comment préparer au commentaire - …lettres.discipline.ac-lille.fr/ressources/entree_metier... ·...

15
ACADEMIE DE LILLE Question : Comment préparer au commentaire ? Marc Fesneau - Lycée Gustave Eiffel, Armentières Domaine : Lecture, écriture de commentaire, argumentation, EAF Niveau(x) concerné(s) : Lycée-Collège Extrait du programme : Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010 Pour la seconde Compétences visées Dans la continuité du socle commun de connaissances et de compétences, les compétences visées répondent directement à ces finalités. (...) Il s'agit de : (...) - être capable de lire, de comprendre et d'analyser des œuvres de genres variés, et de rendre compte de cette lecture, à l'écrit comme à l'oral - Avoir des repères esthétiques et se forger des critères d'analyse, d'appréciation et de jugement - faire des hypothèses de lecture, proposer des interprétations - formuler une appréciation personnelle et savoir la justifier (...) Enfin, chaque objet d'étude doit permettre de construire chez l'élève l'ensemble des compétences énumérées plus haut : compétences d'écriture et d'expression aussi bien que de lecture, d'interprétation et d'appréciation. (...) Exercices - Écriture d'argumentation : initiation au commentaire littéraire, initiation à la dissertation. Pour la première : Activités et exercices L'appropriation par les élèves de ces connaissances et de ces capacités suppose que soient mises en place des activités variées favorisant une approche vivante des apprentissages en fonction des besoins des élèves. Le professeur vise, dans la conception de son projet et dans sa réalisation pédagogique, à favoriser cet engagement des élèves dans leur travail. Une utilisation pertinente des nouvelles technologies pourra les y aider. En outre, des exercices plus codifiés, auxquels on a soin d'entraîner les élèves, permettent de vérifier la construction effective des apprentissages mais aussi de les préparer aux épreuves du baccalauréat. Au minimum, trois évaluations par trimestre, portant sur les différents exercices de l'EAF et constituant des travaux aboutis, doivent être proposées dans les classes. (...) Activités - Pratiquer les diverses formes de la lecture scolaire : lecture cursive, lecture analytique. - Lire et analyser des images, fixes et mobiles.(...) - Pratiquer diverses formes d'écriture (fonctionnelle, argumentative, fictionnelle, poétique, etc.). - S'exercer à la prise de parole, à l'écoute, à l'expression de son opinion et au débat argumenté. - Mémoriser des extraits. - Mettre en voix et en espace des textes. Exercices - Écriture d'argumentation : entraînement au commentaire littéraire et à la dissertation.(...) La pratique de l'ensemble des activités, écrites et orales, favorise l'acquisition des compétences nécessaires à la réussite des exercices codifiés, auxquels on entraîne les élèves en vue des épreuves anticipées de français Le commentaire lors de l’EAF : BO spécial n°7 du 6 octobre 2011 http://cache.media.education.gouv.fr//file/special_7_men/41/9/BO_SPE7_MEN_06-10-11_196419.pdf Épreuve écrite Durée 4 heures : Coefficients : - 3 en série L - 2 en séries ES et S - 2 en séries technologiques (hors STAV) Les épreuves anticipées de français portent sur le contenu du programme de la classe de première ; elles évaluent dans le cadre d'un sujet unique les objets d'étude communs à l'ensemble des séries et, pour la série L, ceux de français et de littérature. Elles permettent de vérifier les compétences acquises en français tout au long de la scolarité et portent sur les contenus du programme de la classe de première. Elles évaluent les compétences et connaissances suivantes :

Upload: tranthu

Post on 10-Sep-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

ACADEMIE DE LILLE

Question : Comment préparer au commentaire ?Marc Fesneau - Lycée Gustave Eiffel, Armentières

Domaine : Lecture, écriture de commentaire, argumentation, EAFNiveau(x) concerné(s) : Lycée-Collège

Extrait du programme : Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010

Pour la seconde

Compétences viséesDans la continuité du socle commun de connaissances et de compétences, les compétences visées répondent

directement à ces finalités. (...) Il s'agit de : (...)- être capable de lire, de comprendre et d'analyser des œuvres de genres variés, et de rendre compte de cette

lecture, à l'écrit comme à l'oral- Avoir des repères esthétiques et se forger des critères d'analyse, d'appréciation et de jugement- faire des hypothèses de lecture, proposer des interprétations- formuler une appréciation personnelle et savoir la justifier

(...) Enfin, chaque objet d'étude doit permettre de construire chez l'élève l'ensemble des compétencesénumérées plus haut : compétences d'écriture et d'expression aussi bien que de lecture, d'interprétation etd'appréciation. (...)Exercices

- Écriture d'argumentation : initiation au commentaire littéraire, initiation à la dissertation.

