présente loi. […]. » 148 Voir également la Recommandation Rec(2004)20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le contrôle juridictionnel des actes de l'administration qui rappelle les éléments constitutifs de la notion de procès équitable dans le cadre d’une procédure de contrôle des actes administratifs. Cette recommandation évoque notamment les aspects suivants: « a. Le délai dans lequel le tribunal statue devrait être raisonnable, compte tenu de la complexité de l'affaire et des incidents et reports de procédure imputables aux parties, dans le respect du contradictoire. b. Il devrait y avoir égalité des armes entre les parties à la procédure. Chaque partie devrait avoir la possibilité de présenter sa cause sans être défavorisée. c. Sous réserve des exceptions prévues par la loi nationale dans des cas importants, l'autorité administrative devrait mettre à la disposition du tribunal les documents et informations relatifs à l'affaire. d. La procédure devrait avoir un caractère contradictoire. Tous les moyens de preuve admis par le tribunal devraient en principe être mis à la disposition des parties en vue d'un débat contradictoire. e. Le tribunal devrait être en mesure d'examiner tous les éléments de droit et de fait présentés par les parties au sujet de l'affaire. f. Le procès devrait être public, sauf circonstances exceptionnelles. g. La décision devrait être rendue en public. h. La décision devrait être motivée. Le tribunal devrait indiquer de manière suffisamment claire les motifs sur lesquels il fonde sa décision. Il n'a pas besoin de traiter toutes les questions soulevées, mais il lui faut répondre expressément et avec précision à tout argument qui, s'il était retenu, serait déterminant pour l'issue de l'affaire.» La Commission

46

prévoir des délais d’instance plus longs permettant aux parties

de s’échanger de façon contradictoire et en un temps

raisonnable, leurs conclusions. Ces délais ne devraient

cependant pas excéder cinq jours en raison des contraintes du

cycle électoral.

L’article 46 dispose que les chambres d’appel du Tribunal

administratif ont trois jours pour délibérer et prononcer leurs

décisions. Ce délai est court et pourrait avoir un impact négatif

sur la qualité des jugements, notamment dans le cas des

candidatures à l’élection présidentielle. Le parrainage des

candidats par des électeurs, prévu à l’article 41 de la Loi

électorale, peut être source de nombreux litiges dont l’examen

par un tribunal nécessite du temps afin de vérifier les signatures

et d’enquêter le cas échéant.

Il est recommandé de prévoir des délais de jugements plus

longs afin de permettre aux juges de statuer sur les recours

dans de meilleures conditions, notamment dans le cas où les

vérifications requises nécessiteraient plus de temps.

Les décisions des chambres d’appel sont susceptibles de

recours devant l’Assemblée plénière juridictionnelle du Tribunal

administratif (article 47). La procédure prévue par la loi soulève

les mêmes commentaires que ceux mentionnés en ce qui

concerne le recours devant les chambres d’appel, à savoir des

délais de recours très courts (48 heures) pendant lesquels des

formalités contraignantes doivent être accomplies (notification

par huissier de justice). Il est à signaler que le ministère d’avocat

est obligatoire pour ce type de recours. Enfin, le non-respect des

formalités et des conditions de recours est expressément

sanctionné par l’irrecevabilité (article 47, paragraphe 3).

Les délais d’instance sont identiques à ceux prévus pour le

recours devant les chambres d’appel du Tribunal administratif et

soulèvent les mêmes commentaires et recommandations.

Recommandations

Pour ce qui est contentieux des candidatures à l’élection

présidentielle, par respect du droit au contradictoire, il est

recommandé d’allonger le délai de recours qui, en l’état - et

compte tenu également de l’obligation de notification par

voie d’huissier de justice pendant le même délai de 48

heures -, constitue un obstacle à la formulation d’une

requête argumentée. Il est également recommandé de

prévoir des formalités de recours moins contraignantes.

Devrait notamment être supprimée l’obligation de notifier le

recours par voie d’huissier de justice. Il serait préférable de

charger le greffe de la juridiction concernée de notifier le

recours aux parties concernées.

Il est recommandé que la Loi électorale fixe un délai de

jugement plus long devant les chambres d’appel et

l’Assemblée plénière juridictionnelle du Tribunal

administratif, notamment afin de permettre de procéder aux

vérifications nécessaires comme celles requises en matière

de parrainages citoyens.

de Venise précise, quant à elle, que les délais de recours et d’examen des requêtes devraient se situer dans une fourchette de trois à cinq jours, tout en rappelant cependant que «la procédure doit avoir un caractère judiciaire, en ce sens que le droit des requérants au contradictoire doit être sauvegardé » (Code de bonne conduite en matière électorale, rapport explicatif, paragraphe 100).

Section III: Contentieux de la campagne électorale

La campagne électorale est contrôlée par l'ISIE qui est habilitée

à prendre des sanctions à l'encontre des candidats qui ont

commis des infractions (articles 71 et 72) ainsi que par la HAICA

(articles 73 et 74 renvoyant aux dispositions du décret-loi

n°2011-116 du 2 novembre 2011) pour ce qui concerne la

propagande électorale à travers les médias audiovisuels

étrangers.

En 2011, l’article 47 du décret-loi n°2011-35 prévoyait la

possibilité de contester devant le Tribunal administratif, celui-ci

statuant en dernier ressort, les décisions de l’ISIE prises dans

l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de sanction des

violations aux règles de la campagne électorale. L’ISIE avait

elle-même adopté trois décisions dont l’une permettait aux têtes

de liste et aux représentants des entreprises médiatiques de

former des recours devant l’ISIE dans un délai de 24 heures à

compter de la constatation de l’infraction alléguée. La Loi

électorale ne prévoit pas des procédures contentieuses

spécifiques en ce qui concerne la campagne électorale. N’est

évoquée à l’article 71 que la possibilité pour « quelque partie

que ce soit » de demander que l’ISIE procède à des contrôles du

respect des règles, procédures et principes de la campagne

électorale. La législation de 2011 était lacunaire sur bien des

aspects. Celle de 2014 est muette sur ce point et l’ISIE n’a

adopté aucune décision pour combler cette lacune.

En l’absence de toute disposition sur la question, les décisions

de l'ISIE restent susceptibles de recours devant le Tribunal

administratif dans le cadre de la compétence générale de ce

dernier en matière de litiges administratifs. Or, le traitement

ordinaire des recours sur le fond par le Tribunal administratif

peut durer des mois, voire des années, ce qui retire au recours

toute utilité149.

Recommandation

Il est recommandé que les articles 71 à 74 de la Loi

électorale soient complétés afin de prévoir une procédure

de recours ouverte aux listes candidates, candidats et

électeurs, et leur permettant de porter devant l’ISIE tout

litige relatif à l’allégation d’infractions aux règles et

procédures régissant la campagne électorale. Cette

procédure pourrait cependant être assortie d’un mécanisme

de vérification ou de filtrage des recours frivoles ou

manifestement infondés afin d’éviter l’engorgement de l’ISIE

et des tribunaux. Les délais de recours, d’appel et de

jugement devraient être précisés dans la loi et la procédure

devrait être dénuée de tout formalisme excessif.

149 A noter néanmoins que le premier président du Tribunal administratif peut ordonner le sursis à exécution d'une décision jusqu’à l’expiration des délais de recours ou jusqu’à la date du prononcé du jugement, et ce, « lorsque la demande du sursis repose sur des motifs apparemment sérieux et que l’exécution de la décision objet du recours est de nature à entraîner, pour le requérant des conséquences difficilement réversibles » (article 39 de la loi n°72-40 du 1er juin 1972 relative au Tribunal administratif).

47

Section IV: Contentieux des résultats

Contrôle d’opportunité et pouvoir de rectification

L’article 142 dispose que l’ISIE « contrôle les décisions des

bureaux de vote, des bureaux centralisateurs et des centres de

collecte concernant le vote et le dépouillement» et qu’elle

«enquête, le cas échéant, sur les causes de non-concordance

entre le nombre des bulletins de vote et le nombre de votants, et

corrige les éventuelles erreurs matérielles et erreurs de calcul

dans les procès-verbaux de dépouillement. L’Instance peut

refaire le dépouillement pour un ou plusieurs bureaux de vote».

L’ISIE «peut annuler les résultats d’un bureau de vote ou de la

circonscription électorale, si elle constate l’existence

d’irrégularités substantielles et déterminantes entachant les

opérations de vote et de dépouillement ». Cette disposition

constitue une amélioration au regard des dispositions

équivalentes du décret-loi n°35 de 2011 qui ne prévoyait pas de

manière explicite un pouvoir de rectification150.