Pour la première : Activités et exercices

L'appropriation par les élèves de ces connaissances et de ces capacités suppose que soient mises en place desactivités variées favorisant une approche vivante des apprentissages en fonction des besoins des élèves. Le professeurvise, dans la conception de son projet et dans sa réalisation pédagogique, à favoriser cet engagement des élèves dansleur travail. Une utilisation pertinente des nouvelles technologies pourra les y aider.En outre, des exercices plus codifiés, auxquels on a soin d'entraîner les élèves, permettent de vérifier la constructioneffective des apprentissages mais aussi de les préparer aux épreuves du baccalauréat. Au minimum, trois évaluationspar trimestre, portant sur les différents exercices de l'EAF et constituant des travaux aboutis, doivent être proposéesdans les classes. (...)

Activités- Pratiquer les diverses formes de la lecture scolaire : lecture cursive, lecture analytique.- Lire et analyser des images, fixes et mobiles.(...)- Pratiquer diverses formes d'écriture (fonctionnelle, argumentative, fictionnelle, poétique, etc.).- S'exercer à la prise de parole, à l'écoute, à l'expression de son opinion et au débat argumenté.- Mémoriser des extraits.- Mettre en voix et en espace des textes.

Exercices- Écriture d'argumentation : entraînement au commentaire littéraire et à la dissertation.(...)

La pratique de l'ensemble des activités, écrites et orales, favorise l'acquisition des compétences nécessaires àla réussite des exercices codifiés, auxquels on entraîne les élèves en vue des épreuves anticipées de français

Le commentaire lors de l’EAF : BO spécial n°7 du 6 octobre 2011http://cache.media.education.gouv.fr//file/special_7_men/41/9/BO_SPE7_MEN_06-10-11_196419.pdf

Épreuve écriteDurée 4 heures : Coefficients : - 3 en série L - 2 en séries ES et S - 2 en séries technologiques (hors STAV) Les

épreuves anticipées de français portent sur le contenu du programme de la classe de première ; elles évaluent dans lecadre d'un sujet unique les objets d'étude communs à l'ensemble des séries et, pour la série L, ceux de français et delittérature. Elles permettent de vérifier les compétences acquises en français tout au long de la scolarité et portent surles contenus du programme de la classe de première. Elles évaluent les compétences et connaissances suivantes :

ACADEMIE DE LILLE

- maîtrise de la langue et de l'expression ;- aptitude à lire, à analyser et à interpréter des textes ;- aptitude à tisser des liens entre différents textes pour dégager une problématique ;- aptitude à mobiliser une culture littéraire fondée sur les travaux conduits en cours de français, sur des

lectures et une expérience personnelles ;- aptitude à construire un jugement argumenté et à prendre en compte d'autres points de vue que le sien ;- exercice raisonné de la faculté d'invention.

Les sujets prennent appui sur un ensemble de textes (corpus), comprenant éventuellement un documenticonographique contribuant à la compréhension ou enrichissant la signification de l'ensemble. (...) Qu'il soit ou nonaccompagné de questions, le sujet offre le choix entre trois types de travaux d'écriture, liés à la totalité ou à une partiedes textes étudiés : un commentaire ou une dissertation ou une écriture d'invention. Cette production écrite est notéeau minimum sur 16 points pour les sujets des séries générales et sur 14 points pour les sujets des séries technologiquesquand elle est précédée de questions, sur 20 dans toutes les séries quand il n'y a pas de questions. Le commentaireporte sur un texte littéraire. Il peut être également proposé de comparer deux textes. En séries générales, le candidatcompose un devoir qui présente de manière organisée ce qu'il a retenu de sa lecture et justifie son interprétation etses jugements personnels. En séries technologiques, le sujet est formulé de manière à guider le candidat dans sontravail.

REPONSE

La préparation au commentaire ne nécessite pas une préparation spécifique sur une période donnée de l’année.Il se travaille tout au long de l’année et à travers toutes les activités de la classe de français, comme on le verra ci-après.Comment ?

En ce qu’il s’agit d’apprendre d’abord aux élèves à réagir par rapport à un texte et non de répondre à desquestions sur les figures de style ou le lexique. Réagir à un texte, c’est :

- en ressentir les effets : le texte me choque-t-il ? me surprend-il ? m’émeut-il ? me fait-il rire ou sourire ? meconvainc-t-il ? ll s’agit donc d’abord d’entraîner ses élèves à réagir aux textes et aux œuvres qu’on leur lit etcela passe par le lien fait par l’élève entre le texte et sa propre sensibilité, ses propres affects. (le statut de lalecture est ici celui de l’expérience propre de l’élève).

- C’est aussi dire ce qu’on en a compris.

- C’est enfin en percevoir l’inscription dans un genre (roman, essai, poésie, théâtre etc). L’élève relie le texte oul’œuvre à ce qui constitue sa culture et cela doit être accepté par le professeur , même si les références del’élève sortent du champ strictement littéraire (cinéma, BD, publicité etc.)

Ainsi, la démarche préparant au commentaire se confond-elle avec celle qui fonde toute lecture analytique :L’élève formule des hypothèses qu’il va vérifier par sa relecture du texte en cherchant comment l’auteur s’y prend pourproduire tel ou tel effet. Comment Baudelaire laisse-t-il affleurer son spleen dans « Harmonie du soir » ? par exemple,comment la première scène de Tartuffe fait-elle rire le spectateur ? Entraîné à réagir sur les textes à l’oral comme àl’écrit, l’élève n’aura pas de mal à formuler une ou deux questions sur le texte.

En ce que le commentaire relève de l’argumentation, tout travail amenant les élèves à justifier leur pointde vue les y prépare. Cela peut passer en début de seconde par le détour de l’analyse de l’image fixe ou mobile.Amenés par exemple à justifier leur réaction à la projection de la deuxième séquence du film de David Lean OliverTwist qui décrit l’arrivée du héros à l’asile, les élèves vont chercher comment le cinéaste donne la sensation d’ununivers qui écrase les enfants. Ils repéreront aisément le procédé de la plongée ou de la contre-plongée selon que lacaméra subjective se place du point de vue de l’enfant ou de l’adulte. (Le passage à l’analyse textuelle du roman deDickens en sera facilitée, la focalisation interne en étant un procédé majeur). L’élaboration d’un plan dégageant lesprocédés majeurs peut être réalisée sous forme ramifiée qui amène l’élève à partir de l’idée pour l’illustrer d’unargument et/ou d’un procédé et d’un exemple pris dans le passage filmique selon un plan ramifié ou carte heuristique.

De même, après la lecture analytique d’un texte, le professeur peut-il proposer à sa classe de faire la synthèsede ce qui a été dit. Après la lecture de l’enfant de Victor Hugo, on demandera aux élèves de poser sous forme de planles éléments par lesquels Hugo dénonce la guerre. On invitera l’élève à toujours partir du sens du texte. Ainsi multiplierles exercices de justification, de reformulation d’un point de vue en postparation prépare-t-il au commentaire.

Nota bene : la postparation consiste à donner un travail aux élèves après l’étude du texte. Elle permet ainsid’évaluer ce qu’il est capable de retenir du travail élaboré en commun au cours de la lecture analytique, de transférerdes compétences ou des savoirs sur d’autres objets.

ACADEMIE DE LILLE

Mais reste à préparer l’élève à la rédaction. Cet entraînement doit être progressif. On peut ne demander auxélèves que la rédaction d’un paragraphe. On pourra alors s’attacher au problème de l’insertion des citations dans laphrase, aux termes introducteurs de la citation, à l’analyse des effets produits par tel ou tel procédé d’écriture ou à larédaction de l’introduction. A cet égard, le travail en salle pupitre est très utile en ce qu’il permet d’individualiser letravail de l’élève et d’obtenir de lui plusieurs strates d’écriture au terme desquelles sa note sera arrêtée quand le résultatattendu sera obtenu.

Enfin, l’idée que le commentaire doit absolument dérouler trois axes de lecture selon un schéma canonique està remettre en cause. Le commentaire composé n’est plus attendu à l’épreuve anticipée de français du baccalauréat.(Voirsupra). Le travail d’écriture attendu est un commentaire qui peut ne développer qu’un seul point de vue ou suivre lacomposition du texte. Mieux vaut un commentaire approfondi ne développant qu’une seule idée avec cohérence qu’unecoquille vide proposant trois « axes » artificiels . Mais si la préparation au commentaire se déploie à travers toutes lesactivités de lecture, on ne s’étonnera pas de voir de bons élèves se montrer capable dès la seconde de ménager unetransition entre deux parties faisant passer le lecteur del’étude de ce qui est manifeste dans le texte au questionnementde ce qui résiste à une première lecture.

On le voit, l’entraînement à l’exercice du commentaire doit être systématique en seconde. Les années decollège y préparent aussi, pour peu que les professeurs n’enferment pas les élèves dans les cadres trop étroits dequestionnaires techniques, mais leur permettent de justifier leur point de vue sur les textes lus et étudiés à l’écrit.

Voir un exemple de réécriture de commentaire en salle pupitre sur la scène 4 de l’acte I de Tartuffe, à partir desdifférentes difficultés rencontrées par les élèves dans une classe de seconde (document en annexe).

1. L’ absence de construction du plan2. Une illustration et un appui sur le texte insuffisants3. Une justification insuffisante4. Le problème de l’insertion des citations dans la phrase5. La mise en valeur de chaque nouvel élément par des connecteurs inadéquats6. La difficulté à écrire en respectant la règle du jeu : l’écriture de commentaire doit exclure la prise à partie

du lecteur et prend en compte le destinataire anonyme qu’est le correcteur sans s’adresser à lui.

Utilisation des TICE :

- Utiliser la carte heuristique pour apprendre à dérouler un plan développant à fond les remarques faites à l’aide dulogiciel FreeMind ou de la technique du plan ramifié disposé sur feuille A4 en mode « paysage », selon le shémasuivant :

Idée Argument et/ou procédé citation analyse du procédé et de l’effet produit

- Utiliser le traitement de textes pour travailler la langue du commentaire et permettre les progrès sans que la note nesoit arrêtée trop tôt.

- Utiliser le diaporama pour amener l’élève à concevoir un plan, chaque diapositive préparant la suivante. L’intérêtdu diaporama réside dans le fait que l’élève ne peut intégrer dans chaque diapositive beaucoup de texte. Lediaporama l’oblige à annoncer son plan, à énoncer clairement ses arguments, à nommer les procédés etc.

Déroulement et évaluations :

Bien distinguer l’évaluation formative de l’évaluation sommative. Le travail obtenu en début de seconde oumême de première ne peut être évalué à l’aune de ce qui est attendu en fin de première. Les apprentissages doivent êtreprogressifs. Il est important de permettre à l’élève de recommencer tout ou partie de son travail avant de lui mettre unenote chiffrée.

Une grille d’autoévaluation peut être construite avec la classe, de manière à ce que l’élève comprenne ce qu’onattend de lui.

ACADEMIE DE LILLE

Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

Compétences de lecture : sensibilité, compréhension, reformulation, capacité à utiliser à bon escient des outils d’analyseCompétences génériques : rattacher un texte à un discours, à un genre, à un mouvement littéraireCompétences d’argumentation : justifier un point de vue en s’appuyant sur le texte, « aptitude à construire un jugementargumenté »Compétences d’écriture : être capable de rédiger correctement (« maîtrise de la langue et de l’expression »)

Questions liées, prolongements :Qu’est-ce que lire ?

Comment faire lire ? Comment faire entrer dans un texte ?

Comment évaluer la lecture en collège ?

Comment évaluer la lecture en lycée ?

Comment aborder une œuvre intégrale au lycée ?

INTERET ET ENJEU(X)

DE LA QUESTION

Revivifier l’exercice codifié du commentaire de sorte que les élèves prennent unégal plaisir à le faire qu’à avoir lu le texte à commenter.Rendre les élèves acteurs de leur apprentissage, les motiver en créant lesconditions d’un rapport vivant et non scolaire à l’œuvre littéraire.Mettre les élèves en situation de pouvoir choisir l’exercice du commentaire le jourde l’EAF et de le réussir.

EFFETS SUR LA GESTION

DE LA CLASSE

Des élèves qui au lieu de recopier des sites proposant des commentaires tout faitssans les comprendre construiront progressivement leur propre lecture.

Des élèves qui donneront plus de sens à leur travail, participeront davantage lorsde l’oral et auront à cœur de rendre des travaux écrits personnels

ECUEILS A EVITER

Considérer que le commentaire nécessite une préparation spécifique.Faire des cours de méthodologie donnant la recette du commentaire pour sedispenser d’accompagner les premiers travaux d’écriture des élèves.Evaluer d’entrée au vu du résultat attendu le jour de l’examen.Ne pas permettre à l’élève de recommencer ses travaux pour améliorer son résultatLui interdire d’utiliser le traitement de texte sous prétexte qu’il devra se passerd’ordinateur le jour des épreuves.

Bibliographie

- Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier lalittérature ? de Jean Marie Shaeffer Sur le statut de la lecture commeexpérience propre- Façons de lire, manières d’être de Marielle Macé. Compte rendu de sonessai sur le site du café pédagogique :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/07/11072012Article634775793988578825.aspx

Sitographie

- « L’explication de texte littéraire, un exercice à revivifier », par M. PatrickLaudet, Inspecteur général

http://media.eduscol.education.fr/file/Francais/09/5/LyceeGT_Ressources_Francais_Explication_Laudet_182095.pdf ou faite sur Google la requêtesuivante « Laudet explication «- Un exemple de passage de la lecture analytique à l’exercice ducommentaire, ou comment une classe part de ses réactions de lecture pourrevenir sur le texte et construire un plan

http://lettres.discipline.ac-lille.fr/ressources/projets-lycee/seconde/le-roman-et-la-nouvelle-au-xixe-siecle/la-nouvelle-fantastique-au-xix-eme-siecle

ACADEMIE DE LILLE

Un exemple de réécriture

de commentaire en classe pupitre

Sujet. Montrez que la scène 4 de l’acte I de Tartuffe est une scène comique.

Texte : Acte I, Scène 4. - Orgon, Cléante, Dorine.

ORGON.Ah ! mon frère, bonjour

CLÉANTE.Je sortais, et j'ai joie à vous voir de retour.La campagne à présent n'est pas beaucoup fleurie.

ORGON.Dorine.... Mon beau-frère, attendez, je vous prie :Vous voulez bien souffrir, pour m'ôter de souci,Que je m'informe un peu des nouvelles d'ici.Tout s'est-il, ces deux jours, passé de bonne sorte ?Qu'est-ce qu'on fait céans ? comme est-ce qu'on s'y porte ?

DORINE.Madame eut avant-hier la fièvre jusqu'au soir,Avec un mal de tête étrange à concevoir.

ORGON.Et Tartuffe ?

DORINE.Tartuffe ? Il se porte à merveille,Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille.

ORGON.Le pauvre homme !

DORINE.Le soir, elle eut un grand dégoût,Et ne put au souper toucher à rien du tout,Tant sa douleur de tête était encore cruelle !

ORGON.Et Tartuffe ?

DORINE.Il soupa, lui tout seul, devant elle,Et fort dévotement il mangea deux perdrix,Avec une moitié de gigot en hachis.

ORGON.Le pauvre homme !

DORINE.La nuit se passa toute entièreSans qu'elle pût fermer un moment la paupière ;Des chaleurs l'empêchaient de pouvoir sommeiller,Et jusqu'au jour près d'elle il nous fallut veiller.

ORGON.Et Tartuffe ?

DORINE.Pressé d'un sommeil agréable,Il passa dans sa chambre au sortir de la table,Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,Où sans trouble il dormit jusques au lendemain.

ORGON.Le pauvre homme !

DORINE.A la fin, par nos raisons gagnée,Elle se résolut à souffrir la saignée,Et le soulagement suivit tout aussitôt.

ORGON.Et Tartuffe ?

DORINE.

ACADEMIE DE LILLEIl reprit courage comme il faut,Et contre tous les maux fortifiant son âme,Pour réparer le sang qu'avait perdu Madame,But à son déjeuner quatre grands coups de vin.

ORGON.Le pauvre homme !

DORINE.Tous deux se portent bien enfin ;Et je vais à Madame annoncer par avanceLa part que vous prenez à sa convalescence.

Problèmes rencontrés dans les commentaires des élèves

1. Une absence de construction du plan

2. Une illustration et un appui sur le texte insuffisants

3. Une justification insuffisante

4. Le problème de l’insertion des citations dans la phrase

5. Une mise en valeur de chaque nouvel élément par des connecteurs inadéquats

6. Une difficulté à écrire en respectant la règle du jeu : l’écriture de commentairedoit exclure la prise à partie du lecteur et prend en compte le destinataire anonymequ’est le correcteur sans s’adresser à lui.

NB. Les problèmes posés par l’introduction et la conclusion ne sont pas pris en compte.

ACADEMIE DE LILLE

Dispositif de remédiation séquencé

1. Le plan n’est pas cohérent

Problème rencontré : le commentaire est inorganisé

Remédiation :

1. Proposer à l’élève de développer son point de vue par un plan ramifié ou en arborescence.

2. L’aider à construire son plan, à hiérarchiser les différentes parties en classant les éléments du plan, en le mettant en débat parun travail de groupe ou collectif.

3. Donner quelques principes :

Trois réponses non exclusives l’une de l’autre :

- aller du plus évident au moins évident, du simple au complexe- procéder par ordre croissant d’importance- tout en suivant, dans la mesure du possible la progression du texte à analyser .

4. Construire un plan ramifié en respectant le schéma suivant :

Idée directrice argument ouou procédé

procédé citation analyse de lacitation

Exemple :

Une scène comique la répétition une même structure « Et Tartuffe ? dialoguede sourd

x4 « le pauvre homme

Avantages :

L’élève visualise son plan et perçoit bien que l’argument est à l’appui de la thèse, que l’exemple vient renforcer l’argument et quel’analyse de l’exemple aboutit à la thèse posée, le tronc de l’arbre.

Effets pervers :

- L’élève rédige, faute le plus souvent d’un plan très détaillé, en recopiant son plan sans en relier les éléments ou il les relieartificiellement sans tenir compte du sens en leur plaquant la structure inopérante du « ensuite », « puis » etc. ? Voir point 5 .

L’exemple du plan d’Axel et de sa copie est à cet égard révélateur :

La scène estcomique

Comique derépétition

La répétition d’unéchange derépliques identique(x4)

-« Et Tartuffe ? »«-« Le pauvrehomme ! »

Un dialogue desourd comique

ACADEMIE DE LILLE

Si le principe du plan en arborescence est acquis (il a même été, ici, joint à la copie, le commentaire, malgré une structurationévidente et le soin apporté à la rédaction, reste sommaire.

Première version rédigeant le plan :

Réécriture :

Une réécriture en salle pupitre permettra à tout le moins de faire comprendre à l’élève la nécessité de se justifierautrement qu’allusivement (voir point 2) et de recomposer le plan de sorte que les différentes formes de comique s’enchaînent dupoint de vue du sens (voir point 5) .

L’exemple ci-dessous est certes encore à améliorer, tant du point de vue de la justification que de celui de la langue ( onrelèvera par exemple le problème de l’usage du passé pour rendre compte de l’action de personnages fictifs : il aurait fallu utiliserle présent dans le dernier paragraphe. ), mais il témoigne de progrès indéniables d’un élève peu porté à rendre compte à l’écritd’une analyse.

ACADEMIE DE LILLESeconde version :

2. L’appui sur le texte est insuffisant

Problèmes rencontrés :

Le texte est allusif, on ne sait à quoi il réfère ; le destinataire du commentaire étant le professeur, l’élève ne voit paspourquoi il prendrait le temps de développer davantage puisque « le prof » connaît le texte.

On attend des exemples développés de sorte qu’ils soient intelligibles à qui n’aurait pas lu le texte ; il ne faut pas secontenter d’allusions.

Exemple de la copie de Marion :

Tout d’abord on trouve un comique de répétition, lorsqu’on répète quatre fois « et Tartuffe ? », « Le pauvre homme ! » etque Dorine reparle toujours du cas de Madame.Remédiation : réécriture en salle pupitre ; je demande à Marion de rappeler les circonstances des paroles qu’elle rapporte et de

dire en quoi ce fait est comique

Après réécriture :

Tout d’abord , on trouve un comique de répétition ; Orgon répète quatre fois « Et Tartuffe » quand Dorine donne desnouvelles de sa femme. Et il répond toujours après les nouvelles de Tartuffe : « Le pauvre homme ! » alors que les nouvelles sontbonnes ; la situation avec Orgon est comique car il ne pense qu’au bien être de Tartuffe alors que sa femme ne va pas bien. C’estcomme s’il était fou de Tartuffe.

3. La justification est insuffisante

Premier exemple :

Molière utilise aussi un comique de contraste car il fait l’opposition de l’état de santé d’Elmire qui est mourante et deTartuffe qui se porte à merveille.

Remédiation :

L’élève est amené à réécrire son paragraphe en l’amplifiant et en montrant en quoi Elmire est mourante et Tartuffe « seporte à merveille » , en reprenant la série d’oppositions (le repas, le coucher, la résolution) et en montrant comment s’exprimecette opposition .

Son attention est attirée ici sur le fait qu’il a repris une expression du texte sans l’avoir mise entre guillemets . Cf point 4

On peut proposer aux élèves qui ne se contentent que d’un exemple de contraste de revenir sur le texte à l’aide de cettefiche à renseigner.

ACADEMIE DE LILLEQuestion : Quelles nouvelles apprenons-nous de Dorine au sujet d’ Elmire et de Tartuffe ? Que constatez-vous ?

NOUVELLES DE MADAME NOUVELLES DE TARTUFFE

1.

2.

3

4.

Second exemple :

1. Exemple : copie de Simon :

Il y a aussi l’emploi comique de plusieurs sortes de mots « Et fort dévotement il mangea » Il y a deux mots qui sont denature différente, ou encore « gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille. »ou d’un autre élève :

Il y a aussi certains emplois de mots : « Et fort dévotement, il mangea » . Il y a deux mots de nature différente.

2. à comparer avec celui-ci :

Le travail en classe pupitre laisse le soin à l’élève de développer l’illustration par strates successives de réécriture sansavoir à recopier chaque fois le texte. Il prend ainsi conscience de la nécessité d’enrichir son propos.

4. Le problème de l’insertion des citations dans la phrase

Problèmes rencontrés :

On attend un appui sur le texte qui doit- le reformuler (nécessaire paraphrase)- le citer, en évitant :- les citations trop longues- les citations tronquées qui ne forment pas une phrase correcte

Exemple de mauvaise insertion dans la phrase :

a. la citation doit être insérée dans la phrase, de sorte que celle ci forme une phrase correcteb. ou former à elle seule une phrase.

Extraits de copies présentant des citations mal insérées et/ou ne formant pas des phrases correctes :

1. Il y a deux mots qui sont de nature différente,. ou encore « gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille »

2. En outre on rencontre un comique de contraste car la femme d’Orgon est malade et Tartuffe se porte très bien. Ellen’arrive pas à dormir « sans qu’elle pût fermer un moment la paupière » et lui dort à poings fermés. « Où sans trouble il dormitjusques au lendemain »

Remédiation :

- Faire réécrire les phrases concernées après une identification des problèmes syntaxiques posés. Dans le second exemple proposése pose le problème de la subordonnée « sans qu’elle pût fermer un moment la paupière » qui ne peut se rattacher à dormir car

ACADEMIE DE LILLEprécisément Elmire ne dort pas, mais passe la nuit entière sans pouvoir le faire. La seconde citation, quant à elle, ne forme pasune phrase complète, il faut donc soit citer toute la phrase et notamment sa principale en la liant au commentaire par les deuxpoints :

« Et dans son lit bien chaud, il se mit tout soudain,Où sans trouble il dormit jusques au lendemain. »

soit la recomposer de sorte que l’antécédent du relatif « où » apparaisse.