Une autre amélioration est qu’à l’inverse de l’article 70 du

décret-loi n°35 qui ne laissait pas à l’ISIE la possibilité de

moduler la sanction en cas de non-respect des règles relatives

au financement de la campagne électorale, l’article 143 de la Loi

électorale permet désormais à l’ISIE de le faire. En effet, celle-ci,

par une décision qui doit être motivée, peut « annuler les

résultats des vainqueurs s'il lui est avéré que les violations

desdites dispositions ont affecté les résultats électoraux d’une

manière substantielle et déterminante ». De même, l’article 142

permet à l’ISIE d’ « annuler les résultats d’un bureau de vote ou

de la circonscription électorale, si elle constate l’existence

d’irrégularités substantielles et déterminantes entachant les

opérations de vote et de dépouillement ». Il y a là un progrès

notable par rapport aux dispositions antérieures. La formulation

de l’article 142 est particulièrement bienvenue en ce qu’elle

permet une modulation qui ne se réduise pas à l’application d’un

strict contrôle d’opportunité. L’ISIE peut ainsi être amenée à

annuler des résultats même dans des situations où ceux-ci

n’auraient pas été affectés par les fraudes et irrégularités

constatées, en se fondant sur la gravité de celles-ci. Cette

position reflète l’évolution la plus récente de la Cour européenne

des droits de l’Homme sur ce point précis151.

Ceci dit, une difficulté subsiste. La Loi électorale n’évoque pas le

rôle des instances régionales de l’ISIE dans le contentieux des

résultats. Elle ne le fait pas pour la simple raison que ces

instances ne sont pas évoquées dans la loi mais exclusivement

à l’article 21 de la Loi sur l’ISIE qui permet à celles-ci de créer de

telles instances en un nombre qu’il lui appartient de déterminer.

La conséquence, pour ce qui est du contentieux des résultats,

est que la Loi électorale donne l’impression que toute la phase

contentieuse est centralisée au niveau de l’ISIE et qu’à elle

seule appartient la responsabilité de traiter, sans l’assistance

des instances régionales, des éventuelles objections notifiées

dans les procès-verbaux. Il est recommandé que la Loi

électorale précise le rôle des instances régionales dans le

contentieux des résultats, notamment en leur octroyant un

pouvoir d’enquête et de rectification. Il y aurait lieu de prévoir la

possibilité d’effectuer les corrections qui s’imposent au niveau

des instances régionales dont les décisions pourraient faire

150 Articles 62 et 70 du décret-loi n°35. 151 Voir notamment l’affaire Namat Aliyev v. Azerbaijan, 8 juillet 2010.

l’objet d’un recours devant le Conseil de l’ISIE, procédure au

terme de laquelle celui-ci, ayant examiné tous les litiges en

suspens, proclamerait les résultats provisoires.

Droit d’agir

Selon l’article 144, l’ISIE proclame les résultats préliminaires des

élections et des référendums, les affiches dans ses locaux et les

met en ligne sur son site en y joignant les procès-verbaux de

dépouillement et les décisions de rectification.

Les décisions de l’ISIE relatives aux résultats sont susceptibles

d’un recours devant les chambres d’appel du Tribunal

administratif. Il peut être fait appel des décisions des chambres

d’appel devant l’Assemblée plénière juridictionnelle du Tribunal

administratif.

Les personnes qui ont le droit d’agir contre les décisions de

l’ISIE en matière de résultats sont, en ce qui concerne les

élections législatives, la tête de liste, un membre d’une liste

candidate ou le représentant légal d’un parti politique. En ce qui

concerne les élections présidentielles, chaque candidat a le droit

de contester les décisions relatives aux résultats. En ce qui

concerne les référendums, ce sont les représentants des partis

politiques y ayant participé qui ont seuls le droit de contester les

résultats.

En ce qui concerne les résultats des élections législatives, le

droit d’agir a été élargi par rapport à la législation de 2011, ce

qui constitue un point positif. En effet, le décret-loi n°2011-35

relatif aux élections des membres de l’Assemblée nationale

constituante permettait seulement aux têtes de listes d’introduire

des recours contre les résultats préliminaires.

Cela dit, cela reste une approche stricte de l’intérêt à agir. Le

droit en cause n’est pas un privilège n’appartenant qu’aux seuls

candidats, mais le droit des électeurs à des élections

transparentes et honnêtes reflétant leur choix. Une tendance se

dessine de considérer qu’un tel droit serait dépourvu d’effectivité

s’il ne comportait la possibilité pour tous les électeurs de

contester les résultats des élections. Afin de désengorger

cependant les tribunaux, il est préconisé d’établir un quorum,

comme y invite la Commission de Venise, afin d’éviter

l’engorgement du Tribunal administratif.

Cette remarque a une résonance plus forte en ce qui concerne

le référendum qui est un mécanisme de la démocratie directe ou

semi-directe152 permettant aux citoyens de se prononcer

directement sur une question et en cela, se distingue de la

logique partisane à l’œuvre notamment dans les élections

législatives. On peut dès lors s’interroger sur l’opportunité de

limiter le droit de recours aux seuls représentants des partis.

Il est recommandé d’engager une réflexion sur la possibilité

d’élargir le droit d’agir à tous les électeurs et de prévoir un

mécanisme de sauvegarde sous la forme notamment d’un

152 Selon la doctrine, il s’agit plus précisément d’un mécanisme de démocratie semi-directe.

48

quorum pour éviter l’engorgement du Tribunal administratif153. La

réflexion devrait prendre en compte, de la manière la plus

objective possible, les difficultés que pourrait occasionner une

telle réforme, sans se limiter à une opposition de principe ne

reposant que sur des craintes hypothétiques liées à la situation

politique du moment.

Procédure et délais de recours

Le délai de recours contre les résultats provisoires des élections

législatives, présidentielles ou des référendums est de trois jours

à partir de l’affichage des résultats dans les locaux de l’ISIE.

Ceci constitue une amélioration du cadre juridique par rapport à

2011 qui envisageait pour les recours relatifs aux résultats des

élections à l’Assemblée nationale constituante une période de

48 heures. Ces délais cependant restent trop courts notamment

au regard du formalisme de la procédure (voir commentaires ci-

dessous). Il est recommandé d’en rallonger la durée154.

Le recours devant les chambres d’appel obéit aussi à un certain

formalisme: obligation de notifier à l’ISIE par voie d’huissier de

justice la requête et les moyens de preuve et obligation du

ministère d’avocat (article 145). En revanche, la Loi électorale ne

prévoit pas de façon expresse une sanction pour le non-respect

des formalités requises. Il n’est pas clair s’il s’agit là d’une

lacune de la loi ou d’un choix délibéré de laisser la possibilité au

juge administratif de faire preuve de souplesse en permettant

par exemple aux parties de régulariser le non-respect des

formalités. Ceci dit, en matière électorale et plus particulièrement

en ce qui concerne le contentieux des résultats, le formalisme

inhérent à toute procédure contentieuse devrait se limiter à

l’essentiel, aux seules formalités sans lesquelles justice ne peut

être rendue. « La procédure doit être simple et dénuée de tout

formalisme, en particulier en ce qui concerne la recevabilité des

recours », comme le rappelle la Commission de Venise155. Il y

aurait lieu d’atténuer le formalisme de la procédure de

contestation des résultats de l’élection, aussi bien de l’élection

présidentielle, du référendum que des élections législatives.

Les décisions des chambres d’appel sont susceptibles de

recours en dernier ressort devant l’Assemblée plénière

juridictionnelle du Tribunal administratif (article 146).

Le délai de recours est de 48 heures à partir de la notification de

la décision contestée. De même, le recours est subordonné à

l’accomplissement de formalités contraignantes, à savoir la

notification de la requête et des moyens de preuve par huissier

de justice. Le procès-verbal de la notification doit être joint à la

requête lors du dépôt du recours sous peine d’irrecevabilité. Par

ailleurs, le recours doit être effectué par un avocat près de la

Cour de cassation.

153 C’est ce que recommande la Commission de Venise pour tout type de scrutin, pour autant qu’il s’agisse de contestation des résultats de l’élection (Code de bonne conduite en matière électorale, II.3.3.f, § 99: « Un quorum raisonnable peut être imposé pour les recours des électeurs relatifs aux résultats des élections. »). Elle ne précise pas cependant ce qu’elle entend par « quorum raisonnable ». 154 La Commission de Venise évoque des délais qui devraient se situer entre 3 et 5 jours en première instance (Code de bonne conduite en matière électorale, paragraphe II.3.3.g). 155 Code de bonne conduite en matière électorale, II.3.3.b.

Délais de jugement

L’audience de plaidoirie devant l’Assemblée plénière

juridictionnelle est fixée au plus tard trois jours à compter du

dépôt du recours. Les défendeurs doivent notifier leurs

conclusions écrites deux jours avant l’audience de plaidoirie.

Compte tenu des contraintes inhérentes à un tel formalisme, ces

délais sont très courts et ne permettent pas aux parties de

préparer leurs répliques dans de bonnes conditions. Il y aurait

lieu de considérer l’opportunité de les rallonger.

L’Assemblée plénière juridictionnelle dispose de cinq jours pour

prendre sa décision. Ce délai pourrait être insuffisant au cas où

le nombre des recours est élevé, ce qui porterait préjudice à la

qualité des décisions. En outre, cela ne permet pas à la

juridiction administrative chargée du contentieux des résultats de

procéder aux investigations qui pourraient s’avérer nécessaires

au vu des pièces versées au dossier et des allégations des

parties. Il y a un risque de procédures expéditives ce qui, au

regard de l’enjeu fondamental que représente une élection pour

l’avenir d’une société, est un risque majeur qui peut entraîner

tensions et frustrations. Il est donc essentiel de donner à la

juridiction administrative le temps ainsi que les moyens de

procéder à toutes les vérifications nécessaires afin de trancher

de la manière la plus sereine possible.