- Faire trouver aux élèves comment .

5. Quand la mise en valeur de chaque nouvel élément par desconnecteurs pose problème

Problème rencontré : quasiment tous les élèves font un mauvais usage de « Ensuite » ou « Puis ». Si ces connecteurs permettentbien de mettre en valeur dans un texte successivement plusieurs arguments, certains termes d’addition tels « ensuite » ou « puis »,évoquent un succession d’actions et ne peuvent s’employer dans le commentaire quand le sujet de la phrase est l’auteur.

Ex : Tout d’abord, Molière utilise le comique de répétition (…) Puis il utilise le comique de caractère. (…) Ensuite, Molièreutilise le comique de situation.

Remédiation :

a. Faire réfléchir le groupe à l’usage d’autres connecteurs en l’invitant à chercher le lien logique qui unit la première remarque àpropos de la répétition et la seconde à propos du caractère d’Orgon. Celle-ci découle de celle -là. La folie d’Orgon est biendonnée à voir par la répétition des mêmes questions faites à Dorine. De cela découle une situation comique liée au fait que lespectateur assiste à un dialogue de sourd. Molière n’use pas d’une forme de comique l’une après l’autre, c’est l’élève qui souhaiteles mettre en valeur en les détachant et les présente successivement.

b. Faire réécrire la transition entre les deux éléments.

6. Une difficulté à écrire en respectant la règle du jeu : lecommentaire exclut la prise à partie du lecteur et prend en compteun destinataire anonymeExemple du texte de Matthieu :

Introduction :En effet, l’arrivée d’Orgon est comique. Mais pourquoi ? Là est la question, mais ce commentaire est là pour y répondre,

pour que vous lecteurs, ne soyez pas trop embêtés à chercher les mille et une raisons de ce comique. (…)

Conclusion :Malheureusement pour vous lecteurs, toutes les bonnes choses ont une fin et ce commentaire a un tir qui s’achève.Je

vous demanderai, lecteurs, de ne pas pleurer en voyant tous les carreaux vides sur cette page, mais si vous pouviez éviter detoucher la copie, ce ne serait pas si mal. Ainsi s’achève ce commentaire rédigé sur Tartuffe, que vous relirez peut-être plusieursfois avant d’inscrire un zéro sur la copie ridicule de cet élève.

Remédiation en salle pupitre : Inviter l’élève à supprimer lui-même à l’aide du traitement de texte tous les messages qui neconcernent pas l’étude du texte.

ACADEMIE DE LILLE

Travail sur l’évaluation du commentaire

ObjectifAider l’élève à intégrer les exigences de l’écriture de commentaire .

Démarche :

Activité 1 :- faire construire une grille récapitulant ce qui est attendu.

Insuffisant Très bienOrientation nette du discours

Logique du commentaire parrapport à l’hypothèse de lectureAppui sur le texte, reformulé

Texte cité (citations bien insérées)

Citations analysées (effet produit)Connecteurs pertinents outransitions entre les éléments duplan

Activité 2 : Faire réfléchir l’élève à la part de l’analyse dans la justification en lui proposant d’évaluer un commentaire rédigé.

Cette évaluation peut se faire seul ou à plusieurs, l’important est de privilégier le débat en proposant de comparer trois rédactions,sur le principe du premier travail non séquencé décrit dans la première partie. (Voir « Comment remédier aux problèmesrencontrés par les élèves de lycée dans le domaine de l’argumentation ? »)

ACADEMIE DE LILLE

Trois exemples de copies réussies après réécriture :

ACADEMIE DE LILLE

.

ACADEMIE DE LILLE