Bien qu’il soit compréhensible, dans un contexte instable et

politiquement tendu d’opter pour des délais courts afin de ne pas

prolonger l’incertitude quant aux résultats, les délais prévus dans

la Loi électorale sont trop courts et ne permettent pas de garantir

une justice de qualité. Or la qualité des décisions

juridictionnelles et la perception que le public en a peuvent avoir

un impact décisif sur la stabilité politique du pays. Il n’existe pas

de standards internationaux sur ce point mais certains textes

jugent légitimes que des délais plus longs que les délais

appliqués aux autres phases du contentieux électorale soient

appliqués aux litiges portant sur les résultats préliminaires de

l’élection156. Il est donc recommandé d’engager une réflexion, à

la lumière des enseignements tirés des élections de 2014, sur la

possibilité de délais plus longs.

Publication de résultats détaillés

Par ailleurs, l’effectivité des recours est également tributaire du

degré de précision des résultats annoncés. Sans des résultats

complets, détaillés (par bureau de vote) et étayés, les parties

requérantes risquent de se retrouver privées des moyens de

produire devant la juridiction administrative les éléments de

preuve susceptibles d’étayer leurs griefs. Or, la Loi électorale

(article 144), tout comme le décret-loi n°35 de 2011 (article 71),

ne prévoit pas la publication de résultats détaillés. L’article 67 du

décret-loi n°35 prévoyait la publication sur le site internet de

l’ISIE les « résultats détaillés » des élections sans autre

156 Voir par exemple: OSCE ODIHR «Resolving Election Disputes in the OSCE Region:Towards a Standard Election Disputes Monitoring System», 2000: « Challenges pertaining to the preliminary results of the election within the mandate of lower level electoral bodies should be filed with the highest electoral body so as to secure a coherent and hierarchical procedure. The time-limit for filing and deciding upon such challenges should not exceed one month, so as to enable the publication of the final election results no later than this deadline (taking into account the deadline for publication of the preliminary results). »

49

précision cependant. Cette disposition n’a pas été reprise dans

la Loi électorale. Il est recommandé que la Loi électorale

contienne une disposition précisant la publication par l’ISIE des

résultats détaillés, ce par quoi devrait être entendue la

publication des résultats bureau de vote par bureau de vote.

Recommandations

Il est recommandé que la Loi électorale précise le rôle des

instances régionales dans le contentieux des résultats,

notamment en leur octroyant un pouvoir d’enquête et de

rectification. Il y aurait lieu de prévoir la possibilité

d’effectuer les corrections qui s’imposent au niveau des

instances régionales dont les décisions pourraient faire

l’objet d’un recours devant le Conseil de l’ISIE, procédure

au terme de laquelle celui-ci, ayant examiné tous les litiges

en suspens, proclamerait les résultats provisoires.

A terme, il pourrait être envisagé d’élargir le droit d’agir, en

matière de contentieux des résultats, à tous les électeurs,

quel que soit le type de scrutin (élections législatives et

présidentielles, référendum), considérant que dans ce type

de contentieux, le droit de contester le résultat du scrutin

est la traduction directe du droit fondamental des citoyens à

des élections transparentes et honnêtes reflétant leur choix.

Cette réflexion pourrait également porter sur les

mécanismes qui pourraient être mis en place pour éviter

l’engorgement du Tribunal administratif.

Aussi bien pour les élections législatives et présidentielles

que pour les référendums, il est recommandé d’allonger la

durée des délais de recours. L’Assemblée plénière

juridictionnelle devrait, pour sa part, disposer d’un délai plus

long pour rendre sa décision.

Il est recommandé que la Loi électorale contienne une

disposition précisant la publication par l’ISIE des résultats

détaillés, ce par quoi devrait être entendue la publication

des résultats bureau de vote par bureau de vote.

***

Democracy Reporting International (DRI) est une organisation

à but non-lucratif, indépendante et non partisane, ayant son

siège à Berlin, en Allemagne. DRI soutient la participation

politique des citoyens, ainsi que la redevabilité des organes

gouvernementaux et le développement d’institutions

démocratiques dans le monde entier. DRI appuie les processus

locaux de promotion du droit universel des citoyens à

participer à la vie politique de leur pays, conformément à ce

qui est stipulé dans la Déclaration universelle des droits de

l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils

et politiques.

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This publication was produced in the framework of the project “Supporting CSOs and

